Annexe 3. Le cahier des charges de l’expertise collégiale
p. 147-152
Texte intégral
LES SUBSTANCES NATURELLES EN POLYNÉSIE FRANÇAISE : UN SECTEUR PROMETTEUR MAIS ACTUELLEMENT ENCORE TRÈS FRAGILE
1La Polynésie française jouit d’un fort potentiel dans le domaine des substances naturelles, qui résulte à la fois d’un fort endémisme et de la présence de chimiotypes particuliers liés à l’éloignement géographique de ses îles. Cette biodiversité n’est encore que peu valorisée puisque seules quelques espèces de plantes donnent lieu à des exploitations particulières (monoï, vanille, santal, nono, tamanu…), tandis qu’une petite dizaine de projets de valorisation d’autres substances sont en cours.
2Par ailleurs, la Polynésie française possède des laboratoires de recherche publics suffisamment bien équipés pour assurer les premières analyses de nouvelles substances. Du côté des industries, quelques entreprises sont solidement implantées et des porteurs de projet cherchent à diversifier et à renouveler leur activité.
3Toutefois, ces atouts certains et ce dynamisme relatif ne doivent pas occulter les faiblesses du secteur. D’une part, les substances déjà exploitées pourraient l’être de manière plus intensive (en organisant les filières, en mettant en place une démarche qualité ou en essayant d’atteindre le plus haut degré de transformation possible pour le produit sur le territoire, ce qui augmenterait les retombées économiques), d’autre part certaines substances naturelles pourraient demain créer de nouveaux marchés et offrir un support de développement à la Polynésie française. Pour cela, des efforts doivent être faits pour définir des orientations de recherche coordonnant le travail des différents laboratoires et pour organiser le transfert de compétences entre chercheurs et développeurs.
LES OBJECTIFS DE L’EXPERTISE
4L’expertise envisagée comporte deux volets indissociables : une partie de l’expertise est à vocation prospective puisqu’il s’agit de suggérer de nouvel
5les voies de recherche et de développement à la Polynésie française en identifiant de nouvelles substances naturelles d’intérêt, et une autre partie est à vocation opérationnelle puisqu’elle a pour but de proposer des stratégies de valorisation des substances naturelles déjà exploitées ou qui pourraient l’être à l’avenir (stratégies industrielles, commerciales).
6On peut résumer les objectifs de l’expertise en deux points :
À partir de la connaissance de la biodiversité polynésienne, il s’agit de déterminer quelles sont les substances naturelles d’intérêt économique le plus grand en orientant la démarche par secteurs (pharmacologie, cosmétologie, phytothérapie, agroalimentaire, parfums, artisanat…) et en spécifiant le degré d’avancement de la R&D ou les modes de commercialisation pour chacune des substances. Des profils de porteurs de projets seront éventuellement identifiés au plan local ou international si le produit ne peut être développé au niveau territorial.
En parallèle, des propositions concrètes concernant la mise en œuvre d’une démarche qualité, la mise en place de mesures de protection du marché, l’amélioration des filières de production, l’articulation recherche-industrie et l’organisation interprofessionnelle auront pour objectif d’améliorer à plus court terme la productivité des filières « substances naturelles ».
7Le travail organisé par l’IRD comportera une Expertise collégiale, qui suivra la méthodologie mise en œuvre à l’institut, et qui sera doublement accompagnée par :
la réalisation d’un jeu de fiches analysant les connaissances disponibles sur chacune des substances identifiées en Polynésie française,
une étude des potentialités économiques et techniques locales qui permettraient de développer de nouvelles activités.
8Ces deux démarches d’accompagnement de l’Expertise collégiale sont un appui indispensable pour le groupe pluridisciplinaire d’experts, les données actuellement disponibles étant en partie lacunaires. Le collège d’experts pourra ainsi déboucher sur une large synthèse et des orientations pour conduire une politique de valorisation des substances naturelles en Polynésie française.
QUESTIONS POSÉES AUX ÉTUDES PRÉALABLES OU D’ACCOMPAGNEMENT – « FICHES SUBSTANCES » ET « ANALYSE DES POTENTIALITÉS ÉCONOMIQUES ET TECHNIQUES LOCALES »
Quelles sont les substances naturelles déjà exploitées en Polynésie française et dans la région Pacifique ?
9En préalable à l’expertise, un rassemblement aussi complet que possible des données disponibles sur les substances naturelles de Polynésie française doit être réalisé. Cette étape donnera lieu à l’élaboration d’un jeu de « fiches » concernant chacune de ces substances, établies sous la responsabilité d’un des experts en s’appuyant sur des collaborations externes. Elles seront complétées au retour de l’étude socio-économique locale quant aux aspects en relation avec l’exploitation de certaines de ces substances. Ces fiches répondront pour l’essentiel aux questions suivantes :
Quel est le mode d’obtention de la ressource pour cette substance ?
Quel est son risque d’épuisement ?
Quelles sont les propriétés mises en avant pour la commercialisation de produits issus de la filière ? Sont-elles scientifiquement fondées ?
Si déchets il y a résultant de cette exploitation, y a-t-il un moyen de les utiliser ?
Y a-t-il des nuisances écologiques liées à l’exploitation de cette ressource (abandon de cultures plus traditionnelles, effet paysager, destruction de l’écosystème) ?
La substance a-t-elle une valeur patrimoniale pour la Polynésie française ?
Quel est le délai d’une éventuelle valorisation de la substance (court, moyen ou long terme) ?
10Une première estimation permet de penser que le nombre de ces fiches sera de l’ordre d’une centaine.
Quelle est l’organisation du secteur industriel et commercial des substances naturelles en Polynésie française ?
11Pour proposer une stratégie de valorisation, il est indispensable de s’appuyer sur une connaissance actuelle et approfondie du secteur et du contexte dans lequel il évolue. Il convient également d’identifier de façon fine ce que peuvent être les trajectoires de développement des entreprises et des organismes locaux qui les appuient. Pour cela, une investigation conduite en partie sur place en relation directe avec les acteurs locaux est indispensable pour répondre aux questions suivantes :
Quelles sont les caractéristiques et la structuration des entreprises du secteur ? Comment fonctionnent-elles (taille, activité, exportations, chiffre d’affaires…) ?
Quels sont les emplois créés par le secteur ?
De quels financements bénéficie le secteur ?
Quels sont les flux financiers générés par le secteur ?
Le développement d’un tissu solide de petites entreprises est-il possible ? Comment attirer de grandes entreprises sur le terrain polynésien ?
Quels sont les atouts et faiblesses de ce secteur ?
Quelles orientations est-il judicieux de privilégier pour favoriser le développement du secteur ?
Les pôles de recherche locaux (université, organismes de recherche territoriaux, nationaux ou étrangers présents en Polynésie française) développent-ils des activités tournées vers la valorisation des substances naturelles ? Des encouragements complémentaires, une coordination de leurs activités, sont-ils possibles et utiles ?
LES QUESTIONS POSÉES AU COLLÈGE D’EXPERTS
12En s’appuyant sur ses travaux propres et sur les deux investigations complémentaires précédemment décrites, le collège d’experts, dans son ensemble, apportera successivement des réponses aux questions suivantes.
Quel est l’intérêt potentiel de la biodiversité polynésienne (marine, terrestre, végétale, animale), comparée aux autres régions voisines intertropicales ?
Quel degré de connaissance a-t-on de la biodiversité marine et terrestre ?
Les savoirs traditionnels ont-ils été recensés scientifiquement ?
Quel est le niveau de l’automédication par les plantes dans la population ?
Le rôle des guérisseurs dans les pratiques médicales traditionnelles est-il important, et a-t-il été étudié ?
Y a t-il des zones où la bioprospection (biodiversité et savoirs connexes) s’avère insuffisante ? Peut-on établir des priorités en matière de bioprospection ?
À partir de l’analyse de la biodiversité polynésienne, quelles sont les substances naturelles exploitées ou potentiellement exploitables en Polynésie française ?
13Parmi l’ensemble des substances décrites dans le jeu de « fiches », sera dressée une liste plus restreinte (de l’ordre d’une vingtaine au plus) de substances d’intérêt pour la Polynésie française. Cette liste comportera à la fois des espèces indigènes que la Polynésie française1 pourrait envisager de produire et/ou de transformer (ex. : Callophyllum inophyllum comme agent anti-HIV) et des espèces endémiques pour lesquelles généralement l’expertise conduira à proposer des stratégies de R&D. Une étude spécifique de ces substances d’intérêt permettra d’en évaluer les potentialités en répondant aux questions suivantes :
Quelles sont les tendances de l’évolution du marché ? Pour les substances non commercialisées, quels marchés s’ouvrent, pour quelles substances ?
Quelles sont les perspectives en matière de réglementation pour une éventuelle pénétration du marché européen par chacune des substances envisagées (sous forme transformée) ?
Quels sont les types de contrats qui lient les personnes engagées dans la filière, du producteur au transformateur ?
Selon les marchés, quelle valeur ajoutée et donc quelles retombées économiques peut-on envisager pour le Territoire ? Quel est le niveau de transformation en Polynésie française (si le produit n’est pas transformé en Polynésie française, où se situe la transformation) ?
Y a-t-il des modes de protection du marché à mettre en place ?
Pour chacune des substances non encore exploitées, quelles sont la durée et les modalités de la R&D ? Quel est le terme approché d’une éventuelle mise sur le marché ?
Les potentialités technico-scientifiques locales pour effectuer des travaux complémentaires de R&D sont-elles suffisantes ?
14On commencera par faire un état des lieux de la capacité de Recherche et Développement du Territoire (analyse en partie réalisée sur place par l’équipe).
15Ensuite, à la vue de la liste des substances à valoriser et des moyens à mettre en place pour que cette valorisation soit possible, des suggestions de collaborations ou partenariats pourront être faites. Les différentes stratégies s’offrant au Territoire en matière de R&D seront passées en revue en s’interrogeant sur les points suivants :
Comment peut-on améliorer la liaison recherche-industrie ?
Quels sont les partenariats public-privé ou collaborations avec des laboratoires métropolitains envisageables pour optimiser l’avancée de la R&D sur les substances naturelles ?
Quelles orientations peut-on donner pour une politique de valorisation des substances naturelles en Polynésie française ?
16Il s’agit ici de faire la synthèse des résultats de l’expertise, tout en mesurant avec le comité de suivi quelles orientations pourraient être soutenables au plan local.
Notes de bas de page
1 Que l’on peut trouver ailleurs dans la ceinture tropicale.
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Substances naturelles en Polynésie française
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2010
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2009
Le mercure en Amazonie
Rôle de l’homme et de l’environnement, risques sanitaires
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2006
Les espèces envahissantes dans l’archipel néo-calédonien
Un risque environnemental et économique majeur
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