Chapitre 1. Des collecteurs pauvres mais au fort capital social
p. 27-49
Texte intégral
1Les collecteurs de déchets recyclables constituent la partie la plus vulnérable de la chaîne de collecte et de recyclage. Migrants saisonniers, sans logement fixe dans la ville, ayant laissé leur famille au village pour la plupart, ils doivent développer des stratégies pour accéder aux ressources et au droit à la ville en utilisant leurs réseaux villageois, familiaux et de voisinage. Leur vie est caractérisée par la fluidité entre ville et campagne et par leur mobilité pour accéder aux déchets dans la ville.
Une logique de cluster et de réseau
2À Hà Nội, entre 10 000 et 20 000 collecteurs itinérants ou đồng nát, pour la plupart des femmes, achètent au porte-à-porte auprès des habitants et des entreprises des déchets recyclables (Mitchell, 2008b). Elles les revendent auprès de 1 115 dépôts de déchets répartis de façon plus ou moins régulière dans la ville. Les dépôts s’approvisionnent auprès des đồng nát, des entreprises, des commerces et chantiers de construction et commercialisent environ 20 % des déchets ménagers de la ville.
3Dans les dépôts, les déchets sont triés par types de matériaux (plastiques, papier, carton et métaux) et revendus à des transporteurs, ou directement vendus dans les villages de métier du recyclage. Certains matériaux comme le plastique doivent être triés une seconde fois par type (selon sept classes), car les circuits de commercialisation varient. Les villages de recyclage du plastique sont spécialisés par type de plastique et chacun possède sa filière d’approvisionnement. Plusieurs types d’opérateurs fournissent en matériaux les usines et les ateliers des villages de métier du recyclage, et la chaîne des đồng nát ne constitue qu’une petite partie (entreprises, importations internationales…). Puis, les matières premières secondaires, granules de plastique ou pellets, lingots de métaux (aluminium, fer) seront vendus à des producteurs.
4Ce système est organisé au sein d’un cluster3 de production, à savoir un territoire où toutes les étapes de la chaîne de production sont installées, avec une forte division du travail, chaque étape étant effectuée dans un environnement particulier et fortement spatialisé.
5Que ce soient les réseaux villageois de l’importation de main-d’œuvre ou les réseaux de collecteurs dans la ville, ils sous-tendent l’intégralité du système et portent attention aux nombreux migrants qui pratiquent les activités de collecte ou de recyclage. Dans les villages artisanaux, des filières professionnelles très anciennes sous-tendent des migrations vers des villages spécialisés et l’embauche des ouvriers se fonde sur la confiance et la mise en relation.
6Les villages spécialisés dans la provision de services, telle la collecte de déchets en ville, notamment ceux du district de Xûan Trường de la province de Nam Định (delta du fleuve Rouge), fonctionnent selon les mêmes normes sociales et morales que les villages de métier. Cela témoigne de la segmentation du marché du travail d’origine rurale installé en ville. La filière de Xûan Trường draine la moitié des collecteurs et commerçants de déchets des arrondissements urbains de la ville de Hà Nội, sans compter le nombre élevé de ceux qui ont essaimé dans tout le pays, jusqu’à Hồ Chí Minh-Ville.
7Les relations sociales au sein de ce système de collecte, de commerce et de recyclage s’organisent de façon horizontale et verticale autour de trois formes d’échanges : la réciprocité, la redistribution et le marché (Digregorio, 1994). Dans les villages de métier (villages du recyclage ou villages de collecteurs urbains), l’organisation sociale s’appuie sur la solidarité familiale et clanique qui est essentielle pour la circulation du crédit et la création de relations de confiance. Que ce soient des entreprises familiales de Triều Khúc, de Chợ Dừa ou de Nam Định, l’organisation des ménages ruraux paysans, en tant qu’unité de base de production intégrée dans le système de collecte de déchets recyclables, offre des produits subventionnés à l’industrie à travers des coûts de reproduction des familles peu élevés, tout en augmentant la sécurité économique des ménages à travers la diversification de leurs revenus. La solidarité villageoise offre un moyen de sécuriser l’accès aux déchets recyclables et de faire pression sur les autorités locales pour qu’elles soient plus tolérantes à l’égard des migrants.
8Comme les autres industries paysannes, le système social interne des collecteurs se base sur la loyauté à la famille, à la famille élargie et au village pour la régulation des problèmes. Cette loyauté affecte les relations d’échange, influence les actions des autorités locales et permet d’accéder à de nombreuses ressources, notamment les déchets (Nguyễn Minh, 2019).
Une histoire migratoire ancienne de la précarité et de la résistance
9Depuis des décennies, les habitants des villages de Nam Định, et tout particulièrement ceux du district de Xuân Trường (Xuân Thượng, Xuân Hồng, Xuân Ngọc et Xuân Tân), migrent temporairement ou définitivement en ville pour travailler dans le secteur de la collecte et du commerce des déchets recyclables. Organisés en réseau et développant des stratégies de mise en confiance auprès des habitants et des collectivités locales de Hà Nội, ces migrants comptent sur le rôle des réseaux de leur province pour asseoir leur légitimité. « Différentes formes de hiérarchie, dépendance et segmentation du marché du travail montrent l’importance du rôle du lien de territorialité. » (Digregorio, 1994). Les schémas migratoires suivent le calendrier des saisons agricoles.
10Les réseaux sociaux qui relient le district de Xuân Trường au système de collecte de déchets recyclables de Hà Nội remontent à plus de quatre-vingt-dix ans et à un homme, M. Nam Diệm. Après qu’il ait été embauché par l’entreprise sanitaire française qui opérait à Hà Nội pour vider les fosses septiques en 1930, la rumeur arriva à son village de Nam Định qu’il y avait des opportunités d’emplois à la capitale et de nombreux villageois vinrent ainsi y travailler. Pendant que les parents vidaient les fosses septiques, les enfants fouillaient les décharges et récupéraient les déchets dans la ville. Certains ont fini par s’installer en ville et monter des dépôts de déchets, principalement dans le quartier de Ô Chợ Dừa, dans l’arrondissement de Đống Đa. Ils furent les premiers d’une longue lignée de collecteurs et de commerçants de déchets recyclables de Hà Nội. Ainsi, cette filière fut créée et elle structure jusqu’à présent ce métier dans le nord du Việt Nam (Digregorio, 1994). Aujourd’hui, la plupart de ces commerçants et collecteurs vous diront qu’ils sont rentrés dans le métier à partir d’amis ou de membres de leurs familles. La moitié des gérants de dépôts de déchets ont commencé leur carrière dans le métier en tant que collecteurs (Mitchell, 2008b ; enquêtes Recycurbs-Viet, 2020).
11Avec la décadence des coopératives à la fin de l’époque collectiviste (années 1980), de nombreux ouvriers et ouvrières se sont lancés dans l’activité de collecte et de commerce des déchets, faute de mieux. Les allers et retours des migrants collecteurs de Xûan Trường vers Hà Nội montrent combien ils ont organisé leur vie de façon translocale : ils ont un pied en ville et l’autre au village. Pour une grande partie des acteurs de cette filière, le fait que les enfants soient restés au village avec les grands-parents renforce ce sentiment de vie multisituée. Selon le géographe Mike Douglass (2012), « les processus de formation et de maintien des foyers doivent être compris comme un projet de soutien à travers plusieurs sites et à travers plusieurs formations sociales, car les ménages cherchent des solutions aux “disjonctions locales” qui limitent les mouvements de travail et des personnes ». Ce qu’il appelle disjonctions sont à la fois les problèmes au sein de la famille, les mariages, le vieillissement, l’enfantement et l’éducation, et le déclin de l’approvisionnement de services sociaux aux migrants en ville. Le terme de translocalité fait référence aux trajectoires de mobilités au cours desquelles la reproduction sociale d’une famille s’opère sur plusieurs sites (Nguyễn Minh, 2019). La multiplicité des trajectoires des migrants n’empêche pas que les catégories morales guident la mobilité des membres de ces ménages.
12Une blague locale circule dans les villages du district de Xûan Trường et fait référence à Hà Nội comme une « nouvelle zone économique ». Cela renvoie aux années 1960, période durant laquelle de nombreux villageois du delta du fleuve Rouge très peuplé furent envoyés dans les montagnes pour développer et coloniser ces régions occupées par des ethnies minoritaires. Jusqu’à la fin des années 1980, il était habituel pour les hommes de migrer aussi bien vers la ville que vers des régions éloignées pour trouver d’autres emplois ou faire leur service militaire. Dans le contexte économique stagnant de l’époque, l’absence des hommes n’avait pas trop d’impact sur l’économie locale. Ensuite, les femmes, qui avaient la charge du ménage en l’absence des hommes, commencèrent à aller à Hà Nội pour travailler dans le secteur de la collecte des déchets recyclables. Le marché était en expansion avec le renouveau économique (Đổi mới), la croissance de la consommation et l’ouverture de chantiers de construction. Ce commerce des déchets a fini par dépasser les revenus provenant de l’agriculture. Hommes et femmes quittèrent le village, laissant les enfants aux grands-parents. Depuis les années 2000, un certain nombre de foyers se sont établis en ville, ouvrant des dépôts de déchets ou d’autres business, tout en maintenant des liens serrés avec le village grâce à des migrations circulaires (Nguyễn Minh, 2019).
13Comme partout en Asie du Sud-Est, les populations d’origine rurale migrent vers les villes de façon saisonnière ou, à plus long terme, pour travailler dans les services urbains. Ces emplois sont en général précaires, mais cette précarité, qui peut être définie par une combinaison d’insécurité, d’incertitude et de vulnérabilité, n’est pas si différente de celle de l’agriculture. Ces migrants continuent de vivre dans l’incertitude du travail en ville et de l’agriculture au village, et dans celle de la fluctuation du prix des matériaux recyclables et de la météo pour les cultures. Les gérants de dépôts installés en ville, quant à eux, doivent se battre pour accéder au foncier et aux ressources, négocier leur position inférieure dans la ville (Nguyễn Minh, 2019) et leur droit à la ville avec les autorités locales et leur voisinage.
14Avec le temps, un mode de vie précaire et mobile se met en place par des populations qui naviguent entre le village et la ville, et entre différents sites au sein de la ville du fait des déménagements successifs. L’analyse de ces pratiques et des négociations territoriales entre tous les acteurs sera l’objet du chapitre 8.
Des gérants de dépôts très actifs au sein de leurs réseaux
15L’enquête exhaustive des dépôts de déchets dans la province de Hà Nội en a dénombré 1 115 répartis dans tous les arrondissements et districts de la ville, selon le même rapport de densités que la population. Nous développerons les dynamiques de répartition de ces dépôts dans le chapitre 5. Les gérants de dépôts de déchets achètent aux đồng nát, aux habitants et à différents types d’entreprises et services (usines, magasins, bureaux, chantiers de construction, restaurants…) des matériaux et déchets recyclables (plastiques, papiers, cartons et métaux) qu’ils trient et revendent à des intermédiaires spécialisés par matériaux. Leurs origines géographiques varient entre la province de Nam Định (34,8 %), la province de Hà Nội (36,5 %), les autres provinces du delta du fleuve Rouge (6,9 %), le reste du Việt Nam (3,3 %), avec 18,5 % de non-réponse (tableau 1).
Une concentration des migrants de Nam Định dans la ville
16Cette répartition change selon les couronnes de la ville. Dans l’hypercentre, les bãi tenus par les migrants de Nam Định sont très nombreux : deux tiers des gérants de dépôts. Originaires de quatre villages du district de Xûan Trường, ils font partie de l’ancienne chaîne migratoire organisée en réseau d’entraide dans la ville.
17L’analyse de la répartition spatiale des origines provinciales des gérants de dépôts nous informe sur l’histoire des migrations dans les couronnes de la ville. La concentration dans le centre-ville des migrants de Nam Định suggère la force des réseaux d’entraide pour leur installation dans un environnement urbain difficile d’accès. De nouveaux commerçants originaires d’autres provinces du delta, surtout de Hà Nội, participent à cette activité, même s’il y a toujours eu dans les villages du delta du fleuve Rouge des personnes qui s’adonnaient à la collecte et au commerce des déchets. Plus on s’éloigne du centre, plus les commerçants originaires de Hà Nội sont nombreux.
18Des đồng nát originaires d’autres provinces que Hà Nội ou Nam Định affirment que pour ouvrir un bãi phế liệu il faut vraiment pouvoir s’appuyer sur des réseaux et des personnes de confiance (du village ou de la famille) (Dedeyan, 2018). Certains villageois du périurbain et des zones rurales périphériques de Hà Nội s’installent à leur compte pour ouvrir un dépôt dans respectivement 54,4 et 71 % des cas (tableau 1). Ils se sont reconvertis dans ce métier après avoir été expropriés par les grands projets fonciers. Dans le district rural de Sóc Sơn, où se trouve la grande décharge de Nam Sơn, de nombreux villageois ont ouvert des dépôts sur place, tandis que d’autres se sont installés dans le district voisin de Đông Anh. À Võng Xuyên, dans le district de Phúc Thọ, ce métier semble mobiliser des commerçants qui s’installent dans le district de Thạch Thất. Nous n’avons malheureusement pas pu creuser l’origine éventuelle d’une filière de commerçants de déchets essaimant dans le delta, mais les résultats de l’enquête exhaustive semblent le supposer.
Tableau 1 . Origine géographique des gérants de dépôts de déchets entre 2017 et 2020
Couronne | Nombre de dépôts | Origine des gérants de dépôts (%) | ||||
| Unités | Nam Định | Hà Nội | Autres deltas | Autres Việt Nam | Non-réponse |
Couronne 1 | 220 | 64,4 | 10,0 | 7,3 | 2,7 | 16,9 |
Couronne 2 | 356 | 46,1 | 14,3 | 9,0 | 5,3 | 25,3 |
Couronne 3 | 16,3 | 54,4 | 6,5 | 2,4 | 20,4 |
|
Couronne 4 | 245 | 14,3 | 71,0 | 4,1 | 2,0 | 7,8 |
Total Hà Nội | 1 115 | 34,8 | 36,5 | 6,9 | 3,3 | 18,5 |
Des ex-collecteurs ou des héritiers du métier
19Dans les arrondissements urbains, les deux tiers des bãi sont tenus par des villageois originaires de deux villages de Nam Định, Xuân Thượng et Xuân Hồng. Cette filière structure à la fois le réseau des collectrices, les đồng nát, et celui des gérants de dépôts. L’itinéraire professionnel est le suivant : agricultrice, puis collectrice ; une fois un capital suffisant économisé, elles ouvrent un bãi phế liệu dans un quartier qu’elles connaissent. Cela leur demande plusieurs savoir-faire, notamment la connaissance des matériaux, l’intégration dans des réseaux pour mieux négocier les prix avec les collectrices et les intermédiaires, et de la diplomatie avec le voisinage et les collectivités locales. Avoir été une đồng nát et mené une vie difficile et précaire leur permet d’établir des relations avec celles qui à leur tour vendront des matériaux et de connaître les rouages du métier. « Grâce à cette activité, je connais donc énormément de bãi à Hà Nội, car auparavant je leur apportais les déchets. » (62)4. Plus de la moitié des enquêtées affirment avoir été đồng nát avant d’ouvrir un bãi phế liệu, principalement celles ayant plus de 40 ans. Les enquêtes de Digregorio (1994) et Mitchell (2008b) donnent les mêmes résultats.
20Telle gérante rencontrée a une connaissance étonnante des matériaux, ce qui lui permet de bien les identifier, notamment les métaux, et d’éviter les arnaques (88). Une autre affirme avoir attendu de se marier pour ouvrir son bãi, car « il faut un homme pour ouvrir un bãi ». Toutefois, de nombreux dépôts sont tenus par des femmes dont le mari exerce un autre métier, car cette activité ne rapporte pas assez au couple.
21L’appartenance à la filière de Nam Định est pour de nombreux gérants de bãi une sorte de sésame justifiant leur vocation : « Comme notre village est connu pour ce métier “de la collecte des déchets”, on a suivi les gens pour s’installer à Hà Nội et faire ce métier. » (67). « En voyant les gens de la région qui viennent en ville pour ce travail, on a voulu faire la même chose. » (63).
22Les générations se suivent, les enfants éduqués au village, quand ils n’ont pas d’autre expérience, prennent la relève des parents qui s’en retournent au pays natal (quê) passer leur retraite et, pour certains, éduquer leurs petits-enfants. Les filles suivent leur mari et leur belle-mère dans la migration vers la ville et retournent au village le temps d’élever un an ou deux les nouveau-nés, puis reprennent la route pour « aller au marché des đồng nát » à Hà Nội. Certaines apprennent le métier auprès des aînées en allant dans les sites de construction pour désosser des matériaux et aussi ramasser les restes des métaux abandonnés par les mafias de la récupération sur les chantiers (66). Devenir gérant de dépôts impose de s’installer en ville et d’arrêter la translocalité, car cette activité suppose une présence continue sur place pour maintenir le lien avec les đồng nát. La vie de famille change et la plupart des enfants restent au village avec les grands-parents.
Un changement de profil chez les jeunes générations
23La plus jeune génération (moins de 40 ans) a suivi d’autres voies, notamment car elle a pu aller à l’école. Les parents, souvent gérants de dépôts eux aussi, avaient d’autres espoirs pour leur avenir. Huit sur 54 des gérants interrogés ont travaillé dans le dépôt de leurs parents ou d’autres membres de la famille avant d’ouvrir le leur, 9 sur 54 ont eu un autre métier. Ils ont été ouvriers, manœuvres itinérants sur des chantiers de construction ; ils ont cherché à se rapprocher de leur famille et se sont stabilisés. D’autres ont été commerçants, restaurateurs ou ont fait des études, mais ils n’ont pas trouvé de travail assez rémunérateur. Comptant sur l’aura de leur village et leur appartenance à des réseaux de collecteurs, quatre ont ouvert des bãi et abandonné la rizière sans expérience dans la collecte. Certains rares gérants en ont ouvert un à la sortie de l’université, en l’absence d’autres opportunités. Le cas le plus étonnant est cet ancien médecin hanoïen à la retraite et marié à une femme originaire du cluster de villages du papier qui, depuis vingt ans, tient un dépôt spécialisé dans le carton et le papier. Les revenus élevés que ce métier offre attirent de nombreux prétendants, mais cela nécessite de nombreuses qualités et conditions, surtout l’intégration dans des réseaux de soutien.
24Les gérants de bãi des zones périurbaines et rurales sont originaires de la province de Hà Nội pour respectivement la moitié ou les trois quarts, en général du village d’installation ou de villages voisins. Dans de rares cas, ils ont été collecteurs dans le centre-ville, puis se sont installés à leur compte dans leur village, suivant la trajectoire professionnelle de leurs collègues de Nam Định. Certains étaient ouvriers.
25Tenir un dépôt de déchets dans la ville est plus profitable que la collecte de déchets au porte-à-porte, mais cela demande plus de capital et de travail. Les deux époux ont tendance à migrer ensemble. Certains ont investi dans un camion pour vendre directement leurs matériaux dans les villages du recyclage ou pour servir d’intermédiaires entre les petits dépôts et les entreprises des villages. Cela leur permet de rentabiliser leur véhicule et de déstocker rapidement leur dépôt pour acheter plus de matériaux.
Un métier difficile mais avec ses avantages
26Certaines gérantes de dépôts interviewées sur la perception de leur métier tiennent des discours très ambivalents. Elles peuvent avoir une image très négative d’elles-mêmes, en raison de l’aspect « sale » de leur métier et du manque de formation qui les pousse à faire ce genre d’activité peu valorisable sur le plan social, voire misérable. Les aspects négatifs du métier surgissent durant la discussion, notamment l’aspect laborieux et fatigant et son impact sur leur santé. Il occasionne de nombreux maux au dos, des problèmes respiratoires que l’on ne peut éviter du fait de charger et décharger des matériaux toute la journée. Ces maux, « il faut les accepter ». Le masque est la seule protection qu’ils utilisent (38). Le travail est dur, il occupe toute la journée, et il arrive qu’ils n’aient même pas le temps de déjeuner car il faut accueillir les clients, charger et décharger, ranger, porter, trier… faire de la place pour les nouveaux arrivages. Une femme affirme que « le plus dur pour elle, c’est de collecter le métal, car c’est très lourd ». Elle dit que « dans ce métier, il faut avoir de la persévérance ». Et ajoute que « c’est beaucoup plus dur que d’être une đồng nát, car au moins, quand celles-ci ont fini leur journée de travail, elles peuvent aller dîner, se reposer. Dans un bãi, le travail est quasi permanent, et ils ont peu de repos ». Une gérante de dépôt se plaint de sa vie misérable, qu’elle est malade tout le temps à cause de ce métier. Elle dit : « J’ai des reflux gastriques. Faire ce travail m’épuise. Je ne suis pas du tout satisfaite, je n’ai pas assez d’argent et je dois quand même continuer à faire ce travail. Mon destin est dur. Faire ce travail est misérable, sale, puant et ne me rapporte pas assez d’argent pour en vivre. » (91). Certaines voudraient bien changer de travail, mais ne savent pas quoi faire, car elles n’ont pas de formation. « Tout le monde est pareil, chacun a son propre travail avec sa difficulté. » Elle reste à la maison, les clients lui apportent des matériaux et rebuts à vendre, c’est confortable pour elle. Elle travaille de 8 h à 23 h, mais le travail est beaucoup moins fatigant que celui à la campagne. Elle est juste fatiguée du quotidien, car ce travail est manuel. Parfois, elle a des égratignures, mais pas de maladie professionnelle grave. Elle a un contrôle régulier du foie, du cœur et des poumons, qui s’avèrent en bonne santé (24).
27Cependant, la grande liberté et les revenus bien supérieurs à ceux qu’ils gagnaient auparavant les motivent à continuer cette activité qui ne demande pas beaucoup de formation, mais nécessite de nombreuses conditions pour être opérationnels. Ce métier peut rapporter beaucoup plus d’argent que leurs précédentes activités de paysan ou de đồng nát (13) (33). Une affirme que son revenu mensuel est d’environ 7 millions de VNĐ5, après déduction des charges, frais de nourriture, etc., soit l’équivalent de deux salaires d’ouvriers. Pour un autre couple, le travail est beaucoup moins laborieux par rapport au début. La manière de travailler évolue du fait que leur entreprise s’agrandit, le couple investit dans des infrastructures pour transporter les matériaux (camion). Ils font plus de profit, vu que la population urbaine augmente, les déchets ménagers aussi (64).
28C’est un métier qui offre une grande liberté d’entreprise. Pour des paysans habitués à une certaine flexibilité dans la gestion de leur calendrier de travail, cet emploi leur convient. Le mot liberté revient souvent dans leur discours, même si elle est moindre que lorsqu’elles étaient collectrices (10) (28) (57).
29Trois gérantes de dépôts affirment : « Ce travail est beaucoup plus léger que d’aller travailler aux champs. » (2). « On est plus libre que dans une entreprise. Je peux sortir quand je veux. » (13) (33). « Un travail libre ça veut dire que je ne dépends pas du patron, même si nous sommes occupées toujours par les clients. » (30). Une autre ne veut pas travailler dans une compagnie car elle veut conserver sa liberté. Travailler chez soi est un avantage : « Même si mon travail est bien sale, car on stocke des déchets chez nous, nous travaillons sous notre propre toit, tranquillement, les horaires sont plus flexibles, le revenu est légèrement meilleur. » (34). « C’est un travail sale, mais j’adore mon boulot et plus je le fais, plus il m’est familier. » Et cette gérante poursuit : « Maintenant que j’ai atteint une certaine expérience et maturité dans la profession, c’est une joie. L’expérience est quelque chose que vous ne pouvez pas avoir en un temps court. Vous devez avoir une compréhension de la profession, de l’offre et de la demande. Le plus important est d’avoir une vision. On dit toujours que ce travail ne peut pas être abandonné après mille ans. Sans nous, la décharge de Nam Sơn serait pleine. Dans ces deux quartiers, il y a au moins vingt dépôts. Je ne suis pas allée à l’école, mais je comprends cela. Regarde comme c’est sale. Je dois travailler toute la journée. » (94). Celles qui ont l’expérience des deux métiers peuvent comparer les situations, tout en mesurant le pour et le contre (37). Mais la chance est importante : « Pour accéder au statut de patron de bãi, il nécessite la fortune du ciel [duyên], les relations pour l’approvisionnement des matières et pour la revente. Non, ce n’est pas facile de monter un bãi. » (34). Mais certains disent ne pas rencontrer de difficultés dans ce métier, « car c’est un héritage familial, les parents faisaient ce métier, donc on le connaît » (12) (32). En plus, « ce n’est pas un métier difficile » (66) et « il ne requiert pas de formation ou de diplôme particulier. Il ne faut pas trop de capital pour investir » (91). « Mon boulot est horrible, mais pour moi c’est normal. Quand j’ai fait mon choix, j’ai bien dû accepter qu’en fait ce travail n’est pas sale. Il faut être persistant et ne pas arrêter d’essayer. Mais tout cela dépend de vous, tous les boulots sont pareils. Et si vous essayez de courir après le boulot des autres, vous ne pouvez pas bien le faire. Ça fait plus de dix ans que je travaille dans ce secteur et je connais tous les aspects de ce métier. En fait, je n’ai plus envie de changer de métier maintenant, même si les revenus ne sont pas très bons, mais il me permet de joindre les deux bouts. Et si je devais changer de métier, je ne saurais pas quoi faire. » (95).
Croissance des aspects négatifs du métier
30En effet, la concurrence entre les dépôts pour l’accès aux matériaux et déchets, la fluctuation et l’incertitude du cours des matières premières qui se répercutent sur toute la chaîne des collecteurs, commerçants et recycleurs fragilisent la viabilité de l’activité. Avec la pandémie de covid, tous les acteurs de la chaîne sont encore plus vulnérables, et beaucoup critiquent leur métier. Pour certains, leur revenu ne permet ni de joindre les deux bouts ni de capitaliser (68). Ne pouvant offrir deux salaires pour le couple, certains époux s’adonnent à un autre emploi (91). La concurrence sur les ressources entre les dépôts constitue un des griefs principaux : « Du temps de mes grands-parents, seulement peu de personnes faisaient ce travail et ils gagnaient beaucoup d’argent, mais aujourd’hui on gagne de moins en moins. Les déchets collectés diminuent par dépôt car le nombre de bãi augmente. » (38). Selon certains, le nombre de đồng nát diminuerait (5) (26). Plusieurs commerçants ont affirmé vouloir changer de métier car ils gagnent moins qu’auparavant (10) (28) (57). « Quand on a ouvert notre dépôt il y a plus de quinze ans, il n’y avait que trois bãi dans le quartier de Ngọc Hà [arrondissement de Ba Đình, dans l’hypercentre]. Les déchets, notamment le métal, abondaient. On devait travailler jusqu’à 11 ou 12 h du soir, alors que maintenant à 8 h il n’y a plus personne. Un gros bãi s’est ouvert à l’entrée de la ruelle et capte une grande partie des déchets des alentours, car il est bien situé. Mon mari a ouvert un bar à thé glacé sur le trottoir, et il fait aussi le gardiennage de moto pour avoir d’autres revenus. » (69). De plus, l’accessibilité est réellement un caractère volatile dans une ville en pleine reconstruction et profite à certains : même si du fait de l’élargissement de la route Trường Chinh plusieurs dépôts ont disparu, d’autres se sont installés le long de la route en reconstruction et profitent du caractère éphémère de cette très bonne accessibilité (74).
Les đồng nát, migrantes saisonnières qui sillonnent la ville
Un service de proximité fondé sur la confiance
31En 1992, Digregorio (1994) estimait le nombre total de collecteurs informels de déchets entre 4 800 à 6 000 personnes dans les quatre arrondissements urbains de Hà Nội. En 2006, Mitchell (2008b), utilisant la même méthode d’échantillonnage par quadrillage dans ces arrondissements, estimait cette population à 8 200. Puis, avec l’élargissement de la province, Mitchell estime le nombre de collecteurs à 22 500. Ce chiffre est à discuter, car le profil des collectrices a changé avec la périurbanisation et l’augmentation du nombre de paysannes hanoïennes qui s’adonnent à cette activité, avec une saisonnalité différente de celles de Nam Định. Contrairement aux gérants de dépôts de déchets du centre-ville, les đồng nát viennent de différentes provinces et ne sont pas en majorité de Nam Định6. Leurs maris sont collecteurs de produits électroniques et électroménagers, taxi-moto (xe ôm), ouvrier sur un chantier de construction ou retournés au village suite à un accident de travail.
32Les parcours professionnels et quotidiens sont diversifiés et complexes, mais montrent l’attachement au village vers lequel elles retournent pour voir leurs enfants. Les personnes rencontrées sont migrantes, vivent seules et ont laissé les enfants au mari. Quatre mères vivent avec leurs enfants étudiant à l’université ou employés. On rencontre des cas étonnants de paysannes qui, vivant dans le périurbain, prennent le bus tous les jours pour aller au marché des đồng nát et rentrent chez elles le soir.
33« Dans les années 1990, les collecteurs étaient reconnaissables à leur palanche posée sur leur épaule avec deux paniers en équilibre. Seul un tiers circulait alors à vélo. Hà Nội était une ville encore assez petite dans laquelle les collecteurs de déchets, qu’ils soient fouilleurs ou acheteurs, suivaient une rue familière dont ils connaissaient les habitants. En 2006, la part de ceux circulant à pied a largement diminué au profit du vélo. C’était devenu alors plus facile d’acquérir un vélo, même pour les migrants, et cela permettait de charger des volumes de déchets beaucoup plus importants qu’à pied. Enfin, avec l’extension de la ville sur les marges rurales et la compétition pour l’accès aux déchets dans le centre-ville, les collecteurs ont dû se déplacer loin de leur zone de résidence à la recherche de nouveaux sites. » (Mitchell, 2008a).
34Durant les années 2015-2020, les đồng nát, sauf quelques dames âgées, ont abandonné la marche pour le vélo. On rencontre parfois des collecteurs à moto, avec ou sans charrette, qui transportent de gros volumes d’emballages achetés dans des centres commerciaux ou des entreprises. Enfin, les charrettes à bras, véritables enseignes devant chaque dépôt de déchets, servent à charger, décharger et récupérer de gros volumes de matériaux dans un périmètre restreint. C’est un véhicule de rupture de charge dans les quartiers où les bãi ont presque disparu ou pour les bãi non accessibles aux camions. Les déchets sont regroupés sur un trottoir temporairement, puis amenés à un bãi parfois situé à plus d’un kilomètre.
35Les đồng nát font du porte-à-porte pour acheter aux habitants de la ville ou des villages des objets usés ou des déchets recyclables. La plupart sont des femmes qui circulent dans tous les interstices de la ville (ruelles, allées, impasses), y compris les coins d’accès les plus difficiles, ceci contrairement au système de ramassage des ordures effectué par la municipalité. Elles ont chacune leur itinéraire bien précis, qu’elles sillonnent en chantant, ce qui leur permet d’être connues et d’entrer en confiance avec les habitants de leur quartier d’intervention (voir chapitre 9). Cette confiance leur permet aussi d’accéder à d’autres emplois, comme femmes de ménage. Dans ces quartiers, elles ont un certain nombre de clients fidèles (habitants, entreprises ou bureaux) qui les appellent quand ils ont un grand stock de déchets. Les hommes s’adonnent plus à la collecte du petit électroménager en panne et aux métaux usagés. En parallèle, certaines récupèrent des matières déposées par les habitants sur la voie publique pour les revendre.
36Seuls 20 % des đồng nát enquêtés par Mitchell en 2008 étaient des hommes, soit beaucoup moins que les 50 % avancés par Digregorio en 1994. Cette première autrice explique la baisse de la part des hommes dans l’activité par le développement économique des grandes villes dans les années 2000. Les fouilleurs et les collecteurs masculins d’hier sont aujourd’hui collecteurs de déchets électroniques, réparateurs de petit électroménager, taxi-moto ou ouvriers dans la construction. D’anciens collecteurs ont ouvert leur propre dépôt.
37Mitchell (2008b) explique la différence genrée de ce travail de collecteur de déchets par le fait que les hommes ne veulent pas faire des travaux dégradants, comme le ménage ou la collecte des déchets. Les femmes en revanche sont toujours enclines à pratiquer ces activités, car elles n’ont pas accès aux emplois mieux payés à Hà Nội. Elles sont d’accord pour « perdre la face » avec ces emplois considérés comme dégradants pour éduquer leurs enfants et leur promettre un avenir meilleur que le leur.
38Les đồng nát disent qu’elles vont au « marché des đồng nát », le marché des déchets et objets usés. Elles achètent la plupart du temps les matériaux et déchets, et négocient dur pour avoir une marge satisfaisante. Elles ont leur fierté et rappellent que c’est un commerce. « Souvent les employés ici me donnent tout, même des gros morceaux de métal. Mais je préfère les payer quand même, car pour moi c’est du commerce, donc je ne me permets pas de prendre gratuitement tout le temps. Il y a des jours où je récupère plus de 30 kg de cartons. Je suis très honnête et franche, s’il y a des choses que j’ai prises par erreur, je les rapporte le jour d’après. » Sa sœur dit qu’heureusement elle reçoit beaucoup d’aide et d’empathie des gens qu’elle rencontre, car sa situation est difficile. Par exemple, dans le restaurant où elle travaille, son patron lui laissait beaucoup de nourriture restante qu’elle ramenait à la maison pour ses enfants (116).
Encadré 1. L’itinéraire de vie de madame Hà
L’itinéraire de Hà7 est tumultueux (112). Il montre combien toute la famille a été engagée dans la translocalité et a dû adapter son itinéraire professionnel aux aléas de sa vie familiale. Hà a 50 ans, elle vient de la province de Thanh Hóa, dans le sud du delta du fleuve Rouge. Elle était agricultrice, mais ses champs trop petits ne lui permettaient pas de subvenir aux besoins de la famille. En 2005, elle a suivi son mari qui travaillait dans les chantiers de construction à Hà Nội. Elle a commencé par faire des ménages les premiers mois, mais ayant son enfant encore trop petit avec elle, elle ne pouvait pas habiter chez le patron, elle a donc changé de métier. Elle a rencontré des đồng nát et les a suivies. Elle s’est installée dans un dortoir proche du lieu de travail de son mari.
Elle vit toujours dans le village urbain de Ngoc Hà, dans un dortoir surpeuplé, pas loin de là où elle vivait à ses débuts. Elle a trois enfants, deux grandes filles qui sont déjà mariées et un garçon de 21 ans, tous restés à Thanh Hoá pour travailler. Sa fille aînée l’a suivie un moment pour pratiquer ce métier de đồng nát, mais cela ne lui a pas plu et elle est rentrée au village se marier au bout d’un an. Puis, elle a migré dans le Sud avec sa famille et est maintenant employée dans une entreprise, avec un salaire de 5 à 6 millions de VNĐ par mois. Son mari travaillait comme ouvrier dans la construction, mais il a dû arrêter suite à un accident de travail. Il est maintenant rentré au village où il s’occupe de leur champ, tandis qu’elle vit seule à Hà Nội.
Elle a plusieurs métiers. En fonction de la saison, elle retourne chez elle pour travailler dans sa rizière, mais maintenant elle y retourne moins, car son mari reste en permanence là-bas. Elle fait aussi des ménages et prend soin des malades à l’hôpital Việt Đức à la demande. Récemment, elle s’est occupée d’un patient âgé pendant plus d’un mois et a gagné le salaire très élevé de 11 millions de VNĐ. Cependant, elle préfère le métier de đồng nát, même si elle gagne moins (7 millions de VNĐ), car elle a plus de liberté. Elle ne dépend de personne, elle peut rentrer au village n’importe quand, alors que s’occuper des malades, c’est très fatigant. En fonction de la situation de chaque patient, certains peuvent dormir et d’autres non, il faut prendre soin d’eux jour et nuit, les aider à aller aux toilettes, etc. il n’y a pas de pause. Si elle commence un contrat, elle doit rester jusqu’au bout. Elle a mal dormi pendant toute cette période et a perdu 3 kg. Récemment, elle a été rappelée par la même patiente pour lui donner des soins à domicile, mais elle a refusé. Elle n’accepte désormais que des contrats pour une courte durée d’une à deux semaines.
39Certaines font plusieurs métiers à la fois ou ont eu un itinéraire professionnel riche, changeant de métiers plusieurs fois (ouvrière, vendeuse de vêtements, éleveuse de cochon, femme de ménage, plongeuse dans un restaurant). Dans le périurbain, elles ont moins d’offres de ménages et de services.
La pluriactivité pour pallier le caractère aléatoire du métier
40Carrie Mitchell (2008b) a évalué à 66 % la part des collectrices ayant un second emploi, comparé aux 22 % des hommes. Elles sont femmes de ménage chez des particuliers ou dans des bureaux. Ces emplois leur offrent des revenus supplémentaires, mais aussi un accès à d’autres sources de déchets (restaurants, bureaux et familles pour lesquelles elles travaillent). Telle madame Huong : « Je récupère les bouteilles et cannettes du restaurant où je fais la vaisselle à mi-temps, et je fouille le matin très tôt. Je ne ramasse que des choses dans la poubelle, et je n’achète pas ou ne récupère pas d’objets des habitants. Une fois, j’ai vu une casserole neuve dans la poubelle devant la porte qui avait été jetée par mégarde par le personnel du restaurant, je suis allée la chercher et j’ai appelé le patron pour la rendre. Il m’a remerciée et j’ai pu récupérer les déchets du restaurant. Je fais ce travail parce qu’il me convient. Chaque jour, je commence à 5 ou 6 h du matin, je ramasse des déchets dans la rue, puis à 8 h du matin je pars au restaurant pour débarrasser les tables et laver la vaisselle jusqu’à 14 h, et je peux récupérer les cannettes de bière et les déchets de la poubelle du restaurant. » (117).
41Certaines font plusieurs métiers à la fois ou ont eu un itinéraire professionnel riche, changeant de métiers plusieurs fois (ouvrière, vendeuse de vêtements, éleveuse de cochon, femme de ménage, plongeuse dans un restaurant). Dans le périurbain, elles ont moins d’offres de ménages et de services.
Une diversification des clients et des intermédiaires dans les KĐTM
42Avec la verticalisation et la modernisation de la ville, les đồng nát n’ont plus librement accès aux habitations comme dans les quartiers plus bas et anciens de Hà Nội où elles parcourent un itinéraire habituel, scandé par l’appel des clients fidèles ou qu’elles sollicitent grâce à leur chant. Dorénavant, elles doivent négocier l’entrée dans les tours et gated communities et doivent développer de nouvelles stratégies pour accéder aux gisements de déchets de la classe moyenne qui y réside. Se développer un réseau d’habitués composé d’habitants, de femmes de ménage et d’employés de bureau qui leur téléphonent devient essentiel (voir chapitre 9 et pages 153 à 156).
43Les gardiens sont les nouvelles parties prenantes que l’urbanisation a intégrés dans la gestion des déchets. Ils jouent le rôle d’intermédiaires entre les habitants des tours et les đồng nát, et leur permettent ou leur refusent l’accès aux bâtiments. Une đồng nát qui sillonne la KĐTM de Trung Hòa Nhân Chính raconte : « Lors des premières fois où je suis rentrée dans ce bâtiment, j’ai dû informer et demander la permission aux gardiens pour monter à tel étage, tel numéro d’appartement pour récupérer les déchets recyclables d’un client. De toute façon, maintenant, les caméras sont installées partout dans la majorité des bâtiments, donc s’il y a un problème, les gardiens peuvent reporter. Comment j’ai pu trouver des clients là-bas ? C’est par hasard que les gens me rencontrent dans la rue ou bien ils m’introduisent à d’autres clients. » (115). Il y a aussi des clients qui habitent près de leur lieu de travail, où les đồng nát ont leurs habitudes. Ils les contactent pour qu’elles aillent récupérer des déchets et matériaux.
44Chính, qui évolue du côté du complexe Vincom de Kim Ma, s’arrange parfois avec les gardiens pour passer devant les restaurants et les tours et stationner un court moment. Mais elle ne récupère pas les déchets recyclables du bâtiment et ne descend pas au sous-sol dans les garages où les femmes de ménage stockent les matériaux récupérés auprès des habitants. À l’extérieur, certains employés déposent des cartons pour les revendre, comme les gardiens, afin d’avoir un peu d’argent pour boire. Elle monte seulement le matin, lorsque les employés des restaurants du sixième étage l’appellent (116).
Les fouilleuses et les éboueurs récupèrent ce qu’il reste
Des marginalisés qui passent après les autres
45Il existe deux types de fouilleurs : ceux des villes et ceux des champs autour des grandes décharges. Dans son ouvrage sur les collecteurs de déchets, Digregorio (1994) étudie en parallèle les fouilleurs et les đồng nát. « Typiquement, les fouilleurs récupèrent des déchets dans les mini-décharges, les poubelles et sur les charrettes des éboueurs. Ils n’achètent pas aux habitants ou aux entreprises comme les collectrices des déchets. Ils sont remarquables avec les crochets qu’ils utilisent pour fouiller plus facilement. » Depuis 1994, du fait de l’augmentation des gisements de déchets de qualité, notamment les emballages, la distinction entre les fouilleurs et les đồng nát est plus marquée. Les décharges ont changé d’envergure et sont très éloignées de la ville. Cela n’empêche pas les fouilleurs de maintenir leur activité. Ils sont au plus bas de l’échelle des récupérateurs et sont vraiment en contact avec les déchets les plus sales.
46Il est difficile d’évaluer le nombre de fouilleurs, mais on les trouve principalement à côté des charrettes et mini-conteneurs mis en place par Urenco à l’entrée des ruelles, dans les quartiers denses et inaccessibles aux camions-poubelles. Dans ces quartiers, deux systèmes de ramassage sont effectués par cette société : 1) les éboueurs poussent leurs charrettes dans les rues, appellent les habitants en tapant avec deux morceaux de fer récupérés, telle une cloche, pour qu’ils leur apportent leurs sacs-poubelle. Dans certains quartiers populaires, ils passent dans l’après-midi et ne peuvent réceptionner que les ménages dont un membre ne travaille pas, les parents âgés ou les femmes au foyer ; 2) ceux qui ont raté le passage des éboueurs se débarrassent de leur sac-poubelle dans des bennes stationnées à l’entrée des ruelles accessibles aux camions. À cet endroit, on trouve de nombreux fouilleurs, itinérants ou stationnés.
Encadré 2. Fouille de déchets autour de l’université de Hà Nội en 1994
Des collecteurs et fouilleurs reliés par la parenté et le village
Une trentaine de fouilleurs et de collectrices de déchets travaillent dans les environs de l’université polytechnique de Hà Nội. Cette zone, bordée par la rue Bạch Mai à l’est et par une courbe de la rivière Set à l’ouest, est riche en déchets de haute qualité provenant de l’université, de ses dortoirs, d’un quartier commercial et de plusieurs zones d’habitation collective.
Un groupe de quinze fouilleurs et de collectrices arrive tous les jours à 6 h du matin. La majorité a moins de 20 ans et est de sexe féminin. Toutes les filles du groupe utilisent des crochets en fer et portent un panier à palanche. Les garçons utilisent également ces crochets, mais se déplacent à bicyclette et utilisent des sacs suspendus au guidon pour transporter les matériaux collectés.
La plupart des femmes, qui sont les sœurs, cousines et tantes des enfants, utilisent des crochets et des paniers, tout comme les filles. Certaines, cependant, qui travaillent en tant qu’acheteuses de matériaux recyclables, utilisent une balance et une sacoche.
Les quinze personnes sont réparties en trois groupes de parenté. Toutes viennent du même village du district de Xuân Thuy, dans la province de Nam Định. Ensemble, elles se sont arrangées pour partager l’espace autour d’un kiosque inutilisé accolé au mur du terrain de sport de l’université. Elles partagent cet espace avec un coiffeur et un réparateur de vélos.
Une activité très manuelle et divisée en plusieurs étapes
Entre 6 et 11 h du matin, les enfants fouillent les rues, les poubelles et les décharges temporaires du quartier. Ils reviennent périodiquement au kiosque, environ toutes les demi-heures, pour déposer leurs marchandises. Chaque groupe familial stocke sa récolte quotidienne dans de grands sacs attachés aux lampadaires.
Vers 11 h du matin, le groupe entier retourne au kiosque pour trier ses matériaux. Certains sont traités sur place : le plastique est séparé des morceaux de métal et les couvercles en aluminium des cannettes sont découpés.
Mais le gros des efforts est consacré au tri et à l’emballage. Le plastique va dans un sac, le verre dans un autre. La ferraille, le papier et le carton sont regroupés. Les morceaux de bois et de bambou, collectés pour servir de combustible de cuisson, sont attachés en paquets. Une femme, spécialisée dans les os, range sa collecte de la journée de 60 à 80 kg dans trois sacs. Deux seront accrochés de part et d’autre de son vélo et un sera posé sur le porte-bagages.
Après avoir pris le temps de se reposer et de socialiser, le groupe part vendre sa collecte dans les dépôts. Avant de quitter la zone du kiosque, l’une des jeunes filles balaie les débris sur le trottoir. Certains enfants s’attardent pour discuter, lire des magazines et manger des glaces achetées à un vendeur ambulant. Chaque groupe familial a son propre vélo pour le transport des matériaux jusqu’au marché. Lorsque les charges sont trop importantes, des jeunes filles portent sur leur tête des paniers de matériaux triés.
Le groupe fait un premier arrêt à Đại Cồ Việt, à environ un kilomètre du kiosque, où il vend de la ferraille, du calcin de verre et des bouteilles. Il se déplace ensuite au quartier Ô Chợ Dừa, où il vend du papier, du plastique et des os (Digregorio, 1994).
47Sylvie Fanchette raconte : « À l’entrée de ma ruelle, sur Đội Cấn, une femme d’un certain âge avait élu domicile à côté des bennes et y passait pratiquement toute la journée, guettant le moindre déchet valorisable que les habitants jetaient : toutes sortes d’objets en plastique (bouteilles, tabourets cassés…), cartons ou métaux. Parfois, elle perçait les sacs-poubelle et récupérait ce qu’elle pouvait. Durant la journée, elle était installée dans la ruelle, juste à côté d’un restaurant de Phở, et débitait les objets récupérés, les pliait, les triait et partait en général vers 4 ou 5 h vendre sa récolte aux bãi avec lesquels elle avait des liens. Seuls quelques dépôts achètent les déchets récupérés dans les poubelles, car ils sont considérés comme sales, souillés par les ordures organiques et à risque pour la famille qui vit dans le dépôt. Je la voyais parfois errer dans le quartier, poussant sa charrette remplie d’objets hétéroclites. Elle a disparu avec le confinement. »
48Les fouilleurs itinérants circulant à vélo sont reconnaissables à la grande boîte en polystyrène accrochée sur leur porte-bagages. Ils circulent entre les entrées de ruelles et fouillent systématiquement les bennes d’Urenco, s’arrêtant parfois au bord d’un trottoir où des habitants et des commerçants ont laissé des déchets de qualité ou leur sac-poubelle. Dans certains quartiers où il n’est pas possible d’installer des bennes à cause de la configuration du site, on autorise la population à laisser à partir de 18 h les sacs à ordure au bord des trottoirs, avant le passage des éboueurs de la tournée du soir. Là encore, les fouilleurs interviennent et percent les sacs en plastique pour récupérer les déchets valorisables. Ils hantent ainsi les rues la nuit et sillonnent la ville au moment où les charrettes des éboueurs stationnent pour que les camions-poubelles viennent charger. Ils passent après les éboueurs, qui récupèrent les déchets valorisables dans les bennes, et doivent négocier leur accès à ce gisement officiel.
49Les villageois qui fouillent la décharge de Nam Sơn (138) (139) viennent des villages de métier de récupérateurs, en lien avec les villages de recycleurs. Le complexe de traitement des déchets de Nam Sơn a été construit en 1999. Il est situé sur le territoire de troiscommunes, Nam Sơn, Bắc Sơn et Hồng Kỳ du district de Sóc Sơn, et mesure plus de 157 ha. La décharge a une capacité de 5 000 t par jour. Y sont enfouis les déchets ménagers de la province de Hà Nội, après la sélection des déchets les plus valorisables par les đồng nát, les éboueurs et les fouilleurs de la ville. Dans cette décharge, on dénombre environ 500 à 600 fouilleurs originaires des villages des alentours (Lai Sơn, Nam Lý…) qui officient dès 3 h ou 4 h du matin et jusqu’à 6 h. Durant cette période, chaque fouilleur peut collecter entre 200 et 300 kg de déchets, tout dépend de sa capacité. Ils s’intéressent essentiellement aux sacs en plastique ou en nylon pour l’emballage alimentaire (qui ne sont pas collectés par les đồng nát). Le papier et le carton collectés dans la décharge ne sont vendus que 1 000 VNĐ le kilogramme (parce que très humides) et sont moins rentables que le plastique. Certains récupèrent aussi du caoutchouc. Leur présence est tolérée car c’est une façon de diminuer le volume des déchets à enterrer ou incinérer. Les fouilleurs font directement un premier tri dans la décharge.
50La décharge est divisée en plusieurs zones gérées par les bưởng (le patron informel plus ou moins mafieux). Pour accéder à la décharge, le villageois doit payer une petite somme d’argent (environ 2 000 VNĐ pour « garder leurs vélos », plus d’autres frais). Chaque bưởng gère environ une centaine de personnes.
51Les fouilleurs gagnent entre quelques dizaines de milliers de VNĐ et jusqu’à 100 000 VNĐ par jour. Avant de vendre les déchets collectés à des intermédiaires qui vivent dans le village de Lai Sơn, commune de Nam Sơn, ils les trient à nouveau chez eux en fonction de l’apparence, de la couleur et de l’état, et les font sécher car ils sont très humides. Chaque type de déchet trié a un prix différent (il varie de 2 000 à 3 000 VNĐ par kilogramme). Les intermédiaires regroupent les matériaux de plusieurs ateliers pour vendre de plus gros volumes aux entreprises de recyclage.
52Dans le village, les fouilleurs sont en lien avec les intermédiaires qui s’occupent de la revente des déchets aux recycleurs des villages de métier, ou à d’autres intermédiaires des provinces des alentours (Vĩnh Phúc). Tel le cas d’un couple interrogé qui revend les sacs plastiques triés à une entreprise de la province de Hưng Yên, à Lạc Đạo, près de Minh Khai, pour la fabrication de granules, de sacs et de cordes en plastique. Ces commerçants font des allers et retours avec un camion de 3 t plusieurs fois par jour pour vendre ces matériaux (137). Du fait de l’éloignement de Hà Nội et des villages de recycleurs, les fouilleurs sont dépendants des intermédiaires qui peuvent imposer leurs prix.
53Les villages de fouilleurs s’adonnaient uniquement à l’agriculture avant l’installation de la décharge en 1999. Cependant, les foyers avaient de très petites parcelles de terre de faible qualité et ne pouvaient en vivre. Depuis lors, la plupart des ménages sont spécialisés dans la fouille de déchets, tout en maintenant leur petite parcelle pour la subsistance. En 2001, une étude dénombrait entre 500 et 900 fouilleurs pour 60 à 70 dépôts de déchets qui leur achetaient leur collecte (Ngo, 2001). Les jeunes cherchent plutôt à se faire embaucher dans les parcs industriels, très nombreux près de l’aéroport et dans le district de Đông Anh. Personne ne pratique le recyclage dans les alentours, sans doute en raison de leur faible capacité d’investissement.
Les éboueurs : trieurs non reconnus du secteur formel
54Il n’y a pas de tri à la source institutionnalisé au Việt Nam, mais les habitants trient d’eux-mêmes, soit pour vendre ou donner les déchets valorisables aux đồng nát, soit pour les donner aux éboueurs. Un grand nombre d’éboueurs d’Urenco récupèrent les déchets recyclables que les habitants leur apportent pendant leur tournée, et ceux qu’ils trient directement de leurs charrettes pour ensuite les déposer dans de grands sacs noirs et blancs accrochés à leur véhicule. Une fois leur tournée terminée, ils mettent leur charrette débordant d’ordures au parking où stationneront les camions-bennes. En attendant leur arrivée, ils trient et plient les déchets recyclables sur les trottoirs les plus larges du site. Devant une école primaire de l’arrondissement de Đống Đa, où il y a un grand espace pour trier des déchets, les éboueurs opèrent à partir de 8 h du soir. Une fois cette activité terminée, ils vont vendre leur récolte aux quelques bãi encore ouverts la nuit.
55Selon un éboueur rencontré en juin 2019, tous ne font pas ce travail de tri des déchets municipaux, seulement un petit groupe de travailleurs pour gagner un peu plus d’argent. Dans certaines rues, les đồng nát fouillent aussi ces bennes pour trouver des déchets recyclables à revendre. Si la plupart des éboueurs récupèrent au fur et à mesure de leur tournée des déchets, peu fouillent leur benne sur le site de stationnement, car ils n’ont pas beaucoup de temps entre la fin de la tournée et l’arrivée des camions-bennes.
56Une éboueuse jette, trie et entasse sur le trottoir tout ce qu’elle peut trouver dans les poubelles, et qu’elle ramasse dans les rues et ruelles des alentours : bouteilles en plastique, cannettes, cartons, papiers, ferraille, polystyrène, boîtes de conserve... Certains sacs qu’elle amène sont déjà triés, remplis uniquement de papier ou de sacs en plastique donnés par les habitants. Les éboueurs des environs viendront plus tard dans la soirée avec leurs chargements. Les camions-poubelle font deux tournées entre Hà Nội et la décharge de Nam Sơn pour récupérer la collecte des éboueurs en soirée. Une fois qu’ils ont vidé leurs charrettes, les éboueurs repartent faire une seconde tournée.
57Grâce aux déchets qu’ils trient et revendent ensuite au bãi, les éboueurs gagnent environ 100 000 VNĐ par jour en plus de leur salaire fixe, qui est faible (3 millions de VNĐ par mois). Une éboueuse rencontrée affirme amasser des déchets recyclables dans la zone bien définie par la société Urenco jusqu’à minuit environ pour aller les vendre aux bãi. Elle partage équitablement les bénéfices des déchets collectés dans la journée avec ses consœurs.
58Il y aurait un système propre à Urenco qui définit dans quelles rues on peut séparer et trier les déchets, ainsi que trois moments dans la journée, le matin, l’après-midi et le soir, pendant lesquels les éboueurs peuvent le faire, l’activité du soir étant la plus rentable. Le passage des camions serait de 17 h à minuit, selon les jours et les rues. Ce serait uniquement les « chefs » des éboueurs, les mieux placés, qui pourraient trier les déchets municipaux pour les revendre, ainsi que celles ou ceux qui « contrôlent » le travail des autres éboueurs. La police est au courant de cette activité qui occupe l’espace public. Un arrangement a été passé, permettant aux éboueurs d’utiliser seulement une certaine partie du trottoir à partir de 19 h. S’ils s’installent avant, ils devront payer une amende. La compagnie Urenco est également au courant de cette activité, car des employés viennent parfois vérifier leur travail. Ils ne reconnaissent pas cette activité comme « formelle », mais ils laissent faire, ils la tolèrent, car cela diminue le volume des déchets qui sont enfouis dans les décharges (Founier, 2019 et Berret, 2019).
59Un autre éboueur rencontré dans le district de Ba Đình récupère lui aussi les déchets recyclables. Il vient du même village que les đồng nát de Nam Định. L’homme pousse son chariot-poubelle dans les rues et récupère les déchets recyclables qu’il met dans de grands sacs en plastique, accrochés à la poignée de son véhicule. Au fur et à mesure de ses tournées, il entrepose tous ces déchets près de son vélo stationné à l’angle de la rue où les chariots attendent le camion-poubelle. Quand il a fini sa tournée, il met son chariot à côté de ceux de ses collègues et attend le camion-poubelle qui passe vers 20 h tous les jours. Il dit : « C’est du gâchis de jeter tous ces objets recyclables dans les poubelles. » La vente des déchets aux bãi du quartier lui rapporte entre 150 000 et 200 000 VNĐ par jour, en plus du salaire que lui donne Urenco, qui s’élève à 3 ou 4 millions de VNĐ par mois environ, et qui n’est pas suffisant.
Notes de bas de page
3 Nous développons la notion de « cluster » aux pages 51 à 53.
4 Les numéros d’entretiens sont entre parenthèses et renvoient à la liste en annexe des enquêtes utilisées pour la rédaction de cet ouvrage. Y sont mentionnés les noms des étudiants et chercheurs, la date, le lieu. Les noms des personnes enquêtées ne sont pas mentionnés par souci d’anonymat.
5 Un million de VNĐ valent 40 euros environ.
6 Notre échantillon de đồng nát enquêté est relativement faible et ne nous permet pas de généralité.
7 Le nom a été changé.
Auteurs
Stagiaire assistante de recherche de l’IRD (mai à août 2020).
Géographe, correspondante de la JEAI, directrice de recherche, IRD.
Stage de master d’urbanisme de mars à juillet 2016.
Stagiaire master 2 en géographie, université Paris-Sorbonne (trois mois en 2019).
Stagiaire master 2 en géographie, université Paris-Sorbonne (trois mois en 2019).
Stagiaire master 1 en sciences sociales, université Paris-Descartes (trois mois en 2018).
Stagiaire master 1 en sciences sociales, université Paris-Descartes (trois mois en 2018).
Stagiaire (janvier-mai 2020), université des sciences sociales et humaines, Hà Nội.
Doctorant (université de Paris et HAU) depuis 2017, bénéficiaire d’une bourse Arts de l’IRD, encadrement d’étudiants sur le terrain, thèse sur le recyclage dans les villages de métier.
Géographe et cartographe, ingénieure, Cessma, université Paris-Cité.
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