Chapitre 10
La graine et le terreau. Repenser le nexus genre, migration/développement
p. 307-329
Note de l’auteur
À l’heure de finaliser ce texte, nous avons une pensée particulière pour Bruno Lautier, qui fut notre directeur de thèse respectif. Nous lui sommes redevables des heures passées à arpenter certains chemins intellectuels, d’avoir éveillé en nous une curiosité, en résonance, nous l’espérons, avec le regard singulier qu’il portait sur les êtres et les choses. Les auteures souhaitent également remercier Christine Verschuur pour ses commentaires et suggestions avisés ayant permis de rendre plus lisible notre propos.
Texte intégral
1Le thème du nexus migration/développement après avoir suscité débats, polémiques, maints travaux académiques et rapports d’organisations internationales est quelque peu tombé en désuétude, passé de mode, pour être revisité et réhabilité ces dernières années aussi bien dans le champ politique que de la recherche (Haas, 2010). Jusqu’à l’aube de ce nouveau siècle, la majorité des travaux ont adopté une perspective économique, s’intéressant particulièrement à l’ampleur des transferts de fonds des immigré-e-s, aux formes prises par ces envois et à leurs coûts, aux types d’investissements dits « productifs » effectués, à leur impact sur le développement local (voir la revue de la littérature par Montoya Zavala, 2006). Ces études ont conséquemment analysé le nexus migration/développement, sous l’angle de la production et ont fait la part belle aux hommes. Nous pourrions dire en usant d’une métaphore qu’elles se sont appliquées à analyser la dynamique migratoire à partir de la perspective de la graine, en se focalisant sur la sphère productive sans considération de ses relations avec la sphère reproductive, que nous pourrions dénommer « le terreau » pour poursuivre dans le registre imagé2.
2La décennie écoulée a vu une abondante production scientifique mettre en lumière le protagonisme des femmes migrantes en appliquant à l’étude des migrations internationales un regard se présentant comme genré. Cette littérature s’est centrée, dans une large mesure, sur l’analyse de la thématique femmes/genre et migrations, à partir de l’internationalisation de la reproduction sociale (lesdites « chaînes globales de soins »). Ce faisant, l’apport du genre ou, pour le moins, d’une vision sexuée appliquée aux migrations internationales, ainsi qu’au nexus migration/développement, a permis de mettre sous le feu des projecteurs « le terreau » ; cette mise en visibilité et valorisation corrélative des activités reproductives – largement réalisées par des femmes – s’est néanmoins opérée en perdant de vue sa relation à la graine. Ainsi, relativement rares ont été les travaux portant sur la thématique migration/développement dans une approche genrée ayant cherché à étudier l’articulation entre stratégies productives et reproductives mises en œuvre par les foyers transnationaux et l’impact afférent sur le développement.
3Nous chercherons, dans un premier temps, à présenter la manière dont la production scientifique a abordé la problématique migrations, femmes/genre et développement des années 1950 à nos jours. Ce vaste objet d’études admet ici d’importantes (dé)limitations. Nous serons conduites à définir la manière dont les théories liées au développement, ainsi que les études genre ou sexuées, ont influé sur la production des connaissances relatives aux femmes migrantes. L’influence du genre sera ici évoquée à l’exclusion des premières études ayant cherché à sortir les femmes migrantes de l’invisibilité conceptuelle, politique et sociale dans laquelle elles furent un temps enserrées, ainsi que des théories intersectionnelles dont la portée dépasse ici notre champ d’investigation. Procédant à une brève généalogie de la production des connaissances en la matière, nous rappellerons dans quelle mesure et sous quelle modalité les théories classiques du développement ont invisibilisé les femmes au sein des études sur les migrations internationales (ainsi qu’au sein du nexus migration/développement) et comment un regard genré ou sexué a permis d’enrichir la compréhension dudit nexus.
4Nous identifierons, dans ce cadre, deux phases : la première s’étendant des années 1950 au tournant du siècle dominée par les débats autour des théories de la modernisation et de la dépendance, ainsi que par des réflexions attenantes au nexus migration et développement de type économiste, voit le genre occulté et la femme migrante occuper une place secondaire. Étape que nous dénommerons comme celle d’un débat centré autour de la graine. La seconde étape, s’initiant au tournant du siècle, se caractérise par l’émergence de nouvelles perspectives théoriques, auxquelles les féministes apporteront leur contribution, ouvrant la voie à une réflexion autour, notamment, des pratiques transnationales, et s’intéressant au caractère social et non plus spécifiquement économique du nexus migration/développement. Le regard porté sur la participation active des femmes aux processus migratoires – « femmes qui partent » et « femmes qui restent » – s’en trouve modifié : elle apparaît mise en visibilité. Une volonté de mettre au jour l’aspect genré des migrations donne plus particulièrement lieu à un débat sur la division internationale du travail reproductif au travers des chaînes de soins. Il s’agit de l’étape que nous nommerons l’étape axée sur le « terreau ».
5Nous chercherons finalement à dégager quelques pistes d’analyse permettant de penser la relation migration/genre et développement sous le prisme de l’articulation des stratégies productives et reproductives des foyers transnationaux. Ainsi, plus que nous centrer exclusivement sur la graine ou le terreau, nous proposons de penser leur relation de manière articulée, étoffant ainsi notre compréhension du nexus migration/développement.
La graine : la production en exergue (1950-2000)
6La production scientifique s’est intéressée à la relation migration/développement dès l’avènement des débats entourant le développement ayant émergé dans les années d’après-guerre, de telle sorte que l’expression « nexus migration/développement » en est, en définitive, venue à qualifier et signifier cette relation (Nyberg-Sørensen et al., 2002 ; Haas, 2010, entre autres)3.
7Nous pouvons différencier diverses phases au sein desquelles le nexus migration/développement a été différemment pensé des années 1950 au tournant du siècle. Au cours d’une première phase, dite optimiste, se développent les théories de la modernisation. Au cours de la seconde dite pessimiste, s’imposent les théories de la dépendance (Haas, 2010) à laquelle succèdera un relatif désintérêt et désenchantement vis-à-vis des politiques du développement.
8On connaît le peu de place accordé aux femmes au sein des théories du développement qui se sont succédé : théories de la modernité et théories de la dépendance. Dans l’approche des théories de la modernité, le développement, autrement dit, la modernisation, ne peut se construire que dans l’espace public, en contrepoint de la sphère domestique où sont reléguées les femmes. Dans celle de la dépendance, l’homme se maintient comme la figure révolutionnaire par excellence, appelée à s’ériger contre l’exploitation de classe et le système d’oppression en place (Scott, 1995). Dans ce contexte, les approches analytiques qui ont traditionnellement dominé l’étude des mouvements migratoires (néoclassique et structuraliste), elles-mêmes influencées par ces paradigmes classiques du développement (modernisation et dépendance), ainsi que par le stéréotype de la femme économiquement « inactive », réduite/confinée à l’espace privé du foyer, ont réservé aux femmes une place secondaire4. Leurs analyses, qu’elles soient centrées sur les décisions rationnelles des individus (perspective néoclassique) ou sur les déterminants structurels de la migration (approche structurelle), coïncident dans leur appréhension de l’homme [immigré] comme travailleur, acteur économique et figure révolutionnaire (Oso, 1998)5.
9L’invisibilité, associée à la déconsidération du travail des femmes, dans la sphère marchande ou dans la sphère domestique, dans les pays du Sud comme dans les pays du Nord, constitue donc un point d’ancrage de cette occultation des femmes migrantes.
10Des travaux mettant l’accent sur les femmes, voire proposant une perspective genrée, participeront à un infléchissement, à défaut de renouveler les termes du débat entourant le nexus migration/ développement au cours de cette première étape.
11La période est marquée par un ouvrage, faisant figure de pionnier, Woman’s role in Economic Development (1970). Ester Boserup y pointe notamment l’invisibilité du travail des femmes dans l’agriculture des pays du Tiers Monde6. Au Nord, un débat fervent et technique s’instaure, qui perdurera jusque dans les années 1980-1990, autour du travail domestique non rémunéré. Ce dernier fait l’objet d’une campagne de réévaluation intellectuelle sous l’impulsion notamment de travaux féministes puisant dans une plus ou moins large mesure dans les outils conceptuels du marxisme pour l’amender ou s’en dégager7. Notons qu’en mettant en avant un rapport de classe entre hommes et femmes, en présentant les femmes comme une classe face aux hommes, le courant matérialiste francophone n’a, par exemple, que peu considéré l’expérience des femmes migrantes ou colonisées (Moujoud et Falquet, 2010). Au demeurant et plus extensivement, les femmes migrantes se maintiendront, à quelques exceptions près, dans l’invisibilité au sein des débats académiques, jusque dans les années 1980-1990.
12Au cours des années 1980, les théories structuralistes n’ayant prétendument pas fait leurs preuves, la théorie néoclassique s’impose comme nouvelle orthodoxie dans le domaine de l’économie du développement. Ce sont également celles de la mise en place des politiques dites d’ajustement structurel dans les pays du Sud qui découleront de cette orthodoxie avec leur cortège d’exclusions et de pauvretés. Les organisations internationales comptent déjà sur les individus pour alléger les effets de la pauvreté. La Banque mondiale ou le Bureau international du travail promeuvent le développement du secteur informel dans les pays du Sud pour amortir les effets de ces politiques (Lautier, 2004).
13On reparle volontiers de « féminisation de la pauvreté » pour marquer notamment la plus grande vulnérabilité des femmes – dont certaines sont femmes de migrants restées au pays – à ces processus d’ajustements structurels qui ont cours8. On découvre ou redécouvre à cette occasion que des femmes sont cheffes de famille, ce qui les rend plus « visibles ». Dans ce contexte, un ensemble de travaux s’intéresse aux conjointes de migrants restées au pays ou dans la localité d’origine, appelées plus communément, « femmes qui restent ». Ces travaux, parfois méconnus dans le champ des migrations internationales, ont appliqué un regard genré à l’étude de populations impliquées dans des mouvements de population, en centrant leur analyse non seulement sur les questions classiquement relayées dans ce champ académique, celles de production, mais également de reproduction. Cette prise en compte, en partie conjointe, ne vient s’appliquer qu’aux femmes qui restent, le champ des migrations consacrant l’homme productif comme principal protagoniste des mouvements migratoires et dépeignant largement les femmes en migration comme des femmes au foyer, inactives, passives, dépendantes. Ainsi au cours des années 1980 et 1990, des travaux portent réflexion sur l’effet de la migration masculine et de la corrélative chefferie féminine. Les études comparent l’affectation des ressources aux domaines de l’éducation et de la nutrition des enfants par différents cheffes de famille dits de jure (hommes, femmes veuves, divorcées, etc.) ou de facto (femmes de migrants, femmes de polygames). Il en va ainsi, parmi d’autres, des travaux de Kossoudji et Mueller sur le Botswana (1983), de Kennedy et Peters sur le Kenya et le Malawi (1992) ou de Buvini et Gupta (1994) (cités par Oso et Catarino, 1996). Ces travaux manifestent ainsi un intérêt certain pour le développement humain dont ils apprécient certains indicateurs (nutrition, santé, éducation) au côté des aspects plus classiques de revenus et examinent l’effet des migrations masculines sur l’autonomie et l’empowerment des femmes. Ils relèvent que les « femmes qui restent » n’ont pas toujours accès à la gestion des ressources de la migration [transferts migratoires des hommes], du fait de l’effet des structures familiales et patriarcales (Taylor, 1984 ; Bendiab, 1991 cités par Oso et Catarino, 1996) ; que les femmes gèrent parfois lesdits transferts migratoires à destination des moyens de reproduction du foyer, tout en devant prendre en charge les fonctions auparavant traditionnellement dévolues aux hommes dont les activités de production dans l’agriculture. Leur implication croissante dans la production apparaît cependant invisibilisée ou rendue plus difficile, nous disent-ils, du fait d’une discrimination dans l’accès aux facteurs de production liée aux relations de genre et structures patriarcales dans les pays d’origine : moindre accès aux intrants, au crédit, aux droits fonciers, difficultés liées au recrutement de main-d’œuvre sans compter parfois l’absence de volonté des institutions de les épauler dans leur entreprise (Buvinić et Gupta, 1994).
14Les travaux des économistes féministes alertent contre les effets genrés des politiques d’ajustement structurel, sur le report des responsabilités et charges sur les foyers du Tiers Monde dans un contexte de désengagement des États – prenant la forme de coupes budgétaires – et de libéralisation des échanges (pour une présentation voir Çağlar, 2010). Les effets destructeurs sont absorbés au prix d’un surtravail féminin non rémunéré, autrement dit de l’implication croissante des femmes dans les mécanismes de la reproduction sociale (Elson, 1994 citée par Çağlar, 2010). Les femmes de migrants, partis chercher des moyens de subsistance, semblent bien être concernées par ce surtravail, tout en devant composer avec les contraintes d’accès à d’éventuelles ressources migratoires.
15Comme mentionné, d’un côté, les théories classiques du développement, de la modernisation, de la dépendance, focalisées sur la sphère productive (la graine) ont invisibilisé le rôle des femmes ; les études portant sur les femmes cheffes de famille, femmes de migrants souscrivant à la vulgate de la « féminisation de la pauvreté » ou la contestant ont mis l’accent sur le faible accès des femmes aux moyens de production comme facteur de vulnérabilité et ont interrogé la question de l’autonomie dans la gestion des ressources issues de la migration (l’autonomie financière comme source d’émancipation), éléments qui ne sont pas sans rappeler les prémisses de ces théorisations. Elles l’ont fait tout en usant d’indicateurs de développement/pauvreté autres que les seuls revenus tels la nutrition et l’éducation des enfants et en interrogeant l’effet du genre (femmes versus hommes chef-fes de famille) sur l’affectation et la gestion des ressources. Par infimes touches, le regard sensible aux femmes, féministe ou genré – qu’il se réfère à des « besoins essentiels », qu’il relève (ou se rapproche) de la perspective du développement humain ou des critiques émanant des économistes féministes – a permis de pointer d’autres aspects du nexus migration/développement que les seuls aspects économiques traditionnellement relevés. L’ensemble préfigurera la prochaine étape prenant la forme d’une certaine focalisation des études migratoires sur l’aspect reproductif, dans une perspective cherchant à mieux valoriser celui-ci. La paternité transnationale, quant à elle, n’est interrogée, à quelques exceptions près9, que du point de vue du bien-être matériel des enfants et non pas au regard de leur bien-être psychologique, et on ne se demande pas s’il en coûte aux pères migrants d’être éloignés de leurs enfants. En évacuant les hommes du cadre de la reproduction sociale, l’analyse perpétue, d’une certaine façon, la division entre tâches reproductives largement assignées aux « femmes qui restent » et tâches productives relevant en priorité des hommes migrants, reproduisant ainsi la classique division sexuelle du travail au sein du débat académique.
Le terreau : la reproduction en action (2000-2015)
16L’intérêt pour le nexus migration/développement, émoussé par le désenchantement vis-à-vis des politiques de développement, est ravivé à la faveur de la crise économique, de la crise de la reproduction sociale dans les pays du Sud (re)mettant au goût du jour l’importance des transferts d’argent des migrant-e-s. Dans le sillage du développement de la nouvelle économie de la famille ou nouvelle économie des migrations (NEF et NEM), des études sur les Household Livelihood Strategy, sur les réseaux sociaux, sur le transnational (Haas, 2010), on en vient à s’intéresser aux foyers [transnationaux]. La perspective transnationale, qui se développe dès le début des années 1990, met à jour la façon dont les migrant-e-s construisent et maintiennent des relations socioéconomiques et culturelles, par-delà des frontières (Basch et al., 1994 ; Vertovec, 1999). Si nombre d’études relevant du prisme transnational portent encore le sceau d’un androcentrisme, en considérant des activités essentiellement exercées par des hommes ou, plus exactement, tenues pour telles (maintien par-delà les frontières de transferts migratoires monétaires, activités politiques et associatives), la prise en compte du transnational et celle, corrélative, des foyers s’avère de nature à mieux appréhender le genre. Mais les études de genre ou un regard genré porté sur les foyers ne sont également pas étrangers à ce développement, car ni les études sur le transnational, ni celles se revendiquant de la nouvelle économie des migrations ne peuvent, à elles seules, être rendues comptables de cette plus ample prise en compte10.
17La nouvelle économie des migrations, par exemple, critique l’approche néoclassique et sa focalisation sur les individus en vue d’expliquer le phénomène migratoire en intégrant de nouvelles unités d’analyse : famille, relations de parentèle, communautés (Portes, 1997 cité par Mezzadra, 2011). Ses postulats épousent ceux de la nouvelle économie de la famille et sa critique de l’économie orthodoxe : ce ne sont plus les individus qui cherchent à maximiser leurs revenus ou fonction d’utilité, mais l’unité familiale perçue comme unité de décision (Ferber et Birnbaum, 1977 ; Borderías et Carrasco, 1994). Mais il faut compter avec l’incorporation des critiques d’économistes féministes pour réellement considérer les foyers [migrants] comme des arènes de conflits, des unités façonnées de relations inégalitaires, notamment suivant des lignes de division sexuées (Agarwal, 1997). Ainsi, des auteures telles que Nancy Folbre (1986) récusent-elles ou mettent-elles en doute l’existence de foyers au sein desquels des hommes se comporteraient de manière altruiste, tandis qu’en bons homo-economicus, et dans une perspective utilitariste, ils sont supposés endosser l’habit de personnages rationnels (et égoïstes) sur les marchés. Une lecture sexuée des références aux réseaux familiaux et communautaires s’impose pour qui veut saisir ce qui se joue réellement dans les migrations et les phénomènes transnationaux.
Au-delà de la vision « économiciste » des transferts migratoires
18Dans la vogue des études portant sur le transnational, et sous l’influence notamment de travaux féministes ou sensibles aux différences sexuées, ont commencé à être examinées non seulement les pratiques économiques, mais également sociales transnationales (investissements, stratégies d’envois de capitaux, cadeaux, produits, réseaux de communication, etc.). Ainsi, au regard du nexus migration/développement, s’ouvre une nouvelle perspective d’analyse : celle consistant à prendre en compte non seulement les transferts migratoires économiques/financiers, mais également d’autres types de transferts transnationaux qui recouvrent le champ social, culturel et symbolique.
19Nombreux sont ainsi les travaux portant sur les dénommés « transferts migratoires sociaux » (« social remittances »). Sous ce vocable, la littérature se réfère à la circulation, entre pays d’origine et pays d’accueil, d’idées, pratiques, identités et capital social, et pouvant impacter la construction des identités de race et de classe, ainsi que les relations de genre et les aspirations à la mobilité sociale (Levitt, 1998).
20La littérature a également mis en exergue que les transferts migratoires familiaux créent ou renforcent les liens affectifs entre ceux qui envoient et ceux qui reçoivent ces transferts (Instraw, 2006), générant des relations de solidarité, réciprocité et obligations à longue distance unissant immigrés, parents et amis, et ce par-delà des frontières nationales contrôlées par les États (Guarnizo, 2004).
21Au cours du siècle dernier, s’est ainsi consolidée une ouverture conceptuelle dans l’étude des migrations internationales, notamment marquées par la mise en lumière des pratiques transnationales, ainsi que par celle du caractère non seulement économique, mais également culturel, social et symbolique des transferts migratoires. Ce renouveau a influé sur la manière de penser le nexus migration/développement en tenant compte et dévoilant dans une plus large mesure l’aspect genré du nexus et ce, notamment sous l’influence des études de genre ou présentant une sensibilité aux différences sexuées.
La division internationale du travail reproductif et les chaînes globales de soins
22Le débat relatif à la division internationale du travail reproductif, et le développement des études portant sur les chaînes de soins qui émergent plus particulièrement au cours des années 1990, s’inscrivent en faux contre une glorification de la migration contenue, notamment dans la vogue promotionnelle des transferts migratoires. Et émergent, plus particulièrement en contrepoint et en réponse à une focalisation, des études sur les transferts de fonds des migrants ou tout autre aspect des recherches portant sur le transnational et essentiellement sur les hommes. Ces travaux cherchent, en parallèle, à visibiliser et magnifier le rôle des femmes dans la migration, en leur restituant leur agentivité et ce, en mettant à jour l’importance du travail du care et de reproduction sociale transnationale dans la globalisation (pour une présentation, voir Catarino avec la collaboration de Verschuur, 2013). Il se caractérise par la ponction et le transfert de sentiments et d’affects sous la forme de care, d’émotion et d’amour essentiellement prodigués par des femmes du Sud dans les pays du Nord, nous disent ces auteures. Ce faisant, ils signifient que ce ne sont pas seulement des capitaux économiques qui circulent, mais également des capitaux immatériels autres que des capitaux sociaux et que la migration, loin de se restreindre à son aspect glorifié (l’envoi de sommes d’argent), comporte une face moins documentée (le coût social de l’éloignement des mères et enfants restés au pays d’origine). Ces travaux (Ehrenreich et Hochschild, 2003), dans une veine similaire à celle développée par les économistes féministes (Folbre, 1986), remettent également en cause l’avènement d’un homo-economicus qui prendrait les traits de l’homme migrant (Mezzadra, 2011).
23La mobilité géographique de ces « mères transnationales », qui bouscule les schémas liés à l’assignation des femmes à l’espace privé et à la reproduction sociale dans les pays d’origine, a pu être critiquée par les États eux-mêmes qui y ont vu la cause de la désintégration de la famille, comme ce fut, par exemple, le cas aux Philippines (Parreñas, 2004). Les femmes se sont vues culpabilisées, montrées du doigt comme de « mauvaises mères » abandonnant leurs enfants. En creux, marquée par leur absence ou défaillance, leur fonction de reproduction sociale au pays d’origine a donc été soulignée. La crise économique et de reproduction sociale, la nécessité impérieuse de recevoir des transferts de fonds des migrant-e-s ont quelque peu fait évoluer le discours vers l’idée que ces femmes constituent des « Sacrificing heroines » (des héroïnes se sacrifiant, car endurant les discriminations dans les pays d’accueil, dans le cadre des emplois rémunérés de reproduction sociale aux fins d’envoyer des fonds à leur famille) (Schwenken, 2008). Les deux pôles d’ailleurs se côtoient, les femmes se trouvant tout à la fois stigmatisées pour ne pas assumer leur fonction de reproduction sociale et saluées pour se sacrifier et procéder à des transferts migratoires (voir également Isaksen et al., 2008).
24Parce qu’ils ont essentiellement porté sur les femmes mariées et mères au détriment d’autres catégories de population, il est reproché aux travaux relatifs aux chaînes de soins d’essentialiser les femmes en les cantonnant dans la maternité (Catarino et Morokvasic, 2005 ; Catarino avec la collaboration de Verschuur, 2013). Ces études, comme précédemment mentionné, ont amplement souligné le coût social de la migration pour ces femmes (sentiment de solitude, de culpabilité lié à l’éloignement d’avec les enfants) sans faire justice à la paternité transnationale et en omettant de se poser des questions analogues à l’égard des « pères transnationaux ». De cette manière, le débat académique reproduit toujours d’une certaine façon la division hommes/production, femmes/reproduction, bien que dorénavant, la reproduction soit pensée en mouvement, les femmes constituant les protagonistes de la migration, et ce, dans la littérature rendant essentiellement compte de leur rôle reproductif dans la division internationale du travail Nord/Sud.
« Genre » et transferts migratoires : les responsabilités familiales féminines
25Au cours de ces dernières années, il est également possible de constater un intérêt croissant pour la question des transferts migratoires des femmes et du genre dans une partie de la littérature (Semyonov et Gorodzeisky, 2005 ; Ramírez et al., 2005 ; Sørensen, 2004) et ayant reçu un écho dans le champ politique. Ainsi, en analysant les pratiques genrées d’envoi, de réception, d’utilisation et de gestion des transferts migratoires, l’Instraw (NU), qui initie en 2005 une série d’études sur ce sujet, fait valoir que celles-ci peuvent constituer un moyen/outil de transformation des relations de genre (voir par exemple Instraw, 2006).
26Une étude portant sur le comportement d’un large panel de migrants et migrantes philippines en matière d’envois des transferts migratoires (Semyonov et Gorodzeisky, 2005) conclut à l’envoi de sommes supérieures de la part des hommes, du fait de revenus plus élevés comparativement aux femmes. En dépit de ces résultats, classiquement relayés par la littérature, un point d’accord semble se dégager des travaux académiques. Les femmes enverraient, comparativement à leurs homologues masculins, une proportion plus importante de leurs revenus sous forme de transferts migratoires au foyer resté au pays d’origine. Ces envois présenteraient également une fréquence et régularité supérieures, et ce indépendamment des différences sexuées de revenus (Benería et al., 2012), les femmes constituant encore les principales réceptrices de transferts de fonds aux pays d’origine, comme précédemment suggéré.
27Il en découle, nous disent Ramírez et al. (2005), que les familles peuvent être amenées à favoriser la migration féminine, les femmes étant perçues comme plus responsables, plus sujettes à envoyer des transferts migratoires (voir également la revue de la littérature menée par Semyonov et Gorodzeisky, 2005). Parreñas signale comment les valeurs culturelles ayant cours aux Philippines génèrent chez les femmes un sentiment de solidarité et d’obligation, et notamment chez celles ayant migré célibataires, s’étendant au-delà du cercle familial nucléaire (Parreñas, 2001).
28La littérature reflète ainsi l’existence de responsabilités ou d’une attente spécifique vis-à-vis des femmes migrantes ou restées au pays d’origine. Elle marque tantôt l’idée d’une intériorisation par elles d’une nécessité de procéder à des transferts migratoires ou de se comporter de manière plus responsable vis-à-vis de la gestion desdits transferts, parfois basée sur un sentiment de culpabilité vis-à-vis des membres de la famille laissés au pays d’origine ; tantôt une essentialisation/instrumentalisation des attitudes responsables des femmes vis-à-vis de leur famille, lorsque le poids reposant sur ces femmes est dénoncé ou critiqué (Kunz, 2008). La critique porte sur le défaut de preuves des faits allégués (leur altruisme ou l’envoi effectif de sommes proportionnellement supérieures), l’absence de contreparties (accès aux droits) ou sur la faible compréhension des réels problèmes affrontés par les femmes11 ; certains auteurs relevant les deux aspects mentionnés (intériorisation et instrumentalisation des femmes) (Petrozziello, 2011). Rosewarne (2012 cité par Benería et al., 2012) soulignent que le choix familial consistant à envoyer des jeunes filles à l’étranger, jugées plus responsables et soucieuses de remplir leurs obligations familiales, constitue une marque de domination patriarcale, dans la mesure où il permet aux frères et pères de maintenir leur style de vie pérenne au prix de la migration des femmes, ce qui passe pour de l’altruisme cachant une absence de choix. En outre, de nouvelles dépendances peuvent se créer dans l’espace migratoire reposant sur les responsabilités maternelles : les femmes honduriennes migrantes aux États-Unis sont amenées à trouver un conjoint, et à se placer sa coupe, afin de réduire leurs frais et subséquemment d’envoyer des sommes supérieures à destination de leur famille (Petrozziello, 2011).
29Présentées comme les plus sûres garantes de l’envoi des transferts, les femmes seraient également plus responsables au regard de l’affectation des ressources ou il existerait, pour le moins, des différences sexuées relatives aux types d’envois effectués. Les femmes dominicaines aux États-Unis optent pour l’achat de biens onéreux et durables, tandis que les hommes choisissent, dans une plus large mesure, d’épargner, sacrifiant leurs conditions de vie dans le pays d’accueil dans l’espoir de retourner vivre en République dominicaine (Pessar, 1986, citée par Ramírez et al., 2005). Les hommes équatoriens en Espagne, cherchant à démontrer leur réussite dans l’espace public, sont plus enclins à effectuer des envois sous forme d’œuvres charitables/sociales (« transferts collectifs ») à l’endroit de leur communauté que les femmes. Ces dernières, cherchant à faire montre de leur réussite dans l’espace privé, tendent, plus que les hommes, à consacrer leurs envois plus spécifiquement à destination des familles, et particulièrement des enfants (« transferts familiaux ») (Herrera, 2006). L’envoi par les femmes dominicaines de transferts à d’autres membres féminins de la parenté aux fins de prévenir tout détournement de ressources par les maris a encore été relevé par différent-e-s auteur-e-s (Instraw, 2006, entre autres).
30En guise de synthèse, la majorité des travaux ayant abordé la problématique migrations, femmes/genre et développement se sont principalement consacrés à étudier les envois et gestions différentiés de transferts migratoires selon les sexes en analysant l’impact des envois sur les rapports sociaux de sexe. Les transferts féminins semblent être appréhendés, par la littérature, comme une manière de lier/renforcer les relations familiales transnationales, générant des attentes sexuées spécifiques reposant sur leur altruisme présumé, tantôt créateurs d’espaces d’agentivité, tantôt de mécanismes renouvelés de dépendance.
Le lien entre la graine et le terreau : l’articulation production/reproduction
31Les recherches portant sur les transferts des migrantes au long des chaînes de soins posent la question de la marchandisation de l’amour (la relation amour/argent) en montrant, par exemple, que les cadeaux envoyés aux enfants peuvent apparaître comme des compensations de l’absence maternelle (Parreñas, 2001 ; Isaksen et al., 2008). Mais elles peinent à bien rendre compte de l’articulation production/reproduction en ce qu’elles omettent souvent de lier cette question et celle de la mobilité sociale des différents membres du foyer transnational. Dans le cadre d’une recherche de terrain menée en Équateur (Oso, 2011), l’auteure propose de parler d’un « circuit affectif des transferts migratoires » pour décrire l’amas de relations liant les migrant-e-s et leurs familles, amis et voisins, par-delà les frontières. Selon l’auteure, la recherche d’argent, par le biais de la migration et de la distance ainsi créée, rend les relations sociales plus distantes, mais en même temps, l’envoi d’argent permet de générer des liens émotionnels : à travers l’amour, on obtient ou perd de l’argent. En permettant l’élévation du statut social de la famille au pays d’origine par le biais de l’envoi de transferts migratoires, le/la migrant-e espère, par exemple, un surplus d’affect. Mais cet amour se paie au prix d’une réduction de ses capacités d’épargne. En revanche, contracter une relation affective ou fonder un nouveau foyer au pays d’accueil, ce qui semble distendre les liens envers la famille au pays d’origine, génère à la fois, une diminution de l’envoi des transferts migratoires à destination de la famille au pays d’origine, ainsi qu’une augmentation afférente des possibilités d’accumulation financière au bénéfice du nouveau foyer constitué dans la migration. Un apport de cette étude, comparativement à celle des chaînes de soins, réside dans son ouverture et son aspect genré : dans cette optique, n’est plus seulement envisagée la maternité transnationale, sont également pris en compte la paternité transnationale, ainsi que les relations conjugales et toute autre relation affective au sein du foyer transnational, le tout rapporté aux mécanismes de mobilité sociale individuels et collectifs.
Conclusion : de la « reproduction qui reste » à la « reproduction en mouvement »
32Les femmes ont longtemps été rendues invisibles dans le cadre du nexus migration/développement – comme elles l’ont été dans leur rôle d’actrices du développement. Une certaine littérature s’est penchée sur la figure de la « femme qui reste » s’occupant des enfants et autres membres de la famille dépendants et souvent amenée à exercer la fonction de cheffe de famille de facto. Tandis que la littérature souligne la participation croissante des femmes qui restent aux activités de production autrefois dévolues aux hommes, on ne parle pas ou très peu de paternité transnationale. Au sein du nexus, les femmes se voient présentées comme en priorité assignées à leur fonction de reproduction sociale, confinées au pays d’origine ; les hommes à celle de production, dans les pays d’accueil. La production et la reproduction constituent des sphères analysées dans le débat académique séparément. Tout se passe comme si, dans le regard académique, la production voyageait avec le migrant, principal pourvoyeur économique de la famille, tandis que la reproduction reste plus particulièrement confinée au foyer qui se maintient au pays d’origine. L’usage de la dichotomie classique hommes/production, femmes/reproduction se perpétue dans la littérature sur les migrations. À partir des années 1990, et plus particulièrement à l’orée du siècle nouveau, la figure de la femme migrante acquiert une visibilité concomitamment à l’émergence du débat entourant le transfert international de la reproduction sociale et les chaînes globales de soins. Dans un contexte également marqué par l’émergence d’un local feminism au Sud prônant une revalorisation des activités de reproduction sociale (Degavre, 2011), ces travaux aspirent aux mêmes objectifs. Ces activités sont dorénavant présentées comme placées au cœur de la nouvelle division internationale du travail, comme essentielles au fonctionnement du capitalisme mondialisé, pierre angulaire des phénomènes de globalisation. La fonction des femmes au sein des migrations commence ainsi à se faire plus amplement jour, bien que cette littérature tende à se restreindre à l’étude du rôle reproductif des protagonistes de la migration, essentiellement entrevues comme « mères transnationales ». De la « reproduction qui reste », nous passons à la « reproduction en mouvement ». Les femmes migrent de plus en plus souvent seules et avec elles, le débat sur l’internationalisation de la reproduction sociale ; ainsi, la séparation entre sphère productive/hommes et reproductive/femmes se maintient-elle.
33Dans le cadre des études relatives aux transferts monétaires migratoires, les hommes tendent à être présentés comme des pourvoyeurs économiques du foyer, tandis que les transferts féminins sont rapportés aux charges et responsabilités familiales féminines, les femmes étant présentées comme altruistes et se sacrifiant pour leurs enfants, reflétant des attentes sexuées sociétales.
34Les recherches portant sur les transferts des migrantes au long des chaînes de soins oblitèrent souvent le lien avec la mobilité sociale du foyer transnational et regroupé au pays d’accueil. Comment ces transferts s’imbriquent-ils pour agir sur la mobilité sociale des migrant-e-s et des différents membres du foyer transnational ? Cette contribution a cherché à avancer sur ce chemin en défendant une analyse de genre et articulée des stratégies productive et reproductive au sein des foyers transnationaux afin d’éclairer d’un jour nouveau le nexus migration/développement. Si le lien entre migration et développement est âprement discuté (Haas, 2010), il est généralement suggéré que la migration allège la pauvreté des membres du foyer au pays d’origine. Ceci, peut-être au prix d’un blocage de la mobilité sociale des migrant-e-s au pays hôte où les graines ne semblent pas trouvées à s’épanouir dans le terreau.
Bibliographie
Des DOI sont automatiquement ajoutés aux références bibliographiques par Bilbo, l’outil d’annotation bibliographique d’OpenEdition. Ces références bibliographiques peuvent être téléchargées dans les formats APA, Chicago et MLA.
Format
- APA
- Chicago
- MLA
Agarwal B., 1997 – « Bargaining » and gender relations : Within and beyond the household. Feminist Economics,3 (1) : 1-51.
10.1080/135457097338799 :Basch L., Glick Schiller N., Szanton Blanc C., 1994 – Nations unbound : Transnational projects, postcolonial predicaments and deterritorialized nation-states. New York, Gordon and Breach Publishers.
10.4324/9781003071266 :Bendiab A., 1991 – « Femmes et migrations vers les pays du Golfe : remarques sur l’état de la recherche ». In Beaugé G., Buttner F. (éd) : Les migrations dans le monde arabe, Paris, CNRS : 111-122.
Benería L., Sen G., 1981 – Accumulation, Reproduction and « Women’s Role in Economic Development » : Boserup Revisited. Signs, Development and the Sexual Division of Labor, 7 (2) : 279-298.
Benería L., Deere C. D., Kabeer N., 2012 – Gender and international migration : Globalization, development, and governance. Feminist Economics, 18 (2) : 1-33.
Borderías C., Carrasco C., 1994 – « Introducción. Las mujeres y el trabajo : aproximaciones históricas, sociológicas y económicas ». In Borderías C., Carrasco C., Alemany C., comp. : Las Mujeres y el Trabajo : Rupturas Conceptuales, Barcelona, Icaria, Fuhem : 15-109.
Boserup E., 1970 – Woman’s role in Economic Development. New York, St Martin’s Press.
Buvinić M., Gupta G. R., 1994 – Targeting poor woman-headed households and woman-maintained families in developing countries : Views on a policy dilemma. International Center for Research on Women and the Population Council, Washington.
Çağlar G., 2010 – « Multiple meanings of gender budgeting : Gender knowledge and economic knowledge in the World Bank and UNDP ». In Young B., Scherrer C. (eds) : Gender Knowledge and Knowledge Networks in International Political Economy, 3, Feminist and Critical Political Economy, Baden-Baden, Nomos : 55-74.
10.5771/9783845223858 :Castles S., 2008 – Development and Migration – Migration and Development : What comes first ? Migration and Development : Future Directions for Research and Policy. SSRC Migration & Development Conference Papers, 28 February-1 March 2008, New York, NY : 10-32.
Catarino C., Morokvasic M., 2005 – Femmes, genre, migration et mobilités. Revue européenne des migrations internationales, 21 (1) : 7-27.
Catarino C. avec la collaboration de Verschuur C., 2013 – Études de genre, développement et migrations. Document de travail 5/2013. Genève, Pôle genre et développement/Programme Genre, globalisation et changements, Institut de hautes études internationales et du développement.
Degavre F., 2011 – « La pensée “Femmes et développement”. Critique des fondements et pistes pour reconstruire un point de vue féministe croisé Nord/Sud ». In Guérin I., Hersent M., Fraisse L. (éd.) : Femmes, économie et développement. De la résistance à la justice sociale, Toulouse, IRD/Erès : 63-84.
Ehrenreich, B., Hochschild A. R, 2003 – « Introduction ». In Ehrenreich B., Hochschild A. R. (eds) : Global Woman : Nannies, Maids and Sex Workers in the New Economy, New York, Metropolitan Books : 1-13.
10.7591/9781501703591 :Elson D., 1994 – « Micro, Meso, Macro : Gender and Economic Analysis in the Context of Policy Reform ». In Bakker I. (ed.) : The Strategic Silence. Gender and Economic Policy, London, Zed Books : 33-45.
Ferber M. A., Birnbaum B. G., 1977 – The « New Home Economics » : Retrospects and Prospects. Journal of Consumer Research,4 (1) : 19-28.
Folbre N., 1986 – Hearts and Spades : Paradigms of Household Economics. World Development, 14 (2) : 245-255.
Grasmuck S., Pessar P. R., 1991 – Between Two Islands : Dominican International Migration. Berkeley, Oxford, University of California Press.
10.1525/9780520910546 :Guarnizo L. E., 2004 – « Aspectos económicos del vivir transnacional ». In Escrivá A., Ribas N. (ed.) : Migración y Desarrollo. Estudios sobre remesas y otras prácticas transnacionales, Córdoba, Consejo Superior de Investigaciones Científicas e Instituto de Estudios Sociales de Andalucía.
Haas H. De, 2010 – Migration and Development : A Theoretical Perspective. International Migration Review, 44 (1) : 227-264.
10.7312/columbia/9780231156806.001.0001 :Héritier F., 2002 – Masculin/féminin. Tome 2 Dissoudre la hiérarchie. Paris, Éditions Odile Jacob.
Herrera G., 2006 – « Precarización del trabajo, crisis de reproducción social y migración femenina : ecuatorianas en España y Estados Unidos ». In Herrera G. (ed.) : La persistencia de la desigualdad. Género trabajo y pobreza en América Latina, Flacso, Ecuador.
Hondagneu-Sotelo P., 1994 – Gendered Transitions : Mexican Experiences of Immigration. Berkeley, University of California Press (4th printing).
10.1525/9780520911529 :Instraw, 2006 – Género, remesas y desarrollo : El caso de la migración femenina de Vicente Noble. Santo Domingo, INSTRAW.
Isaksen L. W., Devi S. U., Hochschild A. R., 2008 – Global Care Crisis. A Problem of Capital, Care Chain, or Commons ? American Behavioral Scientist, 52 (3) : 405-425.
10.1177/0002764208323513 :Kennedy E., Peters P., 1992 – Household Food Security and Child Nutrition : The Interaction of Income and Gender of Household Head. World Development, 20 (8) : 1077-1085.
10.1016/0305-750X(92)90001-C :Kossoudji S., Mueller E., 1983 – The Economic and Demographic Status of Female-Headed Households in Rural Botswana. Economic Development and Cultural Change, 31 (4) : 831-859.
10.1086/451360 :Kunz R., 2008 – “Remittances are Beautiful” ? Gender implications of the new global remittances trend. Third World Quarterly, 29 (7) : 1389-1409.
10.1080/01436590802386617 :Lautier B., 2004 – L’économie informelle dans le tiers monde. Paris, La Découverte, coll. Repères.
10.3917/dec.lauti.2004.01 :Levitt P., 1998 – Social Remittances : Migration Driven Local-Level Forms of Cultural Diffusion. International Migration Review, 32 (4) : 926-948.
10.2307/jj.2711652 :Mezzadra S., 2011 – « La perspective de l’autonomie. Capitalisme, migrations et luttes sociales ». In Caloz-Tschopp M.-C. (dir.) : Résister dans le travail et dans la migration. Colère, courage et création politique, Paris, L’Harmattan, 5 : 131-156.
Montoya Zavala E., 2006 – Experiencias internacionales en el uso productivo de las remesas. Migración y Desarrollo, 6, primer semestre.
10.35533/myd.0406.emz :Moujoud N., Falquet J., 2010 – Cent ans de sollicitude en France. Domesticité, reproduction sociale, migration & histoire coloniale. Agone, 43 : 169-195.
Nyberg-Sørensen N., Van Hear N., Engberg-Pedersen P., 2002 – The Migration-Development Nexus. Evidence and Policy Options. State-of-the-Art Overview. International Migration, 40 (5).
Oso L., 1998 – La migración hacia España de mujeres jefas de hogar. Madrid, Instituto de la Mujer.
Oso L., 2011 – « Plata y/o amor : Remesas, acumulación de activos y movilidad social de las familias de migrantes ecuatorianos ». In Ginieniewicz J. (coord.) : La migración latinoamericana a España : una mirada desde el modelo de acumulación de activos, Quito, Flacso : 129-150.
Oso L, Catarino C., 1996 – « Femmes chefs de ménage et migration ». In Bisilliat J. (dir.) : Femmes du Sud, chefs de famille, Paris, Éditions Karthala : 62-97.
10.4000/books.iheid.5389 :Parreñas R. S., 2001 – Servants of Globalization : Women, Migration, and Domestic Work. Stanford, CA, Stanford University Press.
10.1515/9780804796187 :Parreñas R. S., 2004 – « The Care Crisis in the Philippines : Children and Transnational Families in the New Global Economy ». In Ehrenreich B., Hochschild A. R. (eds) : Global Woman : Nannies, Maids and Sex Workers in the New Economy, First Owl Books Edition : 39-54.
Pessar, P., 1986 – « The role of gender in Dominican Settlement in the United States ». In Nash J., Safa H. (eds) : Women and change in Latin America, South Hadley, MA : Bergin & Garvey : 273-294.
Petrozziello A. J., 2011 – Feminised financial flows : how gender affects remittances in Honduran-US transnational families. Gender & Development, 19 (1) : 53-67.
10.1080/13552074.2011.554022 :Portes A., 1997 – Immigration Theory for a New Century : Some Problems and Opportunities. International Migration Review, 31 (4) : 799-825.
10.1177/019791839703100402 :Pribilsky J., 2004 – « Aprendemos a convivir » : conjugal relations, co-parenting, and life among Ecuadorian transnational migrants in New York City and Ecuadorian Andes. Global Networks, 4 (3) : 313-334.
Ramírez C., Domínguez M., García & Morais J. M., 2005 – Crossing Borders : Remittances, Gender and Development. Instraw, June.
Rosewarne S., 2012 – Temporary International Labor Migration and Development in South and Southeast Asia. Feminist Economics, 18 (2) : 63-90.
10.1080/13545701.2012.696314 :Schwenken H., 2008 – Beautiful victims and sacrificing heroines : Exploring the role of gender knowledge in migration policies. Signs, 33 (4) : 770-776.
10.1086/528744 :Scott C. V. 1995 – Gender and Development : Rethinking modernization and dependency theory. Lynne Rienner Publishers, London, Boulder.
10.1515/9781685853877 :Semyonov M., Gorodzeisky A., 2005 – Labor Migration, Remittances and Household Income. A Comparison between Filipino and Filipina Overseas Workers. International Migration Review, 39 (1) : 45-68.
10.1111/j.1747-7379.2005.tb00255.x :Sørensen N., 2004 – « Globalización, Género y Migración Transnacional ». In Escrivá A., Ribas N. (eds) : Migración y Desarrollo, Córdoba, Publicaciones del CSIC.
Taylor E., 1984 – Egyptian migration and peasant wives. Merip Reports (Middle East Report), juin : 3-10.
10.2307/3011611 :Vertovec S., 1999 – Conceiving and researching transnationalism. Ethnic and Racial Studies, 22 (2) : 447-62.
10.1080/014198799329558 :Notes de bas de page
2 Point ne devrait être besoin de spécifier que, dans la perspective que nous défendons, le recours à la métaphore de la graine et du terreau ne devrait pas justifier les distinctions – opérées par le sens commun entre l’homme géniteur (le sperme) fécondant la femme gestatrice (la matrice utérine), et concevant ainsi activement les enfants en excluant la prise en compte de la « graine féminine » (ovocyte/ovule) et, par conséquent, le rôle de génitrice des femmes. Ce qui permet aux hommes d’enfermer les femmes dans les tâches domestiques et la maternité et de se tourner vers l’extérieur (sur cette construction de la domination masculine voir, par exemple, Héritier, 2002). Graine(s) et terreau(x) exprimant ici métaphoriquement la production et la reproduction sont ainsi sexualisés dans les représentations sociales, les graines étant assimilées au masculin et le terreau au féminin. Nous reprenons ces images de la graine et du terreau au seul dessein de souligner la sexualisation du débat. Nous considérons cependant qu’hommes et femmes participent à la production et à la reproduction, processus intrinsèquement liés.
3 Comme relevé par la littérature internationale, la migration a été « (…) intimement associée au développement économique et social. Elle est souvent perçue comme la résultante de déséquilibres au regard du développement, mais également comme un facteur influençant celui-ci même. L’évaluation de l’influence des migrations sur le développement a oscillé au cours du temps : les migrations étant parfois perçues comme bénéfiques au développement, parfois comme préjudiciables à celui-ci selon les moments historiques et les circonstances » (Nyberg-Sørensen et al., 2002).
4 Notre propos concerne ici la sphère des idées et non pas des pratiques qui dépasse notre champ d’études. Concernant néanmoins ce dernier aspect, à suivre Haas (2010), l’influence des paradigmes de développement ne se réduirait pas à la sphère des idées, mais aurait des incidences pratiques au regard de la migration. Ainsi dans la phase optimiste marquée par la consécration des théories de la modernisation, les transferts de capital et de qualifications des migrants (hommes) vers leur pays d’origine sont considérés comme des facteurs de développement. Les politiques migratoires, par exemple, prônent notamment le retour des migrants. Dans la phase dominée par les théories de la dépendance, et un scepticisme quant aux effets bénéfiques de la migration sur le développement, la politique publique s’achemine vers des politiques d’intégration et de durcissement des politiques migratoires. Castles (2008) souligne l’idée, erronée selon lui, mais partagée par de nombreux fonctionnaires internationaux, responsables politiques ainsi que par l’opinion publique, selon laquelle le développement et les politiques de développement menées agissent sur le volume migratoire, qu’en s’attaquant aux « causes premières » de la migration, il est possible de la réduire, ce qui suggère, en creux, que la migration n’est pas bonne en soi. L’influence des théories du développement citées – et plus particulièrement des théories de la modernisation – sur le domaine des migrations pourrait bien se construire dans les pratiques sur ce postulat : réduire les inégalités de développement tarit les migrations. Il pourrait s’agir ici du socle dudit « nexus migration/ développement ».
5 En premier lieu, la perspective néoclassique, influencée par la conception modernisatrice du développement, considère la migration comme un facteur de développement, permettant la réallocation de la force de travail d’un espace de productivité réduite à un espace à haute productivité. Cette théorie se base sur la fonction du migrant masculin comme agent économique, permettant de sursoir aux déséquilibres des marchés de l’emploi localisés dans des espaces géographiques disparates. De son côté, la perspective structuraliste influencée par le paradigme de la dépendance, considère les mouvements migratoires comme la conséquence du processus d’accumulation du capital qui résulte des inégalités existantes entre un centre et une périphérie au sein du système capitaliste mondial. Les mouvements migratoires sont considérés de manière négative puisqu’ils participent de la dépendance de la périphérie au regard du centre et, par conséquent, aux inégalités régionales. Le migrant est à nouveau conceptualisé au masculin, en tant que travailleur, partie prenante de la réserve internationale de main-d’œuvre.
6 Pour une présentation critique des travaux de Boserup, voir Benería et Sen (1981) qui soulignent notamment l’absence d’analyse théorique de la subordination des femmes relevant notamment de la non-prise en compte du rôle tenu par celles-ci dans la reproduction sociale.
7 Pour des synthèses de ces débats, voir par exemple Borderías et Carrasco (1994).
8 Sur la vision « comptable », « essentialisée » de la pauvreté [et du développement] ainsi que sur l’émergence de la « femme pauvre du Tiers Monde » comme « catégorie d’analyse et d’intervention » et son instrumentalisation, voir le texte de Destremau et Lautier dans cet ouvrage.
9 Voir les travaux de Pribilsky et notamment, ceux, ultérieurs, datant de 2004.
10 Signalons que certains auteur-e-s ayant appliqué à l’étude des migrations un regard ainsi qu’une méthodologie transnationales au début des années 1990 (bien que ne se réclamant pas du transnationalisme ou n’ayant pas recours à la terminologie « transnational » qui sera rendue populaire postérieurement), étaient des femmes. Leur regard a permis au paradigme transnational de s’imprégner d’une plus grande sensibilité aux aspects liés au genre (Grasmuck et Pessar, 1991 ; Hondagneu-Sotelo, 1994, entre autres).
11 Ces critiques rejoignent celles de la participation des femmes aux programmes d’aide (voir Catarino avec la collaboration de Verschuur, 2013).
Auteurs
Christine Catarino est sociologue, chercheure contractuelle et membre associée à l’Institut des sciences sociales du politique (ISP – université Paris-Ouest-Nanterre-la Défense). Ses champs de recherche incluent les questions de genre, l’intersectionnalité des rapports sociaux, ainsi que les migrations internationales. Elle a notamment participé aux recherches européennes FeMiPol (2006-2008) et EthnoGeneration (2003-2005) portant respectivement sur les effets sexués des politiques publiques sur l’intégration des femmes immigrées et la qualité de vie des familles d’entrepreneurs immigrés.
christine.catarino@orange.fr
Laura Oso est chargée de cours à l’université La Coruña où elle enseigne et mène des recherches depuis 1995 et est actuellement vice-doyenne. Titulaire de doctorats de l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne (2002) et de l’université de La Coruña (1997), elle a également été consultante pour diverses organisations internationales (l’OCDE, l’Union européenne, l’Unesco, l’Instraw-ONU). Ses recherches se concentrent sur le sujet genre et migrations et, plus particulièrement, sur l’insertion des migrantes sur le marché du travail (services domestiques, travail du sexe et entreprenariat ethnique). Elle est la coordinatrice du réseau Migration, genre et développement. Depuis 2007, elle est membre associée d’Imiscoe, programme européen de recherche sur les migrations internationales, l’intégration et la cohésion sociale en Europe, coordonné par l’Institut pour les migrations et les études ethniques de l’université d’Amsterdam.
laura.oso@udc.es
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Le monde peut-il nourrir tout le monde ?
Sécuriser l’alimentation de la planète
Bernard Hubert et Olivier Clément (dir.)
2006
Le territoire est mort, vive les territoires !
Une (re)fabrication au nom du développement
Benoît Antheaume et Frédéric Giraut (dir.)
2005
Les Suds face au sida
Quand la société civile se mobilise
Fred Eboko, Frédéric Bourdier et Christophe Broqua (dir.)
2011
Géopolitique et environnement
Les leçons de l’expérience malgache
Hervé Rakoto Ramiarantsoa, Chantal Blanc-Pamard et Florence Pinton (dir.)
2012
Sociétés, environnements, santé
Nicole Vernazza-Licht, Marc-Éric Gruénais et Daniel Bley (dir.)
2010
La mondialisation côté Sud
Acteurs et territoires
Jérôme Lombard, Evelyne Mesclier et Sébastien Velut (dir.)
2006