Chapitre VI. La transformation du milieu : facteurs et acteurs
p. 269-317
Texte intégral
1Malgré des éléments laissant apparaître une unité apparente, les composantes sociales et naturelles de cet ensemble géographique sont hétérogènes. Un gradient longitudinal existant depuis la genèse de ces écosystèmes s’est renforcé récemment sous l’impact de divers facteurs naturels parmi lesquels le climat et la dynamique littorale. Les activités économiques et les relations entre sociétés et milieux tendent également à évoluer, en raison de facteurs démographiques, de la dynamique de l’économie marchande, des interventions et aménagements « modernes » des activités et des réactions du milieu naturel à ces perturbations anthropiques.
2Les grandes tendances de cette dynamique naturelle et sociale seront abordées successivement dans ce chapitre, qui s’efforcera d’en mesurer les impacts sur les littoraux à mangroves des Rivières du Sud à court et long termes.
Les facteurs naturels du changement
Le climat
3Le climat peut être considéré comme le facteur déterminant d’évolution des littoraux. La péjoration climatique de ces dernières décennies aurait induit une modification progressive et irréversible des écosystèmes. Dans cette thèse, un retour aux conditions naturelles, connues ultérieurement (début du siècle), ne semble pas envisageable. Les arguments de cette thèse seront développés, puis discutés au regard des autres facteurs de changement.
Une pluviosité déficitaire
4Les Rivières du Sud, qui s’étendent entre 14° et 7° de latitude nord, subissent un recul général de la pluviométrie, (fig. 26). La diminution des précipitations est cependant beaucoup plus significative dans les régions septentrionales, c’est-à-dire le Sénégal et le nord de la Guinée-Bissau.
5L’analyse statistique des relevés pluviométriques de Ziguinchor (tabl. 13) met nettement en évidence une période déficitaire à partir de 1968, celle-ci étant caractérisée par plusieurs indices marquants d’aridification du milieu : une diminution des fortes pluies en nombre et en quantité, une demande évaporative supérieure aux précipitations sur une période de l’année plus longue, une occurrence d’année sèche plus forte ainsi qu’une forte variabilité spatiale et temporelle des précipitations avec un rétrécissement de la période humide.
Tableau 13. Fréquence de la pluviosité annuelle (mm) à Ziguinchor (1922-1990).

Source : Albergel et al., 1991
Figure 26. Précipitations annuelles pour cinq stations des Rivières du Sud.

6À l’échelle régionale, ces observations sont également valables (Dacosta, 1989, 1992) et s’inscrivent dans la phase de sécheresse des pays sahéliens (Albergel, 1988).
7Au nord, on parle couramment de sécheresse pour désigner la péjoration climatique qui sévit depuis 25 ans. Le terme- de sécheresse doit cependant être nuancé. Il est parfois synonyme de catastrophe naturelle durable, mais il sous-entend souvent une anomalie ponctuelle. Or, un événement rare n’est pas anormal en soi dans une chronique pluviométrique car il a toujours une faible probabilité de se produire (Mahé, 1993). Le nombre d’événements anormaux augmente au fur et à mesure que le climat évolue et on peut parler de nouvelle phase climatique à l’échelle humaine (Hubert et Carbonnel, 1986). La généralisation du terme à une région, par exemple le Sahel, suppose que des déficits soient enregistrés en tout lieu, ce qui n’est guère le cas étant donné la forte irrégularité spatiale des précipitations (Pagès et al., 1986).
8De nombreux auteurs se sont penchés sur ce phénomène afin de savoir s’il s’agissait d’un événement cyclique ou plutôt d’une tendance progressive vers une ère aride.
9En 1981 déjà, Faure et Gac, à partir de l’analyse des débits du fleuve Sénégal, reconnaissent un caractère cyclique aux variations de précipitation et augurent que la sécheresse prendra fin en 1985 !
10En 1987, les mêmes auteurs révisent ainsi leur position : « La probabilité d’un retour à l’humide, dans le sens où nous l’entendons, est donc nulle avant 1990. »
11Dans une étude sur les précipitations en Sénégambie, Le Borgne (1989) écrit : « Durant un siècle, phases excédentaires et déficitaires, de durée toujours inégale, ont alterné sans qu’une périodicité puisse être mise en évidence. »
12À propos de la pluviométrie en Gambie, Olivry (1983) écrit : « Il n’est pas possible d’identifier dans l’évolution des observations de Banjul une quelconque périodicité des phénomènes. »
13En 1985, Marius pose le problème en ces termes : « Sécheresse cyclique ou tendance générale à la baisse de la pluviométrie en zone sahélienne ? Question fondamentale pour l’avenir de cette région et en particulier pour tous les projets de développement. »
14À partir de la méthode des moyennes mobiles qui permet de faire apparaître les tendances à long terme – s’il en existe – d’une donnée historique, Marius a analysé la pluviométrie en trois stations caractéristiques de Basse-Casamance.
15Il conclut en ces termes : « Il apparaît que si jusqu’en 1970, une tendance cyclique pouvait être admise, dans une mesure limitée, par l’insuffisance de la durée d’information disponible, cette tendance s’est nettement transformée, dans les trois stations, en une baisse généralisée et continue dont on est incapable de prévoir actuellement l’évolution. »
16Enfin, Beltrando (1986) écrit : « La longueur exceptionnelle de la sécheresse actuelle en fait une phase climatique éventuellement durable et non plus un simple phénomène aléatoire. »
17En dépit de ces points de vue nuancés, sinon contradictoires, la persistance de la péjoration climatique fait progressivement basculer la région septentrionale des Rivières du Sud dans le domaine soudanien, dont la limite méridionale est matérialisée par l’isohyète 1 200 mm.
18Si, au nord, il est possible de parler de sécheresse, en revanche, au sud, du Rio Geba (Guinée-Bissau) à la Sierra Leone, il ne s’agit pas de sécheresse mais d’une diminution de la durée de la saison des pluies.
Répercussions de la diminution des pluies dans les zones de mangrove
19Il est évident que la baisse de la pluviométrie entraîne des modifications majeures sur l’environnement. Nous pouvons toutefois classer ces modifications en deux groupes : les modifications directes et les modifications indirectes.
Les modifications directes
20Il s’agit des modifications du domaine physique constitué par les cours d’eau, les nappes aquifères, les sols et les sédiments.
LES COURS D’EAU
21La baisse de la pluviométrie dans des bassins versants déjà favorables par leur configuration plane à l’évaporation des eaux a entraîné, ces trois dernières décennies, une diminution nette des écoulements en amont de ces bassins. Les débits d’eau douce sont devenus nuls ou quasi nuls dans le Saloum et sur la plupart des affluents de la Casamance (Dacosta, 1989), et la pénétration d’eau marine est de plus en plus marquée vers l’amont dans les estuaires septentrionaux. Pour le Saloum comme pour la Casamance, cela se traduit par un fonctionnement en estuaire inverse quelle que soit la saison. Les pluies ne sont pas suffisantes – même pendant la saison des pluies – pour diluer l’eau marine fortement concentrée en fin de saison sèche sous l’effet de l’évaporation. Dans le Saloum, en avril 1982, la salinité atteignait 52 ‰ à 55 km de l’embouchure (EPEEC, 1985), et en juin 1990, 55 ‰ (Gningue, 1991). En fin de saison sèche, en 1986, la salinité de la Casamance atteignait 160 ‰ à environ 220 km de l’embouchure (fig. 27). À titre de comparaison, notons qu’en 1968, la salinité décroissait d’amont en aval (Pagès et Debenay, 1987). La Casamance est devenue un système paralique typique (Pagès, 1992) où la salinité n’est qu’une conséquence du confinement des eaux et du bilan hydrique du bassin (Guelorget et Perthuisot, 1983).
Figure 27. Variations de la salinité de la Casamance en fin de saison sèche.

Source : Debenay et al., 1991.
22Le fleuve Gambie, bien que situé au nord de la Casamance, prend sa source dans le Fouta-Djallon. C’est donc un fleuve à débit relativement puissant permettant aux eaux douces de refouler l’eau salée pendant plus de la moitié de l’année. De juillet à février, l’estuaire est presque dessalé et, même en fin de saison sèche, la salinité de l’eau du fleuve ne dépasse pas celle de l’eau de mer (Marius, 1985). Toutefois, l’intrusion saline pendant la saison sèche remonte à plus de 200 km de l’embouchure à la fin des années soixante-dix, alors qu’en 1973, elle ne dépassait pas 160 km.
23Au sud du Sénégal, excepté le Rio Cacheu au nord de la Guinée-Bissau qui connaît, à partir des années quatre-vingt, une salinité pouvant atteindre 36 ‰ (la salinité de l’eau de mer), les fleuves guinéens ont une salinité partout inférieure à celle de l’eau de mer (Diop, 1990).
24En Sierra Leone, il n’existe pas de données sur les débits liquides en zone littorale (Anthony, 1990) pas plus qu’il n’existe de données sur la salinité dans les estuaires. Les seules données collectées sont celles relevées en avril 1991 (saison sèche) dans l’estuaire de la Bunce river, affluent de la Sierra Leone river (Bâ, 1991) ; elles sont de l’ordre de 34 ‰.
LES NAPPES AQUIFÈRES
25L’insuffisance ou la baisse de la pluviométrie a des répercussions sur l’abondance des réserves phréatiques et sur leur qualité.
26Le déficit hydrique induit la baisse du niveau piézométrique des nappes continentales (Le Priol, 1983, Saos et Dacosta, 1987), la pénétration d’eau de mer dans ces nappes, mais aussi la contamination par les eaux salées ou sursalées proches des nappes superficielles. Marius (1985) remarque qu’en Casamance, dans toutes les séquences, les nappes dans les tannes sont sursalées (deux à six fois la salinité de l’eau de mer).
LES SOLS
27Sur les sols de mangrove, le manque d’eau douce lié à une évaporation intense provoque une succession de processus qui peuvent être parfois irréversibles. Les processus majeurs sont la salinisation et l’acidification.
28Ainsi, dans les estuaires situés entre le Saloum et le nord de la Guinée-Bissau (jusqu’au Rio Geba), la sécheresse a provoqué une salinisation et une acidification brutales d’importantes superficies de terre (photo ci-après). En effet, lorsque la sécheresse conduit à la tannification, les sols deviennent hypersalés et hyperacides. En Basse-Casamance, par exemple, Marius (1985) a observé des taux de salinité très élevés, pouvant atteindre trois ou quatre fois la salinité de la mer et la formation de gypse suite à l’oxydation très poussée de la pyrite, phénomène exceptionnel dans les sols de mangrove. C’est également la sécheresse qui a abouti naturellement, par oxydation des composés du soufre, à une acidification extrême des sols, donnant ainsi les sols sulfatés acides. En 1978, Marius a noté des pH de 3 dans les tannes nus de Basse-Casamance. De la Guinée à la Sierra Leone, en revanche, ce type de sol ne se développe que lorsque le drainage est réalisé par des aménagements non adaptés.

Mangroves dégradées : zones sursalées (tannes vifs) et reste de troncs de palétuviers morts par la sursalinité des eaux du fleuve Casamance.
Montoroi © Orstom.
LES SÉDIMENTS
29Les sédiments sur lesquels se développent les mangroves des Rivières du Sud sont très variés et leur granulométrie suit un gradient latitudinal (cf. chapitre premier). Cependant, depuis le début de la sécheresse, nous assistons à une évolution des sédiments et de leur transport par les cours d’eau et le vent.
30La réduction des débits fluviaux et des processus d’altération entraîne une diminution des apports fins. Cette insuffisance de la charge sédimentaire et des capacités de dépôts qu’elle conditionne a pour conséquence de suractiver les processus de remaniements hydrosédimentaires dans les parties estuariennes des cours fluviaux. En effet, si l’hydrodynamique estuarienne est inversée, la persistance d’un bilan déséquilibré entre le flot et le jusant entretient une activité de transport et de dépôt qui ne peut affecter que le matériel déjà en place, ainsi soumis à un régime de reprise qui se traduit par la fréquence accrue des phénomènes de recoupement de méandres et l’interconnexion entre chenaux voisins (Diop et al., 1989). L’influence du régime estuarien, inverse dans le Saloum, se manifeste également par le mode de croissance des barres de chenal vers l’amont. Ce processus illustre la prépondérance de l’énergie du flot et évoque aussi le fonctionnement de certain milieux lagunaires (Barusseau et al., 1986).
31L’aridification du Sahel, associée à des vents forts et fréquents, a entraîné un accroissement du phénomène de brumes sèches (ou brumes de poussières). Les brumes sèches sont devenues un événement climatique majeur. Ce phénomène date cependant d’avant la sécheresse, celle-ci ayant eu seulement pour effet de le rendre perceptible, parce que gênant aux plus basses latitudes de la zone tropicale (Diallo, 1986). Les poussières atmosphériques proviennent essentiellement du Sahara et sont véhiculées par l’alizé continental, l’harmattan. Les dépôts éoliens actuels représentent un taux de sédimentation de l’ordre de 30 um en milieu soudanien, une partie étant remobilisée (Gac et al., 1992 et Orange, 1992). Les apports éoliens contribuent à la formation d’accumulations lithométéoriques diverses. Ainsi, dans le Saloum, on les retrouve sur les tannes ou sur les cordons littoraux sableux (Diop et al., 1989).
Les modifications indirectes
32Les transformations du milieu physique sous la contrainte climatique ont des répercussions sur les écosystèmes. Ces modifications indirectes sont, d’une part l’appauvrissement biologique des milieux aquatiques et terrestres, et d’autre part l’adaptation de la faune et de la flore à une sursalure progressive.
33Ainsi les associations végétales, saines dans la partie basse de l’estuaire du Saloum, montrent des signes de dégradation progressive avec un accroissement de la fréquence des individus morts dans le tronçon moyen de l’estuaire et un rétrécissement marqué de la mangrove. Plus au nord, la mangrove disparaît dans les stations qui sont aussi les plus éloignées de l’embouchure. En Basse-Casamance, Marius (1991) observe une diminution spectaculaire de la zone à Rhizophora mangle au profit d’une mangrove décadente ou d’un tapis à Sesuvium, ainsi que le développement considérable des tannes vifs aux dépens des tannes herbacés. En 1983, Sall notait déjà une augmentation de 107 km2 de la superficie des tannes de Basse Casamance, essentiellement au détriment des vasières à mangroves (elles auraient reculé de 87 km2).
34L’ensemble de la faune aquatique subit également les conséquences de la péjoration climatique. Les ostracodes se réduisent tant en espèces qu’en nombre d’individus, et leur taille décroît. Les foraminifères montrent la présence d’écophénotypes marins peu diversifiés (Ausseil-Badié, 1983). Les espèces rencontrées dans les eaux très sursalées de la Casamance sont des formes fortement osmorésistantes (Debenay et Pagès, 1986). Comparés aux observations antérieures (Elouard et Rosso, 1977), les relevés les plus récents de mollusques dans le Saloum montrent la raréfaction des espèces marines et lagunaires vers l’amont par suite d’une sursalure de plus en plus marquée. Les huîtres de palétuvier sont particulièrement touchées par ce phénomène (Ausseil-Badié, 1985). À 200 km en amont de la Casamance, les espèces de poissons deviennent rares : six espèces seulement sont observées en 1986. Elles constituent un peuplement de résistance. Ces espèces sont remarquablement eurybiotes et euryhalines (Pandaré et Capdeville, 1986). Une diminution du taux de capture de crevettes dans le Rio Cacheu comme en Casamance peut être également interprétée comme une réponse de ces crustacés à un environnement devenu défavorable.
35Toutefois, de 1968 à 1981, il est observé (Le Reste et al., 1992) que le déficit pluviométrique provoque une augmentation de la salinité favorable à la pêcherie des crevettes. Les captures annuelles peuvent atteindre 1 500 tonnes, mais, durant cette phase, toute augmentation de la salinité entraîne une diminution des captures. C’est le cas des années 1970-1971 et 1975-1976. De 1982 à 1985, la persistance de la sécheresse provoque une sursalure telle qu’elle devient néfaste à la pêcherie. On observe un effondrement des captures qui tombent à 745 tonnes en 1984, et 844 tonnes en 1985 (Le Reste, 1993).
La dynamique littorale
36À l’inverse du climat, nous aborderons la dynamique littorale comme un facteur entraînant des modifications connues depuis le début du siècle.
37La dynamique littorale entraîne des modifications du milieu à travers les changements susceptibles d’affecter les agents du transport sédimentaire et les apports. Ces changements peuvent être cycliques ou pseudocycliques. L’élucidation des rythmes de ces évolutions présentes constitue l’un des thèmes importants de la recherche actuelle. Variation de l’intensité des houles et des vents en domaine marin, des régimes de précipitation en domaine continental, modification de leurs fréquences, disponibilité des réservoirs de matériels sédimentaires sont alors les paramètres à évaluer. Mais la morphologie littorale peut aussi concourir à la transformation des écosystèmes littoraux. Elle changera si les facteurs sont modifiés, mais elle se modifiera aussi s’ils continuent à agir uniformément au cours du temps.
38À cet égard, l’évolution des flèches sédimentaires et des cordons sableux littoraux, par développement linéaire, par progradation ou par recoupement, est un phénomène pour lequel se pose cette double problématique : changement par l’action continue des causes et/ou changement par leur transformation.
39Avant d’envisager les modifications de facteurs pour lesquelles existent, dans la région, des éléments d’indication, on présentera les principaux faits d’évolution à une échelle de temps comprise entre l’échelle décennale et l’échelle centennale.
L’évolution littorale
40Le nord de la région considérée se caractérise par la présence de longues flèches sableuses à l’entrée des estuaires (carte 15).
41La Langue de Barbarie, qui détourne le fleuve Sénégal vers le sud, s’étire sur environ 30 km. Entre 1900 et 1981, 13 ruptures de la flèche sont connues dont 6 sont importantes en durée et en dimension (Gac et al., 1986). Les possibilités maximales d’extension de l’embouchure semblent limitées à une trentaine de kilomètres (27 km en 1959) car la flèche se raccorde alors au rivage.
42Des informations sur la flèche sénégalienne de Sangomar, qui dévie le bief inférieur du Saloum vers le sud, existent depuis la seconde moitié du siècle dernier et des documents permettent de faire des observations comparatives depuis 1895. L’évolution de la flèche vers le sud fut irrégulière au début du xxe siècle, les phases de progression, souvent rapides (environ 200 m/an entre 1905 et 1906 ; 300 m/an entre 1907 et 1912) sont interrompues par de brutales et importantes récessions. Après 1927 (fig. 28), la progression est plus régulière (environ 60 m/an jusqu’en 1987). Un amincissement du cordon accompagne cette progression de telle sorte que des ruptures éphémères ont lieu en 1860, 1890, 1909, 1928, 1960 et 1970. La dernière brèche, percée en février 1987 et qui s’est constamment agrandie depuis, atteignant 3 600 m en 1994, est d’une tout autre nature (Bâ et al., 1993 ; Diop et al., 1993 a ; Diaw, 1997).
43Les flèches sédimentaires plus au sud sont beaucoup moins développées, localisées au débouché des rivières (Pointe des Oiseaux en Casamance) ou remaniant des édifications plus anciennes de cordons holocènes (presqu’île de Bullow et Pointe de Sherbro en Sierra Leone).
44Les processus de ruptures des flèches sableuses sont un phénomène majeur, ayant joué un rôle tout au long de l’histoire holocène (Ausseil-Badié et al., 1991 dans le Saloum ; Anthony, 1990 dans la baie de Sherbro).
45Sur les côtes envasées, très largement dominantes dans une vaste partie centrale de la région (carte 15), l’évolution semble plus favorable à la stabilité, et parfois à une progression de la zone côtière, même si les témoignages d’érosion ne sont pas absents (Rüe, 1988). Cependant, les phénomènes alternent : accrétion, stabilité et érosion se succèdent. Des phénomènes de transferts peuvent alors déterminer des évolutions opposées dans des secteurs voisins. Ainsi l’île Dodo, dans l’estuaire du Konkoure, disparaît entre 1953 et 1966 quand, dans le même temps, dominent les processus de sédimentation et de développement de la mangrove sur la côte de la plaine de Koba. Ces évolutions ne semblent toutefois pas générales et du sud des côtes sableuses du Sénégal au nord du secteur à sables dominants de Sierra Leone, la partie centrale de la région (Casamance, Guinée-Bissau, Guinée, nord de la Sierra Leone) est donc globalement en engraissement (PNUE, 1985). L’abondance des apports pélitiques et la rétention sédimentaire par la végétation de la mangrove inclinent le bilan dans le sens de l’accrétion.
Figure 28. Extension de la pointe de Sangomar vers le Sud entre 1927 et 1987.

Source : Diaw et al., 1993.
L’évolution des facteurs
46Parmi les facteurs jouant un rôle sur l’évolution des zones côtières, certains ont connu dans le passé récent – à l’échelle des 10-100 ans qui nous intéresse ici – des modifications sensibles. Nous ne reviendrons pas sur le rôle de la pluviométrie qui conditionne pro parte les débits solides apportés par les fleuves aux zones estuariennes et côtières, ni sur le couplage de la sécheresse et des vents qui modifie la nature des apports en favorisant l’arrivée de matériaux non cohésifs ultrafins (les limons). Ces points ont été traités dans les paragraphes précédents.
Carte 15. Les Rivières du Sud. Principaux traits de la morphologie littorale.

Conception : Bâ – Réalisation : C. Suss – © Cormier, 1998
47Des facteurs purement océanographiques complètent cette liste.
Les changements récents du niveau marin
48Dès les années trente et quarante, mais sans doute auparavant déjà, des géologues, des géographes ou des océanographes se sont interrogés sur les facteurs de changement du milieu. Les mouvements d’expansion des terres sur les mers, ou des mers sur les terres sont toujours interprétés comme l’expression d’émersion ou de submersion, c’est à dire en mouvements verticaux de l’une ou l’autre des parties. Jusqu’en 1954, les auteurs expliquent donc la dynamique morphologique et végétale des mangroves à l’aide de variations du niveau marin et par invocation de mouvements généraux glacio-eustatiques ou épirogéniques ou locaux tectoniques.
49En 1954, Guilcher, après expertise de l’envasement du Rio Kapachez, n’y voit que le résultat de déplacement de vases entre les rivages marins, où l’érosion les a arrachées, et l’estuaire où les courants de marées les ont entraînées et piégées. Il explique cette régression – ou émersion – par la dynamique sédimentaire à l’aide des seuls agents hydrodynamiques locaux et non par des causes générales, qu’elles soient climatiques, hydrologiques ou tectoniques.
50Aujourd’hui, la question est encore largement débattue et les principaux auteurs ayant étudié de façon approfondie le secteur (Diop, Anthony, Bertrand) invoquent encore :
- les variations passées du niveau de la mer pour expliquer la formation des plaines à cheniers ;
- une subsidence générale pour expliquer le caractère submergé des côtes ;
- une tectonique en « touche de piano » pour expliquer les différenciations d’évolution des estuaires entre eux.
51Après la période d’effervescence suscitée par la mise en évidence du phénomène, dans les années quatre-vingt, par l’étude des courbes marégraphiques, il est trop tôt pour conjecturer de manière précise sur ses conséquences depuis une centaine d’années. Il est clair, cependant, que la tendance séculaire enregistrée aussi bien à Dakar qu’à Santa Cruz de Ténériffe ou à Takoradi (Verstraete, 1989) est l’un des éléments des changements observés dans la morphologie littorale ouest-africaine.
Les variations courantologiques
52La tension zonale des vents sur l’Atlantique central est la cause d’une modification des températures de surface de la mer observée entre 1854 et 1990 (Mahé et al., à paraître). Depuis environ 1910, on constate un réchauffement global de l’Atlantique équatorial (+ 0,9 °C entre 1910 et 1990). Verstraete (1989) montre également la relation entre événements thermiques en domaine océanique et relaxation des contraintes superficielles engendrées par l’atténuation des vents alizés ou de mousson sur l’ensemble de la façade ouest-africaine. Anthony (1990), évoquant le phénomène « El Niño » du Pacifique, souligne que ces variations météorologiques entraînent des variations du niveau de la mer aussi bien à court terme qu’à long terme.
Débat sur l’importance relative des facteurs naturels
53La sensibilité des mangroves aux agents dynamiques naturels ou artificiels ainsi que le caractère construit de ce type de côte en font un remarquable enregistreur de l’histoire des événements climatiques, océanographiques et ruraux. Cette sensibilité aux sollicitations des variations des facteurs d’évolution, que l’on a trop souvent confondue avec une fragilité, tient à l’identité même des mangroves. À l’état naturel, ces forêts de la mer ne sont pas le produit du seul contact côtier linéaire entre les fleuves et la mer mais celui de leur interpénétration. Les mangroves ne sont pas une forme de transition, le passage d’un milieu à un autre, par diminution et disparition des caractères de l’un, puis apparition et généralisation des caractères de l’autre. Elles constituent une entité distincte caractérisée par des constructions morphosédimentaires, édaphiques et végétales originales. Elles forment donc un milieu original et un cadre de vie spécifique. Cependant, l’eau est le vecteur principal de transfert des énergies mécaniques, chimiques et biologiques du milieu marécageux. L’amplitude et la réversibilité des transformations des mangroves dépend donc de la puissance, de la variabilité de l’action et des combinaisons pluviales, fluviales et marines.
54En Afrique de l’Ouest, la mobilité des côtes dépend des variations (annuelles et interannuelles) de durée d’action des houles et de l’agitation locale par directions dominantes (de l’Atlantique Nord ou de l’Atlantique Sud) ainsi que de la durée des périodes de calme après l’hivernage. Ces périodes, sans houle, sans vent et sans agitation locale, entraînent l’élévation et la consolidation par tassement des vasières littorales, sur la mer, en avant des cordons sableux.
55Les dynamiques végétales et pédologiques dépendent des variations diachroniques interannuelles de la distribution des amplitudes de marée au long de leur parcours à l’intérieur des baies, des rias et des estuaires. Elles commandent au régime de submersion, et donc à la zonation des halophytes ainsi qu’au calibrage et à la morphologie du réseau hydrographique du bassin de marée.
56Ainsi, le développement des tannes se produit dans des zones où se manifeste la sécheresse mais aussi dans des zones où la fréquence de submersion et l’épaisseur de la tranche d’eau sont devenues faibles. Du fait de l’élévation de la température de l’eau et du taux d’évaporation croissant, les sels se concentrent et se cristallisent dès que cette faible lame d’eau se retire.
57Dans des secteurs légèrement plus profonds, alors que les conditions d’aridification et les manifestations de la sécheresse sont strictement équivalentes, la tranche d’eau est plus épaisse. La fréquence de submersion est plus forte. La température de l’eau et l’évaporation sont plus faibles. Dès lors, la sursalure est plus faible aussi. Des tannes à moquette peuvent se développer et la végétation arborée de mangrove se maintient.
58C’est donc la fréquence de submersion des sols, déterminée par leur altitude ou leur éloignement ou leur isolement morphologique des chenaux de marée, qui détermine leur sensibilité à la sécheresse. L’altitude de ces sols est le résultat de l’évolution morphosédimentaire de ces marais et du degré de colmatage du réseau hydrographique.
59En dernière analyse, le débat porte sur l’importance relative des facteurs d’évolution physique des littoraux à mangroves ouest-africains. Le premier facteur d’évolution semble la modification du bilan anémométrique sur le contexte océanographique local et sur la configuration littorale. La modification de l’agitation marine (en fréquence, hauteur et direction) est responsable de la remobilisation des vases submergées et du colmatage des rias, responsable aussi de la puissance et du sens du transit latéral ou transversal sableux et des modifications des passes d’embouchures.
60Le second facteur d’évolution du milieu semble la modification des aires inondables par la marée, à l’intérieur des rias ou estuaires, par l’aménagement et/ou l’envasement ou l’ensablement. L’aménagement, à l’intérieur des bassins hydrographiques de mangrove, s’il dépasse en surface un seuil de proportion de l’ensemble, peut être un facteur d’aridification, de dégradation ou de recul naturel des mangroves.
Les facteurs démographiques, socio-économiques et institutionnels
61Les facteurs d’évolution sont ici de deux ordres. Ceux qui influent de façon générale sur les sociétés et les activités littorales et ceux qui modifient la nature des interrelations entre ces sociétés et le milieu de la mangrove. Il est important ici de souligner que les activités pratiquées par les populations des littoraux à mangroves des Rivières du Sud ne peuvent se comprendre par l’unique référence à l’exploitation des ressources de ce milieu. Il nous faut bien garder à l’esprit que ces facteurs ne peuvent être isolés les uns des autres. Ainsi l’urbanisation, la monétarisation des échanges et le degré d’exploitation de certaines ressources naturelles de la mangrove sont en étroite relation.
Les facteurs démographiques
62L’évolution démographique des littoraux des Rivières du Sud constitue sans nul doute l’un des facteurs de changement les plus importants depuis le début du siècle. Il convient, dès maintenant, de lever toute ambiguïté quant à la grille d’analyse que l’on retiendra pour l’étude de cet aspect. Il s’agira de dépasser l’opposition manichéiste entre les positions d’inspiration malthusienne et celles qui considèrent que la croissance démographique est un puissant facteur de changements techniques et institutionnels, et par là même, de développement.
63On s’intéressera ici aux dynamiques démographiques récentes (depuis le début des années soixante), caractérisées par une accélération de la croissance générale des populations, de l’exode rural et des mouvements de population. Les aspects liés à l’histoire du peuplement sur la longue période sont abordés dans les chapitres précédents.
La croissance générale de la population des régions littorales
64Entre les années soixante et quatre-vingt-dix, la population ouest-africaine a été multipliée par trois. Cette explosion démographique est à l’origine d’une nouvelle structuration de l’espace dont les phénomènes les plus marquants sont l’urbanisation, la densification des anciens noyaux de peuplement (tels les littoraux à mangroves) et la colonisation de terres neuves.
65Dans les pays des Rivières du Sud, la croissance démographique, particulièrement forte, s’est accélérée au cours de ces dernières décennies et devrait encore s’amplifier d’ici l’an 2010 (fig. 29).
Figure 29. Croissance démographique des pays des Rivières du Sud (1960-2010).

Sources : OCDE, BAD, ONU.
Figure 30. Évolution de la population des principales villes des pays des Rivières du Sud.

Sources : OCDE, BAD.
Tableau 14. Poids démographique des régions littorales.

Source : World Bank, 1996.
66La part de la population côtière par rapport à la population totale est très importante, s’élevant à 80 % en Guinée-Bissau, 53 % au Sénégal et en Gambie. En Guinée, où cette part n’est que de 21 %, il faut souligner que la densité moyenne de la population de la Basse-Côte (54 habitants/km2) est deux fois plus élevée de celle de la population intérieure (22 habitants/km2) (tabl. 14). Ce poids des populations côtières devrait encore s’accentuer du fait de l’accroissement naturel et des flux migratoires en provenance de l’intérieur, d’autant que ces flux sont principalement dirigés vers les villes littorales.
67De fait, il faut noter le poids sans cesse croissant des populations urbaines littorales. Toutes les grandes villes de la zone sont littorales (Dakar, Banjul, Cacheu, Bissau, Conakry, Freetown) ou proches du littoral (Kaolack, Ziguinchor, Mansoa., Buba, Boke, Forekaria, Port Loko, Kambia, etc.) (fig. 30). Ainsi, on ne peut qu’être frappé par la croissance spectaculaire et mal contrôlée de la ville de Conakry dont la population augmente de 35 000 habitants par an. L’extension et la densification de la capitale guinéenne ont de nombreux effets, directs et indirects, sur les écosystèmes à mangrove (cf. Encart de J. Champaud, La mangrove et la ville et illustration hors texte : images satellites).
Les mouvements de populations
68Avec la péjoration climatique et la crise des systèmes agraires, les zones littorales, et en particulier les villes littorales, ont attiré un nombre croissant de populations de l’intérieur. Les données sur les migrations actuelles manquent. Il est en particulier très difficile d’évaluer l’importance des flux au bénéfice des zones côtières, dans la mesure où les statistiques nationales sont établies à l’échelle de divisions administratives qui ne sont pas exclusivement littorales.
La mangrove et la ville par Jacques Champaud.
La capitale de la Guinée, Conakry, a connu, comme les autres métropoles africaines, une croissance rapide : 114 000 habitants en 1960, 650 000 en 1980, plus de 1 100 000 en 1990. Elle s'est développée d'abord sur l'île de Tumbo, au début du xxe siècle. Elle s'est étendue ensuite en direction du N.-E. sur la presqu'île du Kaloum. Celle-ci est constituée par des roches éruptives basiques, dont l'altération en surface produit des carapaces latéritiques très ferrugineuses, s'avançant dans la mer et bordée de part et d'autre par une côte basse à mangroves.
Les atteintes à l'écosystème naturel sont de plusieurs ordres :
— la pollution industrielle est marquée à Conakry même par la présence du port aluminier qui a détruit un des plus beaux paysages urbains africains, installant ses hangars métalliques et ses dépôts là où se trouvait le palais du gouverneur à l'époque coloniale. Celui-ci était implanté sur l'un des endroits les plus agréables de la côte, bien ventilé, bordé d'un boulevard planté de cocotiers et de flamboyants et doté d'une « vue imprenable » sur les îles de Loos. Au-delà de la dégradation du paysage, cette pollution industrielle, portée par les marées et les courants, étend ses effets sur toute la zone côtière environnante ;
— la pollution domestique est liée à des pratiques urbaines bien peu soucieuses jusqu'à présent de l'évacuation des déchets. Tout au long de la côte, les pollutions de toutes sortes (ordures ménagères, objets encombrants, déjections humaines) se répandent au gré des mouvements de la mer et les innombrables petits sacs de plastiques qui s'accrochent aux branches des arbres et arbustes en sont les témoins les plus visibles ;
— la déforestation s'est attaquée depuis longtemps au couvert végétal : bois de construction (pour les maisons et les embarcations) et bois de chauffe (qui représente la principale source d'énergie domestique à Conakry) sont les principales causes de cette dégradation et il n'est que de voir arriver tous les jours à Kaporo les lourdes pirogues chargées de bois pour constater les volumes importants qui sont ainsi prélevés sur les mangroves les plus proches de Conakry. Cette déforestation est sans doute responsable du recul de la côte, à l'est de l'aéroport, observé sur les images SPOT entre 1987 et 1990 ;
— la conversion des marais maritimes en rizières a aussi contribué à la déforestation (notamment au nord de la ville). On peut d'ailleurs noter les risques de concurrence entre le bûcheronnage et la riziculture de mangrove, particulièrement en pays baga et balant où ces deux activités sont très développées ;
— certains terrains, pareillement drainés et endigués, servent aussi à des cultures de rapport (maraîchères notamment). Ils sont progressivement remblayés, après remplacement des digues en terre par des murettes en pierre, pour être transformés en terrains constructibles ;
Pollutions et déforestation menacent la pêche littorale. Elles portent atteinte en effet à un milieu qui est le point de départ d'une chaîne alimentaire et détruisent à terme les zones de frai des poissons. L'urbanisation elle-même est aussi une menace pour la pêche : les constructions « de standing », qui suppriment les espaces utilisés par des appontements pour les pirogues, s'approprient de plus en plus les sites littoraux. Or, la pêche artisanale, dans une ville comme Conakry, est un moyen de survie pour nombre de citadins pauvres. Avant la création de la ville, des populations, en majorité d'ethnie baga, occupaient déjà la presqu'île du Kaloum et l'île Tumbo ; elles ont été regroupées dans des villages traditionnels africains dont on retrouve quelques traces dans des quartiers tels que Kaporo, Dabondi, Dixinn, etc. La densification de ces anciens villages de pêcheurs pose de manière aiguë le problème d'accessibilité aux débarcadères (Diallo, 1992). Jusqu'en 1962, le pourtour de la presqu'île du Kaloum est resté relativement préservé des constructions. Celles -ci étaient interdites dans un espace d'une centaine de mètres à partir de la mer vers l'intérieur de la presqu'île. Mais en 1962, cette interdiction a été levée et l'espace très rapidement colonisé par de nombreuses constructions. L'occupation des corniches s'est réalisée surtout à partir des années quatre-vingt, avec l'apparition d'un marché locatif dans le domaine foncier et du logement. Le tissu urbain inclut d'une manière irréversible les débarcadères. Les terrains sont achetés aux pêcheurs par des citadins qui y construisent notamment des villas pour les louer à des Guinéens fortunés ou à des étrangers (ambassades, résidences diplomatiques, etc.). On assiste ainsi à un double phénomène : dépossession foncière et restriction, voire disparition d'une activité dite « informelle » qui fait vivre un nombre important de personnes à Conakry. La ségrégation continue sur des bases sociales affirmées et les zones littorales riches se situent principalement, pour des raisons climatiques (brises de mer), sur la côte nord-ouest.
Cette dissymétrie sociale est ancienne : en 1952, Dollfus décrivait l'accroissement de cette banlieue en formation, pet plée à l'époque d'une quinzaine de milliers d'habitants : « Les Européens habitent surtout dans le quartier résidentiel de la côte nord : à Camayenne, à Donka, Landreia et plus loin dans la cité de la compagnie minière dans le bois de palmier à huile en bordure de la plage de Rogbané. Entre le secteur résidentiel et la cité de la compagnie minière, les villages africains de Dixin-Soussou et de Dixin -Foula reçoivent chaque jour de nouveaux habitants. »
Références bibliographiques :
CHAUME R., CHAMPAUD J., CHEREL J.P., BARRET E., ATKINSON A., MUSCAT G., 1993, Croissance urbaine, environnement et imagerie satellite, Orstom, 301 p.
Images SPOT. Dans le cas de Conakry, les scènes suivantes ont pu être utilisées (cf. planche VII hors texte) :
Le prétraitement de ces images est de niveau 1B.
Commentaire du document. Exemple de mesure urbaine à Conakry par Jacques Champaud.
Deux compositions colorées obtenues à l'aide des trois néo-canaux d'une Analyse en Composantes Principales (ACP) sont utilisés pour cette illustration. Les deux scènes multispectrales originales furent acquises le 20 janvier 1987 et le 19 mars 1990, soit à un intervalle de trois ans. Les trois canaux de l'ACP ont été choisis car ils permettent ici une bonne différenciation bâti/non-bâti.
On retrouve sur ces deux documents les grands types d'occupation du sol :
— l'opposition des deux versants de la presqu'île, le versant sud-est étant beaucoup plus urbanisé ;
— l'extension des zones brûlées, plus nombreuses en fin de saison sèche (mars) alors que l'herbe est omniprésente en janvier ;
— les rizières du Nord-Ouest et la mangrove du Sud-Est qui bordent la presqu'île du Kaloum. Notons d'ailleurs, pour les rizières, l'intérêt de disposer d'images prises à des saisons différentes : le dessin et l'étendue des secteurs inondés se distinguent nettement mieux en janvier (deux à trois mois après la fin de la saison des pluies) qu'en mars.
En revanche, la comparaison de ces deux nouvelles images montre que la frange urbaine nord de Conakry a beaucoup évolué durant cette période de trois années (les limites discernables de la ville ont été soulignées d'un trait noir).
Deux constatations s'imposent :
— le versant sud-est s'est densifié, l'urbanisation gagnant les hauteurs et remplissant les espaces vides situés de part et d'autre de la ligne de chemin de fer qui passe par l'Office des Bauxites. Vers le nord, l'habitat a encore progressé, repérable à son fouillis de petits points ;
— le versant Nord n'est pas en reste et l'on peut constater que la pression urbaine se fait ici aussi très forte, cette partie de la presqu'île connaissant elle-même des phénomènes de densification et de croissance spatiale, notamment tout autour du bowal (zone de cuirasse ferrugineuse) repérable à ses couleurs brun-jaune (vert foncé-clair sur l'image précédente).

Pollution des plages de Conakry par les ordures ménagères.
© Cormier.
69Il n’en demeure pas moins qu’un certain nombre de tendances peuvent être mises en évidence.
70Si globalement le poids démographique des littoraux s’est accentué dans les dernières décennies, il faut noter des dynamiques démographiques contrastées à l’échelle des pays et des sous-régions.
Des zones touchées par l’émigration
71La pénibilité des travaux rizicoles, le désir d’émancipation et le besoin de numéraire, mais également les conditions locales de vie difficiles, expliquent l’importance des migrations en provenance de certaines zones de mangrove, telles les zones insu aires enclavées, sans eau douce et sans électricité.
72Ce sont essentiellement les jeunes – hommes ou femmes –, âgés de 12 à 25 ans qui migrent. Ces migrations peuvent être de courtes durées – quelques semaines à quelques mois – et elles ont lieu alors entre octobre et juin, durant la saison morte agricole. C’est le cas des jeunes qui ne peuvent poursuivre leurs études qu’en milieu urbain. C’est le cas également de nombreux paysans qui, durant la saison sèche, se livrent à diverses activités agricoles (récolte du vin de palme, labour des rizières, etc.) ou extra-agricoles (pêche, cueillette des huîtres, commerce, etc.) en dehors de leur terroir.
73Parallèlement à ces multiples flux saisonniers à destination des milieux urbains et ruraux, il faut noter l’amplification des mouvements migratoires vers les villes ou l’étranger qui tendent à être définitifs. C’est le cas des migrations de travail des jeunes filles diola engagées comme domestiques à Dakar, ou encore des Manjak, engagés comme matelots par des compagnies maritimes étrangères (Diop, 1982 ; Cormier-Salem, 1985). L’une des principales conséquences de cette émigration est la pénurie en main d’œuvre pour les travaux rizicoles, déjà évoquée dans le chapitre précédent. Dès les années cinquante et soixante, Pélissier (1966) notait le recul des rizières profondes du fait de l’exode rural des jeunes. La péjoration climatique des années soixante-dix et quatre-vingt n’a fait qu’amplifier le phénomène, conduisant à s’interroger sur les modalités de reproduction sociale de certaines communautés et la réversibilité des processus (Cormier-Salem, 1985,1992).
74Néanmoins, les migrations des jeunes peuvent être perçues comme une stratégie familiale de diversification des activités et comme l’un des moyens destiné à assurer la viabilité à long terme des systèmes écologiques et sociaux littoraux. De fait, diverses voies sont utilisées pour maintenir les liens des populations migrantes avec leur terroir : en ville, ils reconstituent leurs réseaux lignagers, envoient régulièrement du numéraire au village, y retournent pour les fêtes rituelles et s’y installent même à l’âge adulte.

Dégradation des paysages par abandon des rizières profondes.
Cormier © Orstom.
75Parmi ces émigrants, il faut également noter le nombre important de réfugiés qui, pour des raisons politiques ou économiques, ont quitté leur pays d’origine : la Guinée-Bissau durant la Guerre de Libération, la République de Guinée à l’époque du dirigisme étatique de Sékou Touré, et, plus récemment, la Sierra Leone, le Liberia et la Casamance, bouleversés par la guerre civile. L’instabilité politique qui semble caractériser cette région ne peut manquer de se répercuter à tous les niveaux d’organisation des pays des Rivières du Sud. L’analyse des ressorts et impacts des guerres et violences nécessiterait de plus amples développements, qui dépassent le cadre de cet ouvrage1.
Des zones littorales soumises à une pression démographique croissante
76Quand certains terroirs de mangrove tendent à être abandonnés, d’autres attirent un nombre croissant de populations, à tel point que l’on peut s’interroger sur les risques de surexploitation des ressources et de conflits entre usagers.
DIVERSITÉ DES MIGRATIONS DE TRAVAIL
77Les usagers migrants sont aussi bien issus des littoraux à mangroves que de l’arrière-pays. Durant la saison sèche, les populations des Rivières du Sud se livrent à diverses activités complémentaires à la riziculture, à plus ou moins longue distance de leur terroir. Ces migrations participent à la durabilité des systèmes d’usage multiple des mangroves : de fait, elles contribuent à améliorer l’alimentation des communautés littorales (cas de la cueillette des huîtres et coquillages et de la pêche). Elles fournissent des sources de revenus devenus indispensables pour pallier le déficit céréalier (cas de la vente du bois, du sel, des produits halieutiques). Elles s’effectuent en fonction des contraintes du calendrier des activités rizicoles, entre septembre (après la récolte du riz) et juin (avant les travaux de labour) ou encore en fin de journée durant l’hivernage. Enfin, leurs itinéraires s’inscrivent dans les relations traditionnelles d’échanges et de réciprocités entre communautés. Autrement dit, les réseaux spatiaux des migrations reproduisent les réseaux sociaux. Les migrants sont ainsi accueillis par leurs parents ou leurs tuteurs qui non seulement les hébergent mais leur donnent également accès aux ressources de leurs terroirs.
78Le littoral a de tout temps attiré les populations étrangères au milieu (cf. chapitre iv). Dans la dernière décennie, ce phénomène s’est considérablement amplifié, au point que se pose avec acuité la question d’accès aux ressources. Ainsi, les migrants allochtones, nationaux originaires de l’intérieur du pays ou étrangers originaires d’autres États, sont bien souvent perçus comme des prédateurs par les usagers locaux. Ce sont aussi bien les éleveurs-pasteurs peul attirés par les pâturages et le sel des mangroves indispensables à leurs troupeaux, que les bûcherons issus des groupes forestiers de l’intérieur et qui pratiquent des coupes sombres dans les forêts de palétuviers. Ce sont également les pêcheurs estuariens et maritimes dont la spécificité des mouvements migratoires mérite une analyse plus approfondie.
Carte 16. Les Rivières du Sud. Migrations de pèche.

Source : Chauveau, 1991.
Réalisation : C. Suss – © Cormier, 1998
LE CAS PARTICULIER DES MIGRATIONS DE PÊCHE
79À l’échelle de la région des Rivières du Sud, les migrations de pêche constituent l’une des formes de migration de travail les plus importantes par son ampleur et son ancienneté (carte 16). Ces déplacements peuvent être de diverses natures. Des mouvements saisonniers qui se répètent d’année en année sont en phase avec les rythmes d’abondance et de disponibilité de la ressource biologique. Des mouvements qui s’inscrivent dans des échelles de temps plus longues correspondent à des stratégies d’occupation plus permanentes et peuvent déboucher sur une insertion définitive dans la région d’arrivée. Il apparaît que les facteurs tenant aux opportunités commerciales, à l’existence de réseaux migratoires autres qu’halieutiques sont tout aussi importants que ceux relatifs à l’abondance du poisson.
80Les migrations mettent en jeu un nombre important de groupes, bien que le degré de spécialisation dans les stratégies migratoires apparaisse variable. Si l’on excepte le cas de la Sierra Leone (touchée par une grave crise économique et politique), l’ensemble des pays de la zone accueille des migrants venant d’autres pays. Par ailleurs, les migrations internes aux pays peuvent dans certains cas être d’une ampleur comparable aux mouvements entre pays. Tel est notamment le cas du Sénégal où les pêcheurs saint-louisiens, gandiolais et lebou viennent en nombre pêcher dans les régions du Sine-Saloum et surtout de la Casamance.
81Ainsi que le montre Bouju (1993), les schémas migratoires actuels résultent de tendances longues historiques, à l’échelle régionale, et de perturbations (par exemple les expulsions des pêcheurs ghanéens en Guinée durant la première République) qui expliquent en partie les formes et la répartition spatiale des techniques (embarcations et méthodes de capture), ainsi que les méthodes de transformation.
82Les tendances longues des migrations prennent la forme d’un double mouvement :
- du nord (Sénégal) vers le sud, les migrations s’opèrent « en cascades » vers le Sine-Saloum, la Casamance, la Guinée-Bissau (essentiellement les îles Bijagós jusqu’à une période relativement récente) et la République de Guinée ;
- du golfe de Guinée vers la zone centrale de la région des Rivières du Sud, les migrations sont le fait de pêcheurs, ghanéens (fanti) et libériens (krou) vers la Sierra Leone et la Guinée, et sierra-léonais (temne) vers la Guinée. Des migrations très récentes sont également relevées de la Guinée vers le sud de la Guinée-Bissau (Ministério de las Pescas, 1994).
83Ces migrations se concentrent apparemment dans les zones d’activités halieutiques les plus « intenses » : îles du Sine-Saloum, littoral et estuaire de la Casamance, îles Bijagós, région de Conakry. Il convient cependant de relativiser le déterminisme halieutique apparent des migrations. Comment expliquer le fait que les îles du Saloum soient un lieu d’accueil de migrants wolof et lebou, alors que les pêcheurs niominka originaires de ces îles migrent vers la Petite Côte du Sénégal, la Casamance et les îles Bijagós en Guinée-Bissau ? Les stratégies migratoires ne peuvent se comprendre qu’en fonction de facteurs multiples dont l’importance relative peut varier selon les groupes, les lieux et les époques. Si l’abondance de la ressource est un facteur évident, il ne semble pas plus explicite que les opportunités commerciales liées à la pêche ou à la navigation (contrebande).

Campement de pêcheurs migrants niominka en Basse-Casamance.
© Cormier.
Impact des facteurs démographiques et socio-économiques
84Les effets conjugués de la sécheresse et de la densification progressive de l’espace, la libéralisation des échanges et des communications et le phénomène spectaculaire d’urbanisation se sont traduits, entre autres, par la mise en place de nouvelles filières, la modification des relations intersectorielles et de nouveaux rapports de production.
Mise en place de nouvelles filières
85Les régions côtières à mangroves d’Afrique de l’Ouest sont le lieu et l’origine d’échanges économiques significatifs qui s’appuient sur les complémentalités intra-régionales et interrégionales, sur la capacité de ces régions à générer des surplus échangeables pour les produits qui leur sont spécifiques, ainsi que sur la dynamique de la demande, notamment dans les zones urbaines.
86Quelques filières économiques sont caractéristiques de ces milieux. Sans prétendre à l’exhaustivité, on peut distinguer, parmi les filières les plus significatives :
- la filière des produits halieutiques : poisson frais, poisson transformé, crustacés, coquillages et huîtres (Chaboud, 1994) ;
- une filière agricole particulièrement caractéristique de ces régions et qui connaît, dans certaines zones, un dynamisme remarquable : celle du riz (Pearson et al., 1981 ; Cheneau-Loquay, 1989 ; Leplaideur, 1989 ; Penot, 1990) ;
- des filières pouvant paraître secondaires, mais qui contribuent à l’insertion des productions des littoraux à mangroves dans les systèmes d’échange nationaux : celles du bois et du sel (Diouf, 1977 ; Van den Berghen, 1984 ; CCE-SECA, 1994 ; Geslin, 1997).
87Il convient non seulement de caractériser les filières mais aussi de mettre en relief les facteurs des changements les plus significatifs. Si les facteurs spécifiques au stade de la production (évolution des techniques, des rapports de production, des modes d’appropriation des ressources productives et des conditions des milieux naturels) peuvent sembler déterminants, ceux relatifs à la demande nous semblent tout aussi importants. Outre la croissance démographique globale, qui exerce un effet direct sur la demande, la concentration croissante de la population dans les agglomérations urbaines, principales ou secondaires, s’accompagne d’une certaine standardisation des comportements alimentaires, fait reposer l’essentiel de l’approvisionnement alimentaire des ménages sur des circuits marchands et encourage fortement le développement des filières d’approvisionnement urbain.
88Ainsi, en ce qui concerne la filière des produits halieutiques, jusqu’à une époque relativement récente, l’essentiel des activités d’exploitation des ressources marines et d’estuaires s’agrégeaient aux systèmes de production locaux, notamment agricoles. Aujourd’hui, elles tendent à une relative autonomisation, liée en partie à l’émergence de formes de pêche spécialisées et relativement capitalistiques (la nécessité de la reproduction simple ou élargie du capital impose alors un calendrier de travail intensif). Cette tendance est également en relation avec l’importance des migrations de pêche dont l’ampleur tend à croître, à l’insertion croissante des pêches dans des contextes urbains où elles tendent à s’imposer comme activité principale, voire unique, pour les individus qui s’y adonnent. Parallèlement à l’évolution des activités de production, celles relatives à la transformation, à la distribution et à la commercialisation connaissent des évolutions tout aussi importantes. La transformation artisanale reste le débouché marchand principal lorsque les contraintes de transport ne permettent pas l’écoulement en frais des produits de la pêche. Cependant, les produits transformés remplissent des usages alimentaires spécifiques qui expliquent que leur rôle soit complémentaire à celui des produits frais, lorsque ceux-ci sont disponibles.
89Partout présente dans la région, l’activité de transformation artisanale (tabl. 15) reste l’unique débouché marchand possible dans les lieux de débarquement enclavés de façon saisonnière ou permanente. Même dans les lieux où l’écoulement en frais du poisson existe, la transformation reste présente. Certaines espèces (requin, raie, silure, ethmalose ou bonga des Guinéens) sont destinées prioritairement à ce secteur. La transformation semble le moyen privilégié de la distribution des produits de la mer dès lors que l’on s’éloigne des littoraux. Enfin, les difficultés des transports routiers, les contraintes de disponibilité en glace ne permettent pas un approvisionnement important, régulier et frais de l’intérieur des pays.
90À la différence des activités de pêche proprement dites, on observera que les femmes sont très largement impliquées dans le secteur de la transformation. Les caractéristiques de ce secteur lui permettent de bien s’inscrire dans le cadre des activités de production domestique et de petite production marchande. La transformation prend place au sein des multiples activités villageoises accessibles aux femmes. Cependant, et contrairement à une assertion courante, il ne s’agit nullement d’une activité exclusivement féminine. Dans les cas où elle donne lieu à une véritable « industrie », elle peut permettre l’emploi de manœuvres masculins qui opèrent pour le compte de leur « patronne ». Enfin, des équipes de transformateurs hommes peuvent entreprendre des migrations qui les amènent à s’implanter dans des pays étrangers, et ceci, souvent en l’absence de leurs épouses. On peut citer l’exemple des transformateurs guinéens, ghanéens et nigérians en Casamance.
91La filière des produits halieutiques offre un remarquable exemple de la capacité d’initiatives des acteurs locaux qui ont su saisir les opportunités à la fois de l’offre et de la demande. Il n’en demeure pas moins que cette dynamique a pour contrepartie une pression croissante sur la ressource halieutique et sylvicole qu’il conviendrait de mieux quantifier. D’ores et déjà, on peut mettre en évidence la multiplication des campements de pêcheurs et de transformateurs dans les zones de mangrove. Cette présence accrue, combinée au développement de la filière, a des impacts directs sur la mangrove : le bois de palétuvier (Rhizophora) constitue la principale source de combustible pour le fumage du poisson.
Tableau 15. Les différentes formes de produits transformés, les acteurs et les modes de transformation.

importance faible à grande : + à +++
pas d’information : ?

Transformatrice de poisson à Kafountine (Casamance).
Cormier © Orstom.
92L’exploitation à des fins multiples des forêts de palétuviers (bois d’œuvre, de construction, de chauffe, charbon de bois, etc.) est couramment présentée comme l’un des facteurs majeurs de dégradation de la mangrove. Il est certain que le développement des activités en mangrove – la pêche, la fabrication du sel, le fumage du poisson et la cueillette des huîtres – contribuent à accroître la pression sur la ressource sylvicole. La coupe à blanc des forêts de palétuviers semble pourtant moins le fait d’usagers locaux que d’acteurs spécialisés dans la filière du bois qui approvisionnent les marchés urbains.
93Les estimations des prélèvements effectués sur les mangroves guinéennes sont très variables (Ruë, 1992) : 6 000 ha de palétuviers (outre les 8 000 ha de bois de savane) seraient abattus chaque année. Mille hectares seraient destinés à la seule ville de Conakry, ce qui représente 73 500 tonnes de bois de mangrove. Le premier essai de synthèse effectué par la SDAM en 1988 établit ainsi la part respective des différentes utilisations du bois de mangrove :
- fabrication du sel : 36 %
- fumage du poisson : 22 %
- besoins domestiques de Conakry : 22 %
- besoins domestiques ruraux : 20 %.
94Des évaluations fiables des besoins en bois et une identification plus précise des acteurs de la filière du bois et de leurs stratégies permettraient sans nul doute de mieux gérer cette ressource.
Dynamiques des relations intersectorielles
95La répartition spatiale des activités et les relations inter-sectorielles (relations pêche-agriculture) ont fait l’objet d’analyses détaillées par ailleurs (cf. chapitre v de ce volume, et références bibliographiques dans le volume II de cet ouvrage). Ces études, qui pour la plupart ont été réalisées dans un contexte marqué par la péjoration climatique, concluaient sinon au délaissement de la riziculture, du moins au transfert des activités agricoles des zones de mangrove aux zones de plateau et, par ailleurs, à la diversification des activités (arboriculture, maraîchage, pêche, services, etc.). Il conviendrait de réactualiser ces données pour mesurer la profondeur historique de ces modifications. Il s’agirait de s’interroger sur l’inégale conversion des cultivateurs de la « civilisation du riz » en paysans dépendants du marché (par la commercialisation de leur production ou par la migration) et de saisir les processus de changement identitaires utilisant la profession (par exemple la pêche, le commerce), l’affiliation religieuse (islamisation en particulier), l’urbanisation, l’intégration à l’appareil politique, etc. (Chauveau, 1994).
Modifications des rapports de production
96De nombreux facteurs (islamisation, scolarisation, migration, etc.) contribuent à modifier les rapports de production anciennement établis dans les sociétés des Rivières du Sud. La marginalisation des femmes est l’un des sujets qui, à juste titre, a fait l’objet des recherches les plus récentes.
97En Casamance, Linares (1992) montre bien le processus de dégradation de la situation des femmes diola dans les dernières décennies à cause de l’islamisation, de la « mandinguisation » des systèmes de production et de leur exclusion des politiques de développement. De fait, les interventions exogènes sont axées sur la mécanisation, la monétarisation et le développement des cultures de rente, toutes ces ressources se trouvant entre les mains des hommes.
98Il en est de même en Gambie où Carney (1993) analyse les conséquences des aménagements hydro-agricoles (pour le riz, puis de plus en plus, pour les légumes) sur les relations entre les hommes et les femmes. L’irrigation conduit à la marginalisation et à la prolétarisation des femmes, dans la mesure où elles ont davantage de travail, mais un moindre contrôle sur les produits de la récolte et, donc des sources de revenus moindres. En outre, elles ont un moindre accès aux bas-fonds pour cultiver le riz ou les légumes pour leur propre compte. En dernière analyse, l’échec de la Gambie à combler son déficit vivrier n’est pas tant dû à la croissance démographique qu’au système foncier inégalitaire. Le travail et le revenu des femmes sur les parcelles irriguées sont captés par les hommes qui reformulent les droits d’usage et d’accès à la terre à leur profit.
99Là encore, il serait intéressant de mener des programmes de recherche comparatifs dans les différents groupes socioculturels de la région, sur l’évolution du statut économique et social des femmes et, plus généralement, des acteurs « oubliés » du développement.
Les facteurs politiques et institutionnels
100Le contexte politique et institutionnel actuel des Rivières du Sud reste profondément marqué par la diversité des colonisations française (au Sénégal et en Guinée), portugaise (en Guinée-Bissau) et britannique (en Gambie et en Sierra Leone) ainsi que par la diversité des conditions de la décolonisation.
101Depuis les années cinquante, schématiquement, deux grandes périodes peuvent être distinguées au plan des politiques économiques mises en œuvre :
- la période postérieure aux Indépendances (1960-1980) est celle de la mise en œuvre de politiques de développement volontaristes par les États nouvellement indépendants. Le dirigisme étatique est particulièrement affirmé en Guinée-Bissau et en Guinée. De grands projets de développement (sociétés d’intervention internationales, puis sociétés nationales et régionales de développement), appuyés sur des investissements massifs, sont alors impulsés par l’État ;
- la seconde période est marquée par la mise en œuvre des politiques d’ajustement structurel (1980-1995) qui culmine avec la dévaluation du franc CFA en janvier 1994. La multiplication des organisations non gouvernementales (ONG) comme nouveaux acteurs sur la scène du développement rural constitue l’un des phénomènes majeurs de cette période.
102L’importance des ONG ne fait que croître avec la péjoration climatique, la crise des systèmes agraires, mais surtout avec le désengagement massif des États. Leur émergence va de pair avec le renforcement des capacités d’initiative et d’action des groupements de producteurs et des associations fédératives qui se créent progressivement afin de tenter de mieux répondre aux besoins de leurs adhérents2). La tendance actuelle est à l’accroissement des aides financières au développement qui transitent par ces nouveaux canaux, ce qui n’est pas sans risques pour ces nouveaux acteurs. En effet, devant les vides institutionnels laissés par le désengagement des États, les bailleurs de fonds placent dans ces associations de nouveaux espoirs qui ne prennent pas toujours en compte la durée dont ces organisations ont besoin pour se renforcer et acquérir les compétences qui leur font encore défaut, même si certaines ont déjà fait la preuve de grandes capacités d’initiative, de gestion et de négociation à différentes échelles depuis le niveau local jusqu’au niveau national.
103Une attention particulière doit être accordée aux réactions des populations face aux politiques d’intervention dans les Rivières du Sud. Les politiques de développement des activités économiques et d’aménagement des ressources au niveau local ont concerné, pour l’essentiel, les activités halieutiques et agricoles (notamment la riziculture).
L’interventionnisme dans le domaine des pêches
104Dans l’ensemble de la région, des schémas globaux d’aide à la pêche artisanale (fournitures d’intrants et vente à crédit) ont été mis en place. Des actions plus ponctuelles (projets régionaux) ont souvent visé la promotion de la pêche au sein de populations considérées, à tort ou à raison, comme autrefois peu intéressées par l’exploitation intensive des ressources halieutiques. Ces projets devaient répondre à une aspiration locale de mieux tirer profit des potentialités halieutiques ainsi qu’à une volonté étatique de développer la pêche au sein des populations locales, parallèlement à l’exploitation déjà pratiquée par des pêcheurs migrants.
105L’inventaire critique de tels projets à l’échelle de la région reste à faire. Il s’agirait de mesurer le poids des interventions dans la dynamique de ce secteur, de voir quelles ont été les stratégies d’appropriation des acteurs locaux face à ces opportunités.
106Il conviendrait également de faire le point sur les projets de développement aquacoles (crevetticulture notamment), qui constituent l’une des formes d’usage des milieux de mangrove les plus promues actuellement par les bailleurs de fonds et les planificateurs nationaux. Un bilan des expériences passées serait complété par une réflexion sur les enjeux actuels de ces formes de valorisation du milieu.
107En revanche, de nombreux travaux ont été menés sur l’interventionnisme local dans le domaine rizicole. Les politiques d’aménagement hydro-agricole, compte tenu de leur importance pour la coviabilité écologique et humaine des mangroves, retiendront davantage notre attention.
La politique d’intensification rizicole et les réactions des acteurs locaux
108Depuis l’époque coloniale, et dans tous les pays de la région, des politiques d’intensification rizicole ont été conduites.
109Deux principaux types d’aménagement hydro-agricole ont été réalisés :
- les aménagements visant une poldérisation de vastes zones (supérieures à 1 000 ha), destinées à des projets de riziculture « industrielle » à grande échelle. Peuvent être cités les projets de Tobor au Sénégal (Ilaco) et l’aménagement de la plaine de Koba en Guinée ;
- les aménagements visant à réguler les remontées d’eaux salines dans les vallées et bas-fonds rizicoles basés sur la construction de barrages. Les grands ouvrages, dont le seul exemple actuellement fonctionnel est le barrage d’Affiniam en Casamance, visent la création de vastes retenues d’eau douce à l’échelle de bassins versants. Les petits barrages visent la réhabilitation et la « reconquête » agricole de vallées et bas-fonds dont les sols sont menacés par la sursalure. Les surfaces restaurées sont inférieures à 500 ha. Ces interventions ont été réalisées à la fin des années soixante-dix, pour l’essentiel en Basse et Moyenne-Casamance puis, à partir des années quatre-vingts, dans la partie septentrionale de la Guinée-Bissau avec l’aide des Hollandais (UAW-SAWA, 1989 ; Van Gent et Ukkerman, 1993).
110C’est au Sénégal et en Guinée que ce type de mise en valeur rizicole est le plus important, du moins par la superficie. C’est pourquoi le bilan critique des aménagements hydro-agricoles s’appuie essentiellement sur des exemples pris dans ces deux pays.
Grands et petits barrages en Casamance
111En Casamance, l’objectif des aménagements est de maîtriser la salinité des eaux et des sols au niveau des vastes superficies vierges, en bordure des affluents du fleuve, grâce à la construction de digues et barrages antisels ainsi qu’à un drainage des sols de manière à les dessaler (Marius, 1985). Le résultat a été plutôt décevant car les sols de la plupart des polders sont actuellement improductifs en raison de leur acidité et de leur sursalure, phénomène encore accentué par la sécheresse récente.
UNE POLITIQUE D’INTENSIFICATION PAR LES GRANDS BARRAGES
112La Casamance, soumise à un climat favorable, a très tôt été l’objet d’un intérêt particulier en matière agricole. Pour exprimer ses fortes potentialités et développer une agriculture plus intensive, l’aménagement de l’espace devient impératif. Cet objectif est à l’origine de la politique de mise en valeur rationnelle des terres occupées par la mangrove, où se pratique la riziculture « salée ». Des terres vierges, susceptibles d’être défrichées, ne posaient à priori pas de problèmes fonciers particuliers.
113Dans un premier temps, la reprise des méthodes traditionnelles de poldérisation à une plus grande échelle, en leur adjoignant des techniques plus performantes, en particulier en matière de drainage – afin de provoquer un meilleur dessalement du sol – a été nécessaire. Cette expérience, réalisée durant la période allant de 1963 à 1975, s’est malheureusement soldée par un échec à cause de la non-connaissance des processus d’acidification de ces sols (Ilaco, 1967).
114Pour mieux contrôler la gestion de l’eau à l’échelle d’une vallée affluente du fleuve Casamance, la construction des barrages, dont le principe de fonctionnement était calqué sur celui utilisé par les paysans au niveau de leurs casiers rizicoles, a été envisagée. Il s’agissait d’introduire les eaux salées, à l’occasion des marées, en période sèche, afin d’éviter l’acidification et d’évacuer les eaux de dessalement des sols cultivés en saison des pluies. Ce principe de fonctionnement était assuré par un système de portes battantes permettant le passage des eaux dans les deux sens. Plusieurs projets ont pris naissance dans les années soixante-dix. Actuellement, deux d’entre eux sont parvenus à terme. Les barrages de Guidel et d’Affiniam ont été mis en service respectivement en 1983 et 1987. D’autres, concernant les bolons du Kamobeul, de Baïla et du Soungrougrou, sont toujours en quête de financement au terme des études de faisabilité.
115La finalité première de ces projets d’aménagement a alors été sévèrement remise en cause car leur mode de gestion hydraulique initial s’est avéré être en totale inadéquation avec les conditions actuelles du milieu naturel (Barry, 1989 ; Barry et Posner, 1985 a, 1986 ; Barry et al., 1986, 1989 a). Ainsi, le bilan du suivi du barrage de Guidel fait état d’une modification du système de gestion, suite à la baisse de la pluviosité enregistrée depuis les années soixante-dix. Le fonctionnement en barrage anti-sel est maintenant requis puisque les terres amont sont acidifiées (Barry, 1989 ; Somivac, 1988).

Barrage anti-sel sur le marigot de Guidel. Détail du système d’ouverture par portes-écluse.
Montoroi © Orstom.
116Les investissements consentis pour les grands barrages sont très lourds en considération des résultats obtenus en matière de production rizicole. En 1985, le coût de Guidel est estimé à environ 20 millions de FF pour 800 ha de terres salées encore à aménager. Affiniam en a coûté presque 10 fois plus, sans compter les aménagements qui doivent être réalisés pour réhabiliter les 5 000 ha de terres dégradées (USAID-Somivac-ISRA, 1985).
UNE POLITIQUE DE SAUVEGARDE PAR LES PETITS BARRAGES
117Pour enrayer l’avancée inexorable des eaux salées, les populations ont sollicité les pouvoirs publics et entrepris l’édification de petites digues anti-sel avec un appui financier extérieur. Un ouvrage bétonné, muni d’un dispositif d’ouverture, permet le stockage des eaux de ruissellement et l’évacuation des eaux lessivant les sols salés en début de saison des pluies. Sur un financement de l’USAID, le Pidac a été chargé de la construction et du suivi de 25 petits ouvrages de ce type, tous situés en Basse-Casamance (USAID-Somivac-ISRA, 1985 ; Bonnefond et Loquay, 1985 ; Barry, 1986 ; Montoroi, 1992). Ils viennent s’ajouter à d’autres ouvrages réalisée par la Mission chinoise et l’AFVP en Moyenne-Casamance.
118Les petits barrages anti-sel répondent à l’attente des paysans qui ont été les témoins impuissants de la contamination de leurs terres cultivées par les eaux hypersalées du fleuve Casamance (Mbodj, 1988, 1990). L’objectif de ces barrages est triple : d’abord, ils doivent empêcher les intrusions marines de surface, ensuite ils doivent contrôler le niveau des eaux amont et sécuriser une récolte de riz en favorisant préalablement le dessalement des terres contaminées – cette maîtrise de l’eau devant être assurée au sein des communautés villageoises par les paysans eux-mêmes. Enfin, ces barrages ont pour mission de créer des voies de communication pour le désenclavement des villages (Truong, 1985).

Barrage anti-sel avec son dispositif d’ouverture à portes levantes (Djiguinoum en Basse-Casamance).
Montoroi © Orstom.
119Ils font appel à des principes de construction simples. Une digue en latérite compactée traverse le bas-fond. Au niveau du lit du marigot, un ouvrage en béton présente une à plusieurs ouvertures permettant l’évacuation des eaux de ruissellement par un système de batardeaux. Il protège quelques centaines d’hectares de terres (Truong, 1985 ; Mbodj, 1985).
120À Djiguinoum, la digue est longue de 245 m, large en crête de 2,2 m et large en assise de 5 m. Sa hauteur moyenne est de 1 m. L’ouvrage bétonné, d’une largeur de 7,5 m, comporte trois ouvertures (Albergel et al., 1991a). Le système à batardeaux présente l’inconvénient d’être difficile à actionner lorsque la retenue est remplie (fonctionnement en déversoir) et de ne pas permettre un dessalement efficace. En 1988, ce système a été remplacé par des portes levées verticalement grâce à un dispositif à crémaillère. Il a l’avantage d’évacuer les eaux par le fond, notamment les eaux salées, d’une manière rapide et souple.
121Des critères hydrologiques, fondés sur des données climatiques récentes, permettent d’optimiser la dimension de ces ouvrages en Basse-Casamance (Albergel, 1992). Les matériaux pris sur place et la main d’œuvre locale permettent un coût de construction modeste, moins de 200 000 FF, et par conséquent, une diffusion régionale.
122Parmi la population rurale, la demande est forte ce qui nécessite la réalisation d’un grand nombre d’ouvrages de ce type. Le coût global s’élève rapidement. Si certains petits barrages ont relativement bien fonctionné, surtout lorsque les sols sont légers, il faut reconnaître que le gain de production n’est pas celui attendu.
123La politique de lutte anti-sel, qui ne s’est pas cantonnée à la Basse-Casamance, a également été active en Moyenne-Casamance avec l’aide de l’AFVP (Mere, 1992). Des projets récents (Derbac, Proges), en cours d’exécution en Basse-Casamance (Camara, 1992), ont pour vocation d’aménager et d’exploiter de nouvelles vallées. Tout le problème de la gestion des barrages se pose encore avec acuité car aucune solution n’est idéale et unique. Il s’agit de choisir celle qui présente le moins d’inconvénients pour un milieu déjà bien dégradé. Il est certain qu’un fonctionnement en barrage anti-sel s’impose maintenant en saison sèche pour sécuriser les rizières douces et limiter la dégradation chimique des sols. La mise en valeur des terres amont est plus que jamais à l’ordre du jour. C’est un travail de longue haleine qui nécessite la mobilisation de moyens humains et matériels importants.
124La stratégie actuelle de développement agricole en Basse-Casamance doit abandonner les objectifs initiaux qui consistaient en un accroissement des terres emblavées et des rendements. Elle doit d’abord viser la sécurisation de la production rizicole et la réhabilitation de terres dégradées, lorsque c’est techniquement et économiquement possible.
IMPACT DES BARRAGES ANTI-SEL SUR LE MILIEU NATUREL
125Un barrage anti-sel modifie le fonctionnement hydrologique des cours d’eau, la qualité chimique des eaux et des sols et la dynamique annuelle des sels.
126Avant sa construction, les sols sont régulièrement inondés au rythme des marées. Ils sont maintenus en conditions réductrices et sont colonisés par la mangrove. Après sa construction, la dynamique d’inondation devient saisonnière. En saison sèche, les sols de l’amont subissent des périodes d’exondation prolongées qui favorisent les processus d’acidification liés à l’oxydation des sédiments pyriteux. En saison des pluies, leur submersion crée temporairement de nouvelles conditions réductrices.
127Au cours des périodes d’exondation, l’existence d’un barrage anti-sel favorise la transformation physique et biochimique des sols de mangrove en sols sulfatés acides. Les sols du bas-fond sont affectés par la salinité, à des degrés divers, selon leur position par rapport à l’ancien lit du marigot. Des efflorescences salines se forment durant la saison sèche, notamment des sels d’aluminium et de fer en bordure de la vallée (Le Brusq et al., 1987). Les eaux de la retenue sont acides (pH d’environ 3) et présentent une salinité qui dépend du degré de dilution par les eaux de pluie et du volume d’eau lâché au barrage.
128La retenue constitue un lieu d’abreuvement pour le bétail et un éventuel espace piscicole. Cependant, en favorisant la mise en solution de métaux tels que l’aluminium et le fer, la forte acidité de l’eau peut induire des désordres physiologiques chez les espèces animales qui la consomment. Des concentrations métalliques hautement significatives ont ainsi été découvertes dans différents organes de poissons tilapias (Galle et Montoroi, 1993). Des études plus approfondies doivent être menées pour évaluer les risques sanitaires réellement encourus par l’homme dans un environnement aussi acide.
129En l’absence de barrage, les eaux marines subissent une simple dilution par les pluies et les écoulements continentaux. Ces apports en eau douce et leur stockage annuel modifient la dynamique des sels solubles présents dans les sols de bas-fond aménagé par un barrage anti-sel. Avec les premières pluies, la mobilisation des sels se fait par des écoulements latéraux de surface et des transferts verticaux en profondeur jusqu’à l’inondation de toute la vallée. Ensuite, le stock salin évolue par dilution, comme pour les eaux marines, ou par les évacuations d’eau au barrage.
130Pour ces sols de bas-fond, un modèle de fonctionnement géochimique est proposé au cours d’un cycle annuel (Montoroi, 1994) : durant la saison des pluies, le faciès chimique de l’eau de la retenue est acquis par la dissolution des sels en surface, notamment des sulfates d’aluminium et de fer. Le faciès chloruré-sodique évolue au cours des phases de dilution (vers le faciès alumino-sulfaté) et des phases de concentration (vers le faciès chloruré-sodique) des eaux. Durant la saison sèche, l’évaporation des eaux de la retenue est relayée par celle des eaux de nappe. Des sels précipitent à la surface des sols et s’organisent dans la vallée, selon le niveau de concentration atteint par les solutions et le faciès chimique de la nappe sous-jacente. Des matières solubles et solides, transférées par les eaux de ruissellement et les nappes d’interfluve, s’accumulent dans le bas-fond et participent également au cycle annuel.
UNE RÉHABILITATION POSSIBLE DES TERRES DÉGRADÉES
131La salinisation et l’acidification sont les contraintes majeures des sols de mangrove aménagés de Basse-Casamance. Les moyens pour lutter contre elles existent mais exigent tout d’abord de maîtriser convenablement la ressource en eau, ce qui est loin d’être facile dans une région si plate.
132De nombreux travaux ont été réalisés afin d’apporter des solutions techniques satisfaisantes, parmi lesquelles on peut citer ceux concernant :
- l’amélioration de la qualité chimique des eaux3 ;
- le dessalement et la protection des terres contre la resalinisation en saison sèche au moyen d’un réseau de drainage adapté (Barry et Posner, 1985 b ; Montoroi, 1994) ;
- la neutralisation de l’acidité des sols par des apports en bases, comme le calcaire ou la chaux4 ;
- la sélection d’espèces et de variétés de riz plus résistantes (Tang et al., 1993).
133En Casamance, les surfaces rizicoles à réhabiliter sont importantes et les techniques à mettre en œuvre doivent tenir compte du contexte environnemental de chaque vallée. Par exemple, les terres sableuses des vallées aménagées et situées dans la partie méridionale de la Basse-Casamance favorisent plus la mobilisation des sels mais retiennent peu l’eau et les éléments nutritifs nécessaires au développement de la plante.
134Le contrôle et la gestion de l’eau, au niveau de la retenue anti-sel, sont les garants d’une bonne production des rizières. Cependant, elles ne suffisent pas à pérenniser cette production car les sols sont naturellement pauvres en éléments fertilisants comme l’azote et le phosphore.
135Si le risque climatique persiste, une politique de conservation des sols non salés paraît préférable à une politique de réhabilitation des sols déjà très salés. En effet, la réhabilitation rizicole d’un bas-fond suppose de la part des populations une organisation collective plus importante et une capacité à adopter de nouveaux itinéraires techniques pour favoriser le dessalement des sols. Elle sera longue à mettre en place et elle sera difficilement compatible avec les ressources humaines et matérielles, déjà minces actuellement. En revanche, la préservation des terres non contaminées par le sel devra être l’objectif prioritaire pour lequel le barrage anti-sel constitue un instrument efficace.
136Avec la perspective d’une pluviométrie abondante, les aménagements existants seront encore opérationnels dans la mesure où ils ne seront pas hydrologiquement sous-dimensionnés. La gestion rationnelle d’une eau de bonne qualité offrira alors des possibilités d’intensifier et de diversifier la production agricole (double récolte, culture de contre-saison).
Une politique de poldérisation trop optimiste en Guinée
DES AMÉNAGEMENTS INADAPTÉS MALGRÉ DE GRANDES POTENTIALITÉS
137En Guinée, les efforts de mise en polder concernent essentiellement les vastes plaines à cheniers situées en front de mer, le long de toute la côte.
138Ces plaines, peu utilisées en riziculture traditionnelle, offrent des atouts non négligeables pour une exploitation à grande échelle :
- l’accès relativement facile et l’étendue sont favorables à la mécanisation ;
- la majeure partie des sols est développée à partir de vasières à Avicennia, donc potentiellement peu acides ;
- les sols de ces bas-fonds marécageux, protégés de l’influence marine par les cordons sableux, sont riches en matière organique, donc potentiellement fertiles.
139Si tous ces atouts permettent de considérer ces plaines comme des sites privilégiés pour une riziculture intensive à grande échelle, leur inconvénient majeur demeure le niveau élevé de submersion en hivernage ; le drainage a été réalisé au moyen de drains et de vannes de gros calibre. Les résultats escomptés, à savoir une augmentation substantielle des rendements, n’ont pas été atteints car les aménagements se sont révélés inadaptés au milieu et la gestion de l’eau n’a pas été optimisée. En outre, la maintenance des équipements étant coûteuse, on a souvent assisté à des abandons de polders suivis de réhabilitations de plus en plus coûteuses, mais toujours peu bénéfiques.
140Le polder réalisé dans la plaine de Koba illustre bien ces problèmes.
LE POLDER DE KOBA EN GUINÉE
141La plaine de Koba est située à une cinquantaine de kilomètres de Conakry à vol d’oiseau, en front de mer, entre les embouchures du Konkoure et la Taboria. C’est une plaine à cheniers qui couvre environ 5 000 ha. En aval, elle est fermée par un cordon qui protège sa partie centrale de l’intrusion de l’eau salée et qui est devenue un marais d’eau douce mal drainé. Les parties latérales sont drainées par de petits estuaires à faible débit.
142Dans l’ensemble, les sols sont potentiellement très fertiles. Cependant, tandis que la majeure partie des terres de la partie centrale qui occupe plus de deux tiers de la superficie totale ne contiennent pas de pyrite, les vasières des parties latérales, comme la plaine de Kabonto au nord, sont potentiellement sulfatées acides.
143À cause du confinement et de la pluviométrie élevée et contrastée de la région, le drainage est la première contrainte à Koba. Depuis la période coloniale, l’administration centrale s’efforce d’améliorer le régime hydrique de la plaine par les travaux d’aménagement de grande envergure réalisés par des entreprises spécialisées.
144Quatre campagnes importantes d’aménagement ont abouti à la mise en polder de plus de 2 600 ha :
- dans les années cinquante, le périmètre de Tatéma couvrant 430 ha est aménagé ;
- au cours des années soixante, une extension vers le sud de 300 ha est réalisée ;
- durant les années soixante-dix, le périmètre sucrier de 1 500 ha a été drainé pour la production de la canne à sucre destinée à l’usine locale. L’irrigation de la canne se faisait par gravité à partir d’une retenue d’eau aménagée en amont ;
- à la fin des années quatre-vingt-dix, le périmètre de Tatéma a été réhabilité, avec extension vers le nord sur la plaine de Kabonto couvrant 400 ha.
145En principe, les casiers aménagés sont mis en valeur par les paysans, propriétaires fonciers traditionnels, à l’exception du périmètre sucrier exploité par l’État. La culture de la canne à sucre à été abandonnée au cours des années quatre-vingt et, depuis, tout le polder est cultivé en riz.
146Certes les aménagements ont permis la mise en valeur de terres pratiquement inexploitables par les méthodes de riziculture traditionnelle. En outre, grâce à la possibilité de mécanisation, la préparation du terrain a été facilitée, au moins pour le premier labour. Pour le reste, le calendrier s’est déroulé selon les méthodes et les rythmes traditionnels. Les variétés améliorées sont vulgarisées mais elles sont de loin moins performantes que dans les stations d’essais. L’utilisation d’intrants se limite à quelques casiers à but expérimental ou lorsque, exceptionnellement, ils appartiennent à un exploitant fortuné. Évalué sur le long terme, le rendement moyen des casiers est de l’ordre de 2 t/ha comme celui des rizières traditionnelles.
147Par ailleurs, le fonctionnement durable des aménagements pose des problèmes liés, d’une part à leur entretien courant, d’autre part à la pertinence des types d’aménagement réalisés.
148L’entretien courant du polder incombe en principe aux exploitants, l’État ne réalisant que l’aménagement initial. Or, les équipements hydrauliques ont une dimension telle que les moyens d’intervention des paysans sont dérisoires. Le principe du paiement d’une redevance à un organisme chargé de l’entretien s’est toujours heurté au refus des exploitants sous le prétexte que leur récolte ne suffit même pas à assurer la sécurité alimentaire de leur famille. Les aménagements se détériorent donc rapidement et, après quelques années seulement d’exploitation, les rendements baissent, ce qui contraint l’État à procéder à une réhabilitation de grande envergure.
149Ces dernières années, le fonctionnement correct du polder est également confronté à deux problèmes liés au mouvement du trait de côte et l’évolution des sols après drainage.
150Au milieu des années quatre-vingt, l’érosion de la côte à Koba a menacé des exutoires des drains principaux du polder qui sont aménagés sur le dernier cordon et ouvrent directement en mer. En particulier, les vannes de Ganblan, Lamodia et Kindiadi ont failli céder et provoquer l’intrusion de l’eau de mer dans les casiers. Les villages de pêcheurs ont perdu quelques cases. Le drainage de la plaine, donc la mise en culture des casiers, était devenu hypothétique. Cette situation est à l’origine de la décision de réhabiliter la plaine de Tatéma en ouvrant un canal dans la plaine voisine, Kabonto, pour assurer le drainage de plus de 800 ha. Or les sols de Kabonto sont riches en soufre et, à la première campagne, après la réhabilitation, on s’est aperçu que l’acidité était telle que la plupart des casiers étaient devenus stériles. Aujourd’hui, ils sont presque tous abandonnés. En outre, le canal n’étant pas fermé en aval, l’eau de mer y circule librement et provoque, en saison sèche, un envasement en amont tel qu’il a fallu le draguer moins de deux ans après sa mise en service.

Plaine de Koba en Guinée (rizières submergées par un excès d’eau du fait des drains déficients).
© Cormier.
151À Koba donc, si la succession d’aménagements et de réhabilitations a permis de mettre en culture une superficie appréciable, on ne peut parler d’intensification de la riziculture et encore moins d’opérations économiquement rentables. Or le niveau d’équipement hydro-agricole, dont la retenue d’eau, les pistes d’accès et tout le système de drains, digues et vannes, est appréciable et ne saurait être abandonné.
152Récemment, les essais d’élevage semi-intensif de crevettes ont semblé donner de bons résultats dont la vulgarisation pourrait éventuellement contribuer à valoriser les investissements consentis depuis près d’un demi-siècle.
153Dans les mangroves des Rivières du Sud, le bilan des polders, mécanisés ou non, semble plutôt un échec dû essentiellement à la méconnaissance et à l’absence de prise en compte de certains paramètres de fonctionnement de ce milieu. Les politiques hydro-agricoles pèchent par leur conception réductrice de la mangrove : les experts font la promotion d’aménagements uniformes qui ne tiennent compte ni de la diversité agro-écologique des mangroves ni des savoirs paysans.
Conclusion générale du chapitre
154Plus que tout autre question, l’étude des facteurs d’évolution du littoral est devenue prioritaire pour un grand nombre de gouvernements dans le monde. L’évolution du climat est couramment présentée de nos jours comme le facteur déterminant de l’évolution des littoraux en raison de ses possibles effets sur le niveau des mers. On peut se reporter en particulier à la signature, à Rio en juin 1992, de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques par 155 pays, dans laquelle les littoraux ont été désignés comme les régions les plus exposées aux effets d’un changement climatique global.
155Parallèlement, on assiste depuis vingt-cinq ans à une prise de conscience internationale croissante de la dégradation des côtes. Érosions, inondations, diminutions de la biodiversité et des ressources littorales, dégâts infligés aux activités et infrastructures socio-économiques sont de plus en plus souvent signalés. Les causes invoquées pour expliquer ces phénomènes sont souvent d’ordre « naturel », et plus précisément hydrométéorologiques ou océanographiques. Cependant, on ne peut pas perdre de vue que cette prise de conscience s’est développée avec la densification de l’occupation humaine et l’établissement d’aménagements portuaires, industriels, urbains, hydrauliques et agricoles dans les basses-terres de toutes les côtes du monde depuis un peu plus d’un siècle. L’attention portée à ces terres menacées est beaucoup plus importante qu’autrefois en raison de l’augmentation progressive de leurs valeurs écologiques et économiques. Ces valeurs sont estimées à partir des fonctions et usages actuels, mais aussi potentiels.
156A-t-on réellement évalué l’effet de ces aménagements sur l’évolution des littoraux depuis un siècle, sur leurs ressources naturelles actuelles et potentielles ? Leur impact sur les régimes hydrosédimentaires et hydrobiologiques des embouchures des fleuves et des côtes n’est-il pas au moins aussi important que les quelques centimètres d’élévation marine mesurés localement et que l’on ne peut généraliser à l’ensemble du globe, tant la distribution des tendances des modifications du niveau marin est variable d’un point à un autre ?
157La plupart des littoraux d’accumulation (basses-terres) se caractérisent par une sensibilité aux aménagements et par une vivacité à réagir à toute modification de leur fonctionnement dynamique. À la différence de nombreux écosystèmes continentaux, les enchaînements d’effets provoqués par les aménagements sont beaucoup plus nombreux, en raison à la fois de la puissance du contexte hydrodynamique et des liens de très forte interactivité qui unissent les constituants hydrologiques et morphologiques du milieu.
158Sachant que les littoraux sont actuellement les secteurs de la planète ayant la plus haute valeur écologique (productivité et épuration naturelle) et économique, tout en supportant la pression démographique la plus forte et en étant les plus exposés aux effets possibles de modifications hydroclimatiques, l’une des questions importantes des prochaines décennies ne sera-t-elle pas celle de l’adaptation des établissements humains aux exigences écologiques et morphodynamiques des côtes ?
159Cette adaptation des aménagements à l’environnement devra donc anticiper sur les effets de leur intégration au milieu afin de prévoir les mesures compensatoires qui préserveront ses capacités de régulation et de régénération. Gérer, valoriser et aménager (transformer) le littoral tout en se protégeant des risques majeurs qui y sont associés exige donc en priorité de mieux connaître les cadres et les facteurs d’évolution de ce milieu sensible.
160En ce qui concerne plus précisément les Rivières du Sud, les observations et les suivis actuellement disponibles sur l’évolution morphosédimentaire ou végétale sont ponctuels, limités le plus souvent à certains points sensibles, comme les flèches sableuses littorales ou à l’extension des tannes au Sénégal ou encore à la position du trait de côte en Guinée. Ces indicateurs ont généralement conclu à l’existence d’un facteur unique d’évolution, la sécheresse.
161Aussi, pour mieux identifier les facteurs d’évolution et, en particulier pour mieux évaluer le rôle et les impacts de la sécheresse, convient-il en premier lieu de dresser un bilan global de l’évolution des mangroves sur l’ensemble de la zone. Il s’agirait plus précisément de faire une comparaison ou un suivi diachronique quantitatif des aires minérales, aquatiques ou végétales au moyen d’outils communs appliqués systématiquement à l’ensemble de la région considérée ou à certains sites représentatifs de différents types de milieux.
162En second lieu, un bilan critique des projets d’aménagement et des interventions à divers niveaux, locaux comme internationaux, doit être dressé afin de mieux saisir les pratiques innovantes, endogènes et exogènes, ainsi que les principales contraintes aux changements. Outre l’évaluation des effets des aménagements (poldérisation et barrages) sur le fonctionnement du milieu et les systèmes de production locaux, il convient de s’interroger sur les processus décisionnels en jeu autour de la gestion de ces ouvrages.
163Enfin, il convient d’identifier les stratégies des acteurs face aux changements de l’environnement et de les analyser compte tenu du contexte englobant (politique, économique, etc.) à une échelle régionale, nationale, voire mondiale. Les phénomènes de recompositions socioprofessionnelles, de redéfinition des rapports de production et de reformulation des droits d’accès aux ressources devront particulièrement retenir l’attention des futurs programmes de recherche.
Notes de bas de page
1 À ce sujet, on peut se reporter à l’ouvrage de P. Richards (1996), qui propose un cadre d’interprétation très stimulant sur la violence, en particulier en Sierra Leone et au Liberia.
2 La thèse récente de Pierre-Marie Bosc fait heureusement le point sur ces questions. (1998 – Organisations paysannes et ressources renouvelables en Basse Casamance. Les modes de coordination entre acteurs, Thèse de doctorat, Spécialité Agroéconomie, février 1998, ENSA-Montpellier, 567 pages + 58 pages annexes.)
3 La gestion hydraulique d’un barrage anti-sel consiste à mettre en circulation les eaux de la retenue pour les oxygéner, à évacuer les éléments dissous et à maintenir un niveau constant compatible avec la riziculture. La qualité de l’eau de submersion doit être suffisamment bonne pour empêcher les effets de la pression osmotique et les toxicités métalliques, notamment celles des espèces aluminique et ferreuse.
Pour atteindre ces objectifs, il est nécessaire de procéder à une gestion minutieuse et rationnelle des lâchers d’eau avec un dispositif d’ouverture fiable et robuste. À ce titre, il est préférable d’utiliser le système de portes levantes plutôt que le système originel à batardeaux difficilement manipulable.
Cette gestion peut être contraignante mais elle ne nécessite pas de compétences techniques poussées. Elle est basée sur des lectures d’échelle et sur la connaissance des marées. La présence d’un responsable de l’ouvrage est nécessaire pendant tout le temps du lâcher. Un tel mode de gestion a répondu aux besoins du projet pilote de Djiguinoum, mené par l’Orstom et l’ISRA de 1989 à 1991, et a montré son efficacité pour des essais rizicoles localisés sur moins d’un hectare (Brunet et Zante, 1990 ; Brunet et al., 1991 aetb). Trois années durant, il a été possible d’exporter suffisamment de sels pour obtenir de bons rendements en riz (Albergel et al., 1991 c, 1992;Montoroi et al., 1993 a, 1993b ; Dobos et al., 1994 ; Brunet, 1994).
4 Les coquilles d’huîtres de palétuvier broyées ont été utilisées pour leur richesse en calcaire permettant la neutralisation de l’acidité du sol en Casamance (Boivin et Zante, 1987). De tels essais de chaulage au moyen des coquilles d’huîtres sont actuellement en cours en Guinée (Sow, 1998).
Auteurs
Mariline Bâ, géologue. Faculté des Sciences, département de géologie, université Cheick Anta Diop, BP 15063 Dakar-Fann, Sénégal.
Christian Chaboud, économiste. Orstom, Centre de Montpellier, BP 5045, 34032 Montpellier cedex 1, France.
Jean-Paul Barusseau, géologue. LRSM, université de Perpignan, 52, Avenue de Villeneuve, 66860 Perpignan cedex, France.
Marie-Christine Cormier-Salem, géographe. Orstom-MNHN, Laboratoire d’ethnobiologie-biogéographie, 57, rue Cuvier, 75231 Paris cedex 05, France.
Jean-Pierre Montoroi, pédologue. Orstom, Centre de Bondy, 32, rue Henry Varagnat, 93143 Bondy cedex, France.
Olivier Ruë, géographe. 6, rue de Lombardie, 1060 Bruxelles, Belgique.
Mamadou Sow, agro-pédologue. CNSHB, BP 1984, Conakry, république de Guinée.
Jacques Champaud, géographe. université de Provence. Laboratoire de population-environnement, 3, place Victor Hugo, 13331 Marseille cedex 3, France.
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