Chapitre 1
Une histoire du développement au prisme du genre. Perspectives féministes et décoloniales
p. 43-71
Texte intégral
Introduction
1L’idée que les femmes avaient aussi leur place dans l’histoire du processus de mondialisation du capitalisme ou sous son couvert, ce qui a été appelé « développement » depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, est progressivement devenue incontournable. Depuis les années 1980, les institutions de développement ont inscrit le genre comme une priorité dans leurs politiques et programmes. Une multitude de pays ont formulé des politiques d’égalité de genre et 189 États sur 193 ont ratifié la Convention pour l’élimination des discriminations envers les femmes (plus connue sous le sigle CEDAW en anglais). Si un champ de savoir « genre et développement » s’est petit à petit constitué, les théories de développement n’ont pas véritablement reconnu la valeur heuristique de ce concept. Cette contribution tentera de montrer en quoi le genre permet de revisiter les études de développement.
2On peut rendre compte de mouvements de lutte pour les droits des femmes depuis la fin du xixe siècle et dans de très nombreuses régions du monde, de la Palestine à la Chine, de l’Iran à l’Argentine, de l’Afrique du Sud à l’Inde, des États-Unis à l’Europe (Katzenstein et Mueller, 1987 ; Duby et Perrot, 1992 ; Fougeyrollas-Schwebel, 1997 ; Gargallo, 2002 ; Chaudhuri, 2004 ; Gubin, 2004 ; Verschuur, 2009a et b, 2010 ; Destremau et Verschuur, 2012). Les droits et la liberté des femmes se sont imposés comme une évidence, le sexisme étant considéré l’apanage de personnes ou sociétés traditionnelles, comme une résistance à la modernité (Devreux, 1995). Et pourtant, en dépit de cette « mad, wicked folly of Women’s Rights », dont se plaignait déjà en 1870 la reine Victoria, et malgré les avancées dans l’égalité des lois, le sexisme et les inégalités persistent, voire s’approfondissent. Le concept de genre permet d’analyser comment et pourquoi.
3Le concept de genre est redevable des théories et mouvements féministes, qui ont contesté les ordres idéologiques, politiques, économiques, environnementaux et sociaux sur lesquels s’est appuyé le développement. Il est un outil d’analyse qui permet de comprendre la construction sociale et culturelle des différences entre les hommes et les femmes, d’analyser la persistance des rapports inégaux entre les hommes et les femmes.
4Je commencerai par évoquer brièvement les apports des historiennes des femmes pour montrer que le fait de mettre en relief les expériences des femmes va plus loin que juste « ajouter les femmes » et en quoi cela fait une différence. Je poursuivrai en évoquant comment s’est construit un champ de savoir femmes/ genre et développement. J’évoquerai ensuite brièvement certaines théories du développement. Je rappellerai qu’elles ont tendance à dénier toute histoire propre et capacité d’action aux sujets, aux États et espaces liés aux puissances coloniales, et qu’elles présentent un point de vue eurocentrique et androcentrique. Les théories du développement ont tardé à prendre en compte le travail productif et reproductif des femmes puis la question de la nouvelle division internationale du travail reproductif. En conclusion, je montrerai que le genre en tant que construction sociale et culturelle des différences permet d’expliquer comment se maintient le lien organique entre l’économie domestique et capitaliste, qui est au cœur de la prospérité du capitalisme globalisé (Meillassoux, 1975). Le capitalisme globalisé s’efforce de préserver la première – où dominent des rapports sociaux de type domestique –, pour continuer à lui soustraire sa substance, sans la détruire, pour alimenter l’autre – où dominent des rapports sociaux capitalistes. Le genre, imbriqué à d’autres catégories d’analyse comme la race et la classe, en éclairant comment s’organise l’articulation des rapports sociaux dans les sphères de production et de reproduction sociale, permet ainsi de revisiter l’histoire et les théories du « développement ».
5L’histoire du développement dans une perspective féministe ne se restreint donc pas à une catégorie particulière de travaux d’un ensemble général, ni à un domaine étudié par une catégorie particulière de chercheur-es, mais consiste à porter un coup de projecteur sur des questions sous-éclairées, comme celle de la reproduction sociale, à l’aide de catégories d’analyse marginalisées, comme le genre. Il est vrai que le genre, en tant que concept élaboré à partir d’un lieu différent et par des groupes minoritaires, présumés inférieurs, a longtemps été déconsidéré et a engendré des résistances. Car comme le disait Colette Guillaumin, « les premiers textes théoriques venant de groupes minoritaires sont toujours disqualifiés sur le plan théorique et présentés comme des produits “politiques”. Ce qui est bien évidemment le cas » (Guillaumin, 1981 et 1992, citée par Devreux, 1995 : 110).
Les apports des historiennes des femmes
6Les historiennes des femmes ont contribué de manière importante à l’analyse des transformations sociales, et leurs apports théoriques et méthodologiques, ainsi que leurs positionnements ont nourri nos réflexions sur la mondialisation du capitalisme. C’est une historienne, Joan Scott, qui a énoncé que « le genre est une façon première d’exprimer des rapports de pouvoir » (Scott, 1988 : 42). En mettant le pouvoir au cœur de la réflexion, le concept de genre montre qu’il peut éclairer l’ensemble de la question sociale. Il ne s’agit pas juste de « rajouter les femmes », auquel cas on pourrait se demander, quelle différence cela fait-il…
7L’histoire des femmes est une histoire liée à un mouvement social, écrite à partir de convictions féministes. La défense de la justice sociale, de l’égalité entre les femmes et les hommes, l’identification avec les groupes sociaux subalternisés, la recherche d’alternatives « ici et maintenant » dans une « temporalité politique du présent » (Lamoureux, 2004), font partie de cette démarche revendiquée comme féministe. Ce positionnement se démarque de la pensée du progrès, telle que l’énonçaient la gauche ou les développementalistes, orientée vers l’avenir, qui reposait sur des changements hypothétiques, sur du wishful thinking.
8Cet engagement féministe explique aussi la définition de l’objet d’étude et des méthodes de recherches employées (sur lesquelles je ne reviendrai pas ici). Les historiennes des femmes ont considéré les expériences des femmes comme un fait d’histoire à découvrir et à décrire (tâche non aisée pour des raisons méthodologiques) ; elles ont abordé les femmes comme des sujets sociaux placés dans des contextes historiques concrets et dont les vies, comme membres de familles, comme travailleuses, comme membres d’organisations ou de mouvements sociaux, ont un intérêt. Une des contributions particulières des historiennes des femmes a été de réorienter l’intérêt pour les gens ordinaires du passé – moteur de l’histoire sociale –, vers les femmes et les rapports sociaux de sexe.
9Les historiennes féministes ont critiqué les généralisations sur les femmes, qui reposaient sur l’étude des femmes de classe moyenne ou de l’élite. Si elles ont mis en lumière l’expérience des femmes, dans une démarche descriptive, elles ont également mis l’accent, dans une démarche analytique, sur les différences entre femmes et les interactions entre ces différences et les changements plus globaux des structures politiques et économiques. Elles se sont préoccupées de problématiser les questions, par exemple analyser dans quelles conditions les femmes ont construit ou rejoint les mouvements sociaux. C’est en employant le genre comme catégorie d’analyse historique que les réponses aux problématiques posées ont pu être élaborées (Tilly, 1990 : 155). Surtout, elles ont mis les acteurs sociaux au centre de leurs études, en reconnaissant les contraintes, mais sans négliger les marges de manœuvre de chaque personne dans les changements.
10Elles s’intéressent à étudier les processus de changement plutôt que l’état des choses. Le genre en tant qu’expression de rapports de pouvoir permet d’analyser les changements. Les rapports de pouvoir sont inscrits au niveau symbolique, dans le langage, dans les normes sociales, dans les dispositifs institutionnels. C’est en reliant l’histoire des vies des femmes avec d’autres sujets d’étude, comme ce qui mène à des changements structurels, que l’on peut déduire comment l’histoire des femmes a changé la perception de ce qui est important en histoire (ibid.).
11L’attention portée aux femmes affine notre compréhension de la lutte pour le pouvoir ; même si elles ne sont pas victorieuses, elles sont actrices des luttes. « L’étude des vaincus nous aide à mieux comprendre les vainqueurs, à comprendre pourquoi et comment ils ont vaincu […] et à prendre au sérieux les alternatives possibles, comme par exemple celles recherchées par les femmes » (Tilly, 1990 : 167). Même vaincues, même démunies ou « victimes », les femmes sont donc bien des sujets faisant l’histoire.
Les jalons dans la construction d’un champ de savoir genre et développement
12Sous la pression des mouvements et études féministes, des jalons ont été posés dans les institutions et discours du système des Nations unies, depuis la naissance même du système, pour faire progresser les droits des femmes. Dès 1946, une Commission de la condition de la femme a été établie, au sein de la Commission des droits de l’homme, pour examiner les problèmes spécifiques des femmes et veiller à la mise en œuvre du principe d’égalité entre les hommes et les femmes. Elle a déterminé quatre domaines où les formes de discrimination les plus fortes s’exerçaient contre les femmes : les droits politiques, les droits légaux, en tant qu’individus et membres de la famille, l’accès à l’éducation, les droits du travail. Eleanor Roosevelt, présidente de la Commission chargée de rédiger la première version de la Déclaration universelle des droits de l’homme en 1948, a obtenu de faire inscrire dans l’article 2 de la Déclaration la mention suivante : « sans aucune distinction de race, couleur, sexe, langue… ». En 1951 a été approuvée à l’OIT la Convention n° 100 concernant l’égalité de rémunération entre hommes et femmes à travail égal et la non-discrimination selon l’emploi et l’occupation. De leur côté, des universitaires ont publié des travaux qui ont eu une influence sur les institutions internationales et sur les concepts et cadres d’analyses. Ainsi, en était-il du livre de l’économiste danoise Ester Boserup publié en 1970, « Women’s Role in Economic Development », qui abordait le travail des paysannes africaines, asiatiques et latino-américaines, auparavant ignorées. Elle mettait en lumière les effets négatifs introduits par le colonialisme et les politiques de modernisation sur leur statut. Dans les mêmes années, en 1972, Ann Oakley, une sociologue américaine, avançait le concept de genre dans son livre Sex, Gender and Society, dans lequel elle indiquait que le genre est une construction sociale, comme l’avait montré aussi Simone de Beauvoir dès 1949 dans Le Deuxième Sexe : « on ne naît pas femme, on le devient ». Inspirées par les pratiques féministes, les écrits des auteures féministes ont nourri les mouvements de libération des femmes, qui à leur tour ont fait pression sur les agences onusiennes et de coopération. Ainsi, le mouvement féministe s’était-il mobilisé pour que le congrès américain vote, en 1973, le « Percy Amendment », qui obligeait l’agence de coopération Usaid à intégrer les femmes dans tous ses projets de développement. En Inde, un comité interdisciplinaire d’étude du statut de la femme publiait un rapport en 1974 qui a marqué le début d’une remise en question radicale face aux politiques de développement et à l’exclusion des femmes. Dans de multiples autres pays du monde, des mouvements de femmes ont également fait pression sur leurs Parlements, leurs gouvernements, et leurs délégations à l’ONU pour inclure les questions des droits et de la liberté des femmes dans les agendas. Ces pressions ont permis d’obtenir que la Commission de la condition de la femme des Nations unies propose d’organiser en 1975 le lancement de l’année internationale de la femme à Mexico. Cette Commission sera responsable de la préparation des conférences suivantes (Copenhague en 1980, Nairobi en 1985, Beijing en 1995).
13Le rapport des Nations unies en préparation de la conférence de Mexico avait conclu, données à l’appui, que « la situation des femmes s’est détériorée malgré les efforts de développement réalisés dans de nombreuses régions du monde… La production déterminée par les lois du capitalisme et orientée vers le profit plutôt que vers le bien-être de la population a rétréci la portée d’un grand nombre de programmes de développement » (Rapport des Nations unies, 1975).
14La première conférence des Nations unies en 1975 à Mexico avait dénoncé la détérioration de la situation des femmes, notamment celle des paysannes, les biais masculins dans le processus de développement, l’invisibilité des femmes. Elle a donné une certaine visibilité aux activités pour les droits des femmes des pays non occidentaux, peu reconnus. Parallèlement à la conférence, se tenait une tribune où participaient des femmes, des mouvements de femmes, des associations. Plus de 6 000 femmes, en grande majorité latino-américaines, s’étaient déplacées et avaient animé les débats. Domitila Barrios de Chungara, représentante de l’organisation des femmes de mineurs en Bolivie, y réclamait par exemple que soient prises en compte la diversité et les multiples oppressions vécues par ces travailleuses, en majorité indigènes (Millán, 2012). Aux États-Unis, les activistes et chercheur-es du mouvement black feminism dénonçaient également l’absence de prise en compte des différences entre les femmes, et ont avancé le concept d’intersectionnalité des catégories de race et de sexe (Hill Collins, 1989 ; Combahee River Collective, 1977 ; Davis, 1982 ; Crenshaw, 1991).
15En 1979 a été adoptée la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination envers les femmes (CEDAW en anglais). Il s’agit de l’accord international le plus important concernant les droits des femmes. Ratifiée par 189 (sur 193) États (mais pas par les États-Unis), c’est un instrument puissant pour promouvoir les droits des femmes dans les constitutions, les lois, les politiques, pour réduire les discriminations de genre. Il comprend des procédures rigoureuses, chaque pays devant présenter, tous les quatre ans, son rapport, examiné par un comité d’expert-es, pour contrôler l’application de la Convention.
16En préparation ou durant la Décennie internationale de la femme (1975-1985), de multiples conférences mondiales des Nations unies se sont tenues sur la population, l’emploi, la santé, l’eau, l’agriculture, etc. (voir Bisilliat, 2000). Elles ont permis aux réseaux nationaux et internationaux de se constituer ou de se développer, soit en préparation des conférences, soit dans les forums qui se tenaient en marge des conférences. Cependant, dans les documents et résolutions de ces conférences, les femmes n’ont guère été prises en compte, et rarement de manière systématique, transversale et centrale. En 1985, le bilan de la Décennie des Nations unies sur les femmes, lors de la conférence de Nairobi, a été négatif et a donné lieu à la définition d’un nouveau plan d’action. Lors de la IVe conférence des Femmes à Beijing en 1995, la Déclaration de Beijing et la Plateforme d’action, signées par 189 États, ont été considérées comme des avancées. Elles ont reconnu l’universalité des droits des femmes, la nécessité de leur empowerment, tel que défendu par des mouvements de femmes des pays du Sud, et introduit la notion de gender mainstreaming, autrement dit l’intégration systématique et transversale de la perspective de genre dans les institutions, politiques et programmes. Des indicateurs sur les avancées en termes de droits des femmes sont introduits dans le système, permettant de relativiser l’indice de développement humain. Mais le genre n’a pas véritablement été abordé comme un outil d’analyse pour expliquer les dissymétries et inégalités, et la réflexion ne s’est pas inscrite dans une analyse de la mondialisation du capitalisme. Si la Plateforme de Beijing a fait des propositions qui ont représenté des avancées dans le domaine politique et social, elle n’a fait aucune proposition de changements structurels dans le domaine économique.
17Les agences de développement se sont accommodées de ce fuzzword « genre », utilisé sous la forme d’un « euphémisme acceptable qui adoucissait le discours dur sur les droits et le pouvoir » (Cornwall, 2007 : 70). De nombreuses critiques ont été faites sur la manière dont ces concepts – l’empowerment et le genre – ont été vidés de leur dimension critique. Dans des pays du Sud, les mouvements et théories féministes ont parfois considéré le genre comme un buzzword qui escamotait et dépolitisait leurs analyses et propositions transformatrices, et ont déploré l’injonction à incorporer cette notion, dénonçant ce qui a été perçu comme une ONG-isation des mouvements de femmes (Jad, 2004 ; Alvaréz, 2009). Pour le courant de pensée féministe en France qui avait conceptualisé les « rapports sociaux de sexe » (Delphy, 1970 ; Devreux, 1985 ; Mathieu, 1985 ; Daune-Richard et Devreux, 1992), l’accent mis sur le concept de genre est parfois apparu comme un recul théorique. S’il est maintenant repris dans les documents académiques en France (Chabaud-Rychter et al., 2010), dans les traductions officielles des documents des Nations unies, des termes comme celui de « sexo-spécificité » sont employés, qui ne rendent aucunement compte de son potentiel analytique. Dans le milieu des agences de développement, il n’est pas sans susciter un sentiment de fatigue, d’ennui, voire d’irritation. Le genre comme catégorie d’analyse dans le développement provoque des résistances persistantes (Verschuur, 2009b).
18Des critiques ont également été adressées au système des Nations unies sur le manque de moyens attribués et d’objectifs précis concernant les droits des femmes. En 2000, les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) ont proposé huit objectifs mesurables et avec des délais précis, dont le troisième était : « promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes » (c’est ainsi qu’a été traduit empowerment dans la version française). Cet objectif apparaît de manière isolée, comme une fin en soi, sans être intégré à l’ensemble des objectifs de développement. Les OMD sont à la recherche de l’efficience, des best practices, et s’inscrivent dans une approche néolibérale, sans toucher au système économique, commercial et financier, sans analyser les causes de la pauvreté et des inégalités. L’Unrisd (2005), faisant le bilan de la situation dix ans après la Déclaration de Beijing, en se basant sur une soixantaine d’études, a montré, données à l’appui, que les politiques néolibérales constituaient le principal obstacle à la réalisation des objectifs de justice sociale réaffirmés lors des multiples conférences internationales, y compris les objectifs d’égalité de genre affirmés à Beijing. Les maigres gains politiques des femmes ont été compromis par les échecs des politiques sociales et économiques.
19Durant la Décennie des Nations unies sur les femmes et en préparation des diverses grandes conférences internationales suivantes, les agences des Nations unies et les coopérations bilatérales ainsi que des fondations avaient commandé et financé des études, des évaluations, des recherches, qui ont fourni des données, des informations. Par exemple, en préparation de la conférence des Femmes de Nairobi, l’Usaid avait commandé en 1984 une évaluation de 416 de ses projets. Au Cameroun, un pays dans lequel ce sont les femmes qui cultivaient les arachides, un projet de multiplication des semences avait été confié aux hommes, qui n’avaient aucune expérience de cette culture. L’évaluation avait constaté, sans surprise, que ce projet avait été un échec. Ailleurs, une étude au Mali, concernant le programme « Opération Riz Ségou », avait relevé ses effets négatifs sur les femmes. Ce programme avait pour objectif d’augmenter la production rizicole, et avait notamment aménagé des parcelles, attribuées exclusivement aux hommes. Les femmes – habituelles cultivatrices de variétés locales de riz – avaient perdu l’accès qu’elles avaient auparavant à des parcelles de terre de qualité et à proximité, avec pour conséquences un accroissement de la malnutrition, des tensions dans les rapports inégaux entre hommes et femmes, ainsi qu’entre femmes ayant différents statuts, et une plus grande précarité (Verschuur, 1989). Cette période a été favorable à l’obtention de subsides à des chercheur-es pour réaliser des recherches dans ce domaine (Bisilliat, 1983 ; Schrijvers, 1985 ; Postel-Coster, 1987). Petit à petit s’est ainsi bâti un corpus de données, représentant un champ de savoirs sur femmes/genre et développement, qui est redevable des interactions entre les mouvements de femmes, certaines agences de coopération et les chercheur-es. La création en 2010 de l’agence des Nations unies pour l’égalité de genre et l’empowerment des femmes – appelée ONU Femmes –, regroupant diverses agences des Nations unies, matérialise d’une certaine manière la reconnaissance de ce champ de savoir au sein du système des Nations unies.
20Pour clôre ce point, je voudrais proposer une périodisation dans l’élaboration de la pensée sur les femmes/le genre dans la problématique du développement. Cela me permettra de mettre en avant certaines questions à mon avis centrales pour comprendre en quoi le genre permet de revisiter l’histoire du développement.
21Dans un premier temps, les travaux ont permis de reconnaître le travail invisible des femmes, et notamment celui des paysannes dans le « Tiers Monde » (Boserup, 1970 ; Benería et Sen, 1981). La dévalorisation du travail des femmes est liée à la division sexuelle du travail, un concept analytique – et non seulement un outil descriptif – permettant de comprendre les inégalités entre hommes et femmes (Young, 1978 ; Benería, 1982 ; Kergoat, 2000). Le male bias (Elson, 1991) dans le développement, entendu comme l’invisibilité sociale et économique des femmes, leur confinement à la sphère domestique et l’introduction d’une politique productive occidentale masculine (male-oriented) (Pronk, 2000), avait été relevé à la première conférence internationale des Femmes à Mexico. Les programmes proposés ensuite par des agences de coopération pour mieux « intégrer » les femmes dans le développement ont en fait visé une plus intense utilisation de la main-d’œuvre féminine, considérée comme une ressource sous-exploitée, pour le développement du capitalisme. Mais les programmes de coopération n’ont pas pris en compte les nombreux travaux des économistes et sociologues féministes sur la dévalorisation du travail, notamment le travail domestique gratuit, réalisé par les femmes.
22Un deuxième temps a notamment consisté à analyser les rapports sociaux de sexe, de race et de classe dans la nouvelle division internationale de travail, dans le contexte de la mondialisation du capitalisme néolibéral. Les études ont porté notamment sur l’intégration des femmes dans les industries manufacturières délocalisées, la féminisation du prolétariat, la place croissante des femmes dans l’économie informelle dans les villes, la féminisation des migrations (Benería, 1982 ; Kabeer, 1995 ; Federici, 2002 ; Sassen, 2005). Dans le contexte de la globalisation, les activités de reproduction sociale se sont inscrites dans une nouvelle division internationale du travail. Une attention particulière a été portée au travail de care, et au « care drain » (Ehrenreich et Hochschild, 2002 : 17), où des migrantes partent s’occuper des personnes – dépendantes ou non – dans les zones « riches », en tant que travailleuses domestiques, nannies, aides-soignantes, etc., tout en assumant les activités reproductives dans leurs foyers transnationaux, par-delà les frontières (Verschuur et Catarino, 2013).
23Un troisième temps a consisté à reconnaître les identités et la lutte pour les droits, au niveau domestique, local ou global, dans le contexte de la mondialisation. La déconstruction de l’image coloniale de « la femme du Sud » a permis de s’interroger sur la construction de l’individu en tant que sujet de sa propre histoire (Rauber, 2003). Sous l’impulsion des mouvements de femmes et des féministes des Suds, des minorités ou migrantes, a été ravivée la réflexion sur l’imbrication des rapports de race, caste, classe, genre et critiquée l’hégémonie des féminismes occidentaux (Mohanty, 1988).
24Les revendications de justice sociale et de redistribution ont cependant eu tendance à être remplacées, par certains courants féministes post-coloniaux, par un accent grandissant sur les identités et différences, avec une tendance à surinvestir la critique culturelle en délaissant la critique de l’économie politique. La perspective féministe décoloniale, proposée notamment par les mouvements et auteurs latino-américains, propose de faire le lien, dans le contexte de la nouvelle division internationale du travail dans le processus d’accumulation capitaliste mondiale, entre les capacités d’action culturelle des sujets et leurs luttes sociales concrètes (Destremau et Verschuur, 2012).
Décoloniser la pensée sur le développement
25Évoqué pour la première fois par le président Truman dans son discours d’investiture aux États-Unis en janvier 1949, le « développement » apparaît comme un choix volontariste de « reconstruction », guidé par l’idée de « raison », de la construction d’un ordre rationnel, de la transformation du monde visant à rompre avec des idées, des cultures, des histoires (Touraine, 2007). Il est lié à une idéologie du progrès et de croissance infinie, à la recherche d’un futur meilleur grâce à toujours plus de biens et services. Des modèles ou étapes de « développement » ont été proposées. Pourtant, « on peut […] s’étonner du fait que, cinquante ans après que son extension aux pays du Sud ait été officiellement mise à l’ordre du jour de la communauté internationale, le “développement” ne soit pas encore réalisé » (Rist, 1996 : 28). Au contraire, les analyses indiquent toutes que les fractures s’accroissent, non seulement entre les Nords et les Suds, mais aussi à l’intérieur de ces ensembles.
26En 1952, Alfred Sauvy avait proposé l’appellation de Tiers Monde, en référence avec le Tiers État sous l’Ancien Régime en France avant la révolution de 1789. « Car enfin, ce Tiers Monde ignoré, exploité, méprisé comme le Tiers État, veut, lui aussi, être quelque chose » disait Sauvy. Diverses appellations ont ensuite été proposées pour cerner ces ensembles : « pays sous-développés », « pays en développement », « pays moins avancés », « pays du Sud », ou Global South, pour signaler que les inégalités existent au sein même des Nords et des Suds. De nombreuses écoles de pensée ont discuté des processus de développement, des « développementalistes » (Rostow, 1963) aux théoriciens de la dépendance (Gunder Frank, 1969 ; Amin, 1973 ; Furtado, 1976). Pour les « développementalistes », les théories de modernisation permettraient le « décollage » des pays « sous-développés » pour rattraper les pays « développés » (Rostow, 1963), l’accroissement de la richesse devant ruisseler vers les plus pauvres selon le principe du trickle down ; pour les « dépendantistes » – avec des écoles de pensée différentes – la « périphérie », bloquée par l’échange inégal, devrait rompre la dépendance avec le « Centre », pour s’industrialiser comme lui.
27Une analyse critique des discours sur le développement permet de les entendre comme « un grand récit », un système de croyance qui impose des lectures du devenir des sociétés (Rist, 1996). Le message de transformation sociale devient un « mouvement messianique » qui de la Seconde Guerre mondiale au début des années 1980, sous l’impulsion de l’Occident, promettait la réalisation immédiate du bonheur sur terre (voir l’indice BNB, Bonheur national brut, adopté par le Bhoutan en 1972 et faisant l’objet de conférences de l’ONU depuis 2004 pour remplacer le PNB). Libéraux et marxistes, développementalistes et dépendantistes cherchaient finalement tous à réaliser « le royaume sur terre », édictant à partir de leurs points de vue et de leur compréhension de la société quels devraient être les étapes successives, les changements et les objectifs à atteindre (Rist, 1996).
28Épiques ou dramatiques, romantiques ou pragmatiques, les discours et analyses du développement n’ont cependant pas changé la vie des sujets concernés, ne fournissant ni des outils d’analyse satisfaisants, ni des propositions transformatrices. Avant tout, ils ont nié aux populations « sur » lesquelles portent les analyses et propositions de « développement » la possibilité d’avoir leur propre vision du monde, d’avoir des capacités d’action et de résistance, de revendiquer leur propre histoire.
29Ainsi, en Afrique, « le paradigme de la dépendance a produit une histoire de l’Afrique statique, figée, dans laquelle les forces externes jouaient un rôle prépondérant. […] L’historiographie de la dépendance partageait la logique de l’historiographie impérialiste, qui présentait l’histoire africaine comme un prolongement de l’histoire européenne. […] Cette dernière décrivait l’histoire en Afrique comme un récit exaltant des efforts héroïques de l’Europe pour introduire la “civilisation” sur “le continent noir”, alors que pour l’historiographie de la dépendance, c’est une triste histoire de pillages et de saccages par l’Europe » (Zeleza, 2004 : 107).
30L’ambiguïté du discours sur le développement commence par le fait qu’il s’agit d’un « discours d’acteur sur une société sans acteurs » (Touraine, 2007), les « pauvres » sont des cibles, des individus neutres, sans vision propre ni capacité d’action. Un autre angle mort est l’absence de considération sérieuse, incluant la catégorie de genre, des mouvements sociaux et organisations populaires, qui proposent des visions alternatives depuis un autre point de vue et avec une autre temporalité. Or, même exclues du pouvoir et des bénéfices économiques, sociaux, culturels, les personnes qui les intègrent et animent ne sont pas prisonnières des normes et structures, mais ont bien des capacités de penser, de s’exprimer, d’agir, de résister, elles sont sujets de leur propre histoire.
31Quel que soit l’accent mis sur le sujet, sur l’historicité ou sur les mouvements sociaux comme moteur des transformations sociales, de nombreux sociologues du développement ignoraient les expériences des femmes et le concept de genre. Dans ses analyses des mouvements sociaux, Touraine mettait l’accent sur le travail des ouvriers (mais excluait le travail reproductif), sur la conscience ouvrière masculine (mais la conscience ouvrière féminine était négligée), sur les mouvements des ouvriers masculins (alors que la féminisation du salariat n’était pas rendue visible) (Touraine, 1984). Dans les discours du développement, l’invisibilité des femmes « du Tiers Monde » a, elle aussi, été tenace (Bisilliat et Verschuur, 2000), et l’image de « la » femme du Tiers Monde était figée : supposée constituer un groupe homogène, elle a été représentée comme victime, traditionnelle, sans capacité d’action. Par contraste, « la » femme occidentale était représentée comme éduquée, moderne, ayant un travail rémunéré, contrôlant son propre corps et sa sexualité, libre de prendre ses décisions. Nier aux femmes d’« ailleurs » leurs capacités à prendre conscience et dénoncer les inégalités de genre fait partie d’un registre de dénigrement colonial. Tout comme il a fallu démanteler le « mythe » (Cornwall et al., 2007) de « la » femme du Tiers Monde, représentée non comme sujet de son histoire, mais comme un objet construit par des féministes occidentales (Mohanty, 1988), il a été nécessaire de déconstruire le regard colonial sur l’« autre », les pays « sous-développés », les « pauvres », ou les banlieusards (Lapeyronnie, 2005). « Les relations de pouvoir entre nations et le statut des sujets coloniaux sont devenus compréhensibles (donc légitimes) dans des termes de relations entre masculin et féminin » (Scott, 2000 : 32). Des qualificatifs dits féminins sont associés aux pays dits « pauvres » – subordonnés, faibles, exploités, traditionnels – par contraste avec des caractéristiques dites masculines attribuées aux pays « riches » – dominants, forts, protecteurs, rationnels, modernes.
32Dans son analyse du processus de mondialisation du capitalisme, Nancy Fraser insiste sur le changement de nature du capitalisme, passé du mode organisé par l’État au néolibéralisme. Elle définit le capitalisme d’État comme une formation sociale où les États ont pris une part active au pilotage de leurs économies nationales (Fraser, 2011 : 170-171) et considère qu’une variante du capitalisme d’État a existé dans ce qu’on appelait à l’époque le Tiers Monde. Cette formation sociale, « société capitaliste à forme androcentrique, organisée par l’État, [est] structurée en fonction de trois ordres de subordination qui s’interpénètrent : la distribution injuste, le déni de reconnaissance, la (non-)représentation ». (ibid. : 174-175). « Les tenants de cette nouvelle forme du capitalisme […] en démantelant la charpente des accords de Bretton Woods, […] ont supprimé les contrôles du capital qui avaient permis le pilotage des économies nationales selon les principes keynésiens. Ils ont installé la privatisation et la dérégulation à la place du dirigisme ; le trickle down et la “responsabilité personnelle” à la place des dépenses publiques et de la citoyenneté sociale ; l’État concurrentiel dégraissé et parcimonieux à la place des États providence et développementalistes. […] Dans le Tiers Monde […] l’arme de la dette a servi à imposer cette néolibéralisation sous forme de programmes obligatoires d’ajustement structurel qui ont balayé tous les grands principes du développementalisme et contraint les États postcoloniaux à se défaire de leurs biens, à ouvrir leurs marchés et à réduire drastiquement leurs dépenses sociales » (ibid. : 179-180).
33Si les luttes nationalistes anticoloniales du Tiers Monde sont considérées comme faisant partie de l’histoire passée, qu’en est-il néanmoins de l’esprit de Bandung, qui a fondé le mouvement des non-alignés ? L’appel passionné pour plus de justice sociale et pour un nouvel ordre économique mondial, la centralité du politique, qui étaient au cœur de cet esprit sont-ils également révolus, font-ils partie de l’histoire passée ? (Escobar, 2004) Les régimes d’exclusion et de pauvreté croissantes pour la majorité des populations et d’inclusion et de prospérité inouïes pour une minorité suggèrent que la notion de Tiers Monde reste par certains côtés valide, mais demande de remettre en question les pièges de la modernité (Escobar, 2004 : 209). Renouveler les cadres théoriques sur l’après-Tiers Monde implique de repenser la modernité qui apparaît comme incontournable dans le processus de globalisation. Or, la modernité a invisibilisé, disqualifié les connaissances subalternes et les pratiques culturelles au niveau mondial depuis les conquêtes de l’Amérique jusqu’à nos jours. Cette autre face de la modernité, la colonialité, est constitutive de la modernité. Escobar suggère la nécessité d’élaborer « un cadre théorique alternatif qui prendrait sérieusement en compte la force épistémique des histoires locales et de penser la théorie à travers la praxis politique des groupes subalternes » (ibid. : 217).
34Ainsi, le capitalisme n’est pas seulement un système économique ni seulement un système culturel, mais un réseau global de pouvoir intégré par des processus économiques, politiques et culturels qui constituent un ensemble (Castro-Gómez et Grosfoguel, 2007). Pour Aníbal Quijano, « la race, à la fois mode et résultat de la domination coloniale moderne, a imprégné tous les champs du pouvoir capitaliste mondial. Autrement dit, la colonialité s’est constituée dans la matrice de ce pouvoir, capitaliste, colonial/ moderne et eurocentré. Cette colonialité du pouvoir s’est avérée plus durable et plus enracinée que le colonialisme au sein duquel il a été engendré, et qu’il a aidé à s’imposer mondialement » (Quijano, 2007b). Dans une perspective décoloniale, la décolonialité devrait compléter la décolonisation, en s’adressant à « l’hétérarchie des multiples relations raciales, ethniques, sexuelles, épistémiques, économiques et de genre, laissées intactes par la première décolonisation » (ibid. : 17).
35La perspective décoloniale reprend et discute des débats sur le colonialisme, la philosophie de la libération, la pédagogie des opprimés, les théories de la dépendance. Elle va plus loin que les analyses système-monde (Wallerstein, 2006) qui se centrent sur l’analyse de la division internationale du travail et les luttes militaires géopolitiques dans les processus d’accumulation capitaliste mondiale (Castro-Gómez et Grosfoguel, 2007). Elle va également plus loin que « les études postcoloniales anglo-saxonnes, qui critiquent le développementalisme, les formes eurocentriques de connaissances, les inégalités de genre, les hiérarchies raciales et les processus culturels/idéologiques qui favorisent la subordination de la périphérie au système-monde capitaliste » (ibid. : 14). Si les études postcoloniales anglo-saxonnes mettent l’accent sur la culture, la capacité d’action des sujets, et la perspective système-monde sur les structures politico-économiques, la perspective décoloniale intègre les deux, considérant que la culture est entrelacée avec les processus politico-économiques. Elle s’appuie sur la notion de « colonialité du pouvoir » (Quijano, 2007a). Elle considère qu’on ne peut comprendre le capitalisme global sans prendre en compte les discours raciaux et de genre qui organisent la population dans une division internationale du travail (Castro-Gómez et Grosfoguel, 2007). Les inégalités de pouvoir entre hommes et femmes et de race sont ainsi tout aussi fondamentales pour l’analyse critique du discours sur le développement que les inégalités Nord/Sud ou au sein des ensembles.
Crise de la reproduction sociale et espaces de transformations
36Le développement se définirait alors comme un « ensemble de pratiques parfois contradictoires qui, pour assurer la reproduction sociale, obligent à transformer et à détruire, de façon généralisée, le milieu naturel et les rapports sociaux en vue d’une production croissante de marchandises (biens et services) destinées, à travers l’échange, à la demande sociale », selon Rist (1996). Sans revenir sur tous les éléments de cette définition, dans laquelle la question de la reproduction sociale est effectivement centrale, un élément me semble discutable, celui de la destruction des rapports sociaux. Le capitalisme globalisé s’efforce au contraire de préserver plutôt que détruire les rapports sociaux de type domestique qui, articulés avec les rapports sociaux capitalistes, assurent sa prospérité.
37Certes, des activités considérées « privées » ou « gratuites » se marchandisent, notamment dans le contexte d’une nouvelle division internationale sexuelle et raciale du travail (les soins aux personnes, et jusqu’à la fabrication des bébés,…). Pour certains auteurs, effectivement, la reproduction est au pire un « résidu » de la société traditionnelle, au mieux un « idéal » romantique selon lequel certaines activités et relations sont supposées « gratuites » et devraient rester en dehors de la sphère marchande. Cependant, les économistes féministes, les sociologues, anthropologues, historiennes, ou les mouvements féministes, ont depuis longtemps critiqué les postulats des disciplines économiques qui ne reconnaissent pas la valeur économique du travail domestique (Benería, 1982 ; Folbre, 1997). Considérer que les activités au sein de l’unité domestique étaient « gratuites » signifie naturaliser la division sexuelle du travail et oublier que cette catégorie d’analyse traduit une relation de pouvoir. Les inégalités de genre et de race, de pouvoir, qui permettent l’organisation « gratuite » ou sous-rémunérée de la reproduction sociale, ne sont ainsi pas problématisées.
38La reproduction sociale inclut à la fois « le renouvellement démographique et économique des effectifs et la reconstitution des relations et des institutions sociales qui organisent les individus selon des caractéristiques propres au système considéré » (Meillassoux, 1991 : 15). Le concept de reproduction fournit un cadre théorique utile, dans lequel le travail non rémunéré des femmes est un élément central. Alors que les études de développement se sont intéressées à la production de marchandises et services dans le contexte de la nouvelle division internationale du travail, plus rares sont celles qui ont mis l’accent sur la reproduction de la force de travail. Dans les pays « riches », la demande en « travailleurs venant au monde tout faits » (Marx, cité par Meillassoux, 1975 : 161) est en partie satisfaite par l’émigration, qui permet de contribuer gratuitement à la reproduction de la force de travail, grâce notamment à « cet immense “cadeau” de travail domestique des femmes du Sud aux pays riches » (Federici, 2002 : 55).
39La restructuration économique de ces quatre dernières décennies et le changement de nature du capitalisme ont créé un nouvel ordre colonial (Federici, 2002). L’accroissement de la pauvreté et des inégalités, le recul de l’engagement des États à investir dans la reproduction des travailleurs (avec des coupes dans les budgets sociaux, des dévaluations monétaires, la privatisation et la libéralisation), les baisses de salaires et des rémunérations du travail, ont créé une crise de la reproduction sociale dans les Suds (Global South). L’organisation de la reproduction sociale se globalise, et des personnes, hommes et femmes, généralement jeunes, partent en migrations temporaires dans d’autres régions ou pays. Des études ont par exemple montré, chiffres à l’appui, que « la société mexicaine subventionne l’économie étasunienne par le biais de la migration de travail » (Delgado et al., 2009 : 45) et que les migrant-es mexicain-es, plutôt que de constituer une charge fiscale et sociale, contribuaient à l’économie nord-américaine plus qu’ils ne recevaient. L’OCDE recommande dans un récent rapport de favoriser l’immigration pour compenser la baisse démographique et contribuer à la croissance économique, indiquant aussi que « les immigrés, en général, contribuent plus en impôts et en cotisations sociales qu’ils ne reçoivent de prestations individuelles » (OCDE, 2013). Les personnes migrantes, et en particulier les femmes migrantes, sont devenues un maillon fondamental dans le fonctionnement des systèmes de reproduction sociale dans les espaces et les pays riches.
40On observe ainsi un système, social, économique, culturel, moral d’organisation de la reproduction sociale, y compris le care, qui implique des biens et des services liés à l’économie capitaliste. Dans le nouvel ordre économique global, caractérisé par la nouvelle division internationale du travail, l’articulation entre économie domestique et capitaliste prend de nouvelles formes. Mais il repose toujours sur l’organisation de l’ensemble des activités et des rapports indispensables à la reproduction sociale, par-delà les frontières, dans des réseaux transnationaux.
41Divers auteurs (Delphy, 1970 ; Meillassoux, 1975 ; Rey, 1976) avaient montré l’importance du maintien des rapports sociaux de type domestique pour le développement de l’économie capitaliste. Des anthropologues comme Meillassoux considéraient que l’articulation entre la sphère reproductive (où dominent des rapports sociaux de production de type domestique) et la sphère productive (où dominent des rapports sociaux de production capitaliste), est la « cause essentielle du sous-développement en même temps que de la prospérité du secteur capitaliste » (Meillassoux, 1975 : 149). C’est en maintenant les liens organiques entre économie capitaliste et domestique que la première assure sa croissance et sa prospérité. Afin de maintenir cette articulation, il faut préserver l’une pour continuer à lui soustraire sa substance, sans la détruire, pour alimenter l’autre. Cela implique de conserver la sphère domestique partiellement en dehors de la sphère de production capitaliste, tout en maintenant cette articulation. La construction sociale et culturelle du genre, imbriquée avec les inégalités de classe et de race, permet de conserver ce lien organique.
42La crise de la reproduction sociale se situe ainsi au cœur de la question du « développement ». Des initiatives pour repenser les activités et relations nécessaires pour la reproduction sociale essaiment néanmoins, dans des organisations populaires, avec des ébauches de rupture des rapports de subordination. Des alternatives économiques et sociales, des espaces de parole et de solidarité se construisent, où des femmes se constituent en sujets de leur histoire, sur des territoires de vie, « ici et maintenant » (Rauber, 2003 ; Guérin et al., 2011 ; Verschuur, 2012). L’image de bubbling up me semble bien illustrer cette effervescence qui tente de fissurer le système.
43En effet, les conséquences négatives des politiques néolibérales globales et les crises ont suscité l’émergence d’alternatives, s’inspirant notamment des idées, théories et pratiques d’organisations de femmes, locales ou transnationales, qui foisonnent partout dans le monde. Ces organisations luttent pour faire reconnaître le travail de reproduction, non ou mal rémunéré, pour réclamer la prise en charge par l’État d’infrastructures sociales (approvisionnement en eau, énergie, systèmes de santé, d’éducation, crèches et soins aux personnes âgées, …) et le partage équitable du travail reproductif entre femmes et hommes. Elles développent de nouvelles formes d’organisation du travail agricole et de l’économie de l’alimentation, des formes de production collectives et axées sur les besoins plutôt que sur le profit, des systèmes de protection de l’environnement ou de gestion des déchets, des systèmes locaux de microfinance liés à des objectifs sociaux ou de production locale, des mutuelles autogérées de santé (Hainard et Verschuur, 2005). Elles mettent en place des marchés locaux, encourageant les liens producteurs-consommateurs et la recherche de bénéfices mutuels. Elles dénoncent la libéralisation des marchés qui détruisent l’environnement et les systèmes de protection sociale, et s’organisent pour y pallier. Elles sont au premier plan des nouvelles formes d’organisation et de défense des droits de travailleurs et travailleuses, tant informels que formels. C’est grâce aux luttes des multiples organisations de travailleuses domestiques dans le monde que la convention du BIT sur les droits des travailleuses et travailleurs domestiques a été adoptée en 2011. Les organisations de femmes développent diverses pratiques sociales et économiques, soucieuses de l’organisation de la reproduction sociale, en questionnant les rapports de domination et d’exclusion, en ébauchant de nouveaux rapports sociaux de (re)production, ou en évoquant des principes de solidarité, réciprocité, équité et justice (voir Guérin et Nobre dans cet ouvrage).
44Le processus de réduction de la pauvreté pourrait constituer en lui-même un moteur, encourageant une croissance qui « bubbles up », en s’appuyant sur la large base des secteurs de l’économie située en bas, par l’accroissement de la demande que constituerait l’augmentation des revenus des travailleurs et travailleuses pauvres, des paysannes et paysans, dans les secteurs formels et informels (Jain et Elson, 2011). Le pouvoir transformateur de la pensée féministe sur le développement réside cependant ailleurs, dans le fait de centrer la réflexion sur l’organisation des rapports de reproduction et de production et de reconnaître cette effervescence, ce bubbling up de myriades d’organisations agissant autour de ces questions, « ici et maintenant », où les femmes subalternisées se constituent en sujets des transformations sociales.
Conclusion : trickle down ou bubble up
45Le « grand récit » du « développement » a été empreint d’un regard colonial, il a rendu invisible le travail de reproduction sociale, il a tu les voix et nié les existences de l’« autre », qu’il soit « sous-développé », du Sud, « femme » ou « sujet colonial ». Les autres n’ont pas été vus comme ayant des capacités de penser, d’agir, d’avoir leur propre histoire et leurs contradictions, leurs propres valeurs et moteurs de transformations, qui ne soient pas liées à l’Occident.
46Faire le récit de l’histoire des femmes subalternisées et des organisations populaires dans les Suds signifie modifier les récits dominants qui occultent leurs voix, réflexions et engagements. Comme le disaient les historiennes des femmes, cela signifie démontrer que leurs expériences ont un intérêt et que cela fait une différence d’analyser la réalité depuis leurs points de vue. La perspective décoloniale, élaborée en Amérique latine, représente une alternative pour penser à partir de la spécificité historique et politique des sociétés elles-mêmes, et non seulement vers ou sur elles. Le courant de pensée décolonial répond à la fois à l’exigence de prendre en compte les points de vue des « autres » et au reproche fait aux études postcoloniales de déserter le terrain des luttes sociales réelles. Cette perspective va plus loin que les analyses qui mettent l’accent sur les structures économiques et sur la capacité d’action culturelle des sujets. Elle permet de prendre en compte la dimension symbolique et culturelle qui imprègne la « colonialité du pouvoir » (Quijano, 2007a) dans le système capitaliste. La perspective féministe décoloniale fait le lien entre la dimension symbolique, construite et culturelle des rapports de genre et de race et leur dimension économique et politique, du niveau domestique au local et global. Cette perspective se centre aussi sur les luttes pour des droits économiques et sociaux, en s’intéressant au lieu spécifique à partir duquel les femmes prennent la parole dans la lutte sociale. Elle s’intéresse ainsi à reconnaître les capacités des personnes, d’appartenances diverses, à se constituer en tant que sujets de leur propre histoire ; mais également à montrer comment les rapports de genre s’inscrivent dans le système économique, avec une attention particulière à l’insertion des femmes racisées dans la nouvelle division internationale du travail reproductif et productif. Les analyses de l’articulation des rapports sociaux de type domestique avec les rapports sociaux capitalistes dans une perspective décoloniale permettent de mieux comprendre l’expansion du capitalisme et la reproduction des inégalités de genre.
47En conclusion, je dirai que le fait d’inclure le concept de genre dans les études de développement fait une différence et renouvelle l’analyse critique de la mondialisation du capitalisme. J’ai indiqué que cela met au cœur de l’analyse la question de l’organisation de la reproduction sociale. J’ai évoqué l’importance de la dimension symbolique des représentations liées au genre et les questionnements qu’il suscite sur les identités, les institutions, les symboles, les valeurs et normes. J’ai mis l’accent sur le fait que les femmes et les hommes sont des sujets de leur propre histoire, et non seulement des « porteurs de structures », ni des victimes, qui se situent dans des luttes concrètes, locales ou globales. J’ai mentionné les fractures coloniales, dans des espaces multiples, localement et globalement, selon des lignes genrées et racisées. La perspective décoloniale et féministe permet aussi de questionner le système de production des connaissances subalternisées, des travailleurs et travailleuses, des femmes « ordinaires », des sujets racialisés/coloniaux, des mouvements anti-systémiques (Castro-Gómez et Grosfoguel, 2007). Elle met également en lumière des utopies, des alternatives, venant d’en bas, élaborées par des groupes subalternisés, dans une temporalité politique du présent.
48Dans un temps de crises économiques et financières globales, il est impératif de mettre en évidence et de comprendre que les dysfonctionnements des sociétés sont liés aux inégalités, que celles-ci sont construites et non immuables. Espérer que la prospérité ruissellerait vers les pauvres, sans changements structurels, symboliques et culturels, dans un hypothétique trickle down est une chimère. Dans un monde différent, néolibéral, il faut réveiller la capacité d’indignation qui caractérisait « l’esprit de Bandung », en y incluant les voix des femmes subalternisées. Les initiatives, qui foisonnent, bubbling up, pour repenser la question de la reproduction sociale, constituent dans ce sens des alternatives à prendre au sérieux dans la construction collective des utopies.
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Auteur
Christine Verschuur est anthropologue, titulaire d’un doctorat en socio-économie du développement de l’université de Paris-I Panthéon-Sorbonne. Directrice du pôle Genre et développement de l’IHEID, directrice de la collection Les Cahiers genre et développement publiée aux éditions de L’Harmattan, Paris, elle est associée aux recherches et à l’enseignement en genre et développement à l’Institut depuis 1996 et membre du corps enseignant de l’IHEID depuis 2002. Ses domaines de spécialisation sont les inégalités de genre dans le développement, les études féministes décoloniales, les mouvements populaires urbains, les migrations. Durant dix ans, elle a coordonné une recherche sur les mouvements populaires urbains et le genre dans sept pays en Amérique latine, Afrique de l’Ouest et Europe de l’Est dans le cadre du programme Most de l’Unesco.
christine.verschuur@graduateinstitute.ch
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