Itinéraire 8. Bambou et rotin (ouest de Hà Tây)
p. 268-289
Texte intégral
Patrimoine culturel et architectural
Le musée de la piste Hồ Chí Minh ;
La pagode de Phú Lịnh Tự (ou Phú Ninh) ;
Le temple de Phýợng Bản ;
Les pagodes Trầm et Trăm Gian (pagode aux Cent Travées).
Les villages artisanaux
Rotin : Phú Vinh ;
Bambou : Ðồi Ba, Yên Kiên et Phù Yên (giang).
1Pour commencer cet itinéraire, il vous faut sortir de Hà Nội en suivant la route de Hà Ðông, capitale de la province de Hà Tây. Traversez la ville et continuez toujours tout droit en direction de Hòa Bình, sur la route nationale 6.
MUSÉE DE LA PISTE HỒ CHÍ MINH
COMMENT Y ALLER ?
2Afin de commencer l’itinéraire sur les chapeaux de roues, nous vous proposons une petite visite du musée de la piste Hồ Chí Minh (Bảo Tàng Ðýờng Hồ Chí Minh). Il se trouve dans la commune de Phụng Châm, Chúc Sõn, chef-lieu de district de Chýõng Mỹ. Après la sortie de Hà Ðông, tourner tout de suite à droite après une petite zone industrielle. Prendre une allée bordée d’arbres peints en blanc. Au fond, il y a une caserne ; prendre à droite. 200 m plus loin, le musée est installé au milieu d’un jardin.
3Les horaires du musée sont de 7h30 à 11h et de 13h30 à 16h30 et les prix d’entrée sont modestes. Dans la salle d’exposition au rez-de-chaussée, vous trouverez les trois phases marquantes de l’histoire de la piste au cours de la Guerre américaine, illustrées de nombreuses photographies avec légendes en vietnamien et en anglais. La piste Hồ Chí Minh, rendue célèbre en Occident par plusieurs chansons, majoritairement contre la guerre, était à l’origine un petit sentier pour transporter les armements et le ravitaillement, qui a été ensuite élargi. La piste cachée zigzaguait sur 1 100 km à travers le Laos et le Cambodge, traversant montagnes, vallées et rivières.
4Vous allez voir, cette visite n’est point hors propos quant au thème principal de cet itinéraire, le bambou. Pour compléter la piste, on a construit des ponts (souvent en bambou), des échelles (de corde et de bambou), des escaliers, des petites barques, des paniers à dos pour le portage (tous en bambou), et la piste était progressivement protégée sur des centaines de kilomètres par des tonnelles tressées en bambou, afin d’empêcher les radars de l’aviation américaine de localiser les camions chargés d’armes et de vivres.
5Sont présentés ici divers objets de l’armée, des cartes, des armes, des outils, des accessoires de la vie quotidienne des soldats (des objets en métal faits à partir d’armes recyclées : théières, plateaux, tasses, instruments musicaux), des vêtements, des sandales en pneu, des rapports, des carnets de route, des poèmes, des radios… Attention aux bombes cachées dans un décor de jungle lorsque vous montez à l’étage !
6Cette piste était le symbole de la résistance des Việt Minh aux Américains et leurs alliés. Des centaines de milliers de bombes ont été larguées dessus. Tant que la piste existait, les Américains savaient qu’ils ne pouvaient pas gagner la guerre. Ce musée est construit à l’endroit où les jeunes soldats se rassemblaient avant de partir sur le front et il est dédié à ceux (très nombreux) qui n’en sont jamais revenus.
LA PISTE DES PAGODES (ET UN TEMPLE)
7Nous voilà désormais partis pour découvrir l’ensemble cultuel de la commune de Phụng Châu (district de Chýõng Mỹ), site doté de nombreux lieux de culte puisqu’il jouit d’une belle configuration, selon la géomancie chinoise (eau, montagnes, vue dégagée) – et selon nous aussi. Il est intéressant d’imaginer ce paysage avant la naissance du delta : sous vos pieds autrefois, il y avait la mer, parsemée d’îlots abrupts (les monts karstiques ici sont identiques aux îles dans la baie d’Hạ Long). Les alluvions charriées par le fleuve Rouge ont comblé des vallées, créé la plaine et fait reculer la mer de plus d’une centaine de kilomètres.
COMMENT ALLER À PHỤNG CHÂU ?
8En sortant du musée, reprendre la route nationale 6 à droite vers Chúc Sõn, le chef-lieu du district de Chýõng Mỹ. Longez la digue de la rivière Ðáy pendant quelques centaines de mètres. Passez le pont de la rivière Ðáy, puis juste avant le panneau indiquant la sortie du district de Hà Ðông, prenez une petite route à droite et au bout d’environ deux kilomètres, vous débouchez sur une intersection en T : en face, il y a un dispensaire. Prenez la route à droite qui pénètre dans le village de Phụng Nghĩa. De cette route digue, on a une vue surplombant les alentours. La route bétonnée fait place à une piste hochiminesque en terre battue qui vous mènera au bout de 500 m à la pagode Phú Lịnh Tự, située à droite, en contrebas de la route-digue.
LA PAGODE PHÚ LỊNH TỰ
9Cette pagode du village de Phụng Nghĩa est une bâtisse imposante avec des stèles gravées du xviie et xviiie siècles, une cloche fondue sous les Tây Sõn (xviie siècle), 40 hautes colonnes de pierre, des statues et gravures finement sculptées et 12 bas-reliefs riches en art populaire (hélas ces derniers ont été volés dernièrement). C’est une pagode de village, peu visitée par les touristes, vietnamiens ou étrangers. Un détail subtil mais significatif : les autres pagodes des environs que vous allez voir sont gérées par l’État, qui subventionne leur rénovation. Ici, ce sont les villageois qui se cotisent pour l’entretien de leur pagode.
10À partir de 1945, en pleine guerre contre les Français, les villageois cachèrent des militants Việt Minh, des soldats et même un canon dans la pagode. Les militaires français ont détruit la porte du village et les Việt Minh ont répondu avec leur canon. La rivière Ðáy constituait la ligne de démarcation entre la zone sous occupation française (Hà Nội et ses environs et la route jusqu’à Hải Phòng) et celle contrôlée par les Việt Minh (pour le reste : lire l’excellent Un Américain bien tranquille et le journal de guerre du romancier britannique Graham Greene, pour une bonne évocation, d’un œil extérieur de ces campagnes dominées par les Việt Minh).
11Les nombreux temples et pagodes construits dans cette zone hors digue, le long de la rivière Ðáy, participèrent à leur façon à la guerre contre les Français : ils servirent de refuge précieux à des cohortes de militants communistes (un rôle de soutien dont on ignore s’il a été reconnu à sa juste valeur par la suite).
12Les stupas des bonzes qui ont habité la pagode, entourés d’une végétation luxuriante, sont dans le jardin à côté, avec trois déesses taoïstes. Les déesses peuvent aider à acquérir la prospérité et à apporter de la joie dans la famille. (N’oublions pas qu’encore aujourd’hui la tradition veut qu’une jeune épouse soit sous la tendre tutelle de sa belle-mère jusqu’à la mort – naturelle, de préférence – de celle-ci).
13Il y a donc syncrétisme dans ce jardin entre bouddhisme et taoïsme. De retour à l’intérieur de la pagode, l’autel principal a été rénové un peu vigoureusement : le syncrétisme ici se fait plutôt entre patio espagnol et piscine extérieure, mais vous vous trouvez dans un lieu paisible et enchanteur, où vous pouvez rester observer les habitants du village qui apportent leurs offrandes et viennent y faire leurs doléances.
LE TEMPLE DE PHÝỢNG BẢN
COMMENT Y ALLER ?
14Retournez sur vos pas. Reprenez la route-digue goudronnée qui traverse le village en laissant à gauche la route qui mène à la nationale 6 et par laquelle vous êtes venus. À la sortie du village, au bout de quelques centaines de mètres, une route en terre s’ouvre sur la droite et mène au village de Phýợng Bản, qui s’étire le long d’un très grand lac. Au fond, on aperçoit les formes karstiques des monts avoisinants.
15Vous allez vous retrouver dans une grande cour au bord du lac, entourée de plusieurs bâtiments. Au fond à gauche, il y a le temple principal, avec des stèles dédiées au culte de Phùng Hýng, un résistant aux envahisseurs chinois. En 1972, en pleine période collectiviste, ce bâtiment très ancien (il aurait au moins trois siècles) servait d’entrepôt de riz, suite aux inondations de 1971.
16En face, un temple taoïste pour le culte de la prospérité et à gauche, une grande stèle et un bâtiment à l’entrée pour accueillir les visiteurs, avec un grand banian au centre. Quatre autres bâtiments de cet ensemble ont été détruits. Ce site est classé monument historique par le ministère de la Culture et c’est un lieu très agréable avec sa vue sur le lac.
EN ROUTE VERS LES MONTS KARSTIQUES
17Il y a une légende qui raconte qu’il y a bien longtemps, l’étoile Tử Vi, de couleur rouge, tomba du ciel. Cinq montagnes que l’on appela Ngũ Nhạc Sõn (Montagnes de Cinq Musiques) émergèrent de terre. La plus connue de ces montagnes s’appelle Tử Trầm. Autour d’elle se trouvent les montagnes Bút (porte-plume), Vô Vi, Thập Tự et Trạo. Au pied de ces montagnes s’étendent des anciens vestiges des méandres morts de la rivière Ðáy toute proche (les étangs Trầm). De nombreuses pagodes et temples ont été édifiés sur leurs flancs ou à leur sommet et il existe également une multitude de grottes qui percent profondément ces aspérités de pierre calcaire qui ont servi, elles aussi, de lieux de culte (et de refuges révolutionnaires). Cet ensemble forme un patrimoine d’une grande richesse, dont le site de la montagne Tử Trầm est le plus célèbre. Nous allons attirer votre attention sur deux des pagodes les plus intéressantes, dont la première se trouve justement dans une grotte.
LA PAGODE TRẦM
COMMENT Y ALLER ?
18On se dégage de Phýợng Bản par le même chemin ; retour au banian à droite. On quitte le village pour s’engager sur la route-digue goudronnée, prenant la direction des monts karstiques, les contournant sur la droite. On passe près d’une petite pagode sur un mont, puis on prend à gauche. Au bord d’un large plan d’eau se trouve la pagode Long Tiên, au pied de la montagne et dans la grotte, la pagode Long Tiên Ðộng, ou Hang (grotte), ou pagode Trầm.
19Au pied de la montagne Tử Trầm, il y a une grotte appelée Long Tiên Ðộng dans laquelle a été édifiée une pagode. On y trouve une collection de 48 statues datant de la dynastie des Lê, représentant les vertus de Bouddha ainsi que des guerriers. Tout ce beau monde vit au milieu des stalactites et stalagmites qui suintent d’eau parmi de magnifiques voûtes naturelles... Des poèmes gravés dans la pierre chantent la beauté du lieu. Devant chacune des statues, qui dateraient du xviie siècle, il y a un petit autel et un brûle-parfum en pierre finement gravé d’où émanent les volutes de fumée de l’encens. Des gongs, des cloches et des tambours sont accrochés aux parois. À l’entrée de la grotte, on remarquera une tortue en pierre avec un poème gravé en lettres chinoises sur sa carapace. À gauche des autels de Bouddha se profilent d’autres grottes en enfilade, dont celle du Dragon, avec son ruisseau du Dragon et le puits de Jade. Selon la légende, les mamelles de Dragonnes donnaient du lait qui pouvait guérir toutes les maladies, mais vu que logiquement, ceux qui arrivaient à en téter étaient instantanément consumés par le feu, cela devait leur faire une belle jambe.
20Une histoire bien plus contemporaine et vérifiable raconte que le futur président Hồ Chí Minh est venu lui-même se recueillir et allumer quelques bâtons d’encens dans cette pagode… Et il paraît que pendant les premiers jours de 1947, le tout début de la résistance contre les Français, la Voix du Vietnam (la radio nationale) émettait son message insoumis à partir de cette même grotte.
LA PAGODE TRĂM GIAN (« LA PAGODE AUX CENT TRAVÉES »)
COMMENT Y ALLER ?
21Après la sortie de la pagode Trầm dans la grotte, revenir sur vos pas et prendre la route goudronnée à gauche. Un panneau vous indique le cap à maintenir pour atteindre la pagode Trãm Gian à travers ce pan de mer asséchée : dix encablures vers le ponant lumineux (ou, si vous préférez, deux kilomètres vers l’ouest)…
22Entourée de magnifiques arbres (pluri-) centenaires, perchée sur une colline appelée Núi Chùa (la Montagne de la Pagode) dans le beau village de Tiên Lữ (commune de Tiền Phýõng), voici la pagode Quảng Nghiêm, Tiên Lữ – ou Trãm Gian, (aux Cent Travées), son nom le plus imagé. Selon certains documents1, elle aurait été construite en 1185 sous le règne du roi Lý Cao Tông, mais a manifestement été rénovée depuis à plusieurs reprises.
23Le nom populaire de cette pagode provient du fait que si on considère l’espace entre quatre colonnes comme une travée, elle en contient… 104 (mais cent tout court, ça sonne mieux), réparties dans trois ensembles architecturaux. Le premier de ceux-ci comporte deux pavillons. L’un est pour abriter les jeux d’échecs vivants lors des jours de fête ; l’autre est appelé Giá Ngự (endroit pour stationner le carrosse impérial : une traduction contemporaine serait « le garage »). Il fait face à l’étang des lotus ; à partir d’ici, assis dans son palanquin pendant les festivals, la statue de Saint Bối peut « assister » aux spectacles de marionnettes sur l’eau. On y trouve de nombreuses stèles, sentences transversales et sentences parallèles, dont une (du xve siècle) est richement incrustée de nacre (voir Itinéraire 6, p. 235).
24Vous devez maintenant monter quelques centaines de marches afin d’atteindre la deuxième étape architecturale dans une cour parmi les arbres vénérables, comprenant un clocher à deux étages et à huit toits, l’un des plus beaux de la région, datant du début du xviie siècle. On peut également admirer les charpentes en bois richement sculptées de dragons. Encore quelques marches supplémentaires (en pierre bleue), et vous arrivez au troisième groupe de bâtiments, qui constituent la pagode principale : le hall des cérémonies, la salle des brûle-parfum et le sanctuaire supérieur.
25Vous y trouverez, suspendus à l’autel des patriarches, un tambour d’un mètre de diamètre et un grand gong en bronze du xviiie siècle et, tout autour du temple, plus de 150 statues, en général en bois laqué, d’autres en terre cuite et certaines même, enturbannées de tissu laqué, sont tressées en rotin, (annonçant le métier des villages à venir sur cet itinéraire). On remarquera la statue de Saint Bối dans son coffre en bois (voir encadré p. 273). L’une des autres statues est indiquée comme étant celle de Ðặng Tiến Ðông, un général de la révolte de Tây Sõn, qui assiégea et réussit à « libérer » Hà Nội (Thãng Long, à l’époque).
Les bonzes font la pluie ou la revanche de la momie
Un moine nommé Nguyễn Lữ, ou (Nguyễn) Binh An, appelé par la suite Ðức Thành Bối, ou Saint Bối, vivait et officiait à la pagode Trăm Gian sous la dynastie des Trần (xive siècle). Saint Bối est également vénéré à la pagode de Bối Khê dans le village du même nom, pas très loin d’ici dans le district de Thanh Oai (voir p. 267). La légende veut que ce moine eût des pouvoirs surhumains, pouvant faire tomber la pluie ou conjurer le vent à volonté. Dans la pagode principale en haut de la colline, vous pourrez admirer sa statue (dans un coffre en bois), qu’on dit être sa dépouille, momifiée et laquée (voir aussi p. 219, encadré intitulé « Le Retour de la Momie »).
On raconte qu’au xve siècle, des envahisseurs chinois mirent la pagode et ses adeptes à feu et à sang. Ranimé jusque dans l’Empire des Ombres par cet acte de profanation des sbires de l’Empire du Milieu, le fantôme du moine aux pouvoirs occultes riposta, provoquant des trombes de pluie (rouge comme le sang) qui s’abattirent trois jours et trois nuits durant autour de Núi Chùa, engloutissant les militaires Ming dans la vase…
CHÝÕNG MỸ : TOUS DANS LE MÊME PANIER !
COMMENT ALLER VERS LES VILLAGES DE VANNIERS DU DISTRICT DE CHÝÕNG MỸ
26Reprendre la route par laquelle vous êtes venus et à la hauteur du đình du village de Tiên Lữ, bâtiment qui sert aussi de bureaux pour le Comité populaire de la commune, tournez à droite. Au bout de 2,5 km, vous retrouverez la route nationale 6, que vous prendrez à droite pour aller vers la commune de Phú Nghĩa (Chýõng Mỹ). Après avoir dépassé sur votre gauche la grande zone industrielle du même nom, bien à l’abri derrière une gigantesque barrière, et annoncée par un panneau assez futuriste, au kilomètre 25, vous trouverez à droite l’entrée de la commune de Phú Nghĩa. Cette commune comporte plusieurs villages, mais le plus intéressant est celui de Phú Vinh qui se trouve à environ un kilomètre de l’entrée (voir p. 285).
27Ce district localisé au pied des collines de l’ouest du delta est spécialisé dans les activités de vannerie, à base de rotin ou de bambou. Sur les 32 communes que compte ce district, 18 s’adonnent au tressage de fibres végétales, regroupées au sein de 54 villages de métier. Ils occupent plus de 35 000 artisans. Ces villages sont organisés sous forme de clusters. Le plus gros cluster s’organise autour de la commune de Phú Nghĩa (plus de 4 000 artisans) et de celle de Ðông Phýõng Yên (presque 3 000 artisans) qui s’est mise à la vannerie plus récemment. Deux communes localisées de l’autre côté de la route nationale 6 pratiquent la vannerie, Trýõng Yên et Trung Hòa.
28Cette activité est relativement récente. En 1936, le géographe français Pierre Gourou ne mentionne que deux villages spécialisés dans le tressage du rotin – Phú Vinh, dans l’actuelle commune de Phú Nghĩa, village-mère de cette activité dans la zone, et Nghĩa Hảo – et un spécialisé dans celui de bambou, Yên Kiên.
29La situation des villages de la vannerie évolue très rapidement. En 2004, il existait encore peu de ces grandes entreprises qui sont désormais installées le long de la nationale 6. Le gros de l’activité se déroulait dans les habitations villageoises et dans les cours. Depuis le début de l’année 2008, des zones industrielles ont émergé le long de la route, répondant à la fièvre foncière de cette province qui vient de perdre son nom en étant intégrée dans la grande province de Hà Nội. Ces entreprises de taille importante, gros cubes informes, enferment des centaines de petites mains qui tressent, poncent, vernissent, découpent et font les dernières finitions avant d’emballer. C’est le début de l’industrialisation « moderne » à la recherche de la standardisation et les premières manifestations de la fin d’un système de sous-traitance qui occupait des milliers de villageois dans cette province depuis des siècles.
30Mais ne pleurons pas, il reste encore des ateliers villageois qu’il est possible de visiter. La grande industrie ne peut pas se passer d’un minimum de sous-traitance pour le tressage, même si elle tente progressivement de s’en émanciper. Toutefois, un sentiment de baisse de l’activité flotte dans l’air comme une odeur de bambou brûlé… La ruche artisanale encore existante il y a quelques années ne bourdonne plus : seul un bruit feutré semble filtrer de derrière les murets des maisons. Il y a une réelle dispersion de l’activité. En période de récolte du riz, ce n’est même pas la peine de venir, les maisons sont vides et l’activité artisanale en berne. À l’ombre des grandes entreprises, l’activité, quant à elle, continue, mais derrière les grilles surveillées par des gardiens.
31Nous avons choisi trois communes à visiter :
- Phú Nghĩa où se trouve le village de Phú Vinh (spécialisé dans le rotin) et berceau du métier ;
- Dông Phýõng Yên, où se trouvent les villages de Ðồi Ba et de Yên Kiên (spécialisés dans différents types de bambou) ;
- Trýõng Yên, où se trouve le village de Phú Yên (spécialisé dans le giang, un type de bambou fin).
LE CONTEXTE : UNE ÉTUDE DE CAS
Le coup de bambou pour le berceau du rotin
32Le métier de la vannerie (tressage de bambou et rotin) occupe un peu plus de 200 villages de métier de la province de Hà Tây (sur un total de 500). Il se concentre spécialement dans le district de Chýõng Mỹ. C’est un métier, à l’origine destiné à la fabrication d’objets pour la vie quotidienne, de petite envergure et aux revenus limités – sauf au village de Phú Vinh, déjà en contact avec les marchés européens à l’époque coloniale, qui a su développer un véritable art de la vannerie autour d’une dizaine de maîtres-artisans et produire des objets de décoration très sophistiqués.
33Jusqu’alors, les artisans vanniers pratiquaient cette activité en parallèle à l’agriculture. Et si les villages avaient une spécialisation bien marquée, cette activité très manuelle ne demandait pas un grand savoir-faire et n’était pas « portée » par la religiosité si puissante des artisans organisés en corporation autour du fondateur de « leur métier », à l’aura renouvelée chaque année par de nombreux rituels. Pour le géographe Pierre Gourou, observant la vie deltaïque dans les années 1930, tout villageois était plus ou moins vannier et savait tresser pendant la saison morte des paniers pour son usage personnel.
34À l’époque collectiviste, ce métier a changé d’envergure et de marchés (ceux de l’Europe de l’Est) : des centaines d’artisans ont été formés « à la chaîne » au sein de coopératives par des artisans talentueux pour répondre à cette nouvelle clientèle. Une multitude de sous-traitants exécutèrent en série un grand nombre d’objets relativement simples, sans aucune créativité, pour des revenus plus que modestes.
35Cependant, ces clients d’un nouveau genre, peu soucieux alors de la qualité des articles, n’ont pas poussé les artisans fraîchement formés à se dépasser et à innover. Puis, la concurrence des contenants en plastique originaire de la Chine a tué en grande partie le marché de la vannerie simple destinée à la vie quotidienne. Un autre problème c’est que le tressage du bambou et du rotin n’est pas, en Asie du Sud-Est, l’apanage unique du Vietnam. Les Philippines, le Myanmar et surtout l’Indonésie, grands producteurs d’objets en bambou, fabriquent des objets de grande qualité et offrent une vie bien meilleure à leurs artisans. Il est d’ailleurs question de faire appel aux talents de ces Indonésiens pour rehausser la qualification des artisans de Phú Vinh. Sur 2 000 artisans dans la commune de Phú Nghĩa, seuls 220 peuvent être considérés comme ayant une qualification suffisante pour assurer tout le processus de production et tresser aussi bien du rotin (plus difficile à travailler) que les différents types de bambou.
36Les autres ne peuvent monnayer leur faible expérience et technicité qu’à des salaires mensuels équivalents à moins de 700 000VNĐ, quand ce n’est pas 300 000VNĐ pour la cohorte des apprentis. La production de masse par une armée d’artisans peu formés, mal payés ne donne pas des résultats très probants dans un contexte d’ouverture vers des pays aux normes de fabrication et à la quête aux labels de « bonne » fabrication, comme on pourrait parler de la « bonne gouvernance ». Le refus d’acheter des produits fabriqués par des enfants fait partie des exigences de certains pays occidentaux.
37Depuis l’année 2005, l’activité dans le cluster de Phú Vinh est en baisse. Le défi de l’ouverture vers des marchés très exigeants en matière de qualité (Japon, France et USA) est difficile à relever. La demande évolue rapidement aussi : par exemple, suite à l’introduction de règles environnementales, des industriels japonais viennent jusqu’aux villages du delta à la recherche de contenants alimentaires en fibres végétales, mais dont la fabrication doit respecter des normes d’hygiène difficiles à appliquer au Vietnam.
38C’est aussi le résultat du système de sous-traitance : chaque artisan s’approvisionne en matières premières, travaille sans véritable surveillance, donc pour les moins bien formés, les erreurs s’accumulent. Le métier est confronté à une situation difficile : les entreprises ont peur de s’engager dans de nouvelles commandes : elles ne parviennent pas à rehausser la qualité des articles et surtout, ce qui est difficile dans un système de production très hiérarchisé de sous-traitance, à assurer les délais de production. Qu’une commande arrive au moment de la récolte du riz, et le contrat ne peut être honoré.
39Certains artisans zélés comme M. Trung (voir encadré p. 281) ont misé sur l’amélioration de la qualité et la formation. Celui ci a réussi à ouvrir un centre de formation pour les artisans du village avec l’aide de la coopération danoise. Il va ensuite sélectionner les meilleurs élèves et les faire travailler pour lui, alors que d’autres entreprises visent la diversification et la production de masse.
40Des entreprises qui se tournent beaucoup plus vers le commerce des objets en bambou et en rotin en provenance de tout le Vietnam se sont installées le long de la route nationale n° 6 en pleine fièvre de spéculation foncière. Elles se sont endettées, ont fait d’énormes investissements et embauchent de nombreux ouvriers (surtout des jeunes femmes) sans qualification, car elles sont moins chères, et les forment sur le tas pour assurer de grosses commandes et effectuer les finitions et l’emballage. La sphère d’embauche s’étend (province de Hoà Bình …).On ne peut plus bénéficier du savoir-faire des artisans talentueux, qui coûtent trop cher et qui, de toutes les façons, ont leur propre entreprise, comme M. Trung. Une partie des commandes de ces entreprises est toutefois sous-traitée par des petits artisans à leur domicile, pour assurer plus de flexibilité au système et s’adapter aux fluctuations du marché.
41Un gros problème demeure dans cette commune (celle de Phú Nghĩa) : 350 ha de terres agricoles ont été converties pour la construction d’une grande zone industrielle sur la nationale 6. Seul un tiers des parcelles ont été attribuées aux entreprises de la vannerie. Le reste est vendu à de grandes industries hanoïennes ou étrangères (chinoises, taiwanaises…), spécialisées dans d’autres branches. La moitié des entreprises provient de l’extérieur ; les autres ont des patrons originaires de la commune, mais seules 12 sont spécialisées dans le rotin.
42En plus, ces entreprises polluent la commune car les systèmes d’évacuation des eaux usées ne sont pas séparés du système hydraulique. Elles ne vont pas embaucher les villageois, peu adaptables à ce genre d’emploi et de toute manière, au-delà de la trentaine, on n’embauche plus. Les nombreux paysans expropriés (la taille moyenne des exploitations agricoles est d’un demi hectare) ne peuvent plus assurer leur autoconsommation en riz et leur activité artisanale ne leur suffit pas dans de nombreux cas. On risque donc de fragiliser les ménages les moins artisanaux. Dans le contexte de baisse des commandes et de concurrence entre entreprises, force est de constater que le futur s’annonce plutôt morose que rose.
PHÚ VINH
L’HISTOIRE DU BERCEAU DU MÉTIER
Une origine lointaine
43« Il était une fois, perdu parmi des pics karstiques, entre pagodes rupestres et plaines plus palustres que lacustres, un rustre aux doigts de fée qui s’ennuyait dans une bambouseraie… ».
44Le tressage du bambou dans la province de Hà Tây daterait du xvie siècle et aurait été initié dans ce village. On le devrait à M. Nguyễn Vãn Sôi, qui vient tout juste, en 2008, d’être reconnu comme l’ancêtre du métier par le Comité populaire local. L’ancêtre, né ici au xvie siècle aurait appris, à l’occasion d’un séjour avec son père (un auguste mandarin) dans la province de Thanh Hóa, le métier de fabrication des produits en bambou2. À son retour à Xóm Thýợng (un hameau de Phú Vinh, dit « des cigognes blanches »), il exerce ce métier dans sa famille, le transfère à ses enfants et l’enseigne aux jeunes de son lignage. Phú Vinh et les autres villages des alentours, dans une région basse, parsemée de petits monts karstiques, étaient à cette époque souvent inondés et donc très riches en poissons et crevettes. Les habitants avaient un grand besoin d’outils en bambou pour la pêche (nasses, paniers...) en plus de ceux destinés à la vie quotidienne et à la production agricole. Et ils avaient surtout besoin d’une autre activité, car la riziculture n’était pas très développée dans cette zone à la topographie capricieuse.
45Au début, les descendants de l’ancêtre du métier fabriquaient des produits en bambou, en fibres et herbes diverses qui poussaient le long des chemins afin de subvenir à leurs besoins, tout en vendant les surplus aux villages voisins. On fabriquait même des chapeaux avec les plumes des cigognes.
46Mais le lignage de l’ancêtre tenait à garder secret ses techniques pour s’assurer le monopole de la production. Puis, avec l’élargissement du marché (marchés locaux, le marché de Ðồng Xuân à Hà Nội avec ses intermédiaires chinois, marchés des provinces avoisinantes) la production s’est développée. Les membres du lignage ont dû diffuser le métier aux habitants du village.
47Au début des années 1700, le bambou devint le matériau de choix pour les objets d’art. En 1712, une œuvre en quatre panneaux représentant les plantes symbolisant les quatre saisons (abricotier, pin, chrysanthème, bambou moso) fabriquée par les artisans du village de Phú Vinh fut offerte au roi. Cette œuvre est toujours conservée au musée ethnographique de Huế. Phú Vinh, célèbre grâce à la qualité de ses produits, devint, au début du xviiie siècle, un grand centre de production des objets en bambou pour tout le Vietnam du Nord.
Vers l’ère moderne
48Sous la colonisation française (1858-1945), le métier de fabrication des produits en bambou du village gardait une grande notoriété. Sous le règne du roi Tự Ðức (1848-1883), neuf artisans du village ont prêté serment au roi et juré « Ne jamais enseigner le métier aux gens d’autres localités ». Les produits du village à cette époque se sont diversifiés et les artisans ont commencé la fabrication des articles en rotin pour répondre aux commandes des Français (le rotin est exclusivement destiné à l’exportation : on ne peut l’utiliser dans des pays tropicaux, puisqu’il craint à la fois l’humidité et les termites). Un groupe de commerçants français monopolisait au village l’achat et l’exportation vers la France des produits en bambou et en rotin.
49À cette période, les artisans mettaient les petits paniers dans les grands : les années 1936-1940 furent les plus prospères de l’histoire du village, lorsque 80 % des foyers participaient à la production artisanale. On utilisait aussi le bambou giang, court et solide pour le tressage de petites assiettes et des plateaux pour les familles riches. Le groupe français a acheté les produits du village jusqu’à 1943, avant d’arrêter à cause de la guerre. Par la suite, ce fut la récession, l’agriculture ne suffisant toujours pas à assurer l’alimentation villageoise.
50Après la première guerre d’Indochine, les habitants du village ont amélioré le système hydraulique et celui de la production agricole. La fabrication des produits en bambou et en rotin a été restaurée. En 1957, débuta dans la commune de Phú Nghĩa l’ère des coopératives agricoles. Puis, en mars 1963, une coopérative artisanale fut fondée et 400 villageois l’ont rejointe, en grande partie les artisans de Phú Vinh. Ceux-ci ont abandonné leurs terres à la coopérative agricole, et étaient payés en bons de riz par l’État, à l’instar des ouvriers et des fonctionnaires.
L’interlude collectiviste
51La mise en place de cette coopérative artisanale signala le début de la même période de dirigisme étatique déjà évoquée dans d’autres villages artisanaux, mais les maîtres-artisans de Phú Vinh y conservèrent une importance particulière, disséminant leur savoir-faire par le truchement de formations dans d’autres coopératives et gardant le monopole du tressage de rotin, plus compliqué que celui du bambou (giang ou nứa). Au fil des ans, le métier fut ainsi maintenu et d’une certaine manière dynamisé par l’exportation vers de nouveaux marchés derrière le Rideau de Fer, à partir d’un pays fraîchement isolé derrière le Rideau de Bambou… Mais encore une fois, cette forme d’organisation du travail finit par entraîner des effets délétères sur l’originalité de l’expression artisanale, la flexibilité opérationnelle et la qualité globale de la production, altérations qui se soldèrent par l’éclatement de ces structures collectivistes, avant même la chute du mur de Berlin.
52En 1991, la coopérative artisanale a été officiellement dissoute, ne pouvant plus commercialiser ses produits. Le patrimoine de la coopérative a été rendu au Comité populaire de la commune. En 1993, suite aux réformes foncières, les anciens membres de la coopérative artisanale ont pu récupérer les terres agricoles. Cependant, la plupart d’entre eux les louaient aux agriculteurs, et continuaient la vannerie.
53Malgré toutes les fluctuations du marché et de l’organisation de la production, le prestige et la renommée du village de Phú Vinh ne cessent de se renforcer. Avec l’extension du marché domestique et à l’étranger, due aux réformes de libéralisation du Đổi Mới, Phú Vinh a connu un nouveau développement.
Relations entre villages, division du travail et ateliers de maîtres-artisans
54Jusqu’à l’époque collectiviste, les artisans de Phú Vinh ne voulaient pas diffuser leurs techniques aux villages voisins. Phú Vinh a pourtant fini par le faire vers de nombreux villages : 20 communes sur les 30 du district pratiquent ce métier. Dans la commune de Trýõng Yên (spécifiquement à Phú Yên, autre village de l’itinéraire), les villageois étaient autrefois agriculteurs et travaillaient le bois. Ils se sont mis sur le tard au tressage de bambou.
55Les villages de Phú Nghĩa ont davantage de compétence dans le tressage du rotin, plus difficile, tandis que dans ceux de Ðông Phýõng Yên (autre commune de l’itinéraire), les artisans sont plus spécialisés dans le tressage du bambou de haute qualité. Dans les autres villages, on ne travaille essentiellement qu’avec le bambou, produisant un tressage moins fin. La vannerie étant strictement manuelle, on ne peut pas fabriquer en grande quantité. La production est dispersée et le travail fragmenté : un foyer tresse le fond du panier, un autre le bord et le troisième le couvercle.
56Dix maîtres-artisans ont fait la renommée de Phú Vinh à l’époque contemporaine, dont quatre sont déjà décédés, et à la fin de la guerre d’Indochine (la première), de nombreux artisans ont fui dans le Sud et y ont propagé le métier. Le plus célèbre et dynamique de ceux qui tressent encore ici (et ici-bas), c’est M. Nguyễn Văn Trung, la cinquantaine, de Xóm Thýợng (un hameau de Phú Vinh).
Nguyễn Vãn Trung : Le dessus du panier à Phú Vinh
Frappé par une maladie de la jambe à l’adolescence, Nguyễn Vãn Trung, malgré (ou grâce à) son handicap est devenu un grand expert du tressage de rotin, au point d’avoir donné des cours à l’université des Arts industriels sur sa matière de prédilection. Il fait partie de la septième génération de sa famille à produire des objets en rotin et il était le chef du groupe de techniciens de la coopérative de Phú Nghĩa, concevant des dizaines de nouveaux modèles à succès. Avant l’enseignement, M. Trung a beaucoup voyagé : il est parti comme expert en Angola, à Cuba, où il a tressé la barbe (et le treillis) de Fidel Castro en 1976, et il est allé en France et Pologne pour participer à des expositions. Son fils, qui a une vingtaine d’années, a déjà tressé un grand portait du président Hồ Chí Minh. De retour de l’université dans son village vers 1990, M. Trung prend conscience que sans transformation Phú Vinh allait perdre son métier ancestral. Il établit une entreprise privée avec 25 artisans, produisant objets en bambou et rotin. Six ans plus tard, ayant traversé une période commercialement difficile, il ouvre sa première boutique. Malgré plusieurs autres obstacles, l’arrivée de touristes étrangers en nombre croissant augmente les ventes de ses produits et il commence à exporter directement. Début 2006, il fonde une nouvelle entreprise, plus grande, avec des locaux de 300 m2 et des emplois pour 25 formateurs et 100 employés permanents.
Mais M. Trung n’entend toujours pas s’endormir sur ses lauriers. Son projet le plus récent, c’est la création d’un grand centre de formation et d’information sur la vannerie, avec ateliers, machines, salles de classe et hébergement pour des étudiants, une structure qui forme une centaine d’artisans affirmés par année et qui du coup lui fournit, à lui et à d’autres producteurs, une main d’œuvre qualifiée, stabilisée et motivée.
COMMENT LES PRODUCTEURS S’ORGANISENT-ILS ?
57Les regroupements les plus importants sont :
58Des compagnies et des sociétés : elles font travailler en sous-traitance des artisans dans tout le district, voire toute la province, et présentent plusieurs avantages pour les clients, dont une apparence plus imposante et permanente, la capacité d’exporter directement et un environnement juridique plus rassurant pour les acheteurs étrangers, qui savent ce qu’est une SARL (société à responsabilité limitée).
59Des groupes de production : ce sont des structures collectives qui ne se sont pas (encore) transformées en compagnie ou société ; il en subsiste encore huit dans la commune.
60Des ateliers familiaux : la plupart des familles font de la sous-traitance chez elles. Il est difficile de séparer la résidence de l’atelier, puisque le travail est saisonnier et les membres des foyers sont à la fois agriculteurs et artisans. Toute la famille s’adonne au métier, et les tâches sont réparties entre les membres de la famille. Les parties les plus simples sont exécutées par les enfants. Les entreprises ne peuvent pas embaucher dans leurs usines ce type d’artisans familiaux.
61Des ateliers familiaux (bis) : certaines familles se spécialisent dans les activités préparatoires au tressage, comme la découpe des bambous (10 kg par jour à la main contre 150 kg par jour à la machine). Sinon, ces familles font du traitement chimique de la matière première. C’est-à-dire, soit elles trempent les bouts de bambou ou les écheveaux de rotin dans de l’acide (qui est ensuite jeté dans les canaux, direction les rizières) pendant quelques heures afin de les blanchir, soit elles mettent les tiges végétales sous une bâche au fond de leur cour et y brûlent un bol de soufre pendant quatre jours, en guise de fumigation fort artisanale. On vous épargnera encore une rubrique environnementale, mais ayez une pensée pour les enfants de la commune (et apportez votre propre bouteille d’eau).
62Une autre petite pensée (ou serait-ce sensiblement la même ?) pour le bas de l’échelle professionnelle : ils sont environ 600 sur 2 000 artisans dans la commune de Phú Nghĩa. Ils touchent de très faibles salaires (comme déjà mentionné, cela commence à 300 000VNĐ par mois), mais ce sont eux qu’on pressurise pour exécuter les grosses commandes…
63Les outils employés : ils sont plus que simples : les pieds, les mains, un couteau pour effiler les bambous ou le rotin et un double-décimètre pour mesurer la taille des fibres à couper. Par ailleurs, c’est une activité qui demande relativement peu de place dans une maison.
CARACTÉRISTIQUES DU MÉTIER ET MATIÈRES PREMIÈRES
64À Phú Vinh, on utilise une grande diversité de matériaux, notamment du rotin et une grande gamme de bambous pour fabriquer des objets très diversifiés (meubles, canapés, étagères, petits paniers, sous-tasses, lampes) :
- mây (rotin) ;
- trúc (ou bambou d’ivoire) bambou fin avec des nœuds très rapprochés) ;
- giang (plante grêle croissant en buisson touffu), moins souple ;
- song (bambou fin de Đa Nãng) ;
- guột (bambou fin de Cao Bắng, Lạng Sõn, près de la Chine) ;
- cόi (jonc de Ninh Binh) ;
- tre et nứa (gros bambous de Hòa Bình, Thanh Hóa).
65Autrefois, il y avait beaucoup de bambous qui poussaient à proximité du village, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. On va les chercher de plus en plus loin, même dans le centre et le sud du Vietnam. Un marché se tient à Phú Vinh tous les matins, de 6 heures à 9 heures où vont s’approvisionner les patrons et les chefs d’équipe.
À titre d’exemple
Les ateliers de sous-traitance sont payés à la tâche : en 2004, une famille enquêtée touchait 2 500 VNĐ pour tresser trois rangées de rotin autour de petits plateaux. Cela leur prenait 30 minutes par unité et elle en faisait 10 par jour. Si l’on retire les 10 000 VNÐ de matière première, elle gagnait 15 000 VNĐ (moins d’un dollar américain) par jour.
66Ce qui singularise la commune de Phú Nghĩa par rapport aux autres, c’est sa grande diversité de matériaux et de produits. Cependant, avec le développement des grandes entreprises commerciales installées le long de la route, ce qui faisait la particularité de cette commune risque d’être noyé par ces grandes usines-supermarchés qui vendent des produits de tout le Vietnam.
Quelque enjeux de l'exportation (destination de 95 % de la production à Phú Nghĩa !)
67L’envergure des commandes et les courtes échéances imposées par les acheteurs des pays développés poussent les producteurs à songer à la mécanisation. Or la vannerie est difficile et dispendieuse à mécaniser (comme des résultats très mitigés à l’époque collectiviste ont démontré), nécessitant tout d’abord des ateliers de superficie nettement supérieure. Notons en passant qu’on ne pense même pas aux éventuelles pertes d’emplois (même si ceux qui conservaient leur poste pouvaient être un peu mieux rémunérés). M. Trung (voir encadré p. 281) pense qu’il faudrait mécaniser la première étape de la production (nettoyage et coupe du bambou) et la dernière (polissage et vernis des articles). Mais le tressage devrait toujours se faire au domicile des gens, car sinon cela demanderait trop d’investissement.
68D’ailleurs, les clients étrangers préfèrent systématiquement les produits faits à la main à ceux qui sont faits mécaniquement : le cachet artisanal, l’objet pas standardisé, la finition non uniforme, unique même. Simultanément cependant, ces acheteurs en général abhorrent par principe l’exploitation (quand elle est trop évidente, en tout cas) des ouvriers et ne veulent pas du travail des enfants, tout en souhaitant payer les prix les moins chers possible. Dure équation que d’équarrir ce cercle avec seulement du rotin, du bambou et un couteau…
69Le rythme des commandes pour l’exportation ne prend pas en compte le rythme naturel des semis et de la récolte du riz, qui mobilisent une proportion importante des ouvriers.
70En Indonésie, par exemple, les artisans gagnent trois à quatre fois plus qu’au Vietnam. Il arrive aux producteurs de Phú Nghĩa d’exporter vers ce pays des articles que les Indonésiens revendent à l’étranger après avoir collé des étiquettes Made in Indonesia… Comment réagir face à cet état de choses ? Le remède semblerait passer avant tout par une amélioration des filières commerciales, une meilleure gestion et un marketing des articles qui permettraient de récolter la plus-value de la production directement à la source. Une ONG américaine a récemment aidé plusieurs équipes de production dans la province à créer un site Web, à améliorer leur stratégie de vente et à trouver des partenaires à l’étranger.
Une promenade dans Phú Vinh
71Un petit rappel : quand vous êtes sur la nationale 6, vous dépassez sur votre gauche la grande zone industrielle de Phú Nghĩa, bien à l’abri derrière une gigantesque barrière, et annoncée par un panneau assez futuriste. Au kilomètre 25, il y a l’entrée à droite de la commune de Phú Nghĩa. La commune comporte plusieurs villages, mais le plus intéressant est, bien entendu, celui de Phú Vinh, qui se trouve à environ un kilomètre de l’entrée. La petite route qui entre dans la commune traverse d’abord le village de Khê Than (sur la gauche), où se trouve le siège du Comité populaire de la commune. Sur la droite, derrière un grand étang, le village de Quang Châm, très agréable à visiter, avec ses maisons et ses grandes cours qui servent d’aire de séchage. L’après-midi, il est possible de voir les villageois à l’œuvre. Dans ce village, les artisans travaillent surtout en sous-traitance dans l’intimité du foyer. On ne trouve pas de petits patrons où une ruche d’ouvriers s’active.
72On suit la route vers le nord-ouest. On passe le marché sur la gauche. Puis encore sur la gauche, les locaux de l’ancienne coopérative artisanale, sise dans le village de Phú Hữu, reconnaissable à son panneau « Hợp Tác Xã », où un groupe de production s’est installé. Le matin, on peut voir de grands paniers en train de sécher. Il est possible de visiter le show-room de M. Trần Vãn Cýu, où il expose les différents modèles des articles qu’il exporte. Dans son atelier, il a trois jeunes artisans qui inventent 300 à 400 modèles chaque année. Il a même un catalogue en japonais ! M. Cýu vend directement parfois les quelques articles invendus qui peuvent se trouver à l’atelier.
73Puis encore un peu plus loin à gauche, une ruelle s’enfonce vers le hameau Xóm Thýợng ; d’ailleurs, à partir du village de Phú Vinh, un panneau l’indique. À l’angle droit de la rue se trouve une très belle maison en bois, où un petit restaurant-café-bar vous permettra de vous rafraîchir ! De part et d’autre de cette nouvelle ruelle, de nombreux ateliers tenus par des petits patrons exposent dans la cour les articles en train de sécher. Les artisans au travail exécutent des commandes pour l’Europe, surtout des paniers de toutes formes. Il est possible de visiter ces ateliers où seul le travail manuel est apparent.
74Au bout de quelques mètres, un très beau banian à l’ombre duquel des femmes tressent le rotin l’après-midi. Encore tout droit et vous débouchez sur une jolie place, au fond de laquelle se trouve la maison de M. Trung, un des artisans les plus réputés et dynamiques de ce village (voir encadré plus haut). Il est possible de visiter son petit musée où sont exposées ses plus belles pièces et d’admirer les grands tableaux en rotin tressé, représentant l’Oncle Hồ et son collègue cubain, Fidel Castro. La finesse des objets exposés contraste avec les paniers simples en train de sécher dans les cours traversées. On est ici véritablement chez un artiste. Les murs de cette pièce sont couverts de prix divers et de photos mémorables. Des lampes, des vases, des grandes jarres, des boîtes en rotin finement tressés de brins colorés… Il n’est malheureusement pas possible d’acheter ce type d’articles ; M. Trung ne travaille qu’à la commande. Dans l’atelier derrière, il expose des articles de moindre qualité, qu’il vous vendra pour une bouchée de pain.
75En sortant de chez M. Trung, vous verrez sur la gauche de la place, une très belle porte qui s’ouvre sur une maison ancienne. Vous pouvez aussi aller visiter l’atelier de M. Đo (derrière celui de M. Trung), qui lors de notre dernière tournée fabriquait des rideaux en petits anneaux faits de minuscules lamelles de bambou. Au sein de l’atelier, qui se trouve dans la cour et s’ouvre sur un beau plan d’eau, une forte division du travail s’observe entre la vingtaine de femmes qui s’adonnent à cette activité : celles qui coupent les lamelles de bambou, celles qui font les anneaux avec une dextérité étonnante, celles qui les assemblent, celles qui brûlent au chalumeau les fibres qui dépassent. Là encore, il est possible d’acheter tout un assortiment de paniers de toutes formes, des petites valises en rotin et bambou, restes d’anciennes commandes.
76Ensuite, vous revenez sur vos pas, passant devant le banian et, plutôt que de retourner vers l’entrée de la commune, allez au Xóm Hạ, un autre hameau du village de Phú Vinh. Donc tournez à gauche et tout de suite à droite. Vous déboucherez sur un espace ouvert. Sur la droite, la deuxième maison abrite le superbe atelier de M. Hân Hạnh. Sa maison est très belle, de petite taille et de facture ancienne avec des sculptures. À l’intérieur, c’est la caverne d’Ali Baba : des sacs, des abat-jour finement tressés en fibres de rotin colorées. Les prix sont assez élevés, mais à la hauteur de la créativité et de la qualité du travail de cet artisan qui expose dans de nombreuses foires à Hà Nội et ailleurs. Il associe le rotin à la céramique. On retrouve ses articles dans la rue Hàng Trống, dans les boutiques pour touristes. De l’autre coté de la rue, encore une belle maison à visiter.
ÐÔNG PHÝÕNG YÊN
COMMENT Y ALLER ?
77Pour aller de la commune de Phú Nghĩa vers celle de Ðông Phýõng Yên, retournez vers la nationale 6 et tournez à droite, en direction de Hoà Bình. Au kilomètre 28, tournez à droite, passez sous le portail de la commune de Ðông Phýõng Yên.
78Commune moins dynamique que Phú Nghĩa, Ðông Phýõng Yên est beaucoup plus touchée par la baisse des commandes en provenance de l’Europe. Depuis 2006, le rythme de production a baissé considérablement et celui des machines bourdonnantes s’est atténué.
79À l’époque coloniale ici, il n’y avait que quelques foyers spécialisés dans la fabrication des paniers pour laver le riz ou les légumes qu’ils allaient vendre à Hà Nội. Un nombre limité de familles travaillaient pour les Français via les ateliers de Phú Vinh et fabriquaient des meubles pour poupées (les poupées des petites filles françaises, bien entendu). Ensuite, ils ont appris à diversifier leur production avec les artisans de Phú Nghĩa à l’époque collectiviste, dans le cadre des cours de formation organisés par la coopérative artisanale. De 1976 à 1983, les artisans ont fabriqué des stores en giang (le bambou court et solide), destinés aux pays d’Europe de l’Est. À la période du Đổi Mới, beaucoup d’artisans ont abandonné le métier par manque de débouchés, laissant seuls ceux qui étaient déjà bien placés à l’époque collectiviste (surtout des cadres) à se mettre à leur compte.
80En ce qui concerne la division du travail entre les artisans de Ðông Phýõng Yên et ceux de Phú Nghĩa, les premiers travaillent plus le bambou, notamment le giang, et ne sont pas très qualifiés pour utiliser le rotin, matière beaucoup plus difficile à tresser. Quand les artisans de Phú Nghĩa ont des commandes en giang, ils les passent à leurs confrères de Ðông Phýõng Yên qui leur renvoient l’ascenseur avec le rotin. Certains ateliers ont commencé à diviser le processus de production et se spécialiser dans la découpe du bambou, surtout le trúc (bambou fin) et le tre. Ils se sont équipés en machines : scie, perceuses et approvisionnent les autres ateliers. Ils embauchent des jeunes filles des communes des alentours qu’ils rémunèrent à la journée.
81À Ðông Phýõng Yên, on fabrique des plateaux, des poubelles, des paniers ronds, des paniers pour mettre les bonsaïs, des porte-journaux, tous en bambou. On utilise différents types de fibres ou de bambous selon les parties de l’article, par exemple un plateau :
- trúc pour les bords du plateau ;
- song pour les poignées ;
- nứa B pour le fond du plateau ;
- mây (rotin) pour attacher les différents éléments ensemble.
82Les artisans de cette commune ont des relations avec d’autres villages de métier des alentours de Hà Nội : ils font broder des motifs en raphia sur les paniers à Quất Ðộng (voir Itinéraire 6, p. 226). Ils sont en rapport avec Bát Tràng (voir Itinéraire 2, p. 110) pour acheter des céramiques dont ils tressent ensuite les pourtours. Un problème rencontré par les artisans de Ðông Phýõng Yên concerne les filières commerciales internationales : certains pays de l’Europe de l’Est, comme la Hongrie ou la Tchécoslovaquie, anciens clients de la coopérative avec qui les artisans ont maintenu des relations, s’interposent comme intermédiaires entre eux et les pays capitalistes. Terminons cette visite chez les vanniers avec une promenade à l’intérieur de Ðông Phýõng Yên, dans les villages de Ðồi Ba et Yên Kiên.
Balade entre Ðồi Ba, Yên Kiên et Phù Yên
On entre dans le village de Đồi Ba. Les villageois travaillent sur leur pas de porte ou dans la cour et exécutent des commandes. Lorsque nous y sommes passés, tous les artisans installés le long de la rue principale fabriquaient les mêmes paniers, sans doute pour le même patron. Ce village n’a pas de cachet particulier. Mais il faut se faufiler dans les ruelles et vous aurez l’occasion de voir les mille et une façons de tresser les différentes variétés de bambou et la multitude des objets qui sortent des mains des artisans.
Les villages de cette commune ne sont pas particulièrement riches, et le patrimoine architectural n’atteint pas les splendeurs des villages de Bắc Ninh ou de ceux qui sont accolés à la digue de la rivière Ðáy. En continuant la petite route, on arrive au village de Yên Kiên. Là, une pagode assez rustique, datant de près de trois siècles, avec ses stupas dans la cour, vaut le coup d’être visitée. Le moine qui y vit est très accueillant et vous ouvrira peut-être la porte. Les femmes du village y apportent leur ouvrage l’après-midi et tressent ainsi en bonne compagnie. Derrière la pagode se trouve le đình intéressant, lui aussi, à voir.
Et un tout dernier village, localisé de l’autre côté de la route nationale : Phù Yên, de la commune Trýờng Yên.
Retournez vers Phú Nghĩa par la nationale 6. Sur la droite, une digue longe étonnamment la route. Après le kilomètre 28, une petite rue passe au travers de cette digue et entre dans le village de Phù Yên. Ce village, autrefois spécialisé dans la menuiserie, s’est mis à la vannerie à l’époque collectiviste. Une petite coopérative avait été montée, mais peu de gens y travaillaient car on choisissait les meilleurs artisans. Une vingtaine d’entreprises ont déménagé le long de la route nationale, à cause de la pollution et du manque de place. Il ne reste plus dans le village que les femmes qui tressent en sous-traitance pour ces entreprises (les hommes s’adonnent plutôt à la menuiserie). Celles que nous avons rencontrées utilisent pour la plupart des bâtons de giang de 40 cm et du mây pour les fixer, achetés sur le marché de Ðông Phýõng Yên, pour tresser des petits paniers. Elles gagnent environ 15 000 VNĐ par jour.
Le village n’est pas très grand. En continuant tout droit, vous trouverez le đình faisant face à un petit étang. Si vous avez fait les choses dans l’ordre, ce serait votre dernière pause dans la tranquillité avant de reprendre la route vers la cohue de Hà Nội.
Ces villages de vanniers sont relativement calmes et agréables à visiter car ce sont des lieux encore marqués par l’agriculture. Le métier artisanal se concentre dans l’intimité des foyers, les grandes entreprises ayant pratiquement toutes déménagé le long de la route nationale. On est loin ici de l’effervescence des villages de Bắc Ninh ou de celui de La Phù.
Notes de bas de page
1 « Selon certains documents » : la formule (ainsi que la date qu’elle qualifie) est tirée d’un livre intéressant intitulé Chùa Việt Nam/Buddhist Temples in Vietnam (c’est-à-dire des pagodes), de Hà Vãn Tấn, et al., (1993). La beauté et la force de cette tournure proviennent de ses atours pondérés et savants, qui coexistent paisiblement avec une absence la plus totale de références ou autre corroboration vérifiable.
2 C’est dans des villages de la province de Thanh Hóa (150 kilomètres au sud de Hanoi) que le métier de fabrication des produits en bambou a émergé au Vietnam, il y a 1 000 ans environ. Non loin de ces villages se trouvait le site d’une des premières capitales du Vietnam, Hoa Lý, un centre qui aurait dynamisé la production d’objets artistiques, notamment en rotin et bambou.
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