Patrimoine culturel et architectural à valoriser par le tourisme
p. 46-60
Texte intégral
1Il existe un très riche patrimoine culturel et architectural niché dans les villages du haut delta, berceau de la société vietnamienne multimillénaire. Ce patrimoine a réussi, malgré les vicissitudes politiques et économiques, a être préservé et constitue la base culturelle matérielle et immatérielle de la société villageoise nord-vietnamienne.
2Dans cette plaine densément peuplée, l’espace manque et les villages sont resserrés sur des tertres ou les bourrelets des fleuves, a l’abri des inondations, et étaient protégés autrefois par une haie de bambou. Cette défense naturelle, autant que frontière inviolable, était le symbole de l’autonomie villageoise (Nguyễn Văn Ký, 1995). Les villages sont d’une certaine façon très urbanisés, mais leur organisation spatiale répond aussi a des préoccupations religieuses et a la géomancie. Les maisons traditionnelles, bâties autour de leurs cours plantées, sont protégées des regards extérieurs par des murs en briques, et s’échelonnent le long d’un labyrinthe de venelles étroites, bétonnées ou pavées de briques. De très belles maisons anciennes, symboles de la richesse d’antan des lignages de grands propriétaires ou d’artisans talentueux, se maintiennent malgré la fièvre immobilière qui anime les « nouveaux » riches dans les villages les plus actifs.
3Ce patrimoine architectural (pagodes ou chùa, maisons communales ou đình, temples, maisons traditionnelles, venelles et mausolées) a été préservé en grande partie, bien que pendant la période collectiviste de nombreux édifices religieux aient été détournés de leur fonction première pour devenir des bâtiments administratifs, ou aient été simplement et purement détruits. Des programmes de réhabilitation des đình les plus majestueux ont été mis en place par le ministère de la Culture, des associations villageoises entretiennent les pagodes, une reprise de ferveur ayant eu lieu avec l’arrêt de l’interdiction des pratiques religieuses depuis les années 1990. On revalorise l’identité villageoise, les festivals des ancêtres de métier ou des génies tutélaires sont organisés, ravivent l’histoire du village et cherchent a revivifier les solidarités. Ce riche patrimoine culturel reste très vivant et cherche a être préservé et mieux connu. Des demandes ont été faites à l’Unesco dans ce sens.
PATRIMOINE CULTUREL ET RELIGIEUX : UN DES LIEUX DE L’ANCRAGE CULTUREL DE L’ARTISANAT
Un patrimoine immatériel très varié et revivifié depuis le Ðổi Mới
4Le patrimoine culturel immatériel comprend les formes de représentations orales (quan họ, les duos chantés amoureux de la province de Bắc Ninh, voir Itinéraire 1), les formes de représentations artistiques (chèo, le théâtre populaire et les marionnettes sur l’eau), les mœurs et les coutumes, les activités rituelles et festives (les festivals, les jeux)... Ces arts trouvent leur principal lieu d’expression lors des festivals de printemps et la célébration des ancêtres de métier.
Les festivals et le culte des saints patrons de métier
5Les festivals se tiennent en général après le Nouvel An lunaire, comme le rappelle une chanson populaire :
Le premier mois est celui où l’on s’amuse
Le second celui du jeu
Le troisième celui des festivals !
6Depuis les années 1990, les rituels pré-révolutionnaires concernant les saints patrons et des génies tutélaires institués par les élites locales, qui avaient été interdits dans les années 1940, revivent. L’ingérence de l’État dans la vie culturelle villageoise et le maintien ou l’interdiction de tels événements n’est pas nouvelle.
« Sous le règne de Le Thánh Tông (1460-1497), on imposa la disparition des divinités villageoises au profit de grandes figures héroïques tirées du panthéon national. Cela marqua le début d’une constante intervention des autorités mandarinales dans la vie politique, économique et culturelle des villages » (Papin P. et Tessier O., 2002).
7Les festivals villageois sont organisés en principe pour rendre un culte au génie tutélaire ou autre esprit protecteur de la communauté villageoise. Le génie tutélaire peut être un personnage historique ou mythique qui a soit apporté une importante contribution a la construction du village, soit aidé le pays a bouter l’envahisseur, soit enseigné un métier aux villageois. Un homme ordinaire, et même un mendiant ou un voleur, peut devenir un génie, a condition de mourir a l’heure sacrée. Il en est de même pour les enfants naturels et les couples incestueux. Les autorités ne voient pas toujours d’un bon œil ces cultes, surtout si les génies ne sont pas honorables. Mais les villageois respectent leurs génies, sans se soucier de leur moralité. La prospérité ou la misère, les bonnes ou mauvaises récoltes, la santé, la protection contre les épidémies dépendent de la protection du thần thành hoàng (littéralement, le génie des remparts).
« Dans une localité dont on tait le nom, le génie du village est réputé pour sa salacité. Quand une femme passe devant son autel, elle doit s’incliner en soulevant sa jupe pour le contenter » (Nguyễn Văn Ký, 1995).
8Lorsque l’État parvient a faire appliquer ses décisions par le village, qui finit par adopter un héros du panthéon natitonal comme génie, on glisse dans son armée de serviteurs le génie « non moral » tant choyé. Ceci constitue un des aspects du secret qui protège le culte du génie tutélaire. Cette diversité de génies montre la singularité des villages du delta. « Il y a en principe autant de génies que de villages » (Nguyễn Văn Ký, 1995). Nguyễn Văn Huyền dénombre environ 770 génies dans la province de Bắc Ninh dans les années 1940.
« Le culte rendu aux thần thành hoàng est devenu un élément structurant des villages…. Ce culte est chargé de résoudre les tensions et contradictions qui sont apparues, à partir du xve siècle, entre d’une part les besoins inhérents a la construction d’un État confucéen et centralisé pour exercer son autorité jusqu’au moindre village et, d’autre part, les aspirations des communautés villageoises a l’autonomie. Cette contradiction était a la fois politique, culturelle et religieuse. C’est une concession entre la coutume du village et le règlement de l’État, entre les cultes locaux et le confucianisme officiel, entre l’autonomie des communautés rurales et l’impératif d’unité nationale soutenue par une cour impériale désireuse de promouvoir l’avènement d’un État centralisé au Vietnam » (Đặng Thế Đại, 2002).
9Les festivals sont l’occasion de raviver la mémoire villageoise, de revivifier les solidarités entre artisans et entre les lignages et de regrouper la diaspora des artisans parfois dispersés dans tout le pays (Đại Bái, Itinéraire 3). Cette interaction de la vie rituelle avec le monde des actions humaines fournit un contexte pour l’application des sanctions inscrites dans les statuts du village, ainsi qu’une scène sur laquelle peut s’exprimer la concurrence hiérarchique au sein du village. Elle sert également a faire appliquer les secrets de fabrication du métier artisanal du village, leur monopole de facto sur certains produits et techniques (DiGregorio, 2001).
10Sur une centaine de festivals recensés dans le delta (voir calendrier des principaux festivals en annexe), la moitié se tient en février lunaire, quinze en janvier, après le Nouvel An, le Tết, treize entre les mois de mars et d’avril. Pendant les mois de mai et de juin lunaire, rares sont les festivités. En novembre, quelques festivals sont organisés.
11D’après ces informations, seule une vingtaine de festivals rendent un culte à des ancêtres fondateurs de métier. De nombreux villages ont perdu le lien avec l’histoire (notamment pour les métiers destinés à la vie quotidienne, comme la vannerie). Un tiers de ces festivités est dédié a des génies tutélaires, génies de la montagne ou des eaux, personnages mythiques, comme Lạc Long Quân, le « père » des Vietnamiens, un autre tiers a des princes ou princesses, ou des généraux ayant combattu victorieusement « l’ennemi » chinois, tel Trần Hu’ng Đạo (1228-1300). Les pagodes les plus célèbres organisent des festivals annuellement.
12La province de Hà Nội concentre une part très élevée de ces festivités (40 %), ce qui montre que malgré l’urbanisation, les cultes traditionnels se maintiennent, puis Hà Tây (19 %), Bắc Ninh (14 %), le restant se répartit dans les autres provinces du delta. Les festivals villageois sont souvent un mélange harmonisé de vestiges d’animisme autochtone avec des éléments de confucianisme, de bouddhisme et de taoisme. Comme les autres pays de l’Asie sinisée (Japon, Corée…), les Vietnamiens croient que des divinités, des génies et de mauvais esprits résident dans les rivières, les montagnes, les roches, les arbres, le vent et la pluie. Les croyances animistes sont au cœur de la religion vietnamienne ; le bouddhisme, le confucianisme et le taoisme ne font souvent qu’y apporter un vernis.
13Les fêtes et les cérémonies soulignent les débuts des cycles de production : ouverture de la saison de chasse, ou de culture, fin de la récolte… C’est le temps du retour à l’ordre primitif de l’univers qui présidait a l’origine de la vie ; fêtes et cérémonies aident a revivre cette aube de l’humanité. Elles simulent non seulement la création mais permettent aussi à l’homme de se libérer des contraintes de la société. Elles brisent les usages, les tabous, engendrent un chaos nécessaire pour saborder toutes les barrières, créant une harmonie humaine au sein de la communauté (Hữu Ngọc, 1999).
14Le temps des fêtes transcende le quotidien, l’ordinaire et permet aux hommes de vivre dans un temps irréel. Cependant, ils présentent sur la place publique les activités de production (et de reproduction !) et les comportements de la vie quotidienne. Ce sont des scènes de beuveries et de ripailles, de flirts de la vie ordinaire qui sont stylisées au point de devenir symboliques (Hữu Ngọc, 1999).
15Les festivals se déroulent parfois pendant plusieurs jours et comprennent deux types d’activités : une cérémonie avec des rituels inspirés du confucianisme (culte des ancêtres, culte d’objets tels que les trois animaux sacrificiels, offrande de fruits et de fleurs et consumation d’encens et de papiers votifs), des processions en palanquins des génies ou ancêtres vénérés qui se déroulent dans les lieux sacrés (đình, pagodes et temples). L’autre partie du festival est ludique : divertissements populaires tels que la balançoire, les échecs vivants, les combats de coqs, les concours de cuisson de riz et les représentations d’opéra populaire. Des rituels autour de l’eau ont lieu dans les villages situés au bord des fleuves et des lacs : on lave la statue des saints, on invoque les dieux pour faire venir les pluies… et des spectacles de marionnettes sur l’eau sont donnés.
Opéra populaire ou chèo
Ce genre théâtral est né des chants et des danses populaires profanes ou religieux du delta du fleuve Rouge. Au xie siècle, il était composé de représentations populaires et de mime. Puis, il représentait des petites scènes pour raconter des récits religieux. Le genre atteint sa maturité aux xve et xvie siècle. Il se développe aux siècles suivants en même temps que les romans populaires en nôm (langue vietnamienne écrite en lettres chinoises) ; les pièces typiques se conservent jusqu’à maintenant. Contrairement au tuồng, un art théâtral classique destiné à l’aristocratie, le chèo décrit la vie rurale. Il donne la parole aux paysans. Le thème le plus exploité est le sort déplorable de la femme qui se soumet au régime féodal ; parfois elle se révolte contre lui. Le rire satirique des bouffons s’y mêle pour fustiger l’ordre féodal.
Les troupes donnent des représentations aux fêtes populaires, dans la cour de la maison communale. La natte qui sert de scène peut être à la fois terre, ciel, fleuve ou montagne. Aux deux côtés sont assis les acteurs et les musiciens qui chantent en chœur. Le public reste debout et entoure la scène. L’instrument de musique consacré est le tambour. Les spectateurs et les acteurs s’interpellent. L’improvisation joue un grand rôle car le chèo combine à la fois les discours, les chants, les danses et la musique pour raconter une histoire.
Certaines pièces typiques du répertoire théâtral font « cour » comble, telle la fameuse pièce de Lýu Bình et Dýõng Lễ qui raconte l’amitié entre deux camarades de classe qui passaient les concours pour le mandarinat et prône la fidélité. Autrefois, les artistes étaient de simples paysans désargentés qui devaient pourvoir à leurs costumes, instruments de musique et frais de représentation.
Au début du xxe siècle, le chèo fait son entrée en ville. Il se joue sur une scène avec des décors. Il se métisse pour répondre au goût des citadins. Le chèo modernisé fait des emprunts à l’opéra classique, adopte les chants occidentalisés et traite des sujets à la mode. Vient ensuite la tendance du chèo rénové de Nguyễn Đình Nghi (1925-1945) : elle est moins hétérogène mais s’inspire du théâtre rénové réaliste. Depuis la révolution de 1945, le chèo moderne se développe surtout dans les années 1960 (20 troupes professionnelles traitent de sujets traditionnels, historiques, populaires et modernes).
L’opéra populaire et les marionnettes sur l’eau sont un pur produit de la civilisation du delta du fleuve Rouge. Nam Định est une des provinces traditionnelles de cet art. Mais le chèo est un art plus raffiné. Les pièces de théâtre sont drôles, lyriques et se terminent toujours bien.
(Hữu Ngọc, 1997 et 2002)
L’art des marionnettes sur l’eau
Cet art ou rối nýớc est originaire du delta du fleuve Rouge, de la province de Nam Định, plus précisément, et fait partie des rituels pour invoquer les pluies. Il était associé aux cultes de la fertilité, avant de devenir une distraction villageoise lors des festivals. Les pavillons sur l’eau, les thủy đình, tels ceux de la pagode Thầy (la pagode du maître, Itinéraire 9), du temple Gióng (Phù Ðổng, Gia Lâm, Hà Nội) ou celui de Chàng Sõn (Hà Tây) sont construits en dur. Mais la plupart du temps, lors des tournées, on monte provisoirement des chambres de montreurs faites de matériaux légers (bambou, bois) et facilement transportables sur les nombreuses mares dispersées dans les villages. La chambre de montreurs de la pagode Thầy est la plus ancienne conservée intacte jusqu’à nos jours.
À l’ouverture du spectacle, le petit Tễu (bouffon) présente le programme avec ce prélude : « Le Tễu que je suis est d’origine céleste ; je suis exilé sur la terre pour avoir volé une pêche aux Immortels ; comme les affaires de ce monde sont compliquées et écœurantes, je patauge de mon mieux pour manier mes marionnettes ». Puis, avant que la fabrication des pétards ne soit interdite, la représentation débutait par un feu d’artifice et des pétards. On les remplace aujourd’hui par des roulements de tambours.
À l’instar du chèo, les pièces donnent une large place à l’imagination, à l’humour, au rire et à la satire. Le bouffon est un personnage central. Les fées dansent au son de la flûte, les dragons crachent des flammes, des phoenix glissent amoureusement sur l’eau. Elles traitent de la vie villageoise : des combats de buffles, de la pêche, de l’artisanat. Elles s’inspirent du même répertoire que le chèo, de l’histoire vietnamienne ou des romans classiques chinois.
En général, la plupart des troupes de théâtre (on en compte 15 dans le delta du fleuve Rouge) ont une histoire de fondation plus ou moins similaire. Elles ont un ancêtre du métier, le plus ancien étant Từ Đạo Hạnh, un moine bouddhiste qui vivait au xie siècle. Il est associé à la fondation de la pagode Thầy (Itinéraire 9).
Avant 1945, les troupes de marionnettes donnaient des performances dans leur village et ceux des environs lors des festivals. Elles étaient regroupées en association et les marionnettistes étaient soumis à des règles très strictes, notamment pour garder le secret de leur art. Certaines troupes, telle celle de Chàng Sõn (Hà Tây), manipulent les marionnettes avec des cordes, les autres utilisent plutôt des baguettes de bambou. Les troupes n’ont pas de relations entre elles. En général, les membres de la troupe font partie de la même famille élargie. Une troupe est composée pour plus de la moitié de marionnettistes, l’autre partie de musiciens, de chanteurs, d’un présentateur et d’un chef. En plus des représentations, certains membres de la troupe fabriquent les marionnettes. Pendant les deux guerres les représentations se sont arrêtées. Puis avec l’ouverture économique, elles ont repris et ont élargi leur scène à la ville : Hà Nội est devenue un lieu privilégié pour assister à des spectacles. Deux théâtres ont été construits à cet effet, véritables tremplins pour accéder à la scène internationale. Quatre troupes officient dans des villages de Hà Tây, une à Bắc Ninh et une à Hà Nội.
(Museum of Ethnology, 2005)
(Nguyễn Huy Hồng, 2006)
Les jeux : une grande variété d’événements à caractère symbolique avant d’être ludiques
16Autrefois les activités ludiques (Đào Hùng, 1991) visaient à augmenter l’efficacité du travail, a créer plus de confiance. Il fallait de temps en temps arrêter de travailler, les niveaux de production étaient très bas et l’impact des calamités naturelles fort. Le repos forcé s’imposait parfois.
17En général des groupes sociaux bien définis participent aux jeux populaires dans les villages : les joueurs doivent remplir les conditions exigées par les coutumes, lesquelles reflètent la structure de la hiérarchie sociale. Certains jeux n’admettent que des garçons et des filles célibataires (la danse mimant l’acte sexuel), d’autres n’admettent que des quinquagénaires (jeu du môc tât) ou préconisent un âge déterminé. Le jeu parfois est un vestige des formes de mariage collectif aujourd’hui disparu : ainsi les régates de Ðào Xá (province de Vĩnh Phúc). Deux barques décorées de têtes de dragon et d’oiseau, symbolisant le yang et le yin, rappellent le mariage de deux groupes appartenant a deux clans. La trace la plus visible de cette division de la société se voit dans le giáp caractéristique de la communauté villageoise Việt. Le giáp, subdivision du hameau, rassemble les membres masculins du village, selon l’aire d’habitation. Il n’en existe plus, mais son rôle subsiste, en particulier dans l’organisation des fêtes. Le jeu resserre l’union entre les groupes sociaux existants (âge, sexe). Les groupes d’âge, les destinées différentes des individus, les différences entre groupes sociaux ou entre ethnies influent sur le contenu et les fonctions du jeu sur le plan culturel.
18Le jeu reflète aussi des croyances anciennes encore vivaces. L’idée première des fêtes printanières, c’est le vœu d’une année clémente pour les moissons, vœu lié aux croyances de la fécondité. Il s’extériorise le mieux dans la renaissance universelle et trouve son expression dans le culte de l’organe génital ou des relations sexuelles. Tout cela relève du culte du linga et du yoni dont les vestiges peuvent être trouvés dans le culte de la « pierre-mère » ou de la coutume consistant a frotter la tête du Bouddha en faisant le vœu de tomber enceinte.
19Dans le Vietnam ancien, les emblèmes sexuels ont été retirés de la religion officielle, car en contradiction avec le Confucianisme. On en trouve des traces dans les fêtes villageoises. La coutume de l’extinction des lumières pour que les hommes et les femmes puissent se taquiner librement et même se livrer a des actes sexuels était pratiquée lors de certaines fêtes – festival de Nga Hoàng (commune de Yên Giả, district de Quế Võ, Bắc Ninh), du 6e au 15e jours du premier du calendrier lunaire, (voir calendrier en annexe). Né d’après les croyances relatives à la fécondation, le culte des phénomènes naturels (lune, soleil, vent, pluie, tonnerre, foudre, terre…) a inspiré de nombreux jeux. On mimait les trajectoires des astres ou les phénomènes naturels (Hữu Ngọc, 1999).
20Les régates constituent un rite lié à la Fête des Eaux commune a tous les peuples planteurs de riz et de pêcheurs du Sud-Est asiatique. Selon les archives chinoises, ces manifestations apparurent tout d’abord dans le sud du Yang Tsé. Les régates sont liées au culte du Génie des eaux célébré au début de la saison des pluies ou de celle des crues (de la 3e a la 5e lune) – qui correspond a la saison des orages – et de celle du retrait des crues (fin de la 8e et début de la 9e lune). La fête évoque l’orage avec ses pluies bienfaitrices pour le riz. D’autres régates marquent la fin de l’automne.
21La même remarque s’applique au jeu du cerf-volant. Diều (cerf-volant) désigne le vautour. Dans la mythologie du Sud-Est asiatique, l’oiseau de proie est le symbole contraire du poisson et du serpent aquatique lesquels représentent la pluie et les crues. Les fêtes de cerf-volant sont organisées vers la fin de l’automne (au 9e mois) quand se termine la période des hautes eaux. L’oiseau symbolise aussi le soleil qui par ses rayons dissipe l’obscurité de la saison des crues : ce jeu est lié a l’ancien culte du soleil chez les Việt.
22Certains jeux comme la balançoire et le « tir a la corde entre deux équipes » semblent être de pures distractions populaires. Mais dans le cadre des fêtes rituelles, ils rappellent le mouvement cyclique des saisons qui donne l’harmonie à l’univers. La balançoire trace une trajectoire déterminée, sur elle se tient un couple portant des ceintures flottantes de soie rose, le mouvement évoque le cycle des astres.
Concours de cuisson de riz
Pendant le Tết, dans certains villages du nord et du centre du Vietnam se tiennent des concours de cuisson de riz. Les villageois du village de Chuông (Itinéraire 7) organisent ce genre de concours séparément pour les garçons et les filles. Les filles doivent faire cuire du riz par terre, tout en portant sur la hanche un bébé d’une autre famille âgé de six à sept mois. Elle doit consoler l’enfant lorsqu’il pleure. En même temps, elle est censée empêcher un crapaud de sortir d’un cercle de craie tracé autour d’elle. Ce concours est d’autant plus difficile que les spectateurs, et surtout les enfants, ne manquent pas une occasion de taquiner le bébé.
Le concours des garçons n’est pas moins rigoureux. Chaque garçon doit se tenir prêt avec tout le nécessaire (riz, eau, allumettes et bois de cuisson) sur une embarcation légère amarré à la rive d’un étang. Lorsque le signal est donné, il pagaie avec ses mains jusqu’à la rive opposée, où une rangée de marmites est placée sur des trépieds. Il doit faire cuire le riz tout en demeurant dans son bateau non amarré. La moindre perte d’équilibre le jette à l’eau.
Jeu du tir à la corde entre deux équipes
Les joueurs se divisent en deux équipes et se font face le long d’une corde en bambou. Un tissu rouge marque le milieu de la corde, qui est placée au-dessus d’une ligne tracée dans le sol avec de la chaux. Après un signal de l’arbitre, les joueurs tirent la corde le plus fort possible pour amener le tissu rouge de leur côté. Une équipe finit par perdre ses forces et lâcher la corde. Le public applaudit l’équipe gagnante. Dans le village de Tích Sõn (province de Vĩnh Phúc), le jeu de tir à la corde pour hommes a lieu le troisième jour du premier mois lunaire. Les organisateurs disposent la corde selon un axe est-ouest qui évoque la trajectoire du soleil. Les hommes âgés se placent à l’Est et les plus jeunes à l’Ouest. Après trois parties, l’équipe gagnante est celle qui parvient à contraindre ses opposants à faire trois pas en avant. Selon les croyances traditionnelles, si l’équipe de l’Est (celle des hommes âgés) gagne, les villageois jouiront d’abondantes récoltes toute l’année.
Dans le village de Hữu Chấp (Bắc Ninh), le tir à la corde a lieu le quatrième jour du Tết. Les joueurs forment deux équipes de garçons et filles célibataires. Les garçons représentent la force dýõng (yang) et la saison sèche et les filles âm (yin) et la saison des pluies. Bien que les garçons soient souvent plus forts que les filles, les filles « gagnent » souvent le jeu de tir à la corde, afin que la saison des pluies l’emporte sur la saison sèche et que les récoltes de l’année soient bonnes.
(Vietnam Cultural Window, 2003)
UN RICHE PATRIMOINE ARCHITECTURAL NICHÉ DANS LES VILLAGES DU DELTA
23La civilisation traditionnelle nord-vietnamienne est fondamentalement villageoise. La fonction intellectuelle ne se confond pas avec la ville, mais se trouve aussi à la campagne autour des lettrés vivant dans leur village. Les édifices religieux tels les pagodes et les temples sont dispersés dans la campagne. Contrairement aux pays occidentaux, la majorité de l’héritage culturel et architectural du delta (80 %) se trouve éparpillée dans les campagnes.
24A l’époque féodale, le village jouait un rôle politique important et cette fonction a donné lieu à la construction d’édifices de grande valeur architecturale, telles les maisons communales ou đình. Lorsque que la dynastie des Lý transféra la capitale du Vietnam de Hoa Lýà Thăng Long, l’âge d’or de la construction des pagodes commença, et ce, principalement dans le Kinh Bắc (province correspondant aux actuelles provinces de Bắc Ninh et de Bắc Giang, au nord).
« Les bâtiments encore visibles dans les villages aujourd’hui (maisons communales, pagodes, temples, maisons de culte lignagier, sanctuaires au « prince propagateur des belles lettres »….) sont tous directement issus de la grande tradition confucéenne, centralisatrice et mandarinale, et reflètent assez peu ce que peut être la culture populaire a proprement parler ». (Papin P. et Tessier O., 2002)
25Les portails des villages, en général en brique et souvent très décorés, rappellent l’antique pouvoir villageois et la cohésion de ces lignages bien à l’abri derrière la haie de bambou qui ceinturait le territoire villageois et le protégeait contre les incursions extérieures. Ils font partie du paysage des campagnes du delta du fleuve Rouge, au même titre que les arbres séculaires, les plans d’eau et les ponts qui franchissent les multiples cours d’eau environnant les villages. Sur certains ponts, des petits temples sont dédiés aux génies fonciers.
26À la différence des dynasties antérieures (Đinh et Lê), les Lý (1010-1225) ont manifesté un certain effort pour désiniser leur culture. Il en résulte une florescence artistique dont on ne peut pas encore mesurer l’importance et dont les vestiges les plus typiques sont liés au culte des quatre déesses-mères bouddhiques.
27Ces édifices religieux, politiques et culturels sont de plusieurs types :
28● Les pagodes (chùa), destinées au culte de Bouddha et en même temps lieu de séjour des bonzes. Au xie siècle, les pagodes étaient de très grande taille et essentiellement construites par l’État dont le Bouddhisme était la religion. Elles sont classées en trois catégories :
- les pagodes d’État (Đại danh lam) servaient également de lieu de séjour au roi pendant ses tournées. Elles étaient construites à l’écart des villages, souvent sur une colline ;
- les pagodes régionales, site moyen (Trung danh lam) ;
- les petits sites, en général pagodes de villages (Tiểu danh lam). Les stuppa sont les tombeaux des bonzes.
29Par la suite – après que la commune eut atteint un stade de développement plus élaboré – les pagodes de village sont devenues le lieu dans lequel le village conservait les registres de ses réglementations. Parmi ceux-ci figuraient les registres des cotisations prélevées pour les activités collectives de la commune. Ces registres étaient conservés pour permettre de lever des impôts. Dans la maison communale ou la pagode, on vouait un culte aux personnes a qui était conféré le titre de hậu (éligibilité pour pratiquer les sacrifices à Bouddha), avec l’accord de la commune (Phạm Thị Thùy Vinh, 2003). L’architecture de ces pagodes est en général raffinée, elles sont souvent entourées de jardins.
30● Les maison communales (đình) : le đình symbolise le pouvoir villageois. Il est d’une part le lieu ou l’on rend hommage à la divinité tutélaire du village et le lieu de réunion pour discuter les affaires courantes (taxes, corvées, répartition des terres ou organisation des festivals). Leur architecture est en général majestueuse. Leur intérieur est richement décoré de sculptures et de gravures, les lourdes charpentes en bois sont ornées de bas-reliefs. Au xviie siècle, la construction de toute une série de maisons communales au style architectural très élaboré montre que la structure villageoise devint à l’époque unifiée et clairement réglementée. La maison communale est le lieu ou le tuồng (opéra théâtral traditionnel), le chèo (opéra populaire), la musique, la sculpture, la peinture, la décoration, l’artisanat, les marionnettes sur l’eau, la danse, le chant, les arts martiaux – autrement dit, toute la vie culturelle du village – se sont développés. La plupart des đình ont été construits selon les règles de la géomancie : ils font face a des plans d’eau ou sont édifiés le long des digues, ouverts sur les fleuves. On compte un très grand nombre de đình le long de la rivière Đáy (province de Hà Tây). Nous en présenterons plusieurs dans les villages de métier mentionnés dans cet ouvrage.
31● Temple (miếu) : c’est le lieu de culte des divinités qui apportent secours et protection aux habitants du village. Ils sont d’une taille et d’une architecture bien plus modeste que les maisons communales et les pagodes. La plupart d’entre eux comportent une seule pièce, sauf si on y voue un culte a un roi ou a des dignitaires de haut rang.
32Puis toute une hiérarchie d’édifices, aux fonctions diverses, sont dispersés dans les villages et sont représentatifs de la richesse des villages a un moment de leur histoire. Dans les villages de commerçants, de mandarins, d’intellectuels ou d’artisans on en recense un grand nombre.
- Sanctuaire (từ) : temple destiné au culte public de tout le village, construit avec un toit couvrant et une plateforme pour les offrandes. On y vénère soit un bienfaiteur du village, soit un personnage légendaire censé avoir aidé les villageois.
- Monument commémoratif (từ chỉ) : lieu de culte public des bienfaiteurs du village. Le culte a lieu devant les villageois et les descendants de la lignée du clan du bienfaiteur. Ce monument consistait en une parcelle de terrain encerclée d’un mur mais sans salle d’offrandes.
- Maison des ancêtres (từ ðýõng) ou (nhà thờ họ) : lieu de culte des ancêtres vénérés par les membres du lignage. Les lignages importants, en particulier ceux des fonctionnaires et diplômés, faisaient construire ces édifices. Le culte des ancêtres et des lignages n’a cessé de se développer. Les villages qui comptaient de nombreux dignitaires apportant une contribution financière aux affaires publiques locales leur faisaient construire des monuments commémoratifs, des mémoriaux vivants et des mausolées. Ils sont très nombreux dans les villages de métier les plus riches.
- Mémorial de la littérature (văn chỉ) : lieu de culte des diplômés du village, fondé par l’association littéraire du village.
- Mausolée de fonctionnaire : lăng mộ.
- Poste de surveillance (điếm) : ceux-ci sont apparus au moment ou l’organisation du village est devenue assez élaborée. Chaque venelle (giáp) avait son propre poste de surveillance, qui servait d’abri et de lieu de repos aux autochtones pendant la journée, de bivouac pour les veilleurs de nuit et de poste de contrôle des étrangers qui avaient l’intention d’entrer dans la venelle (giáp).
33Des stèles sont souvent situées dans des lieux servant aux activités de la vie quotidienne, tels que les ponts et les marchés, mais on en trouve aussi dans les pagodes célèbres (Phù Ninh, Itinéraire 2). Ils servent a informer les passants des origines de chacun de ces lieux et a faire l’éloge des bienfaiteurs qui ont apporté une contribution au village chaque fois qu’un pont ou qu’un marché a été construit ou réparé (Phạm Thị Thùy Vinh, 2003).
34Ces différents éléments du patrimoine architectural et religieux sont mentionnés dans les dix itinéraires qui suivent et, pour les villages les plus prestigieux, localisés sur des cartes pour faciliter leur accès.
UN TOURISME QUI CHERCHE À SE DIVERSIFIER
Une demande croissante pour un tourisme plus culturel
Une nécessaire diversification de l’offre touristique
35Malgré une croissance importante et constante du tourisme international (de 250 000 touristes en 1990, ce chiffre passe a 4,2 millions en 2007), le Vietnam connaît a l’heure actuelle des difficultés pour diversifier son offre touristique et fidéliser sa clientèle. Des études ont montré que la plupart des touristes internationaux ne reviennent pas dans ce pays une seconde fois, après avoir effectué la tournée des grands sites. Depuis plusieurs années, les produits offerts aux touristes ne changent pas : toujours les mêmes circuits, les mêmes sites visités, les mêmes guides tandis que le secteur touristique est en plein boom. On assiste a une baisse de la qualité des itinéraires offerts. Pourtant la demande existe, mais l’offre ne répond pas. Toutefois, des tentatives pour développer le tourisme rural dans les villages de métier s’affirment et des projets sont initiés par le ministère de la Culture et du Tourisme, mais ces expériences sont dispersées. Par manque de connaissance des lieux a visiter et de leur localisation, de structures d’accueil locales dans un pays qui est resté fermé longtemps aux étrangers, seuls quelques rares villages de métier comme Bát Tràng (céramistes) et Vạn Phúc (soie), localisés a moins de 20 km de la capitale, sont fréquentés.
36Le ministère de la Culture et du Tourisme chercherait par le biais du tourisme rural a assurer la sauvegarde et la valorisation des métiers artisanaux et du patrimoine architectural et culturel de certains villages. Via le programme « Itinéraire des villages de potier dans le delta du fleuve Rouge » (voir encadré p. 58), il commence à s’investir dans les événements de valorisation du patrimoine. Le ministère du Tourisme (qui a récemment fusionné avec celui de la Culture !) commence a prendre conscience de l’importance de la participation des populations villageoises dans la mise en place de programmes de tourisme culturel. Mais si les villages de métier sont considérés comme une nouvelle destination touristique, cela suppose de définir des stratégies de développement et d’y construire des infrastructures (musées locaux, magasins artisanaux, structures d’accueil), de former des guides locaux et de faire participer des artisans a ces projets. Au niveau provincial, une politique de valorisation des villages de métier est à l’ébauche, mais elle se limite pour l’instant à financer des ouvrages de construction routière et des infrastructures simples.
L’intérêt de nombreux artisans à entrer en contact avec des étrangers
37Dans le contexte de l’ouverture du pays sur l’extérieur, de nombreux artisans aimeraient promouvoir leur métier et le faire connaître a des étrangers, afin de mieux apprécier leurs gouts, de créer des liens directs avec d’éventuels clients occidentaux ou d’Asie (Japon, surtout, grand acheteur de produits artisanaux vietnamiens) et éviter les nombreux intermédiaires. Ils pensent que la construction de magasins pour exposer leurs articles, l’édification de musées retraçant l’histoire de leur activité et les changements techniques seraient un moyen efficace pour attirer des touristes dans leurs villages. Mais le manque de formation de guides locaux, la faible connaissance du patrimoine de ces villages et des lieux intéressants à visiter limitent l’accès de ces villages aux touristes nationaux et internationaux.
Un intérêt partagé pour les villages de métier
38Il existe une véritable demande de certaines communautés étrangères vivant au Vietnam et de Hanoiens pour connaître le patrimoine riche des villages de métier que les nombreuses boutiques artisanales dévoilent dans la capitale. La presse vietnamienne fait écho quotidiennement de cette demande, de nombreux articles sur ces villages montrent l’intérêt économique et culturel de ces villages. Les écoles vietnamiennes ou étrangères, des associations d’expatriés et des petites agences de voyage organisent fréquemment des visites dans certains des villages les plus connus des environs de Hà Nội. Elles aimeraient diversifier ces visites et ne pas dépendre de « guides », insuffisamment formés.
De nombreux événements organisés pour promouvoir le tourisme culturel
39La notion de « tourisme de qualité » fut définie par la Convention sur le Tourisme adoptée par les États membres de l’ASEAN lors du sommet de Phnom Penh (4/11/2002). Selon cette Convention, les États membres garantiront un « tourisme de qualité » par le respect des directives suivantes :
- en encouragement tous les niveaux de gouvernement et les autorités locales à mener des programmes assurant le maintien, la conservation et la promotion du patrimoine naturel, culturel et historique des États membres ; à contribuer a sa préservation ;
- en encouragement, là où cela est opportun, l'adoption de critères de gestion et de programmes d'authentification pour un tourisme durable et pour l’évaluation et le contrôle de l’impact du tourisme sur les communautés locales, la culture et la nature, particulièrement dans les zones sensibles d’un point de vue environnemental et culturel ;
- en promouvant l'emploi de technologies respectueuses de l'environnement afin de préserver et de conserver le patrimoine naturel, l'écosystème et la biodiversité et pour protéger la faune et la flore en danger ;
- en renforçant les mesures pour empêcher les nuisances liées au tourisme et l'exploitation du patrimoine culturel et des ressources naturelles ;
- en prenant des mesures sévères pour empêcher les abus et l'exploitation des personnes liées au tourisme, particulièrement les femmes et les enfants (Nguyễn Kim Dung, in : Musée royal de Mariemont, 2006).
Le musée d’Ethnographie : un espace vivant sur les villages artisanaux1
40Le musée d’Ethnographie du Vietnam, installé à Hà Nội, dans le quartier de Cầu Giấy (le Pont de papier) a été inauguré en 1997, en partenariat avec le musée de l’Homme de Paris. Il se consacre a l’étude des 54 peuples qui composent le Vietnam au travers de la présentation de 25 0000 objets de leur vie quotidienne. Il représente la diversité de ce pays a travers l’exposition de costumes traditionnels, instruments de musique, bijoux et armes, mais surtout d’expositions vivantes consacrées a la vie quotidienne, notamment celle des villages artisanaux traditionnels.
41Parmi les priorités du musée : préserver les savoir-faire et participer au développement des villages de métiers artisanaux traditionnels en faisant connaître l’héritage culturel de techniques transmises de génération en génération au sein d’une communauté villageoise spécifique. Il cherche aussi à éduquer les jeunes en organisant des ateliers. En 2003 et 2004, en partenariat avec l’Unesco, des programmes de formation à la poterie ont été mis en place dans l’enceinte du musée pour les scolaires de 10 à 14 ans avec l’aide de quatre artisans de Phù Lãng.
42Le musée cherche de nouvelles approches pour participer a la sauvegarde de l’artisanat et des sociétés traditionnelles et a donner aux artisans les moyens de s’adapter au monde moderne. Il essaie de mettre en place de nouveaux moyens pour présenter la réalité villageoise et faire prendre conscience aux politiciens et aux futures générations de l’importance de ces savoir-faire. Ainsi, les expositions sont organisées en coopération avec les communautés concernées qui participent a la sélection des objets a exposer et des aspects de la vie quotidienne a présenter. Ils collectent des informations, notamment dans le cadre des projets Photovoice.
43● Expositions permanences sur l'artisanat :
44Au rez-de-chaussée du musée, une partie des salles est consacrée à la culture et aux techniques artisanales des Việt (ethnie majoritaire du Vietnam vivant dans les deltas).
- La poterie, a travers le cas du village de Phù Lãng : présentation de l’histoire du village, de la société villageoise, des techniques originales de production de ce centre artisanal en pleine mutation. Son architecture de fours.
- La vannerie et la fabrication des chapeaux coniques de Chuông : mannequins de chapeliers, présentation des techniques grâce a des vidéos, articles de vanneries, histoire du métier.
45● La culture vivante mise en relief dans les expositions temporaires : des villageois à Ha Nôi :
- Deux maisons traditionnelles villageoises du delta du fleuve Rouge ont été montées dans le jardin du musée. On y organise depuis plusieurs années des expositions temporaires sur les métiers artisanaux. Pendant plusieurs mois, des artisans d’un village exposent leurs savoir-faire, leurs productions et présentent l’histoire de leur métier et de leur village. Ces musées « vivants » sont d’un très grand intérêt, a la fois pour les visiteurs, et pour les artisans qui espèrent ainsi mieux faire connaître leur métier, dont certains sont en passe de disparaître. De telles expériences devraient être renouvelées au sein même des villages et pourraient attirer de nombreux visiteurs.
- Le village de plantes médicinales de Đại Yen est intégré dans la ville de Hà Nội au sud du lac de l’Ouest. En mai 2004, les artisans ont présenté les différents aspects de leur métier (les techniques, la production des plantes – il existe encore une production locale de plantes dans ce village très urbanisé ou la spéculation foncière ne parvient pas encore a supplanter une production agricole très originale et intensive) et de leur vie quotidienne a partir de posters, de photos et de plantes. Il était aussi possible d’acheter des sachets de plantes sèches et de tisanes.
- Les villages de la province de Bắc Ninh spécialisés dans la fabrication du papier et d’objets en papier (estampes, masques et jouets), Dýõng Ổ, Đông Hồ et Tú Khê ont fait l’objet d’une exposition. Des posters présentaient différents aspects de la vie de ces villages, l’histoire des métiers, les techniques de production et leur avenir ainsi que le parcours de plusieurs artisans talentueux, pour la plupart âgés (on peut s’inquiéter sur l’éventualité de la non transmission de ces savoir-faire pour les activité en perte de vitesse !).
- En janvier 2002, une exposition sur le village de pêcheurs de Cua Van de la baie d’Halong, formé de maisons flottantes, racontait la vie originale de ce peuple qui s’est « sédentarisé » sur l’eau. A cette occasion, une démonstration de la fabrication des barques et de nasses en bambou avait été effectuée par des artisans de ce village.
- Le village de la soie de Vạn Phúc (Ha Tây) : présentation du village, de son histoire, des techniques traditionnelles et de l’innovation, des différents types de soie.
- En 2008, deux villages de marionnettistes sur l’eau, Hồng Phong (Hải Dýõng) et Ðông Các (Thái Binh) avaient présenté l’histoire de leurs villages, leurs troupes, leur organisation et la transmission des savoir-faire de génération en génération.
46● Le projet Photovoice au village de Đại Bái :
47Six mois durant (de décembre 2002 à juin 2003), au village de Đại Bái, 18 villageois ont appris à se servir d’un appareil photo et se sont lancés dans un projet « photovoice ». Photovoice est une méthode qui permet aux populations locales de documenter et d’exprimer les connaissances et les préoccupations qui leur sont uniques. À Đại Bái, les artisans, qui avaient l’habitude de manier le maillet pour battre les métaux, sont passés à l’appareil photo et ont partagé leur expérience avec les chercheurs du musée d’Ethnographie. Leurs photos présentent des artisans, des savoirs traditionnels, des outils et des matériaux. L’artisanat de Đại Bái est en pleine transformation et nombre de ces photos et entretiens montrent les difficultés et les défis auxquels sont confrontés les villageois. Ce projet a été réalisé avec le soutien de l’Agence japonaise pour le développement (JICA) en collaboration avec le ministère de l’Agriculture et du Développement rural. Ces artisans ont produit environ 3 000 photographies et participé à de nombreux entretiens. Ces documents sont préservés à l’intention des chercheurs d’aujourd’hui et de tous ceux qui s’intéressent à l’artisanat, ainsi que dans l’intérêt des générations futures.
48En collaboration avec les populations locales, le musée d’Ethnographie a organisé trois expositions photographiques s’appuyant sur les photographies prises par les artisans. Les deux premières expositions ont été organisées dans les localités même où vivent ses « sujets » de recherche, ce qui en a redoublé l’impact.
Un itinéraire culturel des villages de potiers traditionnels
Cet itinéraire s’organise autour de la visite de six villages de potiers du delta du fleuve Rouge qui possèdent a la fois un patrimoine artisanal ancien, mais aussi un patrimoine architectural et paysager tourné vers la poterie (fours, habitat spécifique, architecture villageoise typique…) :
Bát Tràng (province de Hà Nội) ;
Phù L.ng (province de Bắc Ninh) ;
Thổ Hà (province de Bắc Giang) ;
Chu Đậu et Cậy (province de Hải Dýõng) ;
Đông Triều (province de Quảng Ninh).
Il s’appuie aussi sur la visite de plusieurs musées ou sont exposées des collections prestigieuses de céramiques vietnamiennes : musée de l’Histoire du Vietnam et musée des Beaux-Arts du Vietnam, tous deux localisés a Hà Nội, salle d’exposition des vestiges archéologiques des fours céramiques du village de Ðýõng Xá (province de Bắc Ninh), musée de Hải Dýõng qui présente les collections de céramiques de Chu Đậu.
Il est organisé par le service du Patrimoine culturel de la Communauté française de Belgique, le Musée royal de Mariemont, le service du Patrimoine culturel du ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme du Vietnam. Il a pour but de stimuler le tourisme culturel :
● vulgarisation du tourisme patrimonial de culture villageoise (marketing, mise en place d’un centre d’information sur le patrimoine de culture villageoise et l’itinéraire culturel, organisation de voyages de tourisme culturel de qualité) ;
● appui de l’État par le biais d’investissements dans la construction de musées, de magasins pour les produits artisanaux locaux, l’organisation de cours de formation aux métiers de guides…) ;
● intégration des populations locales dans l’organisation de ces programmes de tourisme culturel pour un meilleur contrôle de la valorisation de leur patrimoine et éviter les dérives sociales négatives du tourisme de masse.
Cet itinéraire des potiers dans le delta du fleuve Rouge s’inspire du programme « Itinéraire culturel » en Europe. L’idée de ce dernier est de montrer de façon visible et reconnue, a travers le voyage dans l’espace et dans le temps, un patrimoine culturel fondateur. L’Itinéraire Mozart, les Routes des Vikings, les itinéraires européens du Patrimoine juif, l’Architecture sans frontières… constituent aujourd’hui, parmi d’autres encore, autant d’itinéraires culturels qui traversent l’Europe. L’ensemble de ce programme est aujourd’hui coordonné par l’Institut européen des itinéraires culturels dont le siège est a Luxembourg.
En initiant L’Itinéraire culturel des villages de potiers traditionnels du nord-est du delta du fleuve Rouge, l’équipe espère que l’itinéraire culturel des villages artisanaux traditionnels servira d’exemple a l’élaboration d’autres itinéraires culturels au Vietnam (Nguyễn Kim Dung, in : Musée royal de Mariemont, 2006).
Une enquête a été menée conjointement par les membres du projet pour évaluer la capacité des six sites choisis. Un des premiers critères retenu est l’accessibilité. Viennent ensuite les aspects paysagers le long du trajet et sur le site, de même que leur maintenance. Les aspects architecturaux du patrimoine sont examinés sous trois angles, le premier étant celui du pôle résidentiel. Vient ensuite l’aspect patrimonial avec le répertoire culturel qui, dans les villages du delta du fleuve Rouge, comprend essentiellement les édifices matérialisant traditionnellement la vie spirituelle et le pouvoir local : la maison communale, la pagode et éventuellement un lieu de recueillement dédié au président Hồ Chí Minh. Le troisième aspect architectural est constitué par les constructions spécifiques a la production céramique, c’est-a-dire les fours.
En dehors des techniques de production et savoir-faire artisanaux qui en font naturellement partie intégrante, le patrimoine immatériel n’a pu être observé que dans quelques cas précis : à l’école de chant quan họ de Bắc Ninh et lors de fêtes locales a Thổ Hà. Les autres fêtes sont mentionnées pour mémoire.
A l’exception de Bát Tràng et de Đông Triều, il n’existe pas d’infrastructures d’accueil touristique, fussent-elles rudimentaires, et de projets locaux dans le domaine de la protection et de la valorisation du patrimoine culturel. La situation actuelle des lieux retenus pour l’itinéraire culturel est très variable selon les sites. Cependant, au cours de l’enquête, le souhait des responsables locaux et des artisans rencontrés de voir se développer l’activité économique et donc le niveau de vie au sein de leur communauté grâce au tourisme - s’est manifesté très clairement.
Même si la plupart des personnes interrogées n’ont pas encore une idée claire des nuisances éventuelles du tourisme, fut-i l« de qualité », toutes ont affirmé leur intention de conserver intactes leurs traditions et de restaurer leurs monuments (Noppe C. & Martinot D., in : Musée royal de Mariemont, 2006).
L’équipe a organisé jusqu’à présent plusieurs événements et rédigé plusieurs documents :
● Exposition « les potiers du fleuve Rouge » au Musée royal de Mariemont de Belgique du 23 novembre 2006 au 25 février 2007. Rédaction en 2006 d’un ouvrage a cette occasion : « A la rencontre des potiers du delta du fleuve Rouge. Un itinéraire culturel » sous la direction de Nguyễn Kim Dung et Noppe C., suite a une étude technique sur la production céramique traditionnelle effectuée par Pascal Léonard, ingénieur céramiste, et Catherine Noppe (Conservatrice au Musée royal de Mariemont).
● Organisation d'un séminaire avec les différents partenaires du projet au Musée national d’histoire du Vietnam dont l’objectif consiste a évaluer les résultats de la première étape de la réalisation du projet « Itinéraire culturel : villages artisanaux traditionnels » et d’échanger les expériences pratiques nationales et internationales en la matière.
● Journées de formation organisées par Pascal Léonard dans les villages de potiers en avril 2007. Un des buts est de faire des propositions aux partenaires locaux et artisans pour élaborer un Label potier du fleuve Rouges.
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