L’école sur le Maroni
Places et fonctions, réelles, prévues et occupées
p. 349-367
Texte intégral
Les Premiers Temps peuvent tuer les gens.
C’est pourquoi on ne devrait jamais en parler aux jeunes. (Price, 1994)
Introduction
1Le long du Maroni, les enfants vont à l’école. Pas tous, certes, mais beaucoup : pour l’année scolaire 2004-2005, de Maïman – la première commune dotée d’une école après Saint-Laurent-du-Maroni – à Pilima, 260 kilomètres d’eau et de rapides plus loin, 3 386 élèves sont accueillis par 193 enseignants dans 19 écoles primaires, soit 160 classes maternelles et élémentaires.
2Dans chacune des écoles d’une circonscription, intervient un psychologue scolaire dont la mission est de participer de manière spécifique à l’évolution de l’institution scolaire et à la réussite de tous les jeunes. Il apporte dans le cadre d’un travail d’équipe l’appui de ses compétences, notamment en ce qui concerne la prévention des difficultés scolaires, l’intégration de jeunes handicapés et la « conception, la mise en œuvre et l’évaluation des mesures d’aides individuelles ou collectives au bénéfice des élèves en difficultés »1. En ce qui oncerne les enfants en échec, l’objectif est de les aider à occuper avec efficacité leur place d’élève. Après que les enseignants les ont signalés, il s’agit d’identifier de quel ordre sont leurs difficultés et comment y remédier dans une collaboration la plus étroite possible entre les enseignants, les parents ou responsables de l’enfant, les autres adultes référents de l’école (directeur, ATSEM, médiateurs…) et les membres du Réseau d’aide spécialisé aux enfants en difficulté (Rased). Ce réseau est un dispositif mis en place par le ministère de l’Éducation nationale à l’intérieur des écoles maternelle et élémentaire pour « prévenir les difficultés durables d’apprentissage, aider à leur dépassement ». Il se compose au minimum d’un psychologue scolaire et de deux instituteurs ou PE spécialisés qui proposent des aides à dominante pédagogique pour le maître E., et rééducative pour le maître G. Le psychologue est chargé d’établir les liens entre toutes ces personnes pour que, une fois le diagnostic posé, des aides soient mises en œuvre. Les synthèses nécessaires à ces échanges permettent d’en élaborer les modalités. Elles permettent également, grâce à l’observation par l’enseignant du comportement de certains élèves qui ne seraient pas en échec, d’effectuer le travail de prévention qui leur évitera peut-être de s’y trouver par la suite. Pour que cela soit efficace, il est important que la présence du psychologue soit régulière, les relations instaurées fortes et confiantes, son combat restant double, ici comme ailleurs : lutter contre la souffrance de ces enfants, souffrance exprimée la plupart du temps à l’école (que cette dernière en soit ou non à l’origine) et mettre en place un mode de fonctionnement tel que le départ des uns ou des autres intervenants n’invalide en rien le système.
3Les constats de l’échec scolaire sur le Maroni sont nombreux. Tous les échecs ont été jusqu’à présent pris en compte collectivement, évalués au début du CE2 ou à l’entrée en 6e. Grâce à des recherches et des efforts nombreux concernant les différents champs et acteurs de la situation (enseignants, médiateurs culturels bilingues, langues), on peut à présent lire les expériences des uns et des autres quant à la scolarisation des enfants du fleuve, ce qui a « réussi » et ce qui « ne marche pas ». Les enseignants ont aujourd’hui à leur disposition une méthode spécifique (Langage en fête2) d’apprentissage de la langue française devenue langue de scolarisation en Guyane et la méthode de lecture à employer juste après (Tiki3). Mais peu de travaux (hormis ceux de Léglise, 2004 et de Léglise et Puren, 2005), se sont intéressés directement aux enfants. Or, les causes des difficultés scolaires doivent aussi être systématiquement étudiées de manière individuelle, car chaque enfant a son histoire propre. Il est difficile, me semble-t-il, de faire l’économie du croisement de ces deux analyses.
4L’échec scolaire peut bien sûr résulter de problèmes médicaux, ou neurocognitifs, ou d’un blocage linguistique. Mais la plupart du temps, les examens psychologiques montrent qu’il s’inscrit d’abord dans le cadre de difficultés relationnelles et psychoaffectives. Ces examens et les évaluations pédagogiques effectuées par les enseignants depuis deux années dans plusieurs écoles montrent qu’un trop grand nombre d’élèves de cycle III (la majorité dans une des écoles d’Apatou) s’avèrent non lecteurs. Le plus souvent, ce handicap semble le résultat d’une attitude dépressive au début de la scolarité et (ou) d’un blocage culturel. Pour aider ces trop nombreux enfants à ne pas refuser d’apprendre à lire, il convient d’identifier pour chacun d’eux l’origine de cette attitude ou de ce blocage. Les acteurs sociaux et les élus, lorsqu’il s’agit d’expliquer l’échec scolaire si important en Guyane, « pointent le plus souvent du doigt des difficultés, voire des handicaps liés à des questions linguistiques ». L’omniprésence de la question linguistique, actuellement au centre de tous les débats, me paraît cacher un problème antérieur à celui de l’utilisation des langues : celui de l’absence des échanges entre les uns et les autres. Cette situation d’échanges doit être restaurée, ou instaurée, pour que l’enfant ait le désir de montrer, de donner, de recevoir, de communiquer et ainsi – et ainsi seulement – devenir sujet de son apprentissage.
5L’hypothèse qui sera ici développée est que si chacun des adultes en charge des enfants, à quelque niveau que ce soit, est à sa place et possède une représentation exacte de celle des autres, y compris de l’enfant, ils seront dans une relation d’échange. Seule cette relation d’échange permettra à l’enfant de se structurer. Existant ainsi en tant que personne dans les représentations des uns et des autres, il entrera dans les apprentissages, tout apprentissage supposant selon P. Meirieu (1998) une décision personnelle irréductible de l’apprenant. Nous ne pouvons aider un enfant en difficulté scolaire qui ne se sent pas reconnu individuellement, de manière personnalisée. Pour le psychologue il est donc important de mener une étude systématique des différentes places occupées par tous ces acteurs (l’enfant, les parents, les enseignants et les médiateurs), de leurs représentations par les uns et les autres et des écarts mis en évidence, bloquant les échanges réciproques. Elle nous permettra peut-être d’identifier ce qui empêche l’enfant de vouloir parler, lire et apprendre dans la langue que l’école lui propose, de pouvoir occuper une place prévue pour lui, à la fois enfant et élève dans sa culture et dans celle de l’école.
6Une première partie traitera de l’enfant. Serions-nous ici en présence d’échec ou d’enfants différents ? De quelles spécificités parle-t-on à propos de l’échec scolaire dans les écoles du Maroni ? Que fait-on ailleurs, que peut-on faire ici ? La deuxième partie permettra de resituer l’importance de l’échange dans la réduction des écarts entre les représentations et la réalité. La troisième partie, consacrée aux différentes enquêtes réalisées auprès des parents, des élèves, des médiateurs et des enseignants débouchera sur une proposition d’analyse concernant la place et la représentation de la place et de la fonction de chacun. En conclusion, je tenterai d’imaginer un mode de fonctionnement qui permette de réduire les écarts entre les différents acteurs de la chose scolaire afin que tous puissent échanger, rendant ainsi possible, pour l’enfant, son positionnement en tant qu’élève sur le Maroni.
Trouver une place d’élève
L’enfant élève
7L’origine latine du mot enfant est infans, qui ne parle pas encore, l’élève étant une personne qui a reçu les leçons d’un maître. Il semble qu’à la suite d’une accélération de la scolarisation en Europe, et notamment en France, tout enfant qui va à l’école est immédiatement appelé un élève, quand bien même, pour différentes raisons, il n’y apprendrait rien. D’autre part, il est possible de rencontrer des élèves qui ne parlent pas (sont-ils encore des enfants ?) et des enfants qui parlent mais qui ne sont pas forcément des élèves.
8Selon les cultures, l’enfant est ou non au centre des préoccupations familiales et sociales. Il se développe différemment en fonction des conditions de sa naissance, de sa petite enfance, de l’alimentation culturelle, affective qu’on lui prodigue. Mais tous doivent grandir et apprendre pour, finalement, devenir des adultes autonomes, capables de réflexion et de décision. Tous doivent, un jour, recevoir les leçons d’un maître. Pour que l’enfant puisse profiter à plein de cette position d’élève, il doit être au mieux de sa forme. Et les adultes sont là pour y veiller, c’est-à-dire pour qu’il se sente à tout moment en sécurité, physique et psychologique. Cela sous-entend un confort de vie : rythme biologique sauvegardé (sommeil calme, long et réparateur, nourriture équilibrée, alternance des moments de concentration et de jeux) et un confort moral et affectif fournissant l’énergie nécessaire aux fonctions cognitives. Les spécialistes du développement et de la psychopathologie de l’enfant se rejoignent sur le point suivant : la fonction intellectuelle et la fonction affective ne se développent pas chacune de façon quasi mécanique dans l’ignorance l’une de l’autre. « Leur évolution et maturation ne peuvent être comprises que dans une dialectique d’échanges réciproques » (De Ajuriaguerra et Marcelli, 1981). Avant de pouvoir parler, il doit être en situation d’échange avec son entourage. Trois conditions sont nécessaires au développement du langage : une maturation du système nerveux, l’intégration dans un groupe humain, une motivation affective pour imiter, communiquer et parler. Si l’une de ces conditions n’est pas remplie, l’enfant aura des troubles du langage et (ou) de la communication.
9Une « mission diagnostic » conjointe à l’éducation nationale et à l’Association départementale des pupilles de l’enseignement public (ADPEP), en partie financée par la Direction de la santé et du développement social (DSDS) a eu lieu en mai-juin 2005. Pour l’ADPEP, cette mission avait pour objectif d’identifier les différents types de handicaps rencontrés sur le fleuve, afin de déterminer les conditions de mise en place d’un Service de soins et d’éducation spécialisée à domicile (Sessad) intervenant sur le Maroni. Pour la psychologue scolaire, l’objectif était triple :
- diagnostiquer grâce à ces examens et aux synthèses systématiques dont furent l’objet ces enfants la cause de l’échec scolaire, et les soins possibles du handicap ainsi mis en lumière ;
- évaluer avec précision les besoins (leurs qualifications, leur nombre) en spécialistes sur le Maroni ;
- effectuer auprès des enseignants un retour de ce travail ; étudier avec eux les différentes aides et (ou) remédiations possibles à l’intérieur de l’école.
10Une équipe de spécialistes (orthophonistes, rééducateur, psychologue clinicien, psychomotriciennes, pédopsychiatre) a effectué les bilans nécessaires à l’objectivation des difficultés de 237 élèves précédemment identifiés par les équipes enseignantes et la psychologue scolaire et ayant déjà fait l’objet d’un examen, d’un suivi et de synthèses. Seuls une dizaine souffraient d’un blocage linguistique évident. 164 devraient bénéficier d’un suivi : orthophonique (61), psychothérapique (35) ou en psychomotricité (68).
11Le fait pour un enseignant de savoir que l’échec scolaire de tel élève est la résultante malheureusement incontournable d’une difficulté ou d’un handicap susceptible (ou non) d’être soigné ou rééduqué par des spécialistes médicaux ou paramédicaux présente un impact considérable : soulagé par la connaissance du problème réel de l’enfant, il prend du recul et tente par tous les moyens possibles de l’aider, débarrassé de toute culpabilité paralysante.
Quand un enfant de deux cultures est élève à l’école française
12Avant de devenir psychologue scolaire dans les écoles du fleuve Maroni, j’avais enseigné d’abord en Afrique et au Viêt-nam dans des écoles françaises regroupant des enfants de toutes origines, parlant différentes langues puis en Zone d’éducation prioritaire (ZEP) à Paris. Dans mes classes à l’étranger, les seuls enfants qui ne parvenaient pas à entrer dans le langage, la relation ou la lecture n’étaient pas les non-francophones, mais des enfants en souffrance. Les enfants qui n’étaient pas en souffrance finissaient par parler français et travailler normalement, alors même qu’ils continuaient, avec la famille, à échanger dans une autre langue que le français. Ils étaient toute l’année dans une progression constante, un désir de communiquer et d’apprendre, souvent soutenu en cela par un membre de leur famille. Ils apprenaient la culture de leurs camarades, et conservaient la leur. Les travaux de J. Hamers et M. Blanc (1983) mettent particulièrement l’accent sur l’importance, pour l’enfant, de savoir ses parents dans une disposition d’esprit favorable à ce qu’il soit un bon élève à l’école française. De la même manière, plus il sent que son enseignant se trouve dans une attitude positive vis-à-vis de la vie chez lui, de sa famille et de sa culture, plus il s’autorise à penser par lui-même, à éprouver des émotions et des désirs qu’il va souhaiter partager avec son enseignant.
13A contrario, on peut penser que des réticences, une agressivité, des refus interculturels, inconscients ou non, de la part de sa communauté d’origine, et des relations école/famille faussées (le plus souvent par manque de connaissance de la culture de l’autre) vont entraîner des répercussions invalidantes scolairement dans le comportement et (ou) dans les apprentissages de l’enfant. Invalidantes parce que incompréhensibles, sauf si les écarts entre les représentations inconscientes des uns et des autres concernant ce qui se joue à l’école française, et la réalité, peuvent être exprimés, expliqués, compris. Dans É. Godon (2002 : 33) on voit comment cet écart peut, par diverses stratégies, être comblé, ou recouvert de passerelles. Grâce aux mots qui contiennent l’angoisse et permettent l’échange, les élèves peuvent apprendre et les enseignants enseigner.
14Un exemple concerne un établissement du 19e arrondissement, où l’expression de l’angoisse née de toutes sortes d’écarts est le plus souvent la violence. Lorsque j’y ai pris mes fonctions de psychologue scolaire, la langue arabe y était enseignée depuis une quinzaine d’années « afin de faciliter l’intégration des élèves maghrébins, de revaloriser la langue arabe et d’éviter sa marginalisation » (Touati, 2001). Mais le nombre élevé d’enfants en difficulté scolaire et l’extrême violence régnant en permanence dans l’école m’incitèrent à chercher dans des changements survenus au cours des dernières années les causes de ce qui me semblait être un échec. Ce qui avait changé, c’était l’absence de participation des enseignants de l’école maternelle à ce projet : aucune activité n’y avait plus désormais lieu en arabe. Par ailleurs, à l’école élémentaire, plusieurs enseignants parmi les initiateurs du projet, étaient partis. De ce fait, les enfants n’étaient plus introduits, portés en toute sécurité affective d’une langue à une autre, d’une culture à une autre, d’un statut d’enfant à un statut d’élève, de l’école maternelle à l’école élémentaire. Alors même que la majorité de leurs échanges extra-familiaux s’inscrivait dans un contexte francophone, et qu’on leur dispensait des cours d’arabe, ils étaient en échec scolaire et dans une grande violence. Leurs frères et sœurs aînés, au contraire, qui avaient pu bénéficier à l’école maternelle d’une scolarisation mêlant sans échelle de valeurs les deux langues dans des relations interculturelles enseignants/parents/enfants, quelles que soient les langues parlées, n’avaient pas développé ces habitudes. La cause de l’échec de l’enfant et de l’enseignant ne semble donc pas seulement être du registre de l’enseignement, mais aussi tenir à des considérations culturelles, historiques, linguistiques, sociales, psychologiques, où que ce soit.
15Une solution possible est de faire intervenir un médiateur, celui-ci n’intervenant justement pas seulement au niveau de la langue (la presque totalité des élèves de cette école parisienne étaient nés en France, et parlaient parfaitement français). Le travail du médiateur consiste alors à analyser avec les élèves le langage dont ils se servent (la violence) pour exprimer leur mal-être et à identifier pour chacun d’entre eux ce qu’ils expriment réellement de cette manière. Les élèves trouvent et utilisent ainsi d’autres mots, réutilisables dans des situations non conflictuelles, constructives, scolaires par exemple. Ils ne subissent plus, ils deviennent acteurs. « Le travail de mise en place de passerelles par le médiateur aboutirait à la constitution d’un système d’échanges et d’interrelations d’autant plus solide qu’il serait multi-directionnel, opérant entre tous les acteurs du vécu de l’enfant, et l’enfant lui-même » (Godon, 2002 : 36).
16Dans les écoles du Maroni, le blocage observé vis-à-vis de la lecture me semble jouer le même rôle que la violence dans les écoles de la ZEP parisienne : l’expression privilégiée par un grand nombre d’élèves pour exprimer des difficultés sans doute liées à l’interculturalité.
Les élèves du Maroni
Observations
17En arrivant sur les lieux, en septembre 2003, je ne trouvai que peu d’archives sur les élèves. Néanmoins, je parvins à constituer une liste de 438 élèves signalés au moins une fois entre septembre 1999 et juin 2003, de Maïman à Maripasoula. Une trentaine d’entre eux l’avaient été dans plusieurs écoles durant des années scolaires différentes. Je demande régulièrement aux élèves qui me sont signalés s’ils ont effectué la totalité de leur scolarité dans la commune où ils demeurent actuellement. Plus de la moitié répond négativement, généralement sans informations précises concernant les dates, les périodes, les durées de ces changements de résidence. Lorsqu’il peut me parler de la cause de ces changements, à de rares exceptions près, l’enfant évoque un événement traumatisant (un accident, un décès, une rupture, des violences) ou une décision visant à améliorer la situation économique de la famille ou à faciliter la vie quotidienne d’une personne âgée et (ou) handicapée. Aucun enfant interrogé ne m’a jamais répondu que ses parents ou ses référents avaient pris cette décision pour son bien. Environ un enfant signalé sur deux ne vit pas avec sa mère, et la plupart se disent très tristes de cette situation. On peut penser que la dépression qui a pu s’installer chez eux du fait de cette séparation souvent précoce et non ou mal expliquée participe pour une part très importante de leur échec scolaire (De Ajuriaguerra et Marcelli, 1981)4. Ne sachant pas pourquoi les autres enfants de la fratrie sont restés avec leur mère et pas eux, ils ne peuvent que se penser « méchants », et être bloqués dans une situation sans issue et très culpabilisante : s’il devient bon à l’école, l’enfant donne tort à ses parents, ce qu’il ne peut se permettre, d’autant que la langue et la culture de l’école ne sont pas celles de sa famille. « D’une façon générale, les troubles de la parole sont un symptôme précoce et fréquent du dysfonctionnement de l’environnement de l’enfant » (Gabéran, 2003 : 38). L’enfant, qui, avant cinq ou six ans, ne communique souvent pas parfaitement dans sa langue maternelle, peut dans ce cas se fermer à une langue nouvelle, et même développer des troubles de la parole, dans sa langue propre. Parmi les 406 élèves signalés en 2003-2004 par les enseignants, 89 présentaient un mutisme, un retard de parole et/ou de langage, ou encore des difficultés de prononciation, en français seulement, ou dans les deux langues. Pour certains, bien sûr, une hypoacousie (la plupart du temps ni objectivée ni, par conséquent, traitée) pouvait être à l’origine de ces troubles. Pour d’autres, les plus nombreux, un retard d’origine psychoaffective pouvait être invoqué.
Réflexions
18La réflexion qui s’est imposée à moi lors de ma première arrivée à l’école maternelle Albertine Sida, à Apatou, au début du mois de septembre fut la suivante : ces petits sont en état de choc. Ces comportements de violence et surtout d’inhibition extrême sont l’expression d’une angoisse qui risque de bloquer toute entrée dans les apprentissages. Plus généralement, tout primo-arrivant – c’est-à-dire tout élève nouvellement arrivé/scolarisé en France, qui ne maîtrise a priori ni la langue parlée ni l’écrit – le jour où il arrive à l’école, surtout s’il n’a jamais été scolarisé dans un autre pays, n’a que peu de représentation de ce que signifie « être élève ». Il est un enfant qui n’est plus à aucune place, ni quant au lieu, ni quant aux relations socioculturelles.
19Or, les élèves ne viennent pas seuls : ils arrivent en pirogue, et les piroguiers, garants de leur sécurité jusqu’à leur arrivée à l’école, sont des hommes de la même culture que les enfants qu’ils transportent. Il me semblait que si ces piroguiers, les premiers jours de l’année scolaire, avaient accompagné les enfants jusqu’à leur classe, les y installant en échangeant dans les deux langues, à leur sujet et au sujet de ce qui se passe à l’école, avec eux, avec l’enseignante et avec l’ATSEM de la classe, le choc aurait été moindre. Je cherchai des pistes de remédiation, non pas spécifiques, mais au contraire déjà éprouvées dans des situations similaires. Dans d’autres pays, des enfants vivent cette expérience traumatisante. Que fait-on, ailleurs ? Serait-il possible de systématiser les expériences réussies ? Et surtout, quels éléments ont présidé aux réussites ?
20Ana Vivet (1990 : 107) rapporte une expérience réalisée durant quatre années en Angleterre. Deux institutrices, deux assistantes maternelles et une éducatrice plurilingues accueillent une soixantaine d’enfants. « Elles animent des activités variées, en anglais, en langue maternelle ou dans les deux ». L’expérience est concluante, « et le premier changement intervenu dans l’école se situe au niveau des mentalités et des représentations de soi et de l’autre, accepté et reconnu dans sa différence » (Vivet, 1990 : 109).
21Pour ce qui concerne le Maroni, Laurent Puren (2005) montre que l’introduction de la langue maternelle à l’école a été interprétée comme une reconnaissance institutionnelle par tous et que cela a eu des répercussions pour les élèves comme pour leurs parents. « Même si la langue wayana dans son ensemble n’a pas été étudiée, le fait de l’avoir abordée en classe satisfait les parents et les élèves qui constatent que l’on fait appel pour son étude à la même rigueur que pour l’apprentissage de la langue française. » (Ferrarato, 1991, cité par Puren 2005).
22Ces expériences, qu’elles se situent en Suède (Berthelier, 1986), en France (Touati, 2001), en Grande-Bretagne (Vivet, 1990), ou en Guyane à Elahé, Twenké Taluhwen ou Antécume-Pata (Puren, 2005), montrent qu’en mettant l’enfant et les mots au centre du dispositif et en privilégiant l’utilisation naturelle, quotidienne, de la langue maternelle, il est possible de banaliser la séparation entre le lieu des affects (la maison) et le lieu des fonctions cognitives (l’école), en favorisant ainsi l’évolution affective et linguistique des élèves, car « pour apprendre, les enfants ont besoin des deux » (Mesmin, 2001 : 136).
23Il semblerait donc que le fait, pour les enfants scolarisés à l’école maternelle, de continuer à parler, ou à entendre parler leur langue maternelle conjointement avec la langue des apprentissages scolaires leur permette d’abord de se sentir reconnus, et d’aborder avec sérénité et efficacité l’apprentissage de la lecture.
Interventions de la psychologue
24Lors de mes premières missions, à cause des contraintes de temps, j’avais pensé faire la connaissance des enfants signalés par petits groupes de deux ou trois. Tous manifestent en fait un grand soulagement et souvent du plaisir à venir ensemble : ils s’entraident beaucoup, traduisent les propos des uns et des autres, essaient ensemble de faciliter leurs échanges avec moi en s’appuyant sur un atout majeur : leurs échanges à eux, grâce à leur langue et à leur vie commune. Par tous les moyens, ils essaient d’échanger avec moi à leur sujet, au sujet de ce qui les empêche de travailler comme leur enseignant voudrait. Ils essaient tout, avec moi, pour que s’installe l’échange et j’essaie de mettre des mots sur ce qui les empêche d’être des élèves. Il s’agit de leur faire sentir, à défaut de comprendre, qu’ils existent. Nous parlons de la maison, de l’école, des différences et des distances de tous ordres qui, de n’être pas nommées, restent angoissantes. Si l’enfant ne comprend pas tous les mots et que nous n’avons pas de traducteur, il comprend néanmoins que je lui fais confiance, que je veux l’aider et que je ferai le lien avec ses parents et avec l’enseignant. Nous sommes dans l’échange, qui légitime leur existence comme enfant, comme personne et qui va tout naturellement leur permettre d’entrer dans une relation d’échange positive avec l’enseignant. Même si le nombre des élèves en difficulté reste important, vingt-cinq pour cent des enfants signalés en 2003-2004 ne l’étaient plus en avril 2004, bien que toujours scolarisés. Le pourcentage est encore plus important en 2005-2006. Ils semblent poursuivre beaucoup plus sereinement leur scolarité tout en n’ayant apparemment pas eu besoin de renier leur culture et leur langue maternelle. L’écart existant entre la place prévue pour eux par l’enseignant et la place occupée réellement s’est progressivement réduit, diminuant l’angoisse des uns et de l’autre, et rendant tout symptôme sans intérêt.
25Une simple rencontre avec une personne signifiante permet à l’enfant de renouer le lien social et de remanier l’image qu’il a de lui-même : « la résilience est un processus, un devenir de l’enfant qui, d’actes en actes et de mots en mots, inscrit son développement dans un milieu et écrit son histoire dans une culture » (Cyrulnik, 2000). C’est parce qu’il s’inscrit dans une histoire dont il devient acteur, étant reconnu comme digne de confiance par un adulte, que l’enfant entre en relation avec les adultes de l’école. Et c’est parce qu’il est entré dans cette relation qu’il parle le français : il en a besoin. Sans désir, point d’apprentissage, ni dans une langue ni dans l’autre « on n’apprend à parler que par nécessité » (Mesmin, 2001 : 112). Le point de vue que je défendrai ici est que ces enfants comme ceux de la ZEP parisienne doivent, pour s’autoriser à apprendre dans une autre langue que la langue maternelle, être certains que leur personne actuelle est reconnue et acceptée par tous. Le projet de leurs parents et celui de l’école pour eux doivent être mis en mots échangés en leur présence et déboucher sur un projet commun leur permettant (leur donnant le droit) d’exister en même temps pour tous.
26À Paris, pour combattre la violence des enfants d’origine maghrébine, nous avions décidé d’interroger les parents sur leurs représentations. Au cours d’une réunion, ils furent invités à écrire, ou à faire écrire par leurs enfants tout ce qu’ils pensaient à propos des deux titres proposés en haut de deux colonnes :
- ce que j’ai dans la tête quand je pense « école » ;
- l’école de mon enfant.
27Nous voulions mettre en évidence que les représentations inconscientes de leurs parents et de leurs enseignants concernant l’école étaient tellement éloignées l’une de l’autre qu’il était impossible à ces enfants, pourtant susceptibles d’être de bons élèves, de le devenir. Ils étaient coincés entre ces deux exigences, donc bloqués dans une agitation violente. L’expérience marcha au-delà de toutes nos espérances. Les valeurs sous-tendues par l’enseignement s’opposaient totalement à celles qui sous-tendaient l’éducation que les parents voulaient donner à leurs enfants : ces derniers n’imaginaient pas un avenir de Français en France pour leurs enfants, et l’école n’imaginait pas un avenir ailleurs pour ses élèves.
28Au cours d’une deuxième réunion destinée à débattre du compte rendu de cette expérimentation et des stratégies à trouver et à mettre en place pour combler l’écart existant entre les deux représentations, on décida ensemble que les enfants feraient du théâtre, avec un animateur et leurs enseignantes, selon des plages horaires précises. Si les élèves parvenaient à travailler et à préparer un spectacle correct, ils pourraient le présenter devant leurs parents, et seulement dans ce cas. La représentation eut lieu, émouvant témoignage des bienfaits, pour ces enfants, de cette tentative de réduire par les mots les écarts dus à l’interculturalité dans un projet élaboré ensemble et dans l’échange.
29À Grand-Santi, plusieurs enseignants, tout à fait impliqués dans la vie de la commune, conservent d’une année sur l’autre le même niveau d’enseignement. Ainsi les élèves connaissent, et leurs parents aussi, leur enseignant pour l’année prochaine. Les résultats scolaires de plusieurs classes sont tout à fait honorables. Plus l’écart entre ce à quoi l’on s’attend et la réalité, même dangereuse, est faible, plus la stratégie adoptée pour répondre à cette nouvelle situation s’avère efficace parce que dépourvue d’angoisse. L’écart maximal est atteint dans le cas où, par manque d’informations, par manque d’images conscientes, une représentation ne peut accéder à la conscience. Dans le cas précis de l’école, l’agressivité résultant de cette angoisse peut trouver à s’exprimer de plusieurs manières, notamment par un apparent désintérêt, un manque d’investissement total, que ce soit de la part des enfants comme de celle des parents. Il en est d’ailleurs de même pour l’enseignant qui n’a aucune possibilité de mettre des images ou des mots sur les représentations du milieu humain, social, géographique et culturel qui sera le sien pour au moins plusieurs mois et dont il ne lui sera pas facile de sortir.
Les échanges
« Cette carte, expliqua Diamantis, c’est la Peutingeriana, une carte itinéraire romaine du iiie siècle […]. C’est mon père qui me l’a offerte… Il m’a pris sur ses genoux et il m’a raconté une fabuleuse histoire. J’avais quatre ans, je comprenais rien à son histoire, mais le son en était merveilleux […]. Chaque fois qu’il revenait à la maison, il recommençait. Avec moi sur ses genoux. C’est comme ça qu’à douze ans j’avais compris que seule la cartographie pose toutes les questions sur la mer et la terre » Jean-Claude Izzo, Les marins perdus.
30Les deux rives du Maroni sont peuplées par les Businenge et, plus haut, vers et après Maripasoula, les Wayana et les Émerillon (et depuis peu, des Aparaï, venus du Jari). Ce fleuve, frontière administrative certes n’en constitue pas moins pour les Noirs Marrons, grâce aux échanges et aux relations de tous ordres qu’il permet, une partie constitutive, essentielle de leur pays, du Grand Pays, du même pays.
31En 2004, plus de la moitié des élèves étaient signalés pour des « retards scolaires liés à des difficultés de compréhension, troubles de la lecture ». Pour le quart de ces élèves, la question d’un handicap physique et/ou psychologique se posait. Mais pour les autres, une fois établi par des tests (non verbaux en général) qu’ils ne souffraient aucunement de retard mental, je formulai l’hypothèse d’un blocage psychologique ou psycho-affectif d’origine essentiellement culturelle : ils exprimaient de cette manière, une impossibilité à occuper à la fois la place d’élève prévue pour eux par les enseignants, et non prévue par leurs parents, et leur place d’enfant dans le kampu, prévue par leur famille, non prévue par les enseignants. Ces deux places se caractérisant par une langue différente, des cultures différentes, n’étaient jamais mises en relation d’échange. On peut avancer que les parents n’imaginent ni l’école, ni leurs enfants à l’école. Les enfants ne s’autorisent pas à exister comme sujet en cet ailleurs dont leurs parents ne parlent pas : si ses parents n’en parlent pas, et (ou) n’expriment qu’un sentiment négatif, voire agressif à l’égard de l’école, l’enfant a peur de leur peur. Si aucun mot ne vient nommer l’origine de l’angoisse, celle-ci, de n’être pas contenue, entraîne chez lui un sentiment de panique. Si aucun mot, à l’école, ne peut être mis sur les éléments de cette panique, ne vient relier l’écart entre les deux mondes et les deux peurs, il ne peut apprendre. « Quelles raisons impérieuses peuvent bien pousser des intelligents à refuser si fort d’entrer dans la connaissance ? » (Boimare, 1988 : 13). Se questionnant sur la « force mystérieuse qui empêche ces enfants d’entrer dans le temps de suspension indispensable à la transformation du signe en sens », Serge Boimare (2004 : 175) pense qu’ils « refusent la transformation, se cramponnent à ce qu’ils voient, car ils ont peur de la confrontation avec leur monde interne. »
32Il faut permettre à ces parents de mettre des images et des mots sur l’endroit où vit leur enfant lorsqu’il n’est pas à la maison, à ces enseignants d’imaginer leurs élèves vivant dans un contexte différent, dont ils reconnaissent les valeurs positives, afin que s’instaure un échange. L’enfant reste ainsi au centre du débat. S’il existe symboliquement à l’école pour sa famille, et au kampu pour l’enseignant, l’enfant, inscrit dans sa filiation (ce qui est une condition indispensable pour qu’il entre dans les apprentissages à l’école) et inscrit à l’école, occupera avec bonheur les deux places réelles : un lien doit être fait entre les deux mondes (Mesmin, 2001 : 147).
33Dans une des écoles de Grand-Santi, un élève de cinq ans était signalé depuis l’année précédente pour des troubles du comportement et une violence ingérables. En entrant dans la classe, dans le courant de l’année suivante, je lance en direction de tous : « Il n’y a que de vrais élèves, ici ! » Il se lève et, dans un grand sourire, répond « oui »… en même temps que l’enseignante. Que s’est-il passé entre temps ? Quatre mois auparavant, nous nous sommes rendus, deux enseignants, le médiateur et moi dans le village de l’enfant. Ses parents disent que leur fils abrite un autre esprit et qu’il n’est pas comme les autres. Il est présent, ainsi que tous les membres de la famille. Le médiateur sert de traducteur dans les deux langues. Nous établissons un contrat, dans lequel l’enfant sera alternativement pris en charge par les enseignants et par les parents. Le médiateur assurera, en mon absence, la liaison école/ parents. À chacun de mes passages, ce contrat sera réexaminé dans les mêmes conditions. Et l’enfant est devenu un élève. L’école et le médiateur ont permis que l’enfant et ses parents entrent en relation.
34De plusieurs conversations avec des groupes d’élèves de CM1 et de CM2 à Antécume-Pata, il ressort qu’aucun de ceux qui ont un projet de vie et/ou d’étude ailleurs que dans leur village ne peut savoir quelle suite sera donnée à son souhait. Ils pensent que la décision ne leur appartient pas, et n’appartient pas non plus à leurs parents. Mais ils disent qu’ils ne peuvent leur en parler. Les échanges parents/enfants chez les Amérindiens ne semblent pas permettre un type de rapports qui préexiste et participe même du système scolaire français. À l’école, même si l’introduction de la langue maternelle est de plus en plus prônée, notamment en maternelle et au CP, les échanges s’effectuent en français. Dans le village, en wayana. Le projet de vie de la majorité des jeunes de CM2, ainsi que nous le verrons dans la section suivante ne se situe pas dans leur commune, mais dans un ailleurs où leur langue n’est pas parlée.
« Dans le monde amérindien, les parents sont persuadés que parler une langue indienne est un handicap pour avoir un travail… Cette situation peut devenir source de violence et entraîne chez les Amérindiens diverses formes d’autodestruction, comme l’alcoolisme et le suicide » (Colette Grinevald, chercheur au Laboratoire dynamique du langage, université Lyon-II, dans un entretien réalisé par Laure Belot et Hervé Morin, Le Monde, 2 janvier 2006).
35Ainsi que le souligne Philippe Gabéran (2003), « apprendre une langue oblige à penser dans cette langue et pas dans une autre. » Les enfants peuvent-ils penser dans une langue différente de celle dans laquelle pensent leurs parents et rester avec eux dans un échange relationnel dynamique ? Les enjeux, pour les uns et pour les autres ne sont-ils pas trop importants ? Les enseignants ont-ils une idée réelle de la représentation que les parents des élèves, et les élèves eux-mêmes ont de leur place et de leur fonction ?
Des enquêtes sur les représentations : places symboliques et places réelles
Le rôle et les représentations des enseignants
36J’ai mené une enquête auprès des enseignants entre décembre 2004 et février 2005. Elle avait pour objet le rôle des enseignants, et les représentations qu’ils ont de ce rôle et répondait à un besoin fréquemment exprimé depuis deux ans par les enseignants eux-mêmes. Ils demandent que l’on prenne en compte leurs propos, leurs problèmes et leurs souhaits, tant dans leur vie professionnelle que personnelle. 60 % des enseignants interrogés ont rempli le questionnaire qui leur était proposé. Les onze questions concernaient leurs modalités d’enseignement et leurs souhaits en ce domaine, leurs rapports et leur fonctionnement avec les animateurs pédagogiques, avec leurs supérieurs hiérarchiques, et leur désir ou non de rester sur le site l’année suivante.
37De mes entretiens quotidiens avec les enseignants, il ressort que souvent, ils ne savent que faire du programme, car le public pressenti n’est pas celui qu’ils ont devant eux. L’écart est trop important entre la représentation qu’ils ont d’une classe « normale » et leur classe. L’expérience prouve qu’une fois l’échange enclenché, ils ont le sentiment (et ils le disent) que « ça va ». Ce qui ne signifie pas forcément que les enfants progressent, mais que l’échange est en place. 22 % seulement des enseignants enquêtés se disent intéressés par une valorisation personnelle s’ils réussissent professionnellement (ce qui pose la question de la fonction, et de la représentation que les enseignants se font de leur fonction). 61 % se disent prêts à travailler à l’élaboration d’un projet d’enseignement spécifique s’ils sont encadrés et aidés par des personnes référentes présentes.
38Si cela était possible administrativement, dans leur grande majorité et pour des raisons aussi diverses que possibles, 71 % souhaiteraient rester vivre sur leur site en l’état actuel des choses, et 82 % s’ils étaient assurés d’avoir le téléphone, l’électricité, l’eau et un logement. Il semble donc que passée la première année d’adaptation, les enseignants trouvent suffisamment de plaisirs, d’enrichissements et d’échanges dans cet environnement devenu non stressant pour choisir, cette fois, de rester enseigner là où ils avaient été précédemment affectés. Ils se rapprochent en cela des enseignants des ZEP métropolitaines : dans un article consacré aux enseignants, et portant sur leurs conditions de réussite, Laurence Bergugnat-Janot (2004 : 78) a remarqué que c’est en ZEP, là où les écoles sont réputées les plus difficiles, que les enseignants sont significativement moins stressés et ont donc le sentiment de contrôler leur environnement. Ce faible niveau de stress « n’est à rechercher en fonction ni de l’expérience des enseignants, ni du niveau d’enseignement, ni de l’ancienneté dans l’école, ni du soutien collectif des collègues, mais bien dans un rapport confiant et satisfait avec la population du quartier ».
Le rôle et les représentations de l’école dans les rapports parents/enfants
39Dans le but de comparer les représentations que les parents se font de l’école, et l’idée que les enfants se font de cette représentation chez leurs parents, une enquête a été réalisée : elle a consisté en deux questionnaires parallèles, l’un adressé aux élèves de CM2, l’autre à leurs parents. Aidée de l’enseignant de la classe et du médiateur5 de l’école, j’ai posé aux élèves dix questions. Certaines concernent l’échange existant ou non entre l’école, le français, et leur milieu de vie habituel. D’autres tentent de les faire réfléchir sur leur projet d’avenir et sur l’opinion de leurs parents, d’après eux, à ce sujet.
40L’enquête parallèle n’a pour le moment été effectuée par le médiateur qu’auprès des parents d’élèves d’une seule classe. À l’enquête « élève 1 » correspond l’enquête « parents 1 ». Les questions des deux questionnaires se croisent. Mon hypothèse est la suivante : la place réelle occupée par l’enfant à l’école est fonction de la place symbolique prévue pour lui par ses parents. S’il se trompe quant à l’attitude de ses parents vis-à-vis de l’école française, que celle-ci soit positive ou négative, il va également se tromper de place, et se trouver dans une situation de blocage extrême. Seule l’instauration d’un échange lui permettant de savoir ce que pensent réellement ses parents lui permettra de décider sereinement d’entrer ou non dans les apprentissages.
41Les quatre-vingt dix-sept élèves de six classes de CM2 de quatre sites différents se sont montrés particulièrement coopérants. Dans leur grande majorité, ils disent parler de l’école avec leurs parents. À la question concernant l’endroit où ils voudraient vivre plus tard, seuls vingt-cinq souhaiteraient rester dans leur village. Cinquante-deux pensent que leurs parents ne souhaitent pas les voir travailler et vivre ailleurs que dans leur village lorsqu’ils seront adultes, et vingt-huit n’en savent rien. (Les parents interrogés pensent en majorité, au contraire, qu’ils partiront.) Seul un quart de ces enfants pense, à tort ou à raison, que leur projet de vie est soutenu par leurs parents. Les professions envisagées concernent tous les secteurs, y compris les domaines des arts. Presque tous estiment que leur vie aurait été différente si leurs parents avaient parlé d’eux avec leurs enseignants.
42Ces résultats portent encore sur un nombre restreint de personnes enquêtées, mais ils montrent que les élèves ne se rendent pas compte que le rapport au monde et aux différentes cultures a changé pour leurs parents. Ces derniers peuvent les aider à accéder à cet avenir encore mal défini, mais différent de ce qu’ils connaissent. L’école a à la fois intérêt et toute latitude pour faciliter leurs échanges en réduisant ces écarts qui, de rester non-dits, ajoutent au blocage scolaire. L’attitude responsable des enfants durant la passation de l’enquête ne peut que renforcer l’idée de l’urgence d’une étude systématique des représentations que les enfants ont de leurs parents, en particulier de l’avenir qu’ils imaginent que leurs parents prévoient à leur endroit.
Une enquête dirigée vers les médiateurs culturels bilingues et les enseignants quant à leurs représentations réciproques des places et fonctions
43À la suite de difficultés relationnelles rencontrées par les médiateurs culturels bilingues et les enseignants, il m’avait été demandé d’intervenir dans l’un de leurs stages en mai 2004, dans le but de mettre en lumière et d’analyser ce qui pouvait ainsi freiner de manière invalidante pour les élèves le fonctionnement mis en place. Vingt médiateurs et dix-neuf enseignants avaient participé à cette conférence débat intitulée « Au-delà du projet : la médiation ». Désireuse de travailler à partir du vécu et du ressenti des intervenants, et consciente des enjeux en question, j’avais choisi de leur demander de remplir un questionnaire anonyme, comportant notamment les questions suivantes :
- Qu’est ce qui vous gêne le plus dans votre fonction ?
- Si vous pouviez changer de métier, le feriez-vous ?
- Si oui, quel serait alors votre choix ?
44La conférence débat du lendemain prenait largement en compte les réponses faites à cette courte enquête, dont l’analyse avait été effectuée ensemble.
45Je ne sais pas ce que tu fais de ce que je t’ai demandé. Comment fais-tu ?
46(Question posée par un enseignant à un médiateur et retransmise par Patricia Tabournel-Prost du Casnav.)
47Dix-sept médiateurs, dont trois étaient en poste depuis moins de deux ans, les autres depuis trois ans, cinq et six ans ont accepté de répondre à l’enquête. À la question de savoir ce qui les gêne dans leur fonction, ils répondent : la réalité, ce qui leur est demandé, et la manière dont ils travaillent. Ce qui laisse penser que, pour tous, la représentation qu’ils ont de leur place et de leur fonction diffère de la représentation que l’enseignant avec lequel il travaille en a et de la réalité. Aucun n’a mentionné une gêne qui proviendrait de son rapport aux élèves, des compétences ou du comportement de ces derniers, ni des parents d’élèves. Aucun n’a effectué de remise en question concernant sa formation ou sa place mais cela semble évoluer actuellement.
48Quinze d’entre eux ont répondu à la question concernant un éventuel désir de changer de métier. Trois ne souhaitent pas changer de métier mais douze voudraient exercer un autre métier (de la création d’entreprise à l’enseignement en passant par la médecine ou EDF…). Personne ne s’étonne qu’un jeune homme né à Lyon décide, après avoir travaillé comme informaticien durant plusieurs années, de changer de métier et de venir enseigner dans une commune du Maroni. Personne ne doit s’étonner qu’une jeune femme née dans une commune du Maroni ait envie, après avoir travaillé comme médiatrice durant plusieurs années, de changer de lieu de vie et d’exercer ailleurs un autre métier. Cela rejoint ce commentaire d’Odile Lescure : « Un certain nombre sont partis parce qu’à l’issue de leur contrat d’emploi-jeune, on leur a fait des propositions intéressantes. Nous avons donc perdu des éléments moteurs » (Lescure, 2005 : 107).
49Les 19 enseignants (11 étaient en poste pour la première année, 4 depuis 2 ou 3 ans, et 4 depuis 3 ans et plus) ont répondu aux questions posées lors du stage. À la question de savoir ce qui les gêne le plus dans leur fonction, ils répondent : manque de formation, aspect répétitif, manque d’un autre médiateur, peur d’être jugé administrativement, non-reconnaissance par la hiérarchie, les collègues ou la mairie (4), problèmes vis-à-vis des élèves : niveau, comportement, composition des classes (8), problèmes vis-à-vis de la culture des élèves (5), questionnement sur son efficacité compte tenu de cette non-formation culturelle, problème vis-à-vis de sa propre place d’enseignant (2). Un seul a évoqué les adultes de l’école comme pouvant entraîner une gêne. Aucun n’a parlé des parents d’élèves. 13 évoquent les élèves. Un seul parle de l’importance du médiateur.
50Dix-huit ont répondu à la question concernant une éventuelle réorientation professionnelle. Seize veulent demeurer enseignants mais un seul l’est depuis plus de trois ans. D’après une enquête réalisée par le SNUIPP, « 80 à 90 pour cent des enseignants obtiendraient leur mutation au bout d’une seule année » (Fenêtre sur classes, novembre 2000 cité par Léglise et Puren, 2005). Peuvent-ils se considérer autrement que « de passage » ?
51Mais quels sont les enseignants dans les écoles du Maroni ? Deux tiers environ sont des contractuels, dont très peu ont déjà exercé cette fonction dans les écoles du fleuve (Léglise et Puren, 2005). Quasiment aucun enseignant fraîchement arrivé ne peut avoir dans la tête la situation qu’il trouve, ni quant à son travail, ni quant à ses conditions de vie, sauf s’il a pu y effectuer un stage. Il avait évidemment imaginé une classe, peut-être même sa classe. Quel que soit l’écart entre la réalité et ce qu’il avait imaginé, il va devoir s’adapter à tout, en permanence. S’il est contractuel, il est peu vraisemblable que cette trajectoire corresponde au projet de vie que les adultes référents de sa culture d’origine avaient imaginé pour lui. Grâce à cette fonction qui lui permet à la fois de vivre (il est rémunéré) et d’occuper une place socialement reconnue comme valorisante, il se pose. Ce faisant, il se positionne alors non pas tant vis-à-vis de la communauté qui ne l’accueille pas forcément, mais là où une place est vide, dans laquelle il se coule.
52Ayant pour enseigner un point de repère sécurisant : le programme, ils se sentent culpabilisés s’ils ne « le font pas ». Selon Chryssa Kassimi, chez les instituteurs grecs exerçant dans des établissements qui accueillent des enfants d’immigrés, la nécessité de faire le programme (et donc de faire son métier) l’emporte sur l’intention déclarée d’agir de façon concrète en faveur de ces élèves (Kassimi, 2004). Ce qui signifie qu’ils reconnaissent les spécificités et les besoins des enfants d’immigrés, mais continuent de pérenniser les valeurs nationales et culturelles de la Grèce, la mission de l’école. Une enquête en milieu scolaire menée par Isabelle Léglise (2004, 2005 et p. 29) montre que, alors que la majorité des enseignants se disent plutôt favorables à la prise en compte des langues des enfants, ils se sentent souvent investis d’une « mission d’éducation » des populations… et « d’un système de valeurs à leur inculquer… » (Alby et Léglise, 2005).
Enseignants et médiateurs, ou médiateurs et enseignants ?
53Au regard de l’analyse des réponses obtenues au stage, on constate que la presque totalité des enseignants comme des médiateurs, est en fait sur une (sa) trajectoire. Ils n’occupent pas leur place exacte. Ils la préparent, et elle sera ailleurs. Ils se préparent. Chacun essaie de progresser, de s’appuyer sur l’autre pour se former, se perfectionner, voire changer. Mais si le projet de l’un et de l’autre est de progresser, l’élève n’est plus central dans le projet de l’école. Or, les places réelles et les échanges entre le médiateur et l’enseignant doivent être parfaitement identifiables par l’enfant. Si ce n’est pas le cas, que se passe-t-il ? Ce sont les enfants qui se trouvent entre le médiateur et l’enseignant. Occuperaient-ils alors une place de médiateurs entre le médiateur et l’enseignant ?
54Deux questions du questionnaire avaient pour but de réfléchir sur les représentations des fonctions réciproques des médiateurs et des enseignants par rapport à la réalité6. Que représente pour un jeune Amérindien le fait d’être recruté par l’école française comme médiateur ? Pour Akama Opoya, MCB à Kayodé, « je suis chargé d’enseigner notre langue maternelle aux enfants » (Ethnies, 2005, 31-32 : 111). Pour Michel Launey et Odile Lescure (2004 : 11), le but est « d’assurer une présence de la langue maternelle à l’école, en priorité dans les petites classes (avant la fin de la structuration du langage, vers 7-8 ans) selon trois fonctions : de socialisation, de médiation et de structuration langagière ».
55Les réponses obtenues faisaient état d’un désir général de travailler différemment et rendaient compte de tensions multiples, variées, mais inabordables en situation : elles allaient du manque de motivations, d’autorité, d’initiatives des médiateurs, à l’absence d’intérêt, voire au mépris de l’enseignant pour la culture locale, de son absentéisme et de sa formation insuffisante. Certains termes furent à juste titre ressentis comme très choquants (le mépris, par exemple) et permirent à certains d’exprimer leur angoisse vis-à-vis de la représentation présumée de l’autre à son égard. L’enseignant nouvellement arrivé ne trouve parfois rien d’autre que sa fonction pour contenir son angoisse. Ce qui ne signifie pas, loin s’en faut, qu’il soit à sa place. Il est vraisemblable que ce qui est pris chez lui pour une attitude méprisante est en fait une attitude de défense. Le médiateur de son côté doit, une fois de plus, s’adapter à quelqu’un d’autre. Mieux : instaurer avec lui l’échange nécessaire à sa pratique professionnelle. Une fois encore.
56En 2004-2005, une quinzaine de médiateurs culturels bilingues sont en poste sur le fleuve Maroni. On a évidemment souhaité qu’ils soient de même culture que la majorité des élèves des écoles où ils interviennent, ce qui n’est semble-t-il pas toujours le cas à Apatou, par exemple (Léglise, p. 29), et ils semblent uniques : faute de candidats possédant le niveau requis, ils ne peuvent être remplacés s’ils s’en vont. Dans plusieurs endroits, ils représentent à la fois la fonction et l’individu. Parce que c’était lui, parce que c’était nous… : c’est parce qu’il y avait, dans ce village, cet individu exceptionnel qu’il y a, dans l’école de ce village, un MCB. Chacun d’entre eux a été choisi, individuellement. On les connaît personnellement, et chacun d’entre eux entretient avec un ou plusieurs membres des équipes du Centre académique pour la scolarisation des nouveaux arrivants et enfants du voyage (Casnav), de l’Institut de recherche pour le développement (IRD), de l’Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM) ou de l’équipe de circonscription, des relations privilégiées, gratifiantes. Leurs soucis affectifs, psychologiques, médicaux sont évoqués, ainsi que les différentes solutions proposées. Ce statut particulier, s’il a permis au projet de se clarifier et de se densifier, entraîne, me semble-t-il, un problème aux innombrables répercussions : celui de la place du médiateur.
57Comment peut-il occuper à la fois la place pressentie par les créateurs du projet, la place prévue par l’enseignant nouvellement arrivé, la place de référent pour les enfants ? Sont-elles en adéquation ? Comment les enseignants perçoivent et acceptent-ils ce rapport privilégié installé et entretenu au fil des années entre le médiateur et les référents de l’éducation nationale ? Comment pallier les dysfonctionnements résultant des écarts entre toutes ces représentations ? Comment s’expriment-ils ?
58Quand le médiateur est à sa place tant auprès des adultes que des enfants, chacun peut trouver la sienne. Il permet à la relation de s’instaurer entre les enseignants et la famille, entre l’enseignant et l’enfant, entre l’enseignant et les autres adultes du village, entre le psychologue et la famille. À cette place, il ne se sent plus jugé comme un sous-enseignant. Sa fonction, désormais parfaitement démarquée de celle de l’enseignant leur permet à tous deux de travailler ensemble en mettant l’élève au centre de leurs préoccupations. Elle est valorisée auprès de tous dans l’école et dans la commune, entraînant chez lui une restauration de l’estime de soi. Cette revalorisation a des implications directes sur celle de la culture d’origine et de la langue maternelle de l’enfant. Apportant l’éclairage culturel qui leur manque, il participe aux différentes réunions de synthèse des équipes pédagogiques et du réseau d’aide. Il n’a plus à supporter toutes les tensions générées entre lui et l’enseignant, dues soit à sa formation plus importante sur le terrain, soit à son manque de formation théorique. Sur l’un des sites concernés, les répercussions de ce travail commun effectué dans l’échange depuis quelques années sont quantifiables : dans l’un des CP, aucun élève n’est signalé pour difficultés scolaires, et tous entrent normalement dans les apprentissages.
Conclusion
59Si l’on veut que les enfants du fleuve s’autorisent à apprendre à l’école en français, il faut que toutes les conditions soient réunies pour qu’ils le fassent sans danger pour eux, c’est-à-dire que nous, les adultes référents, décidions ensemble de la place qu’ils doivent occuper pour y parvenir. Les seuls adultes référents pour les enfants à la fois dans leur culture et dans celle de l’école, les médiateurs culturels bilingues, ne se sentent souvent pas considérés comme des professionnels à part entière par les enseignants, et se disent fréquemment dans un projet plus ou moins conscient de départ. Pour aucun des acteurs, place symbolique et place réelle ne semblent en fait correspondre. Tout le monde est « entre-deux » : les parents, les enseignants, les médiateurs. Comment l’enfant pourrait-il ne pas l’être ?
60Considérons nos atouts : si l’école se rend auprès des parents avec un médiateur, ceux-ci acceptent immédiatement de faire également un pas vers l’école, ce qui peut réinitialiser l’échange parents/enfants. Les médiateurs culturels bilingues s’adressent aux enfants à la fois comme à des enfants (de leur propre culture) et comme à des élèves (dans la culture de l’école). Dans presque toutes les classes maternelles des écoles du Maroni, les enseignants ont la chance de travailler avec une ATSEM. Les médiateurs sont de même culture, parfois du même village que les enfants. Les ATSEM sont recrutées sur place. Elles assurent, comme les médiateurs, le lien avec la famille. Un primo-arrivant auquel il est permis de jouer dans les deux langues et d’observer avec son corps entrera d’autant plus rapidement dans le monde des apprentissages qu’il y sera accompagné par un adulte référent de sa culture (par les « piroguiers-passeurs », par exemple).
61Nous savons ce qui risque de « marcher » partout où des enfants sont confrontés à une langue de scolarisation qui n’est pas leur langue maternelle : on pourrait imaginer que les MCB forment eux-mêmes, aident et conseillent, à l’intérieur de l’école, des animateurs bilingues. Ces derniers, un par classe jusqu’au CP, pourraient être recrutés après que leur niveau d’instruction, leurs motivations et leurs compétences linguistiques aient été évalués, et qu’après qu’une formation relativement courte leur ait été proposée. De petites structures, un MCB, des animateurs bilingues et originaires du village dans chaque classe maternelle (permettant à l’enfant de se structurer affectivement et psychologiquement : l’enfant se saurait reconnu. Il pourrait prendre des risques pour progresser) et un enseignant formé manifestant dans sa vie propre sa volonté d’adopter la culture de l’endroit où il a choisi de vivre.
62L’enfant en sécurité linguistique prend plaisir à échanger. S’il n’est pas en situation d’échange, il n’est pas en situation d’apprentissage. Les adultes autour de lui, pour réellement devenir les référents que leur fonction désigne comme tels, se doivent d’instaurer entre eux un échange permanent. Celui-ci, réducteur des écarts identifiés entre les différentes places, symboliques ou occupées, des uns et des autres, replace justement l’enfant au cœur du projet ainsi initialisé pour lui, avec lui devenu acteur de ses apprentissages.
63Ainsi, l’enfant du fleuve Maroni grandira-t-il dans un projet co-construit par ses parents, les médiateurs et les enseignants.
Notes de bas de page
1 Circulaire n° 90-083 du 10 avril 1990 NOR : MENE9050163C, RLR : 504-3. Texte adressé aux recteurs, aux inspecteurs d’académie, directeurs des services départementaux de l’Éducation.
2 Dejou Taglia B. et Melin C., Langage en fête, SCEREN, CRDP Guyane Edicef. Il s’agit d’une méthode de langage qui permet aux élèves d’atteindre le « niveau seuil » en français.
3 Dejou Taglia B., Melin R. et Rosa M., Tiki, SCEREN, CRDP Guyane Edicef. Il s’agit d’une méthode de lecture conçue pour des élèves non francophones, en deuxième année de scolarisation. Cette méthode est prévue pour les élèves ayant travaillé avec Langage en fête.
4 La question de l’incidence de l’école sur ces manifestations de souffrance psychologique se pose : cette souffrance s’exprime-t-elle parce que l’école en offre la possibilité, ou bien cette pratique culturelle ancienne a-t-elle été déséquilibrée par l’existence de l’école ?
5 Un grand merci, à cet égard, à Dondaine Pinson, de Papaïch’ton.
6 Qu’est ce qui me gêne le plus chez le médiateur, l’enseignant ? Qu’est-ce que je fais pour que ça ne gêne pas dans le travail ?
Auteur
pgodon@noos.fr
Psychologue scolaire, psychologue clinicienne et professeur des écoles, rectorat de la Guyane
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