Chapitre 2. Pollutions dans un monde liquide
Sources, devenirs et conséquences pour la planification spatiale marine au Sénégal
Texte intégral
Introduction
1L’océan a été historiquement considéré comme un endroit suffisamment vaste pour pouvoir accueillir toutes sortes de déchets produits par les sociétés humaines sans dommages (Gorman, 1993). La logique a été poussée très loin par les sociétés industrielles qui prennent tardivement conscience des limites de cette approche. L’origine et la nature des déchets rejetés dans le milieu marin sont particulièrement variées : ceux liés à l’exploitation des navires, aux activités nucléaires civiles et militaires, aux eaux usées industrielles et domestiques, aux ruissellements des intrants agricoles, aux saumures et contaminants issus de la désalinisation de l’eau de mer, aux rejets et fuites liés aux activités d’extraction de matières premières, etc. L’océan est par ailleurs l’objet de pollutions accidentelles ou non intentionnelles, souvent du fait de négligences : déchets solides dont les macro et microplastiques, marées noires, fuites de matériels radioactifs, etc.
2Les perturbations humaines de la nature en général, et de l’océan en particulier, sont caractérisées par l’introduction et la diffusion de polluants, c’est-à-dire d’agents d’origine extérieure : biologique, physique ou chimique. Au-delà d’un certain seuil, et parfois dans certaines conditions (potentialisation), ces polluants induisent des impacts négatifs sur tout ou partie d’un écosystème. L’intérêt humain pour la pollution marine repose aujourd’hui principalement sur les impacts que cette dernière peut avoir sur les biomasses exploitées, la santé des consommateurs, l’occupation du milieu marin ou la conservation de la biodiversité.
3Au Sénégal, les études mesurant la pollution ou ses impacts potentiels sont rares. Dans l’intervalle 2000-2013, la population sénégalaise a augmenté de près de 40 % (9,8 millions en 2000 et 13,5 millions en 2013, date du premier recensement), une augmentation qui est toujours en phase d’accélération, d’après la projection 2013-2063 de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie du Sénégal (ANSD) (17,2 millions en 2021) ; avec un dépassement de la barre des 30 millions d’habitants prévu à l’horizon 20401. Combinée à l’exode rural, cette dynamique a fait passer la population de l’agglomération de Dakar de 400 000 habitants en 1970 à 2,2 millions en 2002 puis 3,6 millions en 2018. Plus généralement, le nombre de citoyens vivant dans les zones côtières s’accroît, et par une combinaison de manque de sensibilisation des populations et de systèmes de collecte efficients, une quantité croissante de déchets non biodégradables est rejetée sur les plages et dans les estuaires. La médiatisation récente du rejet de déchets d’origine hospitalière sur les plages autour du Cap Manuel2 en représente une illustration (fig. 1A).
4Dans ce chapitre, nous présentons les principales sources de pollution marine émises sur le territoire sénégalais. Nous discutons ensuite des risques et des enjeux pour l’écosystème marin, avant de présenter les principaux processus physiques affectant le transport et la distribution des polluants le long des côtes sénégalaises. Enfin, nous concluons et proposons des recommandations dans un cadre de planification spatiale du milieu marin.
Les sources de pollution marine
Quand le plastique devient politique…
5La pollution au plastique est l’une des plus visibles, et par conséquent au centre des initiatives citoyennes et politiques qui souhaitent freiner la dégradation de l’environnement. Depuis 2008, mais surtout à partir de 2015, les pouvoirs publics sénégalais adoptent des lois et des politiques relatives aux déchets plastiques (Ngaido, 2020). Cependant, les lois relatives aux autres sources de pollution sont plus générales et anciennes. Elles restent limitées, et les initiatives récentes pour une meilleure gestion des ordures semblent s’intéresser peu à ces autres sources de pollution. Bien que les morceaux de plastique constituent la majorité des déchets marins répertoriés3 (Thiele et al., 2021), le plastique ne représente « que » 12 % des déchets produits4. En réalité, la diversité des polluants rejetés en mer est grande, et les polluants solubles sont à la fois moins visibles et souvent plus dangereux. Ils sont responsables d’une crise sanitaire de plus en plus grave malgré des diagnostics précis et la sonnette d’alarme tirée dès les années 1990 par les chercheurs sénégalais (Diaw, 1993). Dans cette partie, nous passons en revue les sources de pollution d’origine agricole, domestique et industrielle au Sénégal.
Pollution agricole
6La pollution marine d’origine agricole est due au lessivage des terres cultivées lors des pluies qui charrient les pesticides, herbicides et engrais vers les cours d’eau et, in fine, l’océan. Les engrais peuvent provoquer l’eutrophisation des eaux côtières tandis que les pesticides et herbicides auront des effets toxiques sur l’écosystème en général.
7Bien que le Sénégal importe de plus en plus d’engrais5, les quantités utilisées par hectare de terre arable restent d’un ordre de grandeur inférieur aux quantités utilisées en Europe6. La consommation de pesticides n’est que partiellement documentée, notamment pour la région des Niayes7 qui est une zone de prédilection pour la culture maraîchère le long du littoral entre Dakar et Saint-Louis et où la nappe phréatique est superficielle. Cependant, d’après le Centre de suivi écologique (CSE, 2015), la plupart des pesticides utilisés sont interdits et les dosages recommandés ne sont pas respectés. Le passage de polluants de la nappe phréatique littorale vers l’océan semble donc probable, en particulier en saison des pluies. La Petite Côte et la Casamance sont a priori indemnes de pollution agricole, car on y trouve essentiellement des petites exploitations traditionnelles qui utilisent peu d’intrants chimiques. Dans le delta du fleuve Casamance, la riziculture de mangrove est pratiquée traditionnellement sur de petites surfaces. Les cultures d’arachides situées dans le bassin versant du Sine-Saloum ne sont a priori pas « gourmandes » en produits chimiques, mais sont responsables de la déforestation et donc de la réduction de la capacité du sol à stocker les eaux de pluie, ce qui est l’un des facteurs essentiels de salinisation des sols notamment du delta (Faye et al., 2019). Aux abords du fleuve Sénégal, il y a de grandes exploitations agricoles sur des sols relativement lourds (75-90 % d’argile) qui drainent leurs eaux chargées de produits chimiques dans le lac de Guiers, qui alimente Dakar en eau potable. Le fleuve charrie potentiellement les produits chimiques utilisés pour les cultures intensives présentes tout le long de la vallée (riz, canne à sucre, cultures maraîchères).
Pollution domestique
8En 2016, le gouvernement sénégalais estimait à environ 2,4 millions de tonnes la production annuelle de déchets solides, pour une population de 15,4 millions d’habitants (Kaza et al., 2018). Les eaux usées collectées, quant à elles, étaient estimées à 25 millions de m3 par an en 2000. La distribution spatiale des rejets coïncide avec celle de la population, fortement concentrée sur la péninsule du Cabo Verde8. L’estuaire du Sine-Saloum est exposé aux rejets de plus 1,6 million d’habitants. Au nord, le fleuve Sénégal cumule la pression de plus de 1,5 million d’habitants si on tient compte des populations des villes de Saint-Louis jusqu’à Matam. Au sud, les régions de Ziguinchor, Sédhiou et Kolda comptent également près de 1,5 million d’habitants, majoritairement répartis le long de l’estuaire du fleuve Casamance9.
9Les déchets solides sont composés de 58 % de « fermentescibles » (déchets organiques, cuir, papiers et cartons), 26 % de « combustibles » (textiles, plastiques et bois) et 13 % de déchets « inertes » (métaux, verre, particules fines, cailloux et céramiques) (3 % des déchets n’étant pas classifiés). En 2016, il est estimé que 1,08 million de tonnes de déchets solides n’ont pas été collectées. Il est difficile d’estimer la part qui se retrouve dans l’environnement marin, mais nous les observons souvent au niveau des plages, lagunes et estuaires (fig. 1B). Outre les déchets domestiques issus des zones d’habitations, l’affluence des baigneurs sur les plages pendant la période estivale génère une pollution locale principalement liée aux objets plastiques jetables (gobelets, pailles, sachets, bouteilles, etc.). Les débris d’engins de pêche (filets en nylon, flotteurs en polystyrène, etc.) sont également omniprésents en mer et sur le littoral sénégalais. Enfin, la présence de déchets hospitaliers (seringues, flacons et poches plastiques, etc.) est régulièrement signalée sur certaines plages de la capitale (fig. 1A).
10Les rejets en eaux usées sont difficiles à estimer compte tenu de l’existence non quantifiée de rejets directs dans le milieu naturel sans connexion au réseau (CSE, 2013). Une partie des eaux usées s’infiltre dans la terre, ou s’écoule dans le réseau pluvial pour finalement aboutir en mer. Les exutoires pluviaux collectent une grande quantité d’eaux usées continuellement déversées en mer, mais avec des pics de décharge lors de forts épisodes pluvieux.
11L’intégralité de la péninsule du Cabo Verde est urbanisée par Dakar et ses banlieues avec une population de près de 4 millions d’habitants en 2020 contre 2,2 millions en 2000. La question de la pollution domestique y est devenue un problème de grande échelle, d’autant qu’elle se combine à la pollution industrielle (cf. les sections suivantes). L’augmentation de la pollution, concomitante à la croissance de la population et au développement économique et combinée à l’insuffisance d’infrastructures, a abouti à l’explosion des niveaux de pollution. Les eaux usées collectées étaient estimées à 25 millions de m3 par an en 2000, dont la presque totalité (23,6 millions de m3) à Dakar. Moins de 25 % de ces eaux seraient traitées dans une station d’épuration avant d’être rejetées en mer10. Ces rejets entraînent la présence importante de coliformes (Escherichia coli) et d’entérocoques et, plus rarement, de salmonelles (Sonko et al., 2016). L’origine des principaux rejets en mer est listée dans le tableau 1. Bien qu’historiquement concentrés sur la corniche ouest, ces rejets sont aujourd’hui distribués tout autour de la péninsule. Des points particulièrement critiques d’émissions et d’accumulation de polluants sont observés (en dehors de la zone industrielle du port autonome de Dakar), au niveau de la baie de Hann, de la partie sud de la corniche ouest (notamment l’accumulation dans la baie de Soumbédioune), de la baie des Carpes à Ngor et sur le site de Cambérère (fig. 2C). À ces points critiques où les activités balnéaires et de pêche sont rendues impossibles, viennent s’ajouter de nombreux points d’émissions de plus faible intensité, mais en augmentation préoccupante, comme celui visible à proximité des plages du Virage et de Yoff. Il est également probable que la décharge de Mbeubeuss, située à moins de 1,5 km de la côte, soit responsable d’émissions indirectes en mer, via l’écoulement des eaux de pluie et/ou la résurgence sous-marine de la nappe phréatique polluée, un processus mis en évidence dans d’autres régions (Burnett et al., 2003). L’accroissement des sources de pollution rend de plus en plus impraticable le littoral dakarois, tant pour les professionnels de la mer que pour les habitants en quête d’espaces de détente.
Tableau 1. Quelques ordres de grandeur des rejets de polluant solubles autour de la péninsule du Cabo Verde
Origine des rejets en mer | Quantités rejetées dans le milieu marin (an-1) | Date de l’estimation* | Principaux polluants identifiés |
Eaux usées domestiques de Dakar (dont moins de 25 % sont épurés avant rejet) | 24 000 000 m3 | 2005 (Onas) | Détergents, nutriments, microbes, plastiques, parabènes, nanoparticules (dont les plastiques) |
Déchets domestiques solides | environ | 2016 (DEEC) | Déchets organiques, plastiques, métaux, verre, céramiques |
Industries de la baie de Hann | 923 352 m3 | 2013 (DEEC) | Eaux chaudes, colorants chimiques, hydrocarbures, solvants, sang d’animaux (abattoirs), matière organique et éléments nutritifs (azote et phosphore) |
Diffusion via la nappe phréatique de la décharge de Mbeubeuss (surtout saison des pluies) | Pas d’estimation | Pas d’estimation | Divers métaux lourds (surtout fer, plomb, cadmium et aluminium) |
Collecte et tri des métaux par l’économie informelle | Effluents mélangés aux eaux usées domestiques | Pas d’estimation connue | Métaux lourds (plomb, mercure, cadmium, etc.), PCB (Polychlorobiphényle), acides |
Port autonome de Dakar | 274 878 m3 | 2000 (DEEC) | Hydrocarbures, métaux lourds, huiles végétales, antifouling, phosphate, souffre, attapulgite, houille, clinker, etc. |
Usine de désalinisation des mamelles | 50 405 000 m3*** | Rejets max. prévus en 2035 | Saumure (eau sursalée) combinée aux produits chimiques toxiques utilisés pour le prétraitement des eaux et pour la protection des équipements (antifouling, etc.) |
Exploitation gaz et pétrole offshore | Pas d’estimation | Pas d’estimation connue | Eaux de production, boues d’exploitations, chargements des navires |
12La construction en cours du port multi-usage de Ndayane (dont l’ambition est qu’il devienne le premier port d’Afrique de l’Ouest) et celle du port minéralier de Bargny devraient considérablement étendre la surface d’océan côtier concernée par les activités portuaires (fig. 2A et 2B, zone d’attente pour les navires, etc. ; en violet entouré d’un trait plein pour la situation future et d’un trait pointillé pour la situation actuelle). Des infrastructures sont également en construction ou prévues en mer en lien avec l’exploitation des gisements d’hydrocarbures comme au large de Saint-Louis. Des projets de développement du transport maritime concernent également les estuaires du Sine-Saloum (ports de Foundiougne et/ou Kaolack) et de la Casamance (port de Ziguinchor).
13Le ruissellement des eaux de pluie pendant la période de mousson lessive les sols et augmente vraisemblablement les quantités de polluants déversées en mer (trait rouge plus épais, fig. 2B), mais cette variabilité saisonnière n’est à notre connaissance pas documentée (voir Lee et al., 2004 et Chow et al., 2005 pour d’autres régions).
14La zone marine située sous Dakar joue par ailleurs un rôle clé pour l’écosystème marin. C’est en effet une zone privilégiée de remontées d’eaux profondes riches en nutriments durant la période d’upwelling (fig. 2A) et une zone de ponte et de nourricerie pour plusieurs espèces de petits poissons pélagiques (Ndoye et al., 2018).
15Les isobathes 20, 50 et 100 m sont représentées par des lignes grisées (fig. 2). L’isobathe 100 m, située la plus au large, constitue la limite externe du plateau. L’isobathe 20 m, située la plus près de la côte, constitue la limite du plateau interne à l’intérieur duquel se déroule la plus grande partie des activités de pêcherie artisanale. Plusieurs espèces clés de petits pélagiques sont réputées inféodées au plateau interne (sardinelle plate) ainsi qu’aux estuaires (ethmalose).
16Compte tenu de l’état lacunaire des connaissances, la délimitation proposée de la zone côtière sensible (en vert sur les fig. 2A et 2B) reste subjective et ne comprend pas la totalité des zones importantes pour la conservation des oiseaux (Zico) identifiées par BirdLife. La zone située plus au large abrite un écosystème hauturier particulièrement riche, dont l’exploitation est une source importante de revenus et de protéines et contient également des secteurs considérés comme des Zico. Il nous semble néanmoins que les pressions exercées sur cet écosystème et risques sont sensiblement plus faibles comparativement à la zone sensible côtière. Les Zico identifiées au Sénégal10 sont le secteur du plateau médian/externe qui est sujet à des épisodes de désoxygénation de la couche de fond dont les conséquences sur l’écosystème restent incomprises.
17Les courants de surface moyens issus de simulations numériques (Ndoye et al., 2017) sont indiqués par des flèches noires pour les deux saisons (fig. 2A et 2B). Elles révèlent la complexité de la circulation en particulier au voisinage de la péninsule du Cabo Verde (Dakar) qui est loin du schéma traditionnel attendu en zone d’upwelling au printemps (voir aussi la fig. 5). Une connexion directe par les courants moyens existe dans le modèle entre la zone d’exploitation pétrolière offshore Sangomar profond et le plateau continental sud-sénégalais, en particulier en période de mousson. Cette connexion est en réalité intermittente du fait de la variabilité des courants, à la fois intrinsèque/turbulente et forcée par les fluctuations du vent (par ex. aux échelles synoptiques et intrasaisonnière).
Pollution industrielle
Baie de Hann
18On y trouve la première zone industrielle d’Afrique de l’Ouest. Quarante-deux unités industrielles générant des rejets dans la baie de Hann étaient répertoriées par la Direction de l’environnement et des établissements classés (DEEC) en 2013. Ce sont principalement des usines de transformation de poissons, de fabrication d’engrais chimiques, de tannage ou encore des raffineries de pétrole. Eaux chaudes, colorants chimiques, hydrocarbures, solvants, sang (provenant des abattoirs), matières organiques et éléments nutritifs (azote et phosphore), sont ainsi déversés dans la baie de Hann. Les industries agroalimentaires sont responsables du gros des émissions (environ 1 200 m3/j, voir le détail dans le rapport final d’évaluation environnementale et sociale du projet de dépollution de la baie de Hann11).
19En principe, ces industries sont contrôlées et induisent un risque faible de pollution chimique par les métaux lourds. Cependant, la grande majorité de l’économie sénégalaise est informelle, ce qui implique qu’une grande partie des rejets ne peut être répertoriée (ex. branchements sauvages sur les canalisations normalement réservées à l’évacuation des eaux de pluie). Signalons par exemple les industries informelles de recyclage des batteries, déjà pointées du doigt pour être à l’origine d’intoxications massives au plomb (OMS, 2008), ou encore le recyclage artisanal très courant des transformateurs qui peuvent contenir des PCBs (polychlorobiphényles12). De manière générale, l’ensemble des déchets industriels contenant des fractions métalliques réutilisables sont collectés par des « ferrailleurs », tant artisanaux qu’industriels, dans le cadre de circuits économiques informels, sans contrôle réel des effluents, ni de mesures visant à éviter les rejets de métaux lourds ou autres produits toxiques. Le recyclage des métaux ainsi récupérés a néanmoins lieu dans des usines classées pour la protection de l’environnement (P. Tastevin, Centre national de la recherche scientifique, CNRS, communication personnelle). Les études de pollution aux métaux restent rares, mais des teneurs modérées en plomb (48 mg/kg) et importantes en cadmium (15 mg/kg) ont été mesurées dans le sédiment de la plage de Hann (Diankha, 2012).
Pêche et transport maritime
20Des pirogues de pêche artisanale, des navires de pêche industrielle de différentes tailles, ainsi que des cargos transitent et stationnent dans les eaux côtières sénégalaises. Les bateaux industriels pratiquant le chalutage de fond détruisent les habitats benthiques et remettent en suspension les sédiments, incluant les polluants éventuellement accumulés. Les bateaux de pêche industriels rejettent fréquemment leurs prises accessoires qui se décomposent dans la colonne d’eau et sur les plages. Aussi, les débris d’engins de pêche (filets, casiers, bidons en plastique et flotteurs en polystyrène) constituent une partie importante des déchets observés en mer et sur les plages.
21Le port autonome de Dakar, deuxième port industriel d’Afrique, se trouve en pleine ville. Il jouxte la baie de Hann, mais son emprise pour le stationnement des bateaux industriels couvre une vaste zone maritime qui englobe toute la baie de Hann, du Cap Manuel de Dakar au Cap Rouge à Yenne. Le trafic associé est évalué à 20 millions de tonnes en 2019. Parmi les activités du port à l’origine d’émission de pollution marine, citons la réparation navale, le terminal céréalier, l’embarquement et le débarquement d’huiles grâce aux conduites des huiliers (pipelines souterrains et aériens), l’import-export de vrac industriel solide comme le débarquement de soufre, houilles et clinker (constituant du ciment composé d’environ 80 % de calcaire et de 20 % d’aluminosilicates) et l’embarquement de phosphate et d’attapulgite, ainsi que le trafic pétrolier. Les pollutions les plus couramment observées sont les déversements accidentels de soufre, la présence continue d’exutoires d’effluents urbains dans le port, et le mélange d’hydrocarbures et de déchets flottants d’origine non déterminée (dégazage/rejets par les navires). Les bateaux industriels qui stationnent à l’intérieur du port ou dans sa partie maritime sont nombreux et génèrent une pollution sonore constante puisque les moteurs tournent en continu pour approvisionner le navire en énergie.
22Enfin, le littoral ouest-africain a vu depuis une vingtaine d’années l’installation d’une soixantaine d’usines de farine de poisson qui, outre le fait d’entraîner une surpêche, un pillage des ressources halieutiques et la disparition du très productif secteur du fumage du poisson, entraîne aussi des pollutions par rejet de produits toxiques tant dans les mangroves et rizières que dans l’océan (Grand et Diop, 2018 ; Descroix et Marut, 201513).
Extraction de gaz et pétrole offshore
23Les prospections menées au large du Sénégal ces dernières années ont mis en évidence la présence de puits d’hydrocarbures (gaz au nord de la presqu’île du Cabo Verde, pétrole et gaz au sud). Les concessions couvrent une grande partie de la zone économique exclusive sénégalaise depuis des zones côtières jusqu’à environ 200 km au large des côtes nord et sud, et environ 100 km de la presqu’île du Cabo Verde (Dakar), typiquement jusqu’à 4 000 m de profondeur (fig. 2A ; l’ensemble des concessions peut être consulté sur la carte 2C de Le Tixerant et al., 2020). Les activités d’extraction offshore de pétrole ont débuté en 2019.
24Ce type d’activité génère une pollution quotidienne liée au trafic des pétroliers, aux activités de transbordement, et aux rejets chroniques de fluides (ou « boues ») de forage et d’eau de production. Les boues de forage sont issues de la récupération des solides relevés lors des forages qui sont imprégnés d’hydrocarbures, mais surtout d’huiles de forage que l’on ajoute pour fluidifier l’ensemble des matériaux extraits. Pour un site de production, les dépôts représentent des milliers de tonnes, d’où la préoccupation environnementale. De plus, les eaux de production, encore appelées « eaux de gisement », remontent du gisement souvent sous forme d’émulsion dans le pétrole brut. Ces eaux sont séparées des hydrocarbures. Trois niveaux de normes encadrent le traitement de ces sous-produits et des risques liés à l’exploitation : les normes internationales, celles adoptées par les opérateurs, et celles prises par les pays concernés. Au Sénégal, la signature des accords d’Abidjan autorise a priori que les eaux de production soient rejetées en mer ou réinjectées, mais les boues d’exploitation doivent être transportées à terre14. Les effets à long terme des phases d’exploration et d’exploitation offshore seront donc en général liés aux rejets chroniques de faible niveau des fluides de forage et des eaux de production. Bien sûr, il existe aussi un risque d’accident et d’émission massive d’hydrocarbures en cas d’éruption pendant l’extraction ou de déversement pendant le transport.
Extraction de minerais
25Le littoral d’Afrique de l’Ouest a vu apparaître d’autres types d’activités extractives ou primaires potentiellement polluantes. Le littoral lui-même (plages et dunes) contient localement des teneurs intéressantes en zircon, ilménite et rutile (titane) ; cela fait l’objet d’une exploitation depuis 2010 à Sanyang en Gambie, depuis 2014 à Diogo sur la Grande Côte sénégalaise (fig. 2A). Dans ce dernier cas, les éventuelles pollutions ne sont pas forcément susceptibles de gagner l’océan, le site d’extraction étant situé à 4 km à l’intérieur des terres. Il est à noter que deux sites au moins d’extraction (Kartung en Gambie et Varela-Sucujaque en Guinée-Bissau) ont été fermés à la demande des populations qui se sont plaintes des impacts nocifs de cette exploitation : rejets toxiques sur terre, rejets toxiques en mer, turbidités indésirables des eaux de mer et de mangrove. Un projet lié à une petite dune contenant un gisement de très forte teneur en métaux lourds (12 % contre 2 % sur les autres sites cités) est bloqué au nord du littoral casamançais, suite aux craintes des populations concernant les impacts possibles sur les rizières, sur les mangroves et sur les pêcheries (Descroix et Marut, 2015).
26Par ailleurs, les bassins des fleuves Sénégal, Gambie et Koliba/Corubal sont depuis quelques années des sites très importants d’exploitation aurifère sous la forme, d’une part de grandes mines des multinationales sud-africaines ou brésiliennes, d’autre part d’orpaillages plus ou moins clandestins, installés sur la terre ferme ou dans les cours d’eau. Les rejets, connus pour être très toxiques (mercure, cyanure, etc.), de ces activités ne risquent-ils pas d’arriver un jour en mer ou dans les mangroves littorales ?
Grands projets d’aménagements côtiers
Usine de désalinisation
27Le projet d’usine de désalinisation sur le site des Mamelles de Dakar prévoit une production initiale de 50 000 m3/j et à terme de 100 000 m3/jour d’eau potable. Le processus d’osmose inverse qui implique de filtrer l’eau pompée en mer à très haute pression au travers de membranes est un processus très énergivore. Une pollution marine locale, liée à la production de saumure et aux produits chimiques toxiques utilisés pour le traitement des eaux et le nettoyage des conduites (acide sulfurique, acide chlorhydrique, soude caustique, acide citrique, chlore gazeux, etc.), est attendue. Malgré la validation de l’étude d’impact environnemental par les parties prenantes, le pompage et le rejet des eaux traitées à proximité des plages et de la zone abritant un récif artificiel réglementé par les pêcheurs de Ouakam, continue de susciter diverses préoccupations environnementales. L’absence d’état de référence de l’écosystème local rendra par exemple difficile l’évaluation des conséquences de l’altération du milieu par le rejet de saumure, mais aussi des produits chimiques toxiques utilisés (dont les volumes n’ont pas été quantifiés dans l’étude d’impact). La forte salinité peut notamment provoquer une réduction de l’oxygène dissous dans les eaux réceptrices, et in fine avoir des impacts importants sur les organismes benthiques, lesquels peuvent se répercuter sur l’ensemble de l’écosystème. En outre, les conséquences de la pollution sonore sous-marine induite par les installations de pompage restent difficilement appréciables.
Ports industriels
28Quatre nouvelles infrastructures sont prévues dans le cadre du plan Sénégal émergent (PSE15). Dans les écosystèmes de mangroves du Sine-Saloum et de Casamance, particulièrement sensibles aux pollutions aux hydrocarbures (Duke, 2016), trois terminaux d’hydrocarbures (débarcadères spécialisés, zones de stockage et systèmes de chargement/déchargement : pipes, etc.) devraient s’implanter à Kaolack, Ndakhonga-Foundiougne (Sine-Saloum) et Ziguinchor (Casamance). La réalisation de ces infrastructures multiplierait inévitablement les zones d’émissions potentielles de pollution dans le milieu marin, au moment de leur construction puis de leur exploitation. Les risques de dispersion des contaminants sur l’ensemble de ces écosystèmes sont augmentés par la forte dynamique hydrologique largement méconnue qui caractérise ces régions (voir la partie consacrée au rôle de la dynamique océanique dans le devenir des polluants).
29Concernant la région côtière, le projet de port minéralier et vraquier de Bargny ainsi que le projet de port multifonctions de Ndayane, situés dans la prolongation de la baie de Hann, pourraient générer des nuisances environnementales comparables à celles de l’actuel port de Dakar. Le déplacement des activités industrielles existantes vers ces zones pourrait diminuer les sources de pollution au niveau de l’actuel port de Dakar. En revanche, il augmente la vulnérabilité des écosystèmes de mangrove et de la zone peu profonde du plateau continental de la petite côte qui est une zone de rétention dont la fragilité et le rôle pour la reproduction des ressources halieutiques ont été mis en évidence (par ex. Terashima et al., 2007 ; Ecoutin et al., 2010 ; Mbaye et al., 2015 ; Sadio et al., 2015 ; Ndoye et al., 2017).
Les risques pour l’écosystème
30L’effet de l’exposition d’un écosystème marin à un polluant va dépendre à la fois de la nature du polluant, du devenir de ce dernier (dans l’environnement et au sein de l’organisme), du niveau d’exposition et des organismes exposés. Cette section expose les principes généraux des conséquences de l’exposition des organismes marins aux polluants, et présente des exemples de perturbations à différents niveaux d’organisation.
Principes généraux
31Les réactions des organismes à une pollution se manifestent à quatre niveaux d’organisation biologique : (1) biochimique et cellulaire ; (2) organisme, y compris l’intégration des réponses physiologiques, biochimiques et comportementales ; (3) population, y compris les modifications de la dynamique des populations ; et (4) communauté, entraînant des modifications de la structure et de la dynamique des communautés (par ex. Capuzzo, 1987).
32De manière générale, les premières réactions des organismes à l’exposition à une pollution consistent à mettre en place des mécanismes permettant de résister ou de réduire l’impact de substances toxiques ou d’un stress. Dans le cas de l’exposition à un polluant toxique par exemple, la réaction va se faire par l’induction de processus de métabolisation des substances toxiques (au niveau biochimique), ou par la sélection de formes résistantes aux substances toxiques (au niveau de la population). Les effets biologiques des polluants peuvent se manifester à différents niveaux avant que les perturbations ne soient observées au niveau de la population. Toutes les réponses ne sont pas néfastes par nature et n’entraînent pas nécessairement une dégénérescence au niveau suivant de l’organisation biologique. Ce n’est que lorsque les mécanismes de compensation ou d’adaptation à un niveau donné commencent à échouer que les effets délétères se manifestent au niveau suivant (Capuzzo, 1981). Les processus adaptatifs sont capables de contrer les processus perturbateurs jusqu’à ce que le système atteigne un seuil de toxicité au-delà duquel le potentiel adaptatif est dépassé par la dégénérescence imposée au système par ces perturbations.
33Un polluant peut s’accumuler le long d’une chaîne trophique, mais il peut aussi être résorbé par certains organismes qui atténuent ainsi cette accumulation. Néanmoins, quel que soit l’organisme, les réactions induites par l’exposition de ce dernier à une pollution peuvent perturber le métabolisme, modifier les comportements, et induire des coûts énergétiques qui se font bien souvent au détriment de sa maintenance, de sa croissance et/ou de sa reproduction. Les différences en termes de capacité d’adaptation des différentes espèces peuvent avoir des conséquences très importantes sur la structure des communautés.
Exemples de perturbations et de réponses des organismes
34Dans cette partie, nous illustrons les réactions des organismes à différents niveaux d’organisation à partir d’exemples étudiant les réponses d’espèces rencontrées au Sénégal (ou de rang taxonomique proche) et de types de pollution affectant la région.
Perturbation biochimique des cellules : huîtres et plastiques
35La présence de débris plastiques dans l’océan a été rapportée depuis les années 1970 (Carpenter et Smith, 1972). Ils sont aujourd’hui ubiquistes et leur présence dans les eaux du Sénégal est renforcée par les pollutions locales. Les plastiques modernes sont constitués d’un mélange complexe de polymères, de monomères résiduels et d’additifs chimiques. Dans l’environnement, la fragmentation des débris plastiques par photo-oxydation, action mécanique ou biodégradation, génère des particules de petites tailles nommées microplastiques (1 µm à 5 mm) ou pour les plus petits, nanoplastiques (< 1 µm). Ces déchets secondaires représenteraient entre 97 et 99,9 % de la contamination océanique par les plastiques (Tallec, 2019). La présence de particules de taille nanométrique est importante dans un contexte écologique, car cette taille leur permet de franchir les barrières biologiques et de pénétrer dans les cellules. Plusieurs études ont mis en évidence la sensibilité des premiers stades de vie de l’espèce d’huître Crassostrea gigas (première espèce aquacole au niveau mondial) à une exposition à des nanosphères de polystyrène (Sussarellu et al., 2016 ; Tallec, 2019). Tallec et al. (2020) montrent que des nanosphères de 50 µm ont induit une toxicité aiguë sur les spermatozoïdes, les ovocytes, la fécondation et le développement embryo-larvaire de C. gigas. Au vu de l’absence de processus d’ingestion chez les gamètes et embryons de l’huître, la toxicité des nanosphères est liée aux contacts directs avec la barrière externe de ces cellules, c.-à-d. leur membrane cellulaire. Cette dernière est une structure complexe et dynamique composée de deux grandes familles de macromolécules, les lipides formant la bicouche lipidique et les protéines qui y sont insérées (protéines transmembranaires) ou attachées (protéines périphériques). Les protéines transmembranaires jouent des rôles essentiels dans l’homéostasie (ex. canaux ioniques) et la communication avec le milieu intracellulaire. Leur activité dépend de leur conformation spatiale qui est dirigée par l’état de la bicouche lipidique (Weil et al., 2009). Cette étude montre qu’une modification des propriétés physiques de la membrane, liée à l’adsorption de nanoplastiques, peut induire des effets néfastes dans le fonctionnement cellulaire.
Perturbation des organismes : oiseaux marins, éléments traces métalliques et hydrocarbures
36Les premières études sur les effets des polluants sur les oiseaux se sont concentrées sur la mortalité directe (Bellrose, 1959), mais les travaux postérieurs ont démontré un large éventail d’effets sublétaux sur le développement, la physiologie et le comportement des individus. Les effets sublétaux des polluants sur les oiseaux de mer comprennent les déficits de reproduction (Ainley et al., 1981), la tératogénicité et l’embryotoxicité (Hoffman, 1990), l’amincissement de la coquille des œufs (Risebrough, 1986), l’induction d’enzymes (Fossi et al., 1989 ; Ronis et al., 1989), des effets sur la fonction endocrinienne (Peakall et al., 1973 ; Peakall, 1992) et des anomalies comportementales des adultes et des jeunes (Burger et Gochfeld, 1985, 2000 ; Burger, 1990).
37Diankha et al. (2019) ont étudié le niveau de contamination aux éléments traces métalliques (ETM) et aux hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) de quatre espèces d’oiseaux marins du Sénégal (la sterne caspienne Sterna caspia, la sterne royale Sterna maxima, le goéland railleur Larus genei, la mouette à tête grise Chroicocephalus cirrocephalus). Des œufs de ces espèces ont été prélevés dans les parcs nationaux de la langue de Barbarie et du delta du Saloum (fig. 2B), deux sites de reproduction de ces espèces sous statut d’aires marines protégées qui se situent à proximité de sites d’exploitation à venir d’hydrocarbures. L’ensemble des espèces se sont avérées contaminées par les HAP et les ETM. Le benzo(a)pyrène, un des HAP les plus toxiques, est le composé le plus présent dans les œufs de trois des quatre espèces analysées. Les concentrations du benzo(a)pyrène dans les contenus des œufs de sterne royale et de mouette à tête grise sont au-dessus de la concentration létale médiane (causant la mort de 50 % des individus d’une population) définie pour une espèce comme le canard colvert16.
38Parmi les ETM, le plomb est le métal qui présente la plus forte concentration dans les œufs des espèces étudiées. Le plomb provient principalement de processus industriels, de la combustion d’essence au plomb, des eaux de ruissellement, des pratiques agricoles, de la peinture au plomb érodée et, dans une certaine mesure, de processus naturels tels que l’érosion et le volcanisme. Pendant trois décennies, les niveaux de contamination au plomb et leurs effets chez les oiseaux de mer nichant dans la région de New York-New Jersey ont été étudiés en laboratoire et sur le terrain. Ces recherches ont montré que le plomb affecte un large éventail de comportements chez les poussins, notamment la locomotion, l’équilibre, la mendicité, l’alimentation, la croissance et les capacités cognitives qui, à leur tour, affectent la survie dans la nature (Burger, 1990 ; Burger et al., 1994 ; Burger et Gochfeld, 1997).
Perturbations de populations : copépodes, sardinelles, et réchauffement
39Étudier les conséquences d’une pollution à l’échelle de la population d’une espèce requiert des observations inscrites dans un temps suffisamment long. Le nombre d’exemples documentés de tels impacts reste ainsi relativement limité. Grâce à un dispositif de collecte du zooplancton installé sur des bateaux assurant des lignes commerciales en Atlantique Nord depuis les années 1930 (continuous plankton recorder, Warner et Hays, 1994), Beaugrand et al. (2002) ont pu montrer qu’en réponse au réchauffement de l’océan, des changements à grande échelle s’étaient produits dans la biogéographie des organismes zooplanctoniques copépodes calanoïdes dans l’est de l’océan Atlantique Nord et dans les mers épicontinentales européennes. En une quarantaine d’années (1960-1999), les espèces de copépodes d’eau chaude se sont retrouvées jusqu’à 10° plus au nord, extension qui s’est associée à une diminution du nombre d’espèces d’eau froide. Ce type de déplacement est cohérent avec la réponse générale observée et attendue en réponse au changement climatique (Hastings et al., 2020).
40Plusieurs études suggèrent également que la population de sardinelles (Sardinella aurita) d’Afrique de l’Ouest effectue des migrations de plus en plus au nord dans le système des Canaries (Sarré, 2017 ; Kifani et al., 2019). En utilisant des séries chronologiques d’observations indépendantes, Sarré (2017) a montré un déplacement vers le nord de la distribution de S. aurita depuis 1995. Les changements spatiaux observés au cours des vingt dernières années peuvent être reliés aux changements observés dans les températures de surface, les années chaudes étant associées à une population plus au nord. Kifani et al. (2018) soulignent néanmoins qu’il est difficile de déterminer la contribution relative du changement climatique, de la variabilité naturelle et de l’exploitation sur la dynamique de cette population sur les dernières décennies.
Perturbation des communautés : poissons et algues
41Pour un ETM comme le mercure, il a été montré par exemple que la bioaccumulation peut être très variable chez les espèces de poissons marins rencontrées sur le plateau sénégalais (Le Croizier et al., 2019). L’impact de l’écologie trophique et de l’habitat sur l’accumulation de mercure a été analysé à travers la concentration totale de mercure et les rapports isotopiques stables du carbone et de l’azote (qui renseignent sur le régime alimentaire) dans le muscle de poissons appartenant à 23 espèces différentes. L’occupation de l’espace, à la fois sur la verticale et en termes de distance à la côte, entraîne une accumulation différentielle de mercure, les poissons côtiers et démersaux étant plus contaminés que les espèces hauturières et pélagiques (fig. 3). La proximité aux sites urbains les plus anthropisés est également un facteur d’amplification de la pollution des organismes marins (Diop et al., 2016, 2017). Pour les individus d’une même espèce et d’un même site, la variation du contenu en mercure s’explique principalement par la longueur des poissons, en accord avec l’hypothèse de bioaccumulation du mercure au fil du temps.
42Des données provenant d’études en laboratoire et sur le terrain soutiennent l’hypothèse selon laquelle le mercure présent dans l’environnement aquatique a un impact négatif sur la santé reproductive des poissons (Crump et Trudeau, 2009). Dans des études d’alimentation contrôlée, la consommation de régimes contenant du mercure (sous forme de méthylmercure) à des concentrations réalistes entraîne une série d’effets toxiques chez les poissons, notamment des changements comportementaux, neurochimiques et hormonaux (Scheuhammer et al., 2007). Certaines variations notables de la réponse à l’exposition au mercure peuvent être attribuées à un ou plusieurs des facteurs suivants : l’espèce, le stade de vie, l’état de développement gonadique, la voie d’exposition, la durée d’exposition, la spéciation du mercure et sa concentration. Même s’il est difficile de mettre en évidence ces changements sur le terrain, l’exposition à long terme des poissons au mercure est donc susceptible d’impacter la structuration des communautés de poissons.
43Les conséquences de perturbations anthropiques sur les communautés planctoniques ont également été identifiées. Les efflorescences d’algues nuisibles (HAB pour harmful algal blooms) menacent de plus en plus la viabilité économique de la pêche et de l’aquaculture, la santé et la diversité des écosystèmes, ainsi que les activités récréatives déployées dans certaines régions. Ces algues nuisibles peuvent notamment produire des toxines paralysantes, diarrhéiques ou amnésiques pour les humains qui les consomment indirectement à travers les mollusques. D’autres toxines peuvent affecter différentes composantes des écosystèmes marins (ex. ichtyotoxines, yessotoxines). Ces HAB peuvent également avoir des effets importants sur les écosystèmes lorsque la dégradation d’algues ayant proliféré entraîne des hypoxies ou des anoxies (Cockcroft, 2001 ; Grantham et al., 2004 ; Hernández-Miranda et al., 2010). Au Sénégal, des conditions hypoxiques sont rencontrées de manière intermittente dans les eaux de fond le long de la partie médiane et externe du plateau (fig. 2A et 2B) vraisemblablement en lien avec la dégradation de fortes efflorescences (Machu et al., 2019).
44L’eutrophisation17 des zones côtières est un des mécanismes mis en avant pour expliquer l’augmentation du nombre de HAB à travers le monde (ex. Heisler et al., 2008 ; Glibert et al., 2005). Au-delà de ce phénomène d’eutrophisation, la biodiversité du phytoplancton est altérée par les bateaux marchands qui introduisent des micro-organismes exotiques dans tous les écosystèmes du monde (ex. Bax et al., 2003). L’évolution des conditions environnementales en réponse au changement climatique joue également sur les mécanismes de compétition entre espèces (Edwards et al., 2006 ; Heisler et al., 2008 ; Fu et al., 2012). Il est ainsi prévu que le changement climatique aura des effets importants sur la fréquence et l’abondance des HAB en raison de la complexité des facteurs pouvant changer et des effets combinés que ces derniers (température, acidification, salinité, ensoleillement, stratification) peuvent avoir sur la croissance ou l’habitat des HAB (Fu et al., 2012).
45Au-delà des algues nuisibles, ces changements sont susceptibles de modifier les assemblages planctoniques. Une étude a par exemple documenté ce type de changement potentiel. Le nord de la mer d’Oman a connu un changement radical dans la composition des efflorescences phytoplanctoniques hivernales qui se composaient auparavant principalement de diatomées et sont maintenant remplacées par des proliférations d’un grand dinoflagellé, Noctiluca scintillans (do Rosário Gomes et al., 2014). Ces efflorescences de N. scintillans sont facilitées par un afflux sans précédent d’eaux appauvries en oxygène et par l’extraordinaire capacité de son endosymbiote, Pedinomonas noctilucae, à fixer le carbone plus efficacement que d’autres phytoplanctons dans des conditions appauvries en oxygène. De tels changements sont susceptibles de perturber la chaîne alimentaire traditionnelle maintenue par les diatomées au détriment des pêcheries régionales et la santé à long terme d’un écosystème abritant une population côtière de près de 120 millions de personnes.
46Ces dernières années, neuf espèces d’algues potentiellement toxiques parmi les 28 espèces répertoriées dans les écosystèmes d’upwelling de bord Est ont été échantillonnées au large du Sénégal (fig. 4). À notre connaissance, aucun suivi de ces algues n’est à ce jour mis en place au Sénégal, que ce soit dans un contexte de sécurité alimentaire, ou sanitaire.
Rôle de la dynamique océanique dans le devenir des polluants
47Les pollutions ont jusqu’à présent fait l’objet d’une attention relativement limitée, en particulier lorsqu’elles ne conduisent pas à des atteintes majeures sur le littoral. Malgré le fait que les sources de pollutions soient essentiellement concentrées dans certaines zones littorales et côtières, les propriétés dispersives du milieu marin tendent généralement à limiter les accumulations locales dans la colonne d’eau (mais pas nécessairement dans les sédiments marins, Martin et al., 2017 ; Luoma, 2018). L’océan est donc, en première approximation, une gigantesque décharge capable de diluer rapidement de grandes quantités de substances polluantes miscibles dans l’eau. Dans le cas de débris ou de matières flottant à la surface de l’océan, des effets d’accumulation sont possibles et posent des problèmes spécifiques. La dilution/dispersion/accumulation de substances polluantes liquides ou solides peut résulter d’un grand nombre de processus physiques, essentiellement de nature turbulente. Différents processus agissent à différentes échelles spatiales avec une intensité propre qui dépend des conditions environnementales et du type de polluant considéré.
48Les environnements côtiers soumis à un régime de vent d’upwelling, comme c’est le cas au large des côtes ouest-africaines, sont considérés comme peu enclins à subir des pollutions marines du fait des caractéristiques générales de leur circulation. Dans la vision simplifiée dite « 2D verticale » d’un upwelling côtier, la circulation côte-large est principalement forcée par le vent et prend la forme représentée sur la figure 5. Du fait de la rotation de la Terre, l’effet de la friction du vent chasse les eaux de surface vers le large. Celles-ci sont remplacées par des eaux profondes qui remontent à la côte. Dans ce contexte, des sources de pollutions littorales peuvent contaminer les eaux résurgentes, mais celles-ci sont systématiquement transportées au loin et l’accumulation de matières polluantes est donc a priori fortement réduite. Ceci est cohérent avec les simulations globales de dérive de micro-plastiques présentées par Onink et al. (2019). Le brassage par les tourbillons méso et sous-méso échelle qui accompagne la dynamique d’upwelling participe lui à la dilution rapide des polluants introduits dans le milieu.
49Le risque d’atteinte à la côte de fuites d’hydrocarbures est lui aussi considéré comme limité du fait de la circulation induite par le vent. Ceci est toutefois à nuancer. Les nappes de pétrole, fréquemment confinées en surface, et les déchets solides flottants, sont transportés de manière distincte des déchets en suspension ou en solution dans la colonne d’eau, car :
l’équilibre dynamique dominant entre force de Coriolis et friction du vent sur l’océan induit des vitesses (d’Ekman) vers le large qui sont plus faibles exactement à la surface de l’océan que dans la couche mélangée maintenue par le vent (typiquement 10 à 30 m d’épaisseur) ;
le champ des vagues est également responsable d’une dérive des substances et (micro-) objets piégés en surface (dérive de Stokes, Ardhuin et al., 2009). Cette dérive de Stokes peut induire des vitesses du même ordre de grandeur que la circulation d’Ekman. Le transport s’effectue dans la direction de propagation de la houle/des vagues, c’est-à-dire en général vers la côte le long de la façade sénégalaise. Selon le type de polluant, un effet de prise au vent (fardage) peut également contribuer au transport. Les vents présentent une composante ouest de février-mars jusqu’en octobre-novembre et contribuent également à renforcer le transport vers la côte ;
aux échelles horizontales d’une dizaine de kilomètres à quelques dizaines de mètres, des convergences des courants de surface sont capables d’agréger très efficacement des polluants piégés en surface le long de lignes de front, bien visibles par temps calme (cellules de Langmuir, McWilliams et al., 1997 ; fronts sous-méso échelle, Capet et al., 2008). Les processus sous-jacents sont génériques et leur nature est turbulente. L’orientation en partie aléatoire des lignes de front et de leurs circulations associées peut conduire à rapprocher ou éloigner les agrégations de matériels polluants du littoral.
50Au-delà de ces processus généraux, les spécificités locales de certains secteurs côtiers soumis à l’upwelling peuvent conduire à des patrons de circulation qui diffèrent sensiblement de la situation typique présentée dans la figure 5. C’est en particulier le cas au voisinage de baies et de caps où des méandres et des recirculations quasi permanentes existent fréquemment (Largier, 2020). Le long des côtes sénégalaises, l’obstacle géomorphologique constitué par la presqu’île du Cabo Verde structure très fortement la circulation, au nord comme au sud. Il en résulte en particulier que les courants moyens de surface dans la zone située juste sous le cap sont préférentiellement dirigés vers la côte (fig. 2). Contrairement à ce qui peut être anticipé des connaissances génériques sur la circulation en zone d’upwelling, d’éventuelles fuites de pétrole aux puits prévus pour entrer en exploitation dans les prochaines années, pourraient, même en période d’upwelling, affecter la zone du plateau continental au nord comme au sud de Dakar et en particulier le littoral de la baie de Hann et de la Petite Côte (fig. 6). En période d’hivernage (juillet à septembre/octobre), les vents dominants plus faibles et de secteur ouest conduisent à des modifications substantielles de la circulation sur le plateau continental caractérisées par : une connexion relativement directe du talus vers le plateau au sud de Dakar via le transport par les courants de surface ; une circulation stagnante sur la partie interne du plateau, ce qui est nécessairement préjudiciable à la dispersion de polluants (fig. 6).
51Sur la base des connaissances disponibles en termes d’échanges talus-plateau continental (Ndoye et al., 2018), de l’étude de dispersion de Murawski et al. (2019) et d’une étude en cours (fig. 6), le plateau interne est donc sujet à d’importants risques de pollution en cas de fuites d’hydrocarbures depuis Kayar, et surtout le secteur Sangomar offshore (fig. 2) où l’exploitation de pétrole profond doit démarrer en 2023. Des impacts potentiels à grande distance sont également identifiés, jusqu’à l’aire marine protégée du banc d’Arguin au nord, et jusqu’au sanctuaire de biodiversité de l’archipel des Bijagos en Guinée-Bissau (fig. 6 ; figure 19.1.C in Murawski et al., 2019).
52La circulation typique à proximité et au sud de Dakar est également responsable de conditions particulièrement favorables à la reproduction d’organismes marins dont les premiers stades de vie sont pélagiques : remontée d’eaux d’upwelling concentrées dans la baie de Hann (fig. 2 ; Ndoye et al., 2018) ; forte rétention des eaux upwellées sur le plateau. Ceci permet aux premiers stades de vie de nombreuses espèces marines d’évoluer dans un environnement côtier enrichi (Fréon, 1988 ; Mbaye et al., 2015)18.
53Toutes ces inférences sont faites sur la base de simulations dont le réalisme en termes de courantologie nécessiterait d’être évalué finement (voir Ndoye, 2016 et Ndoye et al., 2017 pour une évaluation générale encourageante du modèle), ce qui n’est pas possible actuellement compte tenu de la rareté des observations de courant existantes. Malgré des mesures ponctuelles plus ou moins longues depuis 2012 (Capet et al., 2017 ; Machu et al., 2019 ; Tall et al., 2021), la circulation de référence pour la zone sud du plateau continental sénégalais reste celle de Rebert et Privé (1974) qui présente de nombreuses limites et probables biais, en particulier du fait de la faible durée des stations et mesures (< 10 min par profondeur à chaque station) et de la non-prise en compte des courants de marée dont nous savons désormais qu’ils dominent la circulation perpendiculaire à la côte (Capet et al., 2017).
54Les travaux numériques sur la dispersion d’hydrocarbures illustrent bien l’importance d’une bonne connaissance in situ dans la mise en place d’approches de gestion des risques liés aux pollutions en environnement côtier et, plus généralement, dans le cadre de la planification spatiale des espaces marins. Ces remarques valent bien évidemment pour les études d’impact réalisées récemment en vue de l’exploitation pétrolière (blocs19 « Rufisque offshore profond » et « AGC profond » ; cartographie du droit de l’environnement marin Sénégal Pétrole et Gaz Paddle) qui, pour certaines, ont été réalisées à partir de sorties de modèles de circulation globaux, peu adaptés à la représentation de la dynamique du plateau continental, et dont la circulation sur le plateau sénégalais présente des différences sensibles avec celle présentée par Rebert et Privé (1974) ou Ndoye et al. (2017).
55La circulation dans les milieux estuariens connectés au plateau sénégalais (Sine-Saloum, Casamance) et leurs échanges fluides avec celui-ci ont fait l’objet de très peu d’études. Les courants de marée sont intenses et d’une extraordinaire complexité, et leur résiduel (moyenne sur un cycle complet) inconnu. Ces estuaires sont également des bassins d’évaporation pendant une grande partie de l’année. Il en résulte une composante de circulation de gravité additionnelle semblable, sur le principe, à celle observée en Méditerranée : entrée d’eaux relativement peu salées en surface et sorties d’eaux denses/salées en profondeur en lien avec l’existence d’une stratification malgré la faible profondeur (environ 10 m typiquement, Capet et al., 2019). Compte tenu de cela, l’intrusion de pétrole jusqu’au plateau interne sud-sénégalais (fig. 6) apparaît comme un risque qu’il convient de quantifier (et, le cas échéant, prévenir). Les temps de résidence de polluants émis au sein des estuaires sont également inconnus, mais vraisemblablement longs (mois à années). Des travaux de modélisation estuarienne initiés récemment (Ndom B. et Echevin V., communication personnelle) fourniront à terme des éléments précieux pour clarifier les enjeux et guider d’éventuelles stratégies de prévention ou de remédiation.
Conclusions et recommandations
56Les revues annuelles, rédigées par la division « réponses d’urgence » de la NOAA (Emergency Response Division, National Oceanic And Atmospheric Administration), des principales publications ayant étudié les effets de la pollution sur les organismes marins (ex. Mearns et al., 2018, 2019, 2020), illustrent d’une part, la diversité des sources de pollution et, d’autre part, la diversité de leurs effets en fonction des organismes exposés. Au Sénégal, les activités humaines génèrent des pollutions diverses dont les compositions sont méconnues et les volumes mal quantifiés. Ces sources de pollutions viennent s’ajouter aux perturbations d’origine anthropique non décrites ici qui affectent l’ensemble du globe, à savoir le réchauffement, l’acidification et la désoxygénation des océans. Les polluants affectent tous les niveaux d’organisation biologique et le Sénégal n’est pas épargné par les nombreuses menaces associées à ces pollutions. Nous avons vu que les effets de ces polluants peuvent être importants et qu’ils agissent de concert. Les effets combinés sur les espèces qui composent l’écosystème marin restent cependant inconnus. La circulation océanique peut également produire des situations beaucoup plus diversifiées que ce qui est généralement envisagé dans la zone (c’est-à-dire la dilution et l’export rapide vers le large des pollutions). Pour les polluants confinés en surface, il peut y avoir des effets d’accumulation forts impliquant une combinaison de processus.
57La figure 2 fait apparaître des zones clés pour l’écosystème que ce soit pour les phases vulnérables du cycle de vie des poissons (larves, juvéniles), et/ou comme « hotspot » de biodiversité. Le plateau interne sud-sénégalais est d’une manière générale une zone écologiquement importante grâce aux conditions physiques discutées dans la partie consacrée au rôle de la dynamique océanique dans le devenir des polluants. Du nord au sud, les estuaires du fleuve Sénégal, du Sine-Saloum, du fleuve Gambie et de la Casamance, représentent également des sites clés pour les coquillages (voir le chapitre 6) ou certaines espèces de poissons (Bainbridge, 1963 ; Simier et al., 2004 ; Ecoutin et al., 2010 ; Sloterdijk et al., 2017 ; Döring et al., 2017). En termes de conservation, ces zones estuariennes abritent une grande biodiversité (Dia, 2012) dont quelques espèces de mammifères marins (Van Waerebeek et al., 1997 ; Perrin et Van Waerebeek, 2007 ; Keith-Diagne et al., 2021), et représentent des sites sensibles20 pour de nombreuses espèces d’oiseaux21.
58Les zones clés identifiées dans la figure 2 concentrent par ailleurs un grand nombre d’activités humaines : pêche artisanale, tourisme, transport maritime lié aux infrastructures portuaires. Elles subissent également des pollutions locales que ce soit du fait de l’importance et de la chronicité des sources de polluants (baie de Hann et Petite Côte) ou de la longueur des temps de résidence (estuaires). Il faut ajouter à cela l’existence de risques délocalisés, en particulier liés aux fuites d’hydrocarbures, qui peuvent affecter l’ensemble de la région marine et auraient un impact particulièrement notable en milieu littoral. Les figures 5 et 6 illustrent le fait que la circulation et les processus dynamiques connectent les zones de pollution aux zones écologiques sensibles et sont donc susceptibles de leur faire peser des risques d’origine distante. La saisonnalité des conditions hydrodynamiques le long des côtes sénégalaises constitue également un élément important à prendre en compte dans le rôle que la circulation peut jouer sur le transport et la dispersion des polluants (fig. 2).
59Dans une perspective de planification spatiale marine, ces différents éléments conduisent à identifier des zones sensibles sur la base de critères écologiques, des risques liés aux sources de pollution, et de leur rôle socio-économique et culturel. Dans l’état actuel des connaissances, il nous semble légitime de considérer la totalité du plateau interne et des estuaires comme zones critiques. En pratique, les zones ainsi définies sont des lieux de conflits d’usage entre activités de pêche, de tourisme, et industrielles. De nombreux éléments compliquent a priori fortement la mise en place d’un processus de planification spatiale de l’environnement marin (Ehler et al., 2019), car de nombreux projets de développement affichent une tendance lourde d’approches « top-down » (exemple du projet de port multifonction de Ndayane22) et s’inscrivent dans une régulation faible des industries polluantes, ou de la pêche artisanale (statut des aires marines protégées, AMP, insatisfaisant, Cormier-Salem, 2015). À défaut et dans l’attente d’hypothétiques conditions plus favorables, il semble important de suivre les recommandations suivantes.
Prioriser le travail sur les sources (amont) : anticiper les risques liés à l’implantation de nouvelles infrastructures (usine de désalinisation, port de Ndayane), s’assurer qu’un budget conséquent et des ressources humaines pérennes soient alloués au contrôle et au maintien des normes strictes de prévention en termes de pollution, et mettre en œuvre des réponses d’urgence. Le projet de dépollution de la baie de Hann fait partie des aménagements indispensables à la réduction des sources de pollution depuis la mégalopole de Dakar et s’inscrit dans cette logique.
Élaborer des stratégies et actions de mitigation des risques et pollutions de manière concertée (co-construction) : la planification spatiale marine se doit de résoudre les conflits d’usage. Elle est donc intimement liée à des processus de co-construction/co-élaboration qui s’avèrent indispensables quel que soit le niveau des ambitions fixées. À titre d’exemple, le projet « What a waste 2.0 », financé par la Banque mondiale, aborde la problématique de la « pollution aux plastiques » en intégrant les populations à sensibiliser ainsi que les structures étatiques et les acteurs privés (voir aussi le projet « Ensemble contre les ordures », ECO23).
Faire progresser les bases scientifiques : compte tenu de la montée de risques combinés (perturbations locales et globales), il est urgent de mieux quantifier les pollutions au Sénégal, tant en termes de diversité que de quantités de polluants alimentant l’océan. Il est également important de pouvoir anticiper les conséquences de ces pollutions. Comprendre la circulation océanique permet de spatialiser les risques liés aux différentes sources de pollution. Étudier expérimentalement la réponse de toutes les espèces d’un écosystème aux perturbations en cours, incluant la variabilité présente et future à laquelle elles sont/seront soumises, reste toutefois utopique. Il est cependant important d’identifier les espèces clés exposées, de connaître leur cycle de vie afin de protéger les phases/zones sensibles, et de comprendre les mécanismes sous-jacents à tous types de perturbations (Dupont et Pörtner, 2013). Il est difficile d’évaluer les effets toxiques des contaminants sur des populations ayant de longues durées de vie, composées de nombreuses générations qui se chevauchent. La mise en évidence d’un lien de cause à effet nécessite de multiples étapes comprenant à la fois des tests en laboratoire et des observations sur le terrain.
60Les scientifiques et le reste de la société doivent adopter une posture d’humilité vis-à-vis des relations de l’homme à son environnement, la science n’étant pas assez avancée pour anticiper les conséquences des perturbations globales et locales sur le milieu marin. En effet, au Sénégal, et dans de nombreux endroits du monde, les sources de dégradations environnementales semblent s’accumuler plus vite que l’état des connaissances ne progresse. En intégrant des zones de type « aire marine protégée », l’approche de planification marine spatialisée pourrait diminuer certaines pressions exercées sur le milieu, mais pas toutes. Et, surtout, elle perpétue un rapport culturel au vivant qui est peut-être à la source des problèmes écologiques induits par l’homme. Cette dimension a été soulignée lors d’un récent colloque24 au cours duquel a été posée la question suivante : « La protection du milieu marin fait-elle partie des activités entendues comme des “usages” de la mer et de ses ressources ou doit-elle s’en distinguer ? ». C’est également le courant de pensée issu des travaux de P. Descola (2005) et le naturalisme qui caractérise les sociétés occidentales. La planification spatiale, outil de gestion du milieu marin, tente seulement d’organiser la répartition des activités humaines en mer afin d’en optimiser les rendements (pour les humains) et de limiter les conflits d’usage (entre humains). Qu’il en résulte des espaces où les organismes marins peuvent vivre relativement protégés des activités humaines n’en est qu’une conséquence involontaire. Cela sera-t-il suffisant pour créer des conditions de coexistence réellement durables entre les sociétés humaines et les autres espèces ? La disproportion des moyens humains et financiers investis dans la protection de la nature en comparaison de ceux investis dans les formes de développement qui la détruisent, au Sénégal comme dans la plupart des endroits du monde, n’incite malheureusement pas à l’optimisme.
Remerciements
61L’Agence nationale de la recherche (ANR, France) a financé en partie la recherche ayant conduit à la rédaction de ce chapitre (Interactions planctoniques, facteurs environnementaux et conséquences biologiques/géochimiques dans le laboratoire côtier sud-sénégalais [Solab], project grant ANR-18-CE32-0009). Les auteurs remercient également le soutien du laboratoire mixte international « Études intégrées du climat et de l’océan en Afrique de l’Ouest, et réponses aux changements climatiques au Sénégal » (Éclairs). Nous remercions vivement Dr Moussa N’dienor (Institut sénégalais de recherches agricoles, Isra) pour la documentation fournie sur les engrais et pesticides, ainsi que Pr Alioune Kane (université Cheikh Anta Diop, Ucad, Sénégal) pour les discussions et échanges constructifs.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Voir les chiffres de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie de la République du Sénégal : https://www.ansd.sn/index.php?option=com_ansd&view=titrepublication&id=30
2 https://www.seneweb.com/news/Video/dechets-medicaux-sur-des-plages-les-imag_n_308080.html
3 Selon plusieurs études, entre 60 % et 80 % des débris marins flottants, sur les plages ou déposés sur les fonds, sont des plastiques.
4 Infographie de la Banque mondiale : Déchets, un état des lieux mondial de la gestion des déchets ménagers à l’horizon 2050, sept. 2018 : https://www.banquemondiale.org/fr/news/infographic/2018/09/20/what-a-waste-20-a-global-snapshot-of-solid-waste-management-to-2050
5 D’environ 40 000 t en 2010 à 150 000 t en 2016, selon le ministère de l’Agriculture sénégalais.
6 En 2016, 16 kg/ha au Sénégal, 290 kg/ha aux Pays-Bas. https://donnees.banquemondiale.org/
7 La consommation officielle de ces pesticides et herbicides y oscille entre 700 et 800 t de produit actif par an (2012 à 2014, source : direction de la Protection des végétaux).
8 La République du Cap-Vert a changé son nom officiel dans toutes les langues en République du Cabo Verde le 24 octobre 2013 dans une demande soumise au Secrétaire général par le représentant permanent du pays auprès des Nations unies. Conformément à cette demande, il ne sera fait mention dans cette publication qu’au Cabo Verde. Afin de respecter les titres des œuvres préalablement parues, les références ou sources imprimées mentionnant dans leur titre « Cap-Vert » (en français) ou « Cape Verde » (en anglais) n’ont pas été modifiées.
9 ANSD, Recensement 2013.
10 Les Zico peuvent être consultés à l’échelle globale : http://datazone.birdlife.org/site/mapsearch
11 https://www.onas.sn/sites/default/files/etudes/baiedehann_l3_volume_1_eies_v2_1.pdf
12 Composés aromatiques organochlorés qui font partie des polluants ubiquistes et persistants toxiques, écotoxiques et reprotoxiques, y compris à faible dose en tant que perturbateurs endocriniens.
13 Rapport informel pour le compte de la DEEC, 2015.
14 Articles 10 à 13 du protocole annexe de la Convention d’Abidjan ratifiée par le Sénégal.
15 https://www.un-page.org/files/public/plan_senegal_emergent.pdf
16 Espèce pour laquelle l’expérience a pu être menée.
17 L’eutrophisation des milieux aquatiques est un déséquilibre du milieu provoqué par l’augmentation de la concentration d’azote et de phosphore dans le milieu.
18 Pour des raisons similaires, le banc d’Arguin en Mauritanie est un autre site de ponte privilégié pour la population de Sardinella aurita (Conand, 1977 ; Boely et al., 1978, 1982 ; Fréon, 1988).
19 Le bloc est un « contrat de recherche et de partage de production d’hydrocarbure » (Bonnin et Ly, 2019).
20 Sites IBA pour Important bird and biodiversty areas : http://datazone.birdlife.org/site/ibacriteria
21 Voir l’ensemble des sites d’oiseaux sensibles du Sénégal : http://datazone.birdlife.org/site/mapsearch
22 http://www.big.gouv.sn/index.php/2019/05/09/le-port-de-ndayane-au-nom-de-la-competitivite
23 https://pfongue.org/Projet-Ensemble-Contre-les-Ordures.html
24 Colloque « Conflits d’usages en mer et droit de l’Union européenne », Aix-Marseille Université, 19-20 novembre 2020. https://univ-droit.fr/actualites-de-la-recherche/appels/34550-conflits-d-usages-en-mer-et-droit-de-l-union-europeenne
Auteurs
Biogéochimiste marin, Laboratoire d’océanographie physique et spatiale (Lops), IRD, France.
Océanographe, unité de modélisation mathématique et informatique des systèmes complexes (Ummisco), IRD, Ucad, Sénégal.
Océanographe physicien, laboratoire d’océanographie et du climat : expérimentations et approches numériques (Locean), Institut Pierre-Simon-Laplace (IPSL), France.
Océanographe physicien, École supérieure des sciences et techniques de l’ingénieur (Esti), université Amadou Mahtar Mbow, Sénégal.
Physicien, laboratoire de physique de l’atmosphère et de l’océanographie-Siméon Fongang, université Cheikh Anta Diop (Ucad), Sénégal.
Hydrologue, UMR « Patrimoines locaux, environnement & globalisation » (Paloc), IRD, France.
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