L’aménagement du territoire dans les îles à risques majeurs : de nouvelles orientations pour le développement durable
Planning on the islands with major hazards: new directions for sustainable development
p. 367-383
Résumés
Dans les îles de la Caraïbe et sur le continent américain affectés par les catastrophes naturelles, les institutions internationales, les gouvernements, les professionnels interviennent de façon significative dans le domaine de la prévention des risques. Dans les stratégies de développement durable, l’aménagement du territoire permet d’agir en amont, avant la catastrophe, pour diminuer la vulnérabilité des pays et des sociétés. Différentes expériences ont été menées au cours des vingt dernières années, résultat d’une active coopération régionale, dans les îles et autres territoires à forte sismicité de la Grande Caraïbe ou nécessitant l’élaboration de guides méthodologiques ou de plans de prévention et de réduction des risques.
In the Caribbean island States and the American mainland territories, which are hard hit by natural disasters, international organizations, governments and stakeholders bring a significant contribution in the mitigation of natural hazards. Sustainable development strategies consider that Town and Country Planning permit to operate before the disaster, in reducing vulnerability of societies and territories. Different experiences in regional cooperation programmes during the last twenty years concern sismic islands and other countries of the Greater Caribbean which needed construction handbook or Natural Risk Reduction and Prevention Plans.
Entrées d’index
Mots-clés : Grande Caraïbe, développement durable, aménagement du territoire, prévention des risques majeurs, coopération régionale, guides méthodologiques.
Keywords : Greater Caribbean, sustainable development, town and country planning, mitigation of natural hazards, regional cooperation, construction handbook, natural risk reduction and prevention plans
Texte intégral
1Les îles de la Caraïbe sont particulièrement soumises aux risques majeurs et aux catastrophes naturelles, en raison du contexte géologique, géophysique et climatique. Afin de diminuer la vulnérabilité des territoires et des sociétés et réduire le mal développement, la prise de conscience qu’il faut intervenir en amont, avant la catastrophe, dans l’aménagement du territoire, par une action volontaire et intégrée est de plus en plus partagée.
2De nos jours, différentes institutions, à l’échelle mondiale, régionale ou locale, associées aux professionnels de l’aménagement, de la construction, aux opérateurs publics ou privés ouvrent des partenariats afin de limiter l’impact des catastrophes naturelles, non seulement dans les espaces insulaires mais aussi sur les continents. Au titre du développement durable, cette prévention des catastrophes est devenue une priorité humanitaire et économique internationale. On assiste de plus en plus à la mobilisation de différents acteurs autour de la définition de nouvelles pratiques, de la création de nouveaux outils réglementaires, comme les plans de prévention et de réduction des risques.
3Pourquoi cette détermination quasiment générale à œuvrer concrètement dans le domaine de la prévention des risques ? Comment mettre en œuvre un développement durable dans ces pays régulièrement affectés par des catastrophes naturelles ? Le choix de l’aménagement du territoire est-il des plus pertinents pour réussir la prévention et mobiliser dans un même effort de solidarité les pays économiquement défavorisés et les plus riches ? L’expérience de l’élaboration du guide caraïbéen de l’aménageur en zone sismique ou de la définition de la meilleure méthodologie à partager en matière de plan de prévention et de réduction des risques nous permet d’évaluer dans cette étude le chemin parcouru au cours des vingt dernières années.
Deux décennies d’implication internationale dans la prévention des risques
4De plus en plus de pays, d’institutions internationales ou régionales sont impliqués dans les politiques de développement durable. Aussi, multiplient-ils les initiatives pour réduire l’impact économique et social des catastrophes, jugé inacceptable au regard du bénéfice à tirer, à terme, des actions de mitigation bien menées. Les programmes des Nations unies (Pnud), de l’Union européenne (Echo), de l’Organisation des États américains (MRDR) ont amorcé le financement et la mise en œuvre de stratégies visant à promouvoir la prévention des risques majeurs (Balandier et Burac, 2009). La Décennie internationale pour la prévention des catastrophes naturelles des Nations unies (IDNDR/DIPCN, 1990-1999) a été le véritable démarrage mondial de ce changement d’attitude.
5De nos jours, les stratégies du Programme des Nations unies pour les désastres (UNDP/Pnud) et du Bureau de coordination des affaires humanitaires (Ocha) encouragent résolument les investissements pour la prévention et l’entraide internationale en matière de mitigation des risques. Ainsi, la Conférence mondiale de janvier 2005, à Kobé, au Japon, un mois après le tsunami meurtrier d’Asie du Sud, sa déclaration de Hyogo et son cadre d’actions (2005-2015), la Conférence internationale permanente de Davos (2006-2015) appelèrent à la réflexion, à l’action et à la mise en œuvre d’une culture de la prévention en matière de catastrophe naturelle. Ces initiatives sont prolongées régulièrement, à l’échelle régionale, par l’Association des États de la Caraïbe (AEC), l’Agence caraïbéenne de réponse à l’urgence des catastrophes (CDERA), basée à la Barbade, mise en place depuis 1991, dans le cadre de la communauté Caraïbe (Caricom).
6La politique de mitigation des risques dans l’espace caraïbéen est de plus en plus soutenue techniquement et économiquement par les instances internationales comme l’ONU, l’OEA, l’UE. Dans la Grande Caraïbe, dont le territoire correspond à celui des pays de l’AEC (fig. 1), la mobilisation du Centre de coordination pour la prévention des catastrophes naturelles en Amérique centrale (Cepredenac), basé à Panama, en vue de la recherche du développement durable par la mitigation des risques, a été un facteur clé dans la prise de conscience des populations victimes de tremblements de terre, d’ouragans ou de glissement de terrains.
7L’ouverture de partenariats avec les institutions et les professionnels de la prévention des pays de la région pour évaluer et corriger régulièrement les stratégies s’est généralisée, surtout depuis 2005. Ainsi, du 1er au 3 juin 2005, le Séminaire de La Havane sur la prévention des catastrophes naturelles, à l’initiative de l’AEC, du Pnud, du Bureau de coordination des affaires humanitaires, dans le cadre de la Stratégie internationale des Nations unies pour la prévention des catastrophes a eu comme objectifs de renforcer les échanges et la coopération en matière d’amélioration des capacités des pays à réduire l’impact des risques naturels. Du 3 au 5 août 2005, la conférence organisée par l’université de Technologie (UTECH) de Kingston, en Jamaïque, dans le contexte du Sommet mondial pour le développement durable, eut pour cible de diminuer la vulnérabilité des populations des petites îles confrontées aux risques majeurs.
8Quant à la conférence de haut niveau sur la prévention des catastrophes en Haïti, organisée par l’AEC, les 14-16 novembre 2007, elle mobilisa de nombreux participants institutionnels, dont le Cdera, le Cepredenac, la Commission économique des Nations unies pour l’Amérique latine et la Caraïbe (Cepalc), la Banque interaméricaine de développement (BID), la Fédération internationale des sociétés de la Croix Rouge et du Croissant Rouge, l’Organisation panaméricaine de la santé et différents programmes des Nations unies pour le développement.
9Toutes ces actions ont profité d’une conjoncture favorable à la coopération régionale avec différents plans d’action définis par les institutions diverses, les universités, les socioprofessionnels comme les architectes et urbanistes. La Fédération des associations caraïbéennes d’architectes (Faca) appuyée sur des sections locales structurées, par ses actions en faveur de la construction parasismique, a facilité les échanges de connaissances et de méthodologies à la demande de professionnels en activité dans le même contexte géophysique. La conférence de consensus sur les normes techniques de construction dans la Caraïbe, organisée par l’Association pour la prévention des risques majeurs en Martinique (APRM), les 18 et 19 mars 2004, à Fort-de-France, initiative soutenue par le Conseil régional, a porté sur la mitigation des risques sismiques et cycloniques.
10Plusieurs conclusions ont été retenues à cette occasion (Balandier et Burac, 2009), notamment le besoin de méthodologies et de documents harmonisés pour l’évaluation des aléas, la certification des matériaux, l’expression des standards, étant entendu que les niveaux d’exigence restent à l’appréciation des gouvernements. Le besoin d’une norme forfaitaire simplifiée pour les petites maisons individuelles et de financement pour faciliter la coopération régionale a été souligné. Cette conférence avait été précédée, pendant deux ans, de réunions d’experts locaux et de représentants de services publics ayant en charge les normes de construction. Elle fut soutenue activement par l’AEC, la Banque caraïbe de développement (CDB), la Caricom, avec son bureau pour les standards et la qualité (CROSQ), le CDERA, le bureau de Mexico de la Cepalc, l’Association des assureurs de la Caraïbe (IAC), installée à la Barbade et l’Organisation panaméricaine de la santé (Paho).
11L’engagement très favorable des collectivités régionales Guadeloupe, Martinique et Guyane, à travers le Document unique de programmation, en faveur de la coopération régionale, et surtout des deux premières en matière de mitigation des risques s’est confirmé avec la mise en œuvre du projet « Renforcement des capacités de la Grande Caraïbe en matière de risques majeurs » dans le cadre du programme Interreg III -Volet B : Espace Caraïbes.
La prévention des risques par l’aménagement du territoire
12La Conférence mondiale sur la prévention des catastrophes naturelles organisée à Kobé, du 18 au 22 janvier 2005, par l’ONU, avec la participation de 4 500 scientifiques et officiels de 168 pays, appela dans les pays victimes des catastrophes naturelles au renforcement des capacités à lutter contre ces catastrophes et à un investissement massif dans la prévention. La déclaration de Hyogo, du nom de la préfecture de Kobé, à travers un plan d’action sur dix ans (2005-2015) reconnut les relations entre la réduction des catastrophes, le développement durable et la réduction de la pauvreté. La conférence décida, par ailleurs, la création d’un système d’alerte mondial aux catastrophes naturelles, telles que sécheresse, inondation, typhon, ouragan, glissement de terrain, éruption volcanique et tsunami.
13Une fois que l’Union européenne autorisa le cofinancement, dans le cadre du programme d’initiative communautaire Interreg III -Volet B : Espace Caraïbes, de projets de coopération avec les partenaires extracommunautaires de la Caraïbe, les trois régions françaises d’Amérique, régions ultrapériphériques de l’Europe -la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane- lancèrent l’appel à projet multirisque « Renforcement des capacités de la Grande Caraïbe en matière de risques majeurs ». Huit sous-projets furent retenus, financés par l’UE, les trois régions ultrapériphériques et des partenaires de la Caraïbe, et mis à l’étude dans le cadre de ce programme.
14La Région Guadeloupe anima les sous-projets :
SP 1.1 – Prévision des trajectoires, de l’évolution du potentiel dynamique et de l’impact des ouragans.
SP 1.2 – Évaluation des risques induits par les phénomènes géologiques dans l’avant-arc des Petites Antilles.
SP 1.3 – Modèle régional de tsunami pour les îles de la Caraïbe : évaluation du risque de tsunami.
Quant à la Région Martinique, elle assura l’animation des cinq autres sous-projets :
SP 1.4 – Élaboration d’un guide forfaitaire de construction pour les petits bâtiments de la Caraïbe. Résultats attendus : harmonisation des bonnes pratiques constructives face aux aléas naturels, amélioration de la qualité et de la résistance du bâti, allègement du bilan humain et économique des catastrophes.
SP 1.5 – Élaboration d’outils pour la formation en construction parasismique des promoteurs de petits bâtiments de la Caraïbe. Résultats attendus : des acteurs du secteur informel de la construction mieux formés et informés ; des constructions plus résistantes aux aléas.
SP 1.6 – Protection du patrimoine architectural et monuments historiques caraïbéens face aux aléas naturels climatiques et géophysiques. Résultats attendus : élaboration d’un guide des méthodes de renforcement parasismique et paracyclonique pour le patrimoine bâti historique caraïbéen ; aide à la décision pour les maîtres d’œuvre et les maîtres d’ouvrage.
SP 1.7 – Élaboration de guides méthodologiques pour la réalisation de plans de prévention et de réduction des risques (PPRR). Résultats attendus : mise en œuvre d’une méthodologie de travail en matière de cadrage des politiques de prévention des risques naturels ; projet pilote avec Saint-Vincent et les Grenadines.
SP 1.8 – Mitigation du risque sismique dans les petites îles de la Caraïbe par une approche appropriée de l’aménagement du territoire. Objectifs : exploiter le retour d’expérience des séismes majeurs récents afin de réaliser le guide de l’aménageur dans les zones sismiques de la Caraïbe ; conduire des projets expérimentaux avec des partenaires intéressés en vue de l’évaluation de la méthodologie dans des territoires divers. Résultats attendus : aide à la décision pour les élus, les services techniques des collectivités, les urbanistes et les aménageurs.
L’élaboration de guides méthodologiques en vue de la réalisation de PPRR
15L’objectif des PPRR est de réglementer de manière pérenne les usages des sols dans les zones exposées aux aléas naturels. Il s’inscrit dans un dispositif de prévention visant à l’information des populations et la protection des vies humaines. Il s’appuie aussi bien sur la cartographie des aléas que sur leur identification et celle des enjeux, afin d’intégrer les risques dans l’aménagement des zones exposées. Des mesures d’interdiction et de prescription adaptées sont alors prises en compte dans les documents d’urbanisme arrêtés, notamment les plans locaux d’urbanisme (Plu) des Antilles françaises. Le PPRR est ainsi devenu un outil d’accompagnement des actions de sensibilisation, d’amélioration des connaissances des risques et de contrôle de l’occupation des sols dans les zones exposées.
16L’expérience des PPR des départements français d’Amérique, par leur caractère obligatoire à l’échelle nationale, a été exportée et adaptée dans les territoires proches, à partir de partenariats appuyés par les institutions régionales et internationales. L’élaboration de guides méthodologiques pour la réalisation de PPRR s’inscrit dans le cadre des conclusions de la conférence de consensus sur les normes techniques de construction dans la Caraïbe tenue à la Martinique en 2004, qui souligna notamment les besoins de méthodologies et de documents harmonisés pour l’évaluation des aléas dans le cadre de la coopération régionale (fig. 2).
17La réalisation de ce sous-projet du PIC Interreg III – Volet « Renforcement des capacités de la Grande Caraïbe en matière de risques majeurs » a été l’occasion de réaliser quatre guides méthodologiques, grâce aux concours d’experts rattachés aux bureaux d’études Antilles Contrôle, Egis eau, à l’Association pour la prévention des risques majeurs en Martinique (APRM), aux laboratoires GESTER de l’université Paul-Valéry, Montpellier-III, Géode Caraïbe de l’université des Antilles et de la Guyane. D’autres institutions régionales ont été mobilisées comme le Centre national de référence pour la prévention et la mitigation des catastrophes (Premides) de Cuba, la Direction départementale de l’équipement de la Martinique, l’Agence caraïbéenne de réponse à l’urgence des catastrophes, l’Organisation nationale pour la direction des secours (Nemo) et l’Unité de planification physique de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, la section trinidadienne de l’Association des aménageurs du Commonwealth.
18Les quatre guides méthodologiques pour la réalisation de PPRR sismique, mouvement de terrain, inondation et risques littoraux, volcanique ont été conçus dans le contexte de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, pays pilote (Antilles Contrôles, 2009). L’objectif visé est de contribuer à l’amélioration des politiques d’aménagement du territoire dans les pays à risques majeurs de la Grande Caraïbe, à partir de ce projet pilote. Il consiste aussi à mettre à la disposition de ces territoires des guides méthodologiques pour la réalisation de PPRR s’appuyant sur l’expérience française des PPR. Le modèle retenu a été mis au point après quatre réunions du comité scientifique et deux réunions du comité de pilotage tenues entre mars et la mi-novembre 2008. Il a été conçu pour permettre aux services gouvernementaux, aux bureaux d’études, aux professionnels, de réaliser les documents techniques et réglementaires des PPRR, dans un cadre permettant d’assurer un minimum d’homogénéité de forme et de contenu, tout en laissant aux services prescripteurs une marge de manœuvre suffisante pour en garantir l’efficacité.
19Pour chaque type de risque, le guide méthodologique fixe les méthodes et moyens d’analyse des phénomènes naturels et des risques associés, de cartographie des aléas et des risques (fig. 3), d’évaluation des enjeux. Il propose les orientations pour établir le zonage et les prescriptions réglementaires. Des annexes complètent le dossier.
Le guide caraïbéen de l’aménageur en zone sismique
20Le sous-projet 8 « Mitigation du risque sismique dans les petites îles de la Caraïbe par une approche appropriée de l’aménagement du territoire » du programme « Renforcement des capacités de la Grande Caraïbe en matière de risques majeurs » a débouché sur la réalisation du guide caraïbéen de l’aménageur en zone sismique. Pour les partenaires concernés, l’objectif était de produire un outil d’information et d’aide à la décision pour les aménageurs, urbanistes, programmistes, décideurs politiques, techniciens, maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre et, plus généralement pour les publics concernés par les stratégies de réduction de la vulnérabilité au risque sismique. Les bilans post-sismiques ont mis en évidence le rôle aggravant d’un urbanisme et d’un aménagement territorial inappropriés au contexte de sismicité élevée. Les politiques de prévention doivent partir d’une bonne connaissance du risque sismique, pour édicter les meilleures règles de construction et préparer les secours pour répondre à la catastrophe. La réalisation d’un guide analytique d’aide à la décision pour les projets d’aménagement et les plans d’urbanisme en zone de forte sismicité devrait permettre la formulation de recommandations étayées dans un domaine qui manque de références (Balandier et Burac, 2009). Considérée comme une première étape, la mise en place d’une approche méthodologique du risque sismique devrait pouvoir être étendue à l’ensemble de la grande Caraïbe. En outre, cette approche pourra être adaptée aux autres risques majeurs de la région.
21C’est un large comité de suivi qui œuvra à la définition du programme. Il rassemblait des experts urbanistes, architectes, aménageurs, sismologues, géographes, sociologues, géologues, ingénieurs, porteurs de projets d’origine intracommunautaire rattachés à des bureaux d’étude comme la Société de production d’ingénierie pour l’aménagement, le logement, l’équipement et l’environnement (Spirale) de la Guadeloupe, Caraïbe Risques Mitigation (Carimi) de la Martinique, le centre de recherche Géode Caraïbe de l’UAG. Il comprenait aussi des porteurs de projets de la Grande Caraïbe, dont ceux du Salvador, pays régulièrement dévasté par de violents tremblements de terre. Les institutions partenaires étaient l’université Technologique de Kingston (Utech) de la Jamaïque, l’université Docteur-Jose-Matias-Delgado (UDJMD) avec son école d’architecture et d’ingénieurs, le Consortium de développement de San Salvador (CDSS), le Centre d’études en construction et architecture tropicale (Cecat) de la faculté d’ingéniorat civil de l’Institut supérieur polytechnique Jose Antonio Echeverria (Cujae) de La Havane, le Centre national de recherche sismologique de Santiago (Cenais) et l’université d’Oriente de Cuba. De nombreux universitaires, experts divers, représentants d’institutions régionales ou internationales comme le laboratoire Gester de l’université Montpellier-III, l’Association des ingénieurs et des architectes du Salvador, l’unité Séisme et le département de géographie de l’université des West-Indies (Campus de Mona, Jamaïque) furent associés à ces travaux. Entre mars et la mi-novembre 2008, le comité de suivi s’est réuni à cinq reprises à Basse-Terre (Guadeloupe), Kingston (Jamaïque), San Salvador (El Salvador), La Havane et Santiago (Cuba) et à Fort-de-France (Martinique) pour la conférence finale de restitution.
22Dans ce guide, l’utilisateur trouve des données triées sur les conséquences de grandes catastrophes sismiques des 30 dernières années (Balandier et Burac, 2009). Les séismes sélectionnés ont tous un rapport contextuel avec la Caraïbe (géologie, modes constructifs, structures sociales, état des stratégies de prévention et de préparation aux situations de crise, etc.). Ce retour d’expérience, fruit d’un travail patient et documenté, est classé par thèmes et a pour objet d’éclairer les facteurs de vulnérabilité des territoires étudiés et les recommandations du guide. Quatre territoires sensiblement différents, répartis dans l’arc antillais ou en Amérique centrale offrent les analyses pour expérimenter la méthode.
L’île volcanique de la Martinique, dans les Petites Antilles, exposée au phénomène de subduction de la plaque nord-amériaine sous la plaque Caraïbe, 1 100 km2 et 400 000 habitants (fig. 4).
La province de Santiago de Cuba, montagneuse, bordant la Caraïbe au nord de la zone transformante interplaques (Nord-Amérique – Caraïbe) de la fosse des Caïmans, qui s’étend sur 6 156 km2, avec une population d’un million d’habitants environ.
Le département métropolitain de San Salvador (El Salvador), à 658 m d’altitude sur le plateau arrière de la chaîne des volcans de subduction de la plaque Cocos. C’est une région où les périodes de retour des séismes sont les plus courtes parmi les territoires étudiés. Sur une surface de 886 km2 vivent 1 567 156 habitants. La ville elle-même regroupe 316 090 habitants sur 72 km2.
La région métropolitaine de Kingston (Jamaïque), au sud de la zone transformante interplaques (Nord-Amérique – Caraïbe) de la fosse des Caïmans. Elle se caractérise par des réseaux de failles intraplaques majeures, avec une population de 652 000 habitants environ sur 500 km2.
23Le guide est composé de dix livrets, soit huit livrets thématiques, dont un livret d’introduction définissant le contexte, un livret d’exemples d’applications et un livret de conclusions, avec glossaire et bibliographie. Chaque livret thématique traite d’un groupe cohérent de problèmes liés à la mitigation du risque sismique par une bonne gestion territoriale. La présentation des données reprend, en l’adaptant, la classification des dommages post-catastrophes mise au point par la Cepalc, en 2003 et adoptée, depuis, par les agences des Nations unies en charge des bilans humains et économiques.
24Comme chaque livret est dédié à un domaine particulier, les utilisateurs sont en mesure de vérifier point par point les implications directes et indirectes des choix à opérer dans ce domaine. Ils disposent d’un retour d’expériences commenté, du bilan des forces et faiblesses des territoires étudiés et de recommandations. Ils peuvent réaliser leur programmation en connaissance de cause et envisager de se placer dans une perspective de développement durable face au risque sismique.
Bilan et perspectives
25D’une façon générale, les participants à l’élaboration des sous-projets 7 et 8 du PIC Interreg III – Volet B « Renforcement des capacités de la Grande Caraïbe en matière de risques majeurs » ont souligné la richesse en enseignements de l’étude réalisée, notamment en matière d’échanges et de réflexions scientifiques. Ce travail a permis de mettre en évidence les réels besoins de coopération sur les risques majeurs et les catastrophes naturelles qui affectent régulièrement la Grande Caraïbe.
26L’une des retombées immédiates de l’élaboration des guides méthodologiques en vue de la réalisation de PPRR a été la mise à disposition d’une plateforme de réflexion trilingue (anglais, espagnol, français) sur l’application de principes opérationnels de prévention et de réduction des risques naturels dans les politiques d’aménagement du territoire. L’approche concrète des séismes destructeurs, à travers les exemples salvadoriens, la création de liens productifs entre chercheurs, universitaires, experts ou professionnels caraïbéens de cultures différentes, la connaissance opérationnelle des territoires et questions étudiées sont autant d’aspects positifs partagés. L’élargissement de la méthode à d’autres partenaires pour affinement des résultats, l’implication des assureurs, de représentants d’institutions financières sont autant de sources d’amélioration potentielle des méthodologies définies.
27Un certain nombre de difficultés ont été aussi soulignées. Elles concernent les délais de réalisation trop courts, résultat du retard enregistré dans la mise à disposition effective des fonds européens par les conseils régionaux de la Guadeloupe et de la Martinique. Elles découlent aussi du temps de réaction des partenaires aux propositions ou directives d’organisation, conséquence de la méconnaissance mutuelle des pratiques administratives, ou de l’harmonisation des outils, y compris linguistiques, d’un territoire à l’autre. La réalité des systèmes économiques et de niveaux d’exigences différents, les coûts et la complexité des transports caraïbéens rendant dissuasifs les déplacements, le retard mis par les gouvernements à développer une culture du risque sont autant d’autres freins soulignés.
28Le guide caraïbéen de l’aménageur dédié au seul risque sismique est une avancée incontestable. Cette première réalisation de référence dont le contenu doit être porté à la connaissance du grand public est une invitation à poursuivre la réflexion. Face aux nombreux besoins relevés sur le terrain, une extension de cette réflexion aux autres risques majeurs et à l’ensemble des pays de la Grande Caraïbe est devenue une nécessité pour les acteurs de la coopération régionale. La méthode ayant été éprouvée, les liens opérationnels tissés entre les participants faciliteront, à coup sûr, de nouvelles initiatives dans cette direction. Disposer de recommandations multirisques face aux aléas propres à l’espace caraïbe et dans un contexte le plus souvent d’insularité, ne pourra que conforter les territoires et les sociétés dans le développement durable.
Bibliographie
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Balandier P., Burac M. (coord.), 2009 – Guide caraïbéen de l’aménageur en zone sismique. Sous-projet 1-8 « Mitigation du risque sismique dans la Caraïbe par une approche appropriée de l’aménagement territorial », Livrets 1 à 10, version CDRom, 1487 p., programme d’initiative communautaire Interreg III – Volet B : Espace Caraïbes « Projet Renforcement des capacités de la Grande Caraïbe en matière de risques majeurs ». Conseil régional de la Martinique, 1487 p., édition du 2 juin.
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Leone F., Lesale T., 2002 – Proposition de plan de prévention des risques volcaniques, Montagne Pelée, Martinique. Géode Caraïbe, Rapport d’étude DDE, 61 p. + annexes.
Leone F., Lesale T., 2006 – « De l’intérêt de la cartographie pour comprendre, évaluer et gérer le risque volcanique en Martinique (Antilles françaises) ». In Philippe Joseph (coord.) : La Caraïbe, données environnementales, Terres d’Amérique n° 5 : 223-237, Paris, Karthala et Géode Caraïbe, 458 p.
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Lindsay J.M., Robertson R.E.A., Shepherd J.B., Ali S. (eds.), 2005 -Volcanic Hazards Atlas of the Lesser Antilles. Seismic Research Unit, The University of the West Indies, Trinidad and Tobago, 2 vol. , 279 p.
Ministère de l’Aménagement du Territoire et ministère de l’Équipement, des Transports et du Logement, 2002 – Plans de prévention des risques naturels (PPR). Risques sismiques. Guide méthodologique. Éditions La Documentation française, Paris, 112 p.
Préfecture de la Martinique, 2003 – Projet de plan de prévention des risques sismiques et mouvements de terrain de la ville de Fort-de-France. Rapport de Présentation, 40 P.
Annexe
Glossaire
Caricom : Caribbean Community
Cepredenac : Centra De Coordinación de la Prevention de Desastres Naturales en America Central
CDB: Caribbean Development Bank
CDERA: Caribbean Disaster Emergency Response Agency
Cecat : Centra De Estudios De Construcción y Arquitectura Tropical
Crosq: Caricom Organisation For Standards and Quality
DIPCN : Décennie internationale de la prévention des catastrophes naturelles
Echo : Office d’aide humanitaire de la Commission européenne
Gester : Gestion des sociétés, des territoires et des risques
Géode Caraïbe : Centre de recherche géographie, développement, environnement de la Caraïbe
IDNDR: International Decade For Natural Disaster Reduction
Nemo : National Emergency Management Office
OEA : Organisation des États américains
Ocha : Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations unies
Paho: Pan American Health Organisation
Pic: Programme d’initiative communautaire
Pnud : Programme des Nations unies pour le développement
Premides : Centra Nacional De Referencia para la Prevention y Mitigation de Desastres
UNDP : United Nations Development Programme
Auteur
maurice.burac@wanadoo.fr
Professeur des universités, université des Antilles et de la Guyane, directeur de Géode Caraïbe
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