Chapitre 5. Une nouvelle géographie des médicaments
Les trajectoires des thérapies à base d’artémisinine
p. 133-151
Texte intégral
Introduction
1Alors que la géopolitique des médicaments a particulièrement étudié l’émergence d’un capitalisme de la copie dans les Suds depuis les années 1970, particulièrement en Inde et au Brésil (Chaudhuri, 2005 ; Cassier et Correa, 2003), je voudrais dans ce chapitre faire ressortir les trajectoires singulières des médicaments à base d’artémisinine qui furent découverts et initialement développés, industrialisés et testés en République populaire de Chine, au Vietnam également, dès le tout début des années 1970 et 1980. C’est du reste une des rares classes thérapeutiques de la biomédecine, sinon la seule, à avoir été inventée dans un pays dit « émergent », à l’époque le tiers-monde. La chimiste Tu Youyou, de l’Académie de médecine chinoise traditionnelle (Academy of Traditional Chinese Medicine), qui reçut le prix Nobel de médecine en 2015 pour la découverte de l’artémisinine en hybridant la pharmacopée traditionnelle et la chimie moderne, intitula sa conférence : « A gift from traditional chinese medicine to the world1 ». Ce que l’on sait moins, c’est que la CTA la plus utilisée dans le monde depuis son inscription dans la liste des médicaments essentiels de l’OMS en 2002, la combinaison artéméther et luméfantrine (AL)2, fut aussi une invention des chercheurs chinois qui déposèrent un des premiers brevets de médicament en Chine en 1990 avant d’établir un partenariat en 1991 avec Ciba-Geigy devenu Novartis, pour en faire un médicament mondial. Le chimiste Zhou Yiqing fut récompensé par l’Office européen des brevets et la Commission européenne en 2009 pour l’invention de la première combinaison thérapeutique à dose fixe à base d’artémisinine3.
2La mondialisation des médicaments à base d’artémisinine, entendons par là la duplication des inventions, la dissémination de l’industrie, la construction des marchés et des usages dans les pays impaludés, a ceci de singulier qu’elle ne fut pas entreprise et contrôlée par les institutions scientifiques et les firmes chinoises, mais par des multinationales (Novartis, Sanofi) et par l’intermédiation de l’OMS et de la santé humanitaire, en particulier Médecins sans frontières (Balkan et Corty, 2009). Le groupe de recherche Tropical Diseases Research (TDR), créé en 1975 par l’OMS, la Banque mondiale et le Pnud pour accélérer l’invention de nouvelles thérapies contre les maladies tropicales, et aussi pour pallier le retrait de la R&D des laboratoires internationaux pour ces pathologies, s’intéressa très tôt aux travaux des chercheurs chinois. TDR signa un premier accord de collaboration de recherche en septembre 1979 avec le Shangaï Institute of Materia Medica4. En décembre 1980, le secrétaire général de l’OMS Halfdan Mahler, qui inspira la liste des médicaments essentiels et la politique de santé primaire d’Alma-Ata, écrivit au ministre de la Santé et proposa l’organisation d’un séminaire du Malaria Chemotherapy Working Group (Chemal) autour de l’artémisinine. Ce séminaire se tint à Pékin en octobre 1981 ; il y fut décidé d’augmenter les moyens du programme de développement de l’artémisinine et de ses dérivés. En 1996, les pharmaciens de MSF relevèrent l’arrivée des dérivés de l’artémisinine, présentés comme le résultat de « l’analyse fortuite des pharmacopées traditionnelles » en Chine populaire (Trouiller, 1996). En 1999 et 2002, MSF publie deux articles remarqués dans le Jama (Pecoul et al., 1999) et dans le Lancet (Trouiller et al., 2002), qui soulignent le fait que les rares innovations dans le champ des maladies négligées (1 % de l’ensemble des molécules enregistrées entre 1975 et 1999) proviennent en grande partie des développements des dérivés de l’artémisinine. Les auteurs remarquent que ces nouveaux médicaments sont produits et enregistrés en Chine et commercialisés en Asie du Sud-Est et en Afrique, soit une géographie inhabituelle de l’invention, de la production et de la commercialisation des médicaments : « Bien que rares, des exemples d’enregistrements exclusivement dans des pays en développement existent – par exemple, les dérivés de l’artémisinine pour le paludisme développés et fabriqués en Chine. » (Trouiller et al., 2002 : 2188). En 1999, MSF crée le Drugs and Neglected Diseases Working Group (DNDWG), qui réunit des experts d’institutions scientifiques du Brésil, d’Inde, de Malaisie, de la Harvard School of Public Health, des pharmaciens de MSF, des membres de TDR, et qui s’engage dans le développement de deux nouvelles CTA à dose fixe, artésunate et amodiaquine (Asaq) en France, et artésunate et méfloquine (ASMQ) au Brésil (Cassier, 2008).
3Cette géographie inhabituelle de l’innovation thérapeutique, initiée en Chine, et qui implique de nombreuses institutions scientifiques et des firmes d’Asie du Sud-Est, d’Inde, du Brésil, également d’Afrique, s’explique par quelques faits saillants : 1) tout d’abord par l’appropriation publique et commune des composants de base de ces médicaments (l’artémisinine et les quatre dérivés dotés d’une utilité thérapeutique : dihydroartémisinine, artésunate, artéméther, artéether) développés en Chine à une époque où les brevets n’existaient pas, leur duplication et leur combinaison sont donc licites en tous lieux ; 2) ensuite par l’intermédiation de l’OMS et de MSF, qui mirent sur pied des partenariats public-privé impliquant des organisations du Nord et du Sud, des firmes propriétaires et des fabricants de génériques, pour supporter la R&D, la fabrication et la distribution de cette classe de médicaments destinée à des pays à bas et moyens revenus, particulièrement en Afrique. La géographie industrielle est très disséminée, la liste des entreprises pharmaceutiques productrices de médicaments à base d’artémisinine dressée par l’OMS en 2006 (41 firmes), puis en 2007 tant l’expansion était rapide (83 firmes, dont 67 produisant des monothérapies et 16 des CTA), montre une répartition sur plusieurs continents : en Asie (Chine, Inde, Malaisie, Pakistan, Vietnam), en Europe (Allemagne, Belgique, Danemark, France, Italie, Suisse), en Afrique (Cameroun, Ghana, Nigeria, République démocratique du Congo, Tanzanie). Cette dispersion de la production, qui comptait une forte majorité de compagnies de génériques, diminua avec la réduction de l’offre de monothérapies, recommandée par l’OMS et le Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme5, et la croissance de l’offre de CTA qui s’imposa progressivement sur les marchés subventionnés6. Cette dispersion de l’offre industrielle coexista avec une concentration de la valeur économique de ces produits appropriée par deux multinationales, Novartis qui vend le Coartem et Sanofi l’Asaq, jusqu’au début des années 2010, avant que les fabricants de génériques indiens et, dans une moindre mesure, chinois n’imposent leurs prix sur le marché des donateurs globaux7.
4Tandis que l’industrie des médicaments à base d’artémisinine se globalisait, la culture d’artemisia et l’industrie d’extraction de l’artémisinine naturelle restaient fortement concentrées en Chine et au Vietnam, malgré quelques essaimages en Afrique de l’Est et à Madagascar.
5J’étudierai dans ce chapitre quatre dispositifs de mondialisation des médicaments à base d’artémisinine : la 1re section analysera l’intermédiation de TDR pour organiser à la fois la mise aux normes internationales des usines chinoises et la mondialisation de ces nouvelles thérapies grâce à des accords avec des firmes étrangères ; la 2e section se focalisera sur la mondialisation de la combinaison la plus utilisée, artéméther et luméfantrine, grâce à un double partenariat entre Novartis et les inventeurs et producteurs chinois d’une part, entre Novartis et l’OMS d’autre part ; la 3e section étudiera l’alliance entre Drugs for Neglected Diseases Initiative (DNDI) et Sanofi pour inventer et mettre sur le marché l’Asaq (artésunate et amodiaquine), soit la CTA la plus vendue après AL (Artéméther-luméfantrine) ; la 4e section reviendra sur la fabrication des médicaments à base d’artémisinine en Afrique, qui est la principale région de consommation, mais où la production est limitée et destinée aux marchés locaux8.
La mondialisation d’une invention chinoise : l’intermédiation de Tropical Diseases Research
6Tropical Diseases Research fut créé par l’OMS en 1975 pour accélérer le développement d’innovations thérapeutiques pour les maladies tropicales dans un contexte de montée des résistances aux anciens traitements du paludisme et d’épuisement du modèle propriétaire qui consacre peu de ressources à ces pathologies. Ce programme utilise ses financements pour établir des partenariats de recherche et d’industrialisation entre gouvernements, académie et industrie (développement de technologies de fabrication et de formulation, essais cliniques, mise aux normes internationales des usines et des produits, etc.). Il affiche « la prééminence des intérêts publics9 », par le moyen de partenariats public-privé, et privilégie l’accessibilité des traitements pour les pays en développement. Sa gouvernance repose sur une représentation des pays receveurs autant que des pays donateurs et fait une place importante aux pays directement affectés par ces endémies. Dès 1975, TDR se dote d’un groupe dédié à la chimiothérapie de la malaria (Chemal).
Mettre les usines chinoises aux normes internationales
7Les archives de TDR montrent que l’OMS finance dès 1979 les premiers projets de recherche en Chine. Préoccupée par la montée des résistances aux traitements, l’OMS soutient les travaux des chercheurs chinois pour hâter le développement des technologies de deux dérivés prometteurs de l’artémisinine : l’artésunate et l’artéméther10. Si les institutions chinoises ont déjà industrialisé plusieurs médicaments à base d’artémisinine qui sont enregistrés en Chine, l’objectif de l’OMS est de mettre les laboratoires et les usines chinoises aux normes internationales. Wallace Peters, qui dirigea le comité sur les médicaments contre la malaria (Chemal), souligne le fossé entre les normes appliquées par la Chine et les normes internationales : « Du point de vue de la réglementation occidentale, les études chinoises sur la toxicité et l’efficacité présentaient de grandes lacunes… mais la Chine voulait que le médicament soit vendu et utilisé, et n’était pas à l’aise avec l’idée que TDR reprenne ce travail de développement. » (WHO, 2007). En mars 1982, TDR fait le constat du non-respect des normes de bonnes pratiques de fabrication (BPF) : « L’usine utilisée pour lyophiliser les préparations d’artésunate n’est pas conforme aux BPF11. » L’accord de recherche collaborative accordé par TDR vise précisément le « développement d’une formulation standardisée d’artésunate et d’artéméther12 » (juin 1982). Le récit publié par les inventeurs chinois sur la collaboration avec l’OMS souligne le travail de mise aux normes des usines chinoises (Jianfang, 2013 : 88-89). Entre 1979 et 1986, TDR finance plusieurs accords de recherche collaborative au Shanghai Institute of Materia Medica, à l’Institute of Materia Medica de Pékin et au Shanghai Research Institute of Pharmaceutical Industry. Les financements portent sur l’achat d’équipements scientifiques, le développement de nouveaux procédés de synthèse, de nouvelles techniques d’analyse des molécules. TDR subventionne également des stages des chercheurs chinois dans des laboratoires aux États-Unis et en Europe : « Le formulaire de demande de bourses de formation à la recherche pour ces deux personnes vous sera envoyé prochainement. » (Scientific Working Group on Malaria Chemotherapy, décembre 1979) ; « J’ai été invité à visiter les Pays-Bas par le professeur B. B. Bremer de l’université de Leyde » (Shanghai Institute of Materia Medica, 5 septembre 1980). Le même pharmacologue chinois se réjouit d’un contact avec Hoffman-La Roche : « Merci de m’avoir présenté M. Fernex […] Le département de méthode bioanalytique de Hoffman-La Roche New Jersey est très fort13. »
Disséminer l’invention chinoise dans les laboratoires pharmaceutiques du Nord
8Simultanément aux accords de recherche avec les laboratoires en Chine, TDR organise la dissémination des travaux sur l’artémisinine dans les laboratoires du Nord : « Le TDR a permis de faire participer des chercheurs hors de Chine à l’étude de l’artémisinine et de l’inscrire à l’ordre du jour de la recherche. » (Halfdan Mahler). TDR encourage le Walter Reed Army Institute à cultiver l’artemisia et à extraire de l’artémisinine dans le Mississippi. En 1986, le rapport du groupe de recherche sur la chimiothérapie contre la malaria de l’OMS fait état de deux sources de matières premières qu’il utilise pour ses propres développements : « l’acquisition de grandes quantités d’artémisinine pour la conversion en artéether a été facilitée par le don généreux d’un kilogramme d’artémisinine par le gouvernement chinois ; d’autres fournitures ont été obtenues à partir d’Artemisia annua cultivée dans le Mississippi, aux États-Unis14 ».
9TDR lance également en 1986 sa propre ligne de R&D sur un des dérivés de l’artémisinine, l’artéether, dont il confie l’industrialisation à une firme néerlandaise, Artecef. L’OMS dépose même un brevet sur cette molécule : les inventeurs de ce brevet sont membres du groupe de recherche Chemal, Arnold Brossi et Peter Buchs. Le brevet revendique une nouvelle synthèse de ce dérivé de l’artémisinine, ainsi qu’une composition pharmaceutique comprenant le produit de ce procédé et un excipient. L’introduction du brevet se réfère à un usage immémorial des extraits de l’artémisinine dans la « République de Chine », mais ne fait aucunement référence aux études des chercheurs chinois sur ce même dérivé, « dont l’extrait est utilisé comme préparation antipaludique en République de Chine depuis des siècles » (Brevet européen EP330520, 1988). Le récit des inventeurs chinois livre leur agacement : « Seulement deux ans plus tard, la Chine a découvert que l’OMS/TDR avait signé un accord avec la société ACF en Hollande pour développer le dérivé de l’éther. » (Jianfang, 2013 : 111).
10Au début des années 1990, Rhône-Poulenc signe un accord exclusif pour la distribution de l’artéméther injectable en Europe et dans les régions endémiques15 ; parallèlement, TDR échange avec Kunming Pharmaceutical Factory pour réaliser les études précliniques et cliniques du médicament et pour l’implantation des standards BPF dans l’usine chinoise16. TDR recrute deux sociétés de conseil pharmaceutique, anglaise et américaine, pour visiter l’usine de Kunming et produire des recommandations. Leurs audits convergent pour estimer que, si la nouvelle usine spécialement construite par les Chinois et les équipements industriels sont adéquats pour les normes BPF, il convient de faire porter l’effort sur l’amélioration des procédures de contrôle de la production et de la qualité, et notamment sur la documentation technique qui doit retracer fidèlement la production et les contrôles. Kunming s’avère très satisfaite de l’assistance reçue pour mettre sa nouvelle usine aux normes internationales. Les experts diligentés par l’OMS ont pu réaliser des visites approfondies de l’usine durant dix jours et sont réinvités par les Chinois. Des tensions apparaissent toutefois en 1991 lorsque l’OMS apprend que la Chine s’apprête à livrer 20 millions d’ampoules à la Birmanie avant que l’usine ne soit certifiée BPF et sans que l’OMS n’en ait été informée. L’OMS et Rhône-Poulenc signent un accord de R&D en 1993 pour accélérer l’enregistrement du médicament en Europe et dans tous les pays endémiques et d’y traiter les formes sévères de malaria. En contrepartie de la cession des données précliniques et cliniques qu’elle détient sur le produit développé, commercialisé sous le nom de Paluther, l’OMS impose à Rhône-Poulenc un prix différencié pour le secteur public et un encadrement du marketing de la firme et de l’indication thérapeutique pour les formes sévères de malaria. TDR est conscient que le prix fixé (2 USD l’ampoule) excède la solvabilité des pays africains : « Le secteur public africain peut supporter 10 cents par traitement, aussi, même si le produit est vendu à prix coûtant, il y a besoin du soutien financier d’un donateur. » (novembre 1992). En 1994, Rhône-Poulenc se plaint auprès de l’OMS que celle-ci décourage l’utilisation des médicaments à base d’artémisinine en Afrique17.
Quand les inventeurs chinois perdent le contrôle de leur invention
11L’OMS et particulièrement TDR jouent donc un rôle essentiel pour supporter l’essaimage des inventions chinoises et pour en faire des médicaments « globaux ». Si le statut de bien public des composants de base de ces médicaments favorise ce processus, il conduit aussi à une perte de contrôle des institutions chinoises sur leur exploitation industrielle par des firmes étrangères sur le marché mondial : « Notre erreur a été de ne pas réaliser que la publication de nos données faisait de ces informations une propriété publique, et qu’elles étaient perdues pour notre contrôle et nos revendications de propriété18. » (Jianfang, 2013). J’ai montré plus haut la tension entre l’OMS et les inventeurs chinois à propos du développement séparé de l’artéether entrepris par TDR à la fin des années 1980. Ce processus de désappropriation est aussi favorisé par la barrière des normes de fabrication et des études cliniques : « Il existe de nombreux intérêts commerciaux dans ce domaine de développement en dehors de la Chine… À moins que les problèmes de fabrication ne soient résolus, la Chine perdra son avantage concurrentiel au profit d’autres entreprises étrangères capables de fabriquer des produits certifiables à moindre coût. » (OMS/TDR, septembre 1992). D’où les actions financées par TDR pour implanter les normes BPF dans les usines chinoises. De fait, celles-ci ont assuré la production du Paluther pour Rhône-Poulenc et participent à une entreprise en joint-venture avec Novartis pour produire le Coartem.
12Les firmes chinoises ont enregistré jusqu’à aujourd’hui 26 % du nombre des médicaments à base d’artémisinine préqualifiés par l’OMS, tandis que les firmes indiennes en détiennent 50 %19. Toutefois, la part de marché des firmes chinoises est limitée : en 2012, les ventes de Guilin, le seul fabricant chinois préqualifié, représentaient 1 % du marché en valeur des donateurs globaux. À la même époque, les fabricants indiens capturaient 60 % du marché global des CTA20, ce qui s’explique notamment par l’obtention de certifications OMS plus précoces. En 2013, Guilin fournissait 5,5 % du marché de l’Asaq contre 90 % pour Sanofi21. En revanche, la Chine fournit une grande partie des principes actifs de ces médicaments, particulièrement l’artémisinine et l’arthéméther, y compris à l’Inde (Huang et al., 2016).
La mondialisation du Coartem : les accords entre Novartis, Citic et l’OMS
13La combinaison artéméther et luméfantrine (AL) occupe les trois quarts du marché mondial des CTA. Jusqu’en 2008, le Coartem, produit et commercialisé par Novartis, représentait 80 % du marché de la combinaison AL avant de tomber à 12 % en 2013, face aux génériques préqualifiés indiens. Or cette combinaison est une invention chinoise, développée, testée cliniquement et même brevetée en Chine en 1990. L’appropriation du marché par Novartis procède par deux accords principaux : l’un passé avec la China International Trust and Investment Corporation22 (Citic) en 1991, sans l’intermédiation de l’OMS, pour compléter les développements industriels et cliniques et les mettre aux normes internationales ; l’autre passé entre Novartis et l’OMS en 2001, à la demande de Novartis en 2000, dès lors que l’OMS figure comme point de passage obligé pour construire et même administrer ce marché.
L’accord entre les inventeurs chinois et Novartis
14L’inventeur du Coartem, Zhou Yiqing fut un des acteurs de la négociation avec Novartis. Il nous livre les justifications de cette coopération : « Aucune entreprise pharmaceutique chinoise n’était capable d’introduire ce médicament dans le reste du monde. Je me suis donc adressé au ministère des Sciences et de la Technologie, qui m’a présenté à la Citic, la seule entreprise d’État chinoise de l’époque qui était autorisée à traiter avec des investisseurs étrangers. Avec l’approbation de l’État et l’aide de Citic, nous avons été présentés à Novartis. » (WHO, 2009). Le chercheur chinois se félicite ensuite de la coopération industrielle nouée avec Novartis « en raison de leur professionnalisme et de leur empressement à coopérer ». L’accord de coopération consista notamment à réévaluer la combinaison thérapeutique selon les standards internationaux : « Novartis a demandé aux deux parties de répéter les études précliniques, les essais cliniques et un examen complet de toutes les données de recherche. La conclusion à laquelle nous sommes parvenus est que les données de nos expériences et études initiales coïncident avec les résultats des études répétées par une société de recherche internationale » (Jianfang, 2013 : 136). Le dossier d’enregistrement du Coartem déposé par Novartis, qui figure dans les archives de l’OMS, consiste en effet en un amalgame des données précliniques et cliniques chinoises et des données produites par la multinationale23. Rappelons que la combinaison AL fut enregistrée en Chine en 1992 et produite par deux firmes nationales, Kunming Pharmaceutical puis Zhejiang Xinchang Pharmaceutical Factory (Jianfang, 2013).
15Le premier brevet sur la combinaison AL est une copropriété de la Chine et de Ciba-Geigy : « En 1991, pour aider notre équipe à obtenir des brevets dans le monde entier, Novartis a établi un partenariat avec l’Institut de microbiologie et d’épidémiologie et Kunming Pharmaceutical Corporation, par le biais de Citic. Ensemble, nous avons codéveloppé Coartem. » (Zhou Yiqing, bulletin de l’OMS, 2009). Les sept inventeurs sont tous des chercheurs chinois avec Zhou Yiqing comme premier inventeur, et Ciba-Geigy et l’Institut de microbiologie et d’épidémiologie chinois en sont les déposants. L’extension internationale de ce brevet couvrait, jusqu’en 2011, 52 pays, dont 15 en Afrique (parmi lesquels l’Afrique du Sud, l’Égypte, le Kenya, le Maroc, le Nigeria, qui hébergent tous une production pharmaceutique locale). À noter que 17 pays africains où le Coartem est enregistré ne furent pas couverts par ce brevet (Bénin, Burkina, Côte d’Ivoire, Éthiopie, Sénégal, Gabon, Ghana, Guinée, Madagascar, Mali, Mauritanie, Mozambique, Niger, Tanzanie, Togo, Zanzibar, Zimbabwe). On pouvait donc licitement y produire ou y importer des versions génériques. Au cours des années 1990, Ciba-Geigy renforça son portefeuille de brevets et obtint des titres en pleine propriété, sans les institutions chinoises. En 1999, la firme suisse dépose un brevet sur les dérivés de la luméfantrine. Dans les années 2000, elle obtient les droits exclusifs du brevet du Coartem dispersible, développé en collaboration avec Medicines for Malaria Venture (MMV)24. En 2014, des inventeurs chinois ont breveté une nouvelle formulation de la combinaison : « préparation d’une émulsion grasse d’un composé d’artéméther et de benflumetol (ou de luméfantrine) pour injection, et application de celle-ci pour le traitement du paludisme25 ». Soit une forme de réappropriation de ce médicament (la couverture du brevet est toutefois limitée à la Chine).
L’accord entre Novartis et l’OMS pour distribuer le Coartem
16Au début de l’année 2000, Novartis fait une offre à l’OMS d’un Coartem pédiatrique à 1 USD dans les pays endémiques. La multinationale constate que fort peu de pays ont enregistré jusqu’ici le Coartem et que l’adoption de la combinaison thérapeutique dépendra de l’engagement de l’OMS : « Ce qui s’est passé, c’est que presque aucun gouvernement n’était intéressé par l’achat du médicament. Mais ensuite, l’OMS a changé sa politique et nous avons vu un changement de comportement et certains gouvernements, comme la Zambie par exemple, ont passé des commandes26. » (Daniel Vasella, PDG de Novartis, janvier 2007). De plus, l’OMS a refusé en 1999 l’inscription du Coartem dans sa liste de médicaments essentiels compte tenu de son prix élevé (4,5 USD) comparé aux antimalariques utilisés jusqu’ici. C’est aussi un nouveau médicament sur lequel on dispose de peu de retours quant à son utilisation. À la même période, l’OMS lance Roll Back Malaria27 avec l’idée de faire reculer le paludisme en Afrique.
17L’accord signé en mai 2001 entre l’OMS et Novartis vise à la fois à compléter les données cliniques d’utilisation du Coartem, à fixer la formation du prix, qui doit être sans profit lorsque le médicament est distribué dans le secteur public, et à mettre en place le marché. L’accord prévoit en premier lieu un essai clinique de phase 4 dans trois pays africains pour compléter les données d’observance, d’efficacité et de tolérance du Coartem. Les deux partenaires conviennent d’un régime de copropriété des données de cet essai, dont le financement est partagé. L’OMS, via TDR, va aussi collaborer avec Novartis à l’amélioration de l’emballage du médicament pour augmenter l’observance des patients. Ce travail de codéveloppement28 contribue à justifier le prix préférentiel du Coartem pour le secteur public, dès lors que des fonds publics ont été utilisés pour la R&D.
18Cette politique a été discutée lors d’un atelier commun de l’OMS et de l’OMC en avril 2001, au moment où le procès de Pretoria sur la loi sud-africaine des médicaments se dénouait (Cassier, 2002). Novartis, qui participait à cet atelier, exposa la stratégie différenciée de prix et de marketing adoptée par la firme pour développer la combinaison AL pour deux segments de marché : « Le représentant d’une société pharmaceutique décrit la façon dont un médicament contre la malaria, Coartem/Riamet, a été conçu, dès le début de la vie du produit, pour avoir un conditionnement, une marque, un enregistrement et un prix différents selon qu’il est destiné à des pays à revenus élevés ou bas29. » Une disposition de l’accord Novartis/OMS prévoit que l’OMS pourra diligenter des audits des coûts de production pour contrôler l’application de cette formulation de prix. Ce qui fut fait au début de l’année 2003 : l’audit conclut que le prix de 2,4 USD fixé par l’accord était inférieur au coût de production constaté de 3,20 USD établi par le cabinet Deloitte, sur la base des informations fournies par Novartis et sans visite de l’usine de production localisée en Chine30.
19L’un des points les plus importants de cet accord conduit à ce que ce soit l’OMS qui prenne en charge la construction et l’administration de ce marché : « L’OMS a accepté de vendre et de fournir le produit à des organismes du secteur public pour une distribution sans but lucratif31. » Du côté de la création de la demande, l’article 5 de l’accord prévoit que l’OMS examinera l’enregistrement de la combinaison AL dans sa liste de médicaments essentiels et son inscription dans ses recommandations de traitement du paludisme. Enregistrements qui favoriseront l’adoption de la nouvelle combinaison à dose fixe par les États des régions endémiques où les résistances à la chloroquine et à la sulfadoxine-pyriméthamine, molécules utilisées jusque-là, augmentent. Du côté de l’administration de ce marché, l’OMS met en place un mécanisme de collecte des ordres d’achat (Submission Form for Country Applying for Coartem). Une commission technique de cinq experts évalue les formulaires de demande d’achats. L’OMS n’avance pas les fonds pour ces achats, qui doivent être acquittés par avance par les États demandeurs. L’OMS fournit encore à Novartis des prévisions de demande pour les six prochains mois pour anticiper les investissements industriels.
20On peut donc avancer que cet accord forme et structure le marché des donateurs publics des CTA, alors que le Fonds mondial est en cours de création (l’accord OMS/Novartis intervient en mai 2001 ; le Fonds mondial est créé en 2002). De fait, l’OMS supporte le coût de création et d’administration de ce marché, en s’efforçant de ne pas être enrôlée dans le marketing de la firme : « L’OMS ne peut pas autoriser la publication de matériel qui donne une bonne image publique de Novartis32. » Le partenariat avec l’OMS et la création du Fonds mondial supportent l’engagement de Novartis sur un marché jugé peu rentable : « Dès le départ, Novartis était conscient que, dans les régions où le paludisme est endémique, il existe un marché limité au sens commercial du terme33. » La solvabilité, sinon la rentabilité, sera assurée par la croissance des interventions du Fonds mondial : « Nous fournissons Coartem au prix coûtant, mais nos efforts seraient vains sans l’aide financière du Fonds mondial qui permet aux gouvernements des pays où le paludisme est endémique d’acheter le médicament34. » (D. Vasella, PDG de Novartis, avril 2005). Novartis mobilisera le partenariat avec l’OMS pour s’afficher comme une « entreprise citoyenne » (document de l’entreprise évoquant le corporate citizenship35).
21Novartis ajoute une autre raison à ses investissements dans le développement du Coartem : « Il a ouvert la possibilité d’une coopération avec un groupe en Chine, ce qui, à l’époque, était nouveau et d’intérêt général36. » La géographie de la production du Coartem est divulguée par Novartis lors d’un meeting avec l’OMS en novembre 200437 : c’est l’usine possédée en joint-venture par Novartis et la Chine qui produit le dérivé artéméther ainsi que la combinaison AL à Pékin. L’usine a été certifiée aux normes BPF. En amont de cette usine, Novartis doit contractualiser avec des cultivateurs chinois pour la culture d’artemisia et avec des usines d’extraction de la matière première, l’artémisinine naturelle.
22Ce dispositif de production et de distribution du Coartem est mis à rude épreuve en 2004-2005 lorsqu’il s’avère que l’offre de traitements ne pourra pas répondre à la croissance de la demande des pays qui ont adopté la combinaison AL comme traitement de première ligne. Dès mai 2004, l’OMS alerte Novartis : « Les prévisions de l’OMS et l’analyse récente du Fonds mondial indiquent une probabilité de pénurie de produits en 2005, où environ 40 à 50 % de la demande ne sera pas satisfaite par Novartis, à moins que la capacité de production pour 2005 ne soit augmentée38. » (lettre de l’OMS à Novartis, 20 mai 2004). L’OMS presse Novartis de financer des usines d’extraction de l’artémisinine en Afrique. Pour répondre à la forte croissance de la demande (10 millions de traitements en 2004, 60 en 2005, 120 en 2006), Novartis décide en 2005 d’investir pour la construction d’une usine de grande capacité aux États-Unis39 et confie temporairement à une usine en Suisse la production du dérivé artéméther pour compléter la production chinoise. Novartis proposera de répercuter ses investissements de capacité sur le prix du Coartem, ce qui sera refusé par l’OMS.
23Face à cette pénurie de traitements, qui peut conduire certains États à douter de l’adoption des CTA, plusieurs lignes de critique se manifestent. La campagne pour l’accès aux médicaments essentiels de MSF mit en cause le retard d’investissement de la multinationale pour un programme qui ne lui rapportait pas de profit : « Nous avions beau depuis plusieurs mois tirer la sonnette d’alarme devant le risque de pénurie, Novartis n’y a guère prêté attention, car en réalité elle se désintéresse de ce traitement. Jamais Novartis ne se serait retrouvée dans une telle situation si ce médicament dégageait des bénéfices40. » (J. M. Kindermans, 23 novembre 2004). Une ONG suisse, la Déclaration de Berne41, met en cause « l’exclusivité » de l’accord qui lie Novartis et l’OMS, qui a échoué à assurer l’approvisionnement en CTA des pays africains42. Non seulement la firme suisse n’a pas anticipé la hausse des besoins de l’OMS, mais l’accord empêche l’organisation onusienne de s’approvisionner auprès d’autres producteurs de combinaisons à base d’artémisinine. La Déclaration de Berne souhaite que cette situation de monopole soit défaite, d’une part, grâce à l’achat d’autres CTA par l’OMS, d’autre part, par le renoncement de Novartis à son brevet dans les pays en développement. En mars 2005, l’OMS préconise l’ouverture du marché aux génériques : « Les niveaux de production actuels des CTA sont insuffisants pour répondre aux besoins actuels et il est urgent d’augmenter la production… Il n’y a également qu’un nombre limité de producteurs. La substitution générique et la stimulation de la production nationale de médicaments génériques de qualité devraient non seulement augmenter la production, mais aussi entraîner une baisse des prix grâce à la concurrence sur le marché43. »
24De fait, Novartis détient un monopole de droit et de fait sur la production de la combinaison AL et ainsi sur la seule CTA à dose fixe disponible à l’époque (l’Asaq de Sanofi arrivera seulement en 2007 sur le marché). C’est aussi la seule CTA préqualifiée disponible pour le marché des donateurs globaux. L’accord de 2001 rappelle les droits de propriété de Novartis, via le brevet en copropriété avec la Chine, et n’envisage aucunement le recours à des génériques. Toutefois, ce « marché public sous monopole » (Orsi et Zimmermann, 2015) va s’ouvrir sans conflit de brevet à l’issue de la crise de pénurie de 2005 : tout d’abord, l’OMS envisage dès 2003 l’ouverture aux génériques44 ; ensuite, Novartis, qui s’est engagée dans cet accord pour déployer une image « d’entreprise citoyenne » à l’issue de la crise majeure du procès de Pretoria de 2001, ne peut pas barrer la route aux génériques, même si ses brevets courent jusqu’en 2011. La multinationale a pris le soin de céder ses droits à la Chine, codétentrice du brevet, pour les pays les moins avancés (meeting WHO/Novartis, 26 novembre 200445). En 2005, elle annonce une baisse de son prix (2,15 USD), qu’elle justifie par la forte augmentation de l’échelle de production. Enfin, l’accord de 2001 a justement construit le Coartem comme un bien public mondial qui repose sur le marché des donateurs globaux. La défense du monopole est impossible. Si en 2008, Novartis détient encore 85 % du marché, en 2013, sa part s’est effondrée à 12 % et les fabricants indiens ont désormais la part du lion46.
L’invention et la mondialisation de l’Asaq : entre santé humanitaire et multinationale
25Au début des années 2000, l’intervention de la médecine humanitaire dans le champ de la R&D pharmaceutique via la création de DNDI conduit à une nouvelle géographie de l’innovation et de l’industrie des CTA (Cassier, 2008). En 2002, MSF reprend le projet de l’OMS de formuler deux nouvelles combinaisons à dose fixe, artésunate et amodiaquine, qui sera développée à Bordeaux en France, et artésunate et méfloquine, qui sera produite par le laboratoire public Farmanguinhos au Brésil47 (Kameda, 2014). Je me concentre ici sur le développement et l’industrialisation de l’Asaq, qui occupe environ un quart du marché des donateurs globaux selon Unitaid, derrière AL.
Inventer l’Asaq à Bordeaux
26Le consortium Fact48 confie le développement de la formulation de l’Asaq à l’université de Bordeaux, épaulée par une société de R&D essaimée de l’université, Ellipse Pharmaceuticals. Il faudra deux années aux chercheurs pour parvenir à mettre au point une formulation stable de la combinaison qui associe deux composants, artésunate et amodiaquine, qu’il est difficile de faire tenir ensemble. Bordeaux a bénéficié d’une technologie analytique élaborée par l’université Mahidol en Malaisie et qui travaille sur ces molécules depuis de nombreuses années : « On a eu le transfert de la méthode analytique par exemple entre la Malaisie et Bordeaux. C’est du transfert Sud-Nord. » (entretien, Pascal Millet, université de Bordeaux, juillet 2016). Les universités d’Oxford et de Bordeaux ont aidé des centres de recherche du Sénégal et du Burkina Faso pour les essais cliniques de l’Asaq.
27Une fois développée, la technologie a été transférée gratuitement à Sanofi pour son industrialisation. Il faut dire que Sanofi travaillait de son côté à une coformulation de l’Asaq, mais sans y consacrer les moyens suffisants et sans aboutir. Finalement, Sanofi se rapproche de l’université de Bordeaux et de DNDI en 2004, et la multinationale peut bénéficier de l’exploitation gratuite de la technologie, non brevetée, et jouir même d’une période d’exclusivité tant que le médicament n’aura pas été préqualifié par l’OMS (ce qui interviendra en 2008)49.
28L’invention, y compris les premiers essais cliniques, est donc portée par un « laboratoire pharmaceutique de R&D à but non lucratif » selon les mots d’Yves Champey, de MSF, et ensuite industrialisée par la multinationale. Celle-ci est contrainte d’adopter le modèle de bien public imposé par DNDI (Bompart et al., 2011). Ce modèle de bien public défendu par DNDI pour favoriser l’accès au médicament dans les pays à ressources limitées, est discuté par les inventeurs universitaires qui auraient souhaité déposer un brevet, ne serait-ce qu’à des fins de contrôle de la technologie. Il faut toutefois souligner que DNDI reste propriétaire des données du développement technologique et des essais cliniques qu’elle a financés et qu’elle a le pouvoir de décider de nouveaux transferts et de nouvelles productions, ce qui sera fait en Afrique de l’Est à partir de 2011. À la différence de l’accord conclu entre l’OMS et Novartis, l’accord conclu entre Sanofi et DNDI inscrit la stratégie de partage et d’essaimage de la technologie : « DNDI considère ses produits comme des biens publics. Elle ne souhaite pas tirer profit de ses nouveaux produits et veut partager les connaissances qu’elle crée en transférant les technologies à d’autres chercheurs et fabricants lorsque cela est nécessaire. » (Banerji et Pecoul, 2009). Mais c’est ici DNDI qui est l’inventeur et qui fixe la politique de propriété intellectuelle.
Industrialiser l’Asaq à Casablanca
29Sanofi décide d’implanter la production industrielle de l’Asaq dans une de ses filiales au Maroc et cette décision a un impact important sur l’industrie pharmaceutique du pays. Sanofi-Maphar, localisée à Casablanca, assemblait déjà au début des années 2000 l’association artésunate et amodiaquine sous forme de coblister. L’implantation de la technologie à dose fixe développée à Bordeaux fut entreprise à partir de 2004, avec l’assistance des inventeurs de Bordeaux (la société Bertin Pharmaceuticals). L’opération de transfert fut d’autant plus délicate que la technologie n’était pas issue de la R&D interne de Sanofi. L’implantation de la production de l’Asaq s’accompagna de plusieurs investissements concomitants dans l’usine de Casablanca : 1) modernisation des équipements : la technologie de l’Asaq supposait l’acquisition de nouvelles machines pour produire un médicament bicouche ; 2) création d’une plateforme logistique pour exporter le produit qui est destiné aux pays endémiques, principalement en Afrique ; 3) élever les standards de l’usine dans le but d’obtenir la préqualification de l’OMS. L’implantation de l’Asaq au Maroc s’inscrit dans la stratégie de Sanofi d’étendre son emprise sur des marchés considérés comme « émergents » par la multinationale et de produire à proximité des régions endémiques de l’Afrique subsaharienne (entretien, directeur de l’usine Sanofi-Maphar de Casablanca, mai 2016). Signalons que l’économie de cette production locale comporte des limites : 1) l’usine de Casablanca importe les principes actifs d’Inde pour l’amodiaquine, d’Italie pour l’artésunate, produit de manière semi-synthétique par Sanofi ; 2) les boîtes d’Asaq produites à Casablanca regagnent la France avant d’être réexpédiées vers les marchés africains, pour des raisons de consolidation financière au sein de la multinationale : « Le produit fini de l’Asaq n’a pas été distribué directement depuis le Maroc ; il a été transféré en France pour être ensuite distribué50. »
30En revanche, l’installation de la production de l’Asaq au Maroc a eu deux impacts locaux importants. En premier lieu, la reproduction d’une technologie aussi complexe que l’Asaq, qui supposait son transfert de Bordeaux à Casablanca, en passant par une société allemande de R&D qui fit les tests pré-industriels, a nécessité la création d’expertises et de savoirs industriels locaux, entre 2004 et 2008, jusqu’à la préqualification du médicament par l’OMS. Les équipes industrielles de Casablanca ont ensuite dû surmonter une véritable crise de production, en 2011-2012, au moment même où le Fonds mondial mettait en place un nouveau dispositif de marchés subventionnés, l’Affordable Medicine Facility malaria (AMFM), dont il sera question dans le chapitre suivant, et qui se traduisit par une forte croissance de la demande d’Asaq. Il fut nécessaire d’adapter le procédé de production pour résoudre des problèmes récurrents de sous-dosage de l’artésunate, qui généraient des rebuts et faisaient baisser le rendement à une époque où Sanofi était le seul fournisseur d’Asaq en combinaison à dose fixe. Les équipes de production et de développement de l’usine marocaine et du groupe en France, à Ambarès près de Bordeaux, furent mobilisées pendant de longs mois pour stabiliser le procédé et le produit : « La crise de 2011, ça nous a pris presque une année. » (entretien, ingénieure qualité, Casablanca, mai 2016). En second lieu, l’obtention de la préqualification de l’Asaq auprès de l’OMS, condition de sa commercialisation sur les marchés des donateurs globaux, a nécessité un important travail interne de documentation des opérations de production et de contrôle qualité, en collaboration étroite avec les services centraux de Sanofi à Paris. Ce travail de codification et d’enregistrement des données a fait évoluer la culture industrielle de l’usine selon le témoignage des cadres de Sanofi à Paris et à Casablanca. L’obtention de la préqualification de l’Asaq par l’usine de Casablanca participe également au progrès de la régulation pharmaceutique au Maroc – le pays s’est doté d’un centre de bioéquivalence en 2016 et la loi a promu la norme de bioéquivalence pour les médicaments génériques.
31Sanofi a bénéficié d’un monopole de fait sur le marché de la combinaison à dose fixe artésunate et amodiaquine jusqu’en 2013 : « En 2012, Sanofi représentait environ 98 % des volumes d’Asaq achetés. Entre juin et novembre 2012, six autres combinaisons à dose fixe d’Asaq ont été préqualifiées par deux fabricants (Ipca Laboratories Ltd et Guilin), mais ils représentent toujours une très petite part du marché51. » Sanofi a été protégée par la clause d’exclusivité temporaire que lui a accordée DNDI jusqu’en 2008, également par la publication tardive de la formulation développée à Bordeaux en 2011. Les fabricants indiens ont pu copier la technologie à partir de plusieurs sources : en faisant le reverse engineering des combinaisons commercialisées depuis 2007 ; ou en se référant à la publication de la technologie intervenue en 2011 dans la revue scientifique Malaria Journal ; ils ont enfin bénéficié d’une divulgation fortuite du procédé industriel lors d’une formation dispensée par l’OMS, selon la responsable paludisme de Sanofi (entretien, Paris, février 2016). Dans tous les cas, la concurrence des génériques indiens et chinois est très forte à partir de 2014. En 2015, la production de l’usine de Casablanca a diminué de moitié comparée à celle de 2013 : de 100 millions de traitements en 2013 à 50 millions en 2015 (Cassier, 2016). En 2017, Sanofi a cédé la majorité du capital de Maphar à un groupe de distribution pharmaceutique historique en Afrique, Eurapharma, filiale de CFAO52. On peut y voir à la fois une stratégie d’exportation accrue vers les marchés africains, et un retrait de Sanofi face à des taux de marge réduits comparés aux zones de haut profit de la multinationale (cancer et diabète).
Produire des médicaments à base d’artémisinine en Afrique ?
32Au début des années 2000, on observe l’émergence de plusieurs productions locales de médicaments à base d’artémisinine en Afrique, sous forme de monothérapies ou de combinaisons libres ou en coblister. Les listes de producteurs établies par l’OMS en 2006 et 2007, en vue d’encourager les industriels à se détourner des monothérapies pour produire des combinaisons, font apparaître des productions locales de génériques au Cameroun, au Ghana (trois firmes), au Nigeria, en Tanzanie, en République du Congo. Des firmes chinoises ont également établi des entreprises qui produisent des CTA (en Côte d’Ivoire par exemple pour produire AL). Il apparaît que les producteurs africains sont confrontés à plusieurs barrières : 1) une barrière technologique, particulièrement pour maîtriser la technologie de la combinaison à dose fixe artésunate et amodiaquine53 ; 2) la barrière des normes de certification des produits : aucune firme africaine n’a obtenu jusqu’ici de préqualification de l’OMS, ce qui confine leurs produits aux marchés locaux et les empêche d’atteindre les marchés des donateurs globaux54 ; 3) la concurrence des produits subventionnés qui furent diffusés sur les marchés privés via des dispositifs de financement comme l’AMFM au début des années 2010 a eu un effet d’éviction, au moins temporaire, des firmes locales (Pourraz, 2019). Il existe toutefois une production locale pour cette classe thérapeutique, qui est destinée aux marchés locaux et régionaux (voir chapitre 6).
33Je souhaite me concentrer ici sur la trajectoire singulière de la technologie de l’Asaq que DNDI a décidé de transférer à un laboratoire implanté en Tanzanie, Zenufa. Dès que la production de Sanofi fut installée et certifiée par l’OMS, en 2009, DNDI s’engagea dans un processus de transfert de technologie vers un autre producteur en Afrique. Il s’agissait pour la fondation de garantir l’ouverture du marché, de répartir la production au plus près des régions endémiques, et de sécuriser les approvisionnements. Entre 2009 et 2011, DNDI commanda une étude d’évaluation des capacités de production de plusieurs laboratoires en Afrique. Après avoir envisagé un accord avec une firme du Nigeria, qui intéressait initialement Sanofi, DNDI opta pour une firme de la République démocratique du Congo implantée en Tanzanie, le groupe Zenufa55. Sanofi fut dès lors exclue du processus de transfert et les responsables de l’usine de Casablanca l’identifient aujourd’hui comme un nouveau concurrent potentiel. Potentiel, car l’usine de Tanzanie a seulement engagé la procédure de préqualification auprès de l’OMS en juillet 2016 et n’est toujours pas inscrite sur la liste des combinaisons préqualifiées. Cette opération de transfert n’en est pas moins remarquable : 1) la fondation DNDI a scrupuleusement suivi sa politique d’exploitation non exclusive de son invention et d’encouragement de la production locale en Afrique ; 2) si la technologie n’a pas été brevetée, la fondation qui a coordonné la R&D n’en détient pas moins et contrôle les données technologiques et cliniques des travaux de développement, données qu’elle a transmises à Zenufa pour déposer les dossiers d’enregistrement de l’Asaq ; 3) ce sont les inventeurs de la technologie en 2002 et 2003 à Bordeaux qui ont assuré les opérations de transfert de la technologie en Tanzanie : ils se sont rendus pas moins de onze fois chez Zenufa pour apprendre la technologie aux opérateurs, surveiller l’achat et la mise en place des machines, réaliser les tests des premiers lots : « Il fallait travailler pas mal à la fois les Good Manufacturing Practices [GMP], notre référentiel qualité, à la fois sur la technologie et surtout la documentation ; tout ce qui est documentation, traçabilité, ça on les a pas mal aidés à ce niveau-là. » (entretien avec une pharmacienne de la société Bertin Pharma, juillet 2016) ; 4) davantage que d’un transfert de technologie, il s’agit d’une véritable recréation industrielle de l’usine – achat de nouvelles machines, introduction de la technologie bicouche, formation de techniciens et d’opérateurs, mise en place de la documentation des données de production, etc., dans un contexte où le turnover des techniciens souvent indiens qui assurent le management est élevé ; 5) en octobre 2016, quelques mois après le dépôt du dossier de préqualification de l’Asaq, le groupe Zenufa a été racheté par un fonds d’investissement très implanté en Afrique de l’Est, Catalyst, ce qui ajoute de l’incertitude à ce projet. Si l’OMS acceptait le dossier de préqualification de l’Asaq de Zenufa, ce serait la première usine de Tanzanie à obtenir ce standard international56.
Conclusion
34La géographie de l’innovation et de l’industrie des médicaments à base d’artémisinine est singulièrement distribuée dès lors qu’elle fut originellement développée en Chine puis mondialisée par l’intermédiation de l’OMS, de la médecine humanitaire et des multinationales de la pharmacie, en l’occurrence Novartis et Sanofi. La dissémination a été favorisée par le statut de biens publics et communs des molécules de base qu’il était licite de dupliquer et de combiner : d’où la dispersion des firmes productrices et la multiplicité des produits que l’OMS tente de rationaliser au début des années 2000 pour écarter les monothérapies, sources potentielles de résistance, et pour recommander la production de combinaisons de plus en plus à dose fixe. La revendication de brevets sur la première combinaison à dose fixe, artéméther et luméfantrine, d’abord en Chine en 1990, puis à l’échelle internationale par le jeu d’une copropriété entre Ciba-Geigy et la Chine en 1991, n’a pas empêché l’ouverture du marché en 2005, quand les capacités de production de Novartis se sont révélées insuffisantes. Les droits exclusifs ne pouvaient barrer la route aux génériques dès lors que ces médicaments avaient été construits comme des biens publics mondiaux. Plus généralement, les monopoles commerciaux de Novartis et de Sanofi sont tombés face à la concurrence par les prix des grands génériqueurs indiens certifiés.
35Si les inventeurs chinois ont perdu le contrôle de leurs inventions qui n’avaient pas été brevetées et en raison de la barrière des normes qui les séparait des marchés mondiaux, les chercheurs et les industriels chinois ont continué à jouer un rôle important : une partie de la production du Coartem de Novartis était localisée à Pékin ; les usines chinoises représentent une part prédominante de la production de principes actifs (85 % du marché mondial, principalement de l’artémisinine et de l’artéméther)57 : 85 à 90 % de la capacité d’extraction de l’artémisinine naturelle sont localisés en Chine58. La Chine a défendu l’économie de l’artémisinine naturelle face au marché de l’artémisinine semi-synthétique développée par la Fondation Bill et Melinda Gates et Sanofi, qui a revendu son usine ; les chercheurs chinois ont continué à développer de nouvelles CTA comme dihydroartémisinine-pipéraquine ; enfin, les produits chinois préqualifiés représentent le quart des produits certifiés par l’OMS et la part de marché des produits pharmaceutiques finis chinois, très limitée au début des années 2010, tend à croître (Huang et al., 2016).
36Si le continent africain est le principal destinataire de cette classe thérapeutique, sa production locale, modeste, demeure déconnectée des marchés internationaux. Le transfert de technologie organisée par DNDI en Tanzanie montre les possibilités d’élever les standards industriels d’une usine en Afrique pour un coût de transfert très modeste59. Le plan de coopération sino-africain 2019-2021 prévoit d’ailleurs des transferts de technologie pharmaceutique.
Notes de bas de page
1 Tu Youyou, Institute of Chinese Materia Medica, China Academy of Chinese Medical Sciences, Beijing, China. Nobel lecture, 31 pages. https://www.nobelprize.org/uploads/2018/06/tu-lecture.pdf
2 AL représente encore aujourd’hui 75 % du marché (Unitaid, 2015 – Malaria medicines landscape. Genève, World Health Organization).
3 « Non-European countries: Zhou Yiqing (China) for his antimalaria drug based on a herbal agent, which has been instrumental in saving hundreds of thousands of lives » (European Inventors of the Year, 2009).
4 Archives TDR T16-181-M2-61, OMS Genève.
5 Le Fonds mondial contre le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme fut créé en 2002 à l’initiative de l’ONU pour collecter des fonds permettant de financer la lutte contre ces maladies. Il ne s’agit pas d’une agence de l’ONU, mais d’une fondation à but non lucratif, qui travaille en relation étroite avec l’OMS. Ses fonds proviennent à 93 % de subventions gouvernementales et pour les 7 % restants de fondations privées et de l’industrie.
6 Unitaid, 2015 – Malaria medicines landscape. Genève, World Health Organization.
7 Le chapitre 6 revient sur ce mouvement de substitution des médicaments princeps de Novartis et Sanofi par les génériques indiens.
8 Voir le chapitre sur la méthodologie pour la collecte des matériaux utilisés dans ce chapitre.
9 Making a difference: 30 years of Research and Capacity Building in Tropical Diseases, WHO, 2007.
10 Cette coopération est documentée à la fois dans les archives de TDR à l’OMS et dans un ouvrage édité par les inventeurs chinois (Zhang Jianfang) et traduit par Keith Arnold, qui fut un des premiers chercheurs occidentaux à s’intéresser à l’artémisinine pour le compte de la Fondation Roche.
11 Archives TDR T16-181-M2-83.
12 Ibid.
13 Archives TDR T16-181-M2-61.
14 « The Development of artemisinin and its derivatives ». Report of the Scientific Working Group on the Chemotherapy of Malaria, Genève, 6-7 octobre 1986, 30 p.
15 La forme injectable d’artéméther a été testée en Chine dès 1978 et autorisée pour la production à partir de 1987. Kunming Pharmaceutical commercialise toujours aujourd’hui cette formulation sous la marque Artem.
16 Archives TDR M20-372-5.
17 On rejoint ici la controverse soulevée par MSF à propos du retard des recommandations de l’OMS pour l’introduction des médicaments à base d’artémisinine en Afrique (Balkan et Corty, 2009). Jusqu’au début des années 2000, l’OMS souligne la barrière des prix face au déploiement de ces nouveaux médicaments en Afrique : « Le coût sensiblement plus élevé des CTA est probablement le principal obstacle à la mise en œuvre de cette stratégie, notamment en Afrique subsaharienne. En tant que mesure de santé publique, les subventions pourraient être justifiées, mais il faut s’assurer que les mécanismes financiers seront durables. » (WHO, 2001).
18 Dans la dernière période, des juristes chinois défendent la prise de brevets sur des composés isolés issus de la médecine traditionnelle chinoise, qui permet de contrôler les inventions et aussi d’organiser des retours de royalties vers les sources à l’origine de ces brevets (Xiating, 2011).
19 Voir liste des médicaments préqualifiés pour la malaria, OMS, 2020.
20 Unitaid, 2015 – Malaria medicines landscape. Genève, World Health Organization.
21 Ibid.
22 Entreprise publique créée en 1979.
23 On retrouve le même amalgame des données cliniques chinoises et des données de Rhône-Poulenc pour l’enregistrement du Paluther.
24 MMV fut créé en 1999 par les fonds destinés au développement de la Suisse, de la Grande-Bretagne, de l’Allemagne, associés aux financements de la Banque mondiale et de la Fondation Rockefeller. L’action de MMV prend d’une certaine manière le relais de TDR pour le développement et l’industrialisation de nouveaux antipaludéens, via des partenariats de développement de produits entre académie et industrie. Depuis 2015, MMV gère également aujourd’hui les deux CTA inventées par DNDI : Asaq et ASMQ.
25 Brevet WO2014/180011A1, déposé par Xi’an Libang Pharmaceutical Co. Ltd.
26 Archives RBM M50 372-3, OMS, Genève.
27 Consortium visant à coordonner les actions de santé publique et communautaire pour combattre le paludisme. Il fut créé en 1999 à l’initiative de l’OMS, de la Banque mondiale, du Pnud et de l’Unicef. Il fédère des partenaires très hétérogènes : gouvernements, multinationales, fabricants de génériques, associations, universités, fondations, etc.
28 M50 372-3. Memorandum of Understanding entre Novartis Pharma et l’OMS, 23 mai 2001, article 2 : Collaborative development work.
29 Rapport de l’atelier sur la fixation différenciée des prix et sur le financement des médicaments essentiels, secrétariats de l’OMS et de l’OMC, ministère norvégien des Affaires étrangères, Conseil mondial de la santé, 8-11 avril 2001 : 16.
30 Archives RBM M50-370-21.
31 M50 372-3. Memorandum of Understanding entre Novartis Pharma et l’OMS, 23 mai 2001.
32 M50 372-3. Lettre de Roll Back Malaria du 26 avril 2002.
33 M50 372-3. Questionnaire sur le partenariat OMS/Novartis, 6 octobre 2002.
34 Novartis : New Study Finds Coartem (Artemether-Lumefantrine) is the Most Effective Malaria Treatment in Areas of High Resistance to Conventional Antimalarials, Novartis, 26 avril 2005.
35 M50 372-3: WHO: Clearance of documents submitted by Novartis, 25 septembre 2003.
36 Yale Initiative on Public-Private Partnerships for Health, 6 octobre 2002, M 50 372-3.
37 Coartem Demand and Supply Planning Meeting, 26 novembre 2004, Novartis Pharma Basel, M50 372-3 et M2 441-84.
38 Archives M50-370-21.
39 WHO & Novartis meeting on Coartem, 31 août 2005.
40 « Un médicament antipaludisme qui marche mais qui manque », Libération, 2 décembre 2004.
41 La Déclaration de Berne a été fondée en 1968 avec l’idée d’instaurer des relations plus équitables entre la Suisse et les pays en développement. Depuis 2016, la Déclaration de Berne a changé de nom pour devenir Public Eye. https://www.publiceye.ch/en/media-corner/press-releases/detail/berne-declaration-becomes-public-eye
42 Déclaration de Berne : « Les pays africains font les frais de l’accord problématique de Novartis avec l’OMS », 25 avril 2005.
43 Malaria Control to Day, WHO, mars 2005 : 26.
44 Improving the affordability and financing of ACTs, WHO, 2003.
45 Archives M50-372-3.
46 Unitaid, 2015 – Malaria medicines landscape. Genève, World Health Organization.
47 Cette technologie brésilienne sera ensuite transférée à Cipla en Inde.
48 Le consortium Fact (Fixed-Dose Artesunate Combination Therapies) fut mis en place en 2002. Son coordinateur fut Jean-René Kiechel, ex-cadre de l’industrie pharmaceutique devenu chef de projet à DNDI.
49 Sanofi commercialisera l’Asaq sous deux marques : l’une destinée aux marchés publics, l’Asaq Winthrop, selon un prix fixé par l’accord (1 USD pour les adultes et 0,5 USD pour les enfants), l’autre, le Coarsucam, pour les marchés privés, avec un prix libre. Le marché privé s’est vite refermé et Sanofi a arrêté la production de Coarsucam.
50 WHO Public Inspection Report, Maphar Laboratories, Maroc, novembre 2016, 12 pages.
51 Unitaid, 2015 – Malaria medicines landscape. Genève, World Health Organization.
52 Il est aussi question de cette société dans les chapitres 1 et 2.
53 La crise de l’Asaq qui intervient au Ghana en 2004-2005 est bien documentée dans la thèse de Pourraz, 2019.
54 « Le Kenya est également un pays qui produit de l’Artemisia et de l’artémisinine, mais les normes de préqualification strictes de l’OMS l’empêchent de fabriquer localement les CAT préqualifiées. » Health Minister, Artemisin Conference, Nairobi, 14-16 janvier 2013. Trois fabricants implantés au Kenya ont toutefois enregistré huit ARV préqualifiés.
55 Zenufa est présenté dans Tibandebage et al., 2016.
56 Sur le continent africain, sept firmes ont enregistré dix-sept médicaments préqualifiés par l’OMS (dont Maphar au Maroc pour trois formulations de l’Asaq). Les autres firmes sont localisées au Kenya, en Égypte et en Afrique du Sud.
57 L’Inde et l’Amérique du Nord sont les principaux importateurs d’Active Pharmaceutical Ingredients (API) chinois dérivés de l’artémisinine (Huang et al., 2016).
58 Unitaid, 2015 – Malaria medicines landscape. Genève, World Health Organization.
59 Jean-René Kiechel, coordinateur du projet Fact pour DNDI, m’a indiqué en 2019 un coût total de transfert de 2,5 millions USD.
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Des marchés pharmaceutiques en mutation dans les Suds
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