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Chapitre 8

Environnement et action collective. La dimension indispensable du genre

Traduit par Emmanuelle Chauvet (trad.)

p. 239-277

Note de l’auteur

Ce texte est une version abrégée du texte original dont la référence est en bibliographie (Agarwal, 2000a). Il a été traduit de l’anglais par Emmanuelle Chauvet. Je tiens à remercier Paul Seabright, Janet Seiz et Nancy Folbre pour leurs commentaires sur une version antérieure de ce chapitre.


Texte intégral

1Dans plusieurs disciplines, les publications théoriques et empiriques traitant du thème de l’action collective dans la gestion des ressources naturelles se sont récemment multipliées (Baland et Platteau, 1996 ; Ostrom, 1990 ; Wade, 1988). De ce foisonnement se dégage un ensemble complexe de questions connexes : comment les questions de l’équité et de l’efficacité se posent-elles après l’apparition d’institutions communautaires impliquées dans la gestion des ressources naturelles ? Quels sont, au sein de ces institutions, les facteurs les plus déterminants pour la mise en place et le maintien de l’action communautaire ? Comment les réseaux sociaux, les valeurs morales, les normes de confiance et de réciprocité, ainsi qu’une propension relative à l’altruisme, ou au contraire à servir des intérêts personnels, influencent-ils les possibilités d’établir une coopération durable dans la gestion des ressources naturelles ?

2Il est frappant de constater que ces questions ont été peu explorées dans une perspective de genre. Doit-on en déduire que les hommes et les femmes peuvent être considérés comme des acteurs identiques dans le processus d’action collective en faveur de l’environnement ? Les conséquences de cette action sont-elle les mêmes pour toutes et tous ? Dans les pratiques de coopération, les hommes et les femmes ont-ils des motivations et un vécu similaires ? Les personnes ont-elles les mêmes intérêts et les mêmes préférences en matière de préservation de l’environnement, et sont-elles confrontées aux mêmes contraintes lorsqu’elles veulent jouer un rôle dans les institutions de gestion de l’environnement ? Si à toutes ces questions la réponse est négative, nous devons réétudier de nombreuses dimensions du débat actuel.

3Cet article explore ces dimensions et montre que, faute de prendre en compte la perspective de genre, on risque de 1) conclure à tort au succès des institutions communautaires de gestion de l’environnement existantes, et, notamment, fausser l’évaluation de leurs résultats dans les domaines de la participation, de l’équité et de l’efficacité de la répartition des coûts et des bénéfices ; et 2) occulter les possibilités qui existent, grâce à un engagement plus important des femmes, de former et de maintenir des groupes de gestion de l’environnement efficaces et de perpétuer leur bon fonctionnement. Nous le montrerons à partir d’exemples provenant principalement de communautés rurales d’Asie du Sud, mais les questions conceptuelles qui se dégagent de ces exemples ont une portée plus large.

4Tout d’abord, ce chapitre étudie l’efficacité de groupes de gestion de l’environnement dans des zones rurales d’Asie du Sud dans une perspective de genre en s’inspirant d’études de cas existantes, ainsi que de visites de terrain et d’entretiens que j’ai réalisés entre septembre 1998 et février 1999 dans 87 sites de foresterie communautaire situés dans cinq États indiens et deux districts népalais. Il se fonde également sur le travail de terrain que j’ai mené en 1993 et 1995 dans un certain nombre de sites en Inde. Il cherche ensuite à savoir si d’éventuelles différences de genre existent dans le développement des réseaux sociaux, ainsi que dans les valeurs et les motivations, et si ces différences pourraient contribuer à l’existence d’une plus forte coopération entre les femmes, à la fois d’une manière générale et dans le domaine de l’action collective en faveur de l’environnement. Puis ce chapitre dresse le tableau des formes d’engagement des femmes dans l’action pour l’environnement, ainsi que des contraintes qui les empêchent de participer davantage, avant de livrer des remarques de conclusion.

Évaluer le fonctionnement des groupes : participation, équité et efficacité

5On pourrait identifier trois critères importants pour évaluer la performance des institutions communautaires dans la gestion de l’environnement : le degré de participation de la communauté aux décisions, l’équité dans la répartition des coûts et des bénéfices, et l’efficacité des actions visant à protéger et régénérer les ressources. Comme le montre l’expérience de gestion communautaire des forêts en Asie du Sud, certaines institutions en apparence efficaces semblent, sur tous ces points, pâtir de l’absence d’une perspective de genre.

6Un certain nombre de groupes de foresterie communautaire ont été créés ces dernières années, soit à l’initiative de l’État, par exemple dans le cadre du Programme de cogestion forestière [Joint Forest Management] lancé en 1990, [soit sous l’impulsion d’ONG, soit encore sur l’initiative autonome de conseils de villages, clubs de jeunes ou encore d’aînés]. On estime que ces groupes sont de nos jours au nombre de 21 000, qu’ils couvrent environ 2,5 millions d’hectares (ou 4 %) de terrains forestiers en grande partie dégradés (SPWD, 1998 : ix). À terme, le programme doit impliquer tous les États indiens. Les groupes autonomes nés à l’initiative de leurs membres et les van panchayats sont davantage concentrés régionalement.

7De même au Népal, dans le cadre du programme de foresterie communautaire lancé en 1993, les utilisateurs d’une forêt donnée sont organisés en groupes à qui reviennent la gestion et les bénéfices de la parcelle de forêt d’État. Contrairement à la plupart des groupes de cogestion forestière en Inde, les groupes de foresterie communautaire népalais peuvent se voir attribuer de bons terrains forestiers et ils gèrent à ce jour 15 % des terrains forestiers du pays, l’objectif étant d’atteindre un taux de 61 %. Des groupes de gestion forestière sont également apparus au niveau micro dans d’autres pays d’Asie (Poffenberger et al., 1997).

8Nombre de ces projets ont permis une bonne régénération immédiate des zones. Des arbres doivent parfois être replantés mais, dans les situations où les rhizomes sont intacts, des mesures de restriction d’accès et de protection des zones peuvent être suffisantes pour permettre une renaissance naturelle rapide. Les rapports affirment que la densité arboricole a progressé, mais aussi que les revenus se sont accrus et que la biodiversité s’est améliorée (Raju et al., 1993 ; Arul et Poffenberger, 1990). Certaines régions font également état d’une amélioration de la capacité de charge des terres, qui se traduit par une forte hausse du nombre de vaches laitières depuis le lancement du programme de protection (Arul et Poffenberger, 1990). Dans plusieurs autres régions du pays, on constate une croissance des revenus de la vente de produits fabriqués à partir de matières premières issues de la forêt (Kant et al., 1991), et un recul de l’émigration saisonnière (Viegas et Menon, 1991 ; Chopra et Gulati, 1997). Certains villages ont même été récompensés pour leur action en faveur de la préservation de leur forêt.

9Pourtant, observés selon une perspective de genre, ces résultats sont moins impressionnants aux plans de la participation, de la répartition des coûts et des bénéfices, et de l’efficacité de fonctionnement.

La participation

10Les femmes représentent en général moins de 10 % des membres ordinaires des groupes de foresterie communautaire, tant en Inde qu’au Népal2.

11Le plus souvent, la présence des femmes au sein des conseils exécutifs est également faible. Il arrive qu’une incongruité statutaire prévoie la présence obligatoire d’une ou deux femmes dans le conseil exécutif, alors qu’on compte très peu de femmes parmi les membres ordinaires. Dans ces conditions, la présence des femmes au conseil est plus symbolique qu’effective, car ce sont rarement les femmes du village qui les élisent ou les choisissent pour être leurs représentantes, ou parce qu’elles sont rarement choisies pour leurs capacités à diriger. Indépendamment des raisons qui motivent leur nomination, les femmes prennent rarement la parole lorsqu’elles sont effectivement présentes aux réunions, et, quand elles le font, on n’accorde que peu d’importance à leur opinion. On fait le même constat dans les groupes de foresterie communautaire népalais (Moffatt, 1998).

12En réalité, la plupart des groupes de foresterie communautaire d’Asie du Sud sont donc « des groupes d’hommes » qui comptent une présence féminine au mieux marginale.

13Bien que virtuellement absentes des groupes de foresterie communautaire contrôlés par les hommes, les femmes protègent souvent les forêts par leur action, soit parce qu’elles effectuent une surveillance informelle, soit parce qu’elles forment des groupes de patrouille parallèles à ceux des hommes qu’elles jugent inefficaces. Dans la presque totalité des villages que j’ai visités, de nombreuses femmes ont dit avoir appréhendé des intrus, persuadé des femmes qui enfreignaient certaines règles de ne plus le faire, combattu des feux de forêt aux côtés des hommes (voire en leur absence), etc. Mais parce qu’elles participent peu aux décisions, les femmes ont rarement leur mot à dire dans la définition des règles d’utilisation de la forêt, de suivi, de répartition des bénéfices, etc., ce qui nuit aussi bien à l’équité de la répartition de ces bénéfices qu’à l’efficacité de la gestion.

L’équité dans la répartition

14Le partage des coûts et des bénéfices dans les groupes de foresterie communautaire est marqué par des inéquités de genre. Si les cotisations, le temps de patrouille ou le salaire du garde forestier sont généralement pris en charge par les hommes, les coûts induits par le renoncement à l’utilisation de la forêt sont souvent à la charge des femmes. Il s’agit par exemple du temps consacré à la recherche de nouveaux lieux d’approvisionnement en bois de chauffage ou en fourrage, à l’utilisation de combustibles alternatifs de moindre qualité et à l’élevage en étables, ou encore de la perte des revenus provenant de la vente de produits de la forêt, etc.

15Auparavant, les femmes pouvaient trouver sur les sites protégés de quoi satisfaire au moins certains de leurs besoins ; elles sont maintenant contraintes de se déplacer vers des sites voisins, ce qui demande davantage de temps, plus d’énergie, et leur fait courir le risque de se voir considérées comme des intruses (Sarin, 1995 ; Agarwal, 1997a).

16Avec le temps, ces difficultés ont au mieux été atténuées dans certaines régions, mais elles n’ont que rarement été dissipées. Huit ou neuf ans après la mise en place d’une protection des forêts, nombre des villages que j’ai visités dans plusieurs États, dont 18 des 19 sites du Gujarat, subissent toujours des pénuries de bois de chauffage. Selon certaines estimations, l’exploitation des forêts resterait durable, même si les quantités de bois extraites étaient beaucoup plus importantes que celles qui sont actuellement autorisées (Shah, 1997). Si les femmes doivent faire face à des pénuries persistantes dans ces contextes, ce n’est pas tant à cause d’un manque de disponibilité globale que parce qu’elles ne sont pas entendues et qu’elles ne sont pas en position de négocier au sein des groupes de foresterie communautaire.

17Les inéquités se situent également dans la répartition des bénéfices de la protection. Dans certains cas, ceux-ci ne sont pas du tout distribués, mais versés à un fonds collectif et utilisés par les groupes à leur convenance.

18Lorsque les groupes de foresterie communautaire distribuent des bénéfices, les femmes des ménages non membres n’en reçoivent pas, puisque seuls les membres ont droit à une part. Mais même dans les ménages membres, ce sont en général les hommes qui perçoivent directement les bénéfices, soit parce qu’ils ont adhéré en leur seul nom, soit parce que la distribution est effectuée par ménage. Dans ce dernier cas, les deux époux sont bien membres, mais ils ne reçoivent qu’une part, et elle est remise à l’homme. Il se peut que les femmes perçoivent une partie des gains de façon indirecte si les bénéfices sont distribués en nature (en bois de chauffage, par exemple) ; mais s’ils le sont en espèces, l’argent distribué aux hommes membres fait rarement l’objet d’un partage équitable dans la famille. Il n’est pas surprenant que, lors d’une réunion de trois villages du Bengale occidental où se pratiquait la cogestion forestière, les femmes, interrogées sur le partage des bénéfices, aient toutes demandé que les époux d’un ménage reçoivent des parts égales et séparées (Sarin, 1995).

19Ainsi, de nombreux cas qu’une évaluation aveugle au genre considérerait comme des réussites d’engagement communautaire participatif pour la régénération des ressources s’avèrent fortement non participatifs et inéquitables, si on les étudie avec une perspective de genre.

20Bien sûr, la faible participation des femmes aux décisions des groupes de foresterie communautaire n’explique pas, à elle seule, les inégalités dans le partage des coûts et des bénéfices entre les hommes et les femmes. Un certain nombre d’autres facteurs entrent en jeu, entre autres la division genrée du travail préexistante, et les ressources (telles que la terre et les biens) dont les femmes ou leur ménage étaient dotées avant la mise en place du programme. Par exemple, les femmes étant les principales responsables de la collecte du bois de chauffage et du fourrage, des soins aux animaux, de la cuisine, etc., ce sont elles qui doivent se charger de trouver de nouvelles sources d’approvisionnement en combustible et en fourrage, lorsque la forêt n’est plus accessible. Une fois encore, c’est sur les femmes qui ne sont pas propriétaires de terres ou d’arbres, et qui n’appartiennent pas à des ménages possédant ces ressources, que retombent le plus lourdement les coûts liés à la fermeture de la forêt. Mais au-delà de ces considérations, l’absence des femmes dans les forums de décision des groupes de foresterie communautaire est déterminante pour la distribution entre les genres, puisque c’est dans ces instances que sont établies les règles de partage des coûts et des bénéfices.

21En outre, l’absence des femmes dans les groupes de foresterie communautaire a des effets indirects sur le partage des bénéfices au sein des ménages, car les contributions relatives se répercutent sur la façon dont les revendications sont perçues (Agarwal, 1997b ; Sen, 1990). Les femmes et les filles perçues comme participant à ces activités sont en meilleure position pour demander leur part des bénéfices.

L’efficacité

22La faible participation des femmes au fonctionnement des groupes de foresterie communautaire peut également nuire à l’efficacité et à la durabilité de ces derniers. Le manque d’efficacité peut se traduire d’au moins trois façons. Premièrement, certains projets risquent de ne pas arriver à démarrer. Deuxièmement, il se peut que ceux qui démarrent effectivement (comme les réussites citées plus haut dans le domaine de la régénération) se montrent plus efficaces à court terme, mais s’avèrent non soutenables sur la durée. Troisièmement, en corollaire, il se peut que les gains d’efficacité réalisés soient considérablement inférieurs aux progrès qui seraient réalisables (sur des facteurs tels que la productivité et la diversité des ressources, la satisfaction des besoins des ménages, la croissance des revenus, la prévention de l’émigration, etc.). Cette inefficacité peut provenir de l’un ou de plusieurs des problèmes suivants. Certains sont déjà apparus et d’autres pourraient être anticipés.

23Parlons pour commencer des problèmes d’application des règles. Les femmes (comme on l’a vu) étant souvent chargées de ramasser le bois de chauffage, les fourrages et les produits de la forêt non ligneux, mais n’étant que peu engagées dans l’établissement de règles qui soient adéquates pour protéger et utiliser la forêt, ces règles sont souvent contournées. Dans la presque totalité des villages que j’ai visités, on avait enregistré au moins quelques infractions. Les hommes violent généralement les règles pour trouver du bois de construction (qu’ils utilisent à des fins personnelles ou qu’ils vendent), mais les femmes le font le plus souvent pour trouver du bois de chauffage, notamment si elles sont pauvres et ne possèdent pas de terre. Dans certains villages de l’Orissa, les femmes trouvaient que les règles de fermeture des forêts édictées par les conseils exclusivement masculins étaient si strictes (la forêt n’était jamais accessible, pas même quelques jours par an) qu’elles avaient fini par s’attribuer des parcelles forestières protégées. Mais dans la plupart des régions, les femmes n’ont pas cette possibilité. Elles sont nombreuses à exprimer un profond ressentiment face à l’injustice des règles actuelles (Shah et Shah, 1995 ; Singh et Kumar, 1993 ; Agarwal, 1997a).

24Si elles sont consultées, les femmes proposent en général des règles moins sévères et plus égalitaires.

25Les défaillances dans la circulation des informations entre les hommes et les femmes, aussi bien au sein des ménages qu’en dehors, sont un deuxième facteur d’inefficacité. Les informations sur les règles établies, ou sur les changements de règle – par exemple au sujet des conditions d’éligibilité pour adhérer au groupe ou sur d’autres aspects de la gestion de la forêt – n’arrivent pas toujours jusqu’aux femmes, et il n’existe pas non plus de mécanisme structurel permettant à ces dernières de communiquer leur avis. De même, les fonctionnaires masculins consultent rarement les femmes, lorsqu’ils préparent les micro-plans du village pour le développement de la forêt ; s’ils le font, c’est au tout début du processus et sans consultation de suivi. Certaines femmes entendent parler des plans par l’intermédiaire de leur mari, d’autres n’en entendent pas parler du tout. Ces problèmes de communication peuvent être particulièrement graves dans les régions où l’émigration masculine est importante.

26En troisième lieu, les problèmes d’efficacité peuvent résulter d’inexactitudes dans l’évaluation de l’état d’épuisement des ressources. La capacité à identifier l’état des ressources locales peut notamment être marquée par des différences de genre. Au cours de ma visite sur le terrain dans le Gujarat en 1995, des femmes, qui avaient formé un groupe informel de patrouille forestière, m’ont conduite vers le site qu’elles surveillaient et m’ont montré les coupes illégales que les hommes n’avaient pas repérées, en me disant : « Les hommes ne font pas une revue assez précise des coupes illégales. La surveillance des femmes est plus attentive ». Cette différence de genre s’explique en partie par le fait que les femmes, le plus souvent chargées de ramasser les produits de la forêt, connaissent mieux celle-ci que les hommes qui ne l’utilisent que de façon sporadique.

27Quatrièmement, et corollairement, les problèmes d’efficacité proviennent de la difficulté à appréhender les responsables des infractions aux règles. Lorsque la protection est informelle, les femmes, compte tenu de leur proximité avec la forêt, ont plus de chances que les hommes de repérer les contrevenant-es. Mais même si des groupes de surveillance formels existent, les patrouilles exclusivement masculines ou les gardes masculins se heurtent à des contraintes culturelles, s’ils doivent physiquement appréhender une contrevenante. Il arrive même, en général quand la fraudeuse vient d’un autre village, que sa famille menace de porter plainte contre les membres du groupe de patrouille.

28La protection peut se trouver fortement améliorée, lorsque des femmes s’engagent volontairement dans la surveillance et forment des groupes informels en appui aux initiatives des hommes.

29Mais les groupes informels des femmes n’ont pas l’autorité requise pour pénaliser les fraudeurs qui doivent être dénoncés aux conseils formels (lesquels sont, en général, exclusivement masculins). Cette dissociation entre une autorité conférée aux hommes et une responsabilité confiée aux femmes désavantage systématiquement ces dernières, tout en leur donnant davantage de travail, et elle est probablement moins efficace que le serait une configuration faisant coïncider responsabilité et autorité. Dans nombre de cas, j’ai constaté que les femmes avaient dissous leurs organisations informelles parce que, de façon répétée, les conseils des hommes ou les hommes fonctionnaires forestiers n’avaient entamé aucune action contre les contrevenant-es appréhendé-es par les femmes.

30En cinquième lieu, le fait que les femmes soient virtuellement exclues des conseils formels empêche la mise en œuvre de processus efficaces de résolution des conflits pourtant indispensables au bon fonctionnement des activités. Par exemple, lorsque des femmes appréhendent des fraudeurs, elles participent rarement aux discussions et aux décisions visant à déterminer la sanction appropriée. Les femmes sont souvent exclues des réunions de résolution des conflits, même quand elles sont directement impliquées dans le conflit.

31Une sixième forme d’inefficacité provient de la non-prise en compte des connaissances spécifiques des femmes en matière de diversité des espèces. On ne saurait reprendre l’image idéalisée (par exemple par Shiva, 1988) selon laquelle les femmes seraient les principales dépositaires du savoir sur l’environnement, mais on sait que les femmes et les hommes détiennent des types de connaissance différents. Cette différence résulte de la division genrée du travail, et des différences de genre dans la mobilité spatiale et l’âge. Quand ce sont principalement les femmes qui sélectionnent et préservent les semences, elles en connaissent bien mieux les variétés que les hommes (Burling, 1963 ; Acharya et Bennett, 1981). De même, les femmes étant le plus souvent chargées de collecter le combustible et le fourrage, elles sont mieux à même que les hommes d’inventorier les qualités des arbres (taux de croissance, qualité du bois de chauffage, usage médicinal ou autre, etc.) (Pandey, 1990), ou d’identifier les nombreux autres arbres, arbustes ou herbes qui se développent à proximité des champs et des pâturages (Chen, 1993). Leur connaissance des plantes médicinales tient, elle aussi, à l’usage et elle obéit aux divisions de genre3. Cette différence entre les genres dans le domaine de la connaissance peut résulter des différences marquant les domaines spatiaux des hommes et des femmes : les hommes sont souvent mieux informés sur les espèces que l’on trouve dans des zones éloignées, les femmes sur l’environnement local où elles effectuent leur cueillette (Jewitt, 1996 ; Gaul, 1994).

32Dans les programmes de reboisement, les femmes sont systématiquement exclues des processus de consultation, de décision et de gestion, et cette absence risque de nuire à l’efficacité des programmes. En effet, elle les prive du savoir des femmes, soit dans la connaissance des espèces – laquelle pourrait améliorer la biodiversité –, soit dans la connaissance des pratiques sylvicoles traditionnelles – lesquelles pourraient être utiles quand sont plantées des essences qu’elles connaissent mieux. Certaines ONG reconnaissent le potentiel du savoir spécifique des femmes et l’ont mis à profit pour faire la promotion des plantes médicinales dans les zones protégées. Dans certains cas, des groupes de femmes ont résisté à la pression des hommes qui cherchaient à faire planter des eucalyptus, espèce commercialement rentable, et ont au contraire sélectionné diverses essences en utilisant la très bonne connaissance qu’elles avaient des arbres et arbustes locaux (Sarin et Khanna, 1993). Mais ces exemples sont rares.

33En faisant abstraction des possibles différences entre les préférences des hommes pour certains arbres et certaines plantes et celles des femmes, on risque de créer une septième forme d’inefficacité. Les femmes préfèrent souvent les arbres qui ont une plus grande valeur pour l’usage domestique (comme combustible ou comme fourrage, par exemple), ou qui apportent de l’ombre aux enfants, lorsqu’ils surveillent les animaux au pâturage, tandis que les hommes optent plus souvent pour les arbres qui vont rapporter des recettes. On note des exceptions, lorsque les forêts existantes fournissent suffisamment de combustible et de fourrage ; les femmes peuvent alors elles aussi choisir des espèces commerciales pour le reboisement (Chen, 1993). Si les femmes participaient davantage au développement forestier, les micro-plans forestiers couvriraient une part plus importante des besoins des ménages, et les femmes s’engageraient encore davantage dans le projet.

Formation et durabilité des groupes

34Le fonctionnement de la collectivité est généralement plus aisé si des expériences de coopération ont été réussies dans le passé et si prévalent des relations de confiance et de réciprocité. La densité globale des liens sociaux existant dans un groupe peut, elle aussi, conditionner sa capacité future à agir collectivement (Marwell et Oliver, 1988). Les différences de genre qui ont pu marquer la nature et l’histoire des expériences antérieures, mais aussi les interdépendances, peuvent avoir des répercussions sur la formation et le fonctionnement des groupes visant à préserver l’environnement.

35Trois types de différences de genre peuvent être intéressantes à cet égard :

  • dans les réseaux constitués par les hommes et par les femmes à partir des normes sociales séparant et délimitant les domaines masculins et féminins ;

  • dans les conditions de vie matérielles des femmes, qui sont le plus souvent plus restrictives que celles des hommes. De ce fait, les femmes dépendent davantage de réseaux locaux et de formes quotidiennes de coopération, et risqueraient d’être davantage pénalisées par le coût de la non-coopération ;

  • dans les positions respectives des femmes et des hommes dans la hiérarchie économique et sociale locale, laquelle pourrait créer moins de divisions et instaurer une plus forte homogénéité de groupe parmi les femmes et ainsi leur donner de meilleures chances de coopérer.

Réseaux sociaux : les formes quotidiennes de coopération entre les femmes

36La forme des réseaux sociaux, ainsi que la dépendance à leur égard sont variables selon le genre. Commençons par parler de la forme. Dans de nombreuses sociétés, les normes sociales qui définissent les rôles de genre font que certains réseaux relèvent davantage du domaine des femmes. En Asie du Sud par exemple, les femmes sont souvent les principales actrices de systèmes complexes d’échange-don (Elgar, 1960 ; Sharma, 1980 ; Vatuk, 1981) et, dans certaines communautés, des mariages-alliances (Sharma, 1980 ; Minturn, 1993). La division genrée du travail, tant au sein du ménage qu’en dehors, est elle aussi porteuse de différences. Par exemple, les principales tâches dont se chargent les femmes pour préparer les récoltes – replanter, désherber, moissonner – sont toutes des tâches de groupe souvent effectuées manuellement, encore de nos jours, et qui demandent un surcroît de travail à certaines périodes, tandis que les tâches qui relèvent essentiellement du domaine masculin, comme labourer, irriguer, battre le grain, demandent moins de main-d’œuvre ou sont de plus en plus mécanisées. Traditionnellement, dans de nombreuses régions, les tâches agricoles de groupe sont souvent effectuées en coopération dans le cadre de systèmes d’échange de travail. Dans plusieurs régions de l’Inde, comme les collines de l’Uttar Pradesh et de l’Andra Pradesh, ces systèmes subsistent chez les femmes, mais sont plus rares chez les hommes. Ces différences de genre se fondent aussi sur le fait que les hommes sont plus nombreux que les femmes à avoir développé des activités non agricoles.

37Ensuite, les femmes ont davantage besoin de se construire un capital social par des réseaux locaux, parce que leurs possibilités d’accumulation de ressources économiques et leur mobilité physique sont en général beaucoup plus limitées que celles des hommes. Elles ont aussi davantage besoin d’entretenir ces réseaux, car elles ont moins de recours et un moindre pouvoir de négociation au sein de leur ménage. Cette dépendance à l’égard des réseaux est d’autant plus forte pour les ménages pauvres. Des données ethnographiques l’illustrent bien. On observe par exemple que, faute de contrôler des biens importants ou des ressources financières, « les femmes nouent des relations d’amitié… souvent cimentées par de petits gestes de coopération et d’entraide » (Sharma, 1980 : 190 ; White, 1992). Cela peut passer par le prêt de petites sommes d’argent mais, le plus souvent, cela consiste en une aide non monétaire, par exemple faire des achats pour une femme obligée de respecter des normes de réclusion plus strictes ; partager des surplus de production domestique ; aider à faire la cuisine pour les invités lors des mariages ou des cérémonies de naissance ; se prêter des ustensiles ; etc. La possibilité pour les femmes d’emprunter de petites quantités de nourriture et d’autres produits dans le cadre de réseaux de familles constitue un élément déterminant des stratégies d’adaptation des familles pauvres lors des pénuries de nourriture saisonnières ou des sécheresses (Agarwal, 1990). Dans de nombreuses cultures rurales, cette accumulation quotidienne de capital social relève essentiellement du domaine des femmes, alors que les liens marchands sont plus généralement du domaine des hommes.

38En outre, la plupart des femmes quittant la maison où elles sont nées (et souvent leur village natal) en se mariant, elles connaissent, après leur mariage, une vulnérabilité qu’elles cherchent à compenser en développant des liens rituels et de parenté. Les études ethnographiques des réseaux de femmes en Asie du Sud rurale le montrent également très bien. Par exemple, quand les femmes ont un rôle important de marieuses, elles l’utilisent souvent pour entretenir et développer des réseaux sociaux avec et en dehors de leur parenté, au sein du village et entre les villages. Quand les alliances sont nouées au sein du village et/ou avec des parents proches, il est relativement facile d’entretenir les réseaux de parenté. Mais même lorsque les mariages sont interdits au sein du village (comme c’est le cas dans la plus grande partie de l’Inde du Nord-Ouest), ou quand ces mariages sont une pratique peu commune, les femmes cherchent à recréer les liens existants entre natifs d’un même village en arrangeant les mariages entre des hommes de parenté affine et des cousines, des sœurs ou des amies du même endroit (Minturn, 1993).

39Les femmes établissent également des liens de parenté fictifs ou rituels en étendant les termes de parenté biologique ou affine à tous les villageois, et en particulier aux femmes qu’elles rencontrent dans leurs activités quotidiennes ; ou par l’adoption rituelle d’une personne qui devient une sœur (Sharma, 1980 : 186 ; Minturn, 1993). Ces liens ne sont pas exclusivement cultivés par les femmes mais certaines pratiques, comme l’extension des termes de parenté aux autres femmes côtoyées dans les tâches quotidiennes, sont plus courantes chez les femmes (Sharma, 1980). Les femmes ont aussi davantage besoin que les hommes de nouer des liens rituels. Minturn (1993 : 61) a constaté que 24 % des femmes dans les familles rajput avaient une sœur rituelle, et que cette incidence était nettement plus forte, lorsque les femmes n’avaient pas de relations de sang dans le village. On peut donc penser que le contexte social dicte la pratique, au-delà de la proximité émotionnelle.

40Ces réseaux complexes de coopération informelle entre les femmes au sein de groupements de voisinage, de travail, ou au niveau du village, peuvent être des bases de solidarité importantes pour l’action collective organisée. Hart (1991) a constaté que, dans les zones rurales de Malaisie, la solidarité entre les ouvrières agricoles, qui permettait à celles-ci de s’opposer aux propriétaires, tenait non seulement à leur contexte de travail, mais aussi aux réseaux qu’elles avaient tissés en dehors du travail : « Ces pratiques rituelles se fondaient sur de forts sentiments de solidarité qu’elles venaient à leur tour renforcer ».

41Au Népal de nouveau, Pandey (1990 : 27-28) a constaté que les femmes de quatre villages qui coopéraient pour protéger une forêt commune avaient déjà une longue expérience de la coopération.

« Collaborer pour un intérêt commun [n’a] rien de nouveau pour elles… Leur façon de protéger la forêt est elle aussi compatible avec la méthode collaborative qu’elles ont mise en œuvre pour se lancer dans d’autres activités. »

42L’interdépendance existant entre les femmes facilite également le fonctionnement en groupe et la résolution des conflits. Dans l’Andra Pradesh (au sud de l’Inde), par exemple, lorsque j’ai interrogé un groupe féminin d’entraide agricole pour savoir si la résolution des conflits était différente dans les groupes d’hommes et dans les groupes de femmes, on m’a répondu :

« Les disputes sont plus fortes chez les hommes ; ils en viennent aux mains. Nous les femmes, il nous arrive de crier mais nous finissons par régler le conflit avant de lever la réunion.
Auteure : Pourquoi cette différence ?
Groupe de femmes : Les hommes se mettent vite en colère et ils partent. Ils disent : “Pourquoi devrions-nous rester ici ? Si nous nous levons et partons, le problème va s’envoler lui aussi.” Les femmes réfléchissent plus. Elles disent : “Même si je me dispute avec elle maintenant, il va falloir que j’aille désherber et chercher de l’eau avec elle, ou, si je n’ai plus de farine à la maison, je devrai lui en emprunter. Nous avons toujours ces idées à l’esprit. C’est aussi que nous comprenons mieux les problèmes et les erreurs de chacune d’entre nous.” »

43Les réseaux sociaux des femmes ne sont pas les seuls à nourrir l’action collective, et ils ne l’entretiennent pas plus que ceux des hommes. Mais on peut noter deux points. D’une part, les réseaux des femmes sont souvent distincts de ceux des hommes. Ces réseaux étant également le fondement de la solidarité entre les femmes, ils pourraient être le point de départ pour la création des groupes de protection de la forêt. D’autre part, parce que les femmes des zones rurales dépendent davantage de ces réseaux que les hommes pour leur survie quotidienne, et parce que ces réseaux s’entrecroisent, il se pourrait que les femmes, plus que les hommes, ressentent la nécessité de résoudre leurs conflits rapidement, et soient ainsi plus susceptibles d’entretenir l’action collective. De plus, elles pourraient être moins tentées de servir leurs seuls intérêts personnels, car cela risquerait de les priver de la coopération des autres femmes dans d’autres domaines. Les femmes en seraient plus fortement pénalisées que les hommes, car les alternatives auxquelles elles pourraient recourir sont moins nombreuses.

Homogénéité des groupes

44On pourrait s’attendre à constater une plus forte coopération entre les femmes, parce que les facteurs de division sont moins nombreux entre elles. L’homogénéité n’est pas nécessaire pour que la coopération arrive à s’instaurer dans un groupe (et l’hétérogénéité peut s’avérer utile dans certains cas), mais l’homogénéité socio-économique est connue pour faciliter la coopération dans de nombreux contextes4. Le manque d’homogénéité peut se traduire de diverses façons : inégalités économiques (par exemple, des différences de classe), inégalités sociales (par exemple, des hiérarchies de caste), différences ethniques ou religieuses, etc. Il se peut bien sûr qu’une communauté soit relativement égalitaire au plan économique, tout en étant hétérogène sur d’autres plans (Seabright, 1997), mais les deux plans peuvent être sources de conflits. Doit-on s’attendre à constater moins de division sociale et de classe entre les femmes, même dans des communautés où les ménages sont si différenciés ? Nous aurions plusieurs raisons de le penser.

45Tout d’abord, au plan des inégalités économiques, la position de classe des femmes est bien plus précaire que celle des hommes : elle peut s’élever par un bon mariage, mais un veuvage, un abandon ou un divorce peut la rétrograder. Ainsi, dans la mesure où les femmes, même lorsqu’elles appartiennent à des ménages propriétaires, ne sont pas elles-mêmes propriétaires, leur risque de tomber dans la pauvreté est important. Dans le nord de l’Asie du Sud, des femmes vivant en milieu rural et dans des ménages riches suite à un bon mariage se trouvent souvent sans ressources à la suite d’un veuvage ou d’un divorce.

46En deuxième lieu, bien que les femmes appartenant à des ménages riches bénéficient de la position de classe de leur ménage par le niveau de vie général et le statut social que celle-ci leur confère, de forts points communs existent entre les femmes au-delà de leurs privilèges (ou des privations) de classe dérivés, comme le fait que toutes soient responsables du travail domestique et doivent s’occuper des enfants (même si toutes ne le font pas elles-mêmes – celles qui sont plus à l’aise peuvent engager des employés domestiques). On peut noter également que les femmes ne profitent pas toujours du fait que leur ménage s’enrichisse. Dans le Pendjab indien, la prospérité due à la révolution verte a incité de nombreuses familles rurales aisées à investir dans des tracteurs, mais les femmes ont continué à cuisiner sur des poêles à bois qui les enfument ; et quand une main-d’œuvre salariée a remplacé la main-d’œuvre familiale sur l’exploitation, les femmes de la famille ont souvent dû faire la cuisine pour ces ouvriers, car les repas étaient parfois inclus dans leur contrat de travail (Agarwal, 1984). De plus, certaines tâches, comme la collecte du bois de chauffage pour les besoins domestiques, sont souvent effectuées par les femmes, même lorsqu’elles appartiennent à des ménages aisés, de sorte que les pénuries affectent les femmes sur un vaste spectre socio-économique. Les actions favorisant une meilleure disponibilité du combustible et du fourrage revêtent alors un intérêt pour toutes.

47Troisièmement, les femmes sont généralement moins liées que les hommes aux structures de pouvoir locales ; les chances de coopération s’en trouveraient renforcées. L’étude de Hart (1991 : 115) a montré que des ouvrières agricoles malaises arrivaient mieux que les ouvriers agricoles à s’organiser collectivement et à défier les propriétaires, car elles avaient une « relation plus périphérique avec les structures de pouvoir formelles » et n’étaient pas aussi impliquées que leurs maris dans des rapports clientélistes. Cette distance sociale (ou politique) se répercute également sur les facteurs de division autres que la classe, par exemple la caste, l’appartenance ethnique et la religion. Dans les villages du Gujarat à fortes divisions de castes où agit la Self-Employed Women’s Association (SEWA), les femmes pauvres ont réussi, en un an, à dépasser les conflits et discordes qui avaient marqué la création de leurs groupes en raison de la politique de caste. De ses nombreuses années d’expérience avec SEWA, Renana Jhabvala conclut : « La plupart des femmes ne tenaient pas à faire perdurer ces divisions malgré la pression qu’exerçaient les hommes de leur communauté » (comm. pers., 1998). En d’autres termes, les femmes se sont avérées plus à même de dépasser les divisions sociales ou moins attachées à leur perpétuation. En outre, dans les régions où les femmes quittent traditionnellement leur village natal pour se marier (comme c’est le cas dans le nord de l’Inde), il se peut que les réseaux qu’elles forment et entretiennent soient moins affectés par les antagonismes nés de querelles familiales auxquels les réseaux d’hommes restent confrontés (les hommes continuant à vivre dans leur village natal après leur mariage).

48De ce qui précède on peut déduire la vision générale suivante. Premièrement, les réseaux d’entraide sociale des femmes sont souvent différents de ceux des hommes et pourraient être un point de départ (souvent ignoré) pour l’action collective en faveur de l’environnement. Deuxièmement, il se peut que les femmes vivant dans des sociétés où elles sont particulièrement dépendantes de leurs relations sociales avec d’autres femmes et où elles ont moins de possibilités de recours entretiennent mieux ces réseaux d’entraide sociale. Et troisièmement, parce que les réseaux de femmes traversent plus souvent les divisions sociales et de classe, et parce que les femmes sont généralement plus éloignées des nœuds de pouvoir locaux, l’action de groupe est plus prometteuse chez les femmes que chez les hommes dans des communautés hétérogènes.

49Existe-t-il aussi des différences entre les valeurs et motivations des femmes et celles des hommes, qui pourraient avoir des répercussions sur les possibilités d’action collective en faveur de l’environnement ? Les choses sont moins claires à ce sujet.

Valeurs et motivations

50Le rôle moteur que jouent les normes morales, les valeurs sociales d’empathie, de confiance, etc. dans l’amélioration de la coopération et la modération des tendances à l’individualisme est de mieux en mieux reconnu.

51Mais les différences de genre qui caractérisent les valeurs et les motivations ont été peu explorées dans les répercussions qu’elles peuvent avoir sur les possibilités de coopération en faveur de l’environnement. Par exemple, en comparaison avec les hommes, les femmes sont-elles plus enclines à la relation (par opposition à l’individualisme), plus altruistes (et moins préoccupées par leur intérêt personnel), ou plus attachées à la défense de l’environnement ? Si c’est le cas, la durabilité et les succès relatifs des groupes de femmes et d’hommes travaillant à la gestion de l’environnement s’en ressentent. Ces questions ne peuvent pas être étudiées en détail ici, mais certains aspects qui méritent d’être explorés vont être traités dans les pages suivantes.

Les femmes sont-elles plus susceptibles de coopérer que les hommes ?

52Selon un certain nombre de chercheur-es en psychologie du développement, les hommes et les femmes diffèrent dans leurs attitudes vis-à-vis de la relation, ainsi que dans leurs codes moraux et leurs réflexions morales. Chodorow (1974, 1978), par exemple, affirme que « dans toute société, la personnalité féminine se définit, plus que la personnalité masculine, dans la relation et la connexion aux autres » (1978 : 177). Miller (1976 cité dans Gilligan, 1982 : 169) conforte cette idée : « La définition par les femmes de leur propre identité s’organise en grande partie autour de la capacité à établir puis à entretenir des affiliations et des relations ». D’autres auteur-es féministes affirment aussi que l’empathie est une caractéristique importante des interactions des femmes ou que la personnalité des femmes est moins « séparative » que celle des hommes.

53Des études plus récentes ont réfuté certaines des idées affirmant des différences dans les réflexions et les codes moraux des femmes et des hommes (par exemple, celle de Gilligan)5. Cependant, la question de savoir si les femmes sont plus relationnelles et coopératives que les hommes se pose toujours dans la mesure où cette différence peut très bien résulter d’un besoin contextuel (comme nous l’avons évoqué dans la partie précédente). Les auteurs qui soulignent des différences psychologiques entre les femmes et les hommes imputent eux-mêmes ces différences à des facteurs sociaux plutôt que biologiques. Chodorow (1974 : 43), par exemple, souligne l’importance de la division genrée du travail dans le développement de la personnalité et déclare que les différences de genre proviennent « du fait que les femmes, de façon universelle, doivent généralement s’occuper des jeunes enfants puis (au moins) de la socialisation des filles ». D’autres auteur-es parlent plutôt des facteurs culturels et structurels (Markus et Kitayama, 1991 ; England, 1989). Pour d’autres encore, c’est par leur socialisation que les femmes deviennent plus aimantes, davantage prêtes à donner la priorité aux besoins des autres et plus altruistes dans leurs actions que ne le sont les hommes (par exemple, Papanek, 1990 ; Sharma, 1980 ; White, 1992).

54Ces deux questions – les femmes sont-elles plus disposées aux relations, aux soins ou plus altruistes que les hommes, et où ces différences s’ancrent-elles dans l’ancestral spectre nature-culture – ouvrent un champ qui mérite une exploration attentive si on les met en relation avec la question de l’action collective. De façon évidente, si des expérimentations empiriques plus rigoureuses établissaient des différences de genre dans les valeurs de care, de partage et d’empathie, on s’attendrait à ce que les femmes soient plus susceptibles que les hommes d’entrer dans des collectivités où elles noueraient des relations, et soient moins enclines à agir pour servir leur intérêt personnel. De même, mieux comprendre les facteurs qui sous-tendent ces différences permettrait d’expliquer pourquoi la coopération est une réussite ou un échec dans des contextes particuliers.

55Si, après avoir réfléchi sur les différences de genre dans les soins aux autres, on explore les différences de genre dans la protection de la nature, de nouvelles questions se posent, comme nous allons le voir.

Les femmes sont-elles plus attachées à la défense de l’environnement que les hommes ?

56Un corpus de plus en plus important d’œuvres regroupées sous la vaste bannière de l’« écoféminisme » affirme que les femmes sont plus proches de la nature que les hommes et qu’elles sont donc plus susceptibles de défendre l’environnement. Cette idée se décline en deux variantes. L’une affirme que les femmes sont de fait plus proches de la nature que les hommes et que cette proximité peut être le fondement de valeurs d’attention et de soins, tant entre les humains qu’entre les humains et la nature « non humaine ». Certain-es attribuent cette proximité à des facteurs historiques et culturels, d’autres essentiellement à la biologie féminine.

57Selon l’autre variante de cette idée, les femmes sont identifiées comme étant plus proches de la nature et les hommes comme plus proches de la culture. La nature est perçue comme étant inférieure à la culture, en conséquence de quoi les femmes sont perçues comme étant inférieures aux hommes. On considère alors que la domination des femmes et l’exploitation de la nature sont connexes et qu’elles ont résulté, dans l’histoire, d’une même idée du monde. Du fait de ce lien présumé entre femmes et nature, les femmes sont particulièrement motivées pour mettre fin à la domination de la nature et, en conséquence, à leur propre subordination aux hommes.

58Dans d’autres ouvrages (Agarwal, 1992, 1998), j’ai exprimé mon désaccord avec la position des écoféministes à plusieurs égards6. Je me contenterai ici d’évoquer les aspects plus spécifiquement liés au sujet de ce chapitre. Les arguments selon lesquels les femmes seraient universellement disposées à protéger la nature ne sont pas convaincants, quand on les confronte aux différences de comportement que l’on peut constater dans des classes, des régions et des contextes différents. Les femmes des zones urbaines, dont les besoins en combustible et en fourrage sont limités, et les femmes appartenant à de riches ménages paysans qui peuvent tirer des terres familiales une grande partie de ce dont elles ont besoin, n’ont pas la même relation que les femmes pauvres des zones rurales avec les forêts communautaires, parce que leur niveau de dépendance diffère. Chez ces dernières, les données montrent, d’une part, que leurs méthodes de collecte ne détruisent généralement pas l’environnement – le bois de chauffage à usage domestique, par exemple, se compose souvent de brindilles ou de branches tombées dont la collecte ne nuit pas à l’arbre7. D’autre part, on sait aussi que les femmes coupent des branches vertes, si leurs impératifs de survie entrent en conflit avec ceux de la préservation de la forêt. Comme me l’a déclaré une femme des collines de l’Uttar Pradesh en 1993 : « Bien sûr que cela me fait de la peine de couper une branche verte, mais j’ai aussi de la peine quand mes enfants ont mal au ventre parce qu’il n’y a pas de bois pour leur préparer un repas ». Ainsi, en cas de grave pénurie, ce sont les valeurs mêmes de care et d’attention aux autres, notamment aux enfants, qui peuvent amener les femmes à détruire plutôt qu’à préserver.

59Les droits de propriété et les dispositifs institutionnels peuvent aussi intervenir dans le choix de ce qui est protégé et de ce qui est exploité. Par exemple, les femmes peuvent être très attachées à la protection de leur forêt communautaire, tout en exploitant une forêt voisine protégée par l’État8. Fondamentalement, on peut difficilement affirmer qu’il existe un lien fondé sur la biologie entre les femmes et la nature, ou même un lien culturel qui transcenderait les enjeux écologiques et les impératifs de survie.

60L’idée selon laquelle, parce qu’une construction idéologique considère les femmes comme étant plus proches de la nature et les hommes plus proches de la culture, les premières ont un intérêt particulier à l’abolition de la subordination de la nature (laquelle amènerait leur propre émancipation) est tout aussi problématique. On ne peut pas dire que les origines de la subordination des femmes et de la nature coïncident, ni qu’elles soient uniquement ou principalement ancrées dans l’idéologie9. De plus, parmi les multiples dimensions qui caractérisent la subordination des femmes, toutes (et même la plupart) ne peuvent pas être mises en lien avec les processus de dégradation de l’environnement. Plus important encore, l’expérience de la gestion de l’environnement montre clairement que, selon le contexte, les enjeux de la protection de l’environnement concernent les femmes et les hommes. Leurs intérêts sont de natures différentes, et ce sont ces différences, plutôt qu’un penchant naturel, qui pourrait amener les femmes à être plus attachées à la défense de l’environnement que les hommes.

61Les différences de genre dans les attitudes de préservation de l’environnement peuvent provenir de la division genrée des ressources économiques et de la division genrée du travail. La première détermine à quel degré les femmes sont dépendantes des ressources naturelles locales non privatisées, la seconde détermine la nature de cette dépendance. Les femmes des zones rurales dépendent beaucoup plus fortement que les hommes des ressources communautaires pour satisfaire les besoins de subsistance, car elles peuvent plus difficilement accéder aux ressources privées : la terre, l’emploi, les biens productifs, etc. (Agarwal, 1994 ; Bardhan, 1977). Elles accèdent aussi plus difficilement aux marchés, à l’économie monétaire et, dans les sociétés où règne une règle de réclusion stricte, aux lieux d’échanges commerciaux (Agarwal, 1994). Si l’on ajoute les limites imposées à la mobilité physique des femmes en raison de leurs responsabilités domestiques et pour des raisons de sécurité, leur dépendance à l’égard des ressources disponibles localement devient encore plus forte.

62À tout cela s’ajoute encore la nature de la dépendance des femmes à l’égard des ressources communautaires qui, comme on l’a vu, s’explique par les responsabilités spécifiques des femmes au sein de leur ménage. Par exemple, les femmes des zones rurales s’inquiètent et souffrent davantage de la raréfaction du bois de chauffage et du fourrage dont la collecte leur revient, alors que les hommes souffrent davantage du manque de petit bois de construction qu’ils utilisent pour fabriquer des outils ou réparer les maisons, etc. On trouve cependant une différence déterminante dans ces deux types de préoccupations : alors que la collecte du bois de chauffage par les femmes est une tâche récurrente, voire quotidienne, les besoins en petit bois de construction sont plus sporadiques. Comme me l’ont dit des femmes membres de groupes informels de protection de la forêt dans des villages du Gujarat en 1995 : « Les hommes peuvent se permettre d’attendre un peu, puisque c’est surtout le bois de construction qui les préoccupe, mais les femmes ont besoin de bois de chauffage tous les jours. » Prasal et al. (1987 : 25) notent également, à partir de leur étude sur quatre villages :

« L’attitude des femmes envers la forêt semble souvent plus responsable que celle des hommes, parce que la forêt a plus d’importance dans leur vie quotidienne. Elles peuvent être motivées par la perspective des difficultés supplémentaires qu’elles devront affronter, avec leurs enfants, si les ressources de la forêt venaient à s’épuiser. »

63L’ensemble de ces facteurs – la plus forte dépendance des femmes à l’égard des biens communs locaux, la nature quotidienne de cette dépendance, et le fait que ce sont principalement les femmes qui sont chargées de s’occuper des enfants – pourrait conférer aux femmes un intérêt plus immédiat à la protection de la forêt et se traduire par une attitude plus favorable à la préservation de l’environnement. La seule restriction à cette règle, comme on l’a vu, tiendrait aux situations de grave pénurie, qui donneraient aux impératifs de survie immédiate la priorité sur les intérêts à long terme. C’est ce qui semble expliquer la forte incidence, déjà évoquée, des cas où des femmes enfreignent les règles de fermeture de l’accès à la forêt édictées par des groupes de foresterie communautaire dominés par des hommes.

Formes d’engagement des femmes et contraintes de genre

64Nous avons montré que, pour plusieurs raisons, la participation accrue des femmes permettrait aux groupes de foresterie communautaire de mieux se former et de mieux fonctionner. Mais il est peu probable que cet engagement se renforce de manière automatique, puisqu’il semble que l’intérêt des femmes à protéger les ressources naturelles soit insuffisant pour catalyser leur action dans le domaine de l’environnement. On a certes pu noter que des femmes avaient créé des groupes de protection, alors même que des groupes d’hommes existaient, mais on a également observé, dans de nombreuses circonstances, que les femmes pouvaient n’entreprendre aucune action collective dans des situations de pénurie aiguë de bois de chauffage et de fourrage10. En d’autres termes, il n’existe pas forcément de correspondance entre l’intérêt qu’ont les femmes à protéger l’environnement et leur capacité à agir en ce sens. Même si elles sont suffisamment motivées, elles se heurtent à des contraintes de genre qui les empêchent d’engager une action collective ou d’exercer ce que Sen (1985) appelle la liberté d’agent (agency freedom)11. Comme nous allons le voir, les femmes peuvent participer à certains types d’actions militantes en faveur de la protection de la forêt, mais divers facteurs limitent généralement leur engagement dans les groupes formels de foresterie communautaire.

Formes d’engagement

65À l’exception des quelques cas (décrits plus loin) où une intervention externe a entraîné la formation de groupes de foresterie communautaire exclusivement féminins ou l’entrée formelle de femmes dans des groupes de foresterie communautaire mixtes, le militantisme des femmes en faveur de la forêt s’est généralement décliné en deux types d’engagement : au sein de groupes de protection informels nés d’une initiative personnelle, et dans le cadre de formes d’actions d’agitation collectives. Je désigne comme groupes formels ceux qui ont des contours clairement définis et qui ont l’autorité, déléguée soit par l’État, soit par la communauté villageoise, de fixer des règles et de les faire respecter. Les groupes informels n’ont ni délimitation claire ni cette autorité12.

66Il arrive que les femmes forment des groupes informels de protection de la forêt, quand elles trouvent que les groupes d’hommes sont inefficaces ou inexistants13. Ce sont généralement des groupes de surveillance. Comme on l’a vu précédemment, les patrouilles informelles de femmes permettent de mieux protéger la forêt. En fait, il s’avère que le succès de nombre de projets de protection formels dépend de l’apport informel des femmes.

67À bien des égards, les groupes féminins de protection de la forêt semblent être le prolongement des formes de coopération et des réseaux sociaux que pratiquent les femmes au quotidien, et l’absence de ces dernières des groupes formels de protection témoigne le plus souvent de la puissance de l’exclusion de genre caractéristique de beaucoup des autres réseaux formés par les hommes. D’aucuns affirment que l’informalité offre l’avantage de la flexibilité mais, comme on l’a vu, quand c’est le genre qui détermine le caractère formel ou informel, le premier étant associé à une autorité dont le dernier est dénué, les femmes sont systématiquement défavorisées et l’efficacité institutionnelle des groupes peut en être fortement réduite.

68La présence des femmes est également notable dans ce que je nomme les actions d’« agitation » collective, en regard des actions de « coopération » collective. Les premières sont sporadiques, menées en réaction à une situation précise, et peuvent impliquer une mobilisation extra-locale pour attirer l’attention sur une situation locale particulière ou pour protester contre l’action d’une autorité extra-locale, en général l’État. Si ces actions demandent, elles aussi, une certaine coopération, l’action que je désigne comme étant de « coopération » collective est continue et implique un processus de suivi régulier et de décision relatif aux ressources naturelles locales. Il arrive que l’action de groupe prenne les deux formes.

69L’absence des femmes dans les groupes formels contraste avec leur présence souvent significative dans l’agitation collective souvent catalysée par ces mêmes groupes. Par exemple, les femmes indiennes des zones rurales ont été très visibles dans les manifestations de protestation organisées par les mouvements de protection de la forêt comme le Chipko dans les collines de l’Uttar Pradesh, ou par les mouvements d’opposition aux grands barrages tels que le Narmada Bachao Andolan dans le centre de l’Inde.

70Dans la gestion des ressources locales, les actions d’agitation collective peuvent compléter l’action des institutions de suivi des flux de ressources et de la régénération des stocks, sans toutefois s’y substituer. La participation des femmes serait donc nécessaire dans les deux domaines d’action. Cette participation demanderait, au minimum, que les femmes puissent être membres des groupes, et elle dépend des règles d’adhésion. Mais une participation effective implique également une présence aux réunions, une prise de parole, et que les opinions de la personne aient un poids dans les décisions. En d’autres termes, l’action collective peut se caractériser par des degrés de participation.

71Pour une efficacité réelle, même évaluée selon une perspective de genre, et pour prévenir beaucoup (sinon la totalité) des insuffisances évoquées dans la première partie de ce chapitre sur les questions d’équité, les femmes doivent participer activement selon les termes que nous avons décrits. En l’état actuel des choses, même lorsque les règles d’adhésion aux groupes formels ne sont pas restrictives, la présence et la participation des femmes sont limitées. Quelles sont les contraintes qui les freinent ?

Contraintes

72Les facteurs limitant la participation des femmes aux institutions formelles de gestion de l’environnement pourraient rapidement être classés dans les grandes catégories suivantes : les règles, les normes, les perceptions, la volonté des hommes de conserver un pré carré, les ressources économiques et sociales du ménage (classe, caste, etc.), et enfin les ressources économiques et les attributs personnels dont les femmes sont dotées à titre individuel.

73Tout d’abord, les règles édictées par le gouvernement de l’État et régissant l’appartenance à l’assemblée générale et au comité exécutif du groupe de foresterie communautaire posent des limites pour les femmes, car elles n’autorisent qu’une personne par ménage à appartenir au groupe et (compte tenu des normes sociales), cette personne est généralement l’homme chef de ménage. La participation des femmes est également limitée par leur manque de connaissance des règles et des moyens de les faire changer (Raju, 1997 ; Moffat, 1998).

74Deuxièmement, les normes sociales qui déterminent le partage des tâches entre les hommes et les femmes, les interactions entre les genres en public, la distribution genrée de l’espace, etc. posent des contraintes importantes. Par exemple, le fait que les femmes soient les principales responsables du travail domestique, auquel s’ajoutent des tâches agricoles, limite le temps qu’elles peuvent consacrer aux réunions organisées précisément au moment où elles doivent se charger des corvées domestiques, s’occuper du bétail, etc.

75Aussi les groupes informels exclusivement féminins facilitent-ils la participation des femmes puisque les heures de réunion peuvent être fixées à la convenance des membres et en fonction de leurs contraintes domestiques. De plus, un environnement plus accueillant permet aux jeunes mères d’amener leurs enfants avec elles lors des réunions. Ces facteurs pourraient expliquer pourquoi les femmes peuvent plus aisément participer aux manifestations et actions de protestation qui caractérisent l’agitation collective.

76C’est également parce qu’elles définissent quels sont leurs comportements appropriés que les normes sociales sont contraignantes pour les femmes. Dans une grande partie de l’Asie du Sud, par exemple, la réclusion des femmes les dissuade de participer à toute activité se déroulant en dehors de chez elles. Les normes établissant quels sont les comportements appropriés pour les femmes et quelles interactions celles-ci peuvent entretenir dans l’espace public sont aussi très souvent formulées de façon subtile. Leurs effets se traduisent de diverses manières, par exemple dans le fait que les femmes s’asseyent d’un côté ou au fond de la salle de réunion où elles sont moins visibles et moins audibles. De plus, dans les cultures où, pour bien se comporter, les femmes doivent se montrer déférentes et ne pas parler fort, celles-ci s’abstiennent souvent de prendre la parole lors des réunions. Les normes enjoignant au respect des hommes âgés de la famille les empêchent également de s’exprimer ou de s’opposer aux hommes. Corollairement, elles risquent d’être confrontées à des conflits au sein de leur ménage, si leur mari pense que les femmes ne se tiennent pas aux rôles socialement acceptés qui sont les leurs.

77En troisième lieu, la perception par les hommes de ce que sont les rôles convenables et les capacités des femmes – qui est souvent en décalage avec les capacités réelles de ces dernières – limite les possibilités d’adhésion des femmes aux groupes de foresterie communautaire. Les femmes sont souvent perçues comme étant moins capables que les hommes, ou leur participation publique est considérée comme déplacée ou superflue. Du fait de ces perceptions, leur opinion passe inaperçue lors des réunions. Pour reprendre les propos d’une membre d’un van panchayat : « Je suis allée à trois ou quatre réunions… Personne n’a jamais écouté mes propositions… Cela ne les intéressait pas. » (citée dans Britt, 1993 : 146).

78Les fonctionnaires du service des forêts ont souvent des perceptions dévalorisantes des capacités des femmes. Dans le programme de cogestion de la forêt en Inde, très peu d’entre eux sont des femmes (Venkateshwaran, 1992) et les fonctionnaires masculins, comme on l’a vu, consultent rarement les femmes, lorsqu’ils élaborent les micro-plans de développement forestier. On observe les mêmes biais au Népal (Pandey, 1990).

79Quatrièmement, lorsque les groupes de foresterie communautaire ont commencé par être exclusivement masculins, les hommes rechignent souvent à renoncer à leurs « revendications territoriales » en admettant des femmes. Les femmes peuvent plus facilement être admises si elles se joignent au groupe dès sa création que quand les intérêts des hommes sont déjà bien ancrés (Mansingh, 1991).

80En cinquième lieu, quand le groupe de foresterie communautaire se compose de ménages hétérogènes, les ressources économiques et la position sociale (par exemple, la caste) des ménages auxquels appartiennent les femmes risquent fortement de peser sur leur possibilité de s’exprimer. Dans les villages multicastes, nombre de femmes qui arrivent à entrer dans les groupes de foresterie communautaire appartiennent aux castes supérieures et aux ménages propriétaires de terres.

81Sixièmement, les ressources économiques dont les femmes sont dotées à titre individuel (par exemple, les biens qu’elles possèdent) et leurs attributs personnels (niveau d’éducation, confiance en soi, qualités de meneuses, etc.) ont également une influence sur leur degré de participation. Quand le règlement du comité exécutif de cogestion de la forêt comprend une obligation d’inclure des femmes, c’est souvent en fonction de leur niveau d’alphabétisation que celles-ci y sont nommées. D’une manière générale, les femmes ayant un niveau moyen d’éducation inférieur à celui des hommes, leurs capacités sont perçues comme étant moindres et, dans les faits, il leur est plus difficile de s’informer sur les règles, de vérifier que les procès-verbaux des réunions sont conformes, etc.

Faciliter la participation

82La situation générale est donc celle d’une absence virtuelle de femmes parmi les membres des groupes formels de foresterie communautaire, mais quelques exceptions peuvent être notées, comme on l’a déjà évoqué. Par exemple, dans le cadre du programme de cogestion de la forêt en Inde, certains groupes de foresterie communautaire sont composés pour un tiers, voire pour la moitié, de femmes14. Des ONG, des bailleurs ou des services gouvernementaux de gestion des forêts ont également créé des groupes de foresterie communautaire exclusivement féminins, en général dans des régions de forte émigration masculine, ou là où les groupes de foresterie communautaire n’intéressent pas les hommes.

83Dans une certaine mesure, les groupes de foresterie communautaire exclusivement féminins favorisent la participation des femmes. Tout d’abord, on constate que, dans ces groupes, les femmes des villages sont plus à l’aise, qu’elles s’expriment davantage et qu’elles ont le sentiment d’avoir de meilleures chances d’être entendues que dans des groupes mixtes. De plus, il pourrait s’avérer plus facile de créer ces groupes exclusivement féminins, puisque des réseaux sociaux et des relations de confiance et de réciprocité sont déjà établis. La création de ce type de groupes mérite donc d’être explorée à une plus grande échelle qu’elle ne l’a été jusqu’à maintenant.

84Mais la majorité des groupes de foresterie communautaire resteraient mixtes. Des mesures spécifiques seraient donc nécessaires pour surmonter les contraintes que nous avons évoquées et ainsi améliorer la participation des femmes au sein de ce type de groupe. Comme je l’ai développé dans Agarwal (2000), ces contraintes ne sont pas immuables et la solution tient en grande partie au renforcement du pouvoir de négociation des femmes vis-à-vis de l’État, de la communauté et de la famille.

85Parmi les facteurs d’amélioration du pouvoir de négociation des femmes, le soutien d’ONG locales sensibles au genre paraît déterminant. La pression de ces ONG et des bailleurs a été un facteur important qui a incité les gouvernements des États à modifier les règles d’adhésion aux groupes de foresterie communautaires pour qu’ils incluent davantage les femmes (par exemple, en passant de la règle d’une personne par ménage à celle d’un homme et une femme par ménage). Certaines ONG ont également œuvré à répondre directement aux préoccupations des femmes au niveau communautaire au sein de groupes mixtes de foresterie communautaire.

86Toutefois, ces interventions d’intermédiaires ne peuvent que partiellement aider à renforcer le pouvoir de négociation des femmes dans le but de faire changer les règles, les normes et les perceptions, etc. Il est probable que des changements à long terme impliqueront que les femmes aient davantage confiance en elles-mêmes, qu’elles s’affirment et que leurs groupes soient plus forts.

87L’idée d’une « masse critique » est pertinente ici. Les femmes hésitent souvent à prendre la parole pendant les réunions si elles sont peu nombreuses. La plupart pensent qu’elles ne peuvent pas changer les procédures individuellement et qu’elles seraient mieux à même d’exprimer leurs préoccupations si elles étaient présentes en nombre suffisant (Britt, 1993 ; Correa, 1995 ; Prasal et al., 1987).

Conclusion

88Les rapports de genre sont présents aussi bien dans les ménages que dans les communautés, et, souvent, l’abondante littérature sur l’action collective et la préservation de l’environnement n’en a pas tenu compte. Nous avons vu qu’en l’absence de perspective de genre, l’analyse et les politiques d’action collective en général, et d’action pour l’environnement en particulier, peuvent souffrir de divers biais. Tout d’abord, les évaluations réalisées par les institutions de gestion des ressources communautaires sur les critères d’équité et d’efficacité peuvent être faussées et faire croire à des réussites, alors même qu’existent de graves inégalités et une forte inefficacité du fait des rapports de genre. L’exemple des groupes de foresterie communautaire en Asie du Sud montre que les femmes sont virtuellement absentes des instances de décisions, mais aussi que la distribution des coûts et des bénéfices est très inégalitaire et que le fonctionnement de ces groupes est inefficace à divers niveaux, dans les faits ou potentiellement. L’inefficacité, par exemple, peut résulter d’une mauvaise application des règles, de défauts dans la circulation des informations, d’erreurs d’évaluation de l’épuisement des ressources, de difficultés à appréhender les intrus, d’une résolution des conflits insatisfaisante, de la non-intégration des connaissances spécifiques des femmes sur les espèces et de la non-reconnaissance du fait que les préférences des femmes diffèrent de celles des hommes dans le choix des essences. Certains de ces facteurs risquent d’empêcher une coopération fructueuse, même à court terme ; d’autres pourraient nuire à la durabilité à long terme des dispositifs de gestion des ressources communautaires ou empêcher ces derniers d’atteindre leur potentiel productif.

89Deuxièmement, l’absence de perspective de genre, parce qu’elle occulte les possibilités d’action collective précisément chez les femmes, pourrait faire manquer des occasions importantes de favoriser une action collective efficace. Les femmes ont souvent une longue expérience du fonctionnement coopératif, relativement différente de celle des hommes, au sein des réseaux sociaux traditionnels. Cette expérience est marquée par une réciprocité et une dépendance mutuelle, en particulier dans les communautés rurales des pays en développement. Accédant en général difficilement aux ressources économiques, les femmes dépendent souvent plus fortement que les hommes de ces formes de capital social. Elles semblent également moins sujettes aux divisions dues à la proximité des centres locaux de pouvoir ou encore aux différences sociales ou de classe qui peuvent exister entre leurs ménages. En outre, parce que la majorité des femmes des zones rurales dépendent plus fortement du patrimoine environnemental local pour se procurer les biens dont elles ont besoin au quotidien, elles ont un plus grand intérêt à ce que ce fonds de ressources soit durable, même si elles ne sont pas intrinsèquement plus favorables à la préservation de l’environnement que les hommes. Il est moins évident de conclure quant à la tendance des femmes à être plus altruistes et à coopérer davantage que les hommes, mais cette question mériterait d’être étudiée plus en détail, sinon de manière générale, du moins dans certains contextes spécifiques.

90En troisième lieu, en l’absence d’analyse de genre, le fossé qui existe entre un intérêt à la protection de l’environnement et la capacité à agir dans cet objectif peut se trouver occulté. Les différences essentielles qui existent entre les modes d’organisation de l’action en faveur de l’environnement chez les hommes et chez les femmes (en général formel chez les hommes et informel chez les femmes) restent invisibles. De plus, les contraintes que les femmes doivent affronter et dépasser pour être effectivement engagées dans les institutions formelles de gestion des ressources locales ne sont pas prises en compte. Parmi ces contraintes, ne se trouvent pas seulement les règles d’adhésion, mais également les facteurs qui ont une influence sur la participation aux décisions, une fois acquis le statut de membre, par exemple les normes sociales définissant la division genrée du travail et les rôles convenables pour les femmes ; les perceptions sociales relatives aux capacités des femmes ; les intérêts bien établis des hommes ; et les ressources économiques des femmes, ainsi que leurs attributs personnels.

91Toutes ces dimensions ont des effets sur la théorie, l’analyse empirique et les politiques. Au plan théorique, la prise en compte des rapports de genre enrichirait et en même temps corrigerait notre interprétation conceptuelle de l’action collective et des institutions de gestion de l’environnement. Entre autres, il serait nécessaire de développer et/ou reformuler les conditions de mise en place d’institutions d’action collective en faveur de l’environnement qui soient durables et qui fonctionnent bien. Au plan empirique, la perspective de genre ouvrirait de nouveaux champs d’exploration, en particulier sur les motivations et les valeurs des hommes et des femmes en fonction des rapports de genre, sur les différentes contraintes qui pèsent sur les hommes et les femmes lorsqu’ils et elles veulent s’engager dans l’action collective de ce type, et sur les structures institutionnelles appropriées à une préservation de l’environnement effective.

92Un certain nombre de difficultés doivent également être surmontées dans le domaine des politiques. Par exemple, comment dépasser les limites à la participation des femmes dans les groupes formels ? Les groupes informels créés par des femmes pour la protection de l’environnement peuvent-ils se voir conférer une autorité formelle, tout en fonctionnant parallèlement aux structures formelles de gestion de la forêt communautaire ? Si les réseaux sociaux traditionnels formés par les femmes peuvent être le fondement d’une coopération entre celles-ci, par quels moyens peuvent-ils être encouragés à s’engager dans l’action en faveur de l’environnement ? De même, comment les réseaux non traditionnels de femmes qui existaient avant que ne s’imposent les préoccupations environnementales, à savoir les réseaux appartenant au mouvement plus vaste des femmes, peuvent-ils être encouragés à favoriser l’action en faveur de l’environnement ?

93Ce chapitre ne prétend pas apporter des réponses définitives aux préoccupations et aux questions qu’il a posées, mais il vise à attirer l’attention sur le caractère central et irréductible de celles-ci.

Bibliographie

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Notes de bas de page

2 Voir Roy et al. (c. 1992), Guhathakurta et Bhatia (1992), et Narain (1994) sur la cogestion forestière ; Kant et al. (1991), Singh et Kumar (1993) sur les groupes autonomes en Inde ; Ballabh et Singh (1988), Sharma et Sinha (1993) sur les van panchayats ; et Moffatt (1998) sur le Népal.

3 Ma recherche de terrain ; voir également Gaul (1994), Jewitt (1996), Kelkar et Nathan (1991).

4 Voir par exemple Bardhan (1993), Malhotra et al. (1990) et Baland et Platteau (1996 : 344) qui synthétisent les données empiriques sur les succès des actions collectives menées par des communautés villageoises.

5 Voir par exemple la discussion de Valian (1998 : 340 n. 2).

6 Pour des critiques de l’écoféminisme émanant de différents points de vue, voir notamment Biehl (1991), Davion (1994), Jackson (1993), Li (1993), Nanda (1991), Sinha et al. (1997) et Zimmerman (1987).

7 Dans les années 1980, on a estimé que 75 % du bois utilisé pour le chauffage domestique dans les ménages ruraux indiens était collecté selon cette méthode (Agarwal, 1986).

8 Mes visites de terrain dans les collines de l’Uttar Pradesh en 1993 et 1998 ; voir également Sinha et al. (1997).

9 De plus, les concepts de nature, culture, genre, etc., sont des construits historiques et sociaux, ils connaissent des variations entre les cultures, à l’intérieur même des cultures et dans le temps (MacCormack et Strathern, 1980).

10 Ce point est davantage développé dans Agarwal (1997a).

11 Sen (1985 : 203) désigne par « liberté d’agent » ce que « la personne est libre de faire et d’atteindre lorsqu’elle poursuit les buts ou les valeurs qu’elle estime importants ».

12 Si un groupe peut bien sûr avoir des composantes formelles et informelles dans son fonctionnement, la distinction que je fais ne porte pas sur les formes de fonctionnement du groupe, mais sur la légitimité et l’autorité qui lui sont reconnues. Voir également Stewart (1996) qui définit les groupes formels comme étant clairement délimités et dont les règles d’opération et d’adhésion ont fait l’objet d’un accord, et les groupes informels comme étant flous, sporadiques et variables. Toutefois, dans ce qui précède, la présence ou l’absence d’une autorité formellement déléguée a également une importance centrale.

13 Observation personnelle dans le Gujarat et dans les collines de l’Uttar Pradesh. Voir également Sharma et Sinha (1993) et Viegas et Menon (1991).

14 Voir par exemple Narain (1994), Viegas et Menon (1991), Mukerjee et Roy (1993) et Adhikari et al. (1991).

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