Chapitre 3. Histoire institutionnelle de l’Orstom-IRD à Madagascar
p. 45-69
Texte intégral
1Depuis sa découverte, Madagascar a toujours attiré les savants par la richesse exceptionnelle de sa faune et de sa flore et plus généralement par sa biodiversité dont les ressources sont encore loin d’être toutes exploitées. Il était donc normal que dès sa création, l’Orstom, organisme de recherche dont la finalité est la recherche scientifique dans la zone intertropicale, ait créé une structure et envoyé des chercheurs à Madagascar. L’IRD, qui a succédé à l’Orstom, y est toujours présent en dépit des vicissitudes de l’histoire. Au-delà des questions de politique générale, les évolutions de l’institut sont liées à celles des politiques de recherche, notamment dans les modes d’intervention. C’est ainsi qu’après la période pionnière des inventaires indispensables à une recherche finalisée, l’effort s’est porté sur la mise en valeur du pays et la formation d’une génération de jeunes chercheurs malgaches.
Des inventaires aux premiers instituts
2La légende veut que la Grande île fût peut-être découverte par le commerçant voyageur vénitien Marco Polo au xiiie siècle. En réalité, cette découverte est due officiellement aux navigateurs portugais qui la font figurer sur leurs cartes dès 1502. Jusqu’à la fin du xixe siècle, la recherche a été surtout consacrée aux inventaires. Ce fut l’époque des voyageurs, des explorateurs, des marchands, des missionnaires qui, pour des motifs différents, effectuèrent ce travail pendant trois siècles.
3Une mention particulière doit être faite à Alfred Grandidier (voir chapitre 1). Issu d’une famille de la grande bourgeoisie, il partit en 1858 faire ce que l’on appelait à l’époque le grand tour, c’est-à-dire le tour du monde. C’est en 1865 qu’il arrive pour la première fois à Madagascar. Il y retourna en 1866 et en 1868 pour un voyage qui dura 30 mois, interrompu par son retour en France dû à la guerre de 1870. Dès lors, il ne devait plus quitter la France.
4On lui doit la première reconnaissance approfondie de Madagascar qu’il traversa trois fois dans sa largeur et y fit de nombreuses explorations, malgré les difficultés et les dangers. Dans un milieu de climats très variés, du nord au sud, ses itinéraires comptèrent plus de 5 500 km (3 000 dans l’intérieur, 2 500 sur la côte). Il y fit environ 1 500 relevés géodésiques, on lui doit notamment la localisation exacte de Tananarive. Ses nombreuses observations géodésiques aboutirent en 1871 à une carte générale de l’île, base de toutes les explorations ultérieures. Il rédigea également de nombreux articles tant sur la géologie que sur la zoologie, ainsi que sur les peuples autochtones.
5Dès son retour en France, il publia l’histoire politique, physique et naturelle de Madagascar qui devait comprendre quarante volumes dont les deux tiers seulement parurent de son vivant. La fin de la publication posthume fut assurée par son fils Guillaume Grandidier. Les Grandidier avaient réuni une importante documentation (livres, carnets de notes, cartes, etc.) qu’ils léguèrent à l’IRSM en 1959, ce fonds étant ensuite transféré en 1974 aux autorités malgaches. Ces travaux, au-delà de la connaissance scientifique, ont servi à l’installation de la France à Madagascar lors du semi-protectorat de 1885 et de la « pacification » complète par le général Gallieni. Ce dernier, nommé gouverneur général de Madagascar de 1896 à 1905 fonde, en 1902, l’Académie malgache. Cette création marque une seconde période dans l’histoire de la recherche, complétant la période des inventaires par celle de la mise en œuvre d’instituts.
6Parmi ces instituts, l’Institut Pasteur fut le premier créé à Madagascar. Issu de l’Institut bactériologique et de l’Institut vaccinogène et antirabique établis respectivement à Tananarive en 1897 et en 1898, l’Institut Pasteur de Tananarive, créé en 1922, devient filiale de l’Institut Pasteur de Paris et prend le nom d’Institut Pasteur de Madagascar. En 1932, Georges Girard et son adjoint Jean Robic mettent au point le premier vaccin anti-pesteux efficace. En 1960, le docteur Paul Radaody-Ralarosy, premier pasteurien malgache, devient le premier directeur de la santé et le premier président de l’Académie malgache dans le contexte de Madagascar indépendant. L’Institut Pasteur de Madagascar est alors placé sous l’égide d’un conseil de perfectionnement présidé par le ministre malgache de la Santé. En 1972, l’Institut intègre le Réseau international des Instituts Pasteur, créé par Jacques Monod (Prix Nobel de médecine 1965), alors directeur de l’Institut Pasteur de Paris. Depuis l’implantation de l’Institut de recherche scientifique de Madagascar (IRSM), puis de l’Orstom, les relations ont toujours été étroites entre les deux organismes, l’Orstom s’intéressant aux vecteurs de la maladie et l’Institut Pasteur au traitement de celles-ci.
7Une autre création qui fera date dans le contexte de la recherche malgache est celle du Jardin botanique de Tsimbazaza. Il est important de rappeler l’histoire de ce Jardin, compte tenu du rôle qu’il sera amené à jouer dans l’installation de l’Orstom à Madagascar. En 1925, E. François qui travaillait au service de l’Agriculture, entreprit avec l’autorisation du gouverneur général Olivier, la création d’un parc botanique dans la vallée de Tsimbazaza. Située, à l’époque, non loin du centre de Tananarive, sans être au cœur de la ville, la vallée est dotée d’un relief varié offrant des conditions favorables pour la culture des végétaux de toutes sortes. Un lac, au fond de la vallée, permet au jardin de rassembler et de multiplier les spécimens de la flore malgache et également d’y introduire des espèces étrangères. Quelques années plus tard, à la demande du Muséum national d’histoire naturelle de Paris, il fut décidé de construire quelques cages pour présenter des animaux endémiques au pays. C’est ainsi que fut ajouté un jardin zoologique, comprenant notamment des lémuriens, qui constituaient le premier groupe d’animaux les plus caractéristiques de la Grande île. Dirigé jusqu’en 1947 par M. François puis par M. Boiteau, l’ensemble fut intégré cette année-là à l’IRSM qui était une filiale de l’Institut de recherche scientifique coloniale (ORSC), devenu par la suite Orstom. L’IRSM avait son siège dans la partie non publique du parc. En 1976, le Jardin est alors nationalisé et confié en 1976 à l’État malgache avec pour mission d’élever, multiplier et protéger les espèces malgaches pour les faire connaître et aimer par la population.
L’IRSM et le centre Orstom de Madagascar de 1947 à 1960
Les origines
8L’ORSC, créé par la loi française du 11 octobre 1943, se voit fixer comme objectif « orienter, coordonner et contrôler, les recherches scientifiques outremer ». Dans la lettre de mission que le ministre des Colonies adresse au directeur de l’Office, il précise notamment qu’il aura à étudier la création de centres de recherche dans les territoires d’outre-mer. Cette décision est actée par le premier conseil d’administration de l’Office qui se réunit le 20 décembre 1943.
9Courant 1944, un avant-projet concernant notamment Madagascar est mis à l’étude ; il est soumis en février 1945 par M. Decary au gouverneur général, lors d’une mission qu’il effectue à Madagascar avec l’ingénieur général des Ponts et Chaussées André Nizery, secrétaire général de l’Office (1943-1946) ; parallèlement M. Decary prend des contacts officieux avec le directeur du parc de Tsimbazaza en vue de l’installation éventuelle du futur IRSM dans ce parc ou à proximité.
10Le 30 mai 1945, le conseil d’administration de l’ORSC approuve le rapport proposé par la direction de l’Office, ainsi que la mission d’André Nizery à Madagascar pour étudier sur place avec les autorités compétentes la mise en œuvre du projet.
11Le 5 juillet 1945, après avoir transmis le projet au gouverneur général, André Nizery est reçu par ce dernier auquel il présente les principes généraux d’organisation de l’institut, les disciplines à prévoir, les immobilisations et constructions, ainsi que les modalités d’exécution du projet. Parallèlement, il prépare l’organisation d’un service de pédologie et effectue les démarches nécessaires pour obtenir les terrains nécessaires à l’installation de l’institut. Un accord sur les principes proposés est donné par le gouverneur général le 22 janvier 1946.
12Après accord du ministère des Finances en date du 4 décembre 1946, le décret portant création de l’Institut de recherche scientifique de Madagascar (IRSM) est signé le 11 décembre 1946 et publié au Journal officiel de la République française (JORF) le 14 décembre 1946. Il prévoit la mise en œuvre, dans une première étape, de trois services : botanique et chimie générale, pédologie et ethnologie. Suite à une décision du conseil d’administration de l’Office en date du 27 novembre 1947, la commission spécialisée de l’ORSC mène des travaux de géophysique, avec le concours de l’Observatoire des Pères Jésuites de Tananarive pour la mise à disposition de l’observatoire de matériels de recher-che (gravimètre, oscilloscope).
13En même temps, des terrains récemment expropriés avoisinant le parc de Tsimbazaza et nécessaires à l’installation de l’institut sont cédés à l’ORSC par arrêté n° 1749 du gouvernement général en date du 29 décembre 1945. Le professeur Millot, directeur pressenti de 1TRSM, effectue en 1946 et en 1947 deux missions pour étudier sur place les conditions de sa fondation.
14Les candidatures du professeur Millot en qualité de directeur et du professeur Humbert en qualité de directeur-adjoint sont acceptées par le gouverneur général, fin 1946, et par le conseil d’administration de l’Office en mai 1947. Humbert sera rapidement remplacé par le professeur et futur recteur Renaud Paulian.
15Par les textes de fondation, 1TRSM dispose d’une large autonomie mais ne constitue pas une unité indépendante. Son fonctionnement et son activité sont contrôlés par des organismes assurant au territoire un rendement en rapport avec ses besoins. Financièrement, l’institut dispose d’un budget autonome alimenté par des subventions, en principe égales, du budget général de Madagascar et du budget de l’ORSC.
16Administrativement, le fonctionnement est contrôlé par un conseil d’administration, présidé par le secrétaire général du territoire et regroupant, avec la direction de l’institut, deux membres de l’assemblée représentative et certains chefs des services techniques et économiques locaux. Ce conseil d’administration approuve le budget et règle les questions de fonctionnement interne.
17Scientifiquement, à l’intérieur d’un programme très vaste couvrant l’ensemble des disciplines et des questions scientifiques, l’activité de 1TRSM est déterminée en accord avec la direction de l’Office, après consultation d’un conseil de recherche qui regroupe, outre les chefs des services intéressés, des représentants des intérêts économiques privés et les personnalités scientifiques les plus marquantes du territoire.
18Comme le précise Michel Gleizes (1985) : « L’Institut de recherche scientifique de Madagascar comme l’Office lui-même, était un établissement public de l’État, jouissant de la personnalité civile et de l’autonomie budgétaire. Lié à l’Office par des dispositions particulières qui lui permettaient d’en assurer le contrôle, il était placé sous l’autorité du gouverneur général et doté d’un conseil local ; les chercheurs du corps y servaient en position de détachement, et les contrats des non-titulaires étaient passés directement avec les directeurs locaux ; les crédits budgétaires étaient assurés partie par une subvention locale, partie par une subvention de l’Office ; celui-ci approuvait les budgets et les programmes de recherches. L’IRSM avait donc un régime extrêmement décentralisé, qui correspondait à la préoccupation d’articuler le plus étroitement possible les activités de la recherche avec les besoins et la vie locale. […] En même temps, par un système de financement mixte qui leur assurait la pérennité de leurs moyens, on prévenait les inconvénients d’un assujettissement trop strict à la conjoncture locale, ce que A. Nizery appelait joliment ‘flux et reflux de l’administration et de l’économie’. L’appartenance du personnel de recherche au cadre général de l’approbation des programmes de recherches devait par ailleurs garantir le niveau convenable de celles-ci. »
19Par décision gouvernementale du 28 mai 1949 (JORF du 3 juin 1949), l’ORSC devient Office de la recherche outre-mer (Orsom), sans changer la nature et l’organisation de l’organisme, telles qu’elles sont définies ci-dessus. De cette manière, l’activité de l’IRSM est sans cesse en accord avec les besoins de Madagascar. De plus, le travail scientifique des chercheurs est suivi de très près par les commissions spécialisées fonctionnant à l’Orsom, commissions qui assurent la coordination des recherches entre les divers centres outre-mer et procurent aux chercheurs, les crédits, la documentation et l’outillage spécialisés indispensables.
La réalisation matérielle de l’Institut de recherche scientifique de Madagascar
Tsimbazaza
20Renaud Paulian, le directeur du centre, écrivait en 1950 : « Les premières conditions d’un travail scientifique fructueux sont sa régularité et sa conformité ; elles ne peuvent être réalisées que si l’on dispose d’un cadre approprié, tant pour le travail que pour la vie quotidienne et familiale des personnels. Dès leur arrivée, les chercheurs doivent pouvoir démarrer sans attendre leurs travaux, c’est pourquoi il a semblé indispensable de commencer par créer les laboratoires, les logements et les annexes nécessaires ».
21Grâce aux crédits du Fonds d’investissement et de développement des territoires d’outre-mer (Fides) fournis par l’Orstom de Paris, une partie importante des réalisations prévues a été entreprise dès 1947, occasionnant même une légère avance sur les prévisions. Grâce à ces crédits et à la célérité de l’entreprise en charge des travaux, l’IRSM disposait, dès la fin 1950, des bâtiments suivants.
- Le bâtiment principal dit « laboratoire principal ». Sa construction a débuté en mars 1948, d’une superficie de 480 m2, comprenant un sous-sol (avec salle de conférence, magasins et ateliers pour les petits travaux d’entretien), un rez-de-chaussée surélevé, un étage, et une terrasse partiellement couverte servant de terrain d’expérimentation pour toutes les recherches nécessitant un contrôle constant. Dans ce bâtiment ont été réunis les bureaux de l’administration, la bibliothèque du service, l’herbier de botanique, les laboratoires de biologie, d’ethnographie, de chimie végétale et de chimie analytique, de parasitologic. Plusieurs pièces ont été installées en laboratoires individuels réservés aux hôtes de passage. Réalisées par M. Liotard, les laboratoires sont largement éclairés, protégés du rayonnement solaire direct par des brise-soleil en béton, pourvus de paillasses en faïence, de l’électricité force et lumière, de l’eau courante. Pour l’époque, ils constituaient un cadre de premier ordre pour la recherche.
- Le laboratoire de pédologie. Le petit laboratoire, construit en 1947 pour abriter les premiers services de recherche, a été aménagé pour accueillir la section pédologie et permettre l’étude à cadence rapide des sols de Madagascar, priorité du gouvernement général. Pour ce faire, dans ce bâtiment ont été notamment aménagées deux salles d’analyse chimique, une salle d’analyse mécanique, une salle de conservation des échantillons, une salle cartographique, une bibliothèque, déplacée par la suite, une chambre noire et une salle de balances. En 1950, une installation spectrométrique qui devait permettre d’accroître le rendement et la précision des analyses est en cours d’étude.
- Le vivarium. C’est certainement la plus originale des réalisations de l’IRSM. Elle est inspirée du vivarium du Muséum de Paris, mais construit en tenant compte des nécessités locales. Le vivarium permet à la fois l’étude biologique précise des petits animaux et l’élevage des insectes en vue de produire des parasites, de tester des insecticides, etc., mais également de présenter ses pensionnaires au public et de l’intéresser ainsi aux efforts de l’institut et aux problèmes biologiques locaux. Le vivarium est constitué d’une série de 24 cages, entourant un hall assez spacieux, il abrite les animaux qui peuvent ainsi être présentés au public. A chaque extrémité du bâtiment, dans des salles de travail, d’autres animaux sont installés dans des cages.
- Les logements. Le problème du logement revêtait à Tananarive une grande importance dans la mesure où, à Madagascar, les séjours étaient de trois ans comme à Nouméa et dans les départements d’outre-mer, alors qu’ils étaient bien plus courts ailleurs. Il a paru essentiel à la direction de l’Office de procurer aux chercheurs les meilleures conditions de vie matérielle possibles. Des maisons existantes sur les terrains accordés à l’IRSM ont été remises en état et, dans l’enceinte du parc, un bâtiment regroupant deux logements indépendants, dont chacun peut abriter trois célibataires, a été construit. Ces logements sont utilisés par les agents de l’Office en affectation, comme par les agents en mission et les personnalités scientifiques de passage à Tananarive. Il faut noter que le Parc de Tsimbazaza fournit des plantes médicinales aux laboratoires biochimiques de la métropole, tandis qu’en parasitologie les animaux constituent un matériel de tout premier ordre pour la recherche.
22Le professeur Millot peut écrire, dans un rapport au directeur général de l’Office, et au gouverneur général de Madagascar pour l’année 1950 : « L’année 1950 aura été décisive pour l’IRSM. Elle a permis l’achèvement quasiment intégral du grand laboratoire et du vivarium. Le tout a été mené en trois ans, sans aucun supplément en dépit de la hausse des prix. Cette réussite tient au fait que les travaux ont, en grande partie, été exécutés par le personnel propre de l’IRSM, sous la surveillance directe et constante du directeur et du directeur-adjoint. Fin 1950, l’IRSM compte 9 chercheurs, 3 sont attendus dans les premiers jours de 1951, ce qui n’est pas sans poser au directeur de graves problèmes, en terme d’installations scientifiques et de logements ». Sont ensuite évoqués les travaux scientifiques et les publications ainsi que les missions effectuées par le directeur et les visites reçues, ce qui montre que dès 1950, l’aspect régional avait déjà sa place dans le dispositif de l’Office naissant.
23Le directeur de l’IRSM a, dans le courant de l’année, effectué trois missions officielles à l’île Maurice, en Afrique orientale britannique et en Inde. En 1950, le directeur général a reçu plusieurs hôtes de marque dont le secrétaire d’État à la France d’outre-mer et les gouverneurs du Tanganyika (aujourd’hui Tanzanie) et de l’île Maurice. Ces visites, notamment de personnalités régionales, montrent déjà l’intérêt que produit l’IRSM au plan régional, voire international, auprès des autorités scientifiques et politiques. Le travail matériel et scientifique accompli en trois années d’existence, et la modernité des installations scientifiques, uniques dans la région, sont ainsi valorisés.
24D’autres constructions et aménagements vont suivre. Ainsi, entre 1947 et 1956, l’ensemble immobilier réalisé à cette période sur le site de Tsimbazaza représente une valeur de 2 250 000,00 F de l’époque financés sur la section générale du Fides, en particulier le laboratoire de botanique, la salle d’exposition et un bâtiment pour les sciences humaines.
Le Centre de recherche océanographique de Nosy-Bé
25La section Océanographie est créée en 1949, avec un seul chercheur, M. Angot. Profitant de la présence du navire La Pérouse de la Marine nationale, il parcourt toutes les côtes malgaches, étudiant les fonds de pêche et recherchant un emplacement favorable pour l’installation d’une station océanographique. Et ce, parallèlement à son programme de travail qui consiste à dresser un premier inventaire des espèces de poissons pêchées dans la région (175 dénombrées), et à étudier leurs migration et lieux de ponte. Profitant de la présence des pêcheries de la Société économique des pêches industrielles de Madagascar (Sepim), une station provisoire est installée pour un an à Soalara sur la côte sud-ouest de Madagascar, près de Tuléar.
26En 1953, est créée la station océanographique et de biologie côtière de Nosy-Bé érigée, en octobre 1961, en centre Orstom indépendant scientifiquement du centre de Tananarive. Cette station, qui devient le Centre de recherche océanographique de Nosy-Bé, dresse des cartes des mouvements des masses d’eau dans le canal de Mozambique, établit des inventaires des poissons et des crevettes locaux dont il paraissait qu’une exploitation rationnelle était possible et rentable. Le premier chalutage à la crevette, effectué en 1958, se révèle d’ailleurs prometteur.
27Un travail considérable a pu être accompli entre la fondation de l’IRSM en 1945 et l’indépendance, grâce à la grande stabilité du personnel de direction : le directeur de l’institut, le professeur Millot et son adjoint, le professeur Paulian, sont en poste de 1946 à 1961, soit quinze années au cours desquelles ils ont assuré l’ensemble des constructions du centre et la mise en place des programmes de recherche scientifique. De plus, le directeur bénéficiait de la confiance de la direction générale de l’Office et d’une grande liberté d’action, en raison notamment de l’éloignement du siège. Il n’est pas inutile de rappeler qu’à cette époque, il n’existait ni télex, ni courriel, mais tout juste le télégramme et le téléphone, qui n’étaient utilisés pour joindre le siège qu’en cas d’extrême urgence. Le courrier constituait le seul moyen de communication avec la métropole.
28En 1958, lors de la réorganisation de l’Orstom, l’IRSM perd sa personnalité morale et est purement et simplement intégré à l’Office, dont il devient un centre. L’ère des pionniers s’achève alors, à l’approche de l’indépendance.
L’indépendance et la période 1960-1972
29Le 26 juin 1960, l’indépendance de Madagascar est proclamée à Tananarive, le nouvel État est admis à l’ONU quelques jours plus tard, Philibert Tsiranana est élu président de la République malgache et ainsi débute la Première République, liée à la France par des accords de coopération. Dans les premières années de l’indépendance, les conséquences pour l’Orstom sont surtout financières. En effet, le financement de l’Office était assuré jusque-là, d’une part, par une contribution de la colonie doublée d’une subvention du Fonds d’aide et de coopération (PAC), et, d’autre part, par l’affectation d’une partie de la subvention générale attribuée à l’Office par le FAC pour la recherche de base.
30En 1963, la contribution malgache est supprimée, seule subsiste une subvention de la ville de Tananarive et de l’État malgache de 500 000 CFA destinée à l’entretien du Parc de Tzimbazaza. Le fonctionnement des centres de Tananarive et Nosy-Bé est assuré par une partie de la subvention générale attribuée à l’Orstom par le FAC pour la recherche de base et par des conventions sur programmes pour la réalisation de cartes d’études particulières, bien souvent financées par l’ambassade de France via la Mission d’aide et de coopération (MAC).
31Cette réduction de crédits se traduit par un projet de réduction des activités scientifiques, comme la section d’entomologie agricole (deux chercheurs), d’entomologie médicale (un chercheur et un technicien), et le rapatriement de trois chercheurs en sciences humaines, soit un effectif initial de quinze chercheurs et quatre techniciens ramené à dix chercheurs et trois techniciens. Pour éviter les conséquences néfastes posées par ce projet, un palliatif est recherché pour l’année 1963 avec la signature de conventions d’études d’intérêt régional financées par la Mission d’aide et de coopération. Des actions concertées avec l’université de Madagascar permettent le maintien provisoire des chercheurs en sciences humaines.
Une montée en puissance scientifique
32Jean Millot et Renaud Paulian, son adjoint, quittent Tananarive en 1961 pour devenir respectivement directeur du musée de l’Homme et directeur du centre Orstom de Brazzaville. De 1961 à 1963, la direction du centre fut confiée, par intérim, à un hydrologue, J. Aimé, qui n’est resté qu’un an car il fut appelé à d’autres fonctions dans un organisme international, puis à Jean Bosser, botaniste, jusqu’en août 1963, toujours par intérim. C’est à cette date que Patrice Roederer qui venait de Tunisie, où il avait créé la mission Orstom en 1958, est nommé directeur délégué du centre Orstom de Tananarive.
33Patrice Roederer devenait directeur du centre situé en pleine ville dans un parc zoologique et botanique dont nous avons décrit plus haut l’organisation. Ce centre regroupait les sections des disciplines suivantes : géophysique, pédologie, hydrologie, zoologie et entomologie médicale, entomologie agricole, phytopa-thologie, botanique, chimie biologique, sociologie, géographie, économie. Par ailleurs, un directeur du parc était recruté.
34L’année 1963 allait marquer un tournant dans la vie du centre avec un développement tant en ce qui concerne les personnels chercheurs, techniciens et agents de recrutement local que les activités scientifiques. Michel Levallois, président du conseil d’administration de l’Orstom, dans le discours qu’il a prononcé à l’occasion de la célébration du cinquantenaire de l’Orstom à l’Académie malgache en 1994, rappelle que l’IRSM est devenu centre Orstom en 1963 et décrit les grandes orientations qui suivirent le départ de la première équipe de direction en 1961 : « Premièrement, la poursuite des inventaires et la compréhension des spécificités malgaches, ce qui impliquait une collaboration étroite entre l’université de Madagascar, les instituts de recherche malgache, français et internationaux. Et ce, dans les domaines de la gravimétrie et magnétisme, en géologie des basaltes, des cartes pédologiques de base et de synthèse, des études de botanique générale, des inventaires zoologiques, en particulier entomologiques, des travaux sur l’histoire de la région, des atlas, etc. Des expéditions interdisciplinaires et inter-orga-nismes sont complétées pour organiser les inventaires. Deuxièmement, l’orientation plus marquée des recherches vers des applications immédiates, à la demande des structures nationales. Dans cette optique, des recherches en hydrologie sur les différentes rivières sont poussées, des études précises en pédologie effectuées, ainsi que sur les plantes médicinales et les vecteurs de maladies tropicales. Des travaux sur les caféiers malgaches, les insectes parasites, les techniques agricoles, sur les sociétés traditionnelles, et leurs rapports avec les politiques de développement, les relations ville-campagne du point de vue économique et géographique, la mise au point de méthodes démographiques adaptées au pays, les terroirs et les études régionales, etc. furent menés. C’est dans cet esprit que les sciences humaines furent développées par la création des sections de sociologie en 1962, d’économie-démographie et de géographie en 1965 ».
35Entre 1962 et 1972, le nombre de chercheurs passe de 21 à 71. Ainsi, en 1962, le centre employait une douzaine de chercheurs et techniciens expatriés, un chercheur malgache et une centaine de techniciens, ouvriers d’ateliers, chauffeurs, jardiniers et soigneurs pour l’ensemble des animaux du parc ; au 31 décembre 1972, il compte 76 agents expatriés (56 chercheurs, 17 techniciens, 2 administratifs et une documentaliste) et 233 agents de recrutement local, dont 7 chercheurs et 108 techniciens plus les anciens élèves, répartis en 13 sections scientifiques et 16 laboratoires ou services scientifiques.
36Cette période fut incontestablement une des plus importantes dans le développement des activités de l’Office à Madagascar. Le centre s’accroît de façon importante tant en termes d’effectifs de chercheurs et techniciens expatriés et locaux, que de sections et de programmes ainsi qu’en nombre de missions et d’entretien et d’agrandissement des bâtiments. Les années 1966, 1967, 1969 et 1970 ont ainsi été marquées par une forte augmentation de l’effectif des expatriés (+ 30 % en 1966, + 10 % en 1967, etc.). Mais parallèlement, les moyens budgétaires, notamment les crédits de fonctionnement, mis à la disposition des sections par les comités techniques de l’Orstom ne permettent pas de tourner à plein rendement. Comme le note le directeur de centre : « Les crédits de fonctionnement n’ont pas suivi ceux d’équipement eux-mêmes sans relation avec l’augmentation des effectifs. Les nouvelles arrivées ou les créations de sections en cours d’année n’ont pas été suivies d’affectation de crédits ».
37En 1967, le directeur mentionne que : « ces années-là ont été très dures – du point de vue financier. Seule la mise à la masse de tous nos moyens, en particulier les conventions, ont permis au Centre de pouvoir donner un minimum décent à chaque section pour que les difficultés ne deviennent pas un grippage général ».
38C’est au cours de cette période que les services techniques nationaux se sont de plus en plus tournés vers l’Orstom, dont ils semblent avoir pris conscience des potentialités qu’il représente. Selon le directeur de centre, « bien que l’Orstom soit un organisme de recherche à long terme, il paraît nécessaire, tant sur le plan politique que technique, d’orienter les travaux des chercheurs sur des études dont l’intérêt local est évident ou probable ». Une conséquence est que « quelques liaisons interdisciplinaires ont eu lieu à l’occasion de travaux et cela aussi est à encourager », ce sont certainement là les prémices de la pluridisciplinarité.
39En 1968, selon le directeur de centre, il faut noter que : « la création du Centre national malgache de recherche ainsi que la signature de la loi sur la protection du patrimoine scientifique à Madagascar apporteront certainement à plus ou moins brève échéance certaines modifications dans le fonctionnement normal de l’Orstom ».
40En interne, les événements de mai 1968 ont donné lieu à des discussions intéressantes dans l’ensemble entre chercheurs et techniciens. Elles ont débouché, début 1969, sur la création d’un conseil de centre où seront évoqués l’ensemble des problèmes financiers, matériels, en personnel et logements, sans oublier les crédits, qui sont une source de difficultés et de retards dans l’exécution des programmes. Ce conseil a eu un fonctionnement très encourageant. C’est grâce à lui que le nouveau partage des locaux a pu se faire dans de bonnes conditions, avec notamment leur réorganisation suite à l’installation d’un atelier de reprographie permettant ainsi une publication plus rapide des rapports des chercheurs.
41Les années 1969 à 1971 furent particulièrement fructueuses sur le plan scientifique. De grandes actions et programmes ont été lancés : Limite forêt-savane (travail interdisciplinaire), Flore des Mascareignes (coopération franco-anglo-mauricienne) publiée en français, Accord de coopération entre le service hydrologique malgache et l’Orstom, participation de l’Orstom à l’étude agronomique Tanety. C’est aussi à cette époque qu’a abouti la collaboration de l’Orstom à l’Atlas interdisciplinaire de Madagascar sous la direction de l’Université.
42Les chercheurs de l’Orstom sont invités à participer aux réunions des comités nationaux. Ainsi, quatre chercheurs sont membres de l’Académie malgache. Simultanément, l’Office informe le Comité de la recherche scientifique et technique de ses travaux et les relations sont étroites avec les ministères techniques : Agriculture, Expansion rurale et Ravitaillement, ministère des Finances, Institut national de la statistique et de la recherche économique, ministère de rinformation, du Tourisme et des Arts traditionnels, ministère de l’Equipement et des Communications (météorologie et réseau hydrographique), ministère de la Santé publique.
43Mais ces années-là ont vu s’accroître aussi les difficultés financières du centre. De ces difficultés financières, il résulte que les bâtiments sont nettement insuffisants pour le logement de l’ensemble du personnel et de leurs familles ainsi que pour les laboratoires. Les crédits délégués au centre permettent difficilement d’assurer leur entretien a minima malgré la dégradation de certaines constructions. En même temps, le centre doit faire face au vieillissement du matériel, ce qui augmente les frais de fonctionnement.
L’Orstom et ses partenaires
Relations avec les pouvoirs publics
44Les relations avec les autorités malgaches se faisaient principalement par l’intermédiaire de la Direction de la recherche, rattachée à la vice-présidence et dont le responsable était un chercheur malgache détaché de l’Orstom à l’Institut de recherche agronomique de Madagascar (Iram), M. Ramalanjaona. Les autres interlocuteurs étaient le Commissariat au Plan et les services des différents ministères techniques : Agriculture, Travaux publics, services de Santé. L’Orstom était représenté au Conseil supérieur de la recherche scientifique. Les contacts étaient nombreux et bons, mais comme le souligne Patrice Roederer : « il est certain que les autorités locales auraient préféré que, comme avant l’indépendance pour l’IRSM, l’Orstom ait plus de comptes à rendre à l’administration locale ».
45Avec les autorités françaises, les rapports étaient fréquents et le centre était l’un des passages obligés de tout visiteur de marque arrivant à l’ambassade. Cependant, aussi bien l’ambassade que la Mission d’aide et de coopération (MAC) auraient voulu que l’Orstom dépende beaucoup plus du ministère de la Coopération, tant du point de vue des programmes que de l’affectation des chercheurs et des moyens mis à disposition. Cette conception, qui rejoignait quelque peu celle des autorités malgaches de ramener sur place la détermination, l’instruction et l’exécution des programmes, comme cela se pratiquait avant l’indépendance, était assez éloignée de celle de la Direction générale qui, ayant une vue plus globale de l’Orstom, raisonnait en fonction des différentes implantations de l’Office et de la cohérence des programmes.
Relations avec les établissements scientifiques
46Avec l’université de Madagascar et l’Éducation nationale, les rapports étaient nombreux du fait de l’enseignement prodigué à l’Université par les chercheurs du centre, par les travaux pratiques organisés au centre pour les étudiants et les recherches exécutées à l’Orstom par les enseignants-chercheurs. L’Office avait en outre créé un prix en faculté des sciences, en faculté des lettres et en faculté de droit et sciences économiques, lancé les clubs « Jeunes sciences » en botanique et zoologie pour les élèves des lycées et collèges, avec camps de vacances et voyages à l’étranger dans certains cas.
47L’Orstom entretenait des relations suivies avec les huit instituts du Groupement d’étude et de recherche pour le développement de l’agronomie tropicale (Gerdat) représentés à Madagascar, notamment par des travaux ou des missions faites en commun. Le Gerdat sera ensuite transformé en l’actuel Centre international de recherche en agronomie pour le développement (Cirad).
48L’Institut Pasteur de Madagascar faisait appel à l’Orstom pour tout ce qui concernait les vecteurs de maladies tropicales, et apportait son aide à l’Office, en particulier pour la détermination des reptiles.
49L’Office était aussi membre du Conseil supérieur de la recherche, et était représenté au Conseil de l’université et au Comité inter-îles de recherche agronomique regroupant les recherches (surtout sucrières) de Madagascar, Réunion et Maurice. Cette présence a permis de créer des antennes Orstom à la Réunion ainsi qu’à Maurice pour la pédologie et l’entomologie agricole en collaboration avec le Mauritius Sugar Industry Research Institute et, enfin, de lancer la « Flore des Mascareignes » avec le même institut mauricien, un chercheur de la Réunion et le Royal Botanical Garden de Kew en Grande-Bretagne.
Relations avec les armées française et malgache
50Les années 1963-1971 furent marquées par la possibilité offerte à l’Orstom d’explorer et de travailler dans d’autres îles du sud-ouest de l’océan Indien, et de reprendre avec les armées la grande tradition de l’appui à la recherche scientifique. Patrice Roederer précise dans un de ses rapports que : « l’inventaire des richesses faunistiques et floristiques de Madagascar était et est encore loin d’être terminé. Mais ces études demandaient des moyens bien supérieurs à ceux que pouvait fournir l’Orstom seul ».
51Aussi, est-il apparu que les armées française et malgache étaient en mesure d’appuyer ces recherches, en particulier sur le plan logistique. De plus, à cette époque, les armées française et malgache cherchaient à aguerrir leurs troupes et à leur faire mieux connaître « la brousse ». Cette collaboration faisait l’objet de protocoles précisant que soit i) l’Armée était l’organisatrice définissant la zone et l’Orstom fournissait deux à trois chercheurs en quête d’espèces nouvelles ou peu connues, tandis que l’armée fournissait les moyens de transport, la nourriture et les soins éventuels ; ii) soit l’Orstom était maître-d’œuvre et définissait les buts et les moyens nécessaires, l’Armée apportant le soutien logistique.
52Selon le rapport cité, ce sont en tout quatorze missions qui furent effectuées. Citons par exemple celle qui avait pour objectif de : « reprendre l’ancienne piste Grandidier entre Mantasoa et Tamatave en accompagnant une mission de parachutistes du 2e Régiment de parachutistes d’infanterie de marine (RPDvIA) qui avait pour objectif d’estimer si cette piste serait intéressante à rouvrir. Quelques chercheurs, zoologistes, botanistes, biochimistes accompagnèrent la mission qui s’avéra un succès et fut très appréciée des militaires à qui on apportait une approche du pays différente, et les possibilités de survie en brousse (plantes et animaux) », ou encore « celle plus lourde du mont Tsaratanana, qui avait pour objectif l’étude de ce sommet de 2 874 mètres, le point culminant de Madagascar. C’était la troisième ascension scientifique de cette montagne ; cette mission a fait l’objet d’une publication dans le mémoire Orstom n° 32 ». D’autres missions effectuées dans diverses régions de la Grande île furent bénéficiaires de l’appui efficace des armées française et malgache, de la Marine nationale pour les îles voisines : Comores, Rodrigues, pour l’exploration des Tsingy dans l’Ankarana près de Diego-Suarez, les études d’une rivière souterraine reprises ensuite par les chercheurs de l’université de Tananarive avec l’appui logistique de l’Orstom. De plus, l’Orstom participait à la formation de la gendarmerie malgache et du service civique.
L’Orstom dans la révolution malgache (1972-1980)
53Patrice Roederer, directeur du centre Orstom, quitte Madagascar en août 1971. Il est remplacé par Paul de Boissezon. Celui-ci va devoir affronter l’ensemble des événements, jusqu’à son départ en 1976, date où les activités de l’Orstom furent réduites au minimum. Il devra notamment gérer peu après son arrivée l’épineuse affaire du « complot Orstom » selon lequel un tract subversif aurait été tapé sur une machine à écrire de l’Institut.
L’année 1972 : le grand changement de la politique malgache
54Depuis sa première élection à la présidence de la République malgache, Philibert Tsiranana avait laissé la part belle à la présence française dans les secteurs clefs de l’activité du pays. Mais cette situation allait connaître un tournant au début des années 1970.
55Le 13 mai 1972, une manifestation d’étudiants dégénère en soulèvement populaire contre le régime et le néocolonialisme français. Dans la panique d’une fin de règne, le maintien de l’ordre fait officiellement 42 morts dans la capitale. Le chef d’état-major général des armées, Gaston Ramanantsoa, prend le pouvoir.
56En juin 1973, Madagascar et la France révisent leurs accords économiques, la Grande île sort de la zone franc, les forces françaises encore basées à Madagascar évacuent le pays en septembre. Le virage effectué alors se traduit également par le remplacement du français par le malgache comme langue officielle et, sous l’influence du jeune ministre des Affaires étrangères, le capitaine de frégate Didier Ratsiraka, Madagascar se tourne au plan international vers les pays du bloc communiste.
57Le 5 février 1975, le général doit remettre les pouvoirs à un jeune colonel de gendarmerie Richard Ratsimandrava mais, six jours plus tard, celui-ci est assassiné. Pour lui succéder, le directoire militaire, constitué à la tête de l’État, suspend les partis politiques. Le 15 juin 1975, Didier Ratsiraka est élu chef de l’État, chef du gouvernement et président du conseil suprême de la Révolution. Le 21 décembre, un référendum conduit à l’adoption d’une nouvelle constitution pour la nouvelle République de Madagascar, dont les principes fondateurs sont tirés du « Livre rouge » et constituent la charte de la « révolution socialiste malgache ». La majorité des sociétés post-coloniales, banques, assurances, etc. sont nationalisées.
Les conséquences pour l’Orstom
58Dès 1972, année où est proclamée la Deuxième République malgache, le gouvernement malgache négocie avec la République française de nouveaux accords de coopération qui sont signés le 4 juin 1973 ; ils avaient déjà fait l’objet d’un accord intergouvernemental intervenu le 7 février de la même année. Le chef de mission souligne dans la note de synthèse annexée au rapport du centre pour l’année 1972 : « Les événements locaux de mai 1972 et les profondes transformations qui sont intervenues par la suite dans le gouvernement, dans les structures et le personnel administratif, ainsi que dans l’orientation de la politique de Madagascar, ont fortement modifié le style des relations entre l’Orstom et les autorités malgaches. Le désir des nouveaux dirigeants malgaches d’assurer par eux-mêmes, et autant que possible sans le concours de techniciens étrangers, la conduite et le développement de leur pays, et leur intention de créer des structures nationales de recherche, ont eu pour conséquence de rendre plus distants les contacts entre l’Orstom et l’administration malgache ».
59Le Secrétariat général du comité de la recherche scientifique et technique (SGCRST) auquel participait le directeur de l’Orstom à Madagascar a été supprimé et remplacé par une Direction de la recherche scientifique technique (DRST) dont le premier directeur est Etienne Rakotomaria (ingénieur Insa, docteur ès sciences physiques) et dont les attributions sont placées sous l’autorité du chef du gouvernement, secondé par le directeur général du gouvernement. À partir du 5 septembre 1972, date de la création de la Délégation de la recherche scientifique et technique (DGRST), les relations ont été fréquentes. Par contre, les contacts avec les Centres nationaux de recherches appliquées sont restés très limités, sans doute en raison du caractère plus fondamental qu’appliqué des recherches et en raison de l’absence de financements malgaches.
60Fin 1973, le centre comptait 54 expatriés (37 chercheurs, 14 techniciens, 2 administratifs et 1 documentaliste) ainsi que 221 agents de recrutement local. C’est une année charnière. Selon le rapport du directeur de centre : « Les événements locaux de mai 1972 et les profondes transformations qui sont intervenues par la suite dans l’orientation de la politique de la République malgache ont conduit les autorités malgaches à dénoncer le 25 janvier 1973, les anciens accords de coopération et notamment la convention générale relative à l’aide et à la coopération en matière de recherche scientifique signée entre les deux gouvernements le 5 août 1960. Les négociations relatives à l’établissement de nouveaux accords se sont poursuivies pendant quatre mois et ont abouti à la signature d’une convention sur les affaires culturelles le 4 juin 1973. Toutefois c’est seulement au début du mois de février 1974, que les nouvelles modalités pratiques de la coopération scientifique entre les Institutions scientifiques française et malgaches ont pu être définies et ratifiées. Nonobstant la dénonciation par le gouvernement malgache de la convention générale de 1960, et dans un souci d’éviter toute solution de continuité à la coopération dans le domaine de la recherche, il a toutefois été convenu entre les deux gouvernements que la convention générale de 1960 continuerait à être appliquée pendant l’année 1973 (échange de lettre du 4 juin 1973). Cette année a donc été la vingt-septième et dernière année d’existence du centre Orstom de Tananarive ».
61C’est par cette dernière phrase, où la nostalgie transparaît sous la rigueur administrative, que Paul de Boissezon, quatrième directeur du centre de Tananarive en plus de 27 ans de présence de l’Office, termine le chapitre « Relations extérieures avec les autorités malgaches ». Les négociations relatives à l’établissement de ces nouveaux accords se sont déroulées d’abord à Paris puis à Tananarive à l’échelle gouvernementale, sans que l’Orstom soit directement représenté. Elles ont abouti à la signature de la convention du 4 juin 1973 qui prévoit que la coopération scientifique pourra s’exercer dans le cadre des structures nationales de recherches scientifiques et techniques soit pour participer à la réalisation de programmes nationaux de recherche, soit pour l’exécution de programmes autorisés demandés par des missions ou des organismes de recherche de l’autre État.
62Les chercheurs et techniciens chargés directement de l’exécution de ces travaux de recherche seront fournis par les instituts ou organismes de recherche, sous forme d’équipes chargées de réaliser les programmes, tandis que tout ou partie des installations de l’Orstom (transférées à l’État malgache, comme l’ensemble des installations françaises dépendant de l’armée française ou des services de l’ambassade) pourront être utilisées pour la réalisation de ces programmes. Par la suite, la réunion à Tananarive d’une commission mixte paritaire, prévue en septembre pour arrêter ceux des programmes et opérations de recherche qui pourraient être retenus en 1974, ainsi que les modalités pratiques d’exécution, a été différée de mois en mois.
63Au cours de l’année 1973, les contacts ont été maintenus avec les ministères techniques et les organismes de recherche malgaches et plusieurs chercheurs ont donné des cours à l’Université. Au 31 décembre 1974, l’effectif expatrié était tombé à 19 personnes. Les contrats et protocoles de recherche ont permis en 1974 la poursuite ou l’achèvement de la plupart des programmes dans le domaine de la biologie et des sciences de la terre. Par contre, les programmes de recherches relatifs aux sciences humaines et à l’étude des plantes médicinales, sujet hautement sensible, ont été arrêtés.
64En conclusion du rapport 1974, Paul de Boissezon écrivait dans la rubrique Bilan et perspective : « Au total, 1974 a donc été pour la mission Orstom à Tananarive une année expérimentale d’un nouveau mode de coopération scientifique. Elle a permis la poursuite de certaines recherches dans le domaine des sciences de la Terre et des sciences biologiques, dans des conditions d’efficacité nettement moins bonnes que l’année précédente. Ces difficultés mineures consécutives à la profonde mutation des structures de recherches dans la Grande île, ne paraissaient pas rédhibitoires. L’expulsion non motivée de deux chercheurs généticiens, et la remise en question par les autorités malgaches des modalités de la coopération scientifique franco-malgache, semblent par contre indiquer que cette expérience n’a pas été jugée satisfaisante par elles. Il apparaît d’ailleurs que la mise en place de structures nationales revêt à leurs yeux beaucoup plus d’importance que l’avancement des connaissances. Les prochaines négociations indiqueront si un désengagement de la coopération scientifique française est dans ces conditions véritablement souhaité, ou s’il existe d’autres formules de coopérations scientifiques ou d’assistance technique aux structures de recherches malgaches ».
65Au 31 décembre 1975, l’effectif expatrié n’était plus que de sept personnes (six chercheurs, principalement des hydrologues et pédologues et un administratif), aucun nouveau programme de recherche n’a été entrepris, seuls les programmes en cours ont pu être terminés dans des conditions souvent difficiles. Un Ministère des recherches scientifiques (MRS) est créé le 14 janvier 1976 dans le cadre du premier gouvernement de la République Démocratique de Madagascar. Son premier titulaire est le docteur (en médecine) Rémy Tiandraza.
66Dans sa dernière note de synthèse annexée au rapport d’activité de 1975, Paul de Boissezon souligne, dans un texte qui en dit plus que de longs commentaires : « Cette expérience de deux années de coopération scientifique dans le cadre de nouveaux accords de coopération et au sein des nouvelles structures d’accueil malgaches ne peut être considérée comme probante […]. Le bilan de ces deux années n’est cependant pas entièrement négatif, car il a été possible de ne pas interrompre brutalement les activités comme cela avait été le cas fin 1973 pour les programmes des sciences humaines ; mais la solution de continuité qui a pu être évitée dans le domaine des sciences de la Terre, des sciences biologiques et l’océanographie paraît seulement avoir été retardée. En effet, l’avenir de la coopération scientifique franco-malgache ne s’est guère précisé, et son ambiance s’est fortement dégradée ».
67Paul de Boissezon et les derniers chercheurs et techniciens orstomiens ont quitté Madagascar dans le courant de l’année 1976, la notion de « centre » avait vécu.
Les « années hydrologie »
68Fin 1976, après le départ de Paul de Boissezon, seuls des hydrologues restent affectés à Madagascar. La mission est d’abord dirigée par Joël Danloux, avec un technicien (Philippe Garreta) et Roland Albignac fut maintenu pour aider à la gestion du parc, et ce jusqu’en 1980.
69Les activités sont alors entièrement tournées vers des opérations de recherche appliquées et financées intégralement par des conventions passées avec des organismes publics etparapublics : interprétation de données pluviométriques, études ponctuelles d’aménagements pour la construction de routes. D’autres études appliquées répondent à des projets d’aménagement plus vastes nécessitant des investigations sur plusieurs années, comme l’étude du lac Alaotra démarrée en 1976 et celle de Maintirano initiée en 1977. L’interlocuteur privilégié de l’Orstom au cours de cette période devient le Ministère de la production agricole et de la réforme agraire chargé de la recherche agronomique (MPARA) qui centralise la plupart des projets de développement agricole à partir de l’irrigation. Mais compte tenu de l’insuffisance des budgets prévus pour ces opérations, les études hydrologiques sont purement et simplement abandonnées.
70Heureusement, la totalité des petites études engagées en 1979 et 1980 qui correspondaient à des opérations limitées dans l’espace et dans le temps ont été achevées (études de la cuvette de Didy, de la Haute-Sandrandahy, des aménagements hydrauliques sur les Hauts-Plateaux), et les rapports remis courant 1981. Dans le rapport de l’année 1981, dernier disposant de données complètes, le chef de mission, Daniel Bauduin, souligne que : « les activités d’enseignements se sont poursuivies en 1981 et en 1982, les quatre chercheurs de l’Orstom détachés auprès du ministère de la Coopération dans les centres universitaires de Madagascar ont assuré un enseignement en zoologie, biologie végétale et anthropologie. Deux ingénieurs du MDRRA (Ministère du développement rural et de la réforme agraire) formés en URSS ont effectué un stage permanent à la mission Orstom et participé au programme hydrologie à usage agricole ». Ces précisions montrent que les ponts n’ont jamais été complètement coupés avec les chercheurs et ingénieurs ou enseignants malgaches et leurs autorités de tutelle.
71Jusqu’en 1979, l’Orstom a pu disposer au Centre national de recherche de Tsimbazaza de quatre bureaux, d’un atelier et d’un magasin. L’Office a alors définitivement quitté Tsimbazaza et s’est installé dans une villa à usage d’habitation qui se révèlera trop petite pour entreposer l’ensemble du matériel. Le bail est d’ailleurs résilié par le propriétaire. La mission Orstom finit par trouver une villa de 85 m2 sur deux niveaux et 50 m2 de magasins, sise à Ambohitrahaba, dans la banlieue nord-est de Tananarive. D’après les accords, l’État malgache devait loger les bureaux de l’Orstom. En fait, il remboursait le montant du loyer avec difficulté. Celui-ci fut pris en charge par la MAC sur un reliquat de crédits FAC primitivement destinés à une autre opération (Centre de formation Somalac).
72À côté des hydrologues qui ont maintenu à travers leur présence institutionnelle une représentation administrative à Madagascar, les sciences sociales n’ont jamais complètement quitté le terrain de la Grande île puisque quelques chercheurs en sciences humaines, comme Jacques Lombard et Emmanuel Fauroux, ont continué à travailler par missions à Madagascar et d’entretenir des relations avec leurs collègues malgaches, préparant ainsi l’avenir de leur discipline.
Les années 1980 et un partenariat renouvelé
73En novembre 1983, la création d’un ministère de la Recherche scientifique et technologique pour le développement (MRSTD), dont le ministre est Zafera Antoine Rabesa, permet la signature en août 1984 d’une convention pour l’étude du développement de l’élevage dans le Sud-Ouest malgache, permettant à des anthropologues et des économistes de l’Orstom (Jacques Lombard et Emmanuel Fauroux) d’intervenir en missions de longue durée, à côté de chercheurs malgaches. Ce programme comportait un volet formation de chercheurs nationaux et marquait le retour officiel des sciences humaines et sociales de l’Orstom dans la Grande île.
74Le 12juin 1986, Pierre Lavau, président du conseil d’administration de l’Orstom, signe avec le ministre Zafera Antoine Rabesa, un protocole d’accord de coopération scientifique et technique, redonnant ainsi un cadre juridique à cette coopération. L’annexe 1 de cet accord précise que « les arrangements à conclure entre l’Office et les départements et organismes du gouvernement malgache autres que ceux relevant du MRSTD recevront le visa de ce dernier ». À noter que ce visa ne fut jamais refusé par le MRSTD, devenu le partenaire institutionnel de l’Office.
75Le programme « Urbanisation des systèmes de production en crise dans l’ensemble méridional de Madagascar », qui faisait suite au programme « Élevage » dont il bénéficiait des acquis, a démarré en 1988 avec la signature d’une convention le 16 décembre 1988 entre le MRSTD-CNRE/Orstom, prolongée jusqu’en juillet 1992. Ce programme a permis en quatre ans d’intégrer 65 étudiants dans les équipes Orstom à Tuléar (33 en maîtrise, 18 en DEA et 14 en doctorat), ainsi que la publication de cinq ouvrages collectifs et de sept films vidéo.
76À partir de 1990, plusieurs conventions de programmes sont signées avec les instituts sous tutelle du ministère de la Recherche. Le principal partenaire de l’Orstom est alors le Centre national de la recherche sur l’environnement (CNRE), dont la directrice Lala Rakotovao, sera pendant plus de dix ans la principale interlocutrice de l’Orstom. L’effectif des expatriés passe ainsi de 3 en 1988 à 11 en 1991, 14 en 1993 et 25 en 1994.
77Le 9 février 1994, un nouvel accord cadre est signé entre Michel Levallois, président du conseil d’administration de l’Orstom, et le ministre de la Recherche appliquée au développement (MRAD), représentant le gouvernement de la République malgache. Cet accord, d’une part, reconnaît à l’Orstom la qualité d’EPST ayant vocation à promouvoir la recherche scientifique pour le développement avec les institutions scientifiques malgaches compétentes et la personnalité morale (faculté d’acquérir ou d’aliéner, capacité à exercer tous les actes de la vie civile), d’autre part, pose les principes de la coopération avec le MRAD et les institutions, établissements et organismes malgaches qui servent de base à l’établissement de conventions particulières de coopération fixant pour chaque programme les objectifs et les moyens mis en œuvre. À l’issue de la réunion de concertation au cours de laquelle cet accord fut signé, cinq thèmes prioritaires ont été retenus pour mener des programmes en partenariat : ressources halieutiques et environnement littoral ; l’eau et son environnement ; forêt et problèmes de deforestation ; santé et environnement ; impact de l’ajustement structurel. Chaque programme fait l’objet d’une convention particulière qui fixe les objectifs, les modalités et les participations des parties.
78En 1999, l’accord-cadre du 9 février 1994 a fait l’objet d’un premier avenant le prolongeant de six mois à compter du 10 mars 1999 puis d’un second le prolongeant jusqu’au 25 mars 2001. Comme le souligne la directrice du CNRE, Mme le professeur Lala Rakotovao, lors de la séance d’ouverture de la 8e réunion de concertation qui s’est tenue à Antananarivo les 26 et 27 janvier 1999 : « Les relations entre l’Orstom et le ministère chargé de la Recherche remontent à 1986. En fait, cette collaboration a été préparée depuis 1984 au moment où une profonde mutation se faisait jour de part et d’autre dans les manières de fonctionner dans la politique scientifique, et dans l’orientation même de la recherche. À Madagascar, les Programmes intégrés de recherche pour le développement (Pird) avaient été mis en place. Aux programmes en sciences sociales lancés en 1984 ont fait suite une approche anthropologique de la deforestation et des sociétés paysannes (Despam) et le programme sur la gestion des espaces ruraux en relation avec leur environnement (Gerem). Ces thèmes n’ont pas été choisis indifféremment, mais l’ont été dans la continuité des activités entreprises antérieurement. Puis les grand thèmes se sont diversifiés et étendus à d’autres domaines, identifiés d’un commun accord : Programmes eaux continentales (PEC 1 à 7), écosystèmes de mangroves notamment. Il est à noter que les programmes effectués en collaboration entre l’Orstom et le MRS de 1986 à 1997 ont bénéficié de partenariat avec d’autres organismes, dont les universités d’Antananarivo et de Tuléar ».
79Le 21 mars 2001, au cours de la 9e réunion de concertation, le président Philippe Lazard et le ministre de la Recherche scientifique, Georges Solay Rakotonirainy, « représentant le gouvernement de la République de Madagascar et agissant au nom et pour le compte du gouvernement malgache », ont signé un nouveau protocole d’accord. Cet accord a pour principal objet de donner un statut à l’IRD à Madagascar, de préciser les treize thèmes prioritaires identifiés par la communauté scientifique malgache pour mener des programmes conjoints. Il précise par ailleurs les trois autres missions à côté de la recherche : l’information scientifique, l’expertise et la formation.
80La crise politique qui a suivi l’élection présidentielle du 15 décembre 2001 a paralysé Madagascar pendant les six premiers mois de l’année 2002. Les projets prévus ont été différés et il en a découlé une faible activité, une diminution de moitié des effectifs de chercheurs affectés et des missions de travail de chercheurs non affectés dans le pays. Cette crise a eu pour principal effet d’interdire toute mission à l’intérieur du pays et de ne pouvoir mettre en œuvre les principales conclusions de la réunion de concertation qui s’est tenue en mars 2001 et notamment les contrats de programmes avec les institutions malgaches partenaires listés lors de cette réunion et qui correspondaient, chacun, à un projet de recherche conjoint.
81Depuis la fin 2002, la situation économique et politique de Madagascar a permis la poursuite des activités de recherche. En juin 2003, trois grands domaines sont concernés : la santé, l’environnement et son exploitation, la société et ses relations avec l’économie, soit 18 programmes, dont 7 avec des agents IRD affectés de façon permanente.
82Le 5 juin 2003 est signée à Saint-Denis de La Réunion, lors d’une rencontre en marge des Assises régionales de l’océan Indien, une déclaration d’intention entre le ministre devenu « ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche », Jean Théodore Ranjivason, et le président du conseil d’administration de l’IRD, Jean-François Girard où les deux parties conviennent de tenir une réunion de concertation avant la fin 2003, pour permettre d’examiner les programmes en cours et de préparer l’émergence de nouveaux programmes. Ceux-ci seront déterminés, d’un côté, par les besoins de recherche à Madagascar tels qu’ils apparaîtront à la suite des prochains travaux de prospective du MESRES (Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique) et ses composantes, de l’autre, par la capacité de l’IRD à répondre à ces besoins, tant en ce qui concerne la recherche que l’expertise collégiale et la formation. Les 24 et 25 novembre 2003, s’est donc tenue à Madagascar la 10e réunion de concertation entre le MESRES et l’IRD où ont été examinés 16 projets de recherche élaborés au cours des deux années passées et susceptibles de donner lieu à autant de contrats-programmes selon les modalités prévues par un nouveau protocole. Ce protocole actualise l’accord-cadre de 2002 à la lumière de l’expérience acquise et des évolutions intervenues depuis sa signature. Les chercheurs de l’IRD qui souhaitent venir en mission à Madagascar doivent dorénavant obtenir l’accord préalable du Ministère.
83Lors de la 11e réunion de concertation, qui s’est tenue à Antananarivo les 6 et 7 avril 2006, le directeur de la recherche a précisé que : « les priorités de la recherche doivent en premier lieu répondre aux besoins du développement du pays. La Direction de la recherche est l’instance officielle qui coordonne tous les programmes de recherche et les coopérations scientifiques. La coopération scientifique dont le pays a besoin est une coopération équitable et mutuellement avantageuse, qui renforce les capacités de recherche du pays par la formation des chercheurs et par l’équipement des laboratoires ». Le président de l’IRD, Jean-François Girard, a rappelé de son côté que : « l’IRD héritait d’une longue pratique de la coopération scientifique avec ce pays et qu’il était soucieux d’inscrire ses activités en réponse aux besoins exprimés par la partie malgache, d’organiser cette réponse en liaison avec les organismes français et européens et de favoriser la dimension régionale des projets. Cette inscription correspond d’ailleurs à la mission que ses ministères de tutelles ont confiée à l’IRD en sa qualité d’établissement public de recherche et au contrat d’objectifs pour la période 2006-2009 qu’il vient d’élaborer ».
84Au cours de cette réunion, quinze projets de recherche, élaborés aux cours des deux années passées et susceptibles de donner lieu à des contrats de programme selon les modalités prévues par le protocole du 21 mars 2003, sont présentés et répartis en trois thèmes : ressources terrestres, ressources aquatiques, sciences sociales. Treize projets, correspondant bien aux priorités du gouvernement malgache tant pour la lutte contre la pauvreté que pour une meilleure gestion des ressources naturelles, ont été approuvés, en prévoyant qu’ils pourraient être soumis à évaluation au cours de l’exercice 2006-2008.
Bibliographie
Bibliographie
Archives de la délégation des relations internationales de l’Orstom devenu l’IRD, Bureau Afrique océan Indien (à noter qu’au cours de l’histoire de l’Office, puis de l’Institut, cette délégation s’est successivement appelée REAT, SACS, SRE, DRI).
Communications personnelles des représentants Orstom-IRD à Madagascar.
Gleizes M.
1985 – Un regard sur l’Orstom 1943-1983. Paris, Orstom, 122 p.
Rapports des directeurs de centre de Tananarive et de Nosy-Bé, et notamment la partie « Relations internationales », de 1960 à 1976.
Annexe
Annexe 1
Élèves malgaches de l’Orstom
En 1964, l’Orstom fut reconnu par les autorités malgaches, comme par le gouvernement tunisien auparavant, comme une école d’application des grandes écoles et universités françaises au même titre que l’Ecole des eaux et forêts, par exemple. Cela permettait aux diplômés de la formation Orstom d’avoir accès directement au grade d’ingénieur principal de l’Administration et de pouvoir prétendre aux plus hauts postes de celle-ci. Cette mesure dura jusqu’à la fin de la formation en 1983. C’est ainsi que les chercheurs suivants reçurent le diplôme Orstom :
1954 : G. Ravelojaona, entomologie agricole
1956 : R. Razafindramba, phytopathologie
1959 : R. Andriamirado, géophysique
1965 : R. Razafindrambao, botanique
D. Ralijaona, phytopathologie
C. Ratsimbazafy, pédologie
1967 : R. Andrianirina, océanographie biologique
1968 : R. Randrianarison, biologie et amélioration des plantes
1970 : Fanjavola Mondeil, biologie et amélioration des plantes
1972 : Y. Rabenantoandro, phytopathologie
1974 : J. Rakotoson, entomologie médicale
1977 : T. Mong-Gine, pédologie
Annexe 2
Directeurs de centre et représentants de l’Orstom-IRD à Madagascar
Jacques Millot 1946-1961
Renaud Paulian (directeur adjoint) 1946-1961
Jean Aimé (intérimaire) 1961-1962
Jean Bosser (intérimaire) 1962-1963
Patrice Roederer 1963-1971
Paul de Boissezon 1971-1975
Alain Crosnier, directeur du centre de Nosy-Bé 1967-1974
Joël Danloux 1975-1980
Daniel Bauduin 1981-1983
Luc Ferry 1983-1990
Philippe Bourret 1990-1995
Jean Chaperon 1995-1998
François Rivière 1998-2002
François Jarrige 2002-2005
Christian Feller 2005-2008
Sophie Goedefroit 2008-…
Auteurs
regis.menu@wanadoo.fr
Ex-responsable du bureau de la coordination géographique, Afrique-océan Indien à la Délégation internationale de l’IRD
patrice.roederer@wanadoo.fr
Ex-IRD, directeur du centre Orstom d’Antananarivo de 1963 à 1971
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