Préface
p. 9-10
Texte intégral
1La France possède une langue commune, le français, langue de la République ; elle permet de vivre ensemble au sein de la nation. Cette langue de la citoyenneté ne saurait toutefois s’imposer aux dépens des autres. Langue officielle, langues régionales, langues sans assise territoriale forment un patrimoine de culture immatérielle qu’il convient de valoriser, de protéger et de faire connaître.
2L’attention récente que la France porte à son patrimoine linguistique a donné un grand essor aux recherches consacrées à la Guyane. Certes, depuis longtemps des anthropologues, des linguistes, des amateurs éclairés se sont attachés à décrire les cultures et les idiomes de plusieurs communautés guyanaises. Toutefois, la politique menée en faveur des « Langues de France »1 a donné à ces recherches à la fois une légitimité, un soutien et une finalité ; il s’agit de porter un regard scientifique global sur la réalité linguistique guyanaise, afin de constituer un savoir et d’éclairer l’action publique.
3Ce n’est que justice. Si la France, tout d’abord, peut s’enorgueillir de sa richesse linguistique, trop longtemps méconnue ou méprisée, elle le doit en grande partie à l’Outre-mer, et particulièrement à cette trentaine de langues pratiquées entre Maroni et Oyapock. En France, on parle français, créole, occitan et breton, mais aussi palikur et kali’na. Ensuite, quelques-unes seulement de ces langues ont été correctement décrites, alors que toutes, à la seule exception du créole guyanais, sont en situation fragile. La complexité, enfin, de la disposition linguistique guyanaise (langue officielle, le français/langues régionales nombreuses, de nature, d’extension et de statuts fort différents/langues d’immigration, dont le portugais du Brésil en progression rapide) constitue un véritable laboratoire pour la recherche. Elle incite à des études d’ensemble, à la fois rigoureuses et complexes, informées des méthodes les plus récentes, respectueuses de la variété des pratiques.
4C’est ce que font avec bonheur les études qu’ont rassemblées Isabelle Léglise et Bettina Migge. S’inscrivant dans une sociolinguistique des interactions et des représentations, leurs auteurs examinent, selon des approches complémentaires et dynamiques, les questions des idiomes (typologie et extension), de leurs pratiques (variation et changement de code), de leurs effets réciproques (influences et images), de leurs statuts (ambivalence de l’écrit, fondements culturels), de leur contact aux lieux d’éducation (école) et de socialisation (hôpital, centre communautaire). Sont ainsi abordés, avec la pénétration que donne la meilleure connaissance du terrain, avec l’ardeur théorique d’une recherche qui allie le renouvellement des méthodes au défrichage pionnier, avec le sérieux enfin d’une étude qui a mesuré l’urgence et le prix de son action, des domaines (construction de l’identité au travers de la langue, plurilinguisme, contacts culturels et linguistiques, rôle de l’école et de l’écrit, etc.) qui concernent directement la métropole et la politique qu’elle entend conduire en faveur de son patrimoine.
5Cet effet en retour, de la Guyane vers son Outre-Mer, n’est pas la moindre vertu de cet ouvrage remarquable, des plus utile et passionnant.
Notes de bas de page
1 NDE : la Délégation à la langue française et aux langues de France (ministère de la Culture), au travers de son « Observatoire des pratiques linguistiques » a largement contribué, ces cinq dernières années, au financement de recherches sur les pratiques des langues en France (métropolitaine et Outre-Mer). En Guyane, cette volonté politique a permis également de renforcer la visibilité de programmes scientifiques menés par le CNRS et l’IRD, en particulier par l’unité de recherche Celia qui s’est efforcée, depuis 1994, de décrire les langues de Guyane et d’organiser des formations pour leur prise en compte dans l’éducation.
Auteur
Ancien Délégué général à la langue française et aux langues de France
Professeur à l’université d’État de Louisiane (Baton Rouge)
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