Valorisation et préservation de la diversité génétique du mil au Mali
Valorization and preservation of pearl millet genetic diversity in Mali
p. 45-58
Résumés
Les pays soudano-sahéliens se caractérisent par une variabilité climatique importante. Les principaux facteurs qui limitent la production sont la décision de semis, le choix d’une variété et le calage de son cycle de culture. Ce dernier est particulièrement difficile, car la saison des pluies débute de façon erratique et s’interrompt brusquement. Les caractéristiques de l’année pluviométrique ont été déterminées par l’étude de l’évolution du remplissage de la réserve en eau utile du sol, simulée à l’aide d’un modèle simple de bilan hydrique ; on montre que la durée de la saison de pluies est très variable d’une année sur l’autre et dépend essentiellement de la date d’arrivée des pluies. Le photopériodisme des mils locaux se manifeste par un raccourcissement de la durée du cycle lorsque le semis est retardé. Ce phénomène permet l’ajustement de la durée du cycle de la plante à la durée probable de la saison des pluies. Le caractère photopériodique du mil est de nature polygénique et relativement facile à fixer au sein d’une population. Il est aussi compatible avec une forte réduction de la longueur des entre-nœuds sur la tige. Pour faire face à l’intensification de cette céréale, nous avons créé des pools géniques à large base génétique locale. Ces populations évolueront dans différents environnements pour déboucher sur des populations spécifiquement adaptées.
The countries of the Sudan – Sahel region are characterized by a strong climatic variability. The factors that determine the production in that area are mainly the sowing date, the choice of the variety and the scheduling of the cropping period. In this region the rainfall seasons often starts erratically and ends abruptly. The characteristics of a yearly rainfall were studied by using a simple water balance model to simulate the evolution of the soil useful water content. It was established that the duration of rainfall seasons varies from one year to the other and depends upon the starting date of rainfall. The photoperiodism of local millet genotype is shown when a shortening of the plant production cycle is observed, following a late planting date. The occurring of such phenomenon explains a physiological adjustment by the millet plant of its production cycle to the probable duration of the rainy season. Many genes (polygenic) that are relatively easy to be fixed within a millet population control photoperiodism in millet. The photoperiodism also lines up consistently with a strong shortening of the plant stem inter-nods. To face the challenge of millet crop intensification many genetic pools were created, each of them having a very large genetic base sustained by local genotypes. These populations will be grown in different environments with the aim to identify those with best specific adaptations.
Entrées d’index
Mots-clés : photopériodisme, pools géniques
Keywords : Mali, pearl millet, photoperiodism, plant breeding, genes pools
Texte intégral
Introduction
1Pour faire face aux besoins alimentaires d’une population croissante l’agriculture africaine doit s’intensifier. Cependant, les variétés traditionnelles de mil (Pennisetum glaucum) qui ont l’avantage d’être rustiques ont un trop faible potentiel de production pour valoriser les techniques agronomiques modernes. C’est pourquoi la recherche s’est orientée vers de nouvelles structures variétales permettant d’augmenter la productivité des mils. C’est ainsi que les programmes d’amélioration des plantes ont consacré beaucoup d’efforts à la mise au point de variétés à développement plus rapide et au port moins exubérant que les écotypes traditionnels. Il s’agissait de mieux valoriser les éléments fertilisants en diminuant la production de paille au profit de la production grainière. Pour cela, on a introduit des gènes de nanisme et raccourci le cycle à partir de croisements à base de matériel exogène (Jacquinot, 1972). L’obtention de variétés insensibles à la photopériode a été un des principaux critères de sélection. Les grandes sécheresses des années 1970 ont conforté ces objectifs car il semblait logique que la diminution de la durée du cycle faciliterait l’adaptation à des hivernages plus courts. Pourtant, l’évaluation de l’impact de la recherche sur le développement rural montre que les variétés améliorées obtenues sont peu adaptées aux systèmes de production d’Afrique de l’Ouest en raison, peut-être, de leur manque de souplesse face à la variabilité de l’environnement (Lambert, 1983 ; Van Staveren et Stoop, 1986). En effet, les pays de cette région se caractérisent par une variabilité climatique importante associée à une très faible fertilité des sols. Les agriculteurs ont domestiqué et sélectionné des céréales qui, quoique peu productives, sont adaptées à cet environnement. La stabilité de la production et la résistance aux stress environnementaux sont des caractéristiques majeures des écotypes ouest-africains (Stoop et al., 1981 ; Matlon, 1985, 1987).
2Les pays soudano-sahéliens se caractérisent par une variabilité climatique importante. Une saison sèche longue (6 à 8 mois) alterne avec une saison des pluies plus courte (de 4 à 6 mois). L’essentiel de la production agricole se passe dans la période humide. L’un des problèmes des agriculteurs est l’impossibilité de prévoir la date de début et la durée de la saison des pluies qui sont très variables d’une année à l’autre.
3Dans un premier temps, nous présentons une analyse globale de la saison des pluies du Mali et des principales conséquences agronomiques qui en découlent. Nous abordons ensuite un programme d’amélioration du mil mis en place au Mali et destiné à améliorer la prise en compte des contraintes climatiques. Il s’agit de :
remplacer la recherche de variétés à large adaptation géographique par la recherche de variétés spécifiquement adaptées à chaque environnement cible ;
créer des « variétés populations » améliorées à large base génétique locale pour faciliter une préservation dynamique in situ du germplasme malien ;
combiner les caractères de stabilité des écotypes locaux et de productivité des variétés améliorées.
Facteurs climatiques limitant le développement du mil
4La décision de semis, le choix d’une variété et le calage du cycle de culture sont particulièrement difficiles en conditions soudano-sahéliennes car la saison des pluies débute de façon erratique et s’interrompt brusquement. Sous des apparences imprévisibles la saison des pluies obéit pourtant à des règles générales dont la connaissance peut faciliter et orienter les choix agronomiques.
5Les caractéristiques de l’année pluviométrique ont été déterminées par l’étude de l’évolution du remplissage de la réserve en eau utile du sol, simulée à l’aide d’un modèle simple de bilan hydrique (Traoré et al., 2000). Nous caractérisons la saison des pluies par ses dates de début et de fin définies comme suit :
la date de début de la saison est le moment où, à partir du 1er mai, le stock hydrique atteint 30 mm sans redescendre au-dessous de 15 mm dans les 20 jours qui suivent. Cette date correspond généralement aux périodes de préparation du sol et aux premiers semis dans les systèmes traditionnels ;
la date de fin de saison correspond au moment où la satisfaction des besoins en eau (ETR/ETP) descend définitivement au-dessous de 90 %. C’est le moment où la pluviométrie ne compense plus l’évapotranspiration. Après la fin de saison, le sol s’assèche progressivement. Cette période correspond généralement à la maturation du grain qui se fait grâce à l’eau stockée dans le sol et aux dernières pluies.
6Ces termes ont été calculés sur 110 postes pluviométriques du Mali. La cartographie réalisée utilise un modèle d’interpolation linéaire de krigeage.
7A mesure que l’on se déplace vers le sud, la saison des pluies démarre plus précocement et se termine plus tardivement (fig. 1 et fig. 2). Ainsi, de Nara à Kadiolo, le début de saison passe du 25 juillet au 15 mai, et la fin du 15 septembre au 10 octobre. La durée moyenne de la saison des pluies varie donc de 50 à 150 jours tandis que la pluviométrie moyenne annuelle passe de 400 à plus de 1 000 mm.
8Sur cette variation spatiale se surimpose une variation interannuelle tout aussi importante (fig. 3). En un même site, à Ségou par exemple, le début de l’hivernage peut varier du 10 mai au 15 juillet. Cette variabilité inter-annuelle de la durée de la saison dépend davantage de la date de début que de la date de fin, et ces deux dates sont indépendantes. Ceci infirme la croyance populaire selon laquelle les débuts tardifs de la saison sont compensés par des fins aussi tardives. Il est important de noter que la variation interannuelle du climat sur un site donné est du même ordre de grandeur que la variation spatiale du nord au sud de la zone de cultures pluviales du Mali.
9Cette grande incertitude sur la date d’arrivée des pluies entraîne une grande variabilité inter-annuelle de la date de semis des cultures sèches et, en conséquence, une grande variabilité de la durée de l’hivernage utile. Il s’agit de la caractéristique principale du climat soudano-sahélien : la durée de la saison de pluies est très variable d’une année sur l’autre et dépend essentiellement de la date d’arrivée des pluies.
10Les conséquences agronomiques de cette structuration de la saison des pluies sont nombreuses :
11– précocité du semis : la précocité du semis est le principal facteur explicatif du rendement des cultures sèches. Pour les céréales comme pour le coton, un semis précoce assure une bonne utilisation de la saison des pluies et permet notamment d’éviter les courtes périodes sèches qui se produisent en juin et juillet et forcent souvent les agriculteurs à semer trop tardivement.
12Dans la plupart des cas il vaut mieux prendre le risque de semer précocement, en juin, plutôt que d’attendre en espérant des pluies plus importantes.
13En cas d’échec le risque de devoir ressemer est négligeable en comparaison de risques encourus en cas de semis trop tardif. Un semis réalisé tardivement, peu avant les grosses pluies d’août, est peu propice au développement des jeunes plants qui d’une part supportent difficilement l’agressivité des pluies et d’autre part sont moins compétitifs avec les adventices. De plus, les plants semés tardivement sont fortement attaqués par les insectes et doivent pousser dans un sol plus acide, souvent moins riche en azote.
14– étalement des semis : en un lieu donné la date de semis n’a pas une valeur fixe, il s’agit toujours d’une période de semis. Chaque année, les semis commencent dès l’installation des pluies et s’étalent souvent sur plus d’un mois suivant la structure de la saison des pluies et les contraintes d’exploitation. En conséquence, les variétés et les techniques culturales proposées aux agriculteurs doivent impérativement s’adapter à des semis très imprévisibles.
15– la sécheresse : la baisse de pluviométrie observée dans la région depuis 40 ans ne s’est pas accompagnée d’un changement important de la structure de la saison des pluies. La variabilité inter-annuelle du début et de la fin de saison est aussi forte avant et pendant la période sèche. La sécheresse a donc eu des conséquences plus importantes sur le fonctionnement hydrologique (recharge des nappes, cultures de bas-fonds) que sur l’adaptation au milieu des plantes de culture sèche.
16– variétés photopériodiques (fig. 4) : les céréales locales se sont adaptées grâce au photopériodisme qui permet aux plantes de moduler la durée de leur cycle en fonction de la durée probable de la saison des pluies (Vaksmann et Traoré, 1994 ; Vaksmann et al., 1996). Ce caractère a longtemps été négligé par les programmes de recherche mais la conservation du photopériodisme est, à présent, devenue un objectif prioritaire des programmes d’amélioration des céréales, ce qui permettra d’obtenir des variétés spécifiquement adaptées aux contraintes climatiques du Mali.
Conséquences pour l’amélioration du mil
Critères de sélection
17En plus des critères classiques de sélection du mil (résistance aux stress biotiques, qualité du grain) nous développons particulièrement les aspects d’adaptation au climat en relation avec l’augmentation de productivité.
Adaptation au climat
18Le terme de « Précocité » se retrouve souvent dans les demandes des paysans mais il doit s’interpréter comme une demande d’adaptation au climat et non comme une demande de précocité au sens strict. La variété ne doit pas fleurir trop tôt (oiseaux, moisissures) ni trop tard (sécheresse). A ce niveau, le photopériodisme est un caractère essentiel d’adaptation aux incertitudes climatiques. Comme nous l’avons vu précédemment, la durée du cycle des mils locaux se raccourcit lorsque le semis est retardé ce qui permet l’ajustement de la durée du cycle de la plante à la durée probable de la saison des pluies.
19Le photopériodisme a souvent été éliminé du matériel amélioré pour (entre autres) les raisons suivantes :
on a privilégié la recherche de variétés précoces à large adaptation géographique. On espérait obtenir des variétés précoces avec une plus grande aire de diffusion.
Parallèlement on a recherché des variétés précoces qui s’adapteraient mieux à des hivernages plus courts et donc à la sécheresse.
On pensait que le photopériodisme était difficile à prendre en compte dans un programme d’amélioration et que ce caractère n’était notamment pas compatible avec l’intensification. La réduction de taille provoquerait un empilement des feuilles défavorable à la croissance.
20A posteriori on s’aperçoit que cette démarche n’a pas permis de déboucher sur du matériel notablement plus performant que les variétés locales car :
dans un environnement aussi aléatoire que celui du Mali le mythe de la variété passe-partout doit être abandonné. Nous devons privilégier les adaptations spécifiques à chaque milieu cible.
Comme il a été montré au chapitre précédent, on ne peut pas résumer la sécheresse à une réduction de la durée de la saison des pluies. Une variété précoce nécessitera souvent de retarder le semis avec des conséquences parfois catastrophiques.
21Nos travaux montrent que le caractère photopériodique du mil est de nature polygénique (fig. 5) et relativement facile à fixer au sein d’une population. Il est aussi compatible avec une forte réduction de la longueur des entre-nœuds sur la tige (Kouressy et al., 1998).
Productivité
22Vouloir concilier la productivité du matériel moderne et la stabilité des cultivars locaux consiste à chercher des variétés qui sans engrais produisent au moins autant que les variétés locales, mais capables de produire plus si les conditions de culture le permettent.
23Dans de bonnes conditions de culture, les performances des écotypes locaux de sorgho sont faibles en raison de leur indice de récolte particulièrement bas (rapport de la production de grain sur la biomasse aérienne totale). L’essentiel de la production de biomasse des variétés locales se trouve dans la tige (fig. 6).
24La modification de cette répartition au profit du grain est nécessaire pour la mise au point de variétés productives. On cherche une variété ayant l’indice de récolte d’une variété améliorée et le cycle d’une variété locale.
25La réduction de taille des mils locaux est un caractère essentiel de notre programme. La conciliation nanisme et photosensibilité permettra d’augmenter l’indice de récolte et la densité de peuplement à l’unité de surface.
26D’un point de vue strictement génétique, la réduction de taille de la tige n’entraîne pas de modification des autres organes. En revanche, du point de vue physiologique elle provoque une modification profonde de la plante et du peuplement. La réduction de la taille des entre-nœuds sans diminution de la surface foliaire provoque, d’une part, une redistribution des produits de la photosynthèse vers d’autres organes (talles, racines) et modifie, d’autre part, les phénomènes de compétition au sein du peuplement végétal.
27On s’intéresse particulièrement au tallage car parmi les céréales sarclées, le mil représente une véritable exception par son tallage puissant. Ce caractère lui confère une forte capacité de colonisation du milieu qui permet de régulariser la couverture végétale et notamment de compenser les déficits de peuplement dus aux sécheresses en début de campagne agricole. Ce caractère assure aussi une couverture rapide du sol par la culture, limitant le développement des adventices et protégeant le sol contre l’agressivité des pluies. Chez les mils de grande taille, la concurrence entre plants limite le développement des talles qui peuvent régresser. La réduction de la taille des tiges diminue la concurrence entre les tiges et permet d’attribuer plus d’assimilats au développement des talles.
Méthodologies de sélection : sélection récurrente phénotypique
28L’amélioration des céréales locales se heurte à la très grande dispersion des caractères intéressants parmi les variétés du Mali. Il serait illusoire de vouloir réunir tous ces caractères en un seul cycle de sélection. La sélection récurrente est bien adaptée à cette problématique, chaque cycle de sélection permettant d’accumuler une partie des caractères recherchés.
29Cette méthode permet une amélioration continue du matériel de base avec, à tous moments, des possibilités de « sortie » vers la création de variétés. Il s’agit aussi d’un système ouvert facilitant l’introduction permanente de nouveaux matériels et particulièrement les écotypes locaux.
30Nous voulons, de plus, laisser les populations en cours de création évoluer dans différents milieux favorisant ainsi les adaptations spécifiques. Le brassage des gènes en conditions naturelles, soumis d’abord à la pression de sélection du milieu puis à celle exercée par l’homme, permet de faire émerger des individus porteurs de caractères intéressants. On recrée ainsi des « variétés de pays » ou « variétés populations ».
31Ces populations présentent l’avantage d’être perçues comme des variétés par les agriculteurs, elles se prêtent à l’évaluation du rendement et permettent une sélection sur des caractères agronomiques comme l’aptitude des plantes à valoriser les apports de fertilisants et à supporter des densités de peuplement élevées. De plus une large base génétique procure une certaine homéostasie à la population qui s’adapte plus facilement aux variations des conditions du milieu.
32La méthodologie suivante est employée :
33– Création de pools génétiques à large base locale :
13 variétés locales et une population améliorée de taille courte ont été intercroisées puis mises en pollinisation libre afin de créer une population initiale à très large base génétique. Cette population est semée dans chaque zone cible.
34– Homogénéisation sur le cycle et la taille :
très tôt on effectue une pression de sélection sur la taille (allèle récessif du gène de nanisme d2) et sur le cycle (la floraison doit coïncider avec celle des variétés locales de la zone cible). Au sein de la population, les plants ne doivent pas être trop variables sur ces deux caractères si l’on veut pouvoir travailler en grandes parcelles à l’instar d’une variété.
35– Brassage génétique en contre-saison :
les 50 meilleurs individus sont conservés et mis en pollinisation libre, en contre-saison, afin d’améliorer le brassage génétique.
36– Travail en parcelles agronomiques :
la population relativement homogène pour la taille et le cycle est cultivée, en saison normale de culture, dans des conditions agronomiques (1/2 ha) à forte et faible densités. La sélection des 50 meilleurs plants permet de relancer le brassage génétique.
37On répète l’alternance de sélection en saison et de brassage génétique en contre-saison jusqu’à l’obtention d’une population suffisamment homogène et stable pour être considérée comme une « variété population ».
38– Sélection décentralisée et participative :
les « variétés populations » sont ensuite cultivées dans des conditions représentant la diversité des milieux. La participation du paysan se fait à différents niveaux : son environnement et ses contraintes (climat et sols) ; ses techniques culturales (dates de semis, mécanisation, gestion de la fertilité) ; sa participation au choix et à l’évaluation du matériel végétal.
39Des organisations paysannes provenant des différentes zones climatiques du Mali participent à la différenciation des populations initiales en « variétés populations » spécifiquement adaptées à chaque zone.
Discussion et conclusion
40Nos objectifs sont doubles. Il s’agit d’une part, de proposer aux agriculteurs désirant intensifier une alternative en matière de production de mil afin d’éviter qu’ils ne se tournent vers d’autres céréales et d’autre part, de valoriser et préserver la remarquable diversité génétique des variétés locales du Mali.
41L’amélioration génétique du mil peut sembler un objectif un peu chimérique au regard des faibles résultats obtenus dans le passé. On s’adresse à une céréale très rustique, particulièrement bien adaptée à son environnement et aux méthodes de cultures traditionnelles. Dans ces conditions, il est difficile d’espérer obtenir des variétés nettement supérieures aux cultivars locaux. Pourtant, la mutation profonde qui caractérise l’agriculture africaine moderne (fixation de l’agriculture, intensification, utilisation des intrants, etc.) rend les paysans plus exigeants et offre de nouveaux débouchés pour des variétés performantes. Le moment est donc venu d’initier un programme ambitieux d’amélioration de la productivité du mil.
42Par certains côtés l’amélioration du mil est plus facile que celle du sorgho :
les croisements sont plus aisés, l’allogamie naturelle permet de gérer des populations en maintenant une grande diversité génétique ;
les mils de taille courte sont facilement acceptés par les paysans qui ne les distinguent pas des autres mils (à la différence du sorgho nain qui est considéré comme une autre espèce) ;
le travail sur des populations permet donc de travailler plus tôt avec les paysans qui considèrent le peuplement comme une variété comparable aux leurs ;
les populations évoluent dans chaque environnement cible. On débouche rapidement sur des populations spécifiquement adaptées ;
le nombre de caractères sur lesquels il faut travailler est plus restreint ; les agriculteurs tolèrent une plus grande diversité au sein d’un même peuplement de mil.
43Un point essentiel du programme de sélection réside dans la volonté de créer des variétés adaptées à des environnements spécifiques. La sélection pour l’adaptation spécifique conduit à un progrès génétique supérieur par rapport à la sélection pour l’adaptation générale.
44La différence essentielle est sur le nombre de variétés à produire, autant de variétés que de milieux. Il n’est généralement pas de l’intérêt économique du sélectionneur d’avoir trop de variétés à adaptation étroite. La sélection participative et notre maîtrise des caractères d’adaptation comme le photopériodisme faciliteront la création et la gestion de « variétés populations » adaptées aux différentes situations.
Bibliographie
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Auteurs
Généticien
Agronome
Généticien
Agronome
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