Itinéraire 9. Villages de l’agro-alimentaire (ouest de Hà Nội)
p. 290-307
Texte intégral
Les villages artisanaux
Statuaire en bois : Sõn Ðộng ;
Agro-alimentaire : Cát Quế, Dýõng Liễu et Minh Khai.
Patrimoine culturel et architectural
La pagode du Maître (Chùa Thầy).
SÕN ÐỘNG, UN ARRÊT AU VILLAGE DES SCULPTEURS DE BOUDDHAS
1Situé sur la route qui mène au cluster de villages de l’agro-alimentaire, Sõn Ðộng, le village célèbre pour ses bouddhas en bois et ses autels des ancêtres, les bàn thờ, richement décorés en laque et feuilles d’or, vaut une visite. Cette visite, selon que vous la fassiez en 2009 ou a la fin des années 2012, pourra prendre une tournure tres différente : la commune de Sõn Ðộng, ainsi que les communes de Cát Quế, Dýõng Liễu et Minh Khai, vont changer de visage. Plus de 3 500 hectares des terres agricoles du district de Hoai Đức vont, d’ici la, être transformés en zones résidentielles et industrielles. L’autoroute Láng-Hoa Lạc, qui traversera la ville satellite de An Khanh, sera reliée par de larges routes au nord de la province. La commune de Sõn Ðồng constituera un grand carrefour de communication et accueillera la grande zone résidentielle urbaine Khu Ðô thị Sõn Ðồng, ceci en échange des trois quarts de ses terres agricoles. Quant aux autres villages de cet itinéraire, ils verront une grande partie de leur territoire absorbé par la zone résidentielle de Khu Đô thị Hoài Đức, extension de l’actuelle capitale du district Trạm Trôi. Même si plus des trois quarts des revenus des villageois de cet itinéraire proviennent des activités artisanales, la riziculture apporte un complément essentiel à l’équilibre des budgets des ménages. La perte de la sécurité alimentaire au niveau local, pourtant un fondement de la politique agricole du Vietnam, risque de mettre à mal les artisans les plus démunis.
COMMENT Y ALLER ?
2Allez jusqu’au Centre international de conférences a l’ouest de la capitale et prenez la route Láng-Hoà Lạc (au moment de la rédaction de cet ouvrage (fin 2008), cet axe était en train d’être transformé en une autoroute gigantesque de 150 m de large). Continuez tout droit pendant environ 4 km. Prenez sur la droite la route en direction de Nhổn : Ðýờng Tây Mỗ dans le district de Từ Liêm (en espérant que la jonction puisse encore se faire avec la route). Au bout de 3,5 km, vous arrivez au village carrefour de Kim Hoang et tournez a gauche en direction de Sõn Ðồng que vous atteindrez au bout de quatre 4 km.
CONTEXTE
3Selon Hữu Ngọc (2006), Sõn Ðộng serait célèbre pour le grand nombre de ses lettrés et lauréats aux concours triennaux, mais aussi pour son métier transmis de génération en génération depuis des centaines d’années : la fabrication de statues et d’objets d’art en bois laqué. Les artisans produisent également des statues a l’effigie de divinités ou d’autres figures du bouddhisme (BouddHà aux mille yeux, arhats, génies du ciel – Ông Thiện et Ông Ác…), des animaux célestes, des autels, etc. On retrouve nombre de ces œuvres dans les édifices religieux a Sõn Tây, a la pagode du maître, Chua Thầy, a Hải Phong, Chua Đỏ, a Hà Nội, le Văn Miếu (le temple de la littérature), ou encore a la citadelle de Huế etc. En visitant les pagodes de Chua Thầy ou la pagode des Parfums, vous croiserez peut-être certains des artisans de Sõn Ðồng en train d’effectuer la réfection d’un linteau ou l’inauguration d’une nouvelle statue.
4Si on compte aujourd’hui 300 entreprises spécialisées dans la sculpture sacrée – elles occupent plus de 4 000 ouvriers et artisans – Sõn Ðồng n’a pas toujours connu une telle activité. La période collectiviste et les guerres ont rudement éprouvé le métier pluriséculaire de ce village. Le cliquetis des outils a bois et des marteaux s’était alors presque tu. Dans les années 1980, les maîtres-artisans M. Nguyễn Đức Dậu (professeur des Beaux-arts), M. Nguyễn Ðức Týờng (spécialisé dans la fabrication des statues de Bouddha) et M. Trần Đinh Thúy (spécialisé dans la laque), ont relancé l’activité et ouvert des classes de formation pour transmettre leur métier aux jeunes générations. Trente apprentis ont été formés après plus de 18 mois de formation et, 25 ans après, ils constituent la classe des artisans les plus investis dans la production de ce village.
5Ils ont aujourd’hui 40 ans et se nomment : Nguyễn Chí Quảng, Nguyễn Viết Thắng, Trần Ðinh Cýõng, Nguyễn Viết Hồng, Nguyễn Viết Tạch... Ce dernier s’est lancé dans les affaires en 2005 en se spécialisant dans des objets en bois, plaqués or ou argent qui ont été présentés a la foire des antiquités vietnamiennes exportées aux États-Unis, en Europe, ou dans les pays d’Asie du Sud-Est. Il a actuellement trois ateliers qui comptent 40 artisans. Il sculpte de grandes statues en bois de jacquier, notamment des bouddhas de plusieurs tonnes. Une visite dans son nouvel atelier, localisé a une centaine de mètres sur la route qui part a droite du carrefour du village, vous permettra de mesurer l’ampleur de l’ouvrage. Lors de notre dernière visite, un immense bouddHà de trois mètres de haut accueillait, tout souriant, le visiteur. La fabrication de telles sculptures nécessite une équipe de cinq a six ouvriers pendant trois ou quatre mois et le bois d’environ dix arbres. D’autres artisans, comme M. Nguyễn Chí Quảng, créent des produits laqués de haute qualité. M. Nguyễn Viết Thắng a ouvert trois ateliers dans le village et emploie prés de 30 travailleurs hautement qualifiés. Outre la production traditionnelle, ses travailleurs sont impliqués dans la réfection de l’ancienne capitale de Huế. Les artisans se sont spécialisés soit dans un type de produits (petite statuaire, autels des ancêtres, oiseaux mythiques, bouddhas…), soit dans une étape définie de la production (sculpture, laque, finitions, assemblage, commercialisation...).
6Des collaborations existent même avec le village de la céramique (Bát Tràng, voir Itinéraire 2, p. 110) pour développer le produit « Gốm phu » qui a été lancé en octobre 2005. Ce produit en porcelaine de Bát Tràng est revêtu d’une ou plusieurs couches de laque de Sõn Ðồng. L’assemblage des deux donne de beaux reflets sur les objets de culte.
7La croissance économique, la constitution d’une moyenne bourgeoisie ayant les moyens d’acheter des autels des ancêtres fastueux (ceux dorés a la feuille d’or coutent 30 millions de VND), le regain de spiritualité de la population après des années de collectivisme assurent un avenir brillant a Sõn Ðồng. Comme le mentionnait sur le site Internet de ce village (www.mynghesondong.com.vn) M. Nguyễn Hồng Viết Anh, propriétaire d’un atelier dans le village de Sõn Đồng, : « merci a BouddHà et aux effigies religieuses, car grâce a elles, nous pouvons gagner notre vie et faire des profits ! ». Les artisans sont toutefois confrontés a un réel problème : le manque de matière première. Le bois de jacquier, connu pour sa souplesse et sa longévité, est de plus en plus rare. On l’achète au Laos et au Cambodge.
Le syncrétisme religieux bat son plein : entre art sacré et pratiques animistes
Le 6e jour du 2e mois lunaire, la fête du village rappelle les anciens cultes de la fertilité. Selon une chanson traditionnelle :
A Sõn Ðộng, pour la fête, on enveloppe le bambou avec la spathe d’aréquier.
On fait des gâteaux dáy et cuôn pour régaler ses amis.
Hữu Ngọc (2006) rappelle comment le rituel de la fabrication du gâteau se déroulait : on broyait du riz gluant étalé sur un van en tapant des coups réguliers avec un pilon de bois enveloppé d’une spathe d’aréquier (épisode qui évoquait l’acte sexuel). La farine obtenue servait à faire des gâteaux ronds et plats, les bánh dày, et des gâteaux allongés en forme de saucisse, les bánh cuốn, qui rappellent les organes féminins et masculins.
Un autre jeu, la lutte pour un tronçon de bambou sacré (cýớp bông), est sensé donner au vainqueur un enfant mâle. Le soir, dans la cour de la maison communale, se déroule la danse sacrée. Filles et garçons esquissent des danses en mimant l’accouplement à l’aide d’une spathe d’aréquier et d’un morceau de bambou. La danse terminée, ils jettent au sol ces objets. Les spectateurs se ruent alors dessus pour s’en emparer. Ceux qui les récupèrent sont frappés par la chance. Avant l’époque collectiviste, pendant les trois mois qui suivaient la fête, les jeunes jouissaient d’une liberté absolue. Ni les enfants qui naissaient de ces rencontres festives ni leur mère n’étaient bannis…. Et les jeunes pères étaient dispensés de payer les taxes matrimoniales au village !
CÁT QUẾ, DÝÕNG LIỄU ET MINH KHAI
CONTEXTE
8Situés le long de la rivière Đáy qui relie la province de Hà Tây aux provinces montagneuses du Nord, les villages producteurs de vermicelles, de nouilles et d’amidon étaient à l’ origine (dans les années 1960) approvisionnés en matières premières (manioc, canna et autres tubercules) par voie fluviale. Ils bénéficient de la proximité du marché de consommation de Hà Nội pour écouler leur production. Pas nécessairement rentables, ces activités s’effectuent en parallèle avec des activités agricoles et ont permis aux artisans, autrefois tisserands pour la plupart, de se reconvertir dans une autre activité, après que le coopérativisme eut sonné le glas du tissage villageois rudimentaire.
9En 2005, toutes sortes de denrées étaient produites dans les villages de métiers du district de Hoai Đức : 38 000 tonnes d’amidon de manioc (tinh bột sắn), de canna (tinh bột dong riềng, tinh bột dot) et de kudzu (tinh bột sắn dây), 5 900 tonnes de vermicelles de manioc et de canna (miến sắn, miến dong riềng), 5 400 tonnes de vermicelles de riz séchés (bún khô), 5 600 tonnes de sirops de maltose (mạch nha) et de sucre de canne (ðýờng mía) et 3 500 tonnes de bonbons (bánh kẹo).
10Nombre de ces activités sont saisonnières et les premières transformations sont réalisées lors des périodes de récoltes du manioc (septembre a avril) ou du canna (novembre a mars). L’approvisionnement en matières premières, cultivées dans les régions des montagnes environnantes (provinces de Hoa Binh, Yen Bái, Phú Thọ, Nghệ An…), est pris en charge par des commerçants locaux. Les camions, bien souvent surchargés de racines, doivent se frayer des passages entre les tas de manioc et de canna, tant sur la place du marché de Dýõng Liễu que dans les venelles avoisinantes. Manquant de place, nous sommes dans une des zones les plus densément peuplées du delta (entre 3 000 et 5 000 habitants au km2), les artisans occupent les espaces le long des digues et le labyrinthe des venelles pour faire sécher leurs produits. D’autres activités sont réalisées toute l’année. Il peut s’agir d’une deuxième étape de transformation de l’amidon humide ou d’autres produits pas nécessairement associés aux mêmes plantes : c’est le cas du décorticage, du tri, du séchage des légumineuses dont les haricots mungo a grains vert (đậu xanh) ou a grains noirs (đậu đen) qui sont utilisés pour les entremets sucrés (chè). D’autres produits sont également fabriqués sur place a plus grande échelle, comme les biscuits (bánh qui) ou même du chocolat (so co la).
CÁT QUẾ : VILLAGE DES PRODUITS DÉRIVÉS DU MANIOC
COMMENT Y ALLER ?
11De Sõn Ðộng, c’est très simple. Une fois sur la rue principale ou se trouve la majorité des ateliers a visiter (et par laquelle vous êtes arrivés), allez jusqu’au carrefour et tournez a gauche. Un panneau indique Cát Quế. Au bout d’un kilomètre, après la grande antenne parabolique de la société Viettel, une petite rue bétonnée part sur la droite. Vous la prenez et arriverez au bout d’un peu moins d’un kilomètre devant l’ancien Comité populaire de la commune qui fait face au temple Mẫu (Đền Mẫu).
TECHNIQUES ET INNOVATIONS
12Les habitants de Cát Quế vivent des activités de la transformation et de l’élevage. Les principales transformations sont réalisées a partir des racines de manioc (Manihot esculenta) et de ses produits dérivés. L’amidon de manioc est obtenu par une succession d’étapes dont les principales sont : le lavage et l’épluchage des racines, le râpage, le tamisage de la pulpe broyée et la sédimentation en bac. L’amidon humide sédimenté est ensuite découpé en blocs qui sont disposés sur des briques avant d’être vendu directement ou stockés dans le sol pour une utilisation ultérieure.
13Les équipements utilisés pour la production d’amidon humide sont fabriqués localement depuis que cette activité a vu le jour au début des années 1980. Des innovations technologiques importantes ont été permises par l’arrivée de l’électricité au début des années 1990, dans un souci de réduction de la main-d'œuvre et d’augmentation des capacités de production. Cela a commencé par la mécanisation du tamisage. Depuis 2007, les principales étapes du procédé de fabrication sont désormais mécanisées dans les trois communes de l’itinéraire. Toutefois, ces innovations mobilisent de grandes quantités d’électricité et d’eau ; et le traitement des eaux usées reste un défi environnemental de taille pour les transformateurs de manioc.
Entre innovations et turn-over : les villages de l’agro-alimentaire
À l’époque coloniale, le centre le plus important du tissage des cotonnades, et d’autres productions textiles telles les moustiquaires, se trouvait dans les districts de Hoài Ðức et Ðan Phýợng, au nord de la province de Hà Tây. Cette activité essentiellement féminine occupait plusieurs milliers d’ouvrières. Les tissus, en grande partie de facture grossière, étaient destinés à la population villageoise. Les tisserandes s’approvisionnaient sur le marché de Dýõng Liễu en fils de coton originaires des usines de Nam Ðịnh. Elles s’occupaient aussi de la teinture de leurs tissus.
En parallèle, les villageois dont les terres se trouvaient dans la zone hors-digue de la rivière Ðáy (tels ceux des trois communes de cet itinéraire) s’adonnaient à la culture des mûriers pour l’élevage des vers à soie. Cette activité textile traditionnelle s’est transformée avec l’avènement du collectivisme et des coopératives artisanales. Les artisans, regroupés au sein des coopératives, tissaient des bandes de cotonnades d’une largeur de 120 cm qu’ils fabriquaient chez eux sur des métiers mécaniques. La coopérative les approvisionnait en fils et s’occupait de la commercialisation par le biais des magasins d’État. Les quelques tisserandes non intégrées dans la coopérative continuaient à produire clandestinement sur leurs anciens métiers des bandes de coton grossier de 40 cm de large. Puis, quand les coopératives ont fermé à la fin du collectivisme, le tissage des cotonnades a complètement disparu. Les tisserandes ne pouvaient plus s’approvisionner en fils.
En parallèle, les hommes s’adonnaient à la transformation des produits alimentaires : sur les terres alluviales de la zone hors-digue de la rivière Ðáy on pouvait cultiver de la canne à sucre que les artisans transformaient en mélasse et en sucre brut destinés à la fabrication des confiseries. Ils avaient appris les techniques de la fabrication du sirop de maltose, le nha, des producteurs de La Phù (voir Itinéraire 4, p. 188) qui, plus intéressés par la fabrication des confiseries, leur avaient abandonné cette étape du processus de production. Les autorités locales, malgré l’interdiction de produire de façon individuelle pendant la période collectiviste, avaient laissé toute liberté aux villageois de s’adonner à ces activités de transformation car l’agriculture ne parvenait pas à les nourrir.
Par la rivière Ðáy, les districts de Hoài Ðức et de Ðan Phýợng étaient reliés aux Hautes Terres montagneuses du Nord-Vietnam, zone de prédilection pour la culture du manioc et de la canna. Ces activités de transformation se sont développées et ont pris de l’ampleur avec l’ouverture économique des années 1980, tandis que celle de la production de sucre s’est arrêtée, car concurrencée par la grande industrie. Les tisserandes ont pu ainsi se recycler dans la transformation des nombreux produits agricoles (canna pour les vermicelles, les miến, riz pour l’alcool, les bún ou autres types de nouilles, manioc pour l’amidon et le décorticage de haricots mungo verts…).
14La commune produit également du sirop de maltose. Celui-ci est obtenu par hydrolyse de l’amidon de manioc permise par les enzymes contenues dans les jeunes plants de riz (les pousses de riz sont remplacées progressivement par des enzymes commerciales). Ce sirop au gout sucré est très apprécié par les producteurs de bonbons, de biscuits ou autres confiseries traditionnelles (gâteau a la banane, pâte d’amandes, confiture, pain au gingembre…). Une biscuiterie et un atelier de fabrication de confiserie ont été récemment installés dans la commune (voir promenade p. 303).
15L’engraissement des porcs est également une activité très importante de la commune mais aussi réellement malodorante ! (on compte environ 30 000 têtes, soit plus de deux porcs par habitant). Elle interagit fortement avec la transformation des produits agroalimentaires et les cochons sont souvent nourris avec les sous-produits de la transformation (résidus de transformation de la production de sirop de maltose, résidus de la transformation du manioc, mélasse de canne a sucre, etc.). Les habitants achètent des porcelets de 15 kg et les revendent sur pied six mois et 70 kg plus tard. Les activités traditionnelles des zones rurales vietnamiennes sont également présentes : riziculture, maraîchage, jardinage, etc.
16Faire un trou central dans la farine. Y ajouter l’ensemble des ingrédients. Mélanger et pétrir jusqu’à l’obtention d’une pâte élastique. Couvrir avec un tissu pendant une heure. Étaler la pâte en veillant a ce qu’elle ne soit pas plus épaisse que 5 cm. Placer au four préchauffé a 200 °C jusqu’a l’obtention de biscuits dorés.
17Dissoudre le sucre et le sirop de maltose dans de l’eau et chauffer a 150 °C. Verser dans une casserole et faire refroidir rapidement en la plaçant dans de l’eau froide. Lorsque la température atteint 50-60 °C, mouler la pâte a bonbons dans les formes désirées. Une fois qu’ils sont refroidis, envelopper les morceaux dans du papier ciré. Les bonbons emballés peuvent être empaquetés dans des petits sacs en plastique.
DÝÕNG LIỄU : AMIDON ET VERMICELLES DE CANNA
18Dýõng Liễu est le siège d’un des plus grands marchés de racines de manioc et de canna de la région, du mois de septembre au mois d’avril. En dehors de la saison de récolte, on y trouve de la canne a sucre, des pommes cannelle ou autres denrées destinées a nourrir la ville de Hà Nội ou les nombreuses communes du delta.
19Comme sa voisine Cát Quế, la commune de Dýõng Liễu regroupe de nombreux producteurs d’amidon de manioc. En outre, Dýõng Liễu connaît une forte activité de transformation du canna. Le canna est une plante pérenne originaire d’Amérique latine qui peut atteindre jusqu’à 2,5 m de haut et dont les larges feuilles vertes sont marquées de veines saillantes. On la trouve dans toute la zone tropicale et subtropicale ou l’on dit même qu’elle résisterait aux typhons. Il existe deux types de canna, l’un ornemental (Canna indica) aux larges fleurs souvent tres colorées, et l’autre comestible (Canna edulis), cultivé au Vietnam pour ses rhizomes. La transformation du canna comestible consiste à broyer les rhizomes pour en extraire l’amidon, la principale forme d’énergie synthétisée et stockée par les plantes. L’amidon humide de canna est produit localement ou importé de Chine avant d’être utilisé dans la production des vermicelles, consommés surtout au moment du Tết.
20Les familles assurent la transformation des rhizomes de canna en vermicelles. Elles se fournissent en rhizomes sur le marché de Dýõng Liễu et transforment jusqu’à 15 tonnes de rhizomes par jour pendant trois à quatre mois de l’année (décembre à mars). L’amidon humide ainsi produit est alors vendu et/ou stocké localement avant d’être utilisé par les producteurs de vermicelles toute l’année. Toutefois, le climat et l’accès à l’espace de séchage conditionnent fortement le succès de la production de vermicelles. En effet, une fois produits au sein des foyers, les vermicelles encore humides sont disposés sur des claies en bambou qui sont ensuite transportées et disséminées quotidiennement au sein de la commune, parfois dans les endroits les plus insolites (toits, parvis, ruelles, digues, rizières, lac, etc.).
21Après emballage et étiquetage, les vermicelles (miến) sont chargés a l’arrière des motos des intermédiaires commerciaux avant de rejoindre les grands marchés d’Hà Nội, voire même d’être exportés. Il n’existe pas encore de label pour protéger la production locale de miến, qui relève souvent d’une spécificité et d’un savoir-faire local bien appréciés des consommateurs.
MINH KHAI : PRODUCTEUR DE VERMICELLES
22Minh Khai est située au nord de Dýõng Liễu et il est difficile de distinguer la séparation entre les trois communes, tant la densité de population et les échanges commerciaux sont importants au sein du cluster. Toutefois, Minh Khai est moins peuplée que Cát Quế ou Dýõng Liễu (respectivement 4 900, 14 500 et 11 700 habitants en 2004). Pres de 50 % des foyers de Minh Khai exercent des activités de transformation agro-alimentaire, parmi lesquelles : la production et le lavage-raffinage de l’amidon de manioc ; la transformation du kudzu (Pueraria lobata) en amidon (aux alentours de l’ancienne maison communale) ; la production de vermicelles de canna. Néanmoins, la plupart des foyers utilisent le riz comme matière première pour la production de vermicelles frais ou secs (bún) ou de nouilles (bánh đa et phở khô).
23La production de l’amidon de riz nécessite un trempage des grains de riz, suivi d’une étape de broyage et d’une étape de sédimentation-filtration dans des bacs flanqués de petits canaux pour recueillir l’amidon humide. Celui-ci est alors utilisé par différents foyers employant des techniques spécifiques de cuisson et de mise en forme pour la production des vermicelles ou des nouilles de riz. Enfin, les produits obtenus sont séchés au soleil de même que pour les vermicelles de canna.
24Toutefois, les nouilles peuvent être utilisées fraîches sur les marchés locaux pour la préparation du phở vietnamien. D’autres procédés existent localement pour la production d’autres produits a base de riz (galettes, gâteaux, etc.). Nombre d’entre eux sont vendus partout au Vietnam ou exportés après conditionnement.
25Couper le bœuf en fines tranches. Écraser le gingembre et le mélanger au bœuf. Couper la tomate et les oignons en veillant a séparé les feuilles des bulbes.
26Préparation 1 : placer la graisse de porc dans un grand wok. Faire frire quelques bulbes de ciboules et d’oignons (hành ta et hành tây) coupés en tranches, et les tomates. Puis y ajouter, dans l’ordre, la viande de bœuf, les « pousses de soja », le nýớc mắm, la sauce de soja. Retirer du feu et placer le tout dans une assiette.
27Préparation 2 : A nouveau, dans le wok, faites revenir les bulbes d’oignons restant dans la graisse de porc. Y ajouter les nouilles fraîches en remuant vigoureusement, afin d’empêcher que celles-ci ne s’attachent. Agrémenter de nýớc mắm et de nýớc týõng. Rajouter la préparation 1, puis les feuilles de hành ta, salez. C’est prêt.
Une promenade au cœur de l’agro-alimentaire
28Cette promenade n’est pas très bucolique car les villages traversés, mis à part la zone hors-digue (la zone non protégée par la digue de la rivière Ðáy à l’habitat plus dispersé) où l’on trouve encore des vergers, n’ont pas un très beau patrimoine architectural et sont envahis en saison de grande production par les matières premières (le manioc, les canna…), les sacs remplis d’amidon et les résidus agricoles. Un rappel, vous êtes dans une des zones les plus densément peuplées du delta. Une odeur étrange plane au dessus de ces villages, les eaux sont souillées par les résidus du manioc, bref, on assiste à un développement très rapide de la production, mais sur un mode pas très durable, tant que le traitement des déchets ne sera pas résolu. Pour les amoureux de l’innovation technique, de l’ingéniosité des artisans, de l’intégration de l’agriculture et de l’industrie, des stratégies pour une utilisation maximale de l’espace, cet itinéraire est le vôtre ! Amis investisseurs dans le traitement des eaux usées, vous êtes les bienvenus pour mettre en place un projet intégré à l’échelle du cluster ! Vous pourrez admirer les ballets de motos surchargées de nouilles, vermicelles et produits divers manipulés par de véritables acrobates qui se faufilent dans les ruelles.
29Cette promenade vous permettra de rendre visite (mais aussi de faire vos courses !) à des artisans spécialisés dans chacune des activités du cluster : alcool de riz, amidon de manioc, amidon de canna, vermicelles de canna, nouilles de riz, biscuits, confiseries… Nous vous suggérons de partir de l’ancien Comité populaire de la commune de Cát Quế qui fait face au temple Mẫu (Đền Mẫu) (n° 1 sur la carte). Plus haut, les indications sont déjà mentionnées pour y accéder.
30Continuez tout droit vers la route-digue (voir carte). La plupart des artisans de cette zone sont spécialisés dans la fabrication de l’amidon humide de manioc. Une exception, M. Phạm Sin (n° 2 sur la carte), qui a abandonné cette activité, faute de main-d'œuvre suffisante, et s’adonne à la production d’alcool de riz gluant, rýợu nếp hoa vàng. Son alcool de haute qualité, un peu sucré, jouit d’une bonne réputation. Il est moins fort (38° à 40°) que celui plus classique fait à partir du riz blanc (55°). M. Sin vend son alcool après huit mois de fabrication, mais il peut le conserver cinq années. Il produit environ 1 000 litres par mois durant la saison sèche. Il achète le riz gluant aux ethnies minoritaires de la région montagneuse de Ðiện Biên Phủ. À cette activité est associé l’élevage de cochons dont la forte présence à Cát Quế envahit un peu l’espace sonore et peut-être l’odorat un peu sensible des citadins ! Si vous voulez acheter de l’alcool dans cet atelier, munissez-vous de bouteilles vides, car ici, on vend en vrac. Les prix restent très modestes. Son atelier se trouve au fond d’une impasse, deux ruelles sur la droite avant d’arriver à la route-digue.
31Dans la ruelle suivante sur la droite, se trouve l’atelier de M. Trần Văn Tỵ (n° 3 sur la carte), producteur d’amidon humide de manioc. Vous pourrez voir toutes les étapes de la production, du lavage du manioc à la sédimentation en bac, ceci dans l’espace très étroit de sa cour. C’est une activité saisonnière (voir explications plus haut). En période creuse, cet artisan s’adonne au raffinage de l’amidon humide stocké. Montez sur la route digue et tournez à droite en direction de la commune de Dýõng Liễu. Sur la digue vous verrez les nombreuses claies en bambou recouvertes de toutes sortes de nouilles, de vermicelles ou d’amidon en train de sécher. Chaque espace vacant est occupé, ceci dans des conditions d’hygiène un peu douteuses pour des produits alimentaires ! La manipulation de ces claies, qu’il faut installer à l’aurore, puis déplacer dès que les aliments sont secs ou que la pluie menace, occupe une main-d'œuvre nombreuse.
32Au bout d’environ 300 m, vous verrez sur votre gauche (en zone hors-digue) un grand marché couvert (n° 4 sur la carte). Puis prenez sur la droite la première rue qui descend de la route-digue et débouche sur le marché à ciel ouvert (n° 5 sur la carte) où d’immenses tas de tubercules de canna et de manioc sont entreposés. Ce marché est actif de septembre à avril (voir plus haut). Continuez tout droit. Vous passerez devant l’ancien Comité populaire de la commune (sur votre gauche). Tournez dans la deuxième rue à gauche et cherchez l’église (n° 6 sur la carte). Tout le quartier à votre gauche, formé d’un labyrinthe de minuscules ruelles, est occupé par des producteurs d’amidon de canna et de vermicelles. L’activité y est débordante et les ballets de motos et de charrettes incessants. L’amidon humide est ensuite transporté vers les ateliers des confrères spécialisés dans la fabrication des vermicelles de canna, les miến dong riềng.
33Vous pouvez demander à M. Nguyễn Thiện Tuấn (n° 7 sur la carte) si vous pouvez visiter son atelier qui se trouve juste après l’église sur la droite. Continuez tout droit, et au bout de la rue de l’église, un panneau fléché indique « lên ðê » vers la gauche, ce qui signifie « vers la digue ». Donc, vous tournez à gauche pour rejoindre la digue qui vous permettra d’accéder à la commune de Minh Khai, la prochaine étape. La rue est un peu tortueuse et vous passerez devant le très beau nhà thờ tổ họ (n° 8 sur la carte) de la famille Phí (la maison de culte du lignage des Phí) qui sera peut-être alors utilisé pour le séchage de l’amidon à raffiner. Arrivés sur la route-digue, tournez à droite en direction de la commune de Minh Khai. A la troisième rue sur la droite, descendez de la digue et vous passerez sous un grand portail.
34Pour les lève-tôt, vous pourrez assister, à partir de quatre heures du matin, à la fabrication des miến dong riềng, les vermicelles de canna, chez M. Đổ Văn Chi (n° 9 sur la carte). Sa maison se situe en face (côté droit de la ruelle) de l’ancien Comité populaire de la commune de Minh Khai, dans la première ruelle à gauche une fois passé le portail.
35Vous pouvez aussi voir l’atelier de M. Đổ Đức Hạnh (n° 10 sur la carte), spécialisé dans la fabrication des nouilles de riz. Il se trouve dans la même ruelle que celui de M. Ðổ Vãn Chi. Pour y aller, revenez sur vos pas, et continuez tout droit, en laissant sur votre droite la petite rue qui mène au portail d’entrée. Son atelier est juste sur la droite. La production des bún de riz fraîches s’effectue surtout dans la zone hors-digue de la commune de Minh Khai et est associée à l’élevage de cochons, à l’instar de la fabrication de l’alcool de riz. Pour y aller, remontez sur la route-digue et tournez à droite. Prenez la première rue qui descend vers la gauche. Vous verrez de nombreuses claies chargées de nouilles de riz en train de sécher. Vous aurez l’embarras du choix pour visiter les ateliers.
36Pour la fin de l’itinéraire, nous vous proposons de visiter quelques petites usines qui fabriquent des confiseries, des biscuits, du chocolat ou qui réparent les nombreuses machines qui servent à effectuer les différentes étapes des produits agro-alimentaires. Pour cela, il faut reprendre la route-digue vers le sud (voir la carte) et retourner vers Cát Quế, lieu de départ de cette promenade. Mais avant cette dernière étape, un arrêt culturel à la pagode Hýõng Trai et au temple de Dýõng Liễu vous est proposé afin de vous reposer de cette tumultueuse promenade. Ces deux très beaux édifices se trouvent en contrebas de la digue (sur la droite, donc en zone hors-digue) un peu avant le grand marché couvert.
37Un peu plus loin, à la hauteur de la rue par laquelle vous avez débouché sur la digue en venant de l’église, en contrebas sur la droite (en zone hors-digue), se trouve l’atelier de M. Huy Výợng, le premier du genre dans la fabrication des machines de transformation des produits agricoles. Un peu plus loin, toujours sur la droite, après le marché couvert, prenez la rue qui descend de la digue et s’étend assez loin vers la rivière Ðáy. Une occasion pour voir comment cette turbulente rivière, contre laquelle ont été édifiées deux hautes digues, est devenue un ruisseau depuis qu’une vanne a été construite sur le fleuve Rouge pour la réguler. En chemin, vous traverserez une mini-zone industrielle où se trouve la fabrique de chocolat Việt-Pháp (n° 11 sur la carte).
38Retournez sur la route-digue, tournez à droite vers Cát Quế. A la même hauteur de la rue par laquelle vous avez débouché sur cet axe au début de la promenade, prenez le chemin qui descend vers la droite. Une grande fabrique de biscuits (n° 12 sur la carte) se trouve en contrebas. Vous pouvez la visiter, et même acheter ses délicieux petits-beurre. Un peu plus loin, toujours en contrebas, une fabrique de bonbons utilise le sirop de maltose produit par une usine installée dans la commune de Sõn Ðồng. Celle-ci transforme l’amidon humide acheté aux artisans des villages que vous avez visités, lequel amidon retourne dans les ateliers des villages d’origine sous forme de maltose : la boucle est bouclée. Vous pourrez assister aux différentes étapes de la production. Un bémol à l’égard de l’innovation et du développement économique de ce cluster de villages, cet atelier embauche une main-d'œuvre assez jeune, voire enfantine, situation encore plus incongrue pour une fabrique de bonbons !
39L’itinéraire suggère de compléter l’exploration de ces villages par la visite de la pagode du maître, Chùa Thầy, qui se situe à 5 km à peine de la sortie de Cát Quế. La route qui mène à la pagode traverse la zone hors-digue de la rivière Ðáy où champs de canne à sucre se mêlent à de nombreux vergers (voir carte).
LA PAGODE DU MAÎTRE (CHUA THẦY)
40La pagode Thầy se trouve dans le village de Thụy Khe, commune de Sai Sõn, district de Quốc Oai. Elle daterait du xie siècle, mais elle a été restaurée a plusieurs reprises. Elle est dédiée à Từ Đạo Hạnh, un moine reconnu par les habitants comme ayant des pouvoirs spirituels puissants. Il y passa une grande partie de sa vie, s’adonnant a la prière mais aussi a préparer des remèdes pour soigner les populations. Il serait l’ancêtre fondateur des marionnettes sur l’eau.
41Le site de Chua Thầy adossé au mont Thầy, ou mont Sai Sõn, et bordé par le mont Long Ðẩu s’ouvre sur le lac Long Chiểu (le lac du Dragon). La pagode principale (Chua Cả) est cernée de part et d’autre par deux ponts couverts : a sa gauche le pont Nhật Tien mène au temple Tam Phú construit au milieu du lac et, a sa droite, le pont Nguyệt Tien mène au pied de la montagne. Au milieu du lac se trouve le pavillon utilisé pour les représentations de marionnettes sur l’eau. Chua Cả est composé de trois bâtiments parallèles dont le plus élevé est dédié au culte du moine Từ Ðạo Hạnh. Plus en avant du pont Nguyệt Tien, un chemin gravit la montagne et mène au temple Cao ou, selon la légende, le moine Từ Ðạo Hạnh y serait entré en religion. Derrière le temple, se trouve la grotte Thánh Hóa (métamorphose du saint), ou le moine lors de son trépas se réincarna dans le roi Lý Thần Tông. En suivant le chemin le long de la montagne, vous pourrez atteindre la grotte Cắc Cớ, lieu de rencontre des amoureux lors des festivals, et la grotte Bụt Mọc hérissée de stalagmites en forme de bouddhà ! Un certain nombre de plus petites pagodes, construites a des périodes différentes, situées a l’ouest du mont Thầy et a l’abri des foules valent la visite.
42Le festival de la pagode se tient du 5e au 9e jour du 3e mois lunaire. Plusieurs villages des environs y participent tels Ða Phúc, Khánh Tân et Sai Khe, sites de pagodes célèbres. A cette occasion, on baigne la statue de Từ Đạo Hạnh, de nombreux jeux sont organisés, des représentations de chèo et surtout, de marionnettes sur l’eau sont données dans le pavillon sur le lac Long Chiểu. Le 7e jour du mois du festival, le jour anniversaire de la naissance de Từ Đạo Hạnh, une procession se déroule entre les quatre villages à l’ occasion de laquelle on sort les plaques commémoratives de celui-ci.
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