Chapitre 7. Territorialités amérindiennes et Terres indigènes en Amazonie brésilienne : continuité ou rupture ?
p. 187-214
Texte intégral
1Les aires protégées couvrent, au Brésil, sous dix-neuf statuts différents, près de 30 % de la superficie de la région amazonienne. Espaces de conservation, elles sont considérées à ce titre comme un instrument de blocage foncier à même de contenir l’avancée des fronts économiques et, ainsi, les processus de déforestation (Léna, 2005)1. Les habitants de ces aires protégées, lorsqu’ils sont tolérés, sont donc invités à une existence « entre soi et comme autrefois », selon un stéréotype d’immutabilité sociale souvent projeté spontanément sur les sociétés dites traditionnelles. On peut cependant penser, à l’inverse, que c’est la capacité de ces sociétés à ajuster sans cesse leur « manière d’être » en relation avec l’environnement naturel et avec les autres – à la fois en des termes qui font sens localement et dans un contexte actuel de changement accéléré – qui permet aux aires protégées habitées de continuer à tenir un rôle effectif dans la préservation de l’environnement. Le changement social, lorsque ses acteurs en maîtrisent la dynamique, peut ainsi devenir une garantie de la conservation environnementale.
2Exemple de ce renversement de perspective, nous présentons ici l’étude de deux sociétés amérindiennes d’Amazonie brésilienne à partir du village d’Apiahiki (dans la Terre indigène Yanomami) et de celui de Moikarakô (dans la Terre indigène Kayapó). L’analyse du processus historique à travers lequel le territoire traditionnellement labile de ces communautés a été circonscrit et légalisé sous forme d’aires protégées spécifiques (comme Terres indigènes) nous permet d’évaluer quelques-uns des effets que cette transformation apporte sur les modalités locales de gestion de l’espace et des ressources de la forêt tropicale. À travers ces exemples, nous nous efforçons de mettre en évidence de quelle manière de telles sociétés sont à même d’inventer des formes innovantes de « développement durable » répondant à la fois à leurs propres valeurs et aux exigences exogènes de conservation des aires protégées que sont devenus leurs territoires.
Territoires amérindiens et conservation en Amazonie brésilienne
Des aires protégées au statut singulier
3Les territoires amérindiens légalisés du Brésil, dits « Terres indigènes » (Terras Indígenas), jouissent d’un statut complexe, qui combine la protection sociale et culturelle des peuples qu’ils abritent et, indirectement, la préservation de l’environnement que ces peuples utilisent traditionnellement. Le cadre juridique de ces aires protégées est défini dans les articles 20 et 231 de la Constitution fédérale brésilienne de 1988, qui attribuent respectivement leur propriété à l’Union fédérale et leur usufruit exclusif aux populations amérindiennes qui les occupent.
4La Constitution brésilienne confère une définition très large aux Terres indigènes, englobant aussi bien les espaces occupés et exploités par les groupes amérindiens à un moment donné que tous ceux qui peuvent être considérés comme nécessaires à leur reproduction physique et culturelle. Cette définition extensive a sous-tendu une croissance très importante du nombre des territoires amérindiens reconnus en Amazonie, ainsi que de leur superficie. On peut ainsi estimer leur surface aujourd’hui à 1 038 000 km2, soit 20 % de l’Amazonie dite « légale »2 (fig. 1).
5Bien que leur statut ne relève pas explicitement de la conservation de l’environnement, les territoires amérindiens ont un poids fondamental dans le système brésilien d’aires protégées. Le dispositif fédéral et régional d’unités de conservation ne couvre, en effet, au Brésil, que 596 116 km2 en Amazonie, superficie qui, de plus, se superpose partiellement à celle de nombreuses Terres indigènes ou même avec des aires réservées à des usages incompatibles avec la protection de l’environnement (terres militaires et réserves d’orpaillage). La superficie de ces unités de conservation ne représente ainsi finalement que 9 % de l’Amazonie légale, deux fois moins que celle des Terres indigènes.
6Par ailleurs, des études récentes ont permis de commencer à quantifier ce qui était déjà largement perçu de manière empirique par les acteurs locaux, à savoir que le cadre juridique protégeant ces territoires et la présence de populations résidentes mobilisées par leur défense constituent un frein considérable au déboisement et aux incendies de forêt (Nepstad et al., 2006), et ce pour un investissement bien moindre de la part du gouvernement3. Il apparaît donc que les aires réservées les mieux « protégées » du point de vue de la conservation en Amazonie sont effectivement les territoires occupés par les groupes amérindiens et légalement reconnus comme Terres indigènes. Ces territoires devraient donc bel et bien être considérés comme une forme originale de protection de l’environnement.
7Dans ce contexte, tant l’administration officielle – ministère de l’Environnement, Fondation nationale de l’Indien (Funai) – que les acteurs non gouvernementaux ont de plus en plus tendance à reconnaître et valoriser la fonction de conservation des Terres indigènes. Les leaders amérindiens eux-mêmes ont intégré cet argumentaire à leurs discours revendicatifs ; vision qui, pour réductrice qu’elle soit de leur point de vue, leur permet d’accéder à la scène médiatique et politique nationale (Albert, 1993 ; 1997 ; Turner, 1999 ; Turner et Fajans-Turner, 2006).
Des aires protégées en devenir
8Malgré ce potentiel considérable en matière de conservation de l’environnement, les Terres indigènes n’en demeurent pas moins soumises à de fortes pressions qui pourraient, à moyen et long terme, remettre en cause leur intégrité. Les menaces environnementales que l’on peut discerner sont essentiellement de deux ordres : externes et internes.
9Les menaces externes correspondent soit à des incursions prédatrices, et le plus souvent illégales, destinées à exploiter des ressources disponibles dans les territoires amérindiens (bois précieux, or, diamants, minerai d’étain, etc.), soit à la réalisation d’infrastructures (routes, barrages, lignes électriques), soit, enfin, à l’avancée du front pionnier agricole (soja, élevage).
10Les menaces internes relèvent des conséquences induites par les changements démographiques et socio-économiques connus par les groupes amérindiens qui les occupent, en contact de plus en plus étroit avec la frontière économique régionale. La croissance démographique, le regroupement de l’habitat et la sédentarisation croissante, ainsi que les transformations des modes de vie et des activités productives de ces populations peuvent ainsi conduire à un appauvrissement des savoirs sur la nature, à un usage moins diversifié du milieu naturel et à la surexploitation de certaines ressources naturelles locales. Enfin, le risque de collusion des nouvelles élites politiques amérindiennes avec des agents économiques locaux (forestiers, orpailleurs) pour ouvrir l’accès aux ressources des Terres indigènes pourrait encore aggraver l’impact des menaces externes sur ces territoires protégés.
11Il est alors fondamental de s’interroger sur les conditions politiques et socio-économiques dans lesquelles les territoires amérindiens pourront, à long terme, continuer à tenir leur rôle d’aires protégées habitées en Amazonie brésilienne. D’autres travaux nous ont conduits à examiner ce problème sous un angle global (Albert, 2001 ; 2004 ; Le Tourneau, 2006). Nous nous efforçons de reprendre cette question au niveau local, en tentant de rendre compte de quelle manière deux sociétés amérindiennes spécifiques, les Yanomami et les Kayapó, qui jouissent au Brésil et dans le monde d’une notoriété considérable, s’efforcent de réagencer leur espace territorial et l’usage de ses ressources naturelles en fonction des menaces extérieures, des changements sociaux et des nouvelles opportunités qui leur sont offertes en matière de développement durable.
Yanomami et Kayapó : du territoire amérindien à la Terre indigène
La Terre indigène Yanomami
12La présence des Yanomami dans la région montagneuse formant la frontière entre le Brésil et le Venezuela (Serra Parima) a été peu à peu révélée au monde occidental à partir du xixe siècle par des explorateurs et des expéditions de délimitation des frontières. Le caractère particulièrement inaccessible de cette région a cependant fait qu’aucune tentative de pénétration par les sociétés brésilienne ou vénézuélienne n’y a été véritablement enregistrée avant les années 1970.
13Peu auparavant, dans les années 1950, l’installation de missions catholiques et protestantes avait créé les premiers points de contact permanent des Yanomami avec les Blancs, à la périphérie de leur territoire. Ces contacts demeureront toutefois très limités jusqu’à ce que, du côté brésilien, deux grandes vagues d’expansion ne viennent durement atteindre le territoire et la société yanomami.
14La première aura lieu entre 1973 et 1976, avec la construction d’une partie de la route Perimetral Norte, qui devait être une parallèle à la Transamazonienne, en rive gauche de l’Amazone. Lancé sans aucune mesure de précaution pour les communautés Yanomami qu’il allait croiser, le chantier entraîna la décimation ou la disparition pure et simple de plusieurs villages de la périphérie est du territoire yanomami, ainsi que la dispersion, sur une vaste échelle, d’épidémies (en particulier de rougeole et de grippe) qui atteignirent des villages très éloignés. Toutefois, faute de ressources financières, le gouvernement militaire brésilien abandonnera la route, qui ne sera finalement jamais achevée et ouverte au public, préservant de ce fait le territoire yanomami d’une invasion massive.
15Celle-ci aura lieu dix ans plus tard. Devant la révélation de la richesse aurifère des alluvions de la plupart des rivières qui irriguent les Terres yanomami depuis la Serra Parima, près de 40 000 chercheurs d’or envahiront le centre de ce territoire entre 1987 et 1990, causant la plus importante ruée vers l’or du xxe siècle. Là encore, les conséquences seront catastrophiques pour les Amérindiens, de très nombreux villages se trouvant décimés du fait de la propagation du paludisme (importé par les chercheurs d’or et disséminé à partir des placers) et/ou de la complète désorganisation du système traditionnel d’usage des ressources naturelles en raison de l’interférence des orpailleurs. On estime que près de 15 % de la population yanomami a pu disparaître durant les trois ans qu’a duré le pic de cette ruée vers l’or.
16Cette tragédie, dénoncée avec force par les ONG et la presse, nationales et internationales, a entraîné en retour, après l’intervention du Ministère public brésilien, le déblocage du dossier de création d’un territoire protégé pour les Yanomami. En 1992 sont donc officiellement fixées les limites d’un vaste territoire (environ 96 500 km2) dévolu aux ethnies Yanomami et Yekuana : la Terre indigène Yanomami (TIY) (fig. 2 « La Terre indigène Yanomami », cf. hors-texte).
17Même si cette décision n’a pas réglé tous les problèmes, elle a instauré un cadre juridique à partir duquel les organismes d’État ont pu être mobilisés, avec plus ou moins d’efficacité, pour résoudre des invasions limitées mais récurrentes d’orpailleurs et contenir la propagation du paludisme. Malgré sa précarité, l’assistance ainsi apportée a permis de redresser la situation de la plupart des communautés Yanomami, qui représentent aujourd’hui 249 groupes locaux, pour une population totale d’environ 15 500 personnes, en franche expansion démographique.
18Au-delà de leur lutte continue contre les invasions territoriales et l’amélioration de l’assistance sanitaire, la gestion de leur territoire et de ses ressources commence aujourd’hui à préoccuper les Yanomami, qui ont récemment créé au Brésil une association représentative de la plus grande partie de leurs communautés, la Hutukara (2004). En partenariat avec l’ONG Comissão Pró-Yanomami (CCPY), dont le rôle a été déterminant dans le long processus de la reconnaissance officielle de la Terre indigène, cette association cherche aujourd’hui à définir sa propre orientation en matière de développement social durable et à la mettre en œuvre grâce au financement (national et international) de « projets » éducatifs (réseau d’écoles en langue yanomami), sociaux (formation de cadres associatifs, réseau de radiophonie locale, divulgation culturelle) et environnementaux (reforestation, alternatives économiques). Toutefois, face à ces initiatives, un certain nombre de menaces externes sérieuses pèsent encore sur l’intégrité de ce territoire amérindien. Ce sont d’abord les invasions persistantes d’orpailleurs autour de la Serra Parima, dont les campements et placers constituent, entre autres maux, des foyers de propagation de maladies infectieuses et parasitaires (Albert et Le Tourneau, 2005). Ces problèmes sanitaires remettent régulièrement en danger des communautés entières et les obligent à des périodes plus ou moins longues de sédentarisation proche des postes de santé tout en paralysant leurs activités productives, notamment le cycle des travaux agricoles.
19Par ailleurs, les projets de colonisation agricole et d’élevage implantés depuis 1978 dans l’ouest de l’État de Roraima par des instituts fonciers fédéraux puis locaux – ainsi que les occupations illégales qui les accompagnent et prolongent considérablement leur extension – ont ouvert un front pionnier à la frontière est du territoire yanomami. Ce front pionnier, bien que peu dynamique, atteint les limites de la Terre indigène (Le Tourneau, 2003 ; Albert et Le Tourneau, 2004) et, dans certains cas, colons et éleveurs ont commencé à les franchir, comme dans la région sud-est du fleuve Ajarani. En plus de l’usage prédateur des ressources du territoire amérindien limitrophe (chasse, pêche, extraction de bois), ces agriculteurs et éleveurs, qui pratiquent des brûlis systématiques dans une région aux saisons sèches de plus en plus accentuées, provoquent, de façon récurrente, de vastes incendies de forêt (années 1998, 2003, 2007) qui affectent de manière directe et durable la biodiversité de cette zone limitrophe (Barbosa, 2003).
20Enfin, 54 % de la superficie de la Terre indigène Yanomami sont couverts par 640 demandes de permis de prospection ou d’exploitation industrielle enregistrés au Département national de production minière brésilien par un ensemble d’entreprises publiques et privées, nationales et multinationales (Ricardo et Rolla, 2005). Ces demandes et les projets législatifs destinés à réglementer les activités minières dans les territoires amérindiens constituent, à moyen et long terme, un défi considérable pour la préservation du milieu naturel de la Terre indigène Yanomami.
La Terre indigène Kayapó
21Les premières informations sur les Kayapó, qui s’auto-dénomment Mebêngôkre, datent du xixe siècle. Ils formaient alors trois grands groupes mutuellement hostiles, vivant à la charnière entre savanes de plateaux et forêts de plaines, entre les fleuves Araguaia, Tocantins et Xingú, au sud de leur localisation actuelle. Refusant tout contact pacifique, même avec les autres ethnies de la région, ils ont progressivement migré vers le nord et l’ouest dans des zones de forêt de terre ferme moins accessibles, à la suite de conflits les opposant d’abord à des trafiquants d’esclaves puis, plus tard, à des collecteurs de caoutchouc et de noix du Brésil.
22Les premiers à s’être engagés dans des relations moins conflictuelles avec les Blancs ont été très rapidement décimés par les épidémies. La plupart des Kayapó d’aujourd’hui sont donc les descendants des groupes qui n’ont accepté le « contact » avec la société régionale qu’à partir des années 1950, après une longue période de résistance. Ces premiers contacts, acceptés et vécus de manière variable selon les villages, ont été promus, dans la plu-part des cas, par les autorités régionales, à la suite des plaintes répétées d’une population locale toujours plus nombreuse à vouloir exploiter sans entraves les terres et les ressources de la région (peaux de félins, noix du Brésil, or). Il est admis que les dynamiques de conflits internes, scissions, mouvements migratoires et guerres (accentuées par l’acquisition récente d’armes à feu) ont été particulièrement intenses pour l’ensemble des Kayapó pendant la première moitié du xxe siècle (Turner, 1998).
23À partir des années 1960, la pacification des relations internes, l’accès progressif aux soins médicaux et l’amorce d’une reprise démographique n’ont pas écarté les menaces que faisait peser l’avancée de la société régionale sur les Terres kayapó, dont certaines régions sont, par ailleurs, devenues plus facilement accessibles. Dans les années 1970, l’ouverture de la route Brasília-Belém puis, dans la décennie suivante, celle de Xinguara à São Felix do Xingú – respectivement situées sur les marges est et nord du territoire kayapó – ont brutalement intensifié les contacts avec la société régionale, induit une fragmentation du territoire traditionnel et, dans certaines régions, favorisé l’entrée massive d’orpailleurs clandestins.
24Dans les années 1980 et 1990, les luttes des Kayapó pour la défense de leurs terres (expulsions de chercheurs d’or, mobilisation contre les projets de barrages sur le fleuve Xingú, etc.), menées par de grands leaders avec le soutien de nombreuses ONG indigénistes et écologistes, ainsi que de personnalités du show business, ont permis de mobiliser une attention médiatique nationale et internationale considérable sur leur situation et d’accélérer le processus de reconnaissance légale de leurs territoires sous forme de Terres indigènes (Turner, 1999). Cette période est aussi celle, pour certains villages kayapó, des premières expériences de partenariat sur des projets socio-environnementaux avec l’appui d’ONG ou d’entreprises privées. La population kayapó actuelle peut être estimée à environ 7 400 personnes. Elle se répartit en une vingtaine de villages jouissant d’une relative autonomie politique et dispersés dans un ensemble de sept Terres indigènes contiguës ou non, dotées de caractéristiques écologiques différentes, et pour la plupart déjà homologuées4. Ce territoire, situé sur les deux rives du fleuve Xingú, affluent sud de l’Amazone, représente un total de 130 000 km2 (fig. 3 « La Terre indigène Kayapó dans son contexte régional », cf. hors-texte). Pour autant, la reconnaissance légale des droits territoriaux des Kayapó n’a pas épuisé les menaces qui pèsent sur leurs terres.
25Pendant les années 1990, la participation des Kayapó à l’exploitation illégale du bois d’acajou (Switenia macrophylla) a suscité de nombreuses polémiques, autant parmi les sympathisants de la cause amérindienne et les défenseurs de l’Amazonie – auprès desquels cette ethnie avait acquis une réputation « écologiste » – qu’au sein même de la société mebêngôkre. Sur le plan interne en effet, les modalités des relations à adopter avec les Blancs n’ont jamais fait l’unanimité ; ces divergences causèrent divers épisodes de révolte des « gens du commun » opposés aux initiatives de certains leaders qui traitaient avec les exploitants de bois (Fisher, 2000), des scissions ou des manœuvres de mise en marge des villages trop engagés dans ce commerce illégal. En même temps, le bois qui n’était pas vendu était simplement volé par les exploitants forestiers alors que les bénéfices de sa vente ont parfois servi à financer des opérations de surveillance de la Terre indigène et de communication politique avec l’extérieur. Militer d’un côté avec les écologistes et négocier de l’autre avec les exploitants n’est pas nécessairement pensé comme un paradoxe. Depuis quelques années, les transactions avec les forestiers ont été interrompues, autant en raison de nouvelles alliances unissant la plupart des villages kayapó à deux grandes ONG (Instituto Raoni et Conservation International) (Schwartzman et Zimmerman, 2005) qu’en fonction de l’épuisement progressif de la ressource.
26Les années 2000 se caractérisent par un abandon des liens avec les activités prédatrices des forestiers et des orpailleurs, et par une multiplication des associations amérindiennes, fondées dans chaque village ou presque, avec l’objectif d’obtenir des financements publics et privés pour la mise en place de projets économiques, sociaux et culturels. Ces projets de développement durable ont pu favoriser des processus de différenciation mais tiennent aujourd’hui un rôle central dans la politique interne des Mebêngôkre. Associés aux revenus de quelques pensions de retraites5 et salaires (instituteurs, infirmiers, employés de la Funai), ils permettent d’obtenir, comme chez les Yanomami, mais à une échelle plus importante, l’essentiel des biens de consommation nécessaires aux Kayapó. Ils renforcent les liens de cette ethnie avec les ONG qui opèrent dans la région et, depuis une période très récente, ont tendance à induire une dynamique de concertation entre les différents villages au sein d’actions communes (Zimmerman et al., 2006). Ces projets sont élaborés autour de trois thématiques : santé et éducation, alternatives économiques durables et surveillance des frontières territoriales.
27Les menaces actuelles sont donc liées au front pionnier agricole, avec les feux annuels qui menacent les marges est et nord, et avec l’installation de pâturages clandestins dans la forêt. Elles risquent d’autant plus de compromettre les lieux de vie et de bouleverser les usages traditionnels du milieu que les pressions de la frontière économique régionale s’intensifient avec l’ouverture ou la réhabilitation d’axes routiers comme la BR1636.
L’espace de la forêt à Apiahiki (Yanomami) et Moikarakô (Kayapó)
28Après ce rappel du contexte de création des deux Terres indigènes objets de notre étude et la description de leur insertion régionale, nous présentons ici une esquisse des modèles d’usage des ressources naturelles qui caractérisent ces deux « aires protégées habitées ». C’est en effet à partir de tels systèmes locaux et de leurs capacités d’adaptation à des situations nouvelles qu’il sera ou non possible de garantir, à moyen et long terme, la préservation de l’environnement naturel des Terres indigènes.
29La complexe dynamique migratoire des villages yanomami et kayapó à la recherche d’une distance satisfaisante avec la frontière économique régionale a été pour ces groupes l’une des clés de leur adaptation aux changements historiques auxquels ils se sont vus confrontés depuis plus d’un demi-siècle. Dans cette perspective, on peut aujourd’hui considérer que le réaménagement interne de leurs modèles d’usage de l’espace joue, après l’homologation de leurs terres au titre d’aires protégées, le même rôle sur le plan environnemental.
Parcours, lieux et ressources : usages traditionnels de l’espace forestier
30Fruits de l’adaptation de systèmes traditionnels à la conjoncture actuelle, les configurations que nous avons étudiées dans les deux villages d’Apiahiki et Moikarakô se ressemblent sur de nombreux points. Nous décrivons ici un certain nombre de leurs caractéristiques. Ce faisant, il s’agira d’apprécier dans quelle mesure espace et mobilité peuvent constituer des variables fondamentales de la durabilité de tels systèmes amérindiens d’exploitation des ressources naturelles de la forêt tropicale.
31La forêt et les jardins fournissent aux deux villages l’essentiel des ressources consommées par leurs habitants. De la forêt sont tirées des ressources alimentaires (par la cueillette, la pêche et la chasse), des matériaux pour la construction des maisons et la confection de divers ustensiles (arcs, paniers, outils, embarcations) et objets rituels (ornements, massues), ainsi qu’un certain nombre de plantes médicinales et autres végétaux dotés de principes actifs (psychotropes, stimulants, poisons de pêche). Des jardins viennent des plantes alimentaires (manioc, banane, patate douce, igname, canne à sucre, maïs, papaye...), mais également du tabac, des cannes à flèches, du coton (hamacs et ornements à Apiahiki) et des fibres (corderie), ainsi qu’un ensemble de plantes utilisées comme remèdes ou à des fins propitiatoires ou de sorcellerie7. Comme on le comprend, jardins et forêt constituent un ensemble qui se situe au cœur de la vie économique et sociale des deux villages.
32Les jardins sont en général situés à proximité du village, mais la disponibilité de sols de bonne qualité peut inciter parfois à l’ouverture de cultures plus lointaines (jusqu’à deux kilomètres à Moikarakô). Un ensemble de chemins relie tous les jardins au village. Ce réseau parcourt souvent aussi d’anciens sites agricoles laissés en jachère, qui continuent d’être utilisés pour des végétaux encore productifs et pourront plus tard être replantés. Il se prolonge par des sentiers qui maillent la forêt autour des deux villages et permettent l’accès à des ressources localisées (concentration d’arbres fruitiers) ou non (chasse au gros gibier, collecte de petits animaux, pêche à la nivrée) (fig. 4).
Figure 4. Présentation schématique des usages quotidiens et occasionnels de l’espace forestier.
33Dans le cas des villages yanomami comme celui d’Apiahiki, ce réseau de chemins forestiers part du village pour traverser les jardins et relier un ensemble complexe de sites de chasse, pêche et collecte. Il aboutit, dans son extension maximale, à des campements destinés aux expéditions collectives de chasse et de collecte de longue durée (Albert et Le Tourneau, 2007). Dans le cas de Moikarakô, le réseau actuel des chemins régulièrement parcourus par les jeunes générations devenues sédentaires apparaît beaucoup plus restreint que chez les Yanomami. Toutefois, les sites occupés et les chemins parcourus dans les dernières décennies par les actuels habitants du village montrent au contraire une large extension spatiale au sein de la Terre indigène Kayapó (TIK) et sont susceptibles d’être réactivés à tout moment par les Kayapó, comme cela est actuellement le cas dans le cadre d’un projet de surveillance des frontières et de commercialisation de la noix du Pará.
34Le rôle des cours d’eau est inégal entre les deux villages. Les Kayapó de Moikarakô font aujourd’hui un usage intensif de la rivière qui longe le village, pêchant en amont ou en aval sur près de six kilomètres avec leurs pirogues traditionnelles (et plus loin lorsque l’essence est disponible pour les moteurs des canots en aluminium). Ce n’était pas le cas dans leur premier village situé au bord d’un cours d’eau mineur : les femmes et les enfants y étaient plus assidus à la pêche, les hommes plus souvent à la chasse. La rivière constitue, par ailleurs, une artère de communication importante avec les villages situés à plusieurs jours en amont ou en aval. Les chemins de terre étant peu fréquentés pour réaliser des visites à d’autres communautés, on préfère l’avion ou le bateau.
35À Apiahiki, la présence d’un cours d’eau plus important a certes modifié l’attitude des Yanomami, issus des hautes terres de l’interfluve Orénoque-Amazone et, de ce fait, traditionnellement peu versés dans les techniques de navigation. Pour autant, si la pêche (à la ligne, masculine) joue aujourd’hui un certain rôle dans l’approvisionnement du village, elle ne possède pas le prestige de la chasse, et les déplacements en pirogue monoxyle (ou canot d’aluminium des services de santé) demeurent limités. Les voyages entre les communautés et l’essentiel des activités économiques sont menés dans le cadre du réseau des sentiers qui parcourent la région.
36Tant à Moikarakô qu’à Apiahiki, réseau de chemins forestiers et réseau hydrographique permettent donc de drainer sur un vaste territoire autour du village les ressources nécessaires à la vie des populations locales ; cela tout en maintenant une pression faible sur les ressources naturelles disponibles et en préservant les dynamiques écologiques de la zone exploitée. Un tel maillage exclut en effet de tout parcours humain de vastes espaces qui peuvent faire office de zones de refuges et de reproduction pour le gibier. Par ailleurs, l’usage que les deux communautés font de leur espace n’est pas intensif. Aucune ne cherche à marquer et exploiter de manière exhaustive les ressources disponibles ou à circonscrire le territoire et à se l’approprier de façon systématique. Les ressources repérées et prélevées correspondent à ce qui est nécessaire à un moment donné pour l’approvisionnement de la communauté, sans que l’on cherche à générer des excédents à des fins de stockage ou de commercialisation.
37Dans ce système, il est fondamental de comprendre que la forêt ne constitue pas une entité valorisée en soi, que l’on opposerait à l’espace du village ou à celui des jardins. Il s’agit au contraire d’une totalité dans laquelle s’intègre (discrètement) le mode de vie des humains (et non-humains) qui en dépend. Ainsi, en estompant la cassure entre domestique et sauvage, ou entre naturel et culturel, les deux sociétés ne laissent aucune place à une pensée axée sur la préservation de l’environnement. Ce dernier est vécu comme une composante interne et une condition première de l’existence humaine. Sa destruction est tout simplement impensable, à moins d’un bouleversement cosmologique et d’une disparition de l’humanité. Cette absence de distinction ontologique locale entre nature et société n’exclut évidemment pas, sur le plan interethnique, l’élaboration et l’usage d’un discours politique de compromis qui prenne en compte les conceptions écologistes de leurs interlocuteurs sur le marché des projets de développement durable ; cela en dépit de leur profonde incompatibilité culturelle8.
Terres indigènes et réaménagements des systèmes spatiaux traditionnels
38L’intensification du contact avec les Blancs et la circonscription des territoires a induit un certain nombre de nouvelles contraintes sur ce modèle traditionnel d’usage de l’espace dans les deux villages, mettant au défi ses capacités d’adaptation. La pratique à la fois réticulaire et temporaire du territoire s’est révélée particulièrement souple dans la mesure où, conservant toujours de l’espace en réserve, elle permet des stratégies d’usages alternatifs lorsque le besoin s’en fait sentir. Ce système à géométrie variable s’ajuste au contexte écologique, social et politique. Ainsi, selon les époques, le dosage relatif des conditions de sédentarité et de mobilité facilite-t-il le redéploiement des réseaux de chemins dans les espaces disponibles en fonction des besoins.
39Dans le cas d’Apiahiki, on constate par exemple que le groupe se voit confronté à deux types de contraintes, externes et internes. Il est limité dans ses déplacements par la présence au sud du poste de santé de la Fondation nationale de santé (Funasa), dont il est dépendant en matière de soins et d’accès à un certain nombre de marchandises indispensables (outils métalliques, marmites, vêtements, sel...). Il se trouve par ailleurs également circonscrit par plusieurs groupes voisins établis dans la région et leurs propres réseaux de chemins et camps de chasse. Dans ce contexte, Apiahiki, devant faire face à la raréfaction de ses ressources, a choisi à la fois de redéployer ses réseaux de chemins dans un long « couloir » orienté vers le nord (faisant ainsi retour sur une trajectoire migratoire ancienne) et d’établir à son extrémité une seconde maison temporaire (Sinatha 2). Cette maison satellite, associée à des jardins, habitée plusieurs mois par an, constitue une « résidence secondaire » également utilisée comme base d’expéditions collective de chasse et de collecte dans une zone riche en gibier et en arbres fruitiers. Un tel dispositif résidentiel bicentré constitue une variante par dédoublement du modèle spatial yanomami traditionnel (une habitation collective, maison principale, et un ou plusieurs campements forestiers satellites) ; variante qui permet d’optimiser de façon durable l’usage des ressources dans une zone circonscrite en jouant sur la spatialité et la temporalité des activités productives. La logique labile qui sous-tend la territorialité yanomami permet ainsi une gestion fine et pérenne des réserves d’espace forestier de la région sans avoir besoin de recourir au cadre conceptuel et institutionnel de nos unités de conservation, à la fois socialement contraignant et culturellement exogène (fig. 5 : « Apiahiki et son réseau de chemins forestiers », cf. hors-texte).
40Le village de Moikarakô, quant à lui, n’est établi sur son site actuel que depuis cinq ans ; son territoire se trouve au cœur de la Terre indigène, loin des limites de l’aire protégée et, de ce fait, peu exposé aux pressions extérieures. Les habitants ne perçoivent pas encore de manière préoccupante les effets de la sédentarité sur la disponibilité des ressources autour du village. De plus, l’ouverture récente de nouveaux jardins sur la berge opposée et la réalisation de chasses collectives rituelles sur le territoire du village voisin montrent que les frontières internes séparant les territoires de ces communautés restent flexibles et négociables, ce qui n’a pas toujours été le cas au temps de l’acajou. Enfin, le site originel de Moikarakô continue d’être utilisé comme un village secondaire. Cette nouvelle configuration d’usage de l’espace constitue, toutefois, une sorte de transposition du modèle kayapó traditionnel de circulation entre un grand village principal, des villages satellites plus petits et des campements en forêt (Verswijver, 1992) ; ce modèle est aujourd’hui tombé en désuétude. Dans la même perspective, il faut encore prendre en considération les quelques « maisons d’accueil » (association, missions, hôpital, etc.) qui abritent temporairement les habitants de Moikarakô dans les centres urbains limitrophes puisque la ville, à l’instar de la forêt, est devenue un lieu d’approvisionnement. Passant outre les limitations imposées par la création de l’aire protégée, les Kayapó tendent à maintenir la territorialité extensive qui leur est chère (De Robert, 2004).
Terres indigènes et acteurs de développement
41Outre les Amérindiens eux-mêmes, un certain nombre d’acteurs exercent une influence dans la gestion durable du milieu naturel des Terres indigènes et sur la conservation de leurs ressources. Ces acteurs, dont les interventions (projets) s’articulent généralement à l’économie des communautés locales, sont de trois types : les administrations gouvernementales, les ONG (nationales ou étrangères) et les « associations indigènes » (associações indígenas). Ils peuvent agir dans ces aires protégées en collaboration, de manière indépendante ou concurrente. Le poids relatif de chacun tend à fluctuer en fonction des périodes. On constate cependant une tendance marquée à l’expansion du secteur non gouvernemental et un certain retrait de l’action, au moins directe, du secteur public. Par ailleurs, au sein des ONG, les associations amérindiennes, qui se multiplient depuis les années 1990, ont une influence croissante (Albert, 2001).
Les organismes gouvernementaux
42La garantie de l’intégrité des Terres indigènes est placée sous la responsabilité de la Funai, qui dépend du ministère de la Justice9.
43Le contrôle territorial exercé par la Funai via son réseau de « postes indigènes » reste cependant assez théorique, car cet organisme n’a en aucune manière les moyens budgétaires d’assurer un dispositif de vigilance efficace susceptible de garantir les frontières des 592 Terres indigènes du pays.
44Malgré ses limitations institutionnelles évidentes, la Funai demeure souvent localement un acteur important, parfois seul référent de l’État, à la fois face aux intérêts privés de l’économie régionale (qu’elle a le plus grand mal à contenir, quand elle ne se fait pas leur complice), aux abus missionnaires et aux initiatives des ONG (dont elle contrôle les activités, parfois plus par corporatisme que par souci des intérêts amérindiens). Par ailleurs, c’est souvent à partir des premières initiatives de reconnaissance territoriale de la Funai, contestées et/ou réappropriées par les mobilisations politiques amérindiennes et les ONG indigénistes, que la légalisation de nombre de Terres indigènes a pu aboutir depuis les années 1970. Enfin, beaucoup de groupes amérindiens – comme les Kayapó et, dans une moindre mesure, les Yanomami – ont réussi à imposer certains des leurs comme chefs de poste de la Funai, s’appropriant ainsi cette fonction issue de la tutelle étatique à la fois pour élargir leur autonomie et en faire un nouvel enjeu de leur champ politique.
45Sur le plan de la gestion des ressources, les initiatives historiques de la Funai se sont souvent révélées désastreuses, qu’elles aient été basées sur l’implantation d’un modèle de colonies agricoles (centrées autour du « poste indigène ») complètement inadapté aux communautés amérindiennes (culture du riz, des haricots rouges, élevage) ou sur des projets extractivistes basés sur le modèle régional d’exploitation paternaliste traditionnel. Quelques vestiges de ces initiatives sont encore en vigueur dans certaines régions du territoire yanomami (agriculture et élevage sur le cours inférieur du fleuve Mucajaí, collecte des fibres de palmier Leopoldina piassaba dans la région du fleuve Negro). Toutefois, le réseau de « postes indigènes » de la Funai a régressé à tel point dans la TIY depuis les années 1980 que son impact y est aujourd’hui extrêmement réduit.
46Les Kayapó de la TIK, au contraire, se sont trouvés impliqués dans de nombreux « projets de développement communautaires » organisés par l’administration locale de la Funai installée en ville (Redenção) et qui a longtemps été un interlocuteur unique du « contexte relationnel kayapó » (Inglez de Souza, 2006). Pour l’essentiel, ces projets ont soutenu des expéditions collectives de collecte de noix du Pará, commercialisées sur le marché régional, la Funai prenant par exemple en charge le combustible pour le transport par voie fluviale. Ils ont également suscité l’ouverture de « jardins communautaires », surtout destinés à l’autoconsommation, pour lesquels la Funai fournissait semences (riz, haricots) et outils. On peut considérer que cette dernière initiative a eu un impact durable sur l’agriculture kayapó : le riz a acquis aujourd’hui une place qui lui est propre dans l’organisation des espaces cultivés et dans la nomenclature botanique kayapó, en même temps qu’il s’est imposé comme un aliment de choix (raison pour laquelle il est souvent acheté en ville). Toutefois, à Moikarakô, le riz ne supplante en rien les cultures locales et ne suscite aucune ambition d’intensification agricole ou de commercialisation. Sa culture reste cantonnée au cadre et à la périodicité des « projets riz » financés par la Funai, quand toutefois ils sont menés à terme. Au contraire, machettes et brouettes obtenues grâce au financement du projet sont utilisées, par exemple, pour la culture des patates douces et le transport de pierres pour les fours traditionnels. Ainsi, les « projets de développement communautaire » de la Funai sont-ils, en général, détournés dans le cadre de stratégies d’acquisition de biens manufacturés et réinscrits dans les jeux de la politique locale. Leur impact est cependant de moins en moins significatif, dans la mesure où les moyens de cette administration vont en diminuant.
Les ONG et les associations indigènes
47Les ONG directement actives dans les deux territoires amérindiens peuvent être distinguées selon deux catégories : nationales ou internationales. La TIY offre un exemple de structure nationale, quoique son action environnementale soit encore modeste, avec la CCPY. Fondée en 1978, cette ONG brésilienne est dotée d’une forte légitimité historique de par son engagement dans la lutte pour la délimitation de la TIY, le soutien à l’organisation politique des Yanomami et l’implantation de nombreux projets de terrain, notamment dans les domaines sanitaire et éducatif depuis trois décennies. Sur le plan environnemental, les initiatives de la CCPY sont plus récentes (années 1990) et, délibérément, de moindre intensité.
48Cette organisation a ainsi eu pour stratégie de limiter ses interventions à quelques régions du territoire yanomami susceptibles de dégradation environnementale en fonction de la sédentarité croissante et de l’essor démographique de certaines communautés ou de régions déjà dégradées par des interventions extérieures. Dans ce contexte, la communauté d’Apiahiki est impliquée à la fois dans un projet de plantation d’arbres fruitiers (natifs et importés) et un projet d’apiculture, tous deux destinés à renforcer la disponibilité des ressources alimentaires de la communauté dans sa résidence principale. Ces petits projets sont plus conçus dans une perspective de complémentarité entre le village principal et son satellite (Sinatha 2) que dans celle d’une intervention destinée à piloter l’économie locale en matière de développement durable. Ils sont essentiellement financés par des fonds émanant du ministère brésilien de l’Environnement à travers son programme de Projets démonstratifs10 et, à partir de 2000, de son sous-programme de Projets démonstratifs des peuples indigènes.
49Dans la TIK, c’est une ONG internationale, Conservation International (CI), qui est présente depuis 1992 et a financé d’abord un projet de recherche (Projet Pinkaiti) restreint au seul village de A’Ukre (Schwartzman et Zimmerman, 2005). Il s’agissait alors de créer une sorte de sanctuaire au sein de la Terre indigène, soit un espace de 8 000 hectares situé à une quinzaine de kilomètres du village kayapó, exclusivement réservé à la conservation et à la recherche scientifique (biologie), en échange du paiement de taxes et de salaires aux Indiens.
50L’objectif affiché, voire exclusif, de CI reste la protection de l’environnement. Cependant, cette organisation semble faire preuve, dans ses actions avec les Kayapó, d’une évolution vers un investissement plus soutenu en faveur du développement durable, avec une prise en compte des priorités imposées par la société mebêngôkre elle-même. Au terme de longues négociations et d’un élargissement de ses thèmes et lieux d’intervention depuis l’an 2000, CI finance aujourd’hui des projets des deux plus importantes associations kayapó : l’Association Floresta Protegida, créée avec l’appui de CI, qui réunit maintenant la plupart des villages de la TIK, et l’Instituto Raoni, dans laquelle se retrouvent les villages kayapó du Mato Grosso.
51Ces deux associations travaillent depuis peu au sein d’un projet commun, le « Projet Kayapó », dont les principaux objectifs sont la surveillance du territoire (en collaboration avec la Funai), la mise en place de projets économiques alternatifs et, à plus long terme, l’éducation et la santé. Il nous semble que si ces initiatives ont des chances de donner des résultats du point de vue de la conservation, c’est paradoxalement parce qu’elles sont d’ores et déjà appropriées par les Kayapó avec des motivations éloignées d’un quelconque « sauvetage de l’environnement ». En effet, les réunions destinées à l’ensemble des leaders mebêngôkre pour soutenir leurs actions politiques dans le cadre du projet, les formations collectives et la réactivation des expéditions traditionnelles loin des villages, prévues pour la surveillance territoriale ou les alternatives économiques, semblent bien favoriser dans un premier temps un mouvement de revitalisation politique et de réappropriation territoriale. En somme, l’une des grandes réussites du « projet Kayapó » serait de servir habilement les jeux de la politique interne, de façon à réunir autour d’un même objectif – notamment grâce au travail de leaders particulièrement charismatiques – les représentants de l’ensemble des villages kayapó dispersés dans les différentes Terres indigènes, habitués à une grande autonomie politique et engagés depuis quelques années dans de nombreuses associations aux intérêts souvent concurrents.
52En effet, la plupart des autres associations kayapó ont été fondées à partir de l’année 2000 dans le cadre de la réforme de décentralisation des services de santé destinés aux Amérindiens par la Funasa. Elles ne développent donc pas de projets liés directement à la protection de l’environnement. Toutefois, si leurs initiatives en matière sanitaire (construction de postes de santé, de puits et de systèmes d’adduction d’eau ; opérations de désinsectisation) semblent devoir induire une plus grande sédentarité dans la TIK, elles constituent inversement pour les Kayapó à la fois un vecteur d’élargissement de leur espace social en direction des centres urbains et un moyen de résolution de leurs conflits internes. Les différends politiques entre communautés, voire au sein même des villages, donnent lieu à un mouvement de création de nouvelles associations qui remplace, en quelque sorte, les scissions et migrations d’autrefois (De Robert, sous presse). Cette dynamique ouvre ainsi de nouveaux espaces à l’extérieur de la TIK : alors qu’il n’y avait qu’une association en 1998 à Redenção, elles sont plus d’une dizaine aujourd’hui qui siègent entre les villes de Redenção, Ourilandia, Tucumã, Colider, Marabá et São Felix do Xingú (Inglez De Souza, 2006).
53Les Yanomami se sont volontairement dotés, au contraire, d’une association unique qui se veut représentative de l’ensemble des régions de la TIY (novembre 2004). Il s’agit de la Hutukara, dont le siège est à Boa Vista, capitale de l’État de Roraima. Le choix de la structure de ce modèle associatif centralisé englobant la totalité de la TIY (une seule organisation dotée de 27 délégués régionaux), tient beaucoup à la longue lutte (1977 à 1992) menée contre la fragmentation du territoire yanomami par la CCPY et, à partir des années 1980, par les Yanomami eux-mêmes. La Hutukara a, depuis sa fondation, concentré ses projets sur sa consolidation institutionnelle et politique (installation de son siège en ville, réseau de radios dans les régions, formation administrative et juridique de ses cadres, opérations de divulgation et d’intervention politique). Elle n’a pas, pour l’instant, d’activité directe de gestion de l’environnement dans la TIY (elle a, par contre, vocation à reprendre les projets de la CCPY à moyen terme). L’essentiel de ses activités sur le terrain porte cependant sur la vigilance territoriale, assurant via son système radio un contrôle permanent des invasions dans la TIY. Comme dans le cas kayapó, donc, l’adoption de la forme associative par les Yanomami correspond à la fois à une volonté de protection territoriale – dont un des effets majeur est la conservation de l’environnement local face à l’avancée de la frontière économique régionale – et à la nécessité de se donner les moyens politiques de cette protection par une extension de l’espace social et politique traditionnel (en territoire forestier) vers les centres urbains circonvoisins.
Conclusion
54Les Terres indigènes d’Amazonie brésilienne n’ont pas été créées dans le but de protéger l’environnement de la région, mais dans celui de garantir aux Amérindiens leurs droits historiques sur des espaces préservés au sein desquels ils puissent maintenir leurs formes particulières d’organisation sociale et la maîtrise des changements qu’ils pourraient souhaiter leur apporter (Constitution de 1988). Pour autant, bien que ces dispositions juridiques n’aient pas été directement motivées par une politique de protection de l’environnement, il n’en reste pas moins que, du fait des systèmes productifs amérindiens et de leur faible densité démographique, les Terres indigènes fonctionnent aujourd’hui comme des îles de préservation face aux fronts pionniers régionaux. En revanche, il est évident que la pérennité de cette fonction objective de conservation ne pourra se voir garantie que si les systèmes amérindiens d’usage des ressources naturelles ne subissent pas des transformations telles que leurs caractéristiques de bas impact écologique se trouvent remises en question.
55Dans ce contexte, on peut s’interroger sur certains effets écologiquement pervers des changements sociaux en cours – comme la sédentarisation des villages ou leurs contacts économiques croissants avec la frontière régionale –, effets qui semblent renforcés par la mise en place des aires protégées et par les politiques ou actions qui leur sont associées. Pourtant, force est de constater que les communautés amérindiennes étudiées, pour lesquelles l’environnement forestier constitue un élément vital, n’ont de cesse de réajuster leurs modèles d’organisation spatiale et socioéconomique de manière à contrebalancer ces effets pervers du contact, y compris dans ses aspects les plus récents, induits par la circonscription de leur territoire à titre d’aire protégée. Nous avons évoqué la diversité et la complexité de ces ajustements à Apiahiki et Moikarakô, où se sont développées de multiples stratégies dans ce sens, telles que redéploiements des réseaux de chemins forestiers, instauration de système de double résidence, métabolisation culturelle des projets de développement gouvernementaux ou non gouvernementaux, extension de réseaux associatifs et appropriation de nouveaux espaces sociaux interethniques.
56Ces réaménagements témoignent de l’adaptabilité et de la créativité remarquables des systèmes sociaux et économiques autochtones, mais également de la persistance des paramètres fondamentaux qui constituent les bases de l’organisation et de la reproduction de la « durabilité » de ces sociétés. Ainsi, dispersion et mobilité apparaissent-elles, dans ce système à géométrie variable, comme des valeurs constantes, garantes du maintien des usages de l’espace forestier tropical et de ses ressources. Eu égard à l’importance géographique et écologique des Terres indigènes dans le dispositif de protection de l’environnement de l’Amazonie brésilienne, il s’avère donc crucial de mieux comprendre et de favoriser la prise en compte de ces dimensions nouvelles de la territorialité amérindienne dans les politiques de développement durable de la région.
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Notes de bas de page
1 Les recherches qui sont à l’origine de ce texte ont été réalisées dans le cadre de l’UR 169 IRD-Muséum national d´histoire naturelle, de l’Action transdépartementale incitative (ATI) « Aires protégées » de l’IRD et du partenariat de l’UR 169 au Brésil avec l’Instituto Socioambiental de São Paulo (B. Albert) et l’université fédérale de Rio de Janeiro-Laget (P. de Robert, A.-E. Laques).
2 L’« Amazonie légale » comprend les six États de la région Nord du pays (Amapá, Pará, Roraima, Amazonas, Acre et Rondônia) ainsi que le nouvel État du Tocantins, l’ouest du Maranhão et le nord du Mato Grosso. Cette région administrative s’étend sur environ cinq millions de km2 (presque 59 % de la superficie du pays).
3 Étude conjointe de l’ONG américaine The Nature Conservancy et de la Coordination des organisations indigènes de l´Amazonie brésilienne (COIAB). Voir http://www.coiab.com.br/jornal.php?id=379.
4 L’« homologation » est le dernier stade du processus de reconnaissance légale d’un territoire amérindien au Brésil.
5 Les Amérindiens peuvent avoir accès, comme d’autres agriculteurs brésiliens, à un système de « retraite rurale » (aposentadoria rural).
6 Les habitants de la Terre indigène Bau, territoire kayapó situé le plus à l’ouest, ont déjà eu à subir les conséquences de cette pression territoriale qui va en s’intensifiant lorsque, en 2003, après une dizaine d´années de conflits avec les exploitants de bois, orpailleurs, éleveurs et politiciens de la région, ainsi qu´une longue action en justice, leur territoire a été réduit par l’État brésilien de près de 300 000 ha (Inglez de Souza, 2006).
7 Sur l’usage des ressources végétales chez les Yanomami et les Kayapó, voir, respectivement, Albert et al. (sous presse) et Posey (2002).
8 Voir Albert (1993) sur la traduction écologiste des conceptions chamaniques yanomami face à la dévastation de la forêt par les orpailleurs à la fin des années 1980 et Albert (1997 : 193-198) sur l’éco-ethnicité rituelle kayapó.
9 La Funai, depuis le « statut de l’Indien » de 1973, exerce une tutelle sur les Amérindiens du Brésil. Cette attribution devrait se voir révoquée lorsque sera voté un nouveau texte juridique en chantier, le « statut des sociétés indigènes ».
10 Ce programme a été créé en 1995 avec l’appui financier de la coopération internationale des pays du PPG7 (Programme pilote pour la protection des forêts tropicales) et, notamment, de la coopération allemande.
Auteurs
bruce.albert@ird.fr
Bruce Albert anthropologue, directeur de recherche à l’IRD, travaille depuis 1975 sur divers domaines de l´ethnographie des Indiens Yanomami au Brésil (organisation sociale et rituelle, ethnogéographie et changement social). Il s’intéresse aux associations amérindiennes et aux politiques de développement durable local en Amazonie. Il a publié de nombreux articles et ouvrages sur les Yanomami, la situation des Indiens d´Amazonie brésilienne et l´éthique de la recherche anthropologique.
probert@mnhn.fr
Pascale De Robert anthropologue et écologue, est chargée de recherche à l’IRD. Elle s’intéresse à l’évolution des rapports nature/société dans les Andes et en Amazonie et travaille plus spécifiquement avec les Kayapó depuis 1998. Elle a mené des recherches sur les recompositions sociales et territoriales liées à l’exploitation ou à la conservation des ressources dans les terres indigènes, et participe actuellement à des programmes de recherche concernant l’agro-biodiversité et le développement durable chez les Kayapó.
anne-elisabeth.laques@univ-avignon.fr
Anne-Élisabeth Laques est géographe, maître de conférences à l’université d’Avignon et détachée auprès de l’IRD depuis 2004. Spécialiste en analyse du paysage, elle utilise les images de satellite à différentes échelles pour définir les indicateurs de dynamiques socio-environnementales et les mettre en carte. Elle travaille notamment sur des territoires peu renseignés, comme les terres indigènes, ou soumis à des transformations rapides, comme les fronts de colonisation.
fmltosny@gmail.com
François-Michel Le Tourneau géographe, chargé de recherche au CNRS, travaille au Credal (UMR 7169) et est actuellement chercheur invité à l’université de Brasilia. Il est spécialisé dans l’étude des dynamiques territoriales de l’Amazonie brésilienne et travaille principalement sur les populations traditionnelles et leurs pratiques spatiales.
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