Chapitre 2
Les dimensions intrafamiliales du rapport à la terre
p. 93-176
Remerciements
Nous remercions Gérard Béaur, Jean-Pierre Jacob, Philippe Lavigne Delville, Pierre-Yves Le Meur, Éric Léonard et tout particulièrement Pauline Peters pour leurs apports à l’amélioration de ce texte. Nous restons responsables des imperfections qui demeurent.
Texte intégral
Introduction
1Les rapports au sein de la famille et du réseau de parenté relativement au contenu des droits fonciers, de leur distribution, de leur transférabilité et de leur sécurisation constituent une dimension centrale des questions foncières. Ils ont des incidences majeures sur les usages productifs de la terre, ou encore sur les tensions et conflits autour du foncier qui peuvent se manifester à différentes échelles (cf. chap. 6 et 8). Ces rapports renvoient à des logiques tant productives que patrimoniales, en rapport avec le cycle familial et les perspectives de transmission de la terre. Ils éclairent les transferts intrafamiliaux de droits sur la terre, transferts généralement non marchands mais aussi parfois marchands, et leur évolution au regard des dynamiques démographiques (y compris migratoires), productives, et plus largement économiques et politiques. La prise en compte des rapports et jeux d’acteurs au sein des groupes familiaux permet aussi d’aborder deux questions essentielles en termes de développement et de paix sociale. D’abord, l’accès aux droits fonciers et à la terre des femmes et des jeunes (sur la différence entre droits et accès, cf. chap. 1), même si cet accès ne s’organise pas exclusivement dans le cadre intrafamilal. Ensuite, un autre champ majeur de questionnement, qui renverse dans une perspective symétrique le jeu des variables à expliquer, appréhende l’incidence des dimensions foncières (disponibilité, possession, usage) sur la structure et la dynamique des unités familiales1. « Lire » les pratiques foncières avec un focus intrafamilial fait ainsi sens au regard des questions les plus diverses, dans les contextes les plus variés.
2Traiter de questions intrafamiliales à travers des recherches empiriques présente un certain nombre de difficultés. On en soulignera ici deux principales (cf. chap. 5). La première, conceptuelle, est l’identification des unités sociales d’observation et d’analyse pertinentes. Dans l’acception commune, la famille correspond à l’unité conjugale ou au ménage (éventuellement polygame). Il existe pourtant une grande diversité d’organisations familiales, et la circulation des terres met très souvent en jeu des groupes de descendance, d’étendue variable mais qui dépassent le seul ménage. La seconde difficulté est d’ordre méthodologique et renvoie à l’accès à l’information, par rapport à des situations mouvantes (mobilité des acteurs en particulier), au rôle joué par des non-résidents sur le site d’enquête (ayants droit résidant en ville ou exploitant d’autres terres), à la nécessité d’observations fines pour capturer de façon satisfaisante les flux fonciers, de travail, de produits, financiers, etc., au sein des groupes familiaux.
3Ce chapitre, qui mobilise le cadre conceptuel proposé dans le chapitre 1, est organisé en quatre parties. La première porte sur une question fondamentale pour notre sujet, celle de la caractérisation des unités d’observation et d’analyse, et propose une brève discussion des concepts de famille, de ménage, de groupe domestique et de groupe de descendance. La deuxième a pour objet les droits et obligations autour de la terre, en lien avec le cycle de développement du groupe familial. Elle apporte un éclairage sur les transferts fonciers intrafamiliaux, sur les relations d’alliance et de descendance dans l’accès à la terre, sur la place du foncier dans l’organisation productive familiale. La troisième partie traite des droits et obligations au sein de la famille autour du foncier dans une perspective de changement institutionnel (au sens de changements dans les règles du jeu) : évolution dans les pratiques de transmission de la terre, individualisation des droits au sein du groupe familial, clientélisation des relations intrafamiliales. Elle invite à se départir de toute perspective évolutionniste et/ou mécanique dans l’analyse des changements dans l’organisation intrafamiliale des droits sur la terre. La dernière partie propose une lecture intrafamiliale de thèmes majeurs, abordés dans d’autres chapitres de cet ouvrage : usage productif de la terre, marchés fonciers, conflits fonciers, politiques publiques. La dimension « genre » de l’intrafamilial est quant à elle traitée de façon longitudinale au long du chapitre, et de façon plus spécifique en fin de texte.
Les unités d’observation et d’analyse
Famille et ménage
4La famille est fréquemment assimilée au ménage, au sens d’unité de résidence, de décision, de production, de consommation – ce que l’on désigne par « conception unitaire du ménage ». Une telle conception est réductrice dans de nombreux contextes. Elle ignore le fait que les relations autour du contrôle des ressources productives (la terre en premier lieu), de leur valorisation, du contrôle de la production, de la dévolution des biens sont loin de s’inscrire systématiquement dans le cadre des frontières du ménage (Ancey, 1975 ; Gastellu, 1980 ; Guyer, 1981 ; O’Laughlin, 2013 ; Peters, 2019). Les droits et les devoirs relatifs à la terre peuvent ainsi être définis, le cas échéant, en dehors du ménage, dans un spectre plus large de rapports familiaux. Cette conception ignore par ailleurs le fait que les conjoints (et plus largement les membres du groupe familial) peuvent contrôler et gérer séparément certaines ressources et leurs produits, et que le maintien de réseaux d’obligations et de soutien mutuels entre parents est indépendant de la corésidence2. Notons que les études sur le genre fondées sur une conception unitaire du ménage proposent des analyses construites selon le sexe du chef de ménage, ce qui conduit à ignorer le rôle des femmes dans les ménages dont les responsables sont des hommes (Quisumbing et al., 2014).
5Gastellu (1980) suggère de rechercher non l’unité opératoire unique, mais différentes unités, qui peuvent ou non se confondre : unités de résidence, de production, de consommation, d’accumulation3,4. Guyer et Peters (1987) proposent d’envisager ces unités non seulement comme des unités économiques, mais aussi comme des groupes d’appartenance. Elles distinguent : (1) les appartenances « imbriquées » (overlapping membership), lorsque tous les membres d’une unité de base n’appartiennent pas à une même unité englobante (par exemple, lorsque les membres d’une même unité de résidence appartiennent à des lignages5 différents, ce qui peut conditionner leur accès aux ressources productives) ; et (2) les appartenances « gigognes » (nesting membership), lorsque chaque unité de base est incluse dans une unité englobante (par exemple lorsqu’une épouse dispose d’une parcelle propre sur les terres de son mari, ou lorsqu’un chef de lignage a les droits d’administration sur l’ensemble des terres cultivées par des unités d’exploitation distinctes rattachées par la parenté au lignage).
6Dès lors que l’on reconnaît une possible autonomie des sphères de décision et d’activité des individus au sein des unités sociales de base, relativement à l’allocation des ressources (terre et travail en particulier) et à l’usage des revenus, ces unités peuvent être conceptualisées comme des lieux de conflit et de coopération, d’autonomie et d’interdépendance (Carter et Katz, 1997)6. L’allocation intrafamiliale des ressources est ainsi potentiellement modifiée par tout changement dans les capacités de négociation au sein de la famille induit par de nouvelles opportunités (un projet de développement productif ou d’enregistrement des droits fonciers, une filière migratoire, etc.) ou un changement de statut (mariage, divorce, par exemple). Cette analyse en termes de recomposition des termes des rapports intrafamiliaux permet d’établir un lien entre l’évolution dans l’environnement économique et institutionnel et la gestion des ressources au sein de la famille.
7Nous privilégions, dans ce texte, le concept de famille, au sens d’individus apparentés par la filiation (descent, en anglais) ou l’alliance (affinity), sans préjuger d’une résidence commune postulée dans la définition usuelle du ménage – des membres de la famille peuvent être absents, mais jouer un rôle déterminant dans le jeu foncier intrafamilial. Ce choix n’exclut pas la reconnaissance de l’importance croissante indéniable du ménage dans l’organisation sociale des milieux ruraux dans les pays du Sud (Netting et al., 1984 ; Jackson, 2003). Plus que de la « famille » (qui forme de fait un réseau plus ou moins ouvert au gré des relations de parenté), nous traiterons de façon privilégiée de « groupes familiaux ». On peut identifier ces groupes à différents niveaux, selon le type de rapport foncier et les conditions d’usage productif fait de la ressource foncière. Alors que la mobilisation productive de la ressource foncière par l’unité de production peut être organisée au niveau du ménage, des groupes familiaux de niveau supérieur pourront conserver un rôle dans la gestion des droits fonciers et les obligations sociales associées (encadré 1). En d’autres termes, la composition du « groupe familial » pourra varier selon l’objet d’analyse. Dans cette même logique, « chef de famille » pourra désigner, selon le groupe familial considéré, le chef d’une famille nucléaire ou le chef d’une famille élargie.
Encadré 1
Une
illustration des groupes familiaux
selon les rapports fonciers
Di Roberto (2020) distingue, dans la situation qu’il a étudiée à Madagascar, (1) le foyer ou ménage (tokantrano), qui opère comme unité de gestion du travail des terres, des récoltes, de la consommation alimentaire et des revenus des autres activités, et où les décisions sont prises en concertation par le couple ; (2) la petite famille (mpianakavy), qui regroupe le foyer parental et les enfants ayant fondé leur propre ménage, liés entre eux par des relations d’entraide, et à l’intérieur de laquelle de nombreux droits fonciers sont gérés en commun ; (3) le groupe d’héritage (mpiara mandova), formé concrètement par un homme dont les parents sont décédés et ses descendants, l’aîné ayant plus d’autorité sur les terres familiales que ses descendants à qui il a donné des terres ; (4) les coresponsables (mpiray adidy), qui correspondent à l’ensemble des descendants de parents décédés d’une génération épuisée, ces derniers partageant des responsabilités communes vis-à-vis du patrimoine foncier légué par ces ancêtres et reconnaissant aux aînés et au « chef de famille » désigné un rôle consultatif important sur les transactions foncières.
Source : Di Roberto (2020). |
8Les structures familiales les plus diverses sont empiriquement observées à travers le monde et dans l’histoire – il suffit ici de mentionner, pour en rester à une distinction classique, la famille conjugale (dite aussi nucléaire ou élémentaire, qui correspond au ménage dans son acception usuelle) et la famille étendue, regroupant au moins deux familles conjugales collatérales (ménages de frères7) ou en ligne directe (un père avec son ou ses fils), avec des régimes matrimoniaux variés et des systèmes de descendance également variés. Les littératures anthropologique et historique (européenne en particulier) sont riches de descriptions et de qualificatifs (pas toujours stabilisés) spécifiant ce que peut être une famille élargie8. Cette diversité des structures familiales peut renvoyer à des différences effectives d’organisations familiales, ou correspondre à des phases du cycle de développement du groupe domestique (Fortes, 1958 ; Berreman, 1962).
Cycle de développement des groupes domestiques
9Le concept de groupe domestique, distinct de celui de famille, même si les deux sont parfois utilisés comme synonymes dans la littérature, désigne une organisation de la production, de la consommation et de la reproduction sociale constituée sur la base de rapports de parenté (filiation et alliance), en conservant la composante résidentielle du ménage mais sans limiter ce dernier à une conception unitaire (Goody, 1958).
10Au sein des groupes domestiques, qui peuvent correspondre au ménage nucléaire ou regrouper plusieurs générations, la répartition des droits et des devoirs autour du foncier, du travail et du produit, agricole ou non, est intimement liée. Elle permet de résoudre le problème de la mobilisation du travail collectif et d’assurer un minimum de sécurité au groupe. Dans les systèmes lignagers, abondamment décrits en Afrique subsaharienne, les aînés contrôlent historiquement les ressources productives et plus largement l’ensemble des relations sociales, notamment les alliances matrimoniales qui sont, avec l’accès au foncier et le contrôle de sa propre force de travail, une condition de l’autonomie des cadets (Balandier, 1974). Le fonctionnement économique des groupes domestiques peut s’interpréter comme un cycle d’avances/restitutions du produit entre générations où le cadet, en travaillant sous le contrôle de l’aîné et en contribuant ainsi à la prise en charge des non-actifs, restitue à la communauté le travail que cette dernière a investi, à travers ses aînés, pour l’élever (Meillassoux, 1975). Le desserrement du contrôle des aînés sur le travail des cadets et des femmes, la réallocation du produit, les dons de parcelles et les délégations de droits d’usage sont autant de moyens de réguler les tensions qui naissent des rapports de domination qui traversent ces formes d’organisation. Avec l’intégration des sociétés locales à l’économie marchande et à l’espace politique national, les mobilités deviennent une forme complémentaire, sinon alternative, de l’accès au foncier dans l’autonomisation des jeunes. En exercant leur contrôle sur le foncier, les aînés ne cherchent plus uniquement à contrôler le travail agricole des cadets, mais aussi à se construire des droits sur les ressources offertes par la migration et l’insertion en ville (Berry, 1989 ; Dozon, 1986)9.
11Contrastant avec le modèle lignager, plusieurs auteurs ont mis en évidence dans des sociétés à filiation indifférenciée (cf. infra) d’Asie du Sud-Est un modèle d’organisation des groupes domestiques historiquement fondé sur la reconnaissance aux jeunes et aux femmes du plein contrôle de leur travail. Les fonctions de production, d’épargne et d’investissement sont réalisées individuellement, tandis que la consommation de l’ensemble du groupe est assurée par le seul chef de famille, censé bénéficier en retour du soutien des jeunes générations dans son vieil âge, cela d’autant mieux qu’il est parvenu à les ancrer auprès de l’unité familiale à travers des dons de parcelles (Wong, 1983 à propos de la Malaisie ; Li, 1996 à propos de l’Indonésie).
12La répartition des droits et des devoirs autour du foncier, du travail et du produit (agricole ou non) entre les générations et les sexes change au cours du cycle domestique, qui voit la composition et la taille des groupes se modifier au rythme des événements – naissances, mariages, décès –, depuis leur formation jusqu’à leur dissolution (Goody, 1958).
13La segmentation des groupes domestiques est un processus normal des dynamiques familiales (indépendamment de l’individualisation des droits, sur laquelle nous reviendrons plus loin). La forme et la chronologie du processus de segmentation conditionnent la structure et la taille des groupes domestiques – une scission tardive se traduisant par des groupes domestiques plus importants. Elle s’opère fréquemment au moment du décès du chef de famille (voir ci-dessous « héritage »), ou au moment du mariage des fils et filles, mais ces derniers peuvent aussi demeurer dans le groupe domestique du père (ou de la mère), formant alors une famille étendue. Le processus d’autonomisation de la nouvelle génération aboutit à une dotation foncière et à une capacité totale, ou pour le moins plus importante, d’usage de sa propre force de travail, jusqu’alors consacrée pour partie au moins aux parcelles familiales (Pallière et al., 2018 ; Robichaux, 2005, pour l’Amérique centrale). Dans ce type de situation, la segmentation du groupe de parenté et le fractionnement des terres sont liés (Lericollais, 1999). La scission peut aussi résulter de conflits intrafamiliaux.
14La structure du groupe familial et le déroulement du cycle domestique, donnés en un temps t, peuvent devenir des variables d’adaptation : mariage tardif, célibat, exclusion d’enfants de l’héritage, indivision, émigration (le cas échéant pour aller à la recherche de nouvelles terres) face à des disponibilités foncières réduites ; adoption d’enfants, inclusion d’éléments « étrangers » dans le groupe familial, etc., dans des situations d’abondance foncière et de travail rare10. Une relation est ainsi souvent notée entre le niveau de richesse – en terre en particulier – et la taille du groupe domestique : pratique plus marquée de la polygynie11, nombre d’enfants et de dépendants collatéraux familiaux plus élevé, maintien d’enfants ou de frères mariés dans le groupe domestique (Goody, 1976).
Groupe de descendance et parentèle
15Les principes de descendance et de résidence, en restreignant le cercle des parents au sein duquel s’établit le pouvoir et circulent les droits sur la terre familiale, permettent au groupe d’agir comme une personne morale qui gère et transmet la terre entre ses membres (land-holding corporate group, Goody, 1962). Lorsqu’un individu décède, il laisse des biens et un statut qui sont transmis à ses descendants, selon les règles d’héritage et de succession, dépendantes en grande partie du système de filiation12. La majorité des sociétés fonctionne selon un système unilinéaire, les biens ou le statut se transmettant soit à travers le père – on parle alors de filiation patrilinéaire (lignée agnatique) –, soit à travers la mère – filiation matrilinéaire (lignée utérine). Dans les sociétés à filiation matrilinéaire, le père et ses enfants relèvent de deux groupes de descendance différents. La grande distinction entre filiation patrilinéaire et matrilinéaire ne doit pas conduire à ignorer le rôle de la parentèle13, et notamment l’intensité des relations, y compris foncières, des enfants à leurs parents maternels, dans les groupes patrilinéaires, et à leurs parents paternels, dans les groupes matrilinéaires (Goody, 1959 ; Sahlins, 2011). En Afrique de l’Ouest par exemple, il est connu que l’avunculat, c’est-à-dire la relation entre l’oncle maternel et le neveu utérin, structure les schémas de mobilité en situation d’insécurité ou de front pionnier, les neveux se voyant préférentiellement octroyer des droits fonciers par leur oncle maternel (Breusers, 1999). D’autres sociétés pratiquent un système de double filiation unilinéaire, biens et statuts différents étant transmis en filiation patrilinéaire et en filiation matrilinéaire. Dans les systèmes de filiation non linéaires – on parle de systèmes de filiation indifférenciée, ou encore cognatique –, la descendance passe indifféremment par les hommes et les femmes.
16Derrière la référence au donné biologique, la relation de filiation reste une relation éminemment sociale (Sahlins, 2011)14. Historiquement, les formes les plus diverses d’affiliation (captivité, clientélisme, adoption, etc.) ont assuré la perpétuation et le renforcement des groupes de parenté (Dozon, 1986 ; Berry, 1993). La composante adoptive des groupes de descendance est partout importante (Goody, 1982 ; Lallemand, 1993), répondant à différents enjeux parfois directement liés à la perpétuation d’un « groupe en corps » possédant de la terre (Ottino, 1972). Construction sociale, la relation de filiation est ainsi sujette à manipulation (Bledsoe, 1980). À travers ce travail de fictionnalisation de la généalogie, le cercle des individus à même de justifier de droits sur la terre en vertu de leur appartenance au groupe familial est susceptible d’être remis en cause.
17Par ailleurs, l’appartenance (familiale aussi bien que communautaire) est autant affaire de relations sociales que de statut, elle « s’entretient » – ainsi, le maintien de relations entre migrants et parents résidents dans le lieu d’origine reste souvent une condition nécessaire à la réactivation des droits fonciers des premiers. La question de l’entretien de l’appartenance permettant de justifier de droits sur la terre est devenue une dimension structurante des différents systèmes fonciers dans un contexte général d’accentuation des mobilités et de pression sur la terre. Ce cas met en avant le second principe, celui de résidence. Dans des situations et à des degrés les plus divers, la référence au principe de résidence, de localité, conditionne les droits d’un individu. Ce principe peut jouer de façon stricte, l’accès au foncier étant réservé aux membres du groupe physiquement présents et à même d’exercer leurs droits, ou bien être lié à l’origine, au fait d’être issu de la localité, plus qu’à la présence physique. Ainsi, dans le contexte historique français, un cohéritier quittant le village pouvait laisser la jouissance de sa part de l’héritage au cohéritier demeurant sur place, ses droits « latents » étant mis en sommeil mais restant réactivables sous réserve de revenir les exercer (voir Derouet, 2001)15 ; on retrouve ce principe de réactivation des droits dans bien des pays du Sud. Le critère de résidence est central pour définir les droits fonciers dans les systèmes de filiation indifférenciée. Ainsi dans l’aire océanienne, où, au regard du seul principe de filiation et de la forte mobilité au sein de ces sociétés, tous les Polynésiens pourraient prétendre à des droits dans toute la Polynésie. C’est alors le principe de résidence qui permet de restreindre l’appartenance au groupe familial détenteur de droits sur la terre et de transformer des droits latents en droits effectifs (Goodenough, 1955 ; Firth, 1961 ; Ottino, 1972 ; Bambridge, 2009 a).
18Les conditions de l’alliance matrimoniale sont susceptibles d’influer fortement sur les droits sur la terre. D’une part, l’endogamie familiale permet de maintenir la terre dans une même lignée, lorsque les enfants des deux sexes ont droit à l’héritage, comme dans les sociétés musulmanes pratiquant le mariage entre cousins parallèles patrilinéaires (entre fils et fille de frères). Dans le cas de la polyandrie, les pratiques de « polyandrie fraternelle » (les époux d’une même femme étant frères), mentionnées en particulier dans des communautés himalayennes à filiation patrilinéaire et résidence patrilocale, ou encore dans les communautés cingalaises au Sri Lanka, sont parfois interprétées comme relevant d’une stratégie pour conserver intacte la propriété foncière, en restreignant le nombre des héritiers (Berreman, 1962 ; Levine et Sangree, 1980 ; Agarwal, 1994). D’autre part, le lieu de résidence intervient sur les possibilités d’exercer des droits fonciers : lorsque l’épouse rejoint son mari sur les terres de ce dernier (résidence virilocale) ou de sa famille (résidence patrilocale), elle peut être dans l’impossibilité d’exploiter la terre dont elle a hérité ou qu’elle a pu recevoir à travers une dotation publique dans son village d’origine. Beaucoup plus rarement, c’est l’homme qui vient vivre chez les parents de son épouse (résidence matrilocale) ou chez cette dernière (résidence uxorilocale), et qui accède à la terre à travers son épouse – nous y reviendrons.
Transferts fonciers et organisation familiale
19Nous proposons ici une caractérisation des différentes formes de transferts fonciers intrafamiliaux, puis nous montrons comment ces transferts s’organisent en lien avec les flux de travail et de produits au sein des groupes familiaux en caractérisant quelques types idéaux de structures foncières et productives familiales.
Caractérisation des transferts fonciers intrafamiliaux
20La transmission de la propriété et le transfert des droits d’usage constituent des éléments majeurs de l’organisation familiale. Les transferts fonciers intrafamiliaux sont essentiellement l’héritage, la donation et parfois l’achat-vente (réversible ou non, on le verra), pour des transferts de droits d’appropriation, et la délégation de droits, pour des transferts non définitifs de droits d’usage16. Dans ces deux types de transfert, les dimensions patrimoniales et productives sont difficilement séparables, tant dans une perspective analytique que du point de vue des acteurs. Ces transferts fonciers, pour être compris, doivent en effet être replacés dans l’ensemble des transferts intrafamiliaux (apports en travail, remises migratoires, etc.) susceptibles d’être organisés dans une logique de compensation, souvent différée dans le temps. Nous insisterons ici sur l’héritage, en tant que forme largement dominante de transfert foncier intrafamilial en fonction de laquelle se comprennent les modalités des autres formes de transfert, et les restrictions qui peuvent peser sur elles (dans le cas des ventes et des donations notamment). L’analyse de ces transferts montre ainsi comment le collectif familial peut contraindre les droits des individus dans la perspective longue du cycle familial, mais aussi comment le bien collectif peut être utilisé comme ressource pour les individus dans une perspective plus courte (souvent le cycle productif).
21Nous entendons patrimoine foncier au sens d’ensemble des parcelles sur lesquelles un individu ou une famille dispose de droits d’appropriation. Le patrimoine peut être composite, lorsqu’il est constitué de parcelles dont l’origine de la possession varie (héritage, achat, etc.), avec alors des droits qui peuvent différer selon les parcelles. Nous utilisons le terme de « propriétaire » par commodité (en ayant conscience du caractère réducteur de ce choix) pour désigner les individus disposant d’un patrimoine foncier individuel, détenu par des conjoints ou en indivision, mais aussi les héritiers d’un patrimoine familial, avec alors un portefeuille de droits extrêmement variable selon les situations. Ce, y compris dans les situations où ces individus ne disposent pas du droit légal ou de la légitimité sociale leur permettant de vendre la terre – en particulier dans certains contextes coutumiers ou de réformes agraires. Les positions de propriétaire foncier et de chef de famille peuvent être réunies sur un même individu, mais peuvent aussi être dissociées. Ainsi, un héritier du statut de chef de famille pourra être reconnu comme tel par ses frères, en tant qu’autorité morale avec un pouvoir de régulation des tensions intrafamiliales, alors que ces derniers disposent de leur propre patrimoine foncier, qu’ils gèrent à leur guise, et sont chefs de ménage17.
Héritage et succession
22L’héritage, dévolution de droits sur les biens, peut être distingué de la succession, transmission du statut (chef de famille, chef de terre, chef d’unité de production, responsable de rituels magico-religieux, autorité politique, etc.). Héritage et succession ne vont pas toujours de pair. L’héritage et la succession s’accompagnent usuellement de devoirs vis-à-vis des dépendants du groupe – par exemple, l’obligation, pour le neveu utérin héritier (fils de la sœur du défunt), de prendre en charge la ou les épouses et les enfants du défunt, dans les systèmes matrilinéaires d’Afrique de l’Ouest18. Une perspective de charges trop importantes peut conduire à refuser l’héritage, comme Di Roberto (2019) le décrit dans son étude à Madagascar, où l’accès aux terres ancestrales s’accompagne de lourdes responsabilités familiales, en particulier lors de la cérémonie de retournement des morts, très dispendieuse.
23Il importe de distinguer également l’héritage foncier et l’exercice effectif des droits fonciers. Ainsi, quand les femmes héritent, elles détiennent formellement un droit sur la terre, mais elles ne sont pas toujours en mesure de gérer cette dernière ; nous allons y revenir. Dans nombre de sociétés, les femmes restent en effet cantonnées aux rôles sociaux d’épouse et de mère. Deere et León (2003) notent ainsi que la tradition légale luso-hispanique, jusqu’au milieu du xxe siècle, attribuait aux seuls hommes la responsabilité légale du ménage, jusqu’à leur décès, y compris pour administrer les biens possédés en propre par leur épouse.
24Au sein d’un même groupe familial, différents systèmes d’héritage peuvent coexister en fonction des types de parcelles : les plantations peuvent par exemple être partagées entre les enfants, de manière égalitaire ou non, et les friches être transmises sans partage de la terre à un héritier unique. Les différentes configurations d’héritage observées dans un territoire donné témoignent d’une histoire en mouvement ; les unités de patrimoine ne sont pas nécessairement fixées et des unités plus englobantes peuvent être réactivées.
Héritage et systèmes de filiation
25Dans les sociétés du Sud, l’héritage est généralement organisé selon les systèmes de filiation évoqués précédemment (nous reviendrons sur les changements – au moins formels – apportés par le droit positif).
- Dans les sociétés à filiation patrilinéaire, l’héritage peut être organisé par transmission initiale collatérale (c’est-à-dire de frère aîné à frère cadet) au sein de la fratrie de même père, ou bénéficier directement à l’un ou aux différents enfants du défunt, le ou les fils le plus souvent (fig. 2). Le fait que, dans les normes de nombreuses sociétés patrilinéaires (celles régies par le droit islamique constituant une exception notable), les filles n’héritent pas viendrait de ce que leurs enfants appartiendront au patrilignage de leur père et ne peuvent donc pas contrôler, à terme, des terres relevant du patrilignage de leur mère (dans les sociétés musulmanes, on a vu que le risque de déperdition du patrimoine foncier est contrôlé par la pratique des mariages endogamiques). Les veuves peuvent « hériter » de leur mari défunt, lorsqu’elles ont des enfants, mais à titre de tutrices pour ces derniers, jusqu’à ce qu’un fils puisse prendre l’héritage.
- Dans le cas de systèmes matrilinéaires, la transmission de la terre se fait en lignée utérine (fig. 3). Peters (2010) souligne qu’il est trop réducteur de parler de « société matrilinéraire » ou de « système foncier matrilinéaire » en faisant abstraction de la résidence post-mariage du ménage. Ses investigations au Sud-Malawi, dans une société matrilinéaire et matrilocale, illustrent une pratique d’héritage et de succession féminine : ce sont les filles, et non les fils ou neveux, qui héritent, et les femmes (mères, grand-mères) qui sont décisionnaires ; les fils partent vers le groupe familial de leur épouse ; le mari a accès à la terre via son épouse (voir également Geffray, 1989 pour le Mozambique ; Paul, 2008 pour la Tanzanie). Dans d’autres sociétés régies par une filiation matrilinéaire, les femmes héritent mais le pouvoir décisionnaire revient à des hommes (frère aîné, oncle maternel, etc. – voir Agarwal (1994) sur différents groupes matrilinéaires en Inde et au Sri Lanka). Dans d’autres sociétés matrilinéaires encore, comme chez certains Akan du Ghana ou de Côte d’Ivoire, la transmission se fait certes via les femmes, mais l’héritier, détenteur de l’autorité sur la terre, est un homme. L’héritage se fait alors soit en transmission collatérale au sein de la fratrie utérine du défunt, en passant de l’aîné au cadet, avant de revenir, une fois cette génération épuisée, à la génération des neveux utérins, soit directement de l’oncle maternel au neveu utérin, fils de la sœur du défunt. La dysharmonie de ce système de dévolution des biens est largement reconnue, lorsque la matrilinéarité s’accompagne d’une patrilocalité : dans ce cas, les fils (et les épouses) travaillent avec le père de famille sans avoir de droits sur les terres contrôlées par ce dernier, qui seront héritées par son frère ou son neveu utérin. Du fait de ces modalités d’héritage, il ne peut pas y avoir propriété commune au niveau du couple (Okali, 1983 ; Peters, 2019).
- Dans le cas d’une double filiation unilinéaire, certains éléments sont transmis en lignée agnatique, d’autres en lignée utérine – les droits sur la terre bénéficiant à une lignée distincte de celle qui bénéficie des droits et obligations sur les biens meubles (bétail, biens de prestige, etc.).
- Dans les sociétés du Sud à filiation indifférenciée, nous avons vu que le principe de résidence intervient pour restreindre l’appartenance au groupe familial détenteur de droits sur la terre.
Les formes d’héritages fonciers
26La terre peut être transmise intégralement à un seul héritier (avec compensation ou non pour les exclus de l’héritage), partagée entre plusieurs héritiers, de façon égalitaire ou non, ou encore être transmise en indivision entre cohéritiers19.
- Dans les systèmes d’héritage sans partage du patrimoine foncier, un seul individu reçoit l’héritage20, en compensant ou non ses frères et, le cas échéant, ses sœurs. L’héritage peut se faire en ligne collatérale, du frère aîné au frère cadet, avant de passer à la génération suivante (au fils aîné du frère aîné) ; en primogéniture (du plus vieux à celui qui le suit dans le groupe de descendance sans considération pour la génération) ; ou de père en fils, l’héritier est alors généralement l’aîné des enfants (primogéniture), plus rarement le plus jeune (ultimogéniture), qui demeure auprès des parents et les prend en charge sur leurs vieux jours. Les frères et sœurs exclus de l’héritage foncier demeurent en position subordonnée, ou quittent le groupe domestique. Selon les situations, ce type d’héritage évite une fragmentation du patrimoine dans des conditions de pression sur la terre21, permet de gérer des indivisibilités techniques22, assure le maintien d’une autorité unique sur le groupe familial (comme dans les systèmes lignagers traditionnels), ou encore évite l’érosion d’un pouvoir socio-politique (comme pour la noblesse en Europe féodale) (voir des références dans Platteau et Baland, 2001). Outre la dimension foncière stricto sensu de l’héritage, ce type de dévolution des biens est aussi déterminé par la dimension « succession », qui voit les obligations d’entretien du groupe familial et la reconnaissance sociale qui leur est liée être transmises en même temps que les droits d’administration sur la terre. L’héritier est alors le gérant d’un bien commun23 (voir par exemple Gastellu, 1989 sur le pays agni en Côte d’Ivoire ; Agarwal, 1994 sur les Garo du Nord-Est indien ; Goodenough, 1966 pour les Îles Caroline en Micronésie – où les frères et sœurs d’une même mère constituent une « corporation », la terre étant administrée par le frère aîné ; Ottino, 1972 sur la Polynésie ; Derouet et Goy, 1998 pour une perspective historique sur la France). Le devoir d’assistance de l’héritier envers les autres membres du groupe peut s’exprimer, le cas échéant, à travers la cession de droits d’usage aux ayants droit, nous y reviendrons.
- Les héritages donnant lieu à un partage entre plusieurs héritiers ou groupes d’héritiers peuvent concerner les deux sexes (diverging devolution : Goody, 1969) ou un seul – masculin très généralement (homogeneous transmission). L’héritage en pays musulman est ainsi « divergent », mais dans certains contextes la coutume l’emporte et les femmes appartenant au patrilignage sont exclues, comme en Kabylie algérienne et dans la plupart des régions musulmanes d’Afrique subsaharienne. Le partage n’est pas toujours égalitaire – pour reprendre le cas des héritages régis par le droit coranique, la part d’une femme correspond à la moitié de celle d’un homme. Un partage inégalitaire viendra souvent de l’impossibilité d’établir tous les enfants sur la terre disponible. Ainsi, les Mafa du nord du Cameroun installent leurs fils à leur mariage s’ils ont suffisamment de terre, et procèdent à un partage inégal dans le cas contraire (voir références in Lavigne Delville, 1998). Dans le « système familial méso-américain » (Robichaux, 2005), la norme est que les fils bénéficient d’un héritage égalitaire. Ils s’installent avec leur épouse dans la demeure paternelle, le temps de pouvoir construire leur propre logement, généralement sur une parcelle fournie par le père ; le plus jeune demeurera au domicile parental, assumera la charge de ses parents et héritera de leur maison, ainsi que des terres qu’ils ont conservées pour leur usage. Un partage égalitaire en conditions de forte contrainte foncière, même limité aux seuls fils, précarise fortement les exploitations agricoles, comme au Rwanda ou au Kenya (Platteau et Baland, 2001)24. Une transmission inégalitaire de la terre ne signifie pas toujours une inégalité dans l’ensemble de la dévolution des biens, quand les exclus de l’héritage reçoivent des compensations, comme lorsque les parents versent une dot pour le mariage de leurs filles25 (une pratique ancienne et désuète en Europe, mais vivace en Asie du Sud, voir Agarwal, 1994), ou lorsque les parents considèrent qu’un fils « resté au village » doit être privilégié par rapport à son frère ayant bénéficié d’une scolarité ouvrant d’autres opportunités d’activité (Colin, observations de terrain en Côte d’Ivoire ; Bikaako et Ssenkumba, 2003 en Ouganda).
Dans de nombreuses sociétés polygyniques africaines, le groupe formé par la mère et ses enfants constitue, même en régime patrilinéaire, une unité sociale qui peut structurer l’héritage (voir la notion de house-complex de Gluckman, 1950). Ce dernier est alors réparti par fratrie née de chaque épouse, l’aîné de chacune des fratries jouant le rôle de gérant du bien commun (Gray, 1964 ; voir également Goody, 1962 sur les LoDagaa du Ghana ; Weber, 1977 sur les Beti du Centre-Sud Cameroun ; Hallaire, 1991 sur les Ouldémé du Nord-Cameroun ; LeVine, 1964 sur les Gusii du Kenya)26.
- Les héritages conduisant à des situations d’indivision. L’indivision résulte d’un héritage allouant des droits à plusieurs cohéritiers, mais sans partition de la terre. Au regard de cette définition, les systèmes à héritier unique ne relèvent pas de l’indivision, et en toute rigueur, il convient de parler d’ayants droit familiaux (au regard des obligations de l’héritier/successeur) plutôt que de cohéritiers.
27Derrière le concept d’indivision, deux grands types de situations sont à distinguer. D’une part, l’indivision peut n’être que formelle du point de vue du droit positif, la terre étant, de fait, partagée. C’est le cas en Haïti, où règne l’indivision formelle mais où la règle générale est le partage à parts égales de la terre héritée, indépendamment du sexe, chacun gérant ensuite sa parcelle comme une terre privée, y compris en termes de cessions marchandes – tous les cohéritiers bénéficiant toutefois d’un droit de vaine pâture après la récolte (Pillot, 1993 ; Oriol et Dorner, 2012). Les parcelles d’indivisaires non-résidents peuvent être exploitées dans un rapport de faire-valoir indirect (FVI) par des indivisaires résidents, avec le cas échéant une compensation réduite (Ageron, 1968 en Algérie ; Ottino, 1972, Bambridge, 2009 b en Polynésie). D’autre part, l’indivision peut être effective, sans parcellement de l’héritage, même informel. Les terres peuvent alors être utilisées sous diverses formes : pâtures collectives, cession en FVI et partage de la rente entre les cohéritiers, exploitation par un seul des héritiers moyennant une compensation pour les cohéritiers, ou organisée à tour de rôle. Un système de tours est ainsi mentionné en Haïti (Pillot, 1993), en Polynésie (Ottino, 1972), en Papouasie-Nouvelle Guinée (Chand et Yala, 2009), ou à Madagascar (Defrise, 2020). Une formule sociétaire impliquant les cohéritiers peut également permettre de maintenir intacts le patrimoine foncier familial et son exploitation. Ainsi en Équateur, où des sociétés par actions entre cohéritiers (y compris non-résidents) assurent la continuité et la viabilité d’entreprises aquacoles (Espinosa, 2020). En Nouvelle-Zélande, les fiducies (trusts) permettent d’exploiter des terres coutumières maori en indivision, les membres du groupe lignager ou tribal étant rémunérés en fonction de leur part sociale (P.Y. Le Meur, communication orale). Dans la situation malgache étudiée par Di Roberto (2019) (voir aussi Ottino, 1998), les terres de collines (tanety) ne sont pas partagées au sein des fratries, à la différence des rizières. La copropriété familiale des tanety contribue à gérer la migration en permettant à ceux qui restent au village de profiter des terres familiales disponibles (en particulier s’ils disposent de moins de terre que les autres ayants droit) et en facilitant la réintégration des migrants. La vente des tanety (qui demande la consultation des indivisaires) requiert le partage du patrimoine commun, au moins pour la partie destinée à être cédée. On retrouve une logique similaire, sur une échelle plus importante, dans la région de Santiago del Estero, en Argentine, où la propriété en indivision, formée à la fin du xviie siècle, a représenté un arrangement stratégique pour gérer la forte mobilité des membres de la parentèle (biologique et politique) dans un environnement contraint (accès aux points d’eau) et a donné naissance à des structures de copropriété qui existaient encore au début du xxe siècle (Faberman, 2020).
28L’indivision n’est parfois que temporaire, le temps que la procédure d’héritage soit finalisée, ou après une phase d’exploitation commune par la fratrie, comme Goody (1962) l’évoque relativement aux LoDagaa au Ghana, ou Chaulet (1984) pour le nord de l’Algérie. Le maintien en indivision (formelle ou effective) peut s’expliquer par des modes d’exploitation qui s’accommodent d’une telle situation (activités agropastorales tributaires de points d’eau rares, par exemple) ou par les contraintes et le coût des procédures administratives, au regard des gains à en attendre (Bambridge, 2009 b pour la Polynésie). En Haïti, l’indivision de certaines terres est si ancienne, le nombre des héritiers si grand que le partage, même informel, est impossible (tè minè, « terres mineures »). Pillot (1993) suggère que de telles indivisions tendraient à disparaître avec l’introduction de l’irrigation, qui valorise considérablement la terre. On retrouve cette logique dans la steppe algérienne, où, selon des exploitants en indivision familiale enquêtés, une intensification par l’irrigation des terres de parcours ou de culture pluviale très extensive stimulerait le partage de la terre, une exploitation en culture irriguée étant viable avec quelques hectares (Daoudi et al., 2011).
29L’indivision prend fin avec le partage entre cohéritiers, le rachat, par l’un des cohéritiers, des parts des autres, ou par la licitation (vente aux enchères d’un bien indivis au profit des copropriétaires). En Algérie coloniale, de nombreux spéculateurs ont pu s’approprier des terres en achetant des quotités de patrimoines indivis, puis en demandant une licitation, en faisant jouer l’article 815 du Code civil, selon lequel « nul n’est tenu de rester dans l’indivision » (Ageron, 1968). Ce même article est parfois mobilisé en Polynésie française pour rompre l’indivision, une fois le titre foncier établi (Ottino, 1972). À Ceylan (aujourd’hui Sri Lanka), à l’époque coloniale britannique, une ordonnance a également permis aux cohéritiers cingalais de partager la terre, et à ceux d’entre eux qui pouvaient assumer le coût de la partition d’en contrôler la totalité (Agarwal, 1994).
Donation
30La relation entre l’origine et le contenu des droits, évoquée dans le chapitre 1, est susceptible de conditionner la possibilité de réaliser des donations de terre. Ainsi, dans les contextes ouest-africains, caractérisés par la coutume des héritages sans partage du patrimoine foncier (en ligne patrilinéaire comme en ligne matrilinéaire), les donations entre vifs sont admises par la coutume, mais en étant limitées aux biens propres du donateur – en d’autres termes, aux biens qui n’ont pas été hérités selon la coutume, mais viennent d’un droit acquis par la mise en valeur27 ou par achat.
31Certaines donations s’interprètent comme une forme de contrepartie, différée dans le temps, de la mobilisation du travail des cadets par l’aîné. C’est particulièrement visible dans les situations de front pionnier, où le contrôle du travail des dépendants est un moyen pour les migrants d’acquérir des droits fonciers par le défrichement et la plantation, et où ces dépendants bénéficient ultérieurement de donations de terre ou de plantations.
32Indépendamment de cette logique de contrepartie, les donations de terre interviennent souvent au moment du mariage des fils, comme étape du cycle familial ; de fait, il s’agit de pré-héritages28. Dans une tout autre logique, elles correspondent parfois à une anticipation d’héritage lorsque ce dernier se fera coutumièrement dans les systèmes sans partage de la terre. Ainsi dans le cas de groupes à filiation matrilinéaire, dans les contextes ghanéen ou ivoirien, le ou les fils, l’épouse ou les épouses d’un planteur peuvent recevoir des plantations ou les créer sur la terre reçue du vivant du chef de famille, l’héritier (frère ou neveu utérin) recevant par la suite les terres qui étaient restées sous le contrôle du défunt. Les donations peuvent également être utilisées pour contourner les nouvelles législations accordant aux filles un droit d’héritage, comme dans certains pays d’Asie du Sud – le père réalisant, de son vivant, des donations à ses fils (Agarwal, 1994). En fait, la question se pose de savoir si la donation est définitive (et permet alors d’avantager un héritier), ou si elle est réintégrée à la succession lors du décès du donateur. La littérature ne précise pas toujours cela.
33Le bénéficiaire de la donation ne peut pas toujours être considéré comme disposant de l’ensemble du faisceau de droits tant que le donateur est en vie ; dans certains cas, la vente du terrain semble ainsi être exclue (Colin, 1990, Chauveau, 2005 pour des observations en Côte d’Ivoire ; Di Roberto, 2019 pour un cas malgache).
34Dans les systèmes de droit positif, les transferts fonciers intrafamiliaux peuvent prendre la forme de legs29 (Bikaako et Ssenkumba, 2003 sur l’Ouganda) – avec des contraintes plus ou moins fortes quant à la part qui peut être divertie de l’héritage30 (voir Deere et León, 2001 pour l’Amérique latine).
Achat-vente et relations de faire-valoir indirect au sein des groupes familiaux
35Des transferts fonciers marchands31 intrafamiliaux sont mentionnés dans les contextes les plus divers, dès lors que les marchés fonciers se sont développés (cf. chap. 7). Inversement, même si on peut trouver des contre-exemples, le processus de marchandisation de la terre émerge souvent entre parents et membres de la communauté locale (endoaliénation), avant de s’ouvrir aux acteurs « étrangers » (exoaliénation).
36S’agissant des achats-ventes, la logique de ces transferts vient le plus souvent d’une stratégie de maintien de la terre au sein du groupe familial, avec un « devoir d’acquisition » par un parent. À Madagascar, garder la « terre des ancêtres » au sein de la famille est vu comme fondamental et contribue à expliquer les transferts intrafamiliaux. Toute vente d’une terre d’origine familiale (même après partage de l’héritage) suppose l’agrément et la sollicitation préalable de la famille (parents, frères et sœurs, grands-parents, oncles, cousins), dont les membres sont prioritaires pour l’achat (Di Roberto et Bouquet, 2019). Ces transactions intrafamiliales sont parfois facilitées par le droit de préemption des parents (chefâa en pays musulman), ou par la pratique des ventes à réméré (vente avec clause de rachat), comme à Madagascar, où elles sont qualifiées de « ventes vivantes ». Les transactions entre frères peuvent aussi constituer un moyen de prévenir les tendances à la fragmentation de l’héritage en unités de patrimoine trop réduites pour assurer la viabilité des exploitations, la vente étant un moyen de financer la reconversion économique de certains membres de la fratrie (migration, activité non agricole). Parfois les achats-ventes intrafamiliaux maquillent une donation pour en sécuriser le bénéficiaire, lorsqu’un achat aux parents est jugé moins contestable de la part des cohéritiers qu’une donation (Li, 2014 en Indonésie ; Boué et Colin, 2018 à Madagascar). À l’inverse, Agarwal (1994) mentionne au Bangladesh, dans un contexte général de relations intrafamiliales tendues, voire violentes, des frères contraignant leurs sœurs à leur vendre la terre dont elles ont pu hériter. L’achat-vente intrafamilial peut aussi venir de cessions réalisées par des cohéritiers ne souhaitant pas ou ne pouvant pas exploiter la terre reçue en héritage, ou considérant que la parcelle est trop petite pour être partagée entre eux. Ainsi, dans le Constantinois colonial, une partie des ventes réalisées par des femmes algériennes portaient sur des quotités obtenues par héritage, au bénéfice de cohéritiers masculins (Soudani, 2007). La composante résidentielle peut également intervenir : dans le Sud algérien, le rachat par les aînés des terres avoisinant des habitations évite l’installation dans ces espaces d’étrangers à la famille (ce qui constituerait une atteinte à l’intimité des femmes) (Ouendeno et al., 2019).
37Les ventes intrafamiliales peuvent se faire au prix du marché (situation fréquente, comme dans les cas décrits à Madagascar par Di Roberto, op. cit.), ou en dessous (cas des ventes forcées au Bangladesh qui viennent d’être évoquées). Derouet (2001), dans une analyse historique des mutations foncières intrafamiliales en Europe, mais dont la portée est beaucoup plus générale, montre, à la suite de Béaur (1987), comment le prix s’aligne sur la valeur de marché dès lors que l’usage fait de la terre par le preneur sort d’une logique de subsistance pour entrer dans une logique de profit marchand.
38Des arrangements intrafamiliaux de faire-valoir indirect (FVI) sont observés dans de nombreux contextes – nous avons eu l’occasion de les évoquer relativement aux terres indivises ; voir également les cessions en métayage entre sœurs et frères, ou entre veuves et membres de leur belle-famille évoquées par Agarwal en Asie du Sud – avec parfois une dimension de contrainte, comme dans le cas des ventes intrafamiliales. De telles pratiques sont interprétées dans le contexte ghanéen comme une dynamique de contractualisation des rapports intrafamiliaux « sapant l’économie morale familiale » (Amanor, 2010). Elles peuvent cependant relever aussi de l’entraide, comme le décrit Edja (2003) au Bénin, où la prise en location par un parent est vue par les cédants comme les « sauvant du piège de la mise en gage de terre ». La cession en FVI entre parents et enfants constitue également parfois une forme d’aide apportée aux enfants, pour l’engagement d’activités productives autonomes. Leach (1961) voit également les relations de métayage entre parents à Pul Elya (Ceylan, aujourd’hui Sri Lanka) plus comme des relations d’entraide que comme des rapports de FVI. Elle peut encore permettre de contrebalancer les effets des formes d’héritage avec partage du patrimoine sur la diminution de la taille des unités foncières d’exploitation dans le cas où un frère ne résidant pas sur place cède en FVI ses terres à ses frères restés au village (Derouet et Goy, 1998 à propos de l’histoire des pratiques successorales européennes).
39Quelques études économétriques explorent formellement l’efficience des pratiques de métayage entre parents au regard des risques de comportements opportunistes, avec des résultats divergents. Certaines soulignent l’incidence positive des relations de parenté pour réduire le risque d’opportunisme du preneur (Sadoulet et al., 1997 pour un cas philippin), ou à l’inverse, une meilleure efficience productive lorsque preneur et cédant ne sont pas apparentés, la menace de non-renouvellement du contrat en cas de mauvais résultat étant alors plus crédible (Kassie et Holden, 2007 en Éthiopie).
Délégation de droits d’exploitation
40Le transfert de droits sur la terre au sein du groupe familial peut prendre la forme d’une délégation non pérenne de droits d’usage – une pratique particulièrement répandue et étudiée dans les contextes ouest-africains (voir références in Kevane et Gray, 1999). Les bénéficiaires de ces délégations sont généralement les épouses, parfois d’autres dépendants familiaux (fils et filles, neveux et nièces, etc.)32. Ces délégations permettent de développer une production plus ou moins autonome vis-à-vis du chef de famille. Elles peuvent par ailleurs s’inscrire dans le processus d’accès à l’autonomie productive et foncière des jeunes hommes et être converties en donation ou en héritage lorsque le bénéficiaire de la délégation a satisfait dans la durée à ses obligations sociales. On retrouve dans cette dynamique l’enchâssement processuel de la dimension productive et patrimoniale des transferts fonciers. Ainsi dans des groupes familiaux du Sud-Comoé (Côte d’Ivoire) de différentes ethnies, le chef de famille est un planteur de cultures arborées (palmier à huile, hévéa) et un producteur de cultures vivrières destinées à la vente et/ou à l’autoconsommation familiale. Des dépendants familiaux bénéficient d’une certaine autonomie : (1) en prenant en charge une culture dans une association culturale, comme lorsque les femmes contrôlent le manioc et les cultures légumières complantés avec l’igname destinée à la consommation familiale ; elles sont alors tributaires du chef de famille, qui assure l’accès à la terre et réalise les travaux préculturaux ; ou (2) en exploitant de façon autonome une parcelle de cultures vivrières ou d’ananas localisée sur le patrimoine foncier du chef de famille, en y assurant eux-mêmes ou en finançant l’ensemble des travaux culturaux (Colin et Bignebat, 2015)33.
41Les délégations intrafamiliales de droits d’usage s’accompagnent généralement de contraintes quant aux cultures pratiquées, comme l’exclusion de cultures pérennes pouvant créer des droits permanents. La délégation de droits sur une parcelle donnée peut être accordée sans durée spécifique (avec alors la possibilité d’une mise en jachère), ou pour une durée déterminée (un cycle de culture par exemple). Dans les contextes ouest-africains, de nombreuses observations empiriques témoignent d’une autonomie croissante des femmes avec l’âge, via la délégation de droits d’usage (voir par exemple Bassett, 1991 ; Hilhorst, 2000). Très souvent, les veuves sont autorisées à continuer à cultiver les terres de la famille de leur mari défunt, mais elles perdent ces droits d’usage lorsqu’elles se remarient, et ne peuvent généralement pas planter de cultures pérennes. Les femmes ont alors tendance à demander de la terre à leurs propres parents pour planter (voir Evans et al., 2015 pour le Ghana).
42Les délégations de droit d’exploitation peuvent être mises en rapport avec la répartition des responsabilités au sein du groupe domestique. Elles constituent une condition pour que les femmes puissent remplir leur obligation de contribution à la prise en charge des besoins familiaux. Elles constituent aussi un moyen pour le chef de famille de satisfaire à ses devoirs. Le statut d’aîné, qui va avec un contrôle foncier, s’accompagne en effet d’obligations envers les autres membres du groupe (accès au mariage, supports de nature diverse, etc.). L’acceptation des plus grandes prérogatives foncières de l’héritier dépend des contreparties offertes, via la redistribution du produit, en nature ou en numéraire, ou, lorsqu’il n’en a plus la capacité, via la délégation de droits d’usage sur une parcelle. Indépendamment de cette logique en termes de devoirs, la délégation de droits d’usage au sein de la famille peut venir en reconnaissance du travail investi sur les parcelles du chef de famille ou sur les parcelles collectives du groupe familial. La délégation de droits d’usage ne correspond pas à un droit « intrinsèque » d’accès à la terre pour les dépendants lorsque l’assistance du chef de famille est susceptible de prendre d’autres formes – en d’autres termes, elle ne peut être exigée par le ou la bénéficiaire (Colin, 2008). Les transferts fonciers au sein du groupe domestique peuvent aussi constituer un moyen, pour le chef de famille, de demander au bénéficiaire une contribution plus forte aux charges du groupe domestique (Benoit-Cattin et Faye, 1982 en pays wolof au Sénégal ; Soro, 2012 dans le Sud-Comoé en Côte d’Ivoire ; Magnon, 2012 au Sud-Bénin).
43Pour les chefs de famille, l’arbitrage quant aux éventuelles délégations de droits d’usage sur le patrimoine foncier qu’ils contrôlent peut être délicat : s’il ne délègue pas ou pas suffisamment de terre aux dépendants familiaux, il renforce un risque de scission de l’exploitation ; s’il est trop « libéral », il favorise l’autonomisation économique des membres du groupe domestique (Ancey, 1975).
44Les délégations intrafamiliales de droits peuvent être accordées par des propriétaires n’ayant pas le statut de chef de famille, comme dans le cas de femmes ayant hérité dans leur famille d’origine mais qui, résidant dans le village de leur conjoint, cèdent leur terre à des parents (illustrations dans divers contextes d’Asie du Sud présentées par Agarwal, 1994).
La place du foncier dans les organisations productives familiales
45Nous proposons ici une lecture statique du rapport entre famille et organisation productive agricole, et réservons la perspective dynamique à la troisième partie du chapitre. Nous dégageons trois types idéaux d’organisations familiales en nous concentrant sur la dimension productive de ces organisations et sur l’organisation des droits fonciers qui lui est associée. Dans de nombreuses sociétés, la reproduction économique des groupes domestiques repose non seulement sur la production agricole mais aussi sur les revenus migratoires et extra-agricoles, sans pour autant que cela invalide la typologie des organisations productives familiales proposée ici.
Héritage, rapport au marché foncier, mobilité et structure des patrimoines fonciers
46L’activité productive de la famille repose généralement sur une mobilisation du patrimoine foncier familial (outre l’accès à d’éventuelles terres communes au niveau du village), mais certaines des terres possédées peuvent être cédées en FVI et, à l’inverse, la famille (ou certains de ses membres) peut travailler des terres prises en FVI. La lecture des rapports fonciers intrafamiliaux demande donc de distinguer le patrimoine foncier, unité de possession foncière, et l’unité foncière d’exploitation34, ensemble des parcelles exploitées en faire-valoir direct (FVD) ou prises en FVI.
47Les systèmes d’héritage donnant lieu à un partage du patrimoine foncier ont une incidence productive directe, en conduisant au morcellement des structures foncières – il en va de même dans les cas de pratiques généralisées de donations entre vifs. La transmission intégrale du patrimoine à un seul héritier conserve, elle, la base foncière de l’exploitation, logique patrimoniale et logique productive étant ici confondues. Pour envisager le développement d’une activité productive agricole viable, les unités de production doivent constituer leur base foncière (acteurs évincés lors des héritages sans partage) ou la reconstituer/compléter (héritage avec partage, donations), par l’achat ou la prise en FVI, lorsque ces marchés fonciers existent35, ou encore via des dispositifs coutumiers ou néocoutumiers, lorsque l’accès à la terre à travers de tels dispositifs est encore possible, comme dans certaines régions d’Afrique subsaharienne ou dans les organisations communautaires d’Asie du Sud-Est ou d’Amérique latine (notamment via l’appropriation individuelle de communs villageois). Si cela n’est pas possible, les alternatives sont la recherche de terre dans d’autres régions (le cas échéant en bénéficiant de dispositifs publics, comme des programmes de colonisation) ou la sortie de l’agriculture, avec une implication dans d’autres activités locales ou en migration.
Organisation familiale et organisation productive, quelques types idéaux
48Nous entendons organisation productive au sens de combinaison (1) des bases foncières de l’exploitation (terre possédée en propre, terre familiale, terre prise en FVI, terre relevant d’une structure collective, etc.) et (2) de l’unité de production (UP), définie ici par la détention du pouvoir de décision relativement à la conduite de la culture et à l’usage du produit (le cas échéant sous contraintes exercées par le groupe familial), par le contrôle du travail (le cas échéant rémunéré) et la forme de l’exploitation (individuelle, collective, sociétaire). Notons que la délimitation de l’unité de production est délicate lorsqu’il y a une pluralité des niveaux de décision et une intensité variable des restrictions et obligations qui pèsent sur les individus, nous y reviendrons.
49La relation entre organisation familiale et organisation productive témoigne d’une plasticité certaine, en fonction du cycle de vie du groupe domestique, mais aussi, de plus en plus, de la mobilité de certains membres de la famille (départ ou retour de migration, saisonnière ou prolongée). Cette relation est également variable dans l’espace, y compris, souvent, au niveau d’une même région. Son analyse demande d’intégrer, outre la dimension foncière, les relations de travail et le contrôle du produit au sein du groupe familial. On exprimera ici de façon schématique cette diversité en distinguant les organisations productives familiales « unitaires » et « composites ». Le groupe familial et son patrimoine foncier peuvent constituer36 la base foncière d’une seule ou de plusieurs unités de production, et l’unité de production elle-même peut avoir une structure unitaire ou composite (par extension nous userons ces qualificatifs pour désigner les organisations productives concernées).
Organisations productives unitaires
50La production agricole peut être organisée par le chef de famille, alors seul chef d’unité de production y compris le cas échéant sur des parcelles prises en FVI, avec ou sans l’apport en travail de ses dépendants familiaux (fig. 4 a). Cette configuration « standard » de l’unité de production familiale, que l’on retrouve dans les contextes les plus divers, associe un groupe familial (de composition variable) et un patrimoine foncier (ou une partie de patrimoine foncier, cf. infra) dans une organisation productive unitaire (sans parcelles propres de dépendants familiaux)37. La communauté domestique prend souvent la forme d’une famille conjugale (le cas échéant polygynique), comme à Madagascar, où l’exploitation familiale repose sur le ménage nucléaire monogame intégrant parents et enfants, ainsi que parfois des personnes âgées à charge, les enfants s’autonomisant dès le mariage, ou encore en Afrique de l’Est ou australe (Pauline Peters, communication personnelle).
51Une autre configuration fréquente est l’organisation productive de type patriarcal de la « grande famille » du Maghreb qui intègre, sous la responsabilité du père, les enfants célibataires, les fils mariés, leurs épouses et leurs enfants. Ce modèle privilégie l’indivision et une organisation en fratrie de même père, sous l’autorité forte du chef de famille. Le père intègre ses fils dans la construction d’un patrimoine foncier familial et d’un portefeuille d’activités avec une certaine spécialisation des fils par activité, dans l’agriculture mais aussi, parfois, dans des activités non agricoles. À la disparition du père, la fratrie continue, dans un premier temps, à maintenir l’ancienne organisation en groupe familial (en général sous le leadership de l’un des frères) et sans partage foncier38, avant que ce dernier n’intervienne, sous une forme égalitaire pour ce qui concerne les hommes, et que chacun des frères ne s’autonomise et reproduise à son tour le schéma paternel (Chaulet, 1984 ; Derderi et al., 2019).
52Rappelons qu’une organisation productive unitaire peut reposer sur l’exploitation partagée d’un même patrimoine foncier, comme lorsqu’une terre possédée en indivision est exploitée de façon autonome par plusieurs indivisaires, chacun contrôlant sa propre unité de production (voir par exemple les cas haïtiens évoqués précédemment).
Organisations productives composites
53Au niveau du groupe domestique, la production peut être organisée sur la base d’unités composites, lorsque des dépendants familiaux (parfois eux-mêmes chefs de ménage) bénéficient de délégations de droits d’usage (voir supra) leur permettant de développer une activité productive autonome sur des parcelles relevant du patrimoine familial (fig. 4 b39). Ils restent le cas échéant dépendants du chef d’unité de production non seulement pour l’accès à la terre (sauf recours exclusif au FVI), mais aussi pour une partie de leurs besoins de consommation (alimentaire ou autre), et contribuent à des degrés variables au travail sur les parcelles du chef de l’unité de production.
54Lorsqu’ils disposent ainsi d’une certaine autonomie, les objectifs des dépendants familiaux tendent à diverger des objectifs des chefs de famille (Ancey, 1975). Pour les premiers, il s’agira généralement de rechercher une source indépendante de revenus monétaires pour se construire leur autonomie et, dans le cas des femmes (épouses ou mères), de répondre aux besoins de leur propre progéniture et d’être en capacité de s’engager dans un système de dons leur permettant de se constituer un réseau social indépendamment de leur époux. Pour les seconds, il s’agira d’assurer la reproduction du groupe domestique dans son ensemble, c’est-à-dire des fratries issues des différentes coépouses (alimentation, éducation, santé), d’assumer les dépenses sociales obligatoires (participation aux cérémonies funéraires, prise en charge de la compensation matrimoniale dans les sociétés où elle est pratiquée, etc.) et de se constituer une clientèle à même de renforcer leur position et leur pouvoir.
55Cette organisation intégrant des unités qualifiées, selon les auteurs, de « semi-autonomes », « satellites », « groupes restreints de production », « centres de décision secondaires », « sous-unités de production » a été largement décrite en Afrique de l’Ouest, en régions sèches comme en régions humides, où la différenciation des statuts et des rôles entre générations et entre sexes est particulièrement marquée40. On les retrouve dans divers types d’organisations familiales.
56Les organisations lignagères se caractérisent par une organisation familiale et productive sous le contrôle d’un aîné, avec une cohabitation de plusieurs familles conjugales, mono- ou polygyniques, de même génération, frères ou cousins, avec ascendants et descendants. L’aîné du segment de lignage dispose du contrôle foncier, possession collective. L’organisation productive est marquée par la coexistence de formes collectives et individuelles de production – les « petits champs » des dépendants et les « grands champs » relevant du chef de famille en Afrique de l’Ouest soudano-sahélienne41. Cette dernière organisation foncière est marquée par trois niveaux de contrôle et d’usage de la terre : (1) l’aîné du segment de lignage contrôle et gère l’ensemble des terres, il contrôle les champs collectifs qui mobilisent le travail des actifs des différentes familles conjugales, le produit de ces champs étant affecté à l’alimentation de l’ensemble des actifs et inactifs ; (2) les chefs de familles conjugales (ménages) gèrent leur propre production sur des terres allouées (de façon pérennisée ou non) par l’aîné du lignage, en mobilisant le travail des membres de leur ménage ; (3) certains membres du ménage exploitent une parcelle individuelle (ou commune au groupe formé par une épouse et ses enfants), sur une parcelle allouée par le chef de famille conjugale ou par l’aîné du segment de lignage. Le pays sereer (Sénégal) fournit une illustration classique de ce type d’organisation, avec les unités mbind (unité d’habitation, niveau supérieur de gestion des terres cultivables) et ngak (« cuisine », traditionnellement le groupe de production et de consommation des produits vivriers, qui intègre les petits champs) (voir par exemple Dupire et al., 1974). Ce type d’organisation productive connaît de nombreuses variantes, selon l’importance relative des productions collectives et individuelles et selon le degré de prise en charge des besoins de consommation (partielle ou totale) par le chef de segment de lignage (voir Raynaut et Lavigne Delville, 1997 sur l’Afrique soudano-sahélienne).
57Le niveau lignager de contrôle foncier peut disparaître (lorsqu’il existait) au profit de la famille étendue (telle que définie supra), avec maintien de la cohabitation de plusieurs familles conjugales, mono- ou polygyniques, et de flux fonciers, de travail et de produits alimentaires au sein de la famille. L’organisation productive familiale reste alors marquée par la coexistence de formes collectives et individuelles d’exploitation, mais régulées au niveau de la famille étendue et non plus du lignage (voir par exemple Lericolais, 1999 sur l’évolution foncière et productive au Sénégal chez les Sereer du Sine au début des années 1990).
58À un niveau plus restreint, les familles conjugales mono- ou polygyniques peuvent également présenter une structure productive composite, lorsque des dépendants familiaux bénéficient de délégations de droits d’exploitation sur la terre familiale. On en a eu une illustration avec le cas de groupes familiaux du Sud-Comoé en Côte d’Ivoire.
59Il faut souligner la variabilité de l’autonomie des dépendants familiaux concernés par la délégation de droits d’usage dans ces divers types de structures familiales, relativement à la mobilisation de leur travail et à la destination de leurs produits, ainsi que de leurs objectifs42. Du point de vue du travail, les situations diffèrent selon que le travail du dépendant sur sa propre parcelle (1) est limité à ses temps libres, une fois les tâches accomplies sur les parcelles du chef de famille ou sur les champs collectifs (en zone soudano-sahélienne) ; (2) peut être alloué plus librement, mais avec une prédominance du travail à consacrer aux parcelles cultivées sous la responsabilité du chef de famille ; (3) peut être engagé sans contrainte majeure (Le Roy, 1983). Dans les contextes d’Afrique subsaharienne, ce travail est souvent « normé » en termes de nombre de journées qui sont dues sur les parcelles du chef de famille (voir par exemple Bassett, 1991 sur les femmes sénoufo du Nord ivoirien ; Dubois, 1974 sur le pays sereer ; Benoit-Cattin et Faye, 1982 sur les exploitations wolof, au Sénégal ; Stone et al., 1995 pour les communautés kofyar au Nord-Nigeria).
60Ces contraintes pesant sur les cadets sociaux concernent aussi bien les hommes que les femmes. Au sujet de ces dernières, Okali (1983) suggère qu’en région cacaoyère au Ghana, les coépouses des ménages polygames sont avantagées quant à la possibilité de développer des activités personnelles (agricoles ou autres) comparativement à des épouses de ménages monogames, car elles disposent de davantage de temps libre, une fois assumées les tâches ménagères (voir également Toulmin, 2020 sur un cas malien). La capacité à mobiliser le travail agricole de leurs filles et, parfois, de leurs belles-filles pourra également faciliter pour certaines femmes ce développement d’activités propres.
61L’autonomie des dépendants familiaux en termes de contrôle du produit de la parcelle qui leur est concédée sur le patrimoine familial peut être très limitée – voir Marchal (1987) sur les femmes en pays mooga (mossi) burkinabè, Sahlins (1957) pour une illustration aux Fidji, ou encore Bambridge (2009 b) sur le cas de jeunes agriculteurs polynésiens engagés dans l’agriculture commerciale. Dans d’autres cas, une autonomie plus grande est laissée au dépendant familial dans l’utilisation du produit, et pour estimer l’importance de ce qui n’est plus qu’un « geste de reconnaissance » à l’égard du chef de famille. Souvent, conserver une partie du produit de cette parcelle, lorsqu’elle est conduite par une femme, servira à couvrir une partie des besoins alimentaires familiaux, qu’il s’agisse de produits vivriers de base (mil, riz, etc.) ou de compléments pour la préparation des repas (condiments pour la « sauce », etc.). Lorsque la production peut être commercialisée, une pratique générale est de disposer librement des revenus pour des dépenses personnelles, avec parfois cependant la prise en charge de certaines dépenses non alimentaires, comme l’habillement des enfants.
62L’autonomie des membres du groupe domestique (en particulier des femmes) sera plus prononcée lorsqu’ils développent des activités productives sur des parcelles prises à leur propre compte en FVI, ou sur des parcelles propres (reçues en donation ou achetées, par exemple). La base foncière de l’exploitation cesse de reposer (exclusivement) sur le patrimoine familial et l’exploitation est gérée de façon autonome (décisions culturales, contrôle du revenu). Les liens avec l’unité domestique du chef de famille ne sont toutefois pas rompus : la consommation peut rester gérée pour partie au niveau du groupe domestique, des services de travail demeurent, même s’ils sont réduits (aide apportée par le fils à son père pour la préparation du sol avant la mise en culture, etc.).
Organisations familiales et productives réticulaires
63La mobilité de certains membres de la famille sans rupture avec cette dernière conduit au développement d’« économies familiales en archipel » (Léonard et al., 2004), ou de « systèmes familiaux multilocalisés » (Cortes et al., 2014). Ces économies en archipel peuvent intégrer une dimension productive agricole familiale (avec ses bases foncières) multilocalisée (le cas qui nous intéresse ici) ; elles peuvent aussi conduire à l’ouverture de systèmes d’activité familiaux, au-delà de l’activité agricole. De fait, les différents types de structures familiales et productives que nous venons d’évoquer peuvent prendre une telle forme réticulaire ; cette dernière est donc potentiellement transverse.
64Une telle dynamique a pu être observée dans des contextes de colonisation agricole, comme en Côte d’Ivoire forestière, avec l’ouverture successive de nouvelles plantations par défrichement de la forêt, en suivant le déplacement du front pionnier. Le planteur crée une plantation en mobilisant la force de travail familiale puis, une fois la plantation devenue moins productive, il la confie à un parent ou à un manœuvre et se déplace pour créer une nouvelle plantation43. Des planteurs ont ainsi pu contrôler, sur quelques décennies, un chapelet de plantations (voir Lesourd, 1982 pour la Côte d’Ivoire). Le produit des plantations sur le site initial a pu permettre d’acquérir des terres en zone pionnière pour de nouvelles plantations, comme au Ghana (Hill, 1963) ou en Indonésie (Ruf et Yoddang, 2004) – avec en sus, dans ce dernier cas, le transfert d’expertise sur le nouveau site, facilitant la réalisation de nouvelles plantations. Toujours en Côte d’Ivoire, mais dans le contexte actuel, Ruf (2016) décrit des stratégies de dédoublement des activités productives par les planteurs burkinabè installés en zone forestière, qui confient à leur épouse (ou à l’une de leurs épouses) la création ou la gestion d’une plantation d’anacardiers dans leur village d’origine.
65L’émergence de systèmes familiaux multilocalisés peut ainsi venir de la recherche de nouvelles terres et de nouvelles opportunités productives avec la multilocalisation de l’activité agricole. La migration de membres de la famille, saisonnière ou de plus longue durée, agricole ou non agricole, peut aussi viser l’élargissement de la base foncière familiale sur le site d’origine. Ainsi, au Mexique, le maintien des liens entre les migrants clandestins aux États-Unis et le ménage paternel, via l’envoi de rémitances, peut permettre la survie de l’exploitation familiale, mais il peut aussi déboucher sur l’achat de terres et la formation de nouvelles exploitations, qui sont initialement gérées par le père, en articulation étroite avec sa propre unité de production, avant de former des structures autonomes au retour du migrant (Léonard et al., 2004).
Incidence des conditions d’accès à la terre familiale sur son usage productif
66La distribution des droits sur la terre et des devoirs au sein des groupes familiaux conditionne largement l’usage productif fait de la ressource foncière. Dans les contextes ouest-africains, la délégation de droits d’usage au sein de la famille exclut usuellement la plantation de cultures pérennes (qui serait susceptible de permettre la revendication d’un droit sur la terre) par le bénéficiaire de la délégation. Les dépendants ne disposent généralement que d’une partie de leur temps, ont un plus faible accès au matériel de culture et ont moins de ressources par l’achat des intrants. Le chef de famille peut être quant à lui contraint dans ses choix culturaux et, plus largement, dans l’usage qu’il fait de la terre qu’il contrôle. Il doit consacrer une certaine superficie à la production vivrière pour l’autoconsommation familiale (sauf à se reposer sur le marché des produits vivriers ou sur la prise en FVI pour cet approvisionnement) et répondre a minima aux sollicitations des dépendants familiaux sur la terre héritée (Colin, 2008). Les femmes, pour leur part, sont rarement en situation de posséder des plantations pérennes, car elles sont généralement exclues de l’héritage ; elles sont limitées dans leurs choix culturaux sur les terres qu’elles travaillent en délégation intrafamiliale, ainsi que dans la mobilisation de la force de travail familiale (y compris la leur) et, enfin, elles supportent de fortes contraintes pour accéder à la terre via les marchés fonciers.
67Nous avons déjà évoqué l’incidence de l’indivision familiale sur la gestion des terres, ainsi que les usages spécifiques auxquels elle se prête lorsqu’elle est effective (et pas seulement formelle) : pâtures collectives, rotation des bénéficiaires, etc.
68Le peu d’attention portée aux rapports sociaux intrafamiliaux contribue à expliquer les échecs d’introduction de nouvelles pratiques agricoles par les projets de développement, comme au Burkina Faso avec le projet PDI-SAB, lors duquel les femmes refusèrent d’améliorer les sols de leurs parcelles parce que, lorsqu’elles le faisaient, la terre améliorée était reprise par le chef de terre et réallouée à un homme (Leonard et Toulmin, 2000, qui présentent d’autres illustrations des défaillances de projets à intégrer les rapports de genre). Kaboré (2009) fait état de situations de blocage similaires à l’égard des cadets sociaux, dont les investissements dans la conservation des sols (installation de cordons végétaux ou pierreux antiérosifs) sont perçus comme des tentatives d’appropriation pérenne des terres familiales et font l’objet d’opposition de la part des aînés et des autres membres de la famille.
Le changement institutionnel
69Les relations intrafamiliales sont tributaires des évolutions démographiques, sociales, économiques et politiques, dont un bon nombre relèvent de la société globale, et qui interagissent avec les transformations des processus productifs. À ce titre, les rapports fonciers intrafamiliaux sont sujets au changement. Ni réductibles à un facteur unique (pression foncière, développement des cultures commerciales, réformes légales, etc.), ni linéaires, ces changements invitent à se départir de toute perspective évolutionniste et/ou mécanique dans l’analyse44. Ils résultent de rapports entre catégories de parents aux intérêts contradictoires et changeants en fonction du contexte, mettant en jeu la pluralité des normes qui ont « sédimenté » au cours de l’histoire. Ils peuvent déboucher sur de nouveaux arrangements institutionnels stabilisés, répondant mieux aux enjeux nouveaux qui se posent aux acteurs, ou donner lieu à des conflits récurrents, qui ne trouvent pas de régulation (nous y reviendrons en quatrième partie du chapitre). Ils interviennent souvent à l’occasion du renouvellement générationnel.
70On peut identifier quelques facteurs majeurs de changement institutionnel, qui se combinent et influent sur les pratiques foncières intrafamiliales :
- les changements démographiques, avec l’allongement de la durée de vie et l’augmentation du nombre d’enfants par femme, qui influent sur la pression sur la ressource foncière mais modifient également la structure des groupes familiaux et bouleversent les cycles de transmission des biens et des pouvoirs. On peut mentionner en particulier deux facteurs de bouleversement du cycle familial : (1) le fait que les périodes séparant les demandes d’accès à la terre des nouvelles générations se raccourcissent, du fait de la diminution de la mortalité infantile, induisant des « collisions » des demandes d’accès à la terre ; (2) le fait que les situations de coexistence plurigénérationnelle se multiplient et s’allongent, ce qui retarde les séquences d’accès au statut d’aîné et représente un facteur de conflictualité des rapports intergénérationnels ;
- la transformation des formes d’insertion des territoires dans le système économique et politique régional, national et international. Avec l’intensification des mobilités et la « désagrarisation »45 d’une part et l’émergence de nouvelles arènes et normes sociales susceptibles d’être mobilisées dans le jeu foncier d’autre part (affiliations politiques et religieuses, dispositifs de l’aide au développement, administration juridique et foncière, etc.), de nouvelles voies d’accès à l’aînesse sociale et à l’autonomisation se sont ouvertes aux jeunes et aux femmes en dehors du cadre lignager, affaiblissant dans le même temps l’autorité des aînés ;
- l’évolution des normes sociales et religieuses (comme, en Afrique, avec la régression des cultes animistes et la conversion au christianisme – notamment évangélique – et à l’islam) ;
- l’approfondissement des différenciations socio-économiques et le creusement des inégalités ;
- les transformations des processus productifs (question traitée dans le chapitre 6) et les changements dans la valeur de la terre ;
- les politiques publiques, et notamment les changements légaux ou les projets portant sur le contenu et la distribution des droits sur la terre (cf. chap. 10).
71Ces facteurs se combinent, de façon très contextualisée, pour produire des processus de changement institutionnel, qui peuvent suivre différentes lignes. D’une manière générale, les changements fonciers décrits ci-dessous ont accompagné la tendance à la réduction de la taille des groupes domestiques et à l’affaiblissement de l’autorité des aînés (avec pour conséquence le renouvellement des relations d’alliance et de descendance plutôt que leur disparition).
Évolution dans les transferts fonciers intrafamiliaux
72De très nombreuses références traitent de l’évolution des règles coutumières d’héritage, dans les contextes d’Afrique subsaharienne comme en Asie, avec en particulier le passage d’héritages sans partage à des héritages avec partage ; la remise en cause du principe de succession des générations (en héritages patri- comme matrilinéaire), qui veut qu’une génération soit épuisée avant passage à la nouvelle génération (l’héritage tend aujourd’hui à aller directement au fils ou neveu du défunt, et non plus à son frère46) ; ou encore, dans certains groupes à filiation matrilinéaire, avec un glissement de la dévolution des biens vers les enfants et non plus le frère ou le neveu utérins (Afrique de l’Ouest), ou aux fils et non plus aux filles (Asie du Sud). De telles dynamiques sont encore plus marquées dans les zones pionnières, où elles sont facilitées par l’éloignement géographique du migrant de son milieu d’origine et de ses cohéritiers coutumiers potentiels, et par le fait que l’héritage porte sur des biens créés par le travail du défunt et de ses enfants, et non sur des biens hérités selon la coutume. On doit insister sur le caractère non linéaire et non déterministe de ces évolutions qui résultent des effets conjugués de la pression foncière (et de la manière dont elle impacte la taille des patrimoines fonciers), de la valeur productive et économique de la terre, de la diversification de l’économie, des migrations et du cadre juridique, culturel et institutionnel47.
73En Afrique subsaharienne, avec la réduction du groupe des ayants droit et la légitimation croissante des transmissions en ligne directe (cf. infra), les femmes se voient parfois reconnaître un droit à l’héritage dans les systèmes où elles en sont traditionnellement exclues. Les pères sont en outre de plus en plus incités à transmettre des terres en héritage ou par donation à leurs filles dans des contextes où l’abandon de la pratique du lévirat48 (lorsqu’elle existait), l’instabilité matrimoniale et le développement des unions hors normes coutumières (sans versement de la compensation matrimoniale) précarisent la position des femmes et de leurs enfants vis-à-vis de la parentèle de leur mari et de leurs propres frères (voir par exemple Golaz, 2007, au Kenya ; André et Platteau, 1998, au Rwanda ; Bikaako et Ssenkumba, 2003, Joireman, 2018 à propos de l’Ouganda ; Rangé et Pallière, 2019 en République de Guinée). Au Mexique, Quesnel et del Rey (2004) mentionnent de telles pratiques dans le contexte de l’intensification et de l’allongement des migrations clandestines aux États-Unis, qui, d’une part, occasionnent des épisodes prolongés d’incertitude dans les relations entre les migrants et le foyer paternel et, d’autre part, sont de plus en plus souvent à l’origine de ruptures matrimoniales entre les migrants et leurs épouses. Celles-ci tendent à rejoindre le foyer paternel, avec leurs enfants, et sont parfois considérées comme de potentielles « porteuses » de l’héritage foncier entre la génération des parents et celle des petits-enfants. Ces nouvelles pratiques sont plus ou moins stabilisées, et sujettes à conflit.
74Les normes et valeurs portées par les religions (chrétienne comme musulmane), ainsi que les pratiques de l’administration coloniale puis indépendante et des services de vulgarisation agricole, favorisent ce glissement vers une transmission en ligne directe, en valorisant les liens du mariage, de la parentalité et la responsabilité des hommes dans la prise en charge du ménage. En Malaisie, l’augmentation des revenus des ménages ruraux avec la révolution verte s’est accompagnée, concomitamment à la promotion par l’État des valeurs islamiques, d’une dépréciation de la place reconnue aux femmes dans le ménage et a justifié qu’une plus grande part de l’héritage soit allouée aux hommes (Hart, 1991).
75Le développement des cultures commerciales et la compétition foncière ont potentiellement des effets contrastés sur les rapports entre sexes et générations. Ils se traduisent parfois par une tendance à la remise en cause de l’héritage des filles, lorsque cet héritage était reconnu (voir par exemple Yngstrom, 2002 sur la Tanzanie), ou des délégations de droits d’exploitation aux femmes (épouses, sœurs, filles) et aux jeunes (fils, neveux). Ainsi, lors du projet Jahaly Pacharr de riziculture irriguée en Gambie, les hommes ont tiré parti du projet en se réappropriant les champs autrefois cultivés par les femmes et, dans le même mouvement, le travail des femmes sur ces champs, en arguant de leur responsabilité dans la prise en charge du groupe domestique (voir, parmi bien d’autres références, Carney, 1998). Le développement de cultures commerciales (coton, puis anacardier) dans une société matrilinéaire et uxorilocale du Mozambique, où l’accès des hommes à la terre passait auparavant par les épouses, a pu se doubler d’un accès entre hommes affiliés au même lignage (Geffray, 1989).
76La manipulation des relations de parenté permet parfois de justifier l’exclusion foncière de parents à travers la révision du cercle de l’appartenance (Peters, 2002). De ce point de vue, une des évolutions majeures des deux dernières décennies dans de nombreuses régions d’Afrique subsaharienne est la diminution, voire la disparition, des dons et délégations de droits aux femmes et à leurs enfants lorsque l’union n’a pas été formalisée (André et Platteau, 1998 pour le Rwanda ; Golaz, 2007 pour le Kenya ; Whyte et Acio, 2017, Joireman, 2018 pour l’Ouganda ; Rangé et Pallière, 2019 pour la République de Guinée). Alors qu’en situation d’abondance foncière, ces enfants étaient considérés dans les normes coutumières comme appartenant au lignage de la mère et y jouissaient de droits sur la terre, ce n’est plus le cas en situation de compétition foncière.
Individualisation des droits fonciers au sein du groupe domestique
77Nous utilisons l’expression « individualisation des droits » au sens de restriction du groupe exerçant les droits sur la terre (Biebuyck, 1963). Cette restriction peut jouer à différents niveaux : celui du terroir (réduction des fonctions des autorités coutumières comme régulatrices de l’accès à la terre, régression ou disparition des ressources communes), celui des patrimoines fonciers (d’une maîtrise foncière par le lignage ou le segment de lignage à une maîtrise par la famille élargie, la famille nucléaire, l’individu), celui des droits d’exploitations des individus au sein d’un groupe domestique (Lavigne Delville et Karsenty, 1998).
78La disparition des réserves de terre à disposition du lignage, la perte du contrôle sur les alliances matrimoniales, l’émergence concomitante de la famille conjugale comme unité économique, avec l’individualisation des droits d’exploitation, les enjeux de la rente foncière en contexte d’urbanisation, l’accroissement démographique, la mobilité de membres du groupe domestique, le développement d’un accès marchand à la terre ou encore les politiques de formalisation et d’enregistrement de droits sont autant de facteurs favorables à l’individualisation des droits d’appropriation, au-delà des processus usuels de scission des groupes au cours du cycle domestique.
79Historiquement, en Afrique de l’Ouest, la précarisation des économies domestiques ayant résulté de l’imposition en argent a affaibli l’autorité des aînés, contraints de laisser les cadets partir en migration pour gagner le monétaire, et favorisé l’autonomisation des dépendants au sein des groupes domestiques et des unités de production (Raynaut et Lavigne Delville, 1997). Face à l’attraction qu’ont suscitée les migrations et le travail salarié auprès des jeunes gens, les aînés se sont vus contraints de leur laisser une plus grande autonomie au village en leur reconnaissant le droit de cultiver une parcelle pour se dégager un revenu monétaire propre (Pallière et al., 2018 à propos de la Sierra Léone). Les dynamiques dans les usages productifs de la ressource foncière interviennent aussi dans ces transformations. Les opportunités économiques offertes par de nouvelles cultures et le changement dans les techniques de production (mécanisation, irrigation, usage d’intrants) ont une incidence sur l’organisation foncière et productive au sein de la famille et, en amont, sur l’organisation même des rapports intrafamiliaux (Wilk et Netting, 1984). Ainsi au Centre-Sud Cameroun (pays bulu-beti), où le développement des plantations de cacaoyers a favorisé le démantèlement de la nda-bot (grande famille) et le resserrement de la cellule de production sur la famille nucléaire ou sur la fratrie, réunie dans une exploitation commune (Weber, 1977). Ces dynamiques impulsées par l’introduction de plantations pérennes ont été abondamment décrites. Dans le cas des migrants sénoufo installés en basse Côte d’Ivoire étudiés par Soro et Colin (2008), c’est l’opportunité de produire des cultures marchandes non pérennes (ananas, manioc), qui impulse une individualisation de la production à partir de parcelles familiales ou prises en FVI. À l’inverse, chez les Kofyar du Nord-Nigeria (Netting, 1965), une organisation familiale nucléaire dans la région d’origine, marquée par une agriculture intensive, avec un travail localisé, fait place à une organisation en familles étendues en zone de migration (via la polygamie et le maintien des jeunes adultes dans la cellule familiale), dans des conditions agroécologiques qui imposent un système de production spatialement dispersé. Ce constat va dans le sens de l’hypothèse de Pasternak et al. (1976), selon laquelle le besoin en travail serait un déterminant majeur de l’existence de familles étendues (Sahlins [1957] proposait déjà une telle interprétation). Yanagisako (1979) souligne cependant que les besoins en travail seuls ne suffisent pas à expliquer la structure des groupes familiaux, et qu’il convient de prendre également en compte l’organisation sociale de la production (division sexuelle et par âge du travail, emploi de main-d’œuvre rémunérée, coopération entre ménages).
80La fragmentation des unités familiales est susceptible d’avoir une incidence sur l’efficience productive et la vulnérabilité : des exploitations agricoles réduites au ménage nucléaire pourront avoir des difficultés à mobiliser le travail nécessaire pour réaliser à temps les travaux culturaux, ou à acquérir des équipements de culture, comme cela a été largement montré en Afrique soudano-sahélienne (Marchal, 1987 ; Raynaut et Lavigne Delville, 1997 ; Whitehead, 2006 ; Bainville, 2015 ; Toulmin, 2020).
81L’individualisation des droits d’appropriation est souvent considérée comme nuisant aux conditions d’accès des femmes et des jeunes au foncier. Dans certaines configurations toutefois, elle peut favoriser les dons de terres aux femmes, en contrepartie de leur travail (Evans et al., 2015 au Ghana), ou permettre de garantir l’accès des plus jeunes femmes et des derniers nés à la terre familiale. En permettant d’apaiser les tensions foncières, elle peut favoriser le renforcement des relations intrafamiliales (Ottino, 1972 en Polynésie ; Rangé et Pallière, 2019 à propos de la Guinée forestière). L’individualisation des droits d’appropriation peut aussi être un moyen pour les migrants de garantir leurs droits fonciers au village. En l’absence d’une telle individualisation, et en contexte de compétition foncière, les terres du groupe peuvent rapidement être entièrement occupées par les membres résidents et le droit à une parcelle des membres du groupe installés à l’extérieur risque fort de devenir virtuel (Floquet et Mongbo, 1998). L’individualisation des droits fonciers n’implique pas la disparition de tout contrôle lignager, les autorités du lignage continuant souvent à jouer un rôle important dans la régulation des conflits fonciers et la désignation de l’héritier (cf. supra). Le processus revêt une intensité très variable selon les territoires, les groupes sociaux et les groupes domestiques. Il dépend du type d’occupation du sol, les plantations pérennes et les champs cultivés en continu étant plus rapidement exploités et/ou possédés à l’échelle du ménage nucléaire (la littérature est ici abondante, nous ne mentionnerons que Boserup, 1970). Il n’est par ailleurs pas linéaire. Si la diminution des réserves foncières favorise de manière générale la segmentation du groupe des ayants droit, ces derniers peuvent choisir de conserver la terre en commun lorsque l’étendue du patrimoine foncier devient trop faible, comme nous l’avons noté. Les choix en la matière sont largement dépendants des opportunités offertes par l’intensification agricole, la pluri-activité, les migrations et les marchés fonciers, et également par les trames institutionnelles en vigueur.
82La dynamique de segmentation des groupes domestiques et d’individualisation des droits fonciers intrafamiliaux s’accompagne d’une réduction de la solidarité familiale élargie, sans que l’État soit en mesure d’assumer la fonction de protection sociale en déshérence (Platteau, 2004 ; Rangé et Pallière, 2019)49. Cependant, en situation de crise économique, on note parfois un processus de reconstitution de groupes familiaux élargis, avec par exemple le maintien de fils mariés et de leur famille dans l’unité domestique du père (Vimard et Léonard, 2005 sur le Sud-Ouest ivoirien ; Quesnel et Vimard, 1999 sur le Yucatan au Mexique)50.
La contractualisation et la clientélisation des relations foncières intrafamiliales
83L’insécurité dans laquelle se retrouvent les aînés quant à leur prise en charge future dans un contexte d’intensification de la mobilité des jeunes et de remise en cause du contrat intergénérationnel favorise le développement de relations clientélistes au sein des groupes domestiques, les propriétaires fonciers s’attirant le soutien de dépendants familiaux défavorisés par les normes coutumières, souvent leurs filles, en les dotant en terre. On trouvera des illustrations d’une telle dynamique dans les travaux de Cohen (1992), et Bélanger et Li (2009) sur la Chine ; André et Platteau (1998) sur le Rwanda ; ou encore Deere et Leon (2003) sur les sociétés luso-hispaniques lorsque le père favorise un fils – l’aîné ou le plus jeune – pour garantir sa prise en charge future, au mépris de la norme de partage égalitaire (voir également Huard, 2020, sur la Birmanie). Chauveau (1995) analyse un phénomène de clientélisation des relations foncières intrafamiliales dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, dans un contexte marqué par la compétition foncière et la perte d’autorité des aînés du lignage.
84Les migrations tendent également à renforcer la contractualisation et la clientélisation des relations foncières intrafamiliales, en conduisant à de nouvelles relations d’obligations et de protection autour de la terre familiale (les migrants confiant leur part du foncier à un parent pendant leur absence), ou au contraire en favorisant les tensions et conflits (Ottino, 1972 à propos de la Polynésie ; Léonard et al., 2004 à propos du Mexique ; Rigg, 2007 sur l’Asie du Sud-Est). Sur les fronts pionniers, les migrants fonctionnent souvent, on l’a noté, sur des relations clientélistes entre aînés (père, frère ou oncle) et cadets, les premiers ayant besoin du travail des seconds pour se constituer un patrimoine foncier.
Une lecture intrafamiliale de grands enjeux fonciers
85Cette dernière partie du texte propose une lecture spécifiquement intrafamiliale de quatre thèmes abordés dans d’autres chapitres de cet ouvrage : l’usage productif fait de la terre, le rapport aux marchés fonciers, les conflits fonciers et les politiques foncières.
L’usage productif au prisme du genre
86Les relations entre perspective intrafamiliale et usage productif de la ressource foncière ont été évoquées précédemment. Nous proposons ici une lecture spécifique, en termes de genre, des relations entre rapports fonciers intrafamiliaux et usage productif de la ressource foncière (voir également le chapitre 6).
87Deux préalables méthodologiques doivent être notés. D’abord, les études sur le genre s’appuient fréquemment sur une comparaison construite selon le sexe du chef de ménage, avec une conception unitaire du ménage (un seul centre de décision), ce qui conduit, nous l’avons vu, à ignorer le rôle des femmes dans les ménages dont les responsables sont des hommes. Ensuite, la catégorie analytique « femmes » ne peut être appréhendée comme homogène. Une femme chef de ménage peut être veuve ou divorcée, ou assumer ce rôle pendant l’absence de son conjoint, parti en migration. Elle peut être de condition très modeste, ou avoir un emploi urbain lui ayant permis d’acheter de la terre. Selon son âge et sa position dans le cycle domestique, le type d’alliance (mono- ou polygynique), son origine ethnique, son lignage, sa caste et sa classe, sa position dans les rapports fonciers différera radicalement. Dans les termes de Jackson (2003 : 467, 468), « différentes identités sont portées [inhabited] simultanément, ce qui crée des intérêts transversaux. En tant que fille, une femme a un intérêt évident à réclamer une part de la propriété parentale […], mais en tant qu’épouse, elle peut aussi s’opposer aux revendications foncières de la sœur de son mari, et en tant que mère, elle ne soutiendra pas nécessairement une fille contre les prétentions d’un fils. […] La propriété divise les femmes entre elles » (TdA ; voir également Peters, 2020).
88Le contenu des droits fonciers et l’organisation des activités productives au sein de la famille sont gouvernés par des normes, par des rapports de genre et intergénérationnels (donnés en un temps t mais évolutifs) : division du travail, modalités d’accès à la terre familiale, contrôle sur la production, etc. Forte en Afrique subsaharienne ou dans certains pays asiatiques, la place des femmes dans l’activité agricole et dans les rapports fonciers intrafamiliaux est moindre en Amérique latine et plus encore en Afrique du Nord. Les normes diffusées par les projets de développement, les services de l’administration et les religions posant l’homme comme chef de ménage et seul responsable de l’exploitation agricole sont parfois mobilisées pour justifier l’exclusion des femmes de certaines productions marchandes ou des pratiques d’héritage favorisant le transfert de la terre en ligne directe aux fils, ou à l’un des fils, et des politiques foncières biaisées en faveur des hommes (cf. infra).
89Dans certaines situations, on constate une déféminisation de l’agriculture, comme au Sud-Niger, où la pratique islamique de la « claustration des champs » (kublen gona, correspondant à l’interdiction de travaux champêtres pour les femmes) s’est répandue au début des années 2000, fournissant aux jeunes hommes un argument légitime pour contourner la norme sociale qui les oblige à céder une parcelle à leur épouse (Doka et Monimart, 2004). À l’inverse, Bassett (1991) décrit une « féminisation de l’agriculture » dans le Nord ivoirien, sous la forme, d’abord, d’une intensification du travail des femmes sur les parcelles contrôlées par les hommes, puis d’une extension des superficies des parcelles qu’elles contrôlent. Un processus de féminisation de l’agriculture est également constaté par Soro (2012) dans des groupes familiaux de migrants sénoufo de basse Côte d’Ivoire, dans un contexte de baisse des revenus tirés des plantations vieillissantes de café et de cacao, à partir de la fin des années 1970, qui a conduit les hommes à se désengager de certaines dépenses et à favoriser les activités productives de leur(s) épouse(s) – cette dynamique permettant aux femmes de s’affirmer au sein du ménage.
90Un thème peu travaillé est celui du pouvoir de décision relativement aux choix culturaux, aux façons culturales, à la destination du produit et à l’usage du revenu, pour les parcelles relevant des femmes. Twyman et al. (2015), en Équateur, montrent que la prise de décision effective est positivement liée à la forme de la possession (parcelle en propriété propre de la femme, plutôt que propriété du couple), à une implication directe dans les travaux sur la parcelle, à l’absence d’activité hors exploitation et à l’âge (les jeunes femmes participant davantage à la prise de décision). Agarwal (1994) souligne également qu’en Asie du Sud, le pouvoir de gestion des femmes sur les terres qu’elles possèdent ou sur lesquelles elles ont des droits d’usage est nettement plus marqué lorsqu’elles sont actives dans la production agricole (cas des groupes tribaux du nord de l’Inde) ou lorsqu’elles détiennent un droit de propriété individuelle (comme dans certaines communautés du Sri Lanka).
91Dans ces mêmes contextes, Agarwal (1994) insiste, relativement aux obstacles rencontrés par les femmes pour développer une production directe, sur le rôle des normes culturelles régissant les interactions avec les hommes non apparentés, tout particulièrement dans les sociétés musulmanes ou hindoues du sous-continent indien pratiquant le purdah (que l’on retrouve dans certains pays arabes), i.e. la ségrégation de l’espace selon les genres.
92Quelques études s’intéressent aux différences d’efficience dans l’allocation des facteurs, au sein d’un même ménage, entre les parcelles contrôlées par les femmes et celles contrôlées par les hommes (voir références in Meinzen-Dick et al., 2019), avec le constat que les premières sont exploitées moins intensivement (en termes de travail et de consommation d’intrants) que les secondes. Au-delà des critiques qui peuvent être formulées à ces études – qui tiennent principalement à l’absence d’analyse des relations entre générations, sexes et statuts au sein et entre les ménages en jeu dans la production51 –, un tel constat, et plus largement le fait que les femmes, lorsqu’elles ont une activité productive propre, ne sont pas toujours en mesure de pratiquer des cultures à forte valeur ajoutée ou de mettre en œuvre des pratiques culturales optimales, peut être mis en rapport avec tout un jeu de contraintes : contraintes financières pour l’achat d’intrants, le paiement de prestations de service, la rémunération de manœuvres agricoles, etc. ; obligations familiales en termes d’allocation de leur temps (travail domestique, parfois travail à consacrer de façon principale aux parcelles du chef de famille ou aux productions d’autoconsommation) ; moindre sécurisation de leurs droits fonciers, qui peut les empêcher de tirer parti de l’opportunité d’utiliser de nouvelles technologies, de pratiquer de nouvelles cultures plus rentables, de mettre la parcelle en jachère pour une durée suffisante ; accès à des terres familiales de moindre qualité ; accès limité à l’équipement ; moindre accès au marché du travail (pour recruter des manœuvres), aux dispositifs de vulgarisation ou de crédit, aux réseaux d’approvisionnement en intrants ou de commercialisation des produits.
Les dimensions intrafamiliales des rapports aux marchés fonciers
93Les marchés fonciers ne fonctionnent pas indépendamment des cycles domestiques, des systèmes d’héritage et de la mobilité des individus (sur les marchés fonciers, voir le chapitre 7). Nous avons déjà évoqué la pratique, ancienne ou développée plus récemment, de rapports fonciers marchands au sein même des groupes familiaux. Le focus est mis ici sur les dimensions foncières intrafamiliales des transactions foncières impliquant des tiers.
Droits fonciers intrafamiliaux et participation à l’offre sur les marchés fonciers
94Selon le contenu du faisceau de droits sur la terre et l’origine de ces derniers, la marge de manœuvre des membres de la famille quant à une éventuelle aliénation par la vente, ou quant à la cession en FVI, pourra différer sensiblement.
95Sur un terrain acheté, un héritage individualisé ou une possession obtenue par défrichement d’une terre libre de droits, la décision de vendre (lorsque le principe de la vente est socialement accepté) ou de céder en FVI est généralement du ressort du seul propriétaire, comme le sont la forme et l’importance de cette cession. A contrario, dans certaines sociétés du sous-continent indien, les femmes (filles ou épouses) héritant individuellement sont contraintes quant aux cessions (et plus largement à l’usage) qu’elles pourraient faire de leur terre52 (Agarwal, 1994) ; il en va de même dans d’autres contextes, comme dans certains groupes ethniques ougandais (Bikaako et Ssenkumba, 2003). En d’autres termes, l’héritage individuel s’accompagne de restriction sur certaines fibres du faisceau de droits qui est transféré. Dans le cas d’une appropriation individuelle faisant suite à une donation, la vente pourra être exclue tant que le donateur est en vie, ou être soumise à l’accord de ce dernier – une restriction parfois interprétée comme une incitation, pour les enfants, à remplir leurs devoirs envers leurs parents, et comme contrôle du risque de bradage du patrimoine foncier (Burnod et al., 2016).
96Dans le cas d’une parcelle correspondant à un héritage familial (non partagé), le niveau de contrainte pesant sur l’héritier/successeur varie. La terre jouant un rôle de sécurité pour l’ensemble des ayants droit, la vente pourra être socialement réprouvée, exclue ou requérir l’approbation du conseil de famille, et n’être envisageable que dans certaines situations : frais de santé importants, financement de la migration des jeunes, parfois frais de justice, patrimoine foncier trop réduit pour être partagé au moment de l’héritage, etc. Elle pourra aussi être limitée, dans un premier temps au moins, aux apparentés (endoaliénation évoquée supra), y compris avec un droit de préemption (comme avec le droit de chefâa)53. Le principe sera généralement de ne céder la terre hors du cadre familial que si les parents sollicités ne sont pas en mesure de l’acquérir. La possibilité de céder en FVI, en général reconnue à l’héritier d’un bien familial, peut être restreinte par le devoir de satisfaire – dans une certaine mesure – les demandes en terre des ayants droit familiaux, dans les contextes où ces ayants droit peuvent prétendre à un accès relativement autonome à la terre.
97Le fait que l’héritage donne lieu ou pas à un partage du patrimoine foncier est susceptible d’influer sur la dynamique des marchés fonciers. Un héritage conduisant à un fractionnement des patrimoines peut dynamiser l’offre sur les marchés fonciers, avec la cession de terres par des héritiers ne souhaitant pas ou ne pouvant pas les exploiter, ainsi que la demande, afin de reconstituer des unités foncières viables économiquement.
Les marchés fonciers : voies d’exclusion ou d’accès à la terre pour les dépendants familiaux ?
98L’incidence du jeu des marchés fonciers sur les relations foncières intrafamiliales donne lieu à des appréciations contrastées selon les situations.
99La vente de parcelles par le chef de famille est susceptible de compromettre l’accès à la terre des femmes et des jeunes sous sa dépendance. Cet impact négatif se trouve exacerbé lorsque les cessions portent sur des superficies importantes et sont concentrées spatialement, comme dans le cas des acquisitions par des acteurs urbains, fréquentes aujourd’hui en Afrique subsaharienne (Colin, 2017). Le développement des transactions foncières peut également conduire à une érosion des obligations coutumières, ces dernières cessant sur une terre achetée, comme cela est décrit par André et Platteau (1998) dans un contexte rwandais. Le développement du marché locatif peut aussi fragiliser le droit des dépendants familiaux, dès lors que le chef de famille peut être tenté de céder en FVI plutôt que de déléguer un droit d’exploitation sans contrepartie financière.
100Le marché de l’achat-vente peut à l’inverse permettre à des femmes (ou à d’autres cadets sociaux) d’accéder à la terre, indépendamment de tout rapport au foncier familial (voir références in Colin, 2017, pour l’Afrique de l’Ouest). Celles qui en ont les moyens, grâce à des revenus d’activités non agricoles, locales (transformation ou commerce) ou urbaines, sont alors actrices des marchés fonciers en tant qu’acquéreuses, se constituant un patrimoine foncier distinct de celui de leur mari. Dans certains contextes, les femmes doivent pour cela aller alors à l’encontre des normes locales quant à la place des femmes dans le ménage. Ainsi en Ouganda, Bikaako et Ssenkumba (2003) évoquent les achats fonciers réalisés à l’insu des époux, réticents à une telle indépendance féminine. On note également un recours croissant des jeunes aux marchés fonciers (achat et surtout FVI54) pour accéder à la terre hors patrimoine familial, ou pour compléter une faible dotation foncière obtenue par héritage (voir par exemple Golaz, 2007 pour une illustration kényane ; Whyte et Acio, 2017 en Ouganda ; Di Roberto, 2019 pour Madagascar ; Daoudi et al., 2017 en Algérie ; Rangé et Pallière, 2019 en République de Guinée). Parfois, c’est la mère qui achète une parcelle pour ses fils et s’assure ainsi que ceux-ci n’auront pas à faire face aux revendications foncières d’autres membres du lignage (Englert, 2008). On a précédemment noté qu’accéder à la terre hors du patrimoine familial par une prise en FVI ou un prêt de terre pouvait également assurer davantage d’autonomie aux femmes au sein du groupe domestique.
Les conflits fonciers intrafamiliaux
101Les relations foncières intrafamiliales sont fréquemment conflictuelles (voir à ce sujet le chapitre 8). Mise en évidence dans différentes régions du monde (voir Bambridge, 2009 a sur la Polynésie ; Allen, 2018 sur les îles Salomon ; Agarwal, 1994 pour le sous-continent indien), la dimension intrafamiliale des conflits a été particulièrement documentée en Afrique subsaharienne, marquée par des contextes de forte croissance démographique, de compétition foncière, de déstabilisation des instances coutumières, de développement des marchés fonciers, d’urbanisation et de mise en œuvre de politiques d’enregistrement des droits fonciers (Berry, 1993 ; Peters, 2004). Les conflits intrafamiliaux peuvent avoir de multiples sources et intervenir entre aînés et cadets, entre fratries dans les groupes familiaux polygames, au sein des fratries, entre parents et enfants, maris et épouses, etc. Les tensions ou conflits entre individus ou groupes apparentés peuvent conduire à un processus d’exclusion, transformant certains parents en « étrangers » et redéfinissant de façon plus restrictive qui peut avoir des revendications légitimes sur la terre. Dans certains contextes, les tensions intrafamiliales diffusent hors du cadre familial et se transforment en conflits intra- ou intercommunautaires. Sans prétendre à l’exhaustivité, on peut identifier quelques types de conflits fonciers intrafamiliaux récurrents.
Tensions autour des transferts fonciers intrafamiliaux
102Certains conflits intrafamiliaux viennent de la (tentative de) renégociation des transferts lors d’un héritage ou de donations entre vifs, dans des contextes où les enjeux fonciers s’exacerbent (notamment à l’occasion d’opérations de développement ou de programmes d’enregistrement des droits), ou lorsque les groupes familiaux voient leurs relations internes altérées du fait d’événements liés au cycle de vie des individus et des groupes domestiques : décès, accession au statut d’adulte par le mariage, retour de migration, etc. (voir par exemple Chauveau, 1995 pour une illustration ivoirienne)55. Il peut y avoir des tensions autour de l’identification de l’héritier (tensions entre frères et fils du défunt dans les sociétés patrilinéaires, entre fils et neveux utérins dans les sociétés matrilinéaires). Le caractère personnel ou familial de la propriété, ou encore des donations, peut être contesté – avec, par exemple, des revendications, après le décès du donateur, sur la terre qui avait fait l’objet d’une donation à ses enfants ou à son (ses) épouse(s). Lorsque l’héritage donne lieu à un partage, ce dernier peut aussi être source de conflits intrafamiliaux56 (voir par exemple Agarwal, 1994 sur le Sri Lanka et le Bangladesh).
103Des tensions peuvent également émerger lorsque l’héritier d’une terre familiale répond d’une façon jugée insatisfaisante, en tant que successeur, aux demandes de terres des membres de la famille, ou gère d’une manière jugée peu équitable les revenus issus de l’exploitation des terres héritées – l’accès au statut d’héritier impliquant des obligations, dont celle de répondre aux besoins des membres de la famille (Okali, 1983 sur le Ghana ; Kouamé, 2010 sur le pays abouré en Côte d’Ivoire ; André et Platteau, 1998 au Rwanda, lorsque le père ne satisfait pas la demande de terre de son fils, au moment du mariage de ce dernier).
104L’usage fait de la terre familiale peut aussi être une source de tensions. Lorsque des cadets développent une activité productive sur une parcelle familiale, il arrive que les aînés revendiquent en contrepartie une contribution jugée excessive par les jeunes. Pour cette raison, Amanor (2001) montre que des planteurs ghanéens préfèrent développer leurs plantations pérennes hors terres familiales. Dans cette même logique, Herrenschmidt et Le Meur (2016) évoquent le cas d’agriculteurs kanak néo-calédoniens qui préfèrent pratiquer des cultures commerciales via la prise en location des terres à des propriétaires non kanak plutôt que de rester sur les terres coutumières auxquelles ils ont accès « gratuitement », mais sur lesquelles ils sont soumis à des devoirs de redistribution (voir Bambridge, 2009 b). Sur un tout autre registre, les non-résidents peuvent être confrontés à des revendications foncières de leurs parents, lorsqu’ils laissent l’usage de leur terre à ces derniers (pour une illustration au Mexique, voir Léonard, 2020).
Tensions autour des transferts fonciers extrafamiliaux
105La cession en dehors du groupe familial de terres familiales héritées constitue un facteur majeur de tensions intrafamiliales dans les systèmes lignagers. Ces dernières peuvent être induites par une contestation du droit du cédant à céder, ou de la légitimité de la cession. Certains conflits autour des transactions ne sont que les révélateurs de contestations d’héritage et, plus largement, de droits au sein des familles. Ils éclatent souvent au renouvellement des générations, ou lors du retour au village de membres de la famille qui viennent y prendre leur retraite ou qui se trouvent en situation d’échec dans leurs projets urbains – comme dans nombre de contextes ouest-africains. Les contestations familiales de cessions foncières peuvent porter sur le principe même de la vente ou d’une cession « excessive » en location, de la part d’un héritier qui détourne à son profit le patrimoine commun, le « dilapide » ou ne le gère pas en « bon père de famille ». Elles portent parfois moins sur ce principe que sur l’usage fait de la somme perçue – avec alors une dimension d’économie morale, mais aussi un souci de partage de la rente.
106Il arrive parfois que les jeunes défient l’autorité des chefs de famille gestionnaires des terres par des retraits de terre aux migrants, puis essaient d’imposer de nouveaux contrats (voire qu’ils cèdent des terres familiales à l’insu de la famille), une pratique documentée dans de nombreux contextes d’Afrique de l’Ouest (voir par exemple Koné, 2001 ; Ibo, 2007 ; Kouamé, 2010 ; Bobo, 2012 sur la Côte d’Ivoire ; Mathieu et al., 2000 ; Hagberg, 2006 ; Bologo, 2008 ; Kaboré, 2009 sur le Burkina Faso ; Floquet et Mongbo, 1998, Edja, 2003 sur le Bénin). Dans la région centrale du Bénin, les relations entre jeunes et aînés peuvent s’inscrire dans un cadre pacifié, grâce à une répartition équilibrée de l’accès à la rente sur les migrants dans un contexte d’abondance foncière, mais les tensions apparaissent là où la pression foncière est forte et où les aînés revendiquent le monopole de la rente foncière (Le Meur, 2005).
107Dans des contextes aussi divers que l’Afrique subsaharienne, le Pacifique, le sous-continent indien ou les sociétés amérindiennes, ces conflits s’expriment parfois dans le langage et les pratiques de la sorcellerie et de l’empoisonnement, véritable instrument de contrôle social. Agarwal (1994) décrit, au Bangladesh en particulier, une pratique croissante d’accusations de sorcellerie adressées à des femmes de la famille, suivies d’assassinat (witch killing) comme moyens de prévenir leur accès aux droits fonciers, y compris les droits d’usage coutumiers. En Côte d’Ivoire, dans les groupes de filiation matrilinéaire, ce sont surtout les consanguins, héritiers en ligne directe d’un père (fils et filles) et résidant en ville ou à l’étranger, qui font valoir les droits d’héritage (cf. infra) devant un tribunal, car ils sont à l’abri des tentatives d’empoisonnement qui viennent sanctionner les déviations à la norme coutumière (Gastellu, 1989).
Politiques publiques et rapports fonciers intrafamiliaux
108Différentes politiques publiques sont mises en œuvre, qui visent à réguler l’accès à la terre (voire à réduire les inégalités en la matière), à accroître les investissements productifs, diminuer la pauvreté, sécuriser les droits fonciers, etc. (cf. chap. 4). L’impact de ces politiques (y compris des projets de développement) sur les rapports fonciers intrafamiliaux est largement discuté dans la littérature, bien qu’avec un focus quasi exclusif sur la question du genre57. Cet impact varie selon les systèmes de parenté et d’héritage, et selon le jeu éventuel du pluralisme normatif, qui peut articuler ou mettre en concurrence des normes coutumières, religieuses et du droit positif.
La révision du droit de la famille et de la propriété
109Ces politiques peuvent modifier le droit de la famille, de façon à influer sur les transferts fonciers intrafamiliaux – tout particulièrement sur l’héritage : partition de l’héritage auparavant transmis dans son intégralité en filiation unilinéaire ; partage égalitaire d’un héritage auparavant inégalitaire58 ; droit des épouses et/ou des filles à l’héritage ; exclusion ou non des enfants « illégitimes » ; reconnaissance ou non des unions coutumières, etc. Le droit régissant la propriété joue également un rôle majeur, selon, par exemple, le traitement fait de l’indivision et de préemption par les membres de la famille, ou encore les limites posées à la fragmentation de la propriété lors de l’héritage ou des ventes, ou, à l’inverse, à la concentration foncière à travers les achats.
110Ainsi, en Côte d’Ivoire, la loi sur la famille reconnaît depuis 1964 l’égalité des enfants devant l’héritage, sans distinction de sexe – ce qui remet en cause radicalement les principes coutumiers de dévolution des biens. En Ouganda, la loi foncière de 1998 reconnaît que les enfants détiennent des droits sur les terres coutumières et empêche le transfert de terres familiales sans l’approbation d’un comité foncier afin de protéger ces droits.
111Ce type de changement légal a pu avoir un impact positif sur l’accès des femmes à la terre (voir Agarwal, 1994 ; Meinzen-Dick et al., 2019), mais l’application de ces dispositions reste timide lorsque les pratiques coutumières en matière d’héritage et de gestion des patrimoines fonciers restent prégnantes ou lorsque les hommes de la famille s’y opposent. Parfois aussi, les femmes ont des réticences à faire valoir leurs droits (lorsqu’elles en ont connaissance), dans des contextes où elles considèrent que la terre doit bénéficier en priorité aux hommes exploitants agricoles de la famille (frères ou fils, les filles étant destinées à être entretenues par leur mari), où encore lorsqu’elles sont liées aux hommes de la famille par des relations de dépendance qui, loin de se limiter au foncier, s’étendent aux différents domaines de la vie sociale59. D’une manière générale, les législations en faveur des droits fonciers des femmes sont plus susceptibles d’être concluantes là où l’unité conjugale est structurante dans les relations sociales que dans les contextes où les patrimoines fonciers se transmettent au sein des groupes de descendance selon le principe de la filiation unilinéaire. Enfin, faire valoir ses droits devant les tribunaux suppose de pouvoir engager des débours monétaires et mobiliser un capital social. Par ailleurs, lorsque les droits accordés aux femmes et à leurs enfants concernent les unions monogames légalisées et les paternités « légitimes » (comme au Rwanda, en Haïti, etc.), les coépouses, concubines ou les enfants « illégitimes » restent hors du champ de ces changements juridiques.
112Notons que ces nouvelles législations, élaborées dans le souci d’améliorer l’accès des femmes à la terre, reposent sur une conception homogène de la catégorie « femmes », dont les limites ont déjà été évoquées – une sœur et une épouse n’auront généralement pas le même rapport au foncier relevant du frère et époux (cf. supra). De façon plus fondamentale encore, elles peuvent ébranler l’organisation sociale, avec un coût lorsque cette organisation assure (comme c’est généralement le cas) d’autres fonctions redistributives ou d’assurance que le seul accès à la terre. Dans les termes de Pauline Peters (2019 : 47), « […] certaines politiques foncières […] incluent des déclarations (ou des prescriptions) selon lesquelles les fils et les filles doivent hériter de la terre. [Mais] une telle politique perturbera grandement […] les principes et pratiques de parenté et de filiation qui fondent une grande partie de la vie sociale » (TdA). Constatant les effets conflictuels et potentiellement contre-productifs des législations en faveur des droits des femmes dans les contextes africains, et critiquant l’idée selon laquelle les droits coutumiers seraient nécessairement défavorables aux femmes, plusieurs auteurs proposent de penser ces législations sur la base – ou en articulation avec – des principes coutumiers qui protègent les femmes (obligations morales, responsabilités interindividuelles), voire en prenant acte des rôles et responsabilités différenciés au sein de la famille et au cours du cycle domestique (voir Daley et Englert, 2010 pour une discussion de ces propositions).
Politiques de redistribution, de colonisation et de compensation foncières
113Les réformes redistributives et les programmes de colonisation de terres publiques ont historiquement ciblé les hommes comme bénéficiaires des dotations foncières en tant que chefs de ménage et chefs d’exploitation (cf. chap. 11). Ainsi au Burkina Faso, dans le cadre d’un programme de réinstallation sur des terres débarrassées de l’onchocercose, les femmes mariées des villages mossi concernés disposaient, avant la réinstallation, d’un accès à la terre via leur mari ou leurs parents. Après la réinstallation, elles ont perdu cet accès : elles n’ont pas bénéficié de terres propres dans la zone de réinstallation et ne peuvent plus allouer leur temps de travail de façon autonome, la culture du coton imposée par les autorités ayant accru les besoins en main-d’œuvre de leur époux (McMillan, 1995, citée par Kevane et Gray, 1999). Les programmes d’agriculture contractuelle et les compensations auxquelles donnent lieu les acquisitions foncières à grande échelle tendent, pour les mêmes raisons, à renforcer le pouvoir des hommes au sein des familles (Chung, 2020). En Tanzanie par exemple, les compensations pour les déguerpissements induits par un grand projet de production industrielle de canne à sucre ont bénéficié aux seuls hommes, en tant que « chefs de ménage », avec pour conséquences un renforcement des structures patriarcales de contrôle de la propriété au sein des familles et un approfondissement des tensions et conflits conjugaux (Chung, 2017, citée par Chung 2020). Autre exemple, sur l’île de Bornéo en Indonésie où les terres concernées, jusqu’alors exploitées et gérées dans les systèmes coutumiers locaux, sont cédées en bail par l’État aux industries. Alors que l’enregistrement des parcelles destinées à la production d’huile de palme sous contrat se fait au nom du « chef de famille », les parcelles héritées par les femmes dans le système coutumier sont enregistrées par et au profit de leurs époux auprès de la compagnie. Dans ces conditions, le développement de l’agriculture contractuelle se traduit pour les femmes par l’érosion de leurs droits fonciers, l’augmentation de leur charge de travail familial agricole et leur relégation au statut de manœuvre agricole (White et White, 2012).
114Certaines politiques de redistribution foncière ont eu un impact positif incontestable pour les femmes, comme dans l’Amhara éthiopien dans les années 1990. Les ménages contrôlés par les femmes se trouvent cependant ensuite sous forte contrainte pour l’exploitation directe de la terre, du fait d’un manque de ressources productives et de la division sexuelle du travail en usage dans la société locale. Ces femmes ne peuvent alors que céder leur terre en FVI (Teklu, 2005).
115Les programmes de décollectivisation peuvent avoir des incidences négatives sur les femmes et les jeunes, comme en Chine, où l’introduction d’un nouveau cadre légal a accordé des droits individuels d’exploitation de 15 ans, puis de 30 ans sans réajustement possible. Les jeunes qui n’étaient pas là lors des dotations ne peuvent plus accéder à la terre, et les femmes qui se marient et rejoignent leur époux (résidence virilocale du couple) ne peuvent conserver la leur (Judd, 2007 ; Bélanger et Li, 2009). Bélanger et Li (2009) se livrent à une comparaison entre un village chinois et un village vietnamien, avec dans les deux cas un accès des femmes à la terre lors des dotations par l’État et une pratique des héritages excluant les femmes, contrairement à ce qui est prévu par le cadre légal. Dans le cas chinois caractérisé par l’exogamie et une virilocalité dominantes, les femmes perdent de fait les droits fonciers qu’elles pouvaient avoir dans leur village d’origine. Dans le cas vietnamien, l’endogamie villageoise dominante permet en revanche aux épouses de conserver leurs droits fonciers (voir également Agarwal, 1994 pour certaines régions d’Asie du Sud).
Les politiques de formalisation des droits
116Les politiques de formalisation des droits (délivrance de certificats ou de titres fonciers, cf. chap. 10), lorsqu’elles conduisent à reconnaître au chef de famille un droit de propriété individuel sur une terre familiale, peuvent porter un préjudice aux femmes et aux cadets du groupe domestique60. Les titres fonciers, lorsqu’ils sont délivrés individuellement, reviennent à transformer un individu porteur d’une autorité au nom d’un groupe familial en un détenteur d’un droit de propriété individuel et sont susceptibles de « désenchâsser » la terre d’un ensemble d’obligations familiales. Ainsi au Mexique, avec la réforme de 1992 de l’ejido61, le caractère patrimonial de la dotation foncière a été supprimé et la prohibition du marché des droits ejidales levée en grande partie (le principe de non-fragmentation de la dotation étant maintenu). L’héritier (de la dotation foncière) et successeur (du statut d’ejidatario) unique bénéficie dès lors d’une possession individuelle, avec possibilité de transfert sous la seule contrainte du droit de préemption de son épouse et de ses enfants. Auparavant, une seule personne héritait de la parcelle et du statut, mais les autres enfants pouvaient continuer à jouir de l’usufruit des terres dans l’ejido ; avec la réforme, l’héritier peut retirer ces parcelles à ses frères.
117Au Kenya, la formalisation des droits a accentué la résistance des hommes au contrôle des femmes sur la terre, en encourageant l’enregistrement des terres au nom d’un unique propriétaire, généralement le chef de ménage. Cela a été favorisé par la mobilisation de la coutume par les hommes, pour renforcer leur contrôle sur la terre. Cette formalisation a fragilisé les droits d’usage des femmes et a entravé leur accès au crédit, les prêteurs exigeant des titres fonciers comme garantie (Whitehead et Tsikata, 2003). En Ouganda, les firmes qui investissent dans l’huile de palme exigent la détention d’un document foncier pour contractualiser avec les producteurs, excluant de fait les femmes (Doss et al., 2014). Au Niger, les terres achetées par les femmes sont enregistrées par les maris, en leur nom, auprès de la commission foncière, au risque de précipiter l’exclusion des femmes de la propriété foncière (Diarra et Monimart, 2006). À l’inverse, des études conduites en Éthiopie montrent que la certification foncière au nom des femmes, en sécurisant leurs droits sur la terre, leur facilite la perception d’une rente foncière via la cession en FVI sans crainte de dépossession, y compris par des parents (Holden et al., 2011 ; Bezabih et al., 2015).
118Sous la pression des organisations internationales et des sociétés civiles, la maîtrise foncière, et tout particulièrement la possession foncière, sont de plus en plus vues comme des conditions d’émancipation (empowerment) des femmes au sein du ménage et comme des éléments majeurs de sécurisation, en particulier en cas de divorce ou de veuvage. Certaines politiques ont mis en place des mécanismes d’inclusion spécifiques, qu’il s’agisse de réformes redistributives, qui reconnaissent le droit des femmes aux dotations foncières, ou, surtout, de la formalisation de leurs droits, avec la possibilité ou l’obligation d’établissement de titres aux noms des deux membres du couple (Deere et León, 2003 relativement à de nombreux pays d’Amérique latine ; Agarwal, 1994 et 2003 pour l’Asie du Sud ; Léonard et Toulmin, 2000 et Whitehead et Tsikata, 2003 sur l’Afrique subsaharienne ; Ali et al., 2014 sur le Rwanda).
119Ces orientations des politiques publiques ont cependant des limites. Outre le fait qu’elles restent marquées par la conception homogénéisante de la catégorie « femmes », Deere et León (2001) et Jackson (2003) notent que les conditions de transmission ultérieure des titres fonciers obtenus par les femmes réduisent l’intérêt à long terme d’une formalisation des droits à leur nom, les femmes elles-mêmes privilégiant leurs fils dans leur héritage. Que la terre soit titrée ou pas, le constat est souvent fait, nous l’avons noté, que les femmes transfèrent la terre à leurs héritiers mâles, sous l’effet de la pression sociale et foncière, ou de leur perception de la place de la femme dans les activités productives. En Inde, la possibilité d’attribution d’un titre foncier commun aux époux ne garantit pas aux femmes une liberté de prise de décision quant à l’usage de la terre, au contrôle des produits, etc. (Agarwal, 1994). Lorsque les femmes sont reconnues comme bénéficiaires potentielles de programmes de formalisation, elles manquent souvent des ressources financières et d’une maîtrise suffisante des procédures administratives pour demander le titre ou le certificat (Lastarria-Cornhiel et al., 2014).
120On observe, depuis quelques années, des tentatives d’organisation des femmes pour revendiquer des droits fonciers accrus, avec l’appui d’ONG et d’institutions internationales. Les effets de ces tentatives restent globalement peu visibles, du fait de la faible présence des femmes dans les instances politiques de décision et dans l’espace public, des normes sociales, d’un faible recours aux tribunaux et aux instances coutumières de régulation du foncier, qui restent dominées par les hommes.
Conclusion
121Au-delà de l’unité conjugale ou du ménage, la famille renvoie de manière beaucoup plus large aux personnes apparentées par la filiation ou l’alliance. La grande diversité des structures familiales, des systèmes de filiation et des régimes matrimoniaux observée dans le monde se traduit par une polymorphie des organisations sociales et économiques autour de la ressource foncière, qui pose de véritables enjeux conceptuels, nous l’avons noté (en particulier quant à la place de cette ressource dans les organisations familiales et productives).
122Les groupes domestiques sont tout à la fois des lieux de coopération et de conflits. La coopération repose sur une multiplicité de transferts (droits aux ressources, travail, revenus, produits, etc.) qui dépassent la seule sphère agricole, renvoient à une logique plus ou moins explicite de contrepartie différée dans le temps et sont encadrés par un ensemble de droits et d’obligations, de devoirs, qui changent au gré des événements du cycle familial (mariage, naissance, migration, décès, etc.) et de l’évolution des systèmes de valeurs. Les conditions d’accès à la terre au sein des familles, leurs effets en termes d’équité, l’autonomie laissée aux individus ou encore l’asymétrie des relations foncières entre les générations et les sexes doivent ainsi être lus à l’aune de ces droits et obligations, de leur respect, leurs transgressions et leurs renégociations éventuelles. La famille est aussi un lieu de tensions, voire de conflits, liées aux divergences entre les intérêts des membres entre eux ou dans leur rapport au collectif familial. Les changements structurels (changements démographiques, monétarisation des échanges, creusement des inégalités, urbanisation, développement des migrations longues, « désagrarisation » et reconfigurations « en archipel » des organisations familiales, etc.) induisent une tendance à l’individualisation des droits d’appropriation et/ou d’exploitation, à l’évolution des pratiques d’héritage, parfois à la clientélisation et à la marchandisation des relations foncières intrafamiliales et sont de nature à accentuer ces tensions. Les pages qui précèdent montrent cependant qu’il faut se garder de toute perspective évolutionniste mécanique dans la lecture de ces dynamiques, tant ces changements sont dépendants de l’environnement socio-économique et politique et de la plasticité des organisations sociales concernées, dans toute leur diversité, y compris à des échelles locales.
123Cette diversité et les recompositions permanentes des organisations familiales expliquent dans une large mesure les échecs récurrents et certains effets pervers des projets et politiques de développement. Deux biais dans la vision de la famille sont à relever à cet égard : d’une part, une conception unitaire du ménage, qui conduit à ignorer les divergences d’intérêt possibles au sein du groupe familial ; et, d’autre part, une vision individualisante des stratégies des membres au sein de la famille, qui néglige l’existence de relations de solidarité et de logiques patrimoniales. La lecture des rapports de genre à propos du foncier en termes de discrimination et les mesures de politiques publiques qui en découlent assimilant émancipation et possession foncière méconnaissent ainsi les coûts sociaux d’une tension ou d’une rupture avec les proches (époux, frères) (Jackson, 2003) et gomment l’hétérogénéité de la catégorie « femme » – et tout particulièrement les différences radicales entre les statuts d’épouse et de veuve, ou de sœur et de fille. Elles ignorent donc le fait que le rapport des femmes – et plus largement de l’ensemble des acteurs sociaux – à la terre ne peut être appréhendé indépendamment des systèmes de filiation et d’héritage, et des identités et revendications qu’ils font naître. Les effets d’une politique de formalisation des droits seront ainsi largement dépendants du degré d’individualisation des droits d’appropriation et de l’importance respective du couple et du groupe de descendance dans la vie sociale (voir à ce sujet le chapitre 10).
124La législation n’en demeure pas moins un facteur majeur de changement social qui, pour être vertueux en termes d’équité, doit venir répondre aux contradictions nouvelles des organisations familiales, lorsque l’inégalité de la répartition des droits fonciers n’est plus contrebalancée par les obligations de solidarité des détenteurs de droits à même de rétablir de l’équité et d’assurer de la sécurisation (ainsi, lorsque le chef de famille qui contrôle le patrimoine foncier n’agit plus comme garant d’un bien commun, mais comme un individu privatisant les usages de la terre familiale), ou lorsque cette inégalité est remise en cause par ceux qui la subissent parce qu’ils disposent désormais des ressources économiques et sociales leur permettant de s’en affranchir.
125Nous avons montré comment l’analyse des relations foncières intrafamiliales informait les dynamiques agraires, les marchés fonciers, les conflits fonciers ou encore les politiques publiques. La pandémie du VIH, les acquisitions de terres à grande échelle, le changement climatique, les situations de conflits armés sont autant d’autres thèmes et de questions sociétales dont les rapports à la question foncière mériteraient une lecture intrafamiliale (Englert et Daley, 2008). Les relations intrafamiliales restent donc un thème et un angle d’analyse à l’actualité toujours renouvelée. Plus de trente ans après l’article fondateur de Jane Guyer et Pauline Peters « Conceptualizing the Household: Issues of Theory and Policy in Africa » (Guyer et Peters, 1987), l’identification des unités familiales, de leurs limites et de leurs dynamiques internes, d’une part, des processus sociaux dans lesquels elles s’inscrivent, d’autre part, restent donc des enjeux majeurs pour traiter des questions foncières dans les processus de développement. La manière dont se construit l’appartenance au cercle des ayants droit familiaux, le rôle respectif de la filiation, des formes d’alliance et des pratiques sociales quotidiennes dans cette construction, le rapport entre intérêt collectif et intérêts individuels au sein de la famille sont de nature changeante et doivent être analysés finement, en lien avec l’évolution des environnements économique, politique et juridique, si l’on veut comprendre l’évolution de la position des différents acteurs dans la sphère domestique au regard de leur rapport à la terre.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Ce texte restera focalisé sur les relations réciproques entre champ foncier et champ familial. L’organisation familiale, les rapports de parenté et les formes de l’alliance constituent autant de champs de recherche à la fois spécifiques et à même d’en éclairer de nombreux autres. Il n’est pas dans l’objet de ce texte d’en proposer une lecture générale, synchronique ou diachronique. Sur ce point, nous renvoyons en particulier à l’ouvrage didactique de Ghasarian (1996) et au numéro spécial de L’Homme, « Questions de parenté » (Barry, 2000).
2 Pour une discussion des rapports entre famille et ménage en anthropologie, voir Yanagisako (1979).
3 Notons que Gastellu n’avait pas jugé utile de développer une réflexion spécifique sur les unités foncières, le foncier n’apparaissant pas alors comme un enjeu majeur dans les contextes africains auxquels il s’intéressait.
4 Dans la littérature francophone, les travaux de Gastellu sur les unités économiques et ceux de Ancey (1975) sur les « structures d’objectifs » des aînés, cadets et femmes ont été largement repris par les agronomes et les agroéconomistes conscients des limites de la notion « d’exploitation agricole familiale » pour comprendre le fonctionnement des économies familiales agricoles.
5 Groupe de filiation dont les membres descendent d’un ancêtre commun et connu.
6 Les recherches économiques formelles (quantitatives), conduites initialement dans une conception unitaire du ménage, intègrent dorénavant des modèles de marchandage (bargaining models) modélisant ces jeux d’acteurs (voir par exemple Haddad et al., 1997).
7 Qui peuvent être frères germains (même père et même mère), consanguins (de même père), utérins (de même mère).
8 Ainsi, pour l’Europe, Burguière (1986) distingue entre famille souche (liée à la permanence de la « maison », l’exploitation étant transmise à un seul héritier, le futur héritier cohabitant une fois marié avec ses parents), famille indivise (intégrant les frères mariés avec leurs enfants et petits-enfants), famille communautaire, de formes diverses et de grande dimension : groupes lignagers où les parents cohabitent avec plusieurs fils mariés, frérèches associant plusieurs frères ou sœurs mariés, etc.. Nous aurons l’occasion de revenir sur certaines de ces configurations familiales.
9 Au Mexique, Del Rey et Quesnel (2009) montrent comment les chefs de famille dotés d’un important patrimoine foncier parviennent, à travers le contrôle du foncier, à créer des relations d’obligations/protection vis-à-vis de leurs fils qui partent en migration aux États-Unis pour in fine renforcer leur position et leur pouvoir auprès des institutions locales.
10 Dans son étude de la famille paysanne en situation d’abondance foncière et de travail rare, Tchayanov (1990) pose la superficie de l’exploitation comme variable d’adaptation à une étape donnée du cycle familial.
11 La polygamie désigne l’union avec plusieurs conjoints : mariage concomitant d’un homme avec plusieurs femmes (polygynie) ou d’une femme avec plusieurs hommes (polyandrie). Le terme de polygamie est souvent utilisé en lieu et place de polygynie, la polyandrie restant une pratique très marginale (nous y reviendrons). La polygamie désigne l’union avec plusieurs conjoints : mariage concomitant d’un homme avec plusieurs femmes (polygynie) ou d’une femme avec plusieurs hommes (polyandrie). Le terme de polygamie est souvent utilisé en lieu et place de polygynie, la polyandrie restant une pratique très marginale (nous y reviendrons).
12 La classification des systèmes de filiation, qui reste largement acceptée, a été remise en cause par des spécialistes de l’Océanie fréquemment confrontés à l’analyse de sociétés dans lesquelles le critère de la filiation seul est peu opératoire pour comprendre les pratiques de transmission (voir notamment Scheffler, 1964 ; Kuper, 1982).
13 La parentèle est un groupe de parenté « aux contours fluides » : « La parentèle de quelqu’un, c’est d’abord un réseau d’individus qui soit lui sont rattachés de façon directe […], soit lui sont apparentés par des liens qui aboutissent à lui ou partent de lui. […] [Elle] ne compte pas seulement les parents paternels et maternels en lignes directes et collatérales, mais aussi leurs alliés proches […] » (Godelier, 2010 : 143). De fait, les flux fonciers que nous qualifions ici d’intrafamiliaux peuvent intervenir sur la base de rapports de parentèle plus que de rapports répondant à un système de parenté donné.
14 Voir, en lien avec cette question, la critique de Schneider (1984) du rôle de la procréation et de la filiation dans la relation de parenté. Fondatrice d’un véritable renouveau des études anthropologiques sur le sujet, la critique de Schneider met en avant le rôle de la commensalité et de la corésidence dans la construction de la parenté.
15 Dans la majorité des systèmes historiquement en vigueur en France, le partant laisse ses biens en fermage à l’héritier resté sur place. Dans certains systèmes, les absents sont exclus de l’héritage (G. Béaur, communication personnelle).
16 Nous aurons aussi à évoquer le versement de dots (biens apportés, lors du mariage, par la famille de l’épouse à cette dernière ou à son ménage), qui peut avoir une composante foncière. La compensation matrimoniale (bride-price, actuellement désignée plutôt par bride-wealth), bien apporté par le mari ou sa famille à son épouse ou à la famille de cette dernière, joue un rôle majeur dans certaines organisations familiales, mais sans transfert de droits sur la terre. Nous ne traiterons pas ici du cas du douaire (obligation contractée par l’époux de laisser à son épouse une fraction de ses biens, en cas de décès).
17 Dans la suite de ce texte, lorsque le terme de « chef de famille » sera utilisé sans spécification, il fera référence à des chefs de familles nucléaires ou élargies en contrôle d’un patrimoine foncier.
18 Cette norme n’étant pas toujours respectée (voir par exemple Gastellu, 1989). Dans le contexte historique français, le « système à maison » pyrénéen offre une illustration très parlante des contraintes pesant sur l’héritier et successeur quant à la disposition du patrimoine familial (Derouet, 1995 ; voir également Lenclud, 1988 sur la Corse).
19 Loin d’être spécifiques aux sociétés du Sud, ces différentes formes d’héritage se retrouvent dans les pays du Nord. Le système d’héritage sans partage du patrimoine foncier correspond au modèle des « sociétés à maison » du sud de la France ; les coutumes du nord de la France intégraient les héritages donnant lieu à partage au bénéfice des seuls héritiers masculins ; la Franche-Comté du xixe siècle avait institué l’indivision pour échapper au partage égalitaire (G. Béaur, comm. pers.).
20 Rappelons que dans certains groupes matrilinéaires, ou dans les groupes de filiation indifférenciée, il s’agit d’une héritière.
21 Voir Agarwal (1994) pour le pays garo indien, ou encore le cas des groupes sénoufo installés à Kongodjan, en basse Côte d’Ivoire, où le principe du maintien intégral du patrimoine foncier lors de l’héritage (les droits d’usage étant, eux, individualisés) est vu comme une réponse à cette contrainte (« Il n’y a pas de terre et nous sommes nombreux, si on doit partager, on va avoir combien ? ») et comme filet de sécurité (« Si on divise aujourd’hui et que demain tu as un problème, tu ne peux pas aller voir l’héritier pour qu’il t’aide, il va te dire “on a partagé, chacun se débrouille” ») (Soro et Colin, 2008).
22 À propos des Flandres, Platteau et Baland (2001) font état d’analyses historiques interprétant le type d’héritage au regard des conditions de production, en comparant des régions de polders, nécessitant des attelages lourds pour les travaux du sol, disponibles seulement dans de grandes exploitations, et caractérisées par des héritages sans partage, et celles de l’intérieur, aux sols légers, exploitables à une échelle plus réduite et caractérisées par un héritage avec partage.
23 Se pose alors la question délicate des limites entre pratiques foncières et productives engagées par l’héritier au bénéfice du groupe des ayants droit et celles engagées à titre privé.
24 Le développement local d’activités hors exploitation peut cependant permettre la survie de ces exploitations minifundistes nées des morcellements post-héritage, comme cela a été le cas en Europe, avec la proto-industrialisation de certaines régions rurales (Burguière, 1986).
25 Nous ne faisons pas ici référence aux situations (peu fréquentes) où le droit à l’héritage est reconnu aux filles et où la terre reçue en dot au moment du mariage relève d’un pré-héritage foncier. La dot, qu’il s’agisse ou non d’un pré-héritage, prend rarement la forme de terre (Agarwal, 1994).
26 Ce mode d’héritage est porteur d’inégalités foncières entre héritiers, lorsque chaque épouse « reçoit » approximativement la même superficie, mais que le nombre de fils diffère grandement d’une épouse à l’autre (Weber, 1977).
27 En situation de frontière, de nouvelles terres peuvent être acquises par défrichement. Détenant d’abord un statut de bien propre offrant plus de liberté à son détenteur quant aux modalités de transferts des droits, la terre prend parfois un caractère familial avec le changement de génération (Goody, 1962 ; Hill, 1963 ; Okali, 1983 sur le Ghana ; Colin, 1990 sur la Côte d’Ivoire).
28 Leach (1961) mentionne ainsi à Pul Eliya (Ceylan) des donations aux enfants du premier mariage lorsqu’il y a remariage, les enfants du second mariage héritant du reste au décès du père (système d’héritage avec partage, seuls les hommes héritant de la terre).
29 Le legs correspond à un transfert de droits sur la terre (pour nous limiter à l’objet de ce chapitre), prévu par le défunt, mais qui ne prend effet qu’à son décès, alors que la donation prend effet du vivant du donateur.
30 À Rangiroa (Polynésie), le legs vise à prévenir la contestation d’héritage foncier au profit d’enfants adoptés (Ottino, 1972). De façon originale, un tel legs fait sortir la parcelle concernée de l’indivision et les bénéficiaires en deviennent pleinement propriétaires, alors que les enfants biologiques héritent d’une propriété familiale en indivision ne leur laissant que des droits d’usage.
31 Échange marchand au sens de transfert de droits d’appropriation ou d’usage contre une contrepartie exigible, établie sur la base d’un système d’équivalence (cf. chap. 7).
32 Nous ne faisons pas référence ici au prêt entre parents (entre frères par exemple, tous deux exploitants autonomes), pour nous focaliser sur les transferts organisés par le chef de famille au bénéfice de ses dépendants familiaux.
33 Voir Fafchamps (2001) et Guirkinger et Platteau (2015) pour des interprétations économiques formelles des délégations de droits d’usage au sein des familles en contextes africains. Notons que la relation établie par Guirkinger et Platteau dans leur étude au Mali, entre la délégation de droits et une pression sur la superficie en terre familiale par actif, est infirmée dans le cas du Sud-Comoé ivoirien.
34 L’unité foncière d’exploitation correspond à l’ensemble des parcelles exploitées par un individu ou un groupe pour son propre usage, quels que soient les droits dont il dispose : elles peuvent relever de son patrimoine foncier propre, de celui de sa famille, ou encore être prises en FVI – il s’agit en d’autres termes de la base foncière de l’unité de production agricole (cf. chap. 1).
35 La redistribution de la terre à travers l’héritage et sa circulation marchande s’articulent alors avec les cycles familiaux (Derouet et Goy, 1998 ; Béaur et Chevet, 2013).
36 Avec le cas échéant des parcelles prises en FVI.
37 On retrouve une organisation productive unitaire dans la famille souche décrite en Europe par les historiens, qui reposait sur la permanence d’une « maison », avec héritage du patrimoine dans son intégralité par un héritier unique, également successeur à la tête de l’exploitation.
38 Dans les sociétés à héritage égalitaire de la France d’Ancien Régime, le maintien indivis, par les fratries, de l’héritage et de l’exploitation après la mort du père prenait la forme des frérèches (Derouet, 1995).
39 Pour plus de lisibilité, cette figure ne fait apparaître qu’un seul dépendant familial contrôlant une unité « satellite ».
40 Voir notamment les travaux fondateurs de Balandier (1974) pour une caractérisation de la relation aînés/ cadets et ceux de Meillassoux (1975) pour une interprétation économique de cette relation.
41 On ne retrouve pas un tel poids des structures lignagères dans les communautés d’agriculteurs d’Afrique de l’Est et australe, où les ménages jouissent d’une forte autonomie, même relativement à des terres collectives ou coutumières (Pauline Peters, communication personnelle).
42 De ce fait, il peut être empiriquement délicat de distinguer les situations d’organisation productive familiale en unités « principales » et en unités « satellites » indexées sur un même patrimoine foncier des situations où les unités « satellites » s’autonomisent complètement sur les registres non fonciers mais continuent de bénéficier d’un accès au patrimoine foncier familial (avec donc maintien d’un pouvoir de régulation de l’autorité familiale). L’éventuelle fragmentation ultérieure du patrimoine foncier est évoquée dans la troisième partie de ce texte.
43 Voir également Breusers (1999) sur la zone cotonnière au Burkina Faso. C’était aussi, dans un tout autre contexte et à une autre époque, le modèle de défrichement québécois (Bouchard, 1993).
44 Avec une perspective historique française, Derouet et Goy (1998) considèrent que la pression foncière est une condition nécessaire mais non suffisante à l’apparition de pratiques successorales restrictives – les alternatives pour faire face à une dégradation du rapport terre/hommes étant l’intensification de la production ou la migration, liée une diversification des activités économiques ou au départ de certains individus vers des régions de plus grande disponibilité foncière (on retrouve cette logique au Sénégal, avec les migrations sereer vers les Terres Neuves, voir Lericollais, 1999). Burguière (1986) note que les perspectives d’emploi et de revenus non agricoles ouvertes par la proto-industrialisation des campagnes européennes ont contribué à déstabiliser la famille souche, en ébranlant le pouvoir patriarcal (diminution de l’attrait de la terre et donc du caractère crucial de son contrôle, libération des pratiques matrimoniales, etc.).
45 La notion renvoie à la diversification de l’économie rurale au-delà des activités agricoles et à la généralisation de la pluri-activité dans les économies familiales.
46 Il arrive cependant que les anciennes règles de dévolution des biens, qui avaient évolué, soient réactivées avec la raréfaction relative de la terre, comme dans le cas gban (Côte d’Ivoire) décrit par Chauveau (1995). Alors que le développement des plantations pérennes en situation d’abondance de terre et de pénurie relative de travail familial avait conduit à une transmission aux fils au décès du planteur, la tendance, au début des années 1990, était pour les aînés de réactiver la règle de gérance de l’héritage par les frères consanguins du défunt.
47 Analysant l’histoire des systèmes de transmission européens, Derouet et Goy (1998) montrent ainsi comment en fonction des contextes économiques, politiques et juridiques, les systèmes de transmission à partage égalitaire ont pu évoluer en système à héritier unique ou au contraire se maintenir.
48 Mariage d’une veuve avec un frère de son époux défunt.
49 Cette dimension « assurance » contribue, nous l’avons vu, au maintien indivis du patrimoine familial lors de l’héritage.
50 Cette même logique est décrite par Le Roy Ladurie (1969) pour le Languedoc en crise des xive et xve siècles.
51 Udry (1996) est ici la réference incontournable. O’Laughlin (2007) rappelle les limites de cette étude : absence de distinction entre les parcelles travaillées individuellement par le chef de famille et celles travaillées collectivement sous son contrôle (les deux étant qualifiées de « parcelles masculines » dans l’analyse quantitative), ou encore non-prise en compte du fait que les femmes exploitent usuellement seules leur parcelle.
52 Y compris, outre les normes culturelles, par des restrictions légales, comme au Népal où les femmes ne contrôlent que la moitié de leur héritage et doivent, pour l’autre moitié, solliciter l’accord du père ou du fils adulte (pour les veuves) pour procéder à d’éventuelles cessions.
53 Qualifié de « retrait lignager » dans la France de l’Ancien Régime (Derouet, 2001). On suivra avec intérêt l’analyse passionnante du retrait lignager proposée par l’auteur, en particulier sa lecture de son utilisation stratégique pour la détermination du prix.
54 L’accès à la terre par le FVI est moins sélectif que l’achat, du fait d’un moindre besoin de financement.
55 Pour une analyse plus générale des conflits fonciers, voir le chapitre 8.
56 En particulier lorsque ce partage vient de nouvelles législations et non des pratiques coutumières. Au Bangladesh, des frères interviendront par exemple auprès des autorités agraires pour dénoncer comme propriétaires absentéistes leurs sœurs résidant dans le village de leur époux, ou les menaceront de procédures judiciaires coûteuses. Plus largement à l’échelle du sous-continent indien, ces nouvelles législations induisent des conflits (et souvent des violences allant jusqu’au meurtre) touchant sœurs, filles, ou encore belles-filles.
57 Voir Agarwal (1994, 2003), Meinzen-Dick et al. (1997), Lastarria-Cornhiel (1997), Gray et Kevane (1999), Deere et León (2001, 2003), Razavi (2003, 2007), Englert et Daley (2008), Levien (2017), Lastarria-Cornhiel et al. (2014).
58 Dans la France révolutionnaire, auparavant globalement divisée en pays coutumiers (avec un partage égalitaire traditionnel lors de l’héritage) et en pays de droit écrit (désignation par testament d’un héritier principal), le projet initial de généraliser le partage égalitaire s’est heurté à une forte opposition dans les seconds, où il remettait en cause l’autorité paternelle. Les familles ont élaboré différentes parades pour échapper à la législation successorale égalitariste, avec la complicité des notaires, voire des juges. Le Code civil de 1804 proposera un compromis juridique et politique, en donnant la possibilité de privilégier par testament un héritier, mais avec certaines limites (Goy, 1988).
59 Dans des sociétés d’Asie du Sud, souvent marquées par des violences conjugales ou émanant de la belle-famille, renoncer à la terre au profit des frères revient à garantir une position de repli, tout en évitant de s’exposer à la violence qui pourrait émaner de ces frères si le droit à l’héritage foncier était revendiqué (Agarwal, 1994).
60 Inversement, comme le note Jean-Pierre Jacob (communication personnelle) dans une perspective convergente avec celle de Pauline Peters, on pourrait tout aussi bien dire : « Les politiques de formalisation des droits, lorsqu’elles conduisent à reconnaître à la femme mariée un droit de propriété individuel sur une terre auparavant bien familial du lignage du mari, peuvent porter un préjudice à l’ensemble du groupe domestique. »
61 Institution à travers laquelle les dotations foncières ont été réalisées lors de la réforme agraire.
Auteurs
Économiste institutionnaliste, directeur de recherche à l’IRD (UMR Sens), cofondateur du Pôle foncier de Montpellier. Ses travaux actuels portent sur les dimensions intrafamiliales de l’accès à la terre, les marchés fonciers ruraux et les contrats agraires, les impacts locaux des politiques foncières, les rapports entre dynamiques foncières et dynamiques productives. Il travaille ces thèmes avec des partenaires des universités Félix Houphouët-Boigny et Alassane-Ouattara en Côte d’Ivoire, et de l’École nationale supérieure agronomique en Algérie.
Géographe, chercheuse associée à l’UMR Prodig et responsable de l’animation scientifique au Gret. Elle travaille à l’interface entre recherche, développement et expertise en accompagnement de l’action publique. Elle s’intéresse plus spécifiquement à la gouvernance des ressources naturelles dans les zones humides sahéliennes et à la transformation des rapports socio-fonciers dans les économies familiales en contexte de changements structurels.
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