1Dans les années 1980, les météorologues étaient formels : il serait impossible de prévoir le temps au-delà d’une ou deux semaines. Dix ans plus tard, des climatologues leur donnent tort en parvenant à prédire certaines anomalies climatiques plusieurs mois à l’avance. Pour en arriver là, il aura fallu observer et comprendre un phénomène dont on ignorait encore presque tout : El Niño. L’IRD a joué un rôle important dans cette aventure internationale, en collectant de nombreuses observations grâce à des navires marchands, des campagnes océanographiques, ou en contribuant à l’installation de « TAO », un réseau de bouées instrumentées réparties à la surface du Pacifique depuis les années 1990.

Nord du Pérou, destructions liées à El Niño.

2Ces observations ont révélé petit à petit les secrets d’El Niño, un phénomène climatique majeur lié aux interactions entre l’océan et l’atmosphère. Dans le Pacifique, les vents soufflent habituellement d’est en ouest, générant la remontée d’eaux profondes, froides et riches en nutriments près des côtes sud-américaines, et des eaux plus chaudes favorisant de fortes pluies de l’autre côté du Pacifique. Or cet équilibre se rompt régulièrement, amenant un El Niño et son lot de sécheresses en Australie, d’eaux anormalement chaudes et peu productives au Pérou, ou de cyclones tropicaux en Polynésie française.

••• Des recherches pour mieux saisir les multiples facettes d’El Niño •••

Image satellite en fausses couleurs d’un épisode El Niño.

3Les chercheurs de l’IRD ont contribué à démontrer le rôle prépondérant du centre du Pacifique dans la mise en place de « l’effet boule de neige » menant au développement d’un épisode El Niño. Ces travaux, publiés à la fin des années 1990, ont permis de mieux comprendre les interactions océan-atmosphère responsables du développement d’El Niño. Aujourd’hui, l’IRD travaille toujours sur les multiples facettes de ce phénomène climatique, en particulier sur les deux « familles » d’El Niño, différenciant les extrêmes, aux impacts dévastateurs, et les autres, plus fréquents et cantonnés au Pacifique central. L’IRD a aussi contribué à montrer que les épisodes El Niño les plus extrêmes pourraient devenir bien plus fréquents d’ici la fin du xxi^e siècle. En outre, l’Institut joue un rôle moteur dans le remodelage en cours du système international d’observations de l’océan Pacifique.

« Le phénomène El Niño a des impacts importants au Pérou, il pose de ce fait de nombreuses questions scientifiques quant à sa dynamique, ses mécanismes et surtout, quant à sa prévisibilité dans le Pacifique oriental. El Niño génère en effet des événements extrêmes, avec des conséquences dévastatrices pour les populations et les infrastructures, et qui affectent, entre autres, les activités agricoles et la pêche au Pérou. En tant que chercheur dans le domaine, j’ai eu la chance de collaborer au Pérou avec des spécialistes internationaux grâce au soutien de l’IRD, et à profiter du modèle IRD d’expatriation et de formation d’étudiants qui, au-delà des publications scientifiques, permet d’appliquer les nouvelles connaissances à l’ensemble des activités… »
Ken Takahashi, directeur du Service météorologique et hydrologique national, Pérou