Chapitre 2. Aires marines protégées et gouvernance : contributions des disévolution pluridisciplinaireciplines et
p. 55-81
Texte intégral
1Dans la nébuleuse d’acteurs et de processus liés à la gouvernance des aires protégées, il est une place particulière pour les aires marines protégées (AMP). Selon la définition usuelle de l’UICN, les AMP ne concerneraient que le milieu marin1. Nous intégrons à cette catégorie les aires protégées marines et côtières (APMC), qui englobent à la fois des composantes marines et terrestres.
2Depuis une trentaine d’années, le nombre des aires marines protégées croît rapidement dans la zone intertropicale, où les enjeux de conservation de la biodiversité marine sont encore plus aigus qu’ailleurs. De 118 en 1970, il passe à 319 en 1980 (Silva et al., 1986), pour atteindre plus de 1 300 en 1995 (Kelleher et al., 1995), dont 400 concernent les seuls récifs coralliens (Salvat et al., 2002). En 2003, lors du Congrès mondial des parcs organisé à Durban par l’UICN, l’objectif de classement de 20 % des eaux marines mondiales en AMP d’ici 20 à 30 ans a été retenu. Les États insulaires sont très impliqués dans cette dynamique. En Océanie, le gouvernement de Fidji a pris l’engagement en 2005 de convertir 30 % de sa zone économique exclusive en AMP à l’horizon 2020 ; en 2006, les gouvernements de Palau, de Guam, des États fédérés de Micronésie, des Mariannes du Nord et des Marshall se sont engagés sur des objectifs analogues dans le cadre du défi micronésien (Micronesian challenge). Dans l’océan Indien, la mise en place d’un réseau régional d’AMP est en cours sous l’égide de la Commission de l’océan Indien, et Madagascar s’est lancée dans un ambitieux programme de création d’AMP.
3Si les AMP restent encore limitées en superficie absolue par rapport aux aires protégées terrestres (voir Rodary et Milian, cet ouvrage), leur extension s’accélère fortement. En 2005, on comptait 5 127 aires marines protégées (dont 967 de niveau international) pour une surface représentant 0,6 % des océans. La France est également engagée dans un processus d’accélération de la création d’AMP, en métropole mais aussi et surtout dans l’outre-mer (la Réunion, Polynésie française, Nouvelle-Calédonie). Elle s’est dotée pour cela d’un outil institutionnel spécifique avec la création en 2007 de l’Agence des aires marines protégées par l’article 18 de la loi 2006-436 relative aux parcs nationaux, aux parcs naturels marins et aux parcs naturels régionaux. À ce jour, les réalisations (moins de 1 % de la zone économique exclusive, qui représente près de 11 millions de km2 et fait de la France le deuxième pays maritime du monde) sont bien loin d’atteindre les engagements internationaux pris dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique qui visent à la création d’un réseau complet et cohérent d’aires marines protégées d’ici 2012. Ce réseau devrait représenter 10 % des écosystèmes marins sous juridiction nationale.
4Si les aires marines protégées répondent à la préoccupation de disciplines biologiques face à l’érosion de la biodiversité marine et, de plus en plus, au manque d’efficacité de la gestion des pêches (Chaboud et Cury, 1998 ; Pauly et al., 2003 ; Hilborn et al., 2004), elles sont désormais un laboratoire de la gestion intégrée des zones côtières (David, 1998). Leur création s’accompagne d’effets induits d’ordre économique, juridique, géographique et social, et de recompositions territoriales visibles ou sous-jacentes, dans lesquelles les ONG locales, nationales et internationales tiennent un rôle majeur. Leur étude exige donc un point de vue pluridisciplinaire. Les sciences juridique et économique sont sollicitées pour concevoir des systèmes de gestion, les inscrire dans un contexte juridique et économique à diverses échelles, et évaluer le coût et les avantages des AMP en termes de conservation de la ressource et de développement économique d’acteurs différenciés. Par ailleurs, jamais la bio-écologie n’a été autant mise à contribution pour la conception des AMP et la mise au point d’indicateurs d’évaluation et de suivi. Les effets des AMP sur la biodiversité écologique ont été largement étudiés (Russ, 2002 ; Pelletier et al., 2005), alors que les évaluations des bénéfices socio-économiques sont le plus souvent partielles et concernent peu les pays du Sud (Oracion et al., 2005). Il convient de plus d’analyser la compatibilité entre les trois objectifs majeurs, et souvent concurrents, assignés aux AMP : conservation de la biodiversité, gestion des pêches, et promotion des usages récréatifs. La performance des AMP doit donc être mesurée en termes biologiques mais également selon des considérations sociales, économiques et institutionnelles, afin d’évaluer la pertinence et l’efficacité du dispositif de gouvernance que représente l’AMP.
5Reste que les contraintes qui pèsent sur la mise en place de systèmes de gouvernance d’AMP sont mal connues des chercheurs, des usagers, des gestionnaires, des administrateurs ou des décideurs politiques concernés, et mal expliquées aux acteurs de la société civile impliqués ou aux riverains (Galletti, 2006). De même, les retombées de ces dispositifs sont à évaluer, ouvrant un chantier de recherche important longtemps différé. Si les conséquences des AMP sur la conservation biologique paraissent positives – quand elles ont pu être évaluées –, celles sur les populations riveraines et sur les usagers sont discutées, souvent ambivalentes. Elles rendent ainsi les AMP difficiles à justifier et à défendre (Pelletier et al., 2005).
6Nous traitons ici des aires marines protégées selon les points de vue des disciplines géographique, écologique, économique et juridique, autour d’un axe : la vision, par les disciplines citées, de caractéristiques propres des aires marines par rapport aux aires terrestres protégées. De ces caractéristiques découle un particularisme de la gouvernance de ces territoires marins, ou semi-marins et côtiers2. Dans une première partie, notre exposé s’attache à rendre compte de la manière dont ces différentes disciplines scientifiques abordent la spécificité des AMP. Il démontre ensuite comment la problématique de la gouvernance des AMP implique de dépasser ces approches disciplinaires.
L’aire marine protégée, objet disciplinaire spécifique pour la géographie, l’écologie, l’économie et le droit
L’approche spatialisée de l’AMP par la géographie
7S’il est reconnu quatre projets à la géographie, « l’étude des paysages, l’étude des rapports homme-nature, l’analyse spatiale et la description régionale » (Patisson, 1964), seuls les trois premiers concernent les aires protégées. Le paysage des AMP se distingue de celui des aires protégées terrestres par sa structuration en deux plans spatiaux : la surface et le fond sous-marin ; par l’absence de composante anthropique permanente, les embarcations en surface relevant d’un paysage de l’éphémère ; enfin, par la moindre importance de la topographie dans la structuration des taxons paysagers3. Dans le domaine de la géographie du littoral, l’évolution quarantenaire qui veut que le concept de paysage se fonde dans celui de géosystème (Richard, 1989) est plus achevée (Corlay, 1995 ; 1998). Le géosystème établit ainsi un pont entre l’étude des paysages et l’analyse spatiale. La perspective systémique du littoral permet de voir l’AMP comme un mécanisme de création territoriale. La création d’AMP transforme les espaces sur lesquels elles s’inscrivent. On est donc en présence de plusieurs types de territoires dynamiques : l’espace des usages et pratiques des populations riveraines sur les ressources de l’AMP ; les géosymboles4 et territoires des représentations que ces populations se font des ressources, de leur habitat et des usages qui en sont tirés ; le territoire de la réglementation, qui se compose des zonages instaurés par le plan de gestion de l’AMP ; et enfin, le territoire des représentations que les populations riveraines de l’AMP se font de cette réglementation et des usages qui en découlent (David et al., 2006).
8Ce type de création territoriale est inhérent à toute aire protégée mais, en raison des densités humaines plus fortes sur les littoraux et de l’importance que revêtent la pêche vivrière et la pêche commerciale dans l’économie du littoral, une création d’aire protégée suscite plus de réactions de la part des communautés locales qu’en milieu terrestre. La géographie analyse alors les dynamiques diachroniques et synchroniques entre ces objets spatiaux associés à toute création d’AMP. À cela s’ajoutent les liaisons entre l’AMP et les territoires environnants, et notamment le territoire terrestre des populations riveraines de l’AMP, l’espace des usages qui se concentrent en lisière de l’AMP, le nouvel espace halieutique créé par les aides à la pêche obtenues en compensation de la création de l’AMP. Le géographe peut alors concevoir la spécificité des AMP selon les points suivants.
9Au niveau local, l’AMP est une création territoriale, à l’interface entre les écosystèmes et les socio-systèmes du littoral, dont elle modifie la direction d’une partie des flux de matière et d’information. À ce titre, elle constitue une discontinuité spatio-temporelle, assimilable à un « gel » de l’espace dans le temps qui équivaut à un « gel » du temps sur cet espace. Cette discontinuité revêt plusieurs formes. Tout d’abord, l’AMP est un espace de gestion et de gouvernance qui trop souvent fonctionne tel un système fermé, n’ayant que le minimum de relations avec les bassins versants et l’environnement socio-économique local, si ce n’est pour minimiser le braconnage ou en tirer des revenus. D’un point de vue touristique, l’AMP est un espace attractif, générant parfois en bordure une concentration d’hôtels et de clubs de plongée sous-marine, alors que vis-à-vis des pêcheurs, l’AMP est un espace repoussoir (déplacement de l’effort de pêche vers d’autres espaces et d’autres espèces), mais aussi attractif (effet lisière). Les AMP auront des effets complexes sur les pêcheries : exclusion dans les zones en défens, mais aussi réaffectation dans l’espace et selon les espèces cibles. Elles impliquent aussi un repositionnement des pêcheries au sein des systèmes d’activités littoraux : les activités d’exploitation directe des ressources marines étant en partie ou totalement écartées, au sein des AMP, au profit d’activités touristiques ou de non-usage. Des réseaux de gestionnaires sont également en voie de constitution sous l’impulsion d’ONG internationales de la conservation.
10Comparées aux aires protégées terrestres, les AMP présentent une plus grande vulnérabilité vis-à-vis du milieu local. Moins pluriactifs que les chasseurs, les pêcheurs s’opposent souvent à leur création. La pérennité des AMP passe alors par une gestion intégrée du littoral de part et d’autre de l’AMP, qui prenne également en compte les bassins versants, de manière à réduire les flux terrigènes et de polluants que ceux-ci génèrent (David et al., 2007).
Un espace naturel pour l’écologie
Les objectifs écologiques de la conservation
11La Convention sur la diversité biologique, ainsi que les actions menées par les grandes ONG internationales comme le WWF ou l’UICN, ont permis des avancées importantes à la base de la réflexion pour la création d’AMP. Outre l’augmentation du nombre d’espaces de protection, les objectifs visent à accroître le nombre d’habitats différents avec une attention particulière pour les espèces menacées et les écosystèmes sous-représentés, comme la haute mer, avec la problématique particulière des espèces migratrices ; sont également pris en compte les écosystèmes écologiquement importants méritant une protection et un suivi efficaces tels que les monts sous-marins ou les récifs coralliens tropicaux et des eaux froides. Les enjeux de la conservation, qui impliquent par exemple de protéger les habitats essentiels tels que les aires de frai et d’alevinage par la mise en place de fermetures temporelles ou localisées, de maintenir les fonctionnalités de l’écosystème ou d’établir des corridors marins entre AMP afin de favoriser la résilience des écosystèmes aux changements climatiques, sont souvent confrontés à une méconnaissance des dynamiques écologiques, particulièrement dans des écosystèmes de forte diversité tels que les récifs coralliens. Ces milieux font cependant l’objet d’une attention particulière en termes de protection et de mise en place de plans de gestion, mais également de recherche, face aux nombreuses pressions anthropiques et au constat d’une dégradation importante à l’échelle mondiale (on peut citer par exemple la demande de classement au patrimoine mondial de l’Unesco du récif corallien de Nouvelle-Calédonie).
L’exemple des écosystèmes coralliens
12Les écosystèmes coralliens, pour lesquels le concept de réserve correspond à une mesure de gestion traditionnelle depuis des siècles dans les régions du Sud-Est asiatique ou du Pacifique, et dont l’usage est en augmentation dans de nombreuses zones (Johannes, 2002), sont particulièrement représentatifs de la problématique des AMP dont ils mettent en lumière les principales caractéristiques bio-écologiques. Regroupant différents milieux caractéristiques interconnectés (herbiers, mangroves, récifs, passes), ils constituent un réseau d’habitats essentiels au cycle de vie des espèces (reproduction, alimentation, croissance, refuge), qui sont autant de zones potentielles de pêche. La diversité d’habitats explique la grande biodiversité des écosystèmes coralliens. À l’échelle locale, la fragmentation naturelle élevée de l’habitat s’explique par la morphologie des constructions récifales. À la différence des lagons, les pentes externes sont plus soumises au processus de recrutement larvaire océanique et moins exposées aux pressions anthropiques ; elles sont aussi plus intéressantes pour suivre l’impact du changement climatique. À l’échelle régionale, les communautés rencontrées d’une île à l’autre sont clairement définies dans l’espace. La biodiversité des poissons, végétaux et invertébrés dépend de la position géographique de l’île (gradient de biodiversité décroissant d’ouest en est dans le Pacifique et d’est en ouest dans l’océan Indien), du type (île haute ou atoll, atoll fermé ou ouvert) et de la taille de cette dernière et de son isolement. Opérationnelle aux échelles locale et régionale, la fragmentation naturelle des écosystèmes coralliens est donc un des facteurs essentiels à prendre en compte dans la conception des AMP et l’établissement de réseaux d’AMP. De la taille et de la distribution spatiale des AMP va dépendre le degré de protection des communautés biologiques à l’intérieur des réserves et l’influence sur les zones adjacentes. Ainsi, le plan de gestion de l’espace maritime de l’île de Moorea en Polynésie française, mis en place en 2004, comprend un réseau de huit AMP délimitées chacune depuis la côte jusqu’au récif barrière, si possible à proximité d’une passe, afin de tenir compte des critères écologiques pour définir la taille et la localisation des zones à protéger.
Dispersion larvaire et échanges de substances nutritives
13Le phénomène de la dispersion larvaire est un autre point important. Outre le principal effet attendu d’une AMP, à savoir la restauration du stock reproducteur à l’intérieur de la zone mise en défens, un des effets souhaités est l’exportation de la biomasse des espèces exploitées à l’extérieur. Le cycle de vie de la majorité des espèces marines présentes en milieu récifal est divisé en deux phases distinctes : l’une, pélagique, concerne les œufs et/ou les larves ; l’autre, relativement sédentaire, les juvéniles et les adultes. Cette dispersion larvaire explique les faibles taux d’endémisme et d’extinction d’espèces dans les écosystèmes marins comparés aux milieux terrestres. Elle divise également les AMP en deux catégories : celles qui exportent des larves et celles qui en reçoivent. Dans le premier cas, la population locale est largement le fait d’un autorecrutement. Dans le second cas, elle dépend du recrutement de larves provenant d’autres populations (Shanks et al., 2003) et son devenir en tant qu’outil de conservation nécessite que le littoral auquel elle est liée par le flux larvaire soit également protégé.
14Les échanges de substances nutritives entre les écosystèmes adjacents tels que mangroves et récifs coralliens, et les interactions entre zones pélagiques et benthiques (c’est-à-dire les eaux libres et les eaux des fonds marins) ou entre littoral et eaux côtières doivent également être pris en compte lors de la création d’AMP, même si les mesures de gestion n’empêcheront pas les sédiments, les pollutions ou les espèces invasives de pénétrer dans la zone protégée (Allison, 1998 ; Simberloff, 2000).
Les implications écologiques de la variabilité temporelle
15Si l’espace représente le facteur principal qui structure les communautés des écosystèmes coralliens – d’où l’importance d’une gestion spatialisée –, le temps constitue également un paramètre clef dont il convient d’étudier la relation avec l’échelle géographique et les processus biologiques concernés. La variabilité interannuelle est dictée par les phénomènes climatiques à l’échelle de la planète alors que les variabilités à pas de temps plus court s’expliquent par les cycles nycthéméraux (journaliers), lunaires ou saisonniers. En 1998, l’épisode massif de blanchissement des récifs coralliens de l’océan Indien a montré que les AMP ne constituent en aucun cas une protection contre cette menace, et la vulnérabilité au blanchissement constitue désormais un critère important pour la localisation des AMP futures, l’accent étant mis sur la mise en réserve (pour les soustraire aux pressions anthropiques) des récifs les plus résilients. Les migrations liées au cycle de vie des espèces sont également à prendre en compte5, au même titre que l’ensemble des interactions espace-temps-système biologique afin de les inclure dans la localisation et la régulation des usages des AMP.
Quels indicateurs écologiques pour suivre et évaluer les AMP ?
16L’établissement de « points zéro » et les suivis nécessitent de définir des indicateurs tenant compte des effets écologiques attendus des AMP au regard des objectifs de gestion, de la capacité et du temps de réponse des communautés naturelles et des caractéristiques fonctionnelles des espèces (Adjeroud et al., 2005 ; Pelletier et al., 2005 ; Clua et al., 2005 ; Chabanet et al., 2005). Les indicateurs écologiques préconisés pour le suivi des AMP concernent généralement les espèces emblématiques, les espèces cibles de la pêche, ainsi que la biodiversité et les caractéristiques globales de la communauté et/ou la qualité de l’habitat. Ils doivent être définis en fonction du plan de gestion de l’AMP et des objectifs prioritaires et des contraintes de la structure chargée de son application. Ces objectifs évoluent au cours du temps6, ce qui implique de nouvelles connaissances sur les systèmes biologiques et de nouvelles mises en usage régulières.
Un territoire et un lieu d’activités spécifiques pour l’économie
17Boersma et Parrish (1999) précisent que les objectifs économiques sont prépondérants dans la création des AMP, en raison de la valeur économique des écosystèmes les accueillant. Dans une tentative d’estimation de la valeur des services environnementaux des principaux écosystèmes de la planète, Costanza et al. (1997) ont attribué aux écosystèmes côtiers (les plus concernés par la création d’AMP) une valeur moyenne de 4 052 dollars/ha, supérieure, à titre de comparaison, à celle des forêts tropicales (969 dollars/ha). Parmi les milieux marins côtiers, les valeurs les plus élevées correspondraient aux estuaires (22 000 dollars/ha), aux herbiers (19 000 dollars/ha) et aux récifs (6 000 dollars/ha), avec des services environnementaux différents selon les milieux : services récréatifs pour les récifs et recyclage de nutriments dans les estuaires et les herbiers. La création d’AMP permettrait de maintenir ou de rétablir ces fonctions environnementales et donc les richesses auxquelles elles contribuent. Dans un article récent, Martinez et al. (2007) confirment l’importance économique des zones côtières et des océans, qui représenteraient entre 60 et 70 % de la valeur des écosystèmes mondiaux.
18Les AMP sont également envisagées comme une voie prometteuse pour la gestion des ressources marines et côtières (RUSS, 2002), mais dans quelle mesure l’outil AMP est-il plus efficace que les autres formes de régulation des pêches ? Bien que mises en avant comme une alternative aux méthodes conventionnelles de gestion par l’approche écosystémique des pêches, les AMP ne sont pas considérées comme une panacée mais comme un outil indispensable à l’usage durable des ressources (Cury et Miserey, 2008). Pour l’économie, après la création de richesse par les écosystèmes, les questions majeures sont la répartition de ces richesses et la justice sociale. Les AMP concernant des zones et des ressources de grande valeur, leur création induit des effets de répartition intra- et intergénérationnels qui conditionnent leur acceptabilité économique et sociale et le respect d’un critère d’équité minimale. La question de la distribution dans le temps des impacts économiques des AMP paraît cruciale : les coûts d’opportunité supportés à la création des AMP sont immédiats et certains, alors que les effets positifs (bénéfices économiques et autres avantages) attendus sont futurs et incertains, surtout quand ils sont essentiellement liés au maintien ou à la réhabilitation de fonctions environnementales.
19Enfin, la question des AMP interpelle l’économie des institutions. La mise en place d’AMP suppose des conditions particulières de gouvernance qui reposent sur des particularismes locaux, mais aussi sur des modèles recommandés par les organisations environnementales internationales. La réussite des AMP repose en grande partie sur la qualité des montages institutionnels et de l’action collective induite ou renforcée. Les questionnements économiques sont ici proches de ceux du droit : la qualité des constructions institutionnelles conditionne les coûts de transaction lors de la création et pour la gestion courante de l’AMP, notamment si cette dernière s’appuie sur un modèle concertatif ou participatif impliquant de multiples groupes d’acteurs.
20Par ailleurs, l’activité touristique connaît un essor considérable dans les zones côtières. On observe depuis 1990 (Hall, 2001) un passage d’un tourisme essentiellement balnéaire vers un tourisme associant activités balnéaires et activités plus sportives ou de découverte (Chaboud et al., 2004). La création d’AMP devient alors une interface entre une filière économique internationale qui voit les AMP comme un actif spécifique d’une destination touristique quelconque et des politiques environnementales qui tentent de canaliser la pression touristique au sein d’écosystèmes fragiles. À Madagascar, par exemple, le développement du tourisme, et particulièrement de l’écotourisme, est considéré comme un moyen de créer des revenus locaux en compensation des contraintes imposées par les politiques de conservation sur les usages traditionnels. Quelques expériences dans le sud-ouest de ce pays montrent que cela repose sur un ensemble de conditions économiques et de gouvernance rarement vérifiées (voir Méral et al., cet ouvrage). On peut citer notamment la gouvernance de la filière touristique internationale, peu favorable à un partage équitable des gains entre acteurs locaux et opérateurs en amont (Chaboud et al., 2004).
21Pour les économistes, les AMP cristallisent fortement les enjeux de durabilité et mettent l’accent sur les liens du local à l’international et sur les modalités de gouvernance des territoires concernés. La question de l’évaluation économique et du partage des coûts et des avantages apparaît dans ce contexte cruciale et peu développée.
Un territoire régi par le droit
Les différents droits mobilisés dans l’étude des AMP
22Bien qu’elle soit juridique par nature, puisque ce sont des prescriptions juridiques qui déterminent sa naissance officielle et son fonctionnement (Froger et Galletti, 2007), l’AMP est un objet d’étude récent pour la discipline juridique (Chaboud et Galletti, 2007), situé à l’intersection entre le droit de la mer, le droit du littoral (quand il existe), le droit de l’environnement et même le droit économique. Cette émergence est liée, d’une part, à la place croissante, dans le droit international de la mer, de la composante « conservation » et des obligations imposées à l’État côtier de réguler les atteintes aux diverses zones maritimes dont il est responsable ; d’autre part, à l’intérêt que le droit international de l’environnement (conventions internationales et régionales) porte aux zones marines « simples » ou constituées en réseaux, en grappes ou en corridors (sur cette notion, voir Carrière et al. ainsi que Bonnin, cet ouvrage). Si le droit de l’environnement est postérieur à la création des premières aires protégées, il en est aujourd’hui l’un des premiers supports. L’AMP ne se développe pas non plus indépendamment de l’orientation du droit des pêches vers la préservation de zones protégées-réservoirs de ressources halieutiques. L’AMP, enfin, joue le rôle de révélateur pour le droit moderne : elle révèle l’existence d’un droit autochtone et d’usagers historiques des espaces marins et côtiers. Cela concerne les réserves ou AMP « coutumières » ou « traditionnelles », ainsi que la question connexe de l’intégration, l’opposition ou la reconnaissance par le droit « moderne » des droits locaux préexistants sur l’espace marin côtier.
Le rôle de l’État et la juxtaposition des compétences
23À l’échelle nationale, les écosystèmes marins et les AMP ne sont pas des espaces sans droit(s) ni régulation(s). Ils relèvent de régimes de droit, tel celui de la « domanialité publique maritime », différents de ceux du « domaine public » ou du « domaine privé de l’État » terrestres. Les écosystèmes marins abritent aussi des secteurs d’activités (circulation et commerce maritime, filière tourisme, pêche industrielle et artisanale…) dans lesquels l’État est fortement impliqué (par le biais de certains ministères ou institutions spécialisées…) et où le droit public et économique est sollicité d’une manière différente de celle relative au territoire terrestre. Des éléments historiques sont à l’origine de la présence de l’État sur les zones maritimes et côtières : le contrôle du territoire maritime national pour des raisons d’ordre public et de police, avec des ministères comme ceux de l’Intérieur ou de la Défense, l’interventionnisme de l’État dans le secteur de la pêche, le principe juridique déterminant (pour la gestion) de la souveraineté de l’État sur ses ressources halieutiques et minérales. Ces aspects ne doivent pas être perdus de vue quand sont en discussion des systèmes administratifs et politiques de gestion des AMP. Le cas de l’aire protégée marine et côtière (APMC) est plus particulier encore, car se superposent des aspects propres au droit de la mer et d’autres relatifs à la gestion du territoire terrestre ou littoral. Les institutions spécialisées sur le milieu marin auront des difficultés pour gérer l’espace terrestre d’une APMC, et réciproquement ; l’exemple des difficultés que connaissent des pays insulaires face à ces questions est souvent cité.
24L’extension rapide des aires protégées marines à laquelle on assiste, notamment dans la zone intertropicale, s’inscrit, au premier abord, dans la continuité du mouvement, plus ancien, de la multiplication des aires protégées en milieu terrestre. Cependant, les points de vue de différentes disciplines sur les AMP ont mis en évidence un certain nombre de spécificités qui tiennent, entre autres, à la prégnance des enjeux économiques et d’accès aux ressources et aux espaces. Par exemple, l’exploitation commerciale des ressources vivantes de la mer, qui n’a pas d’équivalent en milieu terrestre, devra désormais composer avec les intérêts touristiques ou encore avec les objectifs de la conservation. Pour l’ensemble des disciplines scientifiques concernées, la question de la gouvernance s’avère centrale, mais il convient de savoir si les cadres d’approche disciplinaires sont toujours suffisants pour y répondre.
Vers une approche pluridisciplinaire de l’AMP et de ses dispositifs de gouvernance
25Ce n’est ni une rupture, ni une continuité dans l’étude scientifique de l’AMP que l’on identifie, mais plutôt un glissement, peut-être une transformation. Celle de l’AMP perçue par discipline vers l’émergence d’un objet pluridisciplinaire nouveau. Par ailleurs, l’imbrication des spécificités a des conséquences sur l’étude et la conception des schémas de gouvernance des AMP, moins monodisciplinaires, plus expérimentaux et plus réceptifs à d’autres disciplines que le droit et l’économie, classiquement rattachés à l’administration des territoires et à la décision publique. Tend à se créer une gouvernance des AMP entre organismes publics et privés qui s’appuie sur toutes les informations disciplinaires qui ont pu être mobilisées.
De l’AMP perçue par discipline à l’AMP comme objet pluridisciplinaire
26L’AMP est un objet complexe, et toute lecture strictement disciplinaire n’aborde qu’une partie des ensembles et relations qui la structurent. La compréhension de l’organisation du système AMP nécessite le concours de diverses disciplines pour que l’objet AMP soit compris dans sa transversalité. Les spécialistes s’intéressant aux AMP sont peu nombreux, quel que soit le pays considéré. L’accroissement du nombre d’AMP dans la zone intertropicale génère une demande croissante d’études pluridisciplinaires sans que l’offre d’expertise n’augmente7, même si des évolutions sont perceptibles8. Il est rare qu’une équipe de spécialistes de différentes disciplines puisse être réunie. Souvent, on se limite alors à associer un expert des sciences biologiques et un expert des sciences sociales, en amalgamant des disciplines aussi diverses dans leurs problématiques et leurs méthodes que l’anthropologie, le droit, l’économie, l’histoire, la géographie, la science politique et la sociologie. Cette situation contraint les chercheurs d’une discipline à investir le champ des disciplines connexes, voire celui d’une discipline thématiquement plus éloignée, mais dont la contribution est indispensable à la compréhension du système AMP. L’amalgame d’emprunts à plusieurs disciplines pas toujours bien assimilés tend à générer une approche disciplinaire « hybride », que d’aucuns pourraient qualifier de « science sabir des AMP ».
27L’imbrication des particularismes de l’AMP détermine presque inéluctablement une approche pluridisciplinaire, sinon transversale. En effet, les spécificités géographiques ou économiques des AMP ont des implications juridiques qui devraient amener le gestionnaire à différencier les AMP des aires protégées terrestres, au moins en ce qui concerne leur système de gestion fonctionnel et leur schéma d’administration.
28Ainsi, en tant qu’espace maritime ouvert, une AMP implique des difficultés de contrôle et de surveillance sans commune mesure avec les cas de périmètres terrestres protégés, et suscite des conflits forts entre les institutions de gestion et les opérateurs économiques. Lorsque les AMP sont constituées d’espaces situés le long de la frange côtière, cette configuration complique les politiques d’aménagement du littoral et les relations juridiques entre élus, acteurs locaux et opérateurs touristiques. Par ailleurs, les zones transformables en AMP subissent souvent une pression anthropique amplifiée, émanant des acteurs économiques sur les ressources littorales. En réaction, les autorités publiques centralisées ou déconcentrées affichent une volonté de maîtrise de ces activités et des flux humains, et tendent à mettre en avant l’arsenal juridique censé garantir une régulation efficace des atteintes environnementales et des transactions économiques. D’une certaine manière, les traditions de contrôle sur le domaine maritime, souvent militaires, n’ont pas disparu et sont ravivées à l’occasion de conflits d’intérêts entre opérateurs économiques, conflits auxquels l’État entend apporter des régulations et des solutions. Le fait que les États du Sud affrontent une pénurie flagrante de moyens financiers et logistiques ne modifie pas leurs velléités de contrôle des zones, même si elle reste souvent théorique. Au final, l’AMP devient bien une catégorie à part d’espace à protéger (Chaboud et Galletti, 2007).
L’imbrication des spécificités de l’AMP et ses conséquences sur les schémas de gouvernance
29Chercheurs et décideurs sont obligés à des efforts académiques pour traiter l’AMP et ses dispositifs de gouvernance comme un ensemble rhizomique à la jonction entre nature et société.
30L’apport de la géographie à la gouvernance des AMP est ici évolutif. La dimension temporelle revêt une grande importance pour décliner les rapports homme/nature et les processus de gouvernance associés. Elle montre que les aires protégées ont été initialement conçues sur un modèle insulaire qui peu à peu se transforme en un modèle réticulaire, fondé sur les corridors écologiques (voir Carrière et al. et Bonnin, cet ouvrage). Favorisant l’accessibilité de la biodiversité et sa mise en valeur touristique, cette évolution est porteuse de nouveaux risques pour les aires protégées terrestres (Grenier, 2003). En mer, le modèle réticulaire s’est imposé de fait aux biologistes en raison de la « perméabilité » du milieu aquatique aux flux de larves et de juvéniles. En revanche, en matière de gouvernance, les AMP ont été conçues, sur le modèle des aires protégées terrestres, comme des discontinuités spatiales (Gay, 2003 ; David, 2003). À terre, la généralisation récente du concept d’espace tampon, introduit par l’Unesco dans les années 1970 dans ses réserves de biosphère, réduit les discontinuités entre l’espace protégé et celui qui ne l’est pas. Dans le cas des AMP, on note au contraire, en mer, une accentuation de la discontinuité, l’espace des usages en lisière de l’aire protégée étant l’objet d’une pression anthropique accrue sur les ressources : accroissement de l’effort de pêche et diversification des activités avec le développement du tourisme de « plongée sous-marine ». Afin de limiter cette accentuation de la discontinuité en milieu récifal, il est généralement proposé la création d’un nouvel espace halieutique plus au large, via la mise en place de dispositifs de concentration de poissons permettant de reporter l’effort de pêche au-delà de la zone récifale (David, 1998).
31Toutefois, lorsque la valeur monétaire de la ressource exploitée est élevée, il est indispensable d’associer à la création de l’AMP une régulation de la pression halieutique sur les espaces marins périphériques pour éviter la surpêche sur les espèces protégées. Cette mesure doit être complétée à terre par la création d’activités génératrices de revenus, généralement considérées par les communautés locales comme la « juste rétribution » de leur implication dans la gestion de l’AMP.
32L’exemple du parc marin de Mohéli aux Comores montre que lorsque la gouvernance de l’aire protégée est efficace, il est parfois demandé aux gestionnaires d’étendre leur action à l’ensemble du territoire terrestre des communautés riveraines de l’AMP (David et al., 2003). L’intégration spatiale entre la terre et la mer au sein d’une même AMP est une orientation nouvelle, parfois mise en œuvre au niveau national pour promouvoir un produit touristique « aire protégée » qui soit le plus complet possible. En revanche, au niveau international, la protection de la biodiversité s’envisage toujours selon une dichotomie essentielle entre milieux marin et terrestre, comme l’illustrent les résultats des approches dites écorégionales promues par le WWF. L’accent est plutôt mis sur l’identification de foyers de biodiversité et des relations spatiales existant entre eux.
33Dans ce contexte, la prise en compte de la connectivité écologique des récifs conduit aujourd’hui à inclure une dimension régionale dans la gouvernance des AMP. Ainsi, dans l’océan Indien, la création d’un réseau régional des AMP fait actuellement l’objet d’un programme piloté par le WWF sous l’égide de la Commission de l’océan Indien et financé par le Fonds français pour l’environnement mondial. Cette dimension régionale est un facteur de réduction des discontinuités que forment les AMP par rapport au milieu environnant. Il arrive également qu’en cas de conflits potentiels entre deux États portant sur des ressources littorales ou marines (pétrole ou poissons), les AMP soient utilisées dans une perspective régionale comme des marqueurs de discontinuité géographique, voire comme des facteurs d’accroissement de ces discontinuités lorsque l’AMP fait office d’espace tampon, politiquement neutre entre les deux États, la gestion de ce territoire frontalier étant dévolue à une ONG d’envergure internationale.
34En termes d’organisation de dispositifs de gouvernance, le droit occupe une place privilégiée, du fait des fonctions et dimensions juridiques du système d’administration des AMP. On peut ainsi citer le mode de production des règles appliquées dans l’AMP, les conditions de leur application, l’évaluation du fonctionnement quotidien de l’administration, de la gestion, du financement, du contrôle, de la sanction, de la négociation et de la régulation des crises.
35L’économie, tout aussi concernée par l’étude des AMP, y trouve un champ de collaboration avec le droit. Le changement institutionnel suscité par la création d’AMP produit des effets multiples et parfois contre-intuitifs interdisant une analyse simpliste ou naïve. Le recours à plusieurs disciplines devient alors un avantage. Ainsi, l’économie montre que le modèle participatif qui sous-tend la délégation de gestion, souvent implicite dans la promotion de la bonne gouvernance, induit des coûts de transaction pouvant réduire l’efficacité des AMP dans la poursuite de leurs objectifs de conservation et de développement durable local. La « prolifération des institutions » menace dans le montage des AMP au Sud, et la recherche de rente « institutionnelle » est parfois contre-productive (Baghwati, 1982), eu égard aux objectifs assignés aux AMP. Pour sa part, le droit montre que les atermoiements du modèle participatif peuvent annoncer le retour à un interventionnisme étatique, dans la conception et dans les méthodes. Celui-ci refait surface, soit en cas de désaccords ou d’enlisement des consensus entre acteurs non étatiques concernés par l’AMP, soit en cas d’échec de l’harmonisation entre les interventions des administrations et les pratiques civiles locales (modes de vie, de consommation et d’exploitation des habitants et acteurs historiques sur les milieux et ressources naturelles), ou encore quand le bailleur de fonds d’une AMP se retire et que se relâche alors la pression qu’il exerce sur les services administratifs au bénéfice d’une gestion plus locale.
36Au-delà des réseaux de sites marins et/ou côtiers gérés par l’État de manière classique, selon une gouvernance commentée (Féral, 2007), existent des zones cogérées avec des communautés locales et d’autres parties prenantes, des aires protégées privées gérées par leurs propriétaires. Ces schémas plus territorialisés font partie du mouvement visant à ramener la conservation « par le bas » ; ils sont la dernière manifestation de la recherche récurrente de la gouvernance réussie de l’AMP, la cogestion étant « à la mode » en matière de gouvernance environnementale. Mais c’est cas par cas que les transformations de la gouvernance des AMP se manifestent : parfois, la cogestion traduit l’impuissance de l’État à gérer les AMP, elle est alors une solution par défaut, dont le seul coût pour l’État est sa mise en forme juridique ; le coût politique est plus élevé, impliquant un certain abandon de souveraineté par renoncement à des prérogatives interventionnistes centralisées ; parfois, elle est une réussite portée par les deux parties.
37La réapparition de l’État est de nature politique, s’appuyant sur les tendances environnementalistes internationales. Depuis les sommets de Stockholm en 1972 et de Rio de Janeiro en 1992, ou le congrès de Durban en 2003, la protection de l’environnement et donc la création d’AMP sont des enjeux internationaux majeurs.
38Cette évolution est notamment visible dans les États insulaires de l’océan Indien ou d’Océanie. Le régime du président René aux Seychelles s’en était servi, à la fin des années 1970, pour se construire une image respectable. Le bénéfice politique retiré sur la scène internationale s’était soldé par un coût économique important, la création et le fonctionnement des AMP étant totalement à la charge de l’État seychellois. Depuis, la situation a beaucoup évolué. De puissantes ONG internationales, notamment nord-américaines, financent la majeure partie, voire la totalité, de la mise en place des aires protégées. Le coût supporté par l’État devient alors modique par rapport au bénéfice politique tiré de l’opération.
39Des pays océaniens aux ressources économiques limitées (États fédérés de Micronésie et îles Marshall) se lancent dans ce type d’opération relevant de la captation d’une rente politique et économique. Un parallèle peut être établi avec l’engagement présidentiel malgache, en 2003 à Durban, sur l’extension des aires protégées, notamment marines, qui mobilise bailleurs de fonds, ONG et institutions étatiques.
40La mise en place des AMP y reste cependant difficile, non tranchée, et le coût financier et social de la conservation, déjà élevé pour les aires protégées terrestres, reste un problème non résolu pour les futures AMP. À Madagascar, comme dans les États pauvres de l’océan Indien, du fait de la multiplication des zones protégées, l’État pourrait ne plus avoir les moyens d’assurer ses prérogatives de créateur et de gestionnaire d’AMP et laisser le champ libre à l’action de nombreuses ONG internationales ou associations d’utilité publique. Cela s’explique par la diminution de la capacité effective d’intervention des États en raison de l’encadrement drastique des dépenses publiques, alors que la protection de l’environnement figure de plus en plus parmi les conditionnalités de l’aide publique au développement.
41En réalité, la nuance est de rigueur. Malgré un retrait massif de l’État concernant soit le financement du fonctionnement des AMP (notamment avec la création de fonds fiduciaires gérés par les ONG internationales et dans lesquels l’État n’est qu’un partenaire parmi d’autres, voir Méral et al., cet ouvrage), soit les procédures de négociation avec les communautés locales, l’État reste présent. Il ne peut être contourné sur l’ensemble des aspects administratifs et d’officialisation de l’AMP, pas plus que sur l’inscription de celle-ci dans le contexte légal environnant (la gestion intégrée des zones côtières, les décentralisations, le droit associatif, le recours aux agences, le cadre juridique des secteurs pêche ou tourisme). Même dans le cas de Madagascar ou des Comores, où l’administration subit de tels délitements que les bailleurs de fonds ont pris la main sur le processus de création des AMP (à travers la maîtrise du financement et du fonctionnement de l’AMP que les services d’État ne peuvent pas supporter), le bailleur ne s’affranchit pas du besoin d’État, indispensable pour entériner le statut légal de l’AMP, le zonage, la police… Les démarches des bailleurs vers les services d’État sont permanentes. Une fois le cadre juridique installé, le bailleur se propose souvent d’en assurer la gestion ou d’en parrainer la délégation auprès d’une ONG ou d’une agence.
Une gouvernance particulière entre pouvoirs publics et organismes privés
42Le secteur des AMP se spécialise, du fait des efforts (en temps, moyens, réflexions, projets) que font les décideurs publics et les institutions qui s’y consacrent. Les différences entre AMP d’États distincts s’estompent et les expériences se rapprochent. Les échecs et résistances rencontrés sont souvent semblables. Une culture des gestionnaires d’APM et d’APMC pourrait bien naître avec apparition d’un corps de fonctionnaires ou d’experts privés spécialisés dans ces domaines.
43On relève dans la majorité des cas un effort de clarification des situations juridiques dans et autour de l’AMP, ainsi qu’une prise de conscience, par les autorités responsables des AMP, des nouvelles articulations de pouvoirs issus des décentralisations administratives et politiques et des situations de pouvoir localisé. Enfin, on observe une tentative des administrations d’État de mieux insérer leurs actions de conservation dans les organisations territoriales (structures territorialisées, groupes d’acteurs locaux). La tentative est double. D’une part, l’État tente de créer une gouvernance juridique pour les AMP, qui n’existe pas toujours de manière autonome dans les pays en développement ; d’autre part, celle-ci devrait s’appuyer sur une construction de la décentralisation (autorités décentralisées restrictivement prévues auxquelles des compétences environnementales échoient). L’État veut aussi parfois légitimer les pratiques « de fait » des acteurs préexistants à l’AMP détenteurs de pouvoirs. Il y a alors récupération par les administrations des règles locales d’accès (anciennes ou renouvelées), à l’efficacité avérée, et des capacités des individus et groupes locaux à réaliser efficacement l’auto-surveillance des zones protégées. L’intérêt se porte sur les régulations propres aux acteurs locaux, longtemps peu connues et considérées comme archaïques, que l’État veut maintenant juridiciser pour pallier l’efficacité insuffisante des instruments modernes. Le regain d’attention vers un système de sanctions élargi pour protéger la ressource naturelle, réutilisant la coutume existante, parfois en la réinterprétant, est un exemple.
44Au-dessus des gestionnaires d’AMP, l’État central, au plus haut niveau institutionnel, oscille entre deux positions. D’une part, coordonner de multiples emprises gestionnaires et de droit sur une zone maritime donnée, ce qui le paralyse puisqu’il n’arrive pas à organiser juridiquement cette complexité institutionnelle concurrente à la sienne. D’autre part, revenir à la formule (opposée) unilatérale centralisée visant à faire du périmètre de l’AMP un espace distinct des espaces ordinaires, donc un espace particulier où les règles du droit commun sont écartées au profit de modalités plus restrictives d’accès, de prélèvement, de déplacement, de valorisation. Par ce biais, l’État organise une forme de maillage du territoire supplémentaire, avec un espace d’AMP sur lequel ses agents s’imposent plus fortement. La gestion de cet espace sera laissée soit à un établissement public (mais sous la contrainte de moyens matériels et humains en réduction), soit à un établissement privé, créé à cette intention, rattaché à l’État ou infiltré par des bailleurs privés ou des ONG, ne serait-ce que par le quantum des fonds privés et/ou exogènes investis pour assurer cette fonction de gestion.
Conclusion
45La croissance récente du nombre des aires marines protégées ne s’accompagne pas encore de politiques publiques autonomes qui leur seraient spécifiquement consacrées. D’une part, les AMP, zonages sur lesquels s’exercent une réglementation et une police administrative particulières, relèvent plus du programme ou du simple projet que d’une politique publique strictement considérée. D’autre part, les AMP sont souvent incluses dans une politique nationale englobante, comme la protection de l’environnement, la gestion des pêches ou des forêts, l’aménagement côtier, la gestion intégrée des zones côtières, dont elles ne sont qu’un élément particulier. Il importe de les extraire de ces contextes qui obscurcissent parfois l’analyse plus qu’ils ne l’éclairent, en n’omettant pas que si l’AMP – outil de conservation – s’inscrit sans ambiguïté dans la conservation des ressources naturelles, elle peut nuire à l’amélioration des conditions de vie des individus et des groupes sociaux les plus en difficulté que prône pourtant le développement durable considéré ici dans ses aspects de poursuite de la réduction de la pauvreté et de meilleure répartition des richesses entre bénéficiaires du développement (Chaboud, 2006).
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Notes de bas de page
1 « Tout espace intertidal ou infratidal ainsi que ses eaux sous-jacentes, sa flore, sa faune, et ses ressources historiques et culturelles, que la loi ou d’autres moyens efficaces ont mis en réserve pour protéger en tout ou partie le milieu ainsi délimité. »
2 À l’appui de ces analyses sur la spécificité du milieu marin, littoral et côtier, viennent des éléments issus de la littérature scientifique relative aux AMP, des recherches menées par l’IRD sur la mise en protection des écosystèmes coralliens en Océanie et dans l’océan Indien, des éléments de la recherche sur les aires marines à Madagascar soutenue par l’action transdépartementale incitative « Aires protégées » de l’IRD, 2004-2006.
3 En effet, la connaissance de la bathymétrie fine des petits fonds qui caractérisent les AMP côtières est encore très incomplète, en raison d’un manque d’outils de mesure adaptés ; les taxons paysagers se composent donc uniquement d’informations relevant de la géomorphologie et de la bionomie, acquises par télédétection aérienne ou satellitaire accompagnée d’une vérité terrain.
4 J. Bonnemaison (1981) définit les géosymboles comme des lieux et des itinéraires que les hommes se sont appropriés au cours des générations et par lesquels leur culture s’inscrit.
5 Les migrations génésiques consistent en un rassemblement d’espèces dans certains sites à certaines périodes pour la reproduction ; les migrations ontogéniques correspondent à un déplacement de cohortes (ensemble d’individus de même âge) au cours de la croissance ; les migrations trophiques correspondent à un déplacement d’individus entre deux habitats distincts pour s’alimenter.
6 Ainsi les gestionnaires d’AMP sont confrontés au problème de l’évaluation des impacts de la plongée sous-marine ou de la pêche récréative, activités généralement mal estimées et dont la pratique augmente avec l’efficacité de la mesure de protection.
7 La faiblesse de l’offre scientifique des pays du Sud s’explique par le nombre restreint de chercheurs spécialisés sur les écosystèmes et encore plus sur les socio-systèmes littoraux. D’une manière générale, les départements de sciences sociales s’intéressent peu au milieu littoral, encore moins au milieu marin, et les étudiants formés sur le monde rural ou la ville préfèrent s’investir dans l’étude de ces derniers plutôt que sur les « terrains » littoraux et marins.
8 En Afrique de l’Est, une réflexion menée au sein de la Western Indian Ocean Marine Science Association vise à fédérer les chercheurs travaillant sur les littoraux de neuf pays pour construire des cursus pluridisciplinaires permettant, à côté des océanographes, de former des généralistes des milieux « littoral et marin » et des chercheurs en sciences sociales disposant de bonnes connaissances sur l’environnement côtier.
Auteurs
christian.chaboud@ird.fr
Christian Chaboud est économiste du développement à l’IRD, membre du Centre de recherche halieutique méditerranéenne et tropicale de Sète. Il a été coordinateur du programme soutenu par l’IFB « Enjeux économiques et sociaux de la biodiversité dans un contexte de grande pauvreté : le sud-ouest de Madagascar » et responsable de la composante économique du programme national de recherche crevettière à Madagascar. Il a co-édité plusieurs ouvrages collectifs sur les usages et la gestion des ressources renouvelables et de l’environnement : Du bon usage des ressources renouvelables (IRD Éditions, 2000), La ruée vers l’or rose (IRD Éditions, 2002), Madagascar face aux enjeux du développement durable (Karthala, 2007). Ses travaux de recherche portent en particulier sur les enjeux d’exploitation et de conservation des ressources et des écosystèmes marins.
florence.galletti@ird.fr
Florence Galletti est juriste à l’IRD. Affectée à Madagascar, elle est responsable du programme « Gouvernance environnement et développement durable en interdisciplinarités », et particulièrement du volet « Gouvernance et droit des ressources naturelles dans l’océan Indien » de ce programme développé par l’UMR C3ED 063.
gilbert.david@la-reunion.ird.fr
Gilbert David géographe de la mer et des îles, est chargé de recherche à l’IRD, en affectation à la Réunion. Habilité à diriger des recherches, il est co-responsable de l’axe « Approche intégrée milieux/sociétés » de l’unité « Expertise et spatialisation des connaissances en environnement ». Ses travaux portent sur la gestion et la conservation de la biodiversité littorale, étudiée selon une perspective territoriale, dans l’océan Indien (Comores, Madagascar, Réunion) et en Mélanésie (Vanuatu).
brenier@lafiba.org
Ambroise Brenier poursuit une spécialisation en océanologie. Accueilli par l’équipe de recherche de l’UR 128 de l’IRD, il réalise un doctorat en cotutelle entre l’université de Paris VI et l’université de Tuléar (Madagascar). L’objectif de cette recherche est d’évaluer le potentiel des suivis participatifs à fournir des informations utiles pour une gestion durable des ressources halieutiques en milieu corallien. Il a réalisé de nombreux stages dans des organismes internationaux (WWF, UNEP) ou nationaux (ONF, Diren). Il travaille depuis 2008 au sein de la Fondation internationale du Banc d’Arguin en Mauritanie.
philippe.meral@ird.fr
Philippe Méral économiste, est chercheur à l’IRD (UR 199). Spécialisé en économie de l’environnement et des ressources naturelles, il a été en charge d’un programme de recherche portant sur la politique environnementale et la gestion locale de l’environnement à Madagascar (2001-2005). A récemment publié avec C. Chaboud et G. Froger, Madagascar face aux enjeux du développement durable (Karthala, 2006) ainsi qu’avec C. Castellanet et R. Lapeyre, La gestion concertée des ressources naturelles : l’épreuve du temps (Karthala/Gret, 2007).
fanoandriamahefazafy@yahoo.fr
Fano Andriamahefazafy économiste, chercheur au Centre d’économie et d’éthique pour l’environnement et le développement – Madagascar (C3ED-M). Ses travaux portent sur l’évaluation des actifs et projets environnementaux, les méthodes d’aide à la décision, l’analyse des politiques publiques environnementales dans le contexte de l’aide au développement et l’application de l’économie de proximité à l’analyse de la structuration paysanne.
jocelyne.ferraris@ird.fr
Jocelyne Ferraris est directrice de recherche à l’IRD, responsable de l’UR128-CoReUs « Communauté récifales et usages des écosystèmes coralliens de l’Indo-Pacifique ». Spécialisée en analyse de données en écologie, ses travaux portent sur les interactions entre les ressources marines vivantes, leur environnement et leurs usages, notamment la pêche. Elle s’intéresse aux stratégies des acteurs par la typologie des activités et de leur impact sur les ressources et aux indicateurs de perturbations naturelles et anthropiques, telles que les aires marines protégées, en tant qu’outils d’aide à la gestion.
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