Préservation de l’agrobiodiversité du sorgho in situ au Mali et au Burkina Faso par l’amélioration participative des cultivars locaux
Safeguarding sorghum agrobiodiversity in Mali and Burkina Faso and landraces participative plant breeding
p. 97-110
Résumés
Le sorgho (Sorghum bicolor (L) Moench) est la principale céréale cultivée au Burkina Faso et la deuxième au Mali. Une diversité variétale importante est gérée par les agriculteurs pour divers objectifs de production. Malgré le fort accroissement des besoins alimentaires prévus pour ces deux pays pour les vingt prochaines années, les rendements en sorgho sont restés faibles et l’augmentation de la production est essentiellement due à l’extension des surfaces emblavées ; de plus, le sorgho subit une érosion génétique. L’objectif du projet est donc de concilier le maintien de la biodiversité du sorgho et l’accroissement de la productivité. Le projet est constitué de sept étapes de travail qui impliquent des équipes pluridisciplinaires de recherche, des services de développement et des organisations paysannes d’une façon participative. Ces dernières sont majoritaires dans les instances de décisions et d’exécution. Le but du projet est de développer une large gamme de nouvelles variétés performantes et adaptées aux conditions climatiques locales et aux besoins et préférences des agriculteurs. Leur diffusion permettrait de préserver la biodiversité du sorgho.
Sorghum (Sorghum bicolor (L) Moench) is the principal cereal cultivated in Burkina Faso and the second major cereal in Mali. Farmers in these countries manage a diversity of sorghum varieties for various uses. Despite of rising nutritional needs estimated for both the countries for the next twenty years, sorghum yields stay low and production increases are essentially due to an extension of the area under cultivation. Furthermore genetic erosion of sorghum landraces is observed. The objective of the present study is to reconcile maintaining sorghum biodiversity with improving its productivity. The seven stages of the project all implicate multidisciplinary teams, consisting of scientists, development workers, ONGs and farmer organisations working in a participatory manner. The latter have the majority in the instances of decision making and implementation. The aim of the project is to develop a range of diverse new sorghum varieties. These varieties should be productive and adapted to the local climatic conditions as well as to farmers’ preferences and needs. Their diffusion would permit the maintenance of biodiversity.
Entrées d’index
Mots-clés : agrobiodiversité, recherche participative, conservation in situ, variétés locales
Keywords : sorghum, agrobiodiversity, participatory research, in situ conservation, landraces
Texte intégral
Introduction
L’importance du sorgho au Burkina Faso et au Mali
1Le sorgho (Sorghum bicolor (L) Moench) est la principale céréale cultivée au Burkina Faso et la deuxième au Mali avec une production annuelle d’environ 1,2 million t pour le Burkina Faso et environ 0,8 million t pour le Mali. Au Burkina Faso la superficie totale est estimée à 1,3-1,4 million ha (54 % des surfaces céréalières1) et au Mali à 0,8-0,9 million ha (43 % des surfaces céréalières) (FAO, 1996). Le sorgho constitue avec le mil la base de la diète alimentaire des populations rurales. Il est dominant dans les zones à pluviométrie annuelle comprise entre 600 et 900 mm.
2Le Burkina Faso et le Mali sont considérés comme des centres secondaires de diversité des sorghos cultivés (Chantereau et al., 1997). Les variétés locales qui y sont cultivées sont adaptées aux multiples conditions écologiques et aux divers objectifs de production des agriculteurs. Au cours des trente dernières années, la production de sorgho a presque doublé mais l’augmentation de la production est surtout liée à l’augmentation des superficies (Hanak-Freud, 2000). Malgré ses capacités d’adaptation et l’augmentation régulière de la production, la culture du sorgho présente toujours un faible niveau de productivité, avec un rendement national au Burkina Faso et au Mali de moins de une tonne par ha (FAO, 1996). De plus le sorgho subit une érosion génétique marquée (Kouressy, 2002).
Agrobiodiversité du sorgho
Indicateurs du sorgho
3L’Afrique de l’Ouest est considérée comme un centre de diversification secondaire des sorghos cultivés (Chantereau et al., 1997). Les principaux indicateurs de la biodiversité des sorghos cultivés au Mali et au Burkina Faso sont :
- la diversité raciale : quatre des cinq races de sorghos cultivés sont présentes dans les deux pays, parmi lesquelles la race guinea est dominante. Au Burkina Faso, 93 % des variétés locales sont de race guinea, 4 % caudatum, 2 % bicolor et 1 % durra (Zongo, 1991). Au Mali, 70 % des variétés locales sont des guinea, 16 % durra, 1 % caudatum, et 13 % des types intermédiaires ;
- la diversité agro-morphologique : différents auteurs ont observé une diversité phénotypique très grande : des hauteurs de plante comprises entre 1,2 m et 5 m, une compacité de panicule de très lâche à très compacte, un poids de 1 000 grains compris entre 14 et 46 g et une grande variabilité de la couleur et de la vitrosité des grains (Zongo, 1991 ; Thiombiano, 1983 ; Scheuring et al. 1980) ;
- la diversité des durées de cycle et de sensibilité à la photopériode, qui confère aux variétés traditionnelles de sorgho une remarquable adaptation aux milieux et au climat sahéliens. Les sorghos ont tendance à fleurir plus rapidement vers la fin de la saison de pluies, lorsque la longueur du jour diminue (Vaksmann et al., 1996). La possibilité de semer dès l’installation de la saison des pluies et la synchronisation entre durée du cycle et limites de la saison des pluies confèrent des qualités de rusticité à l’écosystème : une minimisation des coûts d’exploitation (meilleure maîtrise de l’enherbement), une meilleure valorisation par la culture de la minéralisation de la matière organique, une optimisation des ressources pluviométriques et une protection des sols contre le ruissellement en début de saison des pluies (Reyniers, 2001) ;
- la diversité variétale gérée par les agriculteurs, qui permet de minimiser les risques et de répondre à des contraintes et utilisations variées (Trouche et al. 1998). La forte diversité génétique des variétés locales est le résultat des pratiques de gestion paysanne des semences (sélection, échanges et introductions de variétés, modes de multiplication des semences etc.) et d’une allogamie relative élevée, entre 3 et 31 % (Ollitrault et al., 1997). La diversité génétique des variétés traditionnelles de l’Afrique de l’Ouest a été analysée par Zongo (1991), Ollitrault et al. (1997) et Morden et al. (1989).
L’évolution de la biodiversité des sorghos au Mali et au Burkina Faso
4Une diminution préoccupante de la biodiversité des sorghos a été constatée dans certaines régions de ces deux pays. Les causes possibles de cette perte de biodiversité sont la grande variabilité inter annuelle des pluies, la réduction de la durée des pluies, la dégradation des sols, la pression de certains ravageurs (cécidomyie, striga etc.), la compétition avec d’autres cultures, notamment le maïs, et les exigences du marché (bière de sorgho). La concurrence du maïs est une raison clairement identifiée pour la zone sud du Mali.
L’augmentation de la productivité du sorgho pour satisfaire des besoins alimentaires croissants
5Pour satisfaire les besoins alimentaires de sa population, l’Afrique de l’Ouest devra, en 2020, avoir multiplié par trois le rendement de ses cultures par rapport à 1985 (FAO, 1998). Jusqu’à présent l’augmentation de la production céréalière au Mali et au Burkina Faso résultait surtout de l’extension des surfaces cultivées. La saturation progressive de l’espace rural rendra nécessaire l’intensification des pratiques agricoles. Dans ce contexte, les mils et sorghos doivent devenir des alternatives rentables pour des systèmes de culture en voie d’intensification.
Objectif général du projet
6L’objectif général du projet est de concilier le maintien de la biodiversité du sorgho et l’accroissement de la productivité de sa culture par une valorisation participative de son agrobiodiversité.
7Face à ce double enjeu, le projet propose d’inverser les trois paradigmes suivants : l’utilisation des variétés traditionnelles et l’augmentation de la productivité ; la création de variétés améliorées et le maintien de la diversité génétique ; l’intensification et la diversité des agro-écosystèmes.
8La stratégie sera donc la sélection participative et décentralisée qui doit permettre de générer une gamme variée de nouvelles variétés répondant à la diversité des situations agricoles et des différents besoins des producteurs. La démarche participative s’appuie sur une intégration de trois disciplines de la recherche, qui sont la génétique, l’agro-écologie et les sciences sociales et sur la mise en commun des savoirs paysans avec ceux des chercheurs.
Le montage institutionnel
9Le projet couvrira trois zones par pays choisies en fonction de la diversité des problématiques et conditions de production et de la présence d’organisations paysannes (OP) et ONG locales motivées par les objectifs du projet. Le montage institutionnel du projet a été largement participatif et les représentants des organisations paysannes seront majoritaires dans les instances de décisions et d’exécution. Le projet est une collaboration entre des instituts de recherche nationaux et internationaux : le CIRAD, l’ICRISAT, l’INERA au Burkina Faso et l’IER au Mali. Le dispositif de suivi et d’exécution du projet comprend cinq composantes principales : un comité de pilotage inter-pays, un comité national de coordination, des comités régionaux de concertation, un coordonnateur national et des équipes pluridisciplinaires de chercheurs (sélectionneurs et généticiens des populations, agro-écologues, agronomes et socio-économistes). Les différents comités comprendront des membres des OP, des ONG, des organisations de développement, des chercheurs, des conseillers et le coordinateur national. Ils se réuniront une à deux fois par an pour évaluer les activités réalisées, adopter le programme d’activités pour l’année à venir et veiller à la bonne utilisation des fonds.
10Le projet est financé par le Fonds Français pour l’Environnement Mondial (FFEM) pour une première phase de quatre ans.
Les activités programmées
11Sept activités sont proposées pour le projet :
- Atelier national de lancement pour démarrer le projet, valider les zones couvertes par le projet, valider les partenaires institutionnels de chaque zone, valider le programme général d’activités et désigner les représentants aux différentes instances.
- Le diagnostic participatif pour permettre d’identifier et de comprendre les stratégies et les pratiques paysannes de production et de gestion de la diversité génétique, identifier les variétés et les caractéristiques qui sont importantes pour les agriculteurs, identifier et documenter l’érosion génétique, préciser les objectifs de la sélection. Les méthodes proposées sont celles du Participatory Research Appraisal (PRA) (Schönhuth et Kievelitz, 1994).
- La caractérisation des diversités génétique et spatiale des écotypes : permettre de quantifier l’érosion génétique et identifier les stratégies paysannes qui contribuent le plus à la diversification. On caractérisera et comparera des variétés locales issues des collections ex situ et de la collecte réalisée lors du diagnostic. La caractérisation sera réalisée en station pour les caractères agro-morphologiques et au laboratoire en utilisant des marqueurs moléculaires microsatellites.
- Création des populations à base génétique large et leur amélioration. La biodiversité du sorgho sera maintenue via la création des populations à base génétique large. Les écotypes locaux rares et préférés par les agriculteurs, les écotypes des collections ex situ et des variétés sélectionnées seront utilisées dans les croisements pour constituer la population de base, qui sera améliorée par la sélection récurrente.
- Création et évaluation variétale décentralisée et participative avec les agriculteurs sélectionneurs mandatés par les OP. Les méthodes de sélection proposées sont la sélection récurrente et le développement de lignées améliorées et adaptées par la sélection généalogique. La sélection participative sera réalisée en utilisant la méthode de « Participatory Research Appraisal » (PRA) et des Ateliers d’échanges et de concertation avec des partenaires, chercheurs et agriculteurs.
- Renforcement des systèmes locaux de production de semences à partir des pratiques et systèmes locaux de production et diffusion des semences. Au Burkina Faso, il y a déjà des agriculteurs ayant de l’expérience dans la multiplication des semences ; il faut maintenant améliorer et renforcer leurs connaissances et leur organisation.
- Création d’un système spatialisé sur l’environnement du sorgho. La méthode a pour objectif final la création avec les producteurs et les chercheurs de références sur les systèmes de cultures à base de sorgho (données biophysiques, économiques, techniques, culturelles, etc.). Ce Système d’information sur l’Environnement (SIE) sera utilisé pour la prévision de l’aire d’utilisation de nouvelles variétés.
La création de populations à base génétique large et leur amélioration par la sélection récurrente : une nouvelle approche pour la sélection participative
Les objectifs de la sélection
12Les objectifs de sélection seront précisés par zone et par système de culture suivant les résultats des diagnostics participatifs à réaliser dans des villages de référence. Cependant, au démarrage du projet, selon les résultats de plusieurs enquêtes déjà réalisées dans les deux pays et les connaissances acquises sur le climat des régions sahéliennes et la phénologie des sorghos ouest-africains, trois groupes d’objectifs de sélection sont déjà bien établis et classés comme suit par ordre d’importance :
- l’adaptation au milieu par le photopériodisme ;
- l’amélioration de la productivité ;
- une qualité des grains appropriée aux différentes utilisations.
13L’adaptation du cycle de la plante à la durée probable de la saison des pluies par le photopériodisme constitue le premier objectif de sélection car il détermine grandement le rendement et la qualité des grains. Le maintien du photopériodisme n’exclut pas un gain de précocité très souvent demandé par les agriculteurs par rapport aux variétés traditionnelles.
14Dans un contexte de saturation progressive de l’espace rural et de croissance démographique forte, l’amélioration de la productivité des sorghos est devenue une nécessité afin de satisfaire les besoins alimentaires croissants des populations.
15Enfin, la qualité des grains des sorghos doit satisfaire les exigences et les habitudes alimentaires des producteurs et des consommateurs pour la préparation des plats traditionnels comme le tô, le couscous, les bouillies ou la bière locale et également pour ouvrir de nouveaux débouchés au sorgho en milieu urbain.
16Au quatrième rang des objectifs de sélection, devraient figurer suivant les zones et selon la hiérarchisation établie par les agriculteurs lors du diagnostic, la résistance au striga et aux insectes ravageurs (cécidomyie, punaises, “spittle bugs”), la résistance à la sécheresse, l’adaptation aux différents types de sols, la qualité fourragère des pailles pour l’alimentation des animaux.
La création de populations à base génétique large et leur amélioration
17Les variétés traditionnelles de sorgho possèdent des caractères de rusticité et d’adaptation au climat grâce au photopériodisme et des qualités de grain appropriées aux diverses utilisations (tô, bière, bouillies,...). Par contre, leur productivité et leur réponse à l’intensification sont limitées en raison d’un faible ratio grain/paille. Ces variétés traditionnelles présentent une diversité génétique intéressante mais leur amélioration se heurte à la grande dispersion en leur sein des caractères recherchés. L’idée de base du projet est donc de valoriser cette diversité génétique en progressant vers la productivité tout en conservant l’adaptation aux différents milieux et la qualité des produits (grains et paille), ceci en impliquant fortement les agriculteurs dans le processus de sélection. Pour cela, une stratégie très intégrée, allant de la gestion des ressources génétiques à la création variétale et prenant en compte la diversité des agro-écosystèmes et des besoins des agriculteurs, est nécessaire.
18La première étape de création des populations consistera à mieux connaître et à caractériser la diversité des variétés locales de sorgho provenant soit des collections ex situ (variétés collectées dans les années 1970 et 1980) soit de nouvelles prospections effectuées lors de l’étape de diagnostic participatif. Dans le même temps, les contraintes et objectifs de production du sorgho et les préférences des agriculteurs seront précisés. Ce double travail de caractérisation de la diversité existante et de diagnostic permettra d’identifier pour chaque région les variétés traditionnelles rassemblant les caractères répondant aux contraintes des milieux et aux attentes des agriculteurs.
19La deuxième étape consistera à croiser entre elles ces variétés locales « utiles » (15 à 20 variétés par région), enrichies si nécessaire par du matériel végétal exogène (écotypes d’autres régions et/ou matériel sélectionné) afin de créer les populations « régionalisées » à base génétique large qui seront le point de départ de la création variétale. Ce matériel exogène devra apporter dans les populations les caractères clés pour l’amélioration de la productivité en grains et du ratio grain/paille plus favorable à la production des grains. Dans le choix des variétés « utiles », les variétés traditionnelles les plus menacées de disparition seront retenues en priorité afin de préserver leurs gènes favorables.
20Une fois les différentes populations de base constituées, il s’agira de les améliorer par la sélection récurrente pour le rendement et pour les autres objectifs de sélection identifiés lors du diagnostic participatif (fig. 1). La sélection récurrente est en effet une méthode appropriée pour une sélection combinée sur plusieurs caractères complexes comme le sont le rendement, la qualité des grains, la résistance aux ravageurs et la réponse à la photopériode. Grâce à la succession de plusieurs cycles courts de sélection suivis d’intercroisements, la sélection récurrente doit permettre un progrès génétique pour ces caractères tout en maintenant une diversité élevée (Gallais, 1990).
21Les opérations d’amélioration des populations et d’élargissement de la base génétique coexistent en permanence. L’introduction de nouveaux écotypes locaux entraînera un recul du progrès génétique dans une population déjà améliorée, la taille, la durée du cycle et la qualité du grain s’éloignant des objectifs fixés. C’est pourquoi le matériel issu des premiers croisements avec une population est géré en populations intermédiaires et est ensuite intégré après plusieurs intercroisements à la population de base (fig. 1).
22Des tests précoces de rendement en conditions de compétition seront réalisés en champs paysans sur les familles F4 issues de chaque population dans un à deux villages par zone. En plus du rendement, ces familles seront évaluées par les agriculteurs partenaires pour les autres caractères agronomiques et de grain et la sélection finale des meilleurs matériels sera effectuée par eux-mêmes et en concertation avec les sélectionneurs. A chaque cycle, les meilleures familles issues de cette double sélection (pour le rendement et les critères de choix des paysans), seront ensuite recroisées avec la population de base correspondante afin d’augmenter sa valeur propre. Une population élite pourrait être constituée par l’intercroisement des meilleures familles.
23L’utilisation de la sélection récurrente dans ce projet est rendue possible grâce à deux conditions préalables :
- des populations à base génétique locale sont déjà constituées ;
- la possibilité de faire 3 générations par an (grâce au contrôle du photopériodisme par l’utilisation de caches durant la période de jours longs), ce qui permet d’accélérer chaque étape et des retombées assez rapides en création variétale.
24Les meilleures familles seront ensuite suivies durant deux à trois années en sélection généalogique en champs paysans, avec chaque année des tests de rendement et une sélection faite par les agriculteurs, ce qui aboutira à l’obtention des nouvelles lignées (fig. 1). Ainsi, cette création variétale participative et décentralisée dans les différents milieux cibles permettra de générer une gamme variée de nouveaux cultivars, répondant à la diversité des situations et des attentes des producteurs, et de ce fait de contribuer à la préservation de la diversité génétique.
25Au Burkina Faso, la première étape de ce travail, la formation de deux populations initiales à base génétique guinea possédant le gène de stérilité mâle ms3, a déjà été réalisée en 1989 et en 1995. Pendant la saison des pluies 2001, chaque population a été croisée avec des variétés locales et des lignées sélectionnées élites représentatives de chacune des 3 régions agro-climatiques différentes (Boulkiemde/Sanguié, Sanmatenga et Mouhoun) afin d’introduire le gène ms3 dans le matériel local tout en accroissant la base génétique. Au total, on a utilisé pour cette phase de croisements 44 variétés locales et 9 lignées sélectionnées des collections sorgho de l’INERA Saria et Farako-ba. Les variétés locales collectées il y a 20-30 ans, ont été complétées par quelques variétés locales collectées récemment dans les trois régions.
26Pendant la campagne 2001 au Burkina Faso un atelier « évaluation des écotypes » a été organisé avec des agriculteurs de deux des trois zones ciblées. Les objectifs de l’atelier se résument en l’évaluation des variétés locales utilisées pour les croisements 2001 : obtenir plus d’informations sur les variétés locales (usages particuliers, qualité du grain, exigences par rapport aux sols etc.) ; identifier les variétés locales identiques (variétés en double) ou les groupes de variétés qui se ressemblent selon les agriculteurs ; identifier et sélectionner les variétés locales préférées par les agriculteurs. Les résultats doivent permettre de mieux juger les variétés utilisées dans les croisements et ainsi de mieux respecter les besoins des agriculteurs dans chaque région pendant la création des populations et de mieux comprendre leurs critères d’appréciation.
27L’objectif de l’année 2002 est de réaliser des rétrocroisements pour mieux maintenir les caractères des parents mâles utilisés pour la formation de la population de base de chaque région, en suivant le schéma précisé dans le tableau I.
28Au cours de différentes enquêtes et de l’atelier d’évaluation des écotypes, les agriculteurs, notamment ceux de la région de Sanmatenga (Centre-nord du Burkina Faso) ont clairement exprimé une demande de développer des variétés guinea à grain blanc, un peu plus précoces et un peu moins hautes que leurs variétés locales. En plus ils ont bien apprécié les variétés de type caudatum (résultat des ateliers participatifs). Cette demande des agriculteurs a justifié la mise en œuvre d’un « schéma rapide » de création de populations en parallèle au schéma classique pour la région de Sanmatenga. Avec un tel programme de développement de populations on peut avoir du matériel pour tester en milieu rural à partir de l’année 2003 (brassage en milieu paysan) (tabl. I).
29Au Mali la sélection récurrente est déjà en cours. Au cours de la campagne 2002 des lignées retenues dans la population de base seront testées en champ paysan. On a 700 populations recombinantes (F2) issues du croisement des meilleures plantes sélectionnées en 2001, 600 familles (F3 et F4) issues des croisements de 2000. A ce niveau, on essaie de tester les plantes en conditions de compétition pour juger l’aspect de peuplement végétal à haute densité (60 000 plantes/ha). Sur ces populations recombinantes le choix est individuel. Enfin on testera 82 familles (F5 et F6) issues des croisements de 1999 sur lesquelles on sélectionnera sur le rendement. Les tests seront réalisés chez un ou deux paysans en 7 écologies différentes.
Création d’un système d’information sur le sorgho
30La création d’un système d’information sur l’environnement (SIE) du sorgho se fera autour de trois axes : la spatialisation des informations récoltées sur les écosystèmes à sorgho, la caractérisation de la variabilité des écosystèmes à sorgho et la prévision de l’aire de diffusion de nouvelles variétés. La définition des variables du SIE doit être le fruit d’un dialogue étroit entre les différents partenaires du projet (OP, chercheurs) afin que chaque acteur puisse au final trouver les informations nécessaires pour répondre aux questions qu’il se pose.
Les produits attendus
31Trois groupes de produits sont attendus à l’issue du projet : du matériel végétal alliant rusticité et productivité améliorée et répondant à la diversité des milieux et des usages ; des outils et des dispositifs de concertation entre chercheurs, développeurs, utilisateurs et agriculteurs pour une gestion participative durable de la biodiversité du sorgho et sa valorisation.
32Dans ce cadre, un produit important du projet sera l’élaboration de contrats entre la Recherche et les organisations paysannes sur les droits d’utilisation des ressources génétiques appartenant aux communautés paysannes et les droits de propriété des variétés générées en co-obtention entre agriculteurs et chercheurs.
Conclusion
33Le projet « Agrobiodiversité du sorgho » propose une approche originale dans la manière de combiner préservation de la biodiversité in situ et amélioration génétique. Il se veut novateur dans les méthodes de sélection proposées (sélection récurrente participative) et la forte responsabilisation des organisations paysannes dans la gestion et l’exécution du projet. Outre les retombées attendues pour le développement agricole dans les deux pays, il devrait contribuer à la mise au point de nouvelles méthodes scientifiques et d’outils de concertation pour permettre une meilleure conservation dynamique de la biodiversité des cultures dans les zones tropicales.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Plan d’action sur les céréales (mil, sorgho, maïs). Document final. Avril 2001, Ministère de l’Agriculture. Cellule de coordination du P.A.S.A., 105 p. et appendices techniques.
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Ressources génétiques des mils en Afrique de l’Ouest
Ce livre est cité par
- Gaoh, Bassirou Sani Boubacar. Gangashetty, Prakash I. Mohammed, Riyazaddin. Govindaraj, Mahalingam. Dzidzienyo, Daniel Kwadjo. Tongoona, Pangirayi. (2023) Establishing Breeding Priorities for Developing Biofortified High-Yielding Pearl Millet (Pennisetum glaucum (L.) R. Br.) Varieties and Hybrids in Dosso Region of Niger. Agronomy, 13. DOI: 10.3390/agronomy13010166
Ressources génétiques des mils en Afrique de l’Ouest
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