Le marché mondial et l’expansion du « complexe soja » dans les cerrados du Mato Grosso1
p. 45-65
Texte intégral
1L’expansion du soja dans le Mato Grosso2 apparaît comme emblématique des processus spatiaux liés à la mondialisation et à l’impératif de compétitivité qu’elle induit sur le marché mondial des denrées. La poussée de la culture du soja vers le centre-ouest du Brésil, en direction de l’Amazonie, illustre l’émergence de nouveaux espaces productifs, dont les transformations peuvent se mesurer aux changements dans l’usage du sol, les itinéraires routiers, les acteurs et les secteurs économiques représentés. Il s’agit, pour le Brésil, d’une version supplémentaire du front pionnier, revue par l’actuelle mondialisation qui fait de l’exportation la clé du succès aux dépens de la durabilité souvent évoquée.
2C’est par rapport à cette double dimension de compétitivité et de durabilité que notre travail, issu d’une recherche collective3, examine la progression du soja dans le Mato Grosso. Après avoir rappelé nos hypothèses, nous présentons les facteurs de compétitivité de la filière soja qui ont fait du Brésil le deuxième producteur mondial. Nous examinons ensuite cette filière suivant les critères de la durabilité, qui amènent à mettre en évidence un certain nombre de faiblesses.
Le résultat d’avantages construits
3La discussion de la notion de frontière agricole, opposée à celle de front d’activité, est très largement présente dans la littérature brésilienne, tant elles sont liées à la formation du pays lui-même (voir par exemple, Furtado, 1959 ; Monbeig, 1952). Un front d’activité comme celui du soja regroupe tous les acteurs impliqués par la production, la transformation, les échanges de biens et services sur un espace donné. Il inclut une idée de dynamique, de progression physique dans cet espace : c’est en quelque sorte une filière en mouvement, qui participe à la restructuration des activités préexistantes, grâce notamment au rachat des actifs (terres, matériels, actifs immobiliers). Une frontière agricole combine, en général, plusieurs fronts d’activité qui, au Brésil, ont été le plus souvent associés à l’ouverture de terres. C’est à la dynamique particulièrement forte du front du soja que notre travail s’est principalement intéressé. Celui-ci ne se réduit pas à la seule présence de cette plante dans la production agricole, mais se traduit par son incorporation à divers systèmes de production intégrant le riz, le maïs ou l’élevage et par le déploiement des acteurs qui contribuent à sa production, son transport, sa transformation et son commerce, le plus souvent lointain. Cette arrivée du front du soja en Amazonie (ici dans le Mato Grosso) pose des questions théoriques et méthodologiques complexes propres à un espace en mouvement, non totalement structuré, fragile sur les plans agronomique et écologique et où les avenirs possibles sont encore très largement ouverts.
4Le boom spectaculaire de la production-transformation du soja au Brésil n’est pas la conséquence du simple jeu d’avantages naturels. Sinon, pourquoi le Brésil aurait-il développé sa production de soja bien avant la Pampa argentine dont la fertilité « naturelle » est bien connue4 ? Il n’est pas non plus un pur effet du jeu des avantages comparatifs et de la spécialisation qui l’accompagne. Ainsi, la progression de la production de soja au Brésil dans les années 1970 et 1980, d’abord dans les États du Sud puis dans la région du Centre-Ouest (déjà dans les cerrados du Mato Grosso do Sul et du Goïas) ou de l’ouest de Bahia, s’explique par une combinaison de facteurs : le soutien public par le crédit subventionné, l’appui à la recherche publique (l’Embrapa5 a mis au point les variétés de soja adaptées à chaque région) et une politique d’aide spécifique. Cette politique publique était ajustée, en fonction de la conjoncture internationale, aux besoins de l’industrie de transformation locale, dans un contexte de très forte instabilité macro-économique (Bertrand et Hillcoat, 1996). Ajoutons que l’État a un rôle clé dans le fonctionnement des marchés intérieurs et dans la régulation des échanges extérieurs, par sa politique macro-économique (taux de change, politique tarifaire) et son intervention dans la définition des normes et des règles du jeu. Une approche globale, « systémique », de la compétitivité d’une filière combinera donc les facteurs spécifiques, techniques, organisationnels, territoriaux, attachés aux activités et aux stratégies des acteurs autour d’un « produit », et les facteurs globaux, institutionnels et politiques définis par l’État. L’action effective de ces mesures dépendra étroitement du comportement des acteurs (y compris les autorités locales) dans un territoire donné.
5C’est dans ce cadre général qu’il faut aborder la question du front du soja dans le Mato Grosso, dont la dynamique est en partie le résultat d’un large mouvement de restructuration et de délocalisation de la production agricole et agroalimentaire dans l’espace du Mercosur6. Pour comprendre ces phénomènes, il faut simultanément combiner des outils de l’économie internationale et des approches géographiques de la réalité socio-économique. Les nouvelles théories du commerce international invitent en effet à aborder ces questions en privilégiant plusieurs angles d’attaque :
- les politiques des États (fédéral et des États régionaux) jouent un rôle actif dans la construction des avantages compétitifs en associant plusieurs instruments : politique de crédit, politiques régionales prenant en compte, par exemple, le rôle stratégique de l’Amazonie, construction des infrastructures, politique de recherche, de santé et d’éducation ;
- les marchés sont imparfaits, tant au niveau de la définition de la qualité des produits que des tailles très inégales des firmes ou de l’accès à l’information ;
- les déterminants de la compétitivité se combinent ou se contrarient dans le cadre d’un jeu systémique.
6Il faut donc s’intéresser aux conditions locales et régionales de la définition de la compétitivité, au rôle des territoires dans la construction des avantages. Les développements récents de l’économie spatiale (de la localisation) apportent des outils de réflexion et mettent au centre de l’analyse les coûts de transport, les économies d’échelle et les effets d’agglomération. L’immobilité relative dans l’espace des ressources naturelles (terre, eau) donne un poids particulier, au sein de l’activité agricole, aux facteurs technologiques et organisationnels. L’existence de marchés du travail actifs, de débouchés proches ou lointains, d’infrastructures de transport et d’unités de transformation, sont autant de facteurs susceptibles d’expliquer l’émergence, la croissance ou, au contraire, le repli d’une filière de production agricole et agro-alimentaire particulière sur un territoire donné.
7Étant donné la rapidité et la profondeur des changements engagés, les industries de la trituration et de l’alimentation animale au Brésil sont en train de se doter des moyens de leurs actions futures au niveau régional. L’enjeu est la production de la matière première (soja, maïs), ce qui met en concurrence entre eux autant les producteurs que les territoires. Les stratégies de localisation mises en œuvre par les producteurs et les entreprises deviennent particulièrement importantes dans le cas des choix d’implantations et dans la constitution de nouveaux pôles de production et de transformation. Comment jouent les avantages régionaux dans le Mercosur et à l’intérieur du Brésil ? Quelle est la stratégie de localisation de l’agro-industrie en fonction des atouts de chaque région ? Il faut ici non seulement tenir compte des structures agricoles et des coûts qui en découlent, mais aussi des déficiences des infrastructures, routes, ports et des projets de réaménagement nécessaires, de l’urbanisation (qui conditionne la demande) et surtout des politiques nationales et régionales qui continuent à avoir un rôle important à côté des politiques communes encore balbutiantes. Sur tous ces points, l’analyse approfondie du cas du Mato Grosso est très éclairante.
Les fondements de la compétitivité du « complexe soja » brésilien
8L’expansion du soja a été continue au Brésil depuis le début des années 1970. Si certains chocs macro-économiques, intervenus notamment dans les années 1980 (forte inflation, crises de la dette), ont pu momentanément freiner son élan (Bertrand et Hillcoat, 1996), cette culture, d’abord développée dans les États du sud du Brésil, gagne aujourd’hui du terrain dans ceux qui jouxtent l’Amazonie et tout particulièrement le Mato Grosso (fig. 1) (Théry, 2004).
La progression spatiale
9Cultivé sur moins de 250 000 hectares au début des années 1960, le soja est aujourd’hui la principale culture brésilienne avec 22,9 millions d’hectares récoltés en 2005 et près de 51,2 millions de tonnes produites. Après un démarrage dans le Rio Grande do Sul et le Parana, le soja a essaimé dans les années 1970 et 1980 dans le Centre-Ouest (Minas Gerais, Goïas, Mato Grosso do Sul) avant que le front n’atteigne, dans les années 1990, les États situés plus au nord, poursuivant l’exploitation du cerrado et s’installant de préférence sur les plateaux (chapadas), plus aptes à la mécanisation de la culture. L’arc ainsi touché aujourd’hui est immense et jouxte la partie amazonienne du pays : il comprend le sud du Rondônia, le Mato Grosso, le nord du Tocantins et du Maranhão et le sud du Para, de même que le Roraima et l’Amazonas. Traduisant bien ce phénomène d’extension du front du soja vers le nord du Brésil, le Mato Grosso, qui dispose de la plus grande réserve de formation végétale de type cerrado (près de 42 millions d’hectares en 1996), est devenu depuis 1999 le premier État producteur du pays. Ce phénomène est concomitant de sa progression rapide dans la pampa en Argentine (Bertrand et al., 2002).
10La part occupée par le soja dans l’assolement a crû de manière constante (près d’un tiers aujourd’hui), tandis qu’augmentait fortement la place du Brésil dans la production mondiale (fig. 2) et surtout dans la transformation agro-industrielle (la trituration) et les échanges mondiaux de graines, d’huiles et de tourteaux de soja (fig. 3). Quand on y ajoute les parts de ses partenaires au sein du Mercosur où les Brésiliens participent directement à l’essor de la production (Souchaud, 2001), on constate que le monopole nord-américain, qui existait encore au niveau mondial dans cette filière au début des années 1970, a cédé la place à un oligopole. Argentine, Brésil et États-Unis dominent aujourd’hui les échanges mondiaux, mais les pays importateurs (Japon, Union européenne, Russie, Inde, Chine) ont acquis un poids considérable dans un jeu beaucoup plus complexe.
11La part prise par les deux grands partenaires du Mercosur dans le processus de transformation agro-industrielle est tout aussi spectaculaire. Dès le milieu des années 1970 au Brésil, une dizaine d’années plus tard en Argentine, les décisions sont prises par les entreprises et les États de transformer le soja sur place et de construire des usines de trituration, ce qui permet aux deux pays de supplanter rapidement les États-Unis sur les marchés internationaux des tourteaux et des huiles de soja.
12Le Brésil fait de gros efforts d’investissement dans les infrastructures routières, fluviales et portuaires dans les États du nord pour abaisser les coûts de transport du soja. Les grandes firmes du négoce, de la trituration ou de l’« agribusiness » ont massivement investi en pariant sur le potentiel en ressources naturelles des deux géants du soja. L’État brésilien a soutenu ce développement car le « complexe soja » est un pourvoyeur majeur d’emplois, de ressources fiscales et de devises précieuses pour rééquilibrer les balances commerciales.
La compétitivité : les atouts brésiliens et leur redéploiement sur le territoire
13On distingue classiquement cinq types de compétitivité (Nezeys, 1993). Il s’agit de la compétitivité-coût, de la compétitivité-prix, de la compétitivité technologique, de la compétitivité structurelle et de la compétitivité « hors prix ». Derrière chacun de ces types de compétitivité, il y a une série de facteurs qui, combinés avec les mesures de politique économique (politique macro-économique, politique agricole, politique de développement régional et politique de commerce extérieur), forment l’armature d’une compétitivité globale ou « systémique » (Bradford, 1994), propre à un territoire national donné et plus précisément à chaque espace régional. Nous nous concentrerons ici principalement sur les premier et troisième types, où le Brésil excelle, ce qui explique ses avancées récentes.
La compétitivité-coût du Brésil : de fortes variations régionales
14La majorité des analyses de coût au Brésil est fondée sur des comparaisons réalisées à partir de comptes virtuels d’exploitations type prenant en compte un certain nombre d’hypothèses sur la taille et les technologies utilisées par les agriculteurs. Non seulement la représentativité de ces coûts n’est pas assurée dans l’univers des exploitations réelles, mais leur structure reste largement inconnue. De ce fait, les comparaisons internationales (le plus souvent avec les États-Unis) doivent être maniées avec beaucoup de prudence.
15On dira d’un pays qu’il est dans une situation de compétitivité-coût favorable pour une filière-produit donnée lorsqu’une baisse des coûts de production lui permet d’accroître ses exportations (et son excédent commercial) et ses parts de marché. En ce qui concerne le commerce des grands produits agricoles de base (et de manière générale pour les matières premières brutes), l’avantage coût, s’il existe, est souvent associé à une série de facteurs liés entre eux : des coûts de production faibles à la sortie de la ferme, des coûts de transport modérés (que cela soit par route, voie ferrée ou fluviale) et des coûts portuaires maîtrisés (chargement, déchargement, stockage et toute la chaîne logistique qui permet la gestion des flux de produits). Les coûts de transport à longue distance entre ports dépendent eux aussi de multiples éléments, comme la taille des bateaux, liée aux possibilités de déchargement à l’arrivée, les assurances, les taxes, le prix du pétrole et le taux de change. Deux études récentes montrent que l’avantage-coût du Brésil à la sortie de la ferme est contrecarré par des désavantages dans le reste de la filière (transformation et transport intérieur). Le Mato Grosso accentue à l’extrême ces caractéristiques « structurelles ». L’enjeu de la politique de construction et d’amélioration des infrastructures est dès lors évident.
La compétitivité technologique : le rôle majeur de la recherche publique
16On observe actuellement, dans le domaine du génie génétique, un changement de paradigme se traduisant par un véritable bouleversement des conceptions, des orientations et des types d’applications pratiques, notamment autour des utilisations d’organismes génétiquement modifiés (OGM). Le secteur oléagineux est particulièrement concerné. L’Argentine, massivement, et le Brésil, à un degré moindre, ont entrepris de produire du soja modifié. Une controverse s’est développée : certains États brésiliens ont interdit ce type de production, tandis que des producteurs et coopératives du Rio Grande do Sul, du Parana et du Mato Grosso envisageaient de continuer à produire du soja non OGM (un soja de « pays ») et d’en garantir la qualité jusqu’à l’utilisateur final. Il reste à savoir qui paiera la différence de prix que ce type de transaction suppose (coût plus élevé pour assurer la traçabilité). La décision récente des autorités de lever l’interdiction sur la production et la distribution de soja OGM va conduire à une situation nouvelle de coexistence des deux filières.
17Parmi les facteurs qui permettent aux firmes d’innover, c’est l’ensemble de la politique de l’État fédéral en matière de recherche et de développement qu’il faut prendre en compte. Dans ce domaine, le Brésil a fait des efforts considérables en réorganisant l’Embrapa et obtenu un certain nombre de succès : adaptation du soja, accroissement des rendements dans la région des cerrados. L’évolution des rendements montre que le Brésil et l’Argentine font désormais jeu égal, sur le plan de la productivité, avec les États-Unis (fig. 4). On notera que le Mato Grosso a obtenu des rendements très supérieurs à la moyenne nationale et cela dès le démarrage de la culture dans l’État. Cet écart – de l’ordre de 5 à 8 q/ha – est considérable, alors que les techniques de production sont assez proches de celles pratiquées dans le sud du pays. Il s’est maintenu au cours des dix dernières années et est, sans aucun doute, une des variables essentielles qui attirent de nouveaux producteurs dans la région.
Le boom du soja dans le Mato Grosso et les formes de mise en valeur agricole
18En dix ans, de 1991-1992 à 2001-2002, le Mato Grosso a multiplié ses surfaces plantées en « grains » par plus de deux (de 2,37 millions d’hectares à 5,34 Mha) et sa production par plus de trois (de 5,32 Mt à 16,1 Mt), dynamique explicable en grande partie par le boom du soja dans plusieurs régions du Mato Grosso.
19Le soja et le maïs une fois produits, il faut les écouler. Ce sont d’abord les capacités de stockage qu’on implante au cœur des nouvelles zones de production. Les grands groupes internationaux (Cargill, Bunge, Amaggi), les grandes coopératives brésiliennes ainsi que des acteurs locaux sont présents à Lucas de Rio Verde, Sorriso ou Sinop. Mais ils investissent également dans les régions où l’ouverture des terres s’accentue, comme Vera ou Tapurah, et parient désormais sur la progression du soja vers le nord. La construction par Cargill d’une infrastructure de stockage de 180 000 tonnes à Santarem, port fluvial sur l’Amazone7, donne un signal clair, poussant des producteurs de Sorriso et de Rio Verde à acheter des terres à proximité. L’asphaltage de la route fédérale BR163 entre Sinop et Santarem donnerait sans aucun doute une impulsion supplémentaire à la dynamique en cours. Des acteurs très divers (producteurs, négociants, transporteurs), regroupés au sein de l’association pour l’asphaltage de la BR163, développent une activité de lobbying importante pour faire aboutir ce projet.
20Les activités de transformation ne suivent pas nécessairement la progression de la production de soja dans ces régions de frontière. Elles se sont d’abord installées autour de Rondonopolis (à une centaine de kilomètres de Cuiabá), assurant ainsi un débouché notable à la production de graines du bassin de Sorriso-Sinop. En 2002, la Ceval avait le projet de construire à Sorriso une usine d’une très grande capacité (la plus grande du Mercosur !). En fait, la situation a radicalement changé. La Ceval a été rachetée par Bunge et les nouveaux dirigeants sont beaucoup plus prudents. Ils attendent notamment que les travaux de réfection de la BR163 entre Cuiabá et Sinop soient effectués et probablement que l’asphaltage jusqu’à Santarem soit engagé. Il est clair, en effet, qu’un bassin de production ayant un potentiel de l’ordre de trois millions de tonnes (comprenant Rio Verde, Sorriso, Sinop et les municípios8 où l’activité se développe, comme Vera et Tapurah) mérite qu’on réfléchisse à la localisation de l’outil industriel.
21La diffusion rapide d’une forme particulière de financement de la production, le « pacote », fréquent dans d’autres parties du monde, mais qui est ici une nouveauté, pose des questions intéressantes. Face à la diminution des volumes de crédit et au renchérissement des taux d’intérêts, les firmes qui fournissent semences, engrais et produits de traitement et les négociants (fonctions souvent regroupées dans un seul et même groupe, comme dans le cas de Cargill, de Bunge ou des grandes coopératives présentes dans la région) proposent aux producteurs des contrats de livraison de ces intrants, en échange d’un remboursement en nature au moment de la récolte (32 sacs de soja à l’hectare en 20029). Les coûts de main-d’œuvre, d’amortissement du matériel et des bâtiments restent à la charge des producteurs. Ces derniers y trouvent l’avantage de ne pas s’endetter auprès des banques et de pouvoir être livrés en intrants plus tôt en saison (avant le rush de septembre au moment des semis). Il s’agit en fait d’une sorte de système de crédit, dans lequel les taux d’intérêts sont soit implicites, si aucune règle n’est prévue au départ, soit explicites, si le remboursement est calculé en dollars, avec un taux d’intérêt de 6 %, ce qui reste un peu inférieur au taux du marché pour les prêts agricoles (8,75 %). De leur côté, les firmes y voient un moyen de sécuriser aussi bien leurs débouchés pour les intrants que leur approvisionnement en graines, qu’ils vendront directement ou transformeront dans leurs usines de trituration. Cette forme de « troc » est-elle idéale ? Elle est en fait le signe des faiblesses de l’économie environnante : perte de confiance dans la monnaie (le real est dévalué de manière continue depuis 1999) et difficultés d’accès au crédit. En cas de baisse du dollar (si la dette est calculée en R$) ou des prix internationaux du soja, le producteur se trouve en grande difficulté car il a besoin d’un plus grand volume de sa production pour rembourser son emprunt ; de même, en cas d’aléa climatique et agronomique impliquant une chute des rendements. Ce système de troc ne le met donc pas à l’abri des risques, dont il supporte la plus grande part. C’est ce qui s’est passé en 2003 avec des pluies trop abondantes au moment de la récolte et le développement de l’épidémie de rouille (Ferrugem asiatica) qui a frappé certains municípios du Mato Grosso, notamment Rio Verde, et entraîné des pertes de production importantes. Mais les agriculteurs peuvent-ils, de fait, sortir du modèle soja-maïs et amorcer une diversification ?
Le système soja-maïs est-il viable à long terme dans le Mato Grosso ?
22Les principales difficultés que rencontrent les agriculteurs et les opérateurs du complexe agro-industriel concernent les questions suivantes :
- le maintien à long terme de la fertilité des sols et donc la viabilité du modèle agricole intensif développé autour du soja et du maïs ;
- les problèmes de transport et plus généralement de logistique, maillon faible de la filière soja dans les régions étudiées du Mato Grosso ;
- la préservation de l’environnement10.
Des rythmes de croissance effrénés
23La progression du front dans le Mato Grosso, qui s’accélère nettement depuis une dizaine d’années, transforme plusieurs municípios de l’État en vastes chantiers. La production du seul soja a triplé entre 1991-1992 et 2001-2002, passant d’un peu moins de 4 Mt à près de 12 Mt, tandis que, dans le même temps, les surfaces récoltées grimpaient de 1,5 Mha à 4 Mha (fig. 5). Près de 350 000 hectares gagnés par le soja en moyenne par an, c’est beaucoup de travaux d’aménagement, d’intrants à acheminer et de grains à transporter. Cela n’est pas étonnant que, d’une année à l’autre, nous trouvions, à Rio Verde, Sorriso et Sinop, les conditions de fonctionnement du « complexe soja » en partie bouleversées : en 2003, il a suffi de fortes pluies fin janvier-début février pour précipiter l’allure de la récolte, solliciter au-delà de leurs capacités les installations de stockage et détériorer sévèrement la route BR163 entre Sinop, Cuiabá et Rondonópolis (où se trouvent localisées les principales usines de trituration de l’État) que la noria de camions de 40tonnes continuait à emprunter. En conséquence, le temps de trajet entre Cuiabá et Sinop (500 km) prenait onze heures en mai, alors que six heures avaient suffi l’année précédente. Serpenter entre les trous creusés dans l’asphalte est un exercice difficile et dangereux qu’effectuent journellement les milliers de camionneurs qui empruntent cette route à deux voies11.
24Le faible prix de la terre, qui entre pour une bonne part dans le coût modéré du soja brésilien à la sortie de la ferme, explique l’arrivée de producteurs venant du sud. Ceux-ci ont en outre la possibilité d’agrandir leur domaine. Alors que la taille moyenne des exploitations produisant du soja à Sorriso était de 800 hectares en 2002, elle est passée à 1 000 hectares en 2003. Comme il n’y a plus de terres libres, ils en achètent désormais dans les municípios voisins. Ainsi, le front du soja continue à s’étendre et en même temps la concentration foncière s’accroît. Par exemple, à Vera qui se trouve à 80 km de Sinop, en 2003, près de 34 000 ha ont été plantés en soja, alors que le processus d’ouverture des terres a commencé il y a six ans seulement. Depuis, les taux de croissance sont extravagants, 60 % par an pour les surfaces plantées et la production de soja ! Ici, les prix de la terre à déboiser sont compris entre 2 000 et 2 500 reais/ha (soit de 667 à 833 euros par ha). Outre les locaux, les candidats à l’achat viennent surtout du sud (Paraná, Santa Catarina). Les grandes firmes (Cargill, Bunge) accompagnent ces pionniers, ainsi que des entreprises d’échelle plus modeste qui stockent, achètent soja et maïs et servent aussi d’intermédiaires sur le marché foncier. Comme à Sinop en 1972-1974, le déboisement a fait naître à Vera, dans les années 1990, une intense activité de sciage12. Celle-ci se déplace toujours plus vers le nord. Les capitaux accumulés servent souvent à démarrer la production de soja, qui court-circuite maintenant la succession élevage bovin-riz après le déboisement.
La dynamique agronomique du front du soja
25Le paysage de savane arborée cède la place aux champs de soja et de maïs à perte de vue. S’agit-il pour autant d’une monoculture ? Au sens strict, non, car la technique de semis direct suppose un précédent (un millet en général) qui servira de couverture. D’autre part, le maïs est soit planté immédiatement après la récolte de soja (récolte intercalaire dite « safrinha »), soit en assolement avec lui. Enfin, de plus en plus de producteurs ajoutent le coton dans l’assolement, ce qui conduit à une diversification du système. Pourtant, si le soja n’est pas une monoculture, il est devenu le produit dominant sur lequel tout accident météorologique, économique ou épidémiologique a des répercussions immédiates de grande ampleur. La rouille asiatique est une de ses principales maladies. Surtout présente en Asie (Taïwan, Chine du Sud, Thaïlande et Japon) où elle occasionne des pertes considérables, elle était relativement marginale en Amérique latine jusqu’au début des années 1990. Au Brésil, la maladie atteignit d’abord deux municípios du Minas Gerais et le District fédéral. En 2001-2002, une grande majorité des régions productrices est touchée (Andrade et Andrade, 2002). La rouille se diffuse rapidement et à longue distance avec le vent ; elle s’attaque au système foliaire (chute des feuilles) et réduit la capacité de photosynthèse de la plante, donc les rendements qui peuvent chuter de 20 à 50 % et parfois plus. Des traitements existent mais coûtent cher : environ 6 sacs de soja à l’hectare, alors que dans les municípios touchés la chute de la production a affaibli les capacités de financement.
26Le problème agro-écologique central est maintenant celui de la viabilité du modèle agricole lui-même. Les rendements obtenus actuellement dans le Mato Grosso sont plutôt flatteurs (plus de 30 q/ha pour le soja) et surtout nettement plus élevés que dans les autres régions du Brésil. Ils sont obtenus dans le cadre de pratiques très sophistiquées et très intensives. Le complexe agricole et agro-industriel fait vivre la région entière et notamment les trois villes qui ont accompagné son développement, Rio Verde, Sorriso et Sinop. Toute crise prolongée du « complexe soja » aurait des conséquences économiques et sociales redoutables. Tous les efforts sont donc tournés vers le renforcement des infrastructures permettant d’éviter l’asphyxie du système, notamment au moment des semis et des récoltes.
La question des infrastructures : le bassin amazonien est-il la solution ?
27Comme nous l’avons indiqué, l’avantage-coût de ces régions du Mato Grosso à la sortie de la ferme est presque totalement absorbé par des coûts de transport internes plus élevés. La question des transports revient donc de façon lancinante, en raison de l’éloignement du principal port exportateur, Paranaguá, dans le Paraná.
28Ce port avait été choisi et équipé pour exporter le soja du temps où l’essentiel de la production se faisait dans le sud, une décision alors logique mais qui est devenue de plus en plus contre-productive à mesure que le soja s’est déplacé vers le nord. Les distances à parcourir sont aujourd’hui considérables, principalement si on les juge à l’aune européenne. Pour mieux apprécier les kilométrages que les camions de soja doivent parcourir, on peut donner quelques points de comparaison : Campo Novos dos Parecis est à 2 170 km du port d’embarquement, soit la distance Paris-Tirana (Albanie) ou Paris-Minsk (Biélorussie). Sinop est à 2 290 km, soit presque Montréal-Winnipeg, ou deux fois Dakar-Bamako. Le port de Paranaguá est en outre totalement saturé et les camions de soja attendent des heures au bord de la route pour y accéder : un jour moyennement chargé, la file s’étend sur une trentaine de kilomètres, mais il arrive qu’elle dépasse 100 km. C’est pourquoi des solutions alternatives commencent à se mettre en place. Des lignes de chemin de fer ont été construites ou réformées pour atteindre les zones de production, ou du moins s’en rapprocher : elles arrivent actuellement à Rondonópolis, dans le sud du Mato Grosso.
29Un port céréalier a été construit par le groupe Amaggi à Itacoatiara, sur l’Amazone (un peu en aval de Manaus), desservi par des barges fluviales descendant le Rio Madeira au départ de Porto Velho (Rondônia). Cette voie a permis d’écouler 1,5 million de tonnes en 2001, vers les marchés européens et japonais, par navires de haute mer. Ceux-ci ont une capacité volontairement limitée à 55 000 tonnes (navires dits Panamax) : quand ils descendent l’Amazone, puis font cap vers le nord, ils ne savent pas encore quelle sera leur destination finale, Europe ou Japon, et il faut donc qu’ils puissent, si on les oriente vers le Japon, passer par le canal de Panama. Déjà intéressante pour certains municípios, notamment dans la Chapada dos Parecis, cette voie ne l’est toutefois pas encore pour d’autres, plus loin sur la BR163.
30En 2002, une étude du secrétariat des Transports (Geipot) estimait le coût de transport à la sortie de la ferme du Mato Grosso jusqu’à Rotterdam à :
- 78 US$/t par la route (camion de 40t) via le port de Paranaguá ;
- 72 US$/t lorsque la voie ferrée (Ferro Norte) arrivera à Cuiabá ;
- 60 US$/t en empruntant la BR163 asphaltée jusqu’à Santarem, puis l’Amazone par bateau Panamax de 55 000 tonnes (voir également la figure 6 qui représente les coûts intérieurs en reais).
31Les gains pour le producteur seraient de l’ordre de 5 reais par sac de soja, soit, pour une production estimée à 25 millions de sacs dans le bassin de Sorriso, 125 millions de reais de gain (c’est-à-dire plus de 40 millions d’euros). Ces estimations sont à prendre avec prudence. Les divers projets d’infrastructure (voie ferrée Ferro Norte, BR163) se développeront probablement à des rythmes différents et la route restera encore longtemps un moyen de transport privilégié au Brésil. Le caractère multimodal s’accentuera en cherchant à répondre à des situations très variées. Mais, peu à peu, l’atout que constituent les voies fluviales, notamment dans le bassin amazonien, sera très probablement mobilisé. La progression du front du soja vers le nord du pays se traduira donc par une augmentation sensible du trafic sur l’Amazone et ses affluents, ce qui en retour amplifiera le défrichement le long des cours d’eau.
Conclusion : le soja dévorant
32Tout semble excessif dans ce Mato Grosso agricole qui pourrait devenir un nouveau « soybean-corn belt » : la rapidité de la mise en valeur de nouvelles terres après déforestation et/ou pâturages « dégradés », les taux de croissance très élevés de la production des grains et singulièrement du soja, le niveau d’intensité capitalistique des pratiques agricoles. Dans certains cas, une véritable création de sols est réalisée avec apports massifs d’amendements calcaires et d’engrais, à peine tempérée par l’utilisation de techniques visant la préservation de la fertilité et de la structure des sols comme le semis direct. Activités industrielles et de services induits connaissent une croissance accélérée ; les activités agricoles et agro-industrielles soutiennent le développement de petites villes prospères et en pleine transformation (comme Rio Verde, Sorriso et Sinop) qui pour certaines vivaient, il y a peu, de la seule exploitation du bois.
33Deux séries de facteurs expliquent la progression du soja dans le Mato Grosso. D’abord, il existe des facteurs internes favorables : des politiques publiques incitatives (Aparecida De Mello, 2002), la levée de verrous technologiques en matière d’adaptation des variétés de soja aux régions tropicales, la mobilité des producteurs et des différents acteurs. Par ailleurs, au cours des années 1990 et 2000, de puissants déterminants extérieurs sont à l’œuvre :
- une forte demande internationale pour les produits du « complexe soja » (huiles et tourteaux) conduisant à des prix internationaux relativement soutenus (même s’ils restent instables) ;
- des capitaux étrangers prêts à s’investir dans les activités industrielles et le négoce et aussi, dans une certaine mesure, la pression du remboursement de la dette externe qui pousse les gouvernements brésiliens successifs à soutenir en priorité des produits rapportant des devises.
34Ces facteurs sont toutefois en partie réversibles à court ou moyen terme. Que se passerait-il en cas de baisse prolongée des prix internationaux des graines, des huiles et des tourteaux de soja ? Comment les producteurs parviendraient-ils à résoudre l’équation complexe liée à leur éloignement relatif des centres de consommation : une hausse des coûts de production (mise en valeur de terres toujours plus éloignées) s’ajoutant à la hausse des coûts de transport (infrastructures insuffisantes) ? Le désenclavement va donc rester le problème majeur de la région.
35Le Brésil fait un effort considérable en matière de construction d’infrastructures dans le nord du pays. Cet effort doit-il seulement profiter au secteur agro-exportateur, alors que certaines routes sont fortement détériorées par un usage intensif ? Cela n’empêche pas les différents acteurs, producteurs, industriels, négociants, de réclamer l’asphaltage de plusieurs centaines de kilomètres supplémentaires pour déboucher à Santarem.
36Sur le plan sanitaire et agronomique, l’attaque de rouille asiatique montre la fragilité d’un système simplifié à l’extrême, malgré l’association du maïs au soja. Certes, des parades existent, mais elles accentuent le recours aux produits de traitement et augmentent les coûts de production. Enfin, la question des OGM reste entière pour l’État du Mato Grosso qui, pour l’instant, a choisi la carte du soja non OGM. Dans ce domaine, il faudra tenir compte des réactions de la recherche publique et privée, qui souhaiteront préserver les acquis de l’effort accompli au cours des dernières années.
37Le Mato Grosso dispose donc d’un potentiel agricole considérable, de réserves de terres, de technologies sophistiquées et des acteurs disposés à les mettre en valeur. Le modèle choisi reste toutefois très concentrateur de richesses et devra affronter de redoutables défis pour sauvegarder les conditions de sa durabilité.
Notes de bas de page
1 Une partie de cette contribution a été publiée dans la revue Tiers Monde en 2004 à la suite du colloque « Territoires et mondialisation » organisé en 2003 par l’UMR Temps.
2 Voir les cartes de situation hors-texte n° 1 et 2.
3 Recherche intégrée sur « l’analyse des conséquences économiques et agroécologiques de l’avancée du front du soja en Amazonie », réalisée par une équipe franco-brésilienne, avec le soutien du fonds commun Inra-Cirad. Ont participé R. Pasquis et C. Cadier (Cirad, Tera), M.-G. Piketty et D. Deybé (Cirad, Ecopol), P. Mendez (Cirad, Calim), F.-M. Le Tourneau (Credal), H. Théry (ENS-IRD UMR Temps), N. Aparecida de Mello (ENS-UMR Temps), A. Bolzon et M. Wehrmann (CDS, Centre de recherche sur le développement durable de l’université de Brasilia), J.-M. Boussard et J.-P. Bertrand (Inra, Mona).
4 Nous nous appuyons ici sur les travaux comparatifs menés sur la compétitivité des filières céréales et soja au Brésil et en Argentine (Bertrand et al., 2002), sur ceux concernant les formes de mise en valeur en Amazonie (Théry et al., 1997) et les politiques publiques qui lui sont appliquées (Aparecida De Mello, 2002).
5 Entreprise publique brésilienne de recherche agronomique.
6 Marché commun du Sud associant Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay.
7 Depuis l’ouest du Mato Grosso, du soja est déjà transporté en camion jusqu’à Porto Velho, puis est embarqué par barges sur le Rio Madeira jusqu’à Santarem. Là, des bateaux de haute mer sont chargés pour l’Europe et l’Asie du Sud-Est. Cet itinéraire a été initialement créé par le groupe Amaggi, un des plus gros producteurs et négociants de soja du Brésil. Un des membres de la famille fondatrice est d’ailleurs actuellement gouverneur de l’État.
8 L’équivalent des communes françaises, mais beaucoup plus vastes puisque le pays n’en compte qu’un peu plus de 5 000 sur 8,5 millions de km2.
9 Soit 19,2 q/ha, ce qui correspond à un rendement qui n’est pas atteint dans un grand nombre de régions au Brésil alors qu’il est en principe largement dépassé dans le Mato Grosso (30 q/ha en 2002).
10 Ce point est traité dans le présent ouvrage par F.-M. Le Tourneau et al.
11 La production du bassin de Sorriso, Rio Verde et Sinop a été de l’ordre de 3 Mt en 2003, ce qui correspond à une circulation d’environ 75 000 camions qui reviennent chargés de calcaire, d’engrais, de semences et autres produits nécessaires à l’agriculture.
12 Il a existé jusqu’à 3 000 scieries dans l’ensemble Sinop, Vera et Santa Carmen dans les années 1970-1980 ; il n’en reste plus que 1 000 actuellement.
Auteurs
jpbertrand3@wanadoo.fr
Jean-Pierre Bertrand, économiste, directeur de recherche, Inra, Mona, associé à l’UMR Temps.
Hthery@aol.com
ORCID : 0000-0001-8282-3470
Hervé Théry, géographe, directeur de recherche au CNRS-Credal, professeur invité à l’université São Paulo – USP, chaire Pierre Monbeig (Brésil), directeur de l’UMR Temps.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Le monde peut-il nourrir tout le monde ?
Sécuriser l’alimentation de la planète
Bernard Hubert et Olivier Clément (dir.)
2006
Le territoire est mort, vive les territoires !
Une (re)fabrication au nom du développement
Benoît Antheaume et Frédéric Giraut (dir.)
2005
Les Suds face au sida
Quand la société civile se mobilise
Fred Eboko, Frédéric Bourdier et Christophe Broqua (dir.)
2011
Géopolitique et environnement
Les leçons de l’expérience malgache
Hervé Rakoto Ramiarantsoa, Chantal Blanc-Pamard et Florence Pinton (dir.)
2012
Sociétés, environnements, santé
Nicole Vernazza-Licht, Marc-Éric Gruénais et Daniel Bley (dir.)
2010
La mondialisation côté Sud
Acteurs et territoires
Jérôme Lombard, Evelyne Mesclier et Sébastien Velut (dir.)
2006