Les ONG, au centre du secteur mondial de la conservation de la biodiversité
p. 59-98
Texte intégral
1Note portant sur l’auteur1
2Comment comprendre le lien qui unit la notion de biodiversité et l’action des ONG qui se consacrent à la conservation de la nature ? Ces ONG sont omniprésentes dans les débats scientifique et politique autour de la biodiversité comme dans les actions visant à sa protection. Cet article se propose d’évaluer la corrélation qui unit la croissance institutionnelle des ONG de conservation et la promotion mondiale de la notion de biodiversité. Pour pouvoir évaluer cette relation, il est nécessaire d’analyser l’histoire et les configurations actuelles des politiques de protection institutionnalisée de la nature, suivant deux argumentaires principaux.
3D’une part, la « conservation de la nature », en tant que domaine d’activité, précède largement la diffusion de la notion de biodiversité, qui n’est qu’un des avatars de l’objet « nature » à protéger. Les ONG y ont joué un rôle de plus en plus important jusqu’à aujourd’hui, promotrices d’un véritable « secteur mondial de la conservation », intégré et hiérarchisé, incluant agences publiques et opérateurs commerciaux, et organisé autour de la gestion des aires naturelles protégées. Le déploiement planétaire de ce secteur s’appuie sur des emboîtements d’échelles depuis les bureaux internationaux de l’« oligopole » jusqu’aux ONG locales ad hoc.
4D’autre part, malgré ses promesses et sa médiatisation, la biodiversité n’a finalement pas provoqué de véritables mutations des politiques de conservation. Elle a en revanche offert une belle opportunité politique aux ONG, qui y ont trouvé une légitimation pour leurs stratégies de déploiement planétaire sous l’égide de la gouvernance globale. La légitimité que la biodiversité confère aux ONG est due à la fois à sa rhétorique de la diversité, qui fait écho aux injonctions idéologiques et esthétiques du néolibéralisme et ouvre ainsi un espace aux ONG, et à la séduction globaliste intrinsèque à la notion de biodiversité. Celle-ci donne aux ONG mondiales de conservation une place centrale dans le développement durable tel qu’il se construit aujourd’hui. Il est néanmoins peu sûr que les ONG puissent effectivement profiter de cette opportunité. Leur histoire marquée par l’autoritarisme, leur positionnement politique largement conservateur et leur dépendance structurelle dans le système politique international actuel fragilisent leur « fantasme d’État » tel qu’il se déploie dans le cadre d’une biodiversité mondiale.
Une histoire des ONG de conservation
5L’histoire de la conservation de la nature ne recoupe pas entièrement celle des ONG, mais présente des synergies évidentes. Dès l’institutionnalisation des premières réserves naturelles, à la fin du xixe siècle, les ONG ont joué un grand rôle dans la formulation des diverses politiques de protection de la nature. Elles sont passées de la promotion des aires strictement protégées à l’identification des zones en danger, puis, dans la mouvance du développement durable, à la mise en place de corridors biologiques et d’aires de conservation gérées par les populations locales. Elles ont accompagné en permanence les choix gouvernementaux (coloniaux et post-coloniaux) en ce qui concerne les stratégies, les modes de financement et les formes de gestion sur le terrain. Dans ce cadre, le rôle des ONG de conservation s’est trouvé renforcé sur tout le xxe siècle. L’institutionnalisation de la biodiversité est la dernière étape en date qui a permis aux ONG de se placer au cœur de ce qui est aujourd’hui un secteur mondialisé de la conservation. L’analyse de l’évolution de la place des ONG dans l’histoire de la conservation sur un siècle est alors nécessaire pour prendre la mesure des enjeux et des positions au moment de l’apparition de la notion de biodiversité.
Les créations des premières ONG
6L’histoire générale de la conservation de la nature est déjà bien documentée (Boardman, 1981 ; MacKenzie, 1988 ; Bonner, 1993 ; Beinart et Oates, 1995 ; McCormick, 1995 ; Simonian, 1995 ; Grove et al., 1998 ; Neumann, 1998 ; Barton, 2002 ; Rodary et Castellanet, 2003 b ; Adams, 2004). On en rappellera les principales phases et le rôle qu’ont joué les ONG dans ces étapes.
7La conservation comme secteur d’activité spécifique, faisant l’objet de politiques ciblées, a deux origines. Elle est d’abord issue de mouvements environnementaux européens créés dès les xviie et xviiie siècles, lors de la colonisation des tropiques (Grove, 1995). Elle est ensuite renforcée par les débats qui ont lieu aux États-Unis dans la seconde partie du xixe siècle entre « conservationnistes » et « préservationnistes » (Nash, 1967). À la fin de ce siècle, ce sont donc deux régions du monde qui voient apparaître de véritables mouvements conservationnistes : dans les cercles américains bien sûr, mais également dans les milieux coloniaux et particulièrement dans l’Empire britannique. La première phase de création des aires protégées date de cette période et concerne principalement l’Amérique du Nord et l’Afrique subsaharienne. Les premières grandes ONG datent également de cette époque. Aux États-Unis, la Audubon Society est créée dès 1886, le Sierra Club est fondé en 1892. La New York Zoological Society, qui sous le nom de Wildlife Conservation Society (WCS) est aujourd’hui une des ONG les plus actives du mouvement conservationniste, est créée en 1895. Dans les colonies britanniques, des chasseurs fortunés créent la Society for the Preservation of the Fauna of the Empire (SPFE) en 1903, ONG qui restera très active jusqu’à la Seconde Guerre mondiale et existe encore aujourd’hui sous le nom de Fauna and Flora International.
8En Europe, au même moment, les oiseaux occupent le devant de la scène des préoccupations conservationnistes naissantes. Un projet de convention internationale sur la protection des oiseaux est lancé dès 1872 et une convention sur les oiseaux utiles est effectivement signée en 1902 par 12 pays européens. La Ligue suisse de protection de la nature, fondée en 1909, a eu dans l’entre-deux-guerres un rôle déterminant dans l’institutionnalisation d’un mouvement international de conservation. L’ONG International Committee for Bird Protection (ICBP, aujourd’hui Birdlife International) est créée en 1922 et regroupe des Américains, des Français, des Néerlandais et des Britanniques. Durant cette période également, les premiers projets d’une organisation internationale en charge de la protection de la nature sont lancés en Europe dès 1913, puis relancés en 1928, avant d’aboutir, en 1934, à la création de l’Office international pour la protection de la nature. Les congrès internationaux sont aussi nombreux : les puissances coloniales se retrouvent en 1900 et 1933 à Londres pour prendre des mesures de protection de la faune en Afrique, et en 1940 pour l’ensemble du continent américain, alors que trois congrès internationaux pour la protection de la nature sont réunis à Paris en 1909, 1923 et 1932.
9Les premières réserves de chasse, réserves forestières et parcs nationaux apparaissent et se diffusent comme outils d’action sectoriels à cette période, surtout en Amérique du Nord et en Afrique anglophone. La réserve est alors la forme dominante d’utilisation de l’espace que l’on veut protéger. Elle autorise un prélèvement de certaines ressources naturelles (gibier, bois) et en interdit d’autres. Cette première phase n’est ainsi pas « préservationniste » au sens moderne du terme, car l’utilisation de certaines ressources est autorisée dans les réserves. Il faudra attendre la diffusion des parcs nationaux pour entrer véritablement dans une période d’interdiction totale des prélèvements.
10La période qui court de 1900 à la Seconde Guerre mondiale voit donc le mouvement de conservation prendre de l’ampleur avec une dimension internationale évidente dès ses débuts. La stratégie des acteurs du secteur suit les logiques générales des relations internationales. Les tentatives de constitution d’un organisme international de conservation doivent être vues en ce sens.
L’institutionnalisation des ONG et des réserves naturelles
11Ce n’est donc pas un hasard si ces tentatives finissent par être menées à bien dans l’immédiat après-guerre, avec la création de l’Union internationale de protection de la nature en 1947 (qui sera rebaptisée Union internationale de conservation de la nature, UICN, en 1956). La mise en place de l’UICN correspondait à une demande de différentes organisations qui ont directement participé à sa création : 24 délégations nationales, des représentants de l’ICBP, de l’Unesco, de la FAO et d’autres organismes de l’ONU. Elle permettait de trouver une issue originale et consensuelle à cette attente d’une organisation susceptible de coordonner les politiques mondiales de conservation : l’organisation se définissait à la fois comme une association d’agences gouvernementales, d’ONG et de scientifiques. L’UICN deviendra très vite le centre d’un réseau conservationniste international associant instances internationales, États-nations et ONG nationales et internationales conservationnistes, jouant un rôle proche d’une organisation de l’ONU sans en avoir les statuts. Jusqu’à l’apparition d’une nouvelle génération d’ONG dans les années 1960, l’UICN constitue réellement le noyau du futur secteur mondial de la conservation dont elle est la seule organisation internationale. Malgré l’origine géographique peu représentative de ses membres, majoritairement occidentaux, l’UICN diffuse des standards mondiaux dans les politiques nationales de conservation. Deux instances de l’UICN jouent à cette période un rôle catalyseur dans cette mondialisation des politiques. D’une part, à travers les travaux de la commission des parcs nationaux, créée en 1960. D’autre part, l’UICN intervient directement dans la coordination scientifique des écologues travaillant sur la conservation, à travers sa commission des espèces menacées.
12Malgré cette capacité de mobilisation et de coordination scientifique, l’UICN ne se trouvait pas en bonne posture pour consolider des actions de conservation sur le terrain. La question allait devenir particulièrement cruciale pour les conservationnistes, principalement occidentaux, avec le mouvement d’indépendance qui commençait à s’étendre, notamment en Afrique où était menée la majorité des politiques de conservation des pays du tiers monde. C’est une mesure tactique qui incite ces milieux conservationnistes à créer une ONG plus efficace sur le terrain et capable d’intervenir là où les anciennes administrations coloniales étaient remplacées.
13Dès son lancement en 1961, le Fonds mondial pour la faune sauvage (World Wildlife Fund) a des objectifs explicites : une recherche des moyens financiers pour mener à bien ses actions, des liens forts avec les réseaux décisionnels issus des sphères marchande et publique, une implantation résolument internationale avec des projets menés prioritairement à l’échelle locale et contrôlés par le Nord. Construite par les élites occidentales, cette ONG a posé dès sa création les bases de ce qu’elle deviendra à la fin du xxe siècle : une organisation partenaire et réformiste. Après 1961, le WWF (rebaptisé Fonds mondial pour la nature, World Wide Fund for Nature, en 1986) va croître sans discontinuer et se transformer en symbole le plus important du secteur mondialisé.
14Dans les années 1960, d’autres ONG sont créées avec les mêmes objectifs d’efficacité financière mise au service de la conservation. The Nature Conservancy (TNC) est une organisation créée en 1950. Elle se consacre principalement à la récolte de fonds pour l’achat de terres aux États-Unis, dans le but de créer des zones de conservation de la nature, mais elle s’est ensuite diversifiée dans des actions à l’étranger. L’African Wildlife Foundation (AWF) est créée en 1961 par des Américains, avec l’objectif explicite d’encadrer et de former les nouveaux professionnels africains amenés à prendre en charge la gestion des parcs.
15Sur cette période, le gros des efforts de la conservation internationale porte sur l’Afrique. À l’échelle continentale, la conservation, qui s’était institutionnalisée sur la première moitié du xxe siècle comme une activité élitiste de loisir, se tourne avec les indépendances vers un discours utilitariste. Les ONG se retrouvent sur le devant de la scène pour convaincre les nouveaux dirigeants de l’intérêt de la conservation en termes économiques. La conférence d’Arusha, organisée en 1961 et dans laquelle Julius Nyerere, futur président de la Tanzanie, fait une déclaration fameuse sur l’intérêt de la faune sauvage pour les jeunes nations africaines, et la convention africaine pour la conservation de la nature et des ressources naturelles (tenue à Alger en 1968) sont toutes les deux initiées par l’UICN et le WWF. Contrairement à ce qu’affirme par exemple John McCormick (1995), le tournant des années 1960 dans le secteur de la conservation ne concerne donc pas les populations locales, mais bien une ouverture du champ vers un argumentaire économique qui concerne bien davantage les gouvernements que les communautés locales.
16C’est à cette époque que se généralise à l’échelle mondiale l’utilisation des parcs nationaux comme outils de gestion spatiale, ouvrant une période strictement préservationniste. La diffusion des parcs dans les pays du tiers monde correspondait assez précisément à l’intrusion du discours économique dans le secteur. Il représentait la matérialisation spatiale de l’impératif d’enclave sectorielle défendu par les conservationnistes. La convention sur la conservation qui se tient à Londres en 1933 précise ainsi que les parcs nationaux doivent être des « États dans l’État » destinés à survivre aux alternances politiques.
17L’UICN a joué dans ce cadre un rôle fondamental de diffuseur d’idées et de normalisation des outils. En particulier, sa commission sur les parcs nationaux a pour objectif de faire l’inventaire des aires naturelles protégées, d’harmoniser la terminologie et les critères de sélection et de proposer une assistance technique pour la création et la gestion de ces zones. Elle va peu à peu se transformer en plate-forme de discussion et de pression sur les gouvernements, telle une agence d’assistance technique mondiale qui reflète les perceptions dominantes de ce que doit être une zone protégée. Une liste des parcs et des réserves existant dans le monde est dressée à partir de 1958. Le premier répertoire mondial est édité en 1977 et sera par la suite régulièrement actualisé avec des recommandations aux gouvernements. Parallèlement, l’UICN assure l’organisation de congrès mondiaux sur les parcs nationaux et les réserves tous les dix ans depuis 1962.
18La place des ONG se renforce donc sur cette période, au sens où elles peuvent intervenir directement auprès des gouvernements, comme spécialistes sectoriels susceptibles d’apporter financements et appui technique aux nouvelles équipes. La consolidation de ces structures non gouvernementales permet également d’euphémiser une position plus ancienne des conservationnistes blancs, tous chasseurs et membres de fait d’une élite économique et politique occidentale (MacKenzie, 1988). A l’aube des années 1970, le monde de la conservation présente ainsi une figure historique caractérisée par sa profonde continuité sociale malgré les changements institutionnels. Elle résume la figure archétypale de la conservation classique, où la production scientifique écosystémique alimente un secteur d’activité de la conservation selon des critères jugés objectifs, mis en œuvre dans des enclaves de nature (les parcs nationaux et les réserves) eux-mêmes contrôlés par un État centralisateur. L’argumentaire économique n’intervient que dans la mesure où il permet à l’État à la fois de dégager des bénéfices et d’exercer un contrôle territorial sur des territoires marginaux. Dans les grandes orientations politiques et économiques des États, le secteur de la conservation est marginal (qu’il s’agisse du tiers monde ou de l’Occident). En cela, la conservation subit les effets évidents d’une dynamique capitaliste de mise en valeur des milieux intrinsèquement incompatible avec la conservation2. Mais dans son enclave et dans son cadre sectoriel, la conservation s’inscrit en pleine continuité des logiques étatiques de contrôle des populations, de contrôle territorial et d’étatisation des ressources. Les positions historiques du secteur se construisent sur une homothétie avec l’État, mais dans un enclavement sectoriel doublement marginal, car il concerne un secteur isolé de l’action politique et se concentre sur des espaces naturels supposés clos. Peu importe alors que l’État ait le contrôle de ces espaces : les ONG ont dans ces enclaves une capacité d’action sans commune mesure avec leur poids politique réel.
Changement de paradigme
19Les choses changent de manière radicale dans les années 1970. L’émergence du mouvement écologiste sur la scène politique internationale se traduit par un rapprochement entre les préoccupations environnementales et l’idéologie développementaliste. La révolution environnementale (McCormick, 1995) a concerné les sphères d’analyse critique de la croissance et du capitalisme, autour des penseurs de l’écologie politique, des animateurs du Club de Rome et des organisateurs du sommet de Stockholm. Les conservationnistes occupent une place marginale dans cette période charnière qui voit les premiers balbutiements de la notion de développement durable. Les critiques portées à l’encontre des pratiques du monde conservationniste, les changements de paradigme scientifique au sein de la biologie et surtout les nouvelles formes de revendications environnementales, avec en particulier la création de Greenpeace et de Friends of the Earth, vont fragiliser les ONG conservationnistes plutôt qu’être provoqués ou portés par elles (Rodary et Castellanet, 2003 b). Il s’ensuit que la décennie 1970 est une période de transformations, dont les résultats en termes médiatiques et opérationnels se feront sentir au début des années 1980. L’UICN, en particulier, est profondément touchée par une remise en cause de ses modes de fonctionnement, en même temps qu’elle traverse une grave crise financière. Elle est critiquée dans ses choix scientifiques, qui font davantage appel à des critères cynégétiques qu’à une analyse des menaces à l’échelle des grands biomes. Elle l’est aussi pour le manque de démocratie des instances dirigeantes. L’organisation renouvelle en 1977 son équipe internationale en s’ouvrant à des spécialistes des pays du tiers monde. Parallèlement, le WWF intervient pour sauver l’UICN d’une faillite financière. C’est dans ce cadre que les thèses de l’écodéveloppement, développées initialement autour de la conférence de Stockholm, se diffusent dans les ONG de conservation. À partir de 1977, la décision est prise au WWF, à l’UICN et au Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) de rédiger un ouvrage programmatique prenant en compte les nouvelles orientations que doit prendre la conservation dans un contexte de révolution environnementale et de « verdissement » du développement. La Stratégie mondiale de la conservation est publiée en 1980 (UICN et al., 1980). Elle ouvre un changement de cap fondamental du monde des ONG conservationnistes, qui sera, à la fin de la décennie, à la fois synthétisé et dynamisé par l’utilisation de la notion de biodiversité. Ce changement va permettre au secteur conservationniste de se placer au centre du paradigme du développement durable.
20Au début des années 1990, de nombreuses ONG sont créées et la plupart des organisations connaissent une rapide croissance de leurs budgets, du nombre de leurs employés et de leurs implantations nationales, ainsi qu’une multiplication de leurs participations aux arènes internationales.
21Conservation International (CI), qui allait devenir un des leaders du secteur mondialisé de la conservation, est fondée en 1987 à Washington, lorsque les dirigeants du bureau Amérique latine de TNC, alors en pleine expansion géographique, décident de démissionner pour former leur propre organisation. De fait, les opportunités liées à la croissance du secteur en Amérique latine sont importantes. Une étude des investissements de l’aide nord-américaine au niveau mondial montre ainsi qu’entre 1987 et 1991, le budget de la conservation de la biodiversité augmente de 180 %. Plus de la moitié va vers l’Amérique latine et les Caraïbes (Meyer, 1999). Pour sa part, TNC contrôle le plus grand réseau mondial d’aires protégées privées et « Parks in perils » est le plus grand réseau de réserves naturelles dans les régions tropicales.
22Au sein des ONG elles-mêmes, la croissance a des effets notables sur les structures et les finances. Le nombre de membres de l’UICN est passé de 80 à 928 entre 1949 et 2000, comprenant 79 États, 112 organismes publics, 670 ONG nationales et 67 ONG internationales. Les entrées d’argent dues aux cotisations des membres ont beaucoup augmenté entre 1997 et 2003, correspondant principalement aux contributions des États. En 2003, le budget total était d’environ 80 millions de dollars, alors que l’ONG était, comme on l’a vu, en banqueroute dans les années 1970.
23Le WWF, qui avait un million de donateurs en 1981, en a aujourd’hui 5 millions. En 1970, le lancement du Club des 1001 (rassemblant 1001 donateurs de 100 000 dollars chacun) avait permis de collecter 10 millions de dollars pour consolider l’ONG. Les échelles ont changé depuis lors : entre 1985 et 2003, le WWF a déboursé 1,165 milliard de dollars dans ses différents projets à travers le monde. Son budget annuel était de 395 millions de dollars en 2002 (soit trois fois le budget du PNUE).
24D’autres exemples permettent de mesurer l’ampleur du phénomène de croissance des ONG de conservation. La Royal Society for the Protection of Birds (branche anglaise de Birdlife International) avait 10 000 membres en 1960, 500 000 en 1980 et plus d’un million en 2002. La structure internationale elle-même a aujourd’hui 2,5 millions de membres et 400 employés. CI de son côté a un budget annuel de plus de 80 millions de dollars. Elle a reçu en 2001 le plus grand don jamais effectué à une ONG de conservation de la biodiversité (261 millions de dollars sur dix ans). WCS a eu en 2003 un budget annuel de 129 millions de dollars, dont 31 millions consacrés à ses activités de conservation internationale. TNC, dont les activités d’achat de terres justifient des fonds importants, avait en 2002 un budget de 972 millions de dollars (plus de dix fois celui du Sierra Club), employant 3 200 personnes dans 528 offices disséminés dans les 50 États des USA et dans 30 pays étrangers. Parallèlement, les ONG de conservation se multiplient également dans de nombreux pays du Sud au début des années 1990.
Une organisation hiérarchisée d’ONG pour la gestion mondiale de la biodiversité
25Nous avons vu que la diffusion mondiale des politiques de conservation vers les pays du Sud a été portée par quelques grandes ONG du Nord. En parallèle des liens étroits avec les États, ces organisations se caractérisent par deux modes de gestion des échelles d’intervention : soit les grandes ONG créent des antennes au niveau national, régional et local ; soit elles s’appuient sur d’autres ONG de plus petite taille qui interviennent à chacun de ces niveaux. Étant donné le degré de dépendance qui caractérise généralement les relations entre ONG d’échelles différentes, ces deux modes ne constituent cependant pas deux modes radicalement différents d’intervention : tous deux rentrent dans un système hiérarchisé où domine un oligopole à la fois décisionnel et financier. Par-delà une hiérarchie structurelle, le secteur se caractérise par une profonde imbrication sociologique.
Un secteur hiérarchisé : les poupées russes de la conservation
26La création de réserves naturelles dans le monde des années 1990 s’opère en général sous l’impulsion de l’un des membres de l’oligopole : l’UICN, le WWF, TNC, CI et la WCS. Ces ONG sont des acteurs essentiels d’une « gouvernance multi-niveaux », grâce à leurs antennes locales, leurs contacts avec les États et leurs bureaux internationaux qui participent à forger le référentiel dominant du secteur. Elles apportent un professionnalisme, une canalisation de financements et une forte connexion transnationale dans la plupart des régions jugées stratégiques. Elles s’appuient sur des personnes et des petites structures qu’elles contribuent à transformer en véritables laboratoires pour les politiques de conservation, avec des budgets, une organisation consolidée et une forte légitimité nationale et internationale. Chacune des grandes ONG possède une structure complexe qui lui permet d’articuler une stratégie mondiale avec une action locale dans les aires protégées.
Les antennes régionales et nationales de « l’oligopole »
27L’idée d’organisations supranationales travaillant à une échelle continentale ou régionale s’est affirmée dans la dernière phase de consolidation du secteur mondial de la conservation. Ce niveau d’élaboration stratégique reste quasi exclusivement l’apanage de l’oligopole de la conservation à travers la planification écorégionale et le renforcement des experts régionaux.
28Aujourd’hui, l’UICN compte 10 bureaux régionaux, ainsi que 24 bureaux nationaux de liaison. Les années 1960 furent essentiellement celles des projets en Afrique. Une véritable stratégie de régionalisation et d’ouverture aux « pays en développement » aux postes décisionnels ne commença qu’à partir des années 1970, avec une entrée massive des pays latino-américains et l’ouverture de bureaux nationaux et régionaux, s’inscrivant dans la politique générale de décentralisation (Holdgate, 1998 ; Boardman, 1981).
29Les bureaux qui constituent en 2000 la « famille WWF » sont organisés selon plusieurs modalités. La principale différence est celle qui sépare les 31 bureaux dits « nationaux », relativement autonomes vis-à-vis du WWF International, des 24 bureaux dits « régionaux », qui fonctionnent comme des antennes du WWF International. La plupart des bureaux « nationaux » sont situés dans des pays du Nord (avec quelques exceptions toutefois dans le Sud : Brésil, Afrique du Sud, Indonésie, etc.). Dans les bureaux « régionaux », majoritairement situés dans les pays du Sud, il faut également distinguer ceux dont le terrain d’action est organisé autour d’un seul pays et ceux dont les attributions concernent plusieurs pays. Contrairement aux bureaux nationaux, les bureaux régionaux n’ont pas d’autonomie dans les choix des modes et champs d’action, ni dans la gestion administrative et financière de l’implantation.
30À TNC, l’importance des bureaux agissant aux États-Unis reste très prégnante et la stratégie d’internationalisation a été tardive. Il n’existe pas systématiquement de bureaux décentralisés à l’étranger et tout passe par la construction d’un petit groupe d’ONG partenaires dans le pays lui-même. TNC est maintenant présent dans 28 pays, autour de quatre grands bureaux continentaux (Amérique du Nord, Amérique centrale, Amérique du Sud et Asie-Pacifique) et appuie sa stratégie internationale autour de l’initiative « Parks in peril » lancée en 1990. Malgré tout, TNC reste aujourd’hui une organisation très profondément nord-américaine.
31Les activités de CI commencent en Bolivie et en Amérique centrale puis s’étendent rapidement à l’ensemble du continent latino-américain. À partir de 1990, CI commence à travailler en Afrique et en Asie, pour arriver aujourd’hui à une présence dans 30 pays. Ses bureaux internationaux sont divisés en départements continentaux, eux-mêmes divisés en sous-régions (Afrique, Asie-Pacifique, Mésoamérique et Amérique du Sud).
32C’est dans ce contexte de politique mondialisée que les grandes ONG ont chacune développé des stratégies d’identification des zones prioritaires de conservation. Les hot spots de CI lancés en 1998, les Important Birds Areas de Birdlife, les 200 écorégions globales (Global 200) initiées en 1998 par le WWF, les African Heartlands de l’AWF, ou encore les portfolios qui orientent les acquisitions de TNC, structurent et hiérarchisent désormais les actions des ONG de l’oligopole à l’échelle du globe (Adams, 2004).
Les « ONG du Sud » dans le secteur : unité et diversité des trajectoires nationales
33Malgré l’importance des acteurs internationaux de l’oligopole intervenant directement au niveau national ou local, l’émergence d’acteurs nationaux publics et privés chargés des aires protégées, dans la plupart des pays du Sud, a transformé les politiques de conservation. Des agences étatiques consolidées ont souvent été précédées par la création d’ONG nationales. On trouve donc, à côté des antennes nationales de l’oligopole, des organisations de droit national. Ces organisations sont souvent créées sous influence étrangère et restent généralement dépendantes des financements et de l’expertise internationale. Il existe néanmoins de grandes différences entre ces organisations nationales suivant les continents et suivant les pays.
34Le dynamisme de la « société civile » et sa capacité à se structurer restent en particulier déterminants. La taille des communautés scientifiques représente une condition importante pour l’émergence de ces ONG très liées aux milieux de la biologie. Les ONG nationales sont ainsi plus nombreuses et bien plus puissantes en Amérique latine qu’en Afrique (l’Asie étant dans une position intermédiaire). Il semble que les facteurs « externes » aient été souvent plus déterminants encore pour expliquer l’importance des ONG nationales. Étant donné la dépendance de ces dernières envers les financements étrangers, l’intérêt des organisations internationales pour les richesses naturelles d’un pays a souvent été un stimulant essentiel pour la création de ces ONG.
35Les ONG nationales remplissent certaines fonctions cruciales dans le secteur : elles sont en charge d’élaborer des stratégies au niveau national et elles gèrent des projets distribués sur l’ensemble du territoire. Cela leur donne une légitimité, une organisation et une expérience uniques. Cette taille critique leur permet ainsi de capter les fonds internationaux destinés spécifiquement aux organisations du pays capables de gérer et de redistribuer des projets à cette échelle. La grande proximité qu’entretiennent les dirigeants de ces ONG avec les gouvernants ainsi qu’avec certaines élites économiques et avec les bureaux nationaux de l’oligopole leur donne un rôle de courtiers important pour l’efficacité du secteur mondialisé. Malgré des premiers balbutiements dès 1930 et l’émergence d’organisations à partir de 1970, l’Amérique latine demeure, jusqu’en 1980, loin des développements institutionnels et des projets consacrés à la conservation de la grande faune tels qu’on a pu les voir aux États-Unis et en Afrique. D’une part, le contexte politique et culturel incite peu à la création d’ONG de conservation et, de l’autre, le continent n’a pas encore acquis la popularité dont il peut se targuer aujourd’hui dans les milieux internationaux de la conservation.
36Par leur précocité et leur rôle de modèles, la Fondation Charles Darwin pour les Galapagos (créée en 1959, voir Grenier, 2000) et la Fondation Natura en Équateur (fondée en 1978) seront prises comme exemples de professionnalisation et d’accords multi-acteurs pour la création d’un « bien public international » (proches en cela de l’autre expérience célèbre de InBio au Costa Rica).
37Le Costa Rica est le pays où les politiques environnementales ont été, depuis les années 1970, les plus dynamiques de la région. Le secteur de la conservation est à présent dominé par deux grandes ONG : la Fondation des parcs nationaux (1979) et la Fondation néotropicale (1985). Elles constituent en fait le cœur de toutes les politiques de conservation in situ de la biodiversité. À l’exception des pays d’influence anglaise comme le Belize ou le Panama, les autres pays d’Amérique centrale ont des ONG beaucoup moins développées.
38Au Brésil, les actions de conservation les plus importantes sont bien sûr situées en Amazonie, mais les ONG ont gardé un intérêt particulièrement vif pour les problématiques sociales et les luttes indigènes, à l’image de la plus célèbre, l’Instituto Socioambiental. Le WWF (bureau national) a toujours été très présent, mais TNC et CI sont restées, jusqu’à il y a peu, plus discrètes dans la région. Se sont développées de grandes ONG régionales comme Imazon (1991) ou l’Ipam (1995) (Lena, 2002). Malgré la croissance des années 1990, la faiblesse relative des ONG de conservation en Argentine comme au Chili, au Nicaragua ou au Pérou illustre le moindre intérêt des acteurs internationaux du secteur pour ces pays.
39La plupart des ONG mexicaines de conservation qui existent aujourd’hui émergent au tournant des années 1980, sous l’influence directe ou indirecte de zoologues nationaux et des milieux nord-américains de la conservation. Pronatura, formée en 1981, domine le paysage mexicain de la conservation avec de nombreux bureaux régionaux, presque 259 salariés en 2002 et de multiples contacts internationaux.
40Contrairement à l’Amérique latine, les ONG africaines de conservation sont restées rares jusqu’à aujourd’hui. Suivant en cela l’histoire de la conservation en Afrique, les safaris et le tourisme dans les parcs nationaux marquent fortement la dynamique des ONG du secteur. Cette histoire a créé des « centres mondiaux de la conservation », comme le Kenya, la Tanzanie, l’Afrique du Sud et Madagascar, qui concentrent la majorité des ONG continentales. Plus récemment, l’Afrique centrale a également connu une activité conservationniste importante autour de la question forestière.
41Au Kenya par exemple, les ONG sont extrêmement nombreuses. Schématiquement, elles peuvent être distinguées selon leur spécialisation : ONG de conservation généralistes3, ONG spécialisées sur une espèce, sur un site... ou sur une personne, sociétés naturalistes4, auxquelles il faut ajouter l’ensemble des organisations représentant les compagnies de tourisme et les ONG de lutte contre la maltraitance animale. L’agence para-étatique mise en place à la fin des années 1990 pour gérer les parcs et le tourisme (le Kenya Wildlife Service) a reçu des aides et dons de plus de 39 structures, dont 18 ONG.
42Le WWF et l’UICN sont présents sur tout le continent, et financent des projets précis ou fournissent des appuis institutionnels plus larges aux gouvernements. Un deuxième groupe d’ONG internationales (CI, WCS et AWF) intervient sur tout le continent mais de manière plus concentrée sur des régions de forte biodiversité et/ou de forte tradition conservationniste.
Les ONG locales : faible autonomie pour les (co-) gestionnaires des réserves
43Lorsqu’il s’agit de conservation de la biodiversité dans les pays du Sud, les ONG internationales ou nationales cherchent en général à s’appuyer sur de petites structures partenaires. Ainsi, même si les grandes ONG disent travailler sur le terrain, le rôle des ONG ad hoc, censées être ancrées dans le tissu socio-politique local, est déterminant pour la projection territoriale du secteur mondial de la conservation et dans la gestion directe des aires protégées. Certaines réserves concentrent ainsi une multitude d’acteurs des différents niveaux et un haut niveau de financements, alors que d’autres sont très largement délaissées.
44Depuis la fin des années 1980, les pays d’Amérique latine ont multiplié les expériences de dispositifs d’acteurs locaux au sein desquels se côtoient quelques employés publics de la réserve, ceux des agences de l’oligopole ou de la coopération bilatérale et ceux d’ONG ad hoc, sans oublier des scientifiques et des dirigeants des organisations sociales des populations. La politique « Parks in perils » de TNC en Amérique latine est un bon exemple de ce type de partenariat local et de renforcement des capacités institutionnelles décentralisées.
45En Afrique, très peu d’ONG sont créées ex nihilo pour gérer des parcs nationaux et les réserves de chasse. La plupart du temps, la charge revient aux départements des parcs qui ont une longue tradition et un savoir-faire indéniables, quoique disposant de peu de moyens. Les potentialités économiques importantes et l’attrait que représentent les trajectoires nationales du Kenya ou de l’Afrique du Sud en termes de retombées financières et d’entrées de devises expliquent en partie la volonté des États africains de garder un contrôle sur leurs parcs. De plus en plus néanmoins, la gestion est déléguée ou commercialisée à des sociétés privées. À quelques exceptions, les ONG ad hoc gestionnaires d’une réserve sont donc largement absentes du continent.
46En Zambie par exemple, qui a une certaine notoriété avec des programmes comme Admade, il n’existe que dix ONG de conservation nationales ou locales. À l’exception des associations de safari, aucune de ces structures n’a de moyens financiers suffisants pour intervenir dans la gestion des aires protégées. Seule la Wildlife and Environmental Conservation Society of Zambia gère un centre de sensibilisation et d’accueil du public dans un parc, avec des financements du WWF.
47Sur tous les continents, et malgré cette structure de « gouvernance multi-niveaux » complexe et cet afflux de financements internationaux, la réalité des aires protégées reste fragile et conflictuelle au niveau local. La complexité sociale n’est généralement pas prise en compte. En ce sens, l’action locale s’apparente principalement à une stratégie pratique et discursive de justification de la place des acteurs principaux du système mondialisé. La redécouverte et la reconstruction de la tradition dayak par le WWF en Indonésie (Chartier et Sellato, 2003) ou l’utilisation du programme de gestion communautaire Campfire (Communal areas management programme for indigenous resources) au Zimbabwe, dans lequel la faiblesse des résultats économiques et politiques locaux est compensée par une sur-médiatisation internationale (Rodary, 2001), montrent que le local est bien avant tout un enjeu global.
Un secteur intégré : globalisation et partenariats de la conservation
48Pendant les années 1990, l’institutionnalisation et l’accroissement du secteur de la conservation ont été exceptionnellement rapides. La construction d’une nouvelle politique sectorielle est faite d’une chaîne d’acteurs hiérarchisés et se base sur une multitude de partenariats public-privé et national/international incluant États et organisations internationales gouvernementales (OIG). Ce secteur mondialisé possède un centre de décision qui se présente comme global et qui privilégie le partenariat. Dans ce contexte, la proximité structurelle est renforcée par une politique officielle de coopération entre acteurs et une réelle socialisation qui se tisse à travers des réseaux interpersonnels et institutionnels transnationaux.
Partenariats pour la production d’un savoir global sur la biodiversité
49Des liens anciens unissent les grandes ONG de conservation et les organisations internationales avec deux caractéristiques : les collaborations contribuant à créer une communauté épistémique en faveur de la conservation et l’importance des financements internationaux dans la transformation du secteur.
50Dès sa création, l’UICN a profité du parrainage de l’Unesco et de la FAO. Avec la création du programme MAB de l’Unesco en 1971, puis du PNUE en 1972, l’expertise internationale se consolide. La communauté épistémique ainsi constituée autour de l’UICN va rester dominante au niveau international jusqu’au milieu des années 1980, avant d’être transformée par l’influence des grandes ONG internationales. À cette période, la vague des partenariats se diffuse dans le monde conservationniste et devient une rhétorique omniprésente à partir du milieu des années 1990 (McNeely, 1995). Les stratégies mondiales de conservation de 1980 puis de 1991 sont ainsi l’occasion d’une formidable multiplication des partenariats entre OIG, ONG internationales, Thinks Tanks, entreprises et agences de coopération.
51Ces collaborations croisées favorisent la création d’une expertise et la multiplication des agences spécialisées sur la construction d’un savoir global sur la biodiversité. C’est le cas pour l’expertise du World Resources Institute (WRI), ou encore du World Conservation Monitoring Center créé par l’UICN, le PNUE et le WWE La mise sur l’agenda mondial de la problématique biodiversité a été accompagnée d’un agrandissement et d’un déplacement de l’ancienne communauté épistémique.
52L’UICN et le WWF ont également eu un rôle important dans la création et le fonctionnement de conventions comme la CITES et la CDB. Elles participent aux secrétariats des deux conventions et ont à ce titre un rôle d’appui technique « impartial » qui s’avère déterminant dans les votes des Parties. L’arène internationale constituée autour de l’UICN est un des principaux lieux de contact entre l’ensemble des spécialistes du secteur des réserves naturelles. Grâce à ses congrès mondiaux sur les parcs et grâce à son travail de standardisation des systèmes d’aires protégées nationaux, l’UICN contribue à cette globalisation du champ de la conservation.
53La relation entre l’UICN et le WWF International (toutes deux basées dans le même bâtiment à Gland, en Suisse) a des racines anciennes et continue à vivre à travers l’appui scientifique de la première et les financements de la seconde. Symbole de cette intégration sectorielle, le Biodiversity Support Program a par exemple été créé et financé en 1990 par l’USAID, le WWF-US, CI, TNC et le WRI, afin de donner de la cohérence aux projets de ces différents acteurs et de partager des méthodologies et des cadres d’action communs. L’intégration horizontale des acteurs travaillant dans le domaine de la conservation de la biodiversité s’effectue en parallèle de l’intégration verticale présentée plus haut.
54Le fait que toutes ces ONG travaillent dans des activités similaires, collaborent et captent les mêmes financements internationaux n’empêche en rien une compétition parfois féroce. La concurrence pour les fonds entre les membres de l’oligopole est particulièrement forte, la confiance des bailleurs de fonds se transformant rapidement en capital symbolique qui rassure les donateurs privés et autres bailleurs internationaux. La concurrence pour les financements se mesure également dans les tentatives de créer des images corporatives différentes et se reflète dans les modes de légitimation scientifiques, comme le montrent les stratégies « maison » d’identification des zones prioritaires de biodiversité mondiale. La localisation géographique n’est pas non plus anodine, notamment entre les ONG « helvético-bruxelloises » (UICN, WWF International et bureaux européens nationaux) et les ONG de Washington (TNC, CI, WCS, WWF-US).
Imbrications OIG-ONG à travers les nouveaux financements internationaux
55Les relations entre ONG et OIG passent aussi par les financements internationaux pour la conservation, qui se multiplient aux alentours de 1991-1992.
56Le « verdissement » de la coopération internationale s’est nettement accentué grâce à la réorientation de la Banque mondiale vers les problèmes de protection de l’environnement à la fin des années 1980. La Banque mondiale est devenue un acteur essentiel du champ et insiste beaucoup sur la collaboration avec les ONG.
57Le Fonds mondial pour l’environnement (FEM) est un moteur clé de ces programmes interinstitutionnels. Ses projets sont l’occasion d’une intense collaboration avec les experts des gouvernements récepteurs, et l’effet démultiplicateur de ses prêts (ou dons) a eu une influence centrale dans le monde : pour chaque dollar investi par le FEM, presque 1,7 dollar est mis pour les mêmes projets par des acteurs privés ou publics. La consolidation du FEM à partir de 1994 a beaucoup modifié le champ de la conservation de la biodiversité dans ses rapports Nord/Sud, car son budget dépasse celui de tous les autres acteurs du secteur.
58Au niveau de la coopération gouvernementale, l’agence américaine USAID est le premier financeur de la conservation. Elle a notamment été décisive dans le lancement des « réductions de dette contre des mesures de protection de la nature » (debt-swaps for nature) et dans la création des Fonds nationaux pour l’environnement. L’agence estime plus facile de travailler avec des organisations qu’elle connaît, d’abord parce qu’il existe un accord au plus haut niveau et ensuite parce qu’elle dépend du savoir-faire des organisations qui canalisent ses financements ; dans ce cadre, les ONG de l’oligopole sont largement privilégiées.
59Les financements internationaux ont tendance à se concentrer et l’effet « boule de neige » fonctionne à plein. Les meilleurs exemples sont sans doute ceux du Costa Rica ou du Kenya, où la liste des financeurs internationaux est interminable. Cette croissance rapide des financements de la coopération internationale a été une aubaine pour les grandes ONG. Elle a également fortement resserré les liens que les ONG entretenaient avec les organismes internationaux et les États.
Les imbrications ONG/État
60L’ouverture des États aux collaborations avec les acteurs non gouvernementaux correspond à un mouvement plus large de démocratisation et de « tertiarisation » enclenché par le tournant néolibéral. Il fait suite à la pression croissante de l’opinion publique et des ONG qui demandent une plus grande participation dans les politiques publiques. Dans le secteur de la conservation, l’imbrication a été poussée à un niveau particulièrement élevé du fait que les réserves naturelles restent le plus souvent créées par décret présidentiel et que la légitimité pour gérer de vastes territoires repose encore sur une reconnaissance étatique. La dimension foncière et territoriale permet difficilement de se passer de toute collaboration avec l’État (Dumoulin, 2004 a). Cette collaboration a eu tendance à s’institutionnaliser : à l’échelle internationale, où les grandes stratégies et les conférences internationales se sont multipliées ; au niveau national, où la réception des financements internationaux a été conditionnée par la construction de dispositifs parapublics ; et enfin au niveau local, où la gestion des réserves se fait avec un contrôle des autorités publiques, même quand celles-ci limitent leur représentation sur place à quelques employés et à des lignes budgétaires minimes.
61Malgré les apparences d’une dynamique purement transnationale, les grandes ONG restent en fait imbriquées avec le monde des États. Les activités visant à conseiller les États et à susciter l’institutionnalisation des politiques de conservation sont devenues pendant les années 1990 une des tâches principales des grandes ONG, et notamment de l’UICN qui intervient en amont des politiques publiques, en particulier en rédigeant les stratégies nationales de conservation.
62On retrouve de forts liens « privé/public » à travers les debt-swaps for nature qui ont permis une collaboration étroite entre ONG et fonctionnaires. Le Costa Rica a obtenu les deux tiers de toutes les réductions de dette du monde entre 1987 et 1991, puis de très importants financements. Dans ce contexte, la Fondation des parcs nationaux et la Fondation néotropicale sont depuis leurs origines les bras parapublics des agences gouvernementales et sont au cœur de l’ensemble des politiques publiques du secteur. Dans la même logique, le programme Campfire au Zimbabwe a associé des ONG nationales, une ONG internationale (WWF), le gouvernement central (plusieurs ministères) et des associations d’élus locaux dans un même organe de gestion politiquement très efficace.
63Les partenariats menés par les ONG de conservation avec le monde de l’entreprise sont apparus dans les sources de financement, dans les comités de direction des principales ONG internationales et nationales, dans la culture de plus en plus managériale de ces ONG, ainsi que dans la gestion des réserves naturelles elles-mêmes. Le secteur de la conservation a réussi à intéresser nombre d’entreprises, en particulier des pays du Nord, à ses activités. Cela a facilité la sortie de l’isolement dans lequel s’était longtemps maintenu le secteur et son ancrage actuel dans les transformations des modèles politico-économiques dominants.
L’intégration sociologique du secteur par-delà le statut « ONG »
64Les trajectoires personnelles des individus actifs dans le secteur de la conservation montrent que les liens sociaux précèdent l’entrée formelle dans le secteur. La plupart des individus travaillant dans la conservation dans les pays du Sud possèdent un certain capital cosmopolite, soit par leur famille, soit par leurs études ou leurs premiers ancrages professionnels. En Amérique latine par exemple, ces trajectoires personnelles révèlent des origines familiales européennes ou nord-américaines, ou bien le plus souvent une formation universitaire aux États-Unis. Ces contacts directs ou cette socialisation internationale sont un capital clé pour se mouvoir avec succès dans le secteur de la conservation. De la même manière, la conservation en Afrique est profondément connectée au monde occidental. Parce que les « centres » continentaux ont une histoire de la protection de la faune étroitement associée à la présence de peuplements blancs pendant les colonies, proximité qui s’avère encore importante aujourd’hui. Et parce que de nombreuses ONG ont été créées avec le but explicite de former les Africains aux standards occidentaux de conservation et de garder des contacts directs entre ONG et administration des parcs.
65La nouvelle génération qui arrive aux postes décisionnels à partir des années 1980 est particulièrement marquée par cette internationalisation qui a permis une vraie professionnalisation, mais aussi une création progressive de réseaux de sociabilité à l’échelle internationale. Ces expériences conduisent à un certain formatage des cursus des experts du Sud, mais elles sont une condition essentielle pour parvenir à de hauts postes au sein des ONG. De telles expériences tendent à manquer à ceux qui se limitent aux postes de fonctionnaires de l’État central et travaillent généralement dans des agences sous-financées. Le mouvement d’intégration professionnelle a été renforcé par le déploiement de politiques « coutumières », « indigénistes », ou « autochtones », qui a permis à des acteurs locaux d’être cooptés au sein des réseaux mondiaux de conservation (Rodary, 2001).
66Plus généralement, ce marché professionnel mondialisé donne à ceux qui y participent une socialisation commune, et un savoir partagé qui les identifient comme experts et les rapprochent de leurs pairs. Faire partie d’un même marché professionnel constitue un puissant accélérateur d’interconnaissance et de partage d’une doxa commune, par-delà les frontières institutionnelles et politiques. Cette intégration sociologique entre les individus travaillant dans le domaine de la conservation de la biodiversité ne peut gommer totalement les passés différents ou les optiques qui restent parfois divergentes, mais elle montre combien le découpage d’un objet « ONG » ne fait pas forcément sens et qu’il convient de percevoir la continuité de réseaux sociaux derrière les effets de structure.
67Ce jeu d’échelle hiérarchisé des ONG, ces « poupées russes de la conservation », ainsi que cette interpénétration entre le monde des ONG et celui des OIG et des États permettent de parler d’un secteur mondialisé de la conservation. Ce champ social n’est certes pas caractérisé par la seule coopération ou l’uniformisation, car les différences de visions et les spécificités nationales ou continentales ne peuvent être effacées. C’est pourtant ce mélange entre concurrence pour les mêmes ressources et partage des mêmes normes, socialisations et modèles d’action qui donne son existence au secteur mondialisé.
La biodiversité est-elle un objet politique ?
68Le secteur de la conservation a gardé, tout au long du xxe siècle, une position marginale malgré ses prétentions englobantes. Marginale, parce que les dynamiques de mise en valeur et d’exploitation des ressources cantonnaient la conservation à un rôle annexe vis-à-vis des forces principales du développement. Englobante, parce que dans les aires protégées était affichée une volonté explicite de contrôle intégral. La matérialisation technique de la science écologique dans son paradigme écosystémique se concentrait sur une gestion spatiale d’aires naturelles – concrètement les parcs nationaux – correspondant au référentiel d’interventionnisme de l’État. Le positionnement politique du secteur de la conservation était alors celui d’un enclavement marginal vis-à-vis des politiques plus générales. La position change radicalement avec l’institutionnalisation de la biodiversité. Celle-ci permet aux conservationnistes de relier l’exigence scientifique de conservation à une ouverture économique, politique et spatiale. La biodiversité s’avère alors une opportunité pour inscrire la conservation au centre du développement durable. Pourtant, dans un secteur historiquement isolé, cette ouverture représente un fantasme politique en même temps qu’une menace de dissolution.
La biodiversité comme fantasme politique
69Les changements intervenus dans les années 1970 avaient placé le mouvement conservationniste à la marge des innovations institutionnelles et idéologiques. Dépassé par les changements de paradigmes de la biologie de la conservation, par les nouveaux environnementalistes et critiqué pour ses pratiques peu soucieuses du bien-être des populations locales, le champ conservationniste va néanmoins réussir à rebondir et reprendre la main d’une légitimité internationale en publiant la Stratégie mondiale de la conservation en 1980. Cette publication est suivie deux ans plus tard par le 3e congrès mondial sur les parcs nationaux et les aires protégées, qui se tient pour la première fois dans le Sud, à Bali, et aborde explicitement la question du développement dans la gestion des ressources naturelles (McNelly et Miller, 1984). À la même période, les premières expériences de gestion participative des ressources naturelles se développent dans les pays du Sud. D’ampleur limitée, ces programmes pilotes sont néanmoins l’occasion de poser sur le terrain les premiers jalons des théories élaborées dans les sphères internationales (Wells et Brandon, 1992). De la même manière, les théories de l’écologie des paysages et de la biodiversité sont formalisées durant la décennie 1980 et proposeront la création de corridors biologiques qui connecteraient différentes zones de protection. C’est donc une période de redéfinition des objectifs du monde de la conservation, qui va déboucher sur une nouvelle stratégie mondiale (UICN et al., 1991) et sur la conférence de Rio.
La biodiversité, outil politique de débordement
70La biodiversité est un concept scientifique profondément imprégné d’une dimension médiatique identifiable dès ses premières formulations. Non pas que la dimension strictement scientifique soit absente, mais le terme de biodiversité a produit un effet de légitimité indubitable en dehors des sphères de la recherche en tant qu’outil de rhétorique politique. Deux éléments ont permis à ce mot de s’imposer comme élément nodal des politiques mondiales de protection de l’environnement : d’une part la notion de diversité, de l’autre l’idée de globalité. Le concept scientifique de biodiversité est ancré dans les réflexions sur la biogéographie et l’écologie du paysage, et il est étroitement lié à la prise en compte de la dimension planétaire dans les études écologiques. Les deux éléments de diversité et de globalité s’associent étroitement à la fois dans une approche strictement paradigmatique, interne et visant une heuristique scientifique, et dans un positionnement programmatique à destination du public, des politiques et des financeurs.
71La diffusion de la biosphère comme unité pertinente pour l’étude des dynamiques écologiques a fait écho à la « nouvelle globalisation » sociale qui prenait corps au début des années 1990. Dans ces processus concomitants, les ONG internationales ont occupé à la fois une position structurelle d’agents politiques mondiaux et d’acteurs gestionnaires susceptibles de mettre en œuvre sur le terrain les exigences scientifiques liées à la biosphère. La théorie selon laquelle les ONG sont les agents politiques les plus à même de relier le niveau local au niveau global a été défendue par les ONG elles-mêmes, mais a également diffusé dans les milieux académiques (Princen et Finger, 1994 ; Wapner, 1996 ; Beck, 2003). L’argumentaire de la dimension « glocale » des ONG ne s’appuie pas sur un caractère structurel et essentiel de la catégorie ONG, mais plus prosaïquement sur des ONG de grande taille, susceptibles d’avoir un rayon d’action mondialisé. On se trouve alors en présence d’un argumentaire à deux niveaux ayant une incidence directe sur la légitimité de ces grosses ONG. D’une part, la nécessité scientifique d’une action globale pour combattre l’érosion de la biodiversité justifie le dépassement politique du champ national. D’autre part, l’injonction globaliste justifie la position structurelle d’ONG mondiales au détriment d’autres institutions de moindre ampleur qui se retrouvent alors en position inféodée, simples courroies de transmission pour les nouveaux représentants de la cosmopolitique environnementale. La biosphère comme espace irréductible de la biodiversité consolide en ce sens les ONG de l’oligopole, à la fois quantitativement dans leurs dimensions et qualitativement dans leur essence extra-étatique.
72Parallèlement, la biodiversité est entrée en résonance avec la notion à la fois plus large et plus politique de diversité. Un glissement sémantique s’est effectué depuis la diversité biologique vers la diversité sociale, justifié par la prise en compte progressive des pratiques et des savoirs locaux dans la gestion des ressources naturelles. Ici encore, le constat scientifique de l’importance de l’action anthropique dans le maintien de la biodiversité a été renforcé par une symétrie métaphorique dans le champ socio-politique. Puisque la biodiversité est mieux protégée par des pratiques différentes, la diversité des sociétés doit elle aussi être protégée. La « double conservation » (Dumoulin, 2003) basée sur l’existence d’un lien intrinsèque entre la diversité naturelle et la diversité culturelle qui se consolide dans les années 1990 trouve sa place naturelle dans une discours libéral qui célèbre la diversité et refuse les lois « sclérosantes » de l’excès d’égalitarisme menant à la bureaucratisation et à l’immobilisme.
73C’est donc une double valeur ajoutée qui se superpose au concept scientifique. La biodiversité suppose une vision globale de l’action humaine, mais elle porte intrinsèquement une exigence de diversité. On ne peut alors pas réduire la biodiversité à un outil d’analyse du vivant : elle porte en elle une valeur politique singulièrement en phase avec les référentiels mondiaux de l’époque. L’effet cumulatif a été particulièrement marqué dans les régions neuves d’un point de vue des politiques de conservation, notamment l’Amérique latine, où l’association d’un impératif politique et d’une exigence scientifique a joué à plein pour légitimer l’interventionnisme des ONG et les premières mesures des politiques publiques sectorielles. Plus largement, le secteur de la conservation, après sa marginalisation dans les années 1970, s’est construit, avec la double valeur de la biodiversité, une place charnière dans le développement durable.
Outils importés et exportation d’outils
74D’autres outils ont à la même période été utilisés par le secteur conservationniste : la participation politique et l’intéressement économique. Au tournant des années 1990, l’argumentaire strictement économique n’était pas nouveau dans le monde de la conservation. En Afrique comme en Amérique anglophone, la diffusion des parcs nationaux à partir des années 1950 s’est accompagnée d’un discours très utilitariste de la part des professionnels du secteur. La participation politique était, elle, plus récente comme instrument politique, dans un champ historiquement marqué par son dirigisme et son centralisme. La diffusion des pratiques participatives ne commence qu’au début des années 1980 et se concrétise réellement la décennie suivante. Dans l’optique conservationniste qui se forme à cette période, la dynamique politique est principalement une conséquence de la rationalité économique. La nouveauté du discours participationniste concerne les acteurs auxquels sont destinées les retombées économiques de la conservation. Jusqu’alors, les filières économiques mises en place autour des parcs nationaux se concentraient sur les bénéfices économiques à l’échelle nationale, avec une forte emphase sur les opportunités financières assurées aux États. Le tournant participationniste applique alors l’argumentaire économique aux communautés locales vivant à proximité des aires naturelles protégées. Il ouvre également un champ de réflexion sur la nécessité d’une réappropriation politique de la part des institutions décentralisées, mais il n’en reste pas moins que la charpente idéologique de la plupart des conservationnistes s’organise selon une logique de choix rationnels dans laquelle l’intérêt des agents locaux justifie et provoque les changements politiques. On retrouve en ce sens la proximité idéologique entre le néolibéralisme économique et le libéralisme politique telle qu’elle se présente dans les années 1980-1990.
75Ce rapprochement est renforcé par une conjonction spécifique liée à l’émergence de la bioprospection comme champ d’action industriel. L’économie de la biodiversité se consolide au début des années 1990 avec le développement de la bioprospection dans des régions de forte biodiversité. Cette nouvelle forme de mise en valeur s’est avérée cruciale pour la diffusion médiatique de la biodiversité. La valorisation de la biodiversité bute en effet sur une limite nette correspondant aux éléments de cette diversité capables de générer des bénéfices économiques. Certes, la « bulle spéculative » liée aux potentialités de la bioprospection est retombée depuis, mais elle a néanmoins joué un grand rôle dans l’acceptation des problématiques environnementales dans le milieu entrepreneurial.
76La conservation participative a une conséquence directe sur les formes que prend la conservation : elle ouvre en effet les aires naturelles protégées à des espaces sociaux autrefois extérieurs aux politiques de conservation. Alors que l’exclusion caractérisait les mesures de protection de la nature jusqu’aux années 1980, l’intégration de la conservation aux dynamiques du développement devient à cette date la figure dominante des objectifs du champ.
77Il s’ensuit que la conservation de la biodiversité a pris des formes spatiales nouvelles. Impulsé dès les années 1970 avec les réserves de la biosphère du programme MAB, le désenclavement se renforce par la suite. Les Programmes intégrés de conservation et de développement (PICD), la gestion communautaire des ressources naturelles (CBNRM, de l’anglais community-based natural resource management) et les réserves extractivistes deviennent la norme des nouvelles configurations de la conservation (Rodary et al., 2003). La création d’aires protégées de catégorie VI (spécialement dédiées à la gestion durable des écosystèmes) par l’UICN correspond également à cette volonté de prendre en compte la complexité des interactions entre milieux construits et dynamiques naturelles. La tendance générale est ainsi au dépassement des aires naturelles protégées comme unique lieu de gestion de la biodiversité. Là encore, l’argument scientifique s’associe étroitement à la justification sociale. L’écologie de la biodiversité montre en effet que la conservation doit être menée à l’échelle régionale et non pas uniquement dans des réserves closes. L’argument économique ne dit pas autre chose quand il affirme qu’une implication locale doit accompagner les mesures de protection de la nature afin de limiter les externalités négatives provoquées par des actions anti-conservationnistes (braconnage) ou plus simplement par des activités concurrentes et destructrices de la biodiversité (monocultures, infrastructures lourdes, etc.). Un des programmes de conservation intégrée les plus médiatisés ces vingt dernières années, le programme Campfire au Zimbabwe, est ainsi situé entièrement en dehors des aires protégées du pays. Plus généralement, la déconnexion entre conservation et aires protégées est un enjeu majeur pour le secteur, et spécifiquement pour les ONG. Celles-ci cherchent désormais à consolider leurs pratiques dans les aires protégées, mais peuvent également tendre à élargir leurs capacités d’action à l’extérieur, notamment à travers la construction de complexes spatiaux où les zones de forte biodiversité sont reliées entre elles par des corridors biologiques, eux-mêmes pensés dans le cadre d’une gestion bio-sociale à l’échelle du globe.
Le fantasme d’État
78Cette ouverture spatiale et la lame de fond du libéralisme mondial qui déborde l’État par le haut et par le bas permettent aux ONG de prendre une place politique nouvelle. L’enclavement spatial et politique du secteur qui avait dominé le xxe siècle est remplacé par une centralité dans les affaires publiques que les conservationnistes n’avaient pas auparavant. Ceux-ci ont construit avec la biodiversité un objet politique qui transcende l’existant en se plaçant comme garant du futur désirable. La gestion de la biodiversité est devenue un indicateur du développement durable. Elle place ainsi ses spécialistes au centre de ce référentiel et leur permet de relier directement leurs propres pratiques à l’imaginaire de la globalisation.
79Les ONG se positionnent en ce sens comme des acteurs capables de prendre en charge l’ensemble des domaines de l’action publique sur un territoire donné. Elles débordent la position d’acteurs sectoriels qu’elles occupaient jusqu’à présent, pour revendiquer une légitimité d’acteurs « globaux », la dimension globale devant ici être comprise à deux niveaux, celui du débordement du territoire de l’État et celui du débordement des compétences du champ conservationniste. Cette extension permet alors aux conservationnistes de pleinement déployer un fantasme politique dans lequel ils se positionnent en remplaçants de l’État.
La biodiversité comme menace politique
80Cette position globalisante des ONG pose certaines questions à l’observateur et impose certaines limites au champ conservationniste lui-même, que celui-ci se cantonne à des positions en contradiction avec ses affirmations, ou qu’il soit limité par des éléments extérieurs.
Persistance des pratiques et nouvelles concurrences
81On a une première idée des limites qui se posent au fantasme d’État des ONG de conservation dans la faiblesse des modifications apportées aux pratiques conservationnistes depuis l’institutionnalisation de la biodiversité. De manière générale, les ONG du secteur « conservent » des objets d’étude et des systèmes d’actions singulièrement proches de ceux des périodes précédentes. La diversification est limitée, et quand elle a lieu, elle a pour objectif d’étendre les mesures de conservation en dehors des aires protégées plutôt que de changer les méthodes employées au sein de ces espaces (Rodary, 2001). Le constat est valable pour l’ensemble des actions du WWF, malgré une inflexion de ses politiques ces dernières années, en particulier avec des campagnes sur le changement climatique et sur l’utilisation des pesticides (Chartier, 2002). Certaines ONG ne s’embarrassent pas de considérations rhétoriques trop contraignantes sur le développement et restent concentrées sur des actions de protection de la biodiversité (TNC et CI). D’autres, comme l’UICN, sont plus novatrices dans le discours, mais la gestion des parcs et la protection des espèces restent leurs objectifs dominants. Le poids respectif des commissions de l’organisation donne une idée de l’importance de la gestion des aires protégées. La Commission des aires protégées regroupe aujourd’hui 1 300 membres. Celle des espèces menacées rassemble 6 800 spécialistes, quand les quatre autres commissions ne dépassent pas 500 personnes chacune. Chez les grandes ONG du secteur, la multiplication proclamée des domaines d’intervention occulte la persistance d’une forte domination des financements canalisés vers la conservation de la biodiversité dans les réserves et parcs naturels.
82La dimension globale de la biodiversité a eu cependant des effets qui ont engendré leur propre dynamique et ouvert le champ à d’autres ONG traditionnellement centrées sur d’autres thématiques. Un premier domaine où le holisme de la biodiversité a introduit de nouveaux acteurs est celui de la biosphère. Là où l’expertise conservationniste se concentrait sur l’aire protégée, le positionnement militant des ONG de défense de l’environnement global a ouvert des champs d’action peu investis par le secteur. Des organisations comme Greenpeace ou Friends of the Earth ont ainsi adopté des stratégies directement connectées à des questions planétaires qui leur ont permis de se placer aujourd’hui comme leaders sur des sujets comme la diffusion des OGM, la surexploitation des réserves halieutiques mondiales, ou les effets du réchauffement planétaire.
83La diversification des thématiques imposée par la diversité biologique concerne également le champ de l’agriculture. À ce titre, des ONG du monde agricole revendiquent aujourd’hui une expertise dans la conservation de la diversité agrobiologique, comme RAFI ou GRAIN (Dumoulin, 2004b), quand les publications de l’UICN sur l’agrodiversité apparaissent surtout comme des déclarations d’intention encore peu suivies d’effets (McNeely et Scherr, 2001).
84Enfin, il faut mentionner l’apparition, au sein même du secteur, d’acteurs concurrents des grosses ONG de conservation, qui basent leur argumentaire sur la prévention de la cruauté envers les animaux (The International Fund for Animal Welfare, Friends of Animais, The Humane Society of the USA, The Born Free Foundation, etc.). Ces structures financent désormais de gros programmes de « conservation », profitant de la médiatisation du secteur, même si leur but principal est l’arrêt de la chasse davantage que la prise en compte de la biodiversité. Elles déroulent dans tous les cas une critique directe des traditions de gestion cynégétique particulièrement marquées dans les grandes ONG de l’oligopole et ouvrent de nouveaux champs d’action plus connectés aux mouvements d’écologie profonde qui surfent également sur la biodiversité pour justifier leur position.
85À l’échelle d’une visibilité et d’une légitimité mondiales, l’apparition de nouveaux acteurs sur le terrain de la défense de la biodiversité perturbe alors la hiérarchie du secteur. Il n’est néanmoins pas évident de déterminer les tendances qui pourront s’imposer dans le futur. Les nouveaux rentrants ne sont pas nécessairement mieux armés que les ONG conservationnistes pour s’investir dans des actions ciblées sur la biodiversité. Ils peuvent pourtant déplacer le terme « biodiversité » dans l’imaginaire politique vers une vision hybride de la nature (biodiversité urbaine, création agronomique de la biodiversité, impact de la génétique, etc.) et de ce fait décrédibiliser les acteurs classiques d’une diversité « sauvage » (Chartier, 2005).
Les limites : un certain conservatisme...
86La longue tradition « naturaliste » d’ONG comme le WWF, l’UICN, CI leur permet de garder une autorité évidente, mais apparaît aussi comme un frein aux changements. Les actions de ces structures sont encore principalement subordonnées à la priorité donnée à la protection de cette nature appelée aujourd’hui la biodiversité. Les tentatives d’intégration de questions économiques ou politiques se font alors à l’aune d’objectifs beaucoup plus restreints. Cette contradiction est illustrée par l’utilisation simultanée d’un discours de réappropriation politique (empowerment) des populations gestionnaires de la biodiversité et de l’impératif d’engagement (commitment) de ces populations en faveur de la conservation. Il est envisageable d’un point de vue théorique qu’une autonomie politique puisse favoriser la gestion durable de la biodiversité, mais cela suppose, d’une part, que les intérêts économiques de cette gestion soient supérieurs à ceux d’autres activités plus destructrices de la nature et, d’autre part, que les conditions politiques d’une autonomie locale soient réunies pour permettre une réelle démocratie directe. Sur ces deux points, les ONG se trouvent face à des structures concurrentes directes : les entreprises privées ayant la capacité marchande de mettre en valeur la biodiversité, et les administrations d’État ayant la légitimité pour définir le contexte politique au sein duquel peut se faire la gestion de la nature.
87Au niveau politique, les ONG n’occupent pas une position qui puisse effectivement prendre en charge de manière légitime les dynamiques sociales dans leur ensemble. Leur volonté stratégique de dépassement des frontières d’une action sectorielle limitée à la protection de la nature est contredite par leur capacité effective à prendre en charge les affaires publiques. Et leur discours apolitique ne leur permet guère d’occuper réellement un rôle de médiateur que réclame leur revendication transectorielle. Dans les arènes internationales, le champ de la conservation de la biodiversité est très largement dominé par d’autres champs de la coopération internationale. Plus généralement, la biodiversité est marginale dans l’agenda politique de la scène internationale comme dans les politiques publiques nationales et reste déterminée par des logiques externes, qu’elles soient commerciales ou politiques. Si les ONG trouvent une place comme nouveaux acteurs politiques profitant du recul de l’État, c’est donc dans une position qui reste cantonnée à un secteur spécifique. Qu’il s’agisse des nouveaux « courtiers de la conservation » qui occupent le rôle charnière entre les financeurs internationaux et les instances communautaires locales, ou des commissions de l’UICN ou du WWF consultants auprès des organismes internationaux, la marge de manœuvre des ONG reste étroite dès lors qu’elles cherchent à sortir d’un rôle sectoriel clairement établi dans le système politique mondial. Plus spécifiquement, le monde de la conservation reste marqué par son histoire autoritaire et son positionnement politique conservateur. L’ouverture vers des objectifs non plus uniquement liés à la sauvegarde de la biodiversité mais ouverts à des considérations plus humanistes est ainsi autant un problème interne au secteur, où beaucoup d’acteurs sont opposés à ces changements, qu’un problème externe dans la mesure où les observateurs sont sceptiques quant à la capacité réelle des conservationnistes à dépasser leur logique naturaliste initiale.
Le tournant managérial du secteur de la conservation
88La désectorialisation et la prise en charge réelle de la diversité culturelle ou de la complexité des processus sociaux sont également limitées par la nouvelle interpénétration entre monde des entreprises et conservation. Gérées comme des entreprises, tenues à alimenter et à faire croître constamment leurs rentrées d’argent par des campagnes de communication grand public, poussées par leurs financeurs qui ont investi dans le « vert » à avoir des résultats rapides et séduisants, donc basés généralement sur une gestion technique de la « nature », les ONG ne sont pas incitées à sortir de leurs activités strictement sectorielles ou à adopter une position politique plus critique vis-à-vis des modèles de développement.
89Le mouvement enclenché dans les années 1960 de recentrement sur l’intérêt économique de la protection de la nature, son approfondissement dans les années 1980 avec le tournant participatif et la vague libérale récente ont contribué à ouvrir largement les ONG, d’une part, à la recherche de bénéfices pour mener à bien leur action et, d’autre part, vers un rapprochement avec le monde des entreprises. Toutes les grandes ONG internationales sans exception ont développé des stratégies en ce sens. TNC bien sûr, qui a centré son action sur l’achat de terrains dès sa création et dans laquelle la logique de conservation est marginale face aux logiques entrepreneuriales. CI également, en s’appuyant sur une image de rigueur scientifique et de conservation participative, a développé une relation d’une intimité exceptionnelle avec le monde des entreprises et sur les solutions innovantes de fund raising. Elle a lancé en 1987 le premier debt-swaps for nature en Bolivie, puis les a multipliés dans le monde entier pour une somme totale qui dépasse aujourd’hui le milliard de dollars. Elle crée en 2001 le Global Conservation Fund pour lutter contre les industries extractives à travers des paiements directs aux populations locales en échange de leur engagement à conserver leur environnement.
90Sous le slogan « Bon pour la nature, bon pour les affaires ! », le WWF a, de son côté, lancé en 1998 un programme nommé « Conservation partners » visant à nouer des relations avec des compagnies industrielles, qui permet à ces entreprises associées de valoriser leur image tout en versant en retour un apport financier à l’ONG. Par ailleurs, et sans surprise, presque la moitié des membres du conseil d’administration du WWF International sont présidents, vice-présidents ou directeurs d’entreprises commerciales ou industrielles.
91La liste des conseils d’administration d’autres structures, comme CI ou la WCS, présente les mêmes caractéristiques d’une désormais profonde intrication des entreprises et de la conservation. Cette imbrication ne concerne pas des entreprises vertes. Elle touche au contraire largement les industries les plus polluantes ou les plus extractives.
92Une autre dynamique de privatisation du secteur de la conservation concerne la diffusion des aires naturelles privées. À l’image de l’ensemble des politiques environnementales, l’idée de production de biens publics (Constantin, 2002) par des agents privés a inspiré les politiques de conservation in situ. Les ONG sont partie prenante de ces processus (TNC possède par exemple six millions d’hectares aux États-Unis et 41 millions à l’étranger), mais elles sont de plus en plus concurrencées par des entreprises à vocation commerciale. Les réserves privées ont toujours existé, notamment en Afrique orientale où le ranch de faune sauvage (la conservancy) est une vielle tradition. Mais le phénomène s’accélère très rapidement en Amérique latine depuis quelques années et touche désormais tous les continents. L’accroissement avéré de la chasse sportive en Afrique subsaharienne ces dernières années profite majoritairement aux entreprises, que ce soit à travers la commercialisation de zones de safaris par l’État ou la création de réserves privées (Roulet, 2004).
Conclusion : le secteur de la conservation au risque de la modernisation écologique
93Les avancées d’un argumentaire économique au sein du monde de la conservation ont pris au cours de la dernière décennie une dimension extensive. En internalisant la valorisation de la biodiversité, en structurant les politiques de gestion communautaire et en envahissant l’espace laissé inoccupé par le retrait de l’État, l’économie du vivant s’impose à l’ensemble du monde conservationniste.
94Ce mouvement est d’autant plus prononcé qu’il s’inscrit dans des reconfigurations politiques où le local et le global s’opposent de plus en plus comme niveaux légitimes de politiques intégrées du territoire (avec un référentiel « global », diraient les spécialistes de politiques publiques), quand jusqu’alors l’État national avait seul la compétence reconnue d’une politique transectorielle.
95Dans ce double processus économique et politique, les ONG perçoivent leur rôle comme central. On a vu en particulier qu’elles se projetaient comme supplétifs potentiels de l’État dans la construction de politiques intégrées associant conservation et développement. On a vu également qu’elles avaient sur ce point un manque évident de légitimité, comme arbitres au sein de l’arène politique et comme promoteurs de la valorisation de la biodiversité ; alors même que les autres secteurs de la société se préoccupent de plus en plus de conservation.
96Le meilleur signe des difficultés qu’éprouve le secteur pour sortir de sa réserve est le mouvement interne de retour sur une stricte science écologique déconnectée des questions sociales. Ce mouvement de retour aux aires protégées (back to barriers) est perceptible dès le milieu des années 1990 en Afrique centrale (Oates, 1999) comme en Amérique du Sud (Terborgh, 1999) et correspond aux stratégies les plus récentes des ONG de l’oligopole (Wilshusen et al., 2002).
97Les différentes étapes du rapprochement du monde conservationniste vers le développement, dont la synthèse s’est faite dans les années 1990 autour de la biodiversité, obligent les ONG à des choix fondamentaux. Soit la conservation reste dans son enclave et demeure marginale face aux dynamiques capitalistes mondiales, soit elle s’impose comme élément structurant de ce capitalisme qui s’incurve alors vers une forme « soutenable ». En ce sens, un accomplissement du développement durable signifierait la fin logique et nécessaire du secteur de la conservation. Ce domaine spécifique de l’action, fondé historiquement en correction des excès de l’exploitation capitaliste, n’aurait plus de raison d’être une fois que les injonctions de soutenabilité de la biosphère seraient intégrées au cœur même du développement capitaliste. En s’inscrivant dans cette logique modernisatrice, les ONG hypothèquent leur avenir comme agents dominants d’un secteur qui se dilue, mais elles peuvent aussi hypothéquer les objectifs de conservation, si ceux-ci se fondent dans une culture managériale où l’invocation du développement durable ne remettrait pas en cause les logiques destructrices du capitalisme.
98La perspective la plus réaliste est probablement dans une voie médiane, où les ONG feraient valoir leurs capacités d’innovation dans la gouvernance de la biodiversité sans remettre en cause certaines dimensions politiques et économiques du système. Les ONG de conservation semblent en effet offrir aux financeurs et au public davantage un imaginaire de la « diversité globale » qu’une connaissance réelle de la complexité des zones dans lesquelles elles interviennent et des dynamiques structurelles qui biaisent leurs activités de conservation.
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Notes de bas de page
1 Les auteurs remercient très chaleureusement Denis Chartier pour son aide à la récolte de données et à la rédaction.
2 Alors que les premières formulations d'une préoccupation conservationniste au xixe siècle procédaient encore d'une vision intégrée des deux dynamiques – protection et exploitation – qui la rapproche très clairement des formulations actuelles du développement durable (Rodary et al., 2003).
3 Parmi celles-ci, les ONG occidentales sont largement majoritaires – African Wildlife Foundation (USA, 1961), The Wildlife Trust (USA, 1971), The Earth Preservation Fund (USA, 1979), Conserve Africa Foundation (Angleterre, 1998), The Jane Goodall Institute (USA, 1977) – quand les ONG originaires du Kenya sont peu nombreuses (voir par exemple The African Conservation Centre).
4 Parmi lesquelles la plus importante est la East African Wild Life Society, qui regroupe les sociétés naturalistes savantes du Kenya, de Tanzanie et d'Ouganda.
Auteurs
David Dumoulin, sociologue
Université Paris 3 – Institut des Hautes Études d’Amérique latine (IHEAL)
Estienne Rodary, géographe
chercheur associé au Crepao, université de Pau et des pays de l’Adour
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
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