Toutes les langues à l’école !
L’éveil aux langues, une approche pour la Guyane ?
p. 369-386
Texte intégral
Introduction
1Mon intervention dans le contexte guyanais est le fruit d’une rencontre heureuse – mais qui n’a rien de fortuit – entre les préoccupations d’un linguiste impliqué sur le terrain guyanais (Michel Launey) et une approche particulière des langues à l’école (l’éveil aux langues) que j’ai développée en qualité de coordinateur de programmes européens de recherche-innovation, en tant que didacticien des langues spécialiste des politiques linguistiques éducatives.
2C’est sous l’impulsion et grâce à l’accompagnement de Michel Launey que j’ai appris à connaître la situation sociolinguistique guyanaise, ai réfléchi à la pertinence de l’éveil aux langues pour cette situation et ai participé activement, à partir de 2002, aux efforts entrepris pour l’introduction de cette approche dans les écoles de Guyane. Mon implication avait été précédée, depuis 1998, par des interventions de Claire de Goumoëns (université de Genève) et de Jacqueline Billiez (université Stendhal-Grenoble-III) auprès d’élèves-maîtres de l’IUFM de Guyane.
3La présente contribution s’articulera en quatre étapes.
- Une présentation en mode « grand angle », qui cherchera à préciser en quelques lignes ce qu’est l’éveil aux langues de façon générale, quelle que soit la population scolaire particulière, nationale ou régionale, à laquelle cette approche pédagogique s’adresse.
- Un « zoom avant » sur la situation guyanaise : il s’agira alors de dire en quoi une telle approche peut être considérée comme souhaitable dans cette situation.
- Une brève information sur les effets de l’approche, tels qu’ils ont pu être constatés dans les recherches concernant les programmes antérieurs.
- Une information sur les actions déjà entreprises pour la mise en œuvre de cette approche en Guyane, en particulier sur les actions de formation et les matériaux didactiques élaborés ou en cours d’élaboration.
4En conclusion, nous nous interrogerons sur ce qui doit être fait à présent pour que tous les élèves de Guyane susceptibles de tirer profit d’activités d’éveil aux langues puissent en bénéficier.
Grand angle : ce qu’est l’éveil aux langues
5Faute de place, on se limitera à quelques balises, en renvoyant pour un exposé plus complet aux travaux référés en bibliographie (cf. en particulier Candelier dir., 2003 a et 2003 b).
6L’éveil aux langues est une approche pédagogique innovante qui prend ses racines dans les propositions du mouvement Language Awareness développé en Grande-Bretagne dans les années 1980 (Hawkins, 1984, 1992 ; Moore, 1995). Il a donné lieu récemment à deux programmes soutenus par l’Union européenne et le Conseil de l’Europe, les programmes Evlang (1997-2000) et Janua Linguarum (2000-2004). Ces programmes, qui ont impliqué successivement des équipes de cinq puis seize pays1, portaient essentiellement sur l’école primaire, mais l’approche concerne également l’enseignement secondaire. Les activités comprenaient la production de matériaux didactiques2, la formation d’enseignants, la mise en place d’une expérimentation et une évaluation, qui portait essentiellement, pour Evlang, sur les effets sur les élèves et pour Janua Linguarum sur les conditions d’implantation de l’approche dans les systèmes éducatifs.
7L’éveil aux langues ne doit pas être confondu avec l’enseignement d’une langue étrangère particulière (même s’il peut favoriser un tel enseignement en développant la motivation et les compétences d’apprentissage des élèves). C’est une démarche caractérisée par des activités pédagogiques portant simultanément sur de nombreuses langues – y compris des langues que l’école n’a pas l’intention d’enseigner – ainsi que sur la diversité elle-même, des langues et des cultures.
8L’éveil aux langues ne doit pas non plus être confondu avec une simple sensibilisation ou initiation, aux contours plus ou moins flous. Les connaissances, attitudes et aptitudes visées par les activités se décomposent en objectifs précisément définis, en correspondance avec les besoins et capacités des élèves.
9Qu’on en parle en termes d’utilité escomptée (fonctions envisagées, motivations à l’innovation ou à l’introduction dans les curricula), d’utilité visée (finalités, buts, objectifs) ou d’utilité constatée (les effets ou les représentations que les acteurs en ont), l’éveil aux langues apparaît comme un moyen par lequel on veut (ou peut) courir plusieurs lièvres à la fois :
- développer l’intérêt et l’ouverture des élèves vis-à-vis de la diversité, y compris de la diversité propre ; corollairement, dans des classes multilingues, reconnaître, légitimer et valoriser les compétences et identités linguistiques et culturelles de chacun ;
- développer l’aptitude des élèves à observer et analyser les langues, et donc favoriser leur aptitude à les apprendre et à mieux les maîtriser, y compris pour la langue de l’école ;
- favoriser le désir des élèves d’apprendre les langues, et d’apprendre des langues diversifiées ;
- développer chez les élèves des connaissances relatives à la présence des langues dans l’environnement immédiat, plus lointain et très lointain, ainsi qu’aux statuts dont elles bénéficient ou pâtissent3.
10Les formulations ci-dessus constituent les grands axes selon lesquels cette utilité a été conçue dans les deux programmes européens déjà cités, mais aussi antérieurement dans le mouvement Language Awareness dont ils se sont largement inspirés ainsi que lors d’autres innovations plus ponctuelles qui ont eu lieu dans les années 1990 en Allemagne, Autriche, France et Suisse romande (pour ces innovations, cf. Candelier, 2003 a : 29-31 et http://www.elodil.com/).
11Mais en fonction des contextes nationaux (ou régionaux) et des individus ou groupes qui portent les projets ou entendent les porter, des variations peuvent apparaître, inévitables et souhaitables à la fois. Elles peuvent tenir :
12• Une « déclinaison » particulière des principes généraux, précisés – concrétisés – en fonction des contextes et des préoccupations qu’ils engendrent.
13Par exemple, en Suisse romande, « favoriser le désir des élèves […] d’apprendre des langues diversifiées » s’exprime, du moins pour le primaire, sous la forme d’une intention de développer une plus grande appétence pour l’apprentissage de l’allemand (cf. Candelier dir., 2003 a : 228-229) ;
14• À une variation de l’importance accordée à un axe relativement à d’autres axes, ou à un aspect d’un axe par rapport à d’autres aspects.
15Par exemple, dans certaines situations sociolinguistiques scolaires (classes fortement multilingues), le développement de « l’intérêt et de l’ouverture des élèves vis-à-vis de la diversité » peut passer au second rang par rapport à une fonction de légitimation des langues présentes dans la classe.
16La multiplicité de ces axes d’utilité de l’éveil aux langues et leur adaptabilité aux contextes divers constituent une vraie richesse. C’est un de ses atouts sur le « marché » des approches didactiques en présence. C’est le mérite des précurseurs britanniques d’avoir su montrer qu’un travail en classe sur la diversité des langues et cultures pouvait être la source d’un tel potentiel diversifié. Et il est satisfaisant de noter que, jusqu’alors, tous les programmes d’éveil aux langues ont réussi à maintenir ce qu’on est tenté d’appeler cette « unité dans la diversité », rassembleuse d’énergies et garante d’un profit maximal pour l’élève, pour un seul et même investissement exploité dans toutes ses dimensions possibles.
Zoom avant : l’éveil aux langues et la situation guyanaise
L’éveil aux langues : une approche « dépendante du contexte »
17Dès le programme Evlang, le travail de recherche-innovation entrepris concernait plusieurs pays et des situations sociolinguistiques variées, y compris une situation géographiquement extra-européenne (l’île de la Réunion). Le travail des équipes impliquées a donc toujours été accompagné d’une réflexion sur l’influence des contextes nationaux ou régionaux sur les orientations prises par chaque partenaire, à l’intérieur de ce qui restait cependant toujours un même projet.
18L’expérience ainsi acquise permet de dresser une liste (sans doute encore ouverte) des caractéristiques de ces contextes susceptibles d’entraîner des modalités ou accentuations différentes pour l’implantation d’un éveil aux langues. Il s’agit :
- du degré plus ou moins élevé de multilinguisme social ;
- du statut des langues qui constituent ce multilinguisme (langues autochtones, langues de migrants) ;
- de la présence plus ou moins répandue de la ou des langues officielles en tant que langue(s) de communication courante ;
- de son (leur) rôle en tant que langue de communication internationale ;
- des moyens dont disposent les systèmes éducatifs ;
- des cultures éducatives elles-mêmes.
L’éveil aux langues et le contexte guyanais4
19Nous chercherons tout d’abord à caractériser à grands traits le contexte guyanais en fonction des éléments de la liste ci-dessus.
20Comme le montrent de nombreux travaux (cf. par exemple Cerquiglini, 2003 ; Goury et al., 2005), le contexte guyanais est caractérisé au plan sociolinguistique par un degré élevé de multilinguisme, une grande disparité d’importance numérique des langues en présence, un grand éventail de statuts de langues fortement hiérarchisés. Ces langues sont à la fois des langues autochtones et des langues d’immigration. Une des particularités de la Guyane est la grande variabilité des situations en fonction des régions (est/ouest, littoral/fleuves), cela s’appliquant également aux langues véhiculaires dominantes (créole guyanais, variétés de créoles anglais). La langue officielle, le français, demeure une langue de communication internationale, mais de second plan par rapport à l’anglais (cf. par exemple : Organisation internationale de la francophonie, 2003). Le caractère plus ou moins international de la langue officielle conduit en effet à attribuer à l’éveil aux langues un rôle plus ou moins important de motivation à l’étude de langues étrangères. De ce point de vue, l’urgence est moins grande dans les pays ayant le français comme langue officielle que dans les pays anglophones. Dans les pays francophones, il s’agit surtout de motiver à l’apprentissage de langues étrangères diversifiées. En Guyane, il devrait s’agir principalement des langues présentes dans le continent sud-américain. Nous ne reviendrons pas sur cet aspect, qui n’est pas le plus caractéristique.
21Comparé aux systèmes éducatifs de beaucoup de pays connaissant des situations sociolinguistiques similaires, sur le même continent ou sur d’autres, le système éducatif guyanais dispose de moyens relativement importants, qui autorisent des démarches pédagogiques actives qu’on ne peut envisager dans des classes pléthoriques et qui permettent la généralisation d’innovations.
22Quant à la culture éducative, on peut dire qu’elle est restée longtemps fortement marquée par une tradition étroitement influencée par un « idéal monolingue » (Puren, 2005). Cette tradition reste sans doute encore fermement implantée dans beaucoup d’esprits, même si des enquêtes récentes font état, chez les enseignants directement concernés, d’une évolution vers une acceptation d’une prise en compte de la langue première des élèves par l’école, acceptation le plus souvent « pragmatique », parfois « réticente » ou au contraire « militante » (Léglise et Puren, 2004).
23Pour poursuivre notre réflexion, nous partirons de ce qui nous paraît, pour notre propos, constituer le caractère dominant de ce contexte : le multilinguisme social et le statut des langues en présence. Nous en traiterons en prenant appui sur un cadre réflexif général approprié à de telles situations.
24Dans des contextes multilingues où des enfants entrent à l’école avec une maîtrise faible ou inexistante de la langue majoritaire (qui est la langue de l’école), le recours à un enseignement dans la langue de la famille au début des apprentissages scolaires, dans le cadre de cursus bilingues, reste bien sûr très souhaitable au niveau des principes généraux (Unesco, 2003). Cependant, un tel cadre se heurte souvent, à des obstacles qui le rendent impraticable, voire non souhaitable. Il peut s’agir, principalement :
- D’une forte imbrication territoriale des langues, qui se traduit au plan scolaire par l’existence de classes linguistiquement très hétérogènes, avec un nombre faible d’élèves pour chacune des langues. Dans de telles situations, un enseignement bilingue conduit à la constitution de filières séparées sur un seul et même site, qui peuvent devenir de véritables ghettos linguistiques susceptibles de contribuer à un renforcement des antagonismes sociaux. De plus, l’imbrication des langues contribue à rendre plus difficilement surmontable le second obstacle, d’ordre économique.
- Du volume élevé des investissements financiers (qu’il s’agisse de formation d’enseignants, de matériaux pédagogiques) qu’entraînerait l’application d’une telle mesure. L’importance des moyens à mobiliser peut conduire à renoncer à tout enseignement de ce type. Mais aussi, dans certaines situations, à le réserver à quelques langues (en principe, mais pas seulement, en fonction du nombre de locuteurs concernés), ce qui peut déboucher, paradoxalement, sur une accentuation, planifiée ou non, des hiérarchies existantes.
25D’autres obstacles, qui peuvent apparaître comme plus passagers, peuvent ralentir la mise en place d’enseignements bilingues, voire conduire à en retarder volontairement la mise en place. Nous retiendrons pour notre propos les freins suivants :
- Un « équipement » insuffisant de la langue en matière de conventions d’écriture et de descriptions à usage pédagogique (lexique, grammaire).
- Le nombre encore trop restreint d’adultes (jeunes ou moins jeunes) locuteurs de langue minoritaire ayant accédé à une formation générale suffisante pour pouvoir recevoir une formation pédagogique et exercer le métier d’enseignant.
- Les représentations dévalorisantes de la langue minoritaire qui nuisent à l’adhésion des intéressés à un enseignement bilingue.
26En Guyane, l’obstacle de l’hétérogénéité linguistique est présent sur le littoral, en particulier dans les centres urbains (Goury et al., 2005 ; Léglise et Puren, 2004). Dans d’autres contextes, en particulier sur le Maroni, la situation est différente (présence de sites bien plus homogènes linguistiquement) et plusieurs expériences d’enseignement bilingue ont été menées depuis les années 1970 (elles sont retracées dans Puren, 2005). C’est aussi dans ces contextes homogènes qu’ont été mis en place récemment, grâce aux actions du Celia (Centre d’études des langues indigènes d’Amérique), des médiateurs culturels et bilingues (cf. Goury et al., 2005) nommés à présent ILM (Intervenants en langue maternelle).
27Grâce à la multiplication récente des travaux menés par les linguistes (en particulier au sein du Celia), l’obstacle de l’équipement de la langue (obstacle 3) ne semble plus constituer aujourd’hui une raison majeure pour retarder durablement l’introduction d’un véritable enseignement bilingue dans les classes linguistiquement homogènes de Guyane. Étant donné le nombre assez restreint de langues concernées (une quinzaine comparées aux centaines de langues de certains pays d’Afrique) et les possibilités financières d’un pays hautement développé comme la France, l’obstacle financier (obstacle 2) ne saurait être mis sérieusement en avant. L’obstacle 4 lié au niveau de formation actuel de locuteurs des langues concernées susceptibles d’exercer des tâches d’enseignement (Goury et al., 2005 ; Puren, 2005) et l’obstacle 5 concernant l’adhésion des intéressés (pour laquelle l’expérience des médiateurs culturels et bilingues a déjà permis d’obtenir quelques succès – Léglise et Puren, 2004 ; Puren, 2005) restent sans doute à surmonter.
28Pour les contextes scolaires linguistiquement hétérogènes de Guyane, la mise en place d’un éveil aux langues a déjà été envisagée, récemment, par de nombreux auteurs, linguistes et sociolinguistes (cf. principalement Launey, 2003 b, mais aussi, ponctuellement, Goury et al., 2005 ; Léglise et Puren, 2005…).
29Je voudrais à présent montrer en quoi, pour de tels contextes, l’éveil aux langues peut apporter certains des avantages d’une politique d’enseignement bilingue, en contournant les principaux obstacles qui s’opposent à la mise en place de ce dernier. L’argumentation repose sur les constatations suivantes :
- l’éveil aux langues est applicable à tous les types de classe, y compris linguistiquement très hétérogènes ;
- il exige des moyens matériels et financiers incomparablement plus réduits qu’un enseignement bilingue ;
- il peut, dans une seule et même démarche (avec des matériaux identiques ou soumis à quelques adaptations mineures) concerner toutes les langues en présence, indépendamment du nombre de leurs locuteurs et de leur statut ;
- il exprime une reconnaissance par l’école de la langue de tous les élèves, ainsi que de certains aspects de leur culture, et constitue par là même une reconnaissance par l’institution – et leurs camarades – de leur identité (fonction de légitimation) ;
- en traitant du cas de nombreuses langues et situations sociolinguistiques, parallèlement à ceux des élèves et de la région du monde concernée, en mettant en évidence la présence de caractéristiques linguistiques comparables dans des langues très diverses, en faisant découvrir les parentés entre langues, il montre à chacun, y compris aux plus minoritaires, que sa spécificité est non seulement légitime, mais aussi relative, et rompt ainsi l’isolement dans lequel certains élèves peuvent se sentir confinés ;
- en banalisant les situations de diglossie et en faisant prendre conscience du caractère complexe de telles situations (une langue dominante est bien souvent également langue dominée par rapport à une autre langue), il contribue au dépassement des antagonismes au sein de la classe et de la société ;
- par là même, il peut constituer – dans certains contextes – une étape vers la mise en place d’enseignements bilingues pour lesquels il contribue à « préparer les esprits » (cf. obstacle 5 ci-dessus) ;
- il contribue à développer la curiosité des enfants alloglottes à propos de leur propre langue, et les incite à l’observer et à prendre conscience de certains aspects de son fonctionnement ;
- par le recours à une perspective comparatiste, il fournit à l’élève alloglotte quelques exemples de mise en relation entre sa propre langue et d’autres langues, dont la langue des apprentissages scolaires, et lui montre ainsi qu’il peut chercher à s’appuyer sur de telles mises en relation lors de l’apprentissage de cette dernière.
30Tous les avantages qui viennent d’être énumérés restent valides dans le cadre d’une école assurant des enseignements bilingues. Ce qui signifie que l’éveil aux langues en Guyane a aussi une place dans des contextes scolaires linguistiquement homogènes. Cela d’autant plus que pour certaines des fonctions énumérées ci-dessus, le recours à l’examen d’autres langues et situations linguistiques – donc à l’éveil aux langues – constitue l’approche pédagogique la plus sûre. De plus, l’éveil aux langues constitue une démarche privilégiée d’ouverture au monde, qui contribue à éviter un enfermement de l’élève « bilingue » dans l’univers de sa langue et de la langue majoritaire de l’école5.
31Tout en étant plus aisé à mettre en place que des enseignements bilingues, l’éveil aux langues peut cependant rencontrer des difficultés qu’il serait dommageable d’ignorer.
32Certaines sont communes avec celles auxquelles se heurte l’enseignement bilingue. Il s’agit d’abord des représentations dont nous avons traitées ci-dessus en termes d’idéal monolingue et de difficultés à obtenir l’adhésion des intéressés. Il s’agit aussi de l’équipement des langues, même si les exigences de l’éveil aux langues en la matière sont moins grandes (puisqu’il s’agit simplement de faire percevoir quelques aspects de leur fonctionnement, ce qui implique cependant le plus souvent le recours à l’écrit).
33Une difficulté spécifique importante doit être mentionnée : on peut très difficilement concevoir un éveil aux langues qui ne s’appuierait pas sur une pédagogie de la découverte, qui n’est pas toujours présente sur le terrain, en Guyane comme sur le reste du territoire national, quelle que soit la place qui lui est accordée aujourd’hui dans les références officielles.
Les effets de l’approche
34Il ne manque pas d’exemples antérieurs – et nous ne nous limitons plus ici à la Guyane – d’excellentes constructions intellectuelles pédagogiques ou didactiques qui, mises en œuvre sans recherche empirique substantielle préalable, se sont soldées par des échecs discréditant l’idée même d’innovation.
35Ce sont de telles considérations qui nous ont amenés à mettre en place, avec les programmes Evlang et Janua Linguarum, les évaluations déjà mentionnées. Et la même logique nous conduit à signaler clairement, tout en le regrettant, l’absence actuelle – mais vraisemblablement provisoire – d’évaluation de l’éveil aux langues sur le terrain.
36Faute de telles données, il n’est sans doute pas inutile, même si – il faut sans cesse y insister – les particularités d’un nouveau contexte peuvent rendre plus ou moins caduques des conclusions « venues d’ailleurs », de savoir à quoi l’aventure « éveil aux langues » a conduit dans d’autres contextes.
37On se limitera aux résultats de l’évaluation du programme Evlang, en laissant de côté les compléments recueillis lors du programme Janua Linguarum (pour un bilan complet des deux programmes, cf. respectivement Candelier dir., 2003 a et 2003 b).
38L’évaluation quantitative de l’expérimentation Evlang a été confiée à l’Institut de recherches en économie de l’éducation (Iredu) de Dijon, et a porté sur près de 2 000 élèves (comparés à environ la moitié d’élèves témoins), sur la base de tests préalables et terminaux, et selon un protocole scientifique très strict. L’évaluation qualitative a porté, pour sa plus grande part, sur un peu moins de vingt classes, avec entretiens (enseignants, élèves) et observation détaillée de la démarche (enregistrements vidéo, élaboration d’une grille d’observation spécifique). S’y sont ajoutés divers questionnaires adressés à un nombre plus élevé d’enseignants et de parents (cf. Billiez, Tupin, Héron, Perregaux, Jeannot, Toscano et Hensinger, 2003 ; Genelot et Tupin, 2003 ; Macaire, Alby, Foerster et Simon, 2003 ; Macaire, Alby, Foerster et Simon, 2003 dans Candelier dir., 2003 a).
39L’objet principal de l’évaluation quantitative était de prendre la mesure des effets du cursus sur les attitudes et les aptitudes des élèves. Les résultats sont là, indéniablement. Ils ne relèvent pas du miracle (ce qui est en soi rassurant !). Ils correspondent à ceux que l’on rencontre habituellement pour des innovations pédagogiques du même type qui s’exposent aux mêmes outils d’évaluation, et dont on dit, sur cette base, qu’elles ont porté leurs fruits.
40Pour ce qui concerne l’effet d’Evlang sur les attitudes, on a testé d’une part l’intérêt des élèves pour la diversité, et d’autre part leur ouverture à ce qui est non familier. Pour le développement d’aptitudes relatives aux langues, l’examen portait sur la discrimination et la mémorisation auditives ainsi que sur les capacités d’ordre syntaxique, sous la forme d’une décompositionrecomposition d’énoncés dans une langue inconnue. Dans les deux cas, attitudes comme aptitudes, l’impact de l’éveil aux langues sur la première des deux composantes citées (intérêt, compétences auditives) est attesté dans une grande majorité d’échantillons. Pour la seconde composante (ouverture et maniements syntaxiques), l’effet est également avéré, mais seulement dans quelques cas. Ces différences sont explicables : l’ouverture constitue à l’évidence une exigence plus forte que le simple intérêt, et les activités de composition-décomposition ont été bien moins fréquemment exercées que l’écoute. La seule déception, relative, concerne les effets sur les compétences en langue de l’école, qui ne sont pas constatés, même si les maîtres, dans les entretiens et questionnaires qui ont été menés, tendent à considérer qu’ils existent. Majoritairement, les initiateurs d’Evlang eux-mêmes formulaient quelques doutes à ce propos pour des activités intervenant à la fin de la scolarité primaire. Il est essentiel de noter que ces résultats valent pour un cursus d’une durée générale de 35 heures. Or, l’étude des liens entre le nombre d’heures (qui varie dans les classes de 7 heures à… 95 heures !) et l’intensité des effets montre clairement qu’un cursus plus long a toutes les chances de conduire à des effets plus généralisés et d’ampleur plus importante.
41On retiendra encore que l’apport d’Evlang au développement des attitudes concerne essentiellement les élèves les plus faibles scolairement, et que l’éveil aux langues développe significativement le désir d’apprendre des langues. Dans plusieurs cas, et tout particulièrement en France, il renforce l’intérêt pour l’apprentissage de langues minorisées, y compris de langues de l’immigration.
42Ces derniers points sont sans doute particulièrement pertinents pour nos interrogations concernant la Guyane. On y ajoutera également qu’à la Réunion :
- on a pu constater une valorisation du créole chez les enfants ayant suivi le programme Evlang. Dans un des tests (une BD), les élèves pouvaient écrire dans des bulles vides à compléter des textes dans des langues de leur choix. La fréquence de l’utilisation du créole a doublé entre le test initial et le test final ;
- les élèves vivant dans un milieu monolingue créolophone sont au départ, moins intéressés par la diversité linguistique que leurs camarades vivant en milieu monolingue francophone. Mais ceux qui ont suivi le curriculum Evlang développent ensuite un intérêt pour la diversité beaucoup plus important que celui de leurs camarades du groupe témoin.
43Du foisonnement de données recueillies par l’évaluation qualitative, on retiendra seulement quelques points concernant les enseignants expérimentateurs :
- diverses données montrent que la pratique de cette approche les a amenés à être plus « sensibles » à la présence d’élèves allophones dans leur classe, dont ils ont sollicité les ressources et à qui ils n’ont pas hésité à donner le rôle d’experts ;
- la référence à plusieurs langues simultanément est vécue comme naturelle par la plupart d’entre eux ;
- l’adhésion intellectuelle à l’approche d’éveil aux langues est prédominante, et repose souvent sur la constatation qu’elle est en cohérence et en complémentarité avec les autres apprentissages de la classe.
Quelques informations sur les premières actions entreprises en Guyane
Les stages
44De la rentrée 2002 à aujourd’hui (avril 2005), cinq stages ou parties de stages consacré(e)s a l’éveil aux langues se sont déroulés en Guyane, en octobre 2002, mars 2003, janvier 2004, mars 2004 et avril 2005.
45Les premier (octobre 2002) et troisième (janvier 2004), à l’initiative de l’IUFM (et sur crédits de l’Érté « Recherche appliquée en formation éducation en contexte guyanais » pour janvier 2004), ont duré respectivement deux jours et une semaine et étaient ouverts à un public de formateurs de l’IUFM (ainsi qu’aux IEN et conseillers pédagogiques pour le premier). En octobre 2002, le stage a été consacré essentiellement à une présentation-discussion de l’approche. Celui de janvier 2004 avait pour objet principal la conception et la réalisation de supports didactiques. Tous deux ont été encadrés par Michel Candelier, avec une participation active de Michel Launey.
46Les deuxième, quatrième et cinquième stages étaient pris en charge par la Délégation académique à la formation (Dafor) et s’adressaient à un public d’enseignants. En mars 2003 et mars 2004 (stages encadrés par Florence Rémy-Thomas, université Paris-III, épaulée par Michel Launey), il s’agissait de stages d’une semaine, situé pour le premier dans le cadre d’un stage de trois semaines consacré au français langue seconde. Dans les deux cas, le programme comportait une introduction à l’approche et la conception-réalisation de supports didactiques. Le stage d’avril 2005, d’une durée de trois semaines, était consacré entièrement aux approches didactiques de la diversité linguistique de la Guyane et coordonné entièrement par Michel Launey, qui a assuré pendant la première semaine une présentation de la situation linguistique guyanaise (avec une intervention de Sophie Alby, IUFM, pour la présentation d’un premier support didactique d’éveil aux langues). Pendant la deuxième semaine, sous la direction de Michel Candelier, les stagiaires ont, pour la première fois, étaient conduits de la découverte de l’approche à l’intervention en classe (on en trouvera le programme en annexe). Au cours de la troisième semaine, deux jours ont été consacrés à la fabrication de matériaux d’enseignement sous la direction de Patricia Tabournel-Prost (Casnav), le reste du temps étant dédié à un travail sur les contes guyanais (sous la direction de Nicole Launey, professeur agrégée de Lettres classiques). L’intervention en classe a donné lieu à des comptes rendus dont on trouvera une synthèse dans l’encadré 1.
47Tous les participants à ces stages, quelle que soit leur fonction, ont fait preuve d’un très grand intérêt pour l’approche proposée. Mais jusqu’alors, faute sans doute de matériel didactique réellement finalisé, les stages n’ont entraîné qu’une pratique très sporadique dans les classes. Les renseignements fournis dans l’encadré 1, qui fait une synthèse des comptes rendus d’interventions en classe des enseignants ayant participé au stage d’avril 2005 n’en sont que plus précieux. Ils témoignent de la facilité avec laquelle ils ont pu prendre en main les matériaux didactiques proposés, ainsi que des réactions, toujours très positives, des élèves.
Les supports didactiques
48Tout en conservant l’essentiel des orientations choisies pour les supports fabriqués en Europe (grande diversité des langues dans un même support, démarches de découverte avec travail en groupe, travail sur l’écrit et sur le son, interdisciplinarité…) (Candelier, 2003 a), les supports conçus pour la Guyane doivent se caractériser par une prise en compte, pour les activités, des diverses langues parlées en Guyane et par une importance particulière accordée à la légitimation des langues des élèves ainsi qu’à la connaissance de l’autre vivant sur le même territoire. On trouvera dans l’encadré 2 le résultat d’une réflexion collective portant sur les spécificités souhaitables, conduite avec des enseignants en cours de stage.
Encadré 1. Comptes rendus d’intervention en classe Synthèse
Les dix-sept enseignants participant au stage Dafor qui s’est tenu à Cayenne en avril 2005 sont intervenus dans des classes de CE1, CE2, CM1 et CLIN aimablement mises à leur disposition par des collègues*. Ils utilisaient pour cela des extraits des supports didactiques en voie d’élaboration (cf. infra), souvent retravaillés par eux-mêmes. Voici ce qu’ils rapportent.
Êtes-vous globalement satisfait(e)s de votre intervention dans cette classe ?
Pour 15 enseignant(e)s, la réponse est « oui ». Pour deux autres, « l’intervention est enrichissante », mais ils soulignent avoir dû pour cela adapter leur projet à la classe (qu’ils découvraient au moment même de l’intervention).
Quels sont selon vous les principaux points positifs et négatifs ?
Parmi les points positifs, on trouve tout d’abord :
– l’intérêt et la participation active des élèves. Comme c’est très souvent le cas, les enseignant(e)s signalent la prise de parole d’élèves qui,aux dires des enseignant(e)s habituel(le)s de la classe, ne se manifestent jamais ;
– l’émergence des langues présentes dans la classe et la valorisation des acquis de chaque élève… dont les effets se manifestent par des réactions verbales et gestuelles d’élèves exprimant leur plaisir et leur fierté de constater qu’on parle d’eux, et que eux savent !
Mais aussi :
– ils ont fait appel aux connaissances linguistiques de leurs camarades ;
– ils étaient en situation de réussite ;
– dédramatisation de l’acte de lecture.
Les points négatifs sont généralement liés :
– à l’absence, dans plusieurs cas, d’une pratique préalable du travail en groupes : manque d’entraînement lorsqu’il s’agit d’apprentissage en petits groupes ;
– à des imperfections des matériaux d’enseignement (encore en chantier…) : consignes difficiles à comprendre, enchaînement des activités, absence de support sonore ;
– à la gestion du temps (elles/ils ont voulu profiter au maximum de cette occasion, de sorte que la durée des activités en continu a le plus souvent dépassé une heure dans chaque classe).
Encadré 2 Des supports didactiques pour la Guyane : quelles spécificités ?
Résultat d’un remue-méninges effectué lors du stage Dafor qui s’est tenu à Cayenne en avril 2005.
Pour les langues…
Présence équilibrée des langues de Guyane dans le but :
– de donner à l’enfant les moyens de les reconnaître, identifier, situer ;
– de les valoriser aux yeux de tous (y compris de ceux qui les parlent) ;
– de motiver l’entrée des parents, locuteurs de ces langues, dans l’école.
Pour les thèmes…
Adaptation thématique globale au monde guyanais et au vécu des enfants. Travail sur le schéma corporel, les représentations de l’espace et du temps.
Thèmes liés à la connaissance et à la préservation de l’environnement naturel.
Pour l’approche didactique
Prise en compte du statut fréquent de langue seconde qu’a le français en Guyane. Contenus adaptables en fonction :
– de la réalité sociolinguistique, culturelle et environnementale de chaque lieu ;
– de la situation pédagogique (variétés de niveaux scolaires atteints).
Pour la fabrication matérielle
Solidité (supports durables dans des conditions parfois difficiles).
Attractivité.
Recours important aux supports physiques et moyens de diffusion informatiques, qui sont plus modulables/réactualisables et permettent un accès en ligne.
49À titre d’exemples, voici une description succincte de six supports mis en chantier au cours des stages. Seul le premier a été achevé au moment où nous écrivons ces lignes :
- We are the Caribbean - We speak français, English and español aussi a été realisé à partir de la chanson Move together dans laquelle le chanteur de reggae guadeloupéen Admiral T (ti) évoque les origines culturelles diverses des habitants de la Caraïbe. C’est l’occasion pour les élèves de découvrir l’histoire langagière de l’artiste, celle de spectateurs jamaïcains, sénégalais et guyanais venus assister à ses spectacles, puis de rendre compte de leur propre situation linguistique. (On trouvera en annexe 2 le déroulement pédagogique de la séance dans laquelle les élèves doivent rendre compte de leur propre cas.)
- La crique Moucaya vise, à partir d’une mise en situation originale faisant découvrir comment Moucaya s’écrit en diverses langues du monde et de Guyane, à la prise de conscience de la relativité des conventions graphiques, mais aussi plus généralement des questions de passage à l’écriture, et de la différence des inventaires phonologiques de langue à langue. Il aborde la question du respect du nom d’autrui, quand celui-ci est orthographié dans une autre langue. (On trouvera en annexe 3 la présentation des objectifs poursuivis par ce support.)
- Aventures en Guyane est un support dans lequel un enfant part à la recherche des langues de Guyane dans le but de créer un recueil de chansons ou de comptines. Au cours de son voyage, chaque rencontre est l’occasion de découvrir qu’il existe différentes façons d’exprimer un salut selon les langues, en fonction des personnes, du lieu, du moment de la journée.
- Langues en tous genres traite du genre grammatical, avec un appui sur le palikur, le créole guyanais, l’espagnol, le portugais… et d’autres langues de la classe en Guyane.
- Découvrons le sens des mots conduit les élèves à découvrir le sens de consignes brèves rédigées dans diverses langues créoles de Guyane et les langues européennes qui ont servi de base à leur élaboration. Un travail de classement fait apparaître les parentés entre toutes ces langues.
- Bonjours plurilingues vise à la découverte des langues parlées par les élèves de la classe, par le biais d’une recherche en groupe concernant les langues dans lesquelles les enfants savent dire bonjour. Chemin faisant, les enfants élaborent des fleurs dont les pétales sont les langues dans lesquelles ils savent dire bonjour, celles dans lesquelles ils ont déjà entendu dire bonjour, et celles qu’ils considèrent pouvoir parler.
En conclusion, pour poursuivre…
50On peut considérer qu’aujourd’hui l’éveil aux langues est une approche connue en Guyane, largement reconnue comme souhaitable par tous ceux qui s’interrogent de façon informée sur la prise en compte des langues des enfants pour leur assurer une scolarité plus performante, y compris en français, accueillie positivement par les enseignants et les élèves qui ont eu l’occasion de la rencontrer.
51À partir de ces premiers acquis, il convient à présent de poursuivre et d’étendre les actions d’information et de formation auprès des enseignants, des IEN et des conseillers pédagogiques. Il convient également, rapidement, de réaliser et d’éditer des supports didactiques. À très court terme, il faudrait aussi mettre en place des expérimentations s’inscrivant dans une certaine durée, accompagnées d’un suivi scientifique débouchant sur une évaluation dont les retours sont nécessaires pour avancer de façon plus assurée.
52Tout cela semble aujourd’hui possible et devrait se faire dans le cadre d’une synergie rassemblant différents acteurs institutionnels, chacun contribuant aux objectifs communs en fonction de ses missions et savoir faire : l’IUFM et son Érté, la Dafor, les corps d’Inspection concernés, le Casnav, le CRDP, les chercheurs du Celia.
53Les contacts qui ont pu être établis très récemment (avril 2005) avec ces divers acteurs permettent d’augurer positivement des développements à venir.
54Pour leur part, les collègues impliqués depuis plusieurs années dans le programme Evlang, puis dans le réseau français « La porte des langues » relevant du programme Janua Linguarum, souhaitent continuer à soutenir les projets guyanais. Un des moyens qu’ils proposent pour cela est l’utilisation par les enseignants et formateurs de Guyane du site « Plurilangues » (http://plurilangues.univ-lemans.fr/), élaboré avec le soutien de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France.
Bibliographie
Supports didactiques
Sites internet (mise à disposition gratuite)
Autriche : http://www.zse3.asn-graz.ac.at/; « download » - SKE-KIESEL : Lehrmaterialien
Canada (Québec) : http://www.elodil.com/
Espagne (Catalogne) : http://dewey.uab.es/jaling/
France : http://plurilangues.univ-lemans.fr/
Grande-Bretagne : http://www.language-investigator.co.uk/index.htm
Supports écrits
Perregaux C., de Goumoëns C., Jeannot D. et de Pietro J.-F. (dir.), 2003 Éducation au langage et Ouverture aux langues à l’école (EOLE). Neuchâtel, Secrétariat général de la CIIP, 2 volumes. mailto:CIIP.SRTI@ne.ch
Cercle de Réalisations et de Recherche pour l’Éveil au Langage et l’Ouverture aux Langues à l’École - Creole.
Abonnement : Valerie.Hutter@pse.unige.ch (Revue avec fiches pédagogiques).
Annexe
Annexe 1– Programme de la seconde semaine du stage Dafor (du 18 au 22 avril 2005)
Annexe 2 – Déroulement d’une séance du support. « We are the Caribbean ». – We speak français, English and español aussi
Déroulement de la séance
Étape 1
Au vu de l’analyse des trois situations, faire prendre conscience aux enfants de leur propre vécu plurilingue.
Au tableau, l’enseignant note les noms des enfants et les réponses aux questions :
- et chez vous comment ça se passe ?
- quelles langues vous parlez ?
- quelles langues on vous parle ?
- à quel moment vous les avez apprises, où et avec qui ?
Étape 2
Remettre un schéma que les enfants doivent compléter en fonction de leur histoire personnelle.
L’enseignant voit les élèves individuellement et leur pose des questions pour les aider à remplir le schéma.
Attention : toutes les cases n’ont pas à être remplies obligatoirement et des cases peuvent être rajoutées.
Certains enfants ou tous les enfants présentent leur propre histoire.
Étape 3 : discussion
– Est-ce que tout le monde parle plusieurs langues dans les familles ? si dans la classe certains sont monolingues : est-ce que vous connaissez le mot pour dire qu’une personne parle une seule langue ?
si non, question complémentaire : est-ce que vous connaissez des gens qui ne parlent qu’une seule langue ?
Réponse : monolingue
– Est-ce que tous les enfants de la classe parlent/comprennent plusieurs langues ? est-ce que vous connaissez le mot pour dire qu’une personne parle deux langues ?
Réponse : bilingue
Est-ce que vous connaissez le mot pour dire qu’une personne parle plus de deux langues ?
Réponse : plurilingue
– Comment ça se passe quand il y a plusieurs langues dans la famille ? Faire débattre sur la transmission des langues des grands-parents aux petits-enfants et sur la compétence dans ces langues. Poser le problème de la compétence de compréhension uniquement.
Voir si dans la classe certains enfants déclarent ne parler qu’une seule langue.
– Si les parents ne parlent pas dans leur première langue aux enfants, qu’est-ce qui risque de se passer ?
Réponses attendues : au niveau individuel/familial, perte de la compétence dans la langue, au niveau de la communauté linguistique, disparition de la langue (ouverture possible sur langues en danger).
Activité de l’étape 2
Consigne :
- Mets dans les cases les personnes avec qui tu parles en famille, à l’école, à la récréation, au village, dans la rue… ;
- trace des traits entre toi et elles (un trait si vous vous parlez la même langue entre vous deux ou plusieurs langues et deux traits si chacun d’entre vous parle à l’autre dans une langue différente) ;
- puis note les langues que tu parles avec ces personnes.
Annexe 3
Les objectifs poursuivis par le support La crique Moucaya
Il s’agit de contribuer à ce que l’élève dispose des savoir-faire (ou : aptitudes), savoirs (ou : connaissances), savoir-être (ou attitudes) suivants :
Savoirs
– Savoir qu’il existe dans le monde une grande diversité de codes de communication écrite. (savoir)
Savoir-être
- Disposer d’attitudes positives envers les codes, les langues de communication, quels qu’ils soient.
- Respecter la prononciation d’un nom propre et d’un mot propre à une langue comme élément de l’identité de l’autre.
- Être sensible à la diversité des signes et des systèmes d’écriture.
Savoir-faire
- Repérer et discriminer à l’écrit et à l’écoute, des signes de langues non familières.
- Repérer et faire correspondre des signes représentant le même son.
- Transcrire une suite sonore de la taille d’un mot dans une langue familière et non familière.
- Appréhender l’existence de similitudes entre les mots de sens équivalents dans des langues différentes.
- Savoir que les langues n’utilisent pas toutes les mêmes sons et que l’on rencontre dans des langues des sons que l’on ne connaît pas.
Notes de bas de page
1 Pour le programme Evlang :Autriche, Espagne, Italie, France (métropole et île de la Réunion), Suisse. Pour Janua Linguarum : Allemagne, Autriche, Espagne, Fédération de Russie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Lettonie, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Slovaquie, Slovénie, Suisse.
2 Un recensement général de ces supports est en chantier. Il sera proposé en ligne sur le site (à venir…) de l’association internationale EDiLiC (Éducation et diversité linguistique et culturelle).
3 Ces axes correspondent aux perspectives tracées par le Conseil de l’Europe dans les dernières années à travers le Cadre européen commun pour les langues vivantes (Conseil de l’Europe, 2000) et le Guide pour les politiques linguistiques éducatives (Conseil de l’Europe 2003). Le premier axe relève de « l’éducation au plurilinguisme » et le second de la « formation plurilingue » (pour une application de ces concepts à diverses innovations dont l’éveil aux langues, cf. Candelier, 2003 a).
4 Ce qui suit est le fruit d’une réflexion commune avec Michel Launey, dont on retrouvera la trace dans un rapport remis à l’Unesco composé de Candelier, 2003 b ; Launey, 2003 b et Tupin, 2003.
5 Rappelons à ce sujet que le programme Evlang et le programme Janua Linguarum avaient, entre autres partenaires, des partenaires de Catalogne, où est dispensé un enseignement bilingue catalan/castillan.
Notes de fin
* Merci aux enseignant(e)s des écoles Sabas, Boris et Malacarnet de Cayenne et à leur direction, ainsi qu’à Patricia Tabournel-Prost, du Casnav, qui a organisé ces interventions.
Merci également à Gertrude Denisot qui a effectué préalablement une démonstration de séance d’éveil aux langues, ainsi qu’aux collègues de l’école J. Lony de Matoury qui l’ont accueillie.
Auteur
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