Chapitre 7. L’espace relationnel des Bamakois dans les années 2010
p. 231-242
Texte intégral
1Outre les déplacements résidentiels déjà envisagés, d’autres mouvements, flux et transferts dessinent l’espace relationnel de Bamako selon différents pas de temps et amplitudes géographiques. Cette mobilité se déploie à l’année, au mois ou à la semaine et elle combine, tout comme les déménagements, des logiques d’individuation et d’autres de socialisation. Elle rappelle à bien des égards l’origine géographique des migrants. Mais elle met aussi en jeu les liens que les individus ont tissés en propre au gré de leur parcours résidentiel, et les acquis de la vie urbaine. Des marges d’autonomisation se dessinent dans ces pratiques, pour les femmes en particulier. Elles sont donc présentées selon les choix méthodologiques qui ont permis le recueil des données, et selon la manière dont les habitants de la capitale malienne se relient à un environnement régional, national ou mondial.
Des déplacements temporaires : épisodiques ou réguliers ?
2Certains séjours en dehors des maisons d’enquête ne relèvent ni du déménagement ni de la mobilité quotidienne. Ils sont abordés à partir de l’échantillon des adultes déjà présenté (chapitre 6). Malgré des durées, des périodicités et des orientations spatiales très variables, ce type de mobilité reste temporaire. Il entrelace des besoins économiques et familiaux, ce qui rejoint les conclusions tirées des parcours migratoires et résidentiels (figure 27).
Figure 27. Nombre de flux informés vers et depuis les zones d’enquête, par principale région d’origine et de destination.

Source : enquêtes PLMU-2011.
3Deux méthodes complémentaires permettent d’apprécier ces séjours. Un premier inventaire porte sur des déplacements récents, intervenus dans l’année précédant l’enquête, n’ayant pas nécessairement vocation à être répétés et comptant au moins un mois passé à l’extérieur de la maison1. Le second inventaire porte sur les déplacements plus courts, d’au moins une nuit passée en dehors du logement habituel, mais perçus comme réguliers quelles que soient leur fréquence et leur durée.
La mobilité dans l’année précédant l’enquête
Les Bamakois en visite
4Les visites effectuées hors du logement sont ainsi informées selon une durée de séjour suffisamment longue, d’un à plusieurs mois, pour couvrir les déplacements les plus distants de la région capitale. Les destinations à l’étranger, jusqu’au-delà du continent africain, concernent ainsi des effectifs plus importants que les visites comptées avec cette même durée minimum dans d’autres quartiers de l’agglomération bamakoise (tableau 81).
Tableau 81 – Régions de destination des visites effectuées depuis les zones d’enquête selon le sexe des adultes concernés
Région de destination | Total | Femmes | Hommes | |||
Nombre | % | Nombre | % | Nombre | % | |
Afrique de l’Ouest | 18 | 9,7 | 4 | 5,1 | 14 | 13,0 |
Autres pays subsahariens | 3 | 1,6 | 2 | 2,6 | 1 | 0,9 |
Maghreb/Proche-Orient/Moyen-Orient | 2 | 1,1 | 2 | 2,6 | 0,0 | |
Europe | 5 | 2,7 | 1 | 1,3 | 4 | 3,7 |
Amérique | 1 | 0,5 | 1 | 1,3 | 0,0 | |
Asie | 1 | 0,5 | 0,0 | 1 | 0,9 | |
Total étranger | 30 | 16,1 | 10 | 12,8 | 20 | 18,5 |
Kayes | 17 | 9,1 | 8 | 10,3 | 9 | 8,3 |
Koulikoro | 33 | 17,7 | 18 | 23,1 | 15 | 13,9 |
Sikasso | 22 | 11,8 | 10 | 12,8 | 12 | 11,1 |
Ségou | 35 | 18,8 | 14 | 17,9 | 21 | 19,4 |
Mopti | 14 | 7,5 | 4 | 5,1 | 10 | 9,3 |
Tombouctou | 18 | 9,7 | 4 | 5,1 | 14 | 13,0 |
Gao | 5 | 2,7 | 1 | 1,3 | 4 | 3,7 |
Kidal | 0 | 0,0 | 0 | 0,0 | 0 | 0,0 |
Total régions du Mali | 144 | 77,4 | 59 | 75,6 | 85 | 78,7 |
Bamako non déterminé | 2 | 1,1 | 2 | 2,6 | 0,0 | |
Commune I | 2 | 1,1 | 2 | 2,6 | 0,0 | |
Commune II | 1 | 0,5 | 0,0 | 1 | 0,9 | |
Commune III | 2 | 1,1 | 2 | 2,6 | 0,0 | |
Commune IV | 2 | 1,1 | 0,0 | 2 | 1,9 | |
Commune V | 2 | 1,1 | 2 | 2,6 | 0,0 | |
Commune VI | 1 | 0,5 | 1 | 1,3 | 0,0 | |
Total district de Bamako | 12 | 6,5 | 9 | 11,5 | 3 | 2,8 |
Total | 186 | 100,0 | 78 | 100,0 | 108 | 100,0 |
Source : enquêtes PLMU-2011.
5Un adulte enquêté sur dix est donc concerné par ce flux sortant du domicile, qui s’oriente principalement vers le Mali. La presque totalité des 186 personnes concernées ne compte qu’une seule visite dans l’année précédant l’enquête, quatre en compte deux, voire plus. Parmi les adultes concernés, les femmes sont clairement minoritaires. Elles s’orientent proportionnellement plus à Bamako et dans la région de Koulikoro, tandis que les destinations lointaines – étranger, centre et nord du Mali – sont surreprésentées dans les visites effectuées par des hommes.
Des visiteurs chez les Bamakois
6Le flux inverse des visites reçues dans la capitale intéresse généralement une personne (276 des 284 provenances informées), plus rarement deux ou trois en même temps (tableau 82). Ces visiteurs, 293 au total, concernent moins les adultes enquêtés individuellement que le ménage qui les accueille. 28 % des 1 027 ménages enquêtés déclarent ainsi avoir reçu au moins une visite dans l’année précédente. Les provenances et les motifs de ces exemples sont informés. Ils relèvent de flux typiquement saisonniers qui n’ont pas disparu dans les changements que connaît le peuplement urbain, en particulier depuis les localités rurales d’origine des migrants. C’est principalement de là que partent, vers la capitale, des parents et des amis en attente de soins (le principal motif évoqué), de travail temporaire, d’« affaires personnelles »2, de congé scolaire, de maintien des liens sociaux de solidarité et d’assistance qui se manifestent en particulier à l’occasion de mariages et de condoléances.
Tableau 82 – Régions et lieux d’origine des visiteurs reçus dans les zones d’enquête

Source : enquêtes PLMU-2011.
7La densification des maisons enquêtées à Bamako indique pourtant que les réponses à ces demandes d’accueil sont aujourd’hui plus contraintes. Les ménages sont conduits à filtrer les visiteurs en nombre et « bonnes raisons » à venir, et finalement à les prioriser selon des liens familiaux plus étroits que dans les générations précédentes. Une analyse genrée des visites a donc plus de sens du point de vue du sexe des visiteurs que de celui de leur répondant principal au sein du ménage. Alors que le flux des Bamakois à l’extérieur intéresse une majorité d’hommes, celui que la ville reçoit de l’extérieur implique une majorité de femmes, ce qui donne par conséquent une place plus importante aux régions maliennes d’origine des migrants. 52 % des visiteurs sont ainsi des femmes, notamment des sœurs, des nièces, et diverses parentes.
8Ces pratiques spécifiquement féminines se dévoilent dans les raisons données à certains déplacements – » ma belle-sœur était venue (du Sénégal) pour acheter des tissus » ; « ma nièce est venue (du Nigeria) faire quelque temps pour constituer son trousseau de mariage » –, aux côtés d’autres qui valorisent plus banalement la perspective de traitements meilleurs dans la capitale : « La femme de mon frère est venue pour accoucher. » Les visiteurs hommes font valoir quant à eux la perspective de rentrées d’argent. Un ménage de Kalabancoro montre ainsi comment les deux visites qu’il a reçues depuis le même chef-lieu de cercle de la région de Koulikoro se rapportent différemment au chef du ménage et à son épouse : « Mon neveu est venu pour faire l’apprentissage de la mécanique auto », pour le cas d’un jeune homme, « ma nièce passe les vacances scolaires chez moi », pour celui d’une jeune fille.
9Même mesurées à l’échelle des ménages hôtes, les visites reçues génèrent surtout des flux plus importants que les visites effectuées par les adultes enquêtées à Bamako. Dans les deux cas, cependant, la répartition régionale de ces provenances et séjours au Mali fait écho à celle des origines géographiques des adultes migrants. La zone d’étude de Daoudabougou le montre en particulier en contribuant le plus aux visites reçues.
10Au Mali, la carte des visiteurs par cercle est un peu plus clairsemée que celle des naissances déjà commentée pour l’ensemble des adultes enquêtés (chapitre 6) et pour les résidents bamakois recensés en 2009 (chapitre 1), même si elle montre les mêmes concentrations sur la partie méridionale du pays et ne donne à voir que la boucle du Niger du Septentrion (planche 38). Celle des visites reçues à Bamako intéresse cependant un plus grand nombre de cercles que la carte des visites effectuées par les Bamakois au Mali. La région de Mopti envoie cependant moins de visiteurs dans la capitale que ceux venant de l’Afrique de l’Ouest. Au nord du Mali, la région de Gao reste tournée vers le Niger et est encore moins représentée que celle de Tombouctou dans ces échanges, tandis que celle de Kidal est quasiment absente.
Planche 38. Visites dans la dernière année et mobilité régulière des Bamakois, par cercle d’origine et de destination au Mali

Source : enquêtes PLMU-2011.
Réalisation IRD/M. Bertrand
11D’autres lieux de séjour et de provenance bénéficient à l’inverse de proximités géographiques et économiques avec Bamako : c’est le cas du cercle de Kati, dans la région de Koulikoro, et de celui de Ségou dans sa propre région. L’impression de contraction spatiale se confirmera avec les séjours temporaires réguliers, même si ceux-ci engagent des effectifs plus importants dans les cercles considérés.
Des déplacements réguliers avec au moins une nuit passée à l’extérieur
12En déplaçant le curseur vers des déplacements a priori peu durables mais répétés dans le temps, l’enquête enregistre un taux de réponse encore plus important : 29 % des 1 854 adultes interrogés se déplacent ainsi depuis leur maison ; quels que soient leurs motifs, cette mobilité produit un total de 687 orientations. Parmi les 530 personnes concernées, la majorité ne compte qu’un seul déplacement de ce type, mais une sur cinq déclare deux à quatre séjours. Des opportunités d’emploi caractérisent les hommes en propre, partis pour « prendre des marchandises », « trouver un stage », « en mission professionnelle » ; les visites à caractère social concernent plus spécifiquement les femmes, même si elles n’en ont pas le monopole.
13Ces déplacements sont en effet nombreux et souvent de courte durée. Leur fréquence est très variable à l’échelle de l’année, du mois, voire de la semaine pour les hommes polygames se déplaçant chez les femmes qui n’ont pas été enquêtées avec leur coépouse dans le même ménage. Ces navettes et d’autres exemples révèlent des systèmes résidentiels plurilocalisés. Les déplacements qui en découlent sont inégaux en durée, de deux jours à quatre mois. Mais les deux tiers d’entre eux ne vont pas au-delà d’une semaine ; 30 % ne comptent qu’une nuit passée en dehors du logement habituel. Les séjours les plus longs impliquent des rythmes saisonniers de travail liés aux calendriers agricoles (figure 28).
Figure 28. Nombre de déplacements réguliers selon leur durée habituelle.

Source : enquêtes PLMU-2011.
14Avec 45 % des occasions de déplacement, les Bamakoises réduisent cependant l’écart avec les hommes qui ressortait des visites longues comptées dans la dernière année (42 %). Leurs déplacements se font surtout à la condition de rester dans une relative proximité, faisant référence au fait que les femmes sont censées se déplacer avec l’accord de leur mari, ce qui avantage les plus avancées en âge et en maternités. Comme pour les visites, les raisons qu’elles donnent à ce type de mobilité combinent des besoins sociaux et divers arrangements économiques de la vie urbaine. En effet, les femmes ne sont pas en reste avec quelques occasions à commercer que leur donnent des déplacements répétés. Mais elles citent plus volontiers des « visites aux parents » et des « cérémonies familiales », tandis que les « affaires d’emploi » et d’argent occupent davantage leurs maris (tableau 83).
Tableau 83 – Destinations des déplacements courts depuis les zones d’enquête
Région de destination | Total | Femmes | Hommes | |||
Nombre | % | Nombre | % | Nombre | % | |
Afrique de l’Ouest | 62 | 9,0 | 24 | 7,8 | 38 | 10,0 |
Autres pays subsahariens | 2 | 0,3 | 1 | 0,3 | 1 | 0,3 |
Maghreb/Proche-Orient/Moyen-Orient | 4 | 0,6 | 2 | 0,7 | 2 | 0,5 |
Europe | 19 | 2,8 | 5 | 1,6 | 14 | 3,7 |
Amérique | 2 | 0,3 | 1 | 0,3 | 1 | 0,3 |
Total étranger | 89 | 13,0 | 33 | 10,7 | 56 | 14,7 |
Kayes | 62 | 9,0 | 24 | 7,8 | 38 | 10,0 |
Koulikoro | 153 | 22,3 | 81 | 26,4 | 72 | 18,9 |
Sikasso | 95 | 13,8 | 43 | 14,0 | 52 | 13,7 |
Ségou | 137 | 19,9 | 60 | 19,5 | 77 | 20,3 |
Mopti | 41 | 6,0 | 13 | 4,2 | 28 | 7,4 |
Tombouctou | 16 | 2,3 | 3 | 1,0 | 13 | 3,4 |
Gao | 8 | 1,2 | 2 | 0,7 | 6 | 1,6 |
Kidal | 1 | 0,1 | 1 | 0,3 | 0,0 | |
Total régions du Mali | 513 | 74,7 | 227 | 73,9 | 286 | 75,3 |
Bamako non déterminé | 3 | 0,4 | 2 | 0,7 | 1 | 0,3 |
Commune I | 12 | 1,7 | 9 | 2,9 | 3 | 0,8 |
Commune II | 8 | 1,2 | 5 | 1,6 | 3 | 0,8 |
Commune III | 13 | 1,9 | 6 | 2,0 | 7 | 1,8 |
Commune IV | 7 | 1,0 | 2 | 0,7 | 5 | 1,3 |
Commune V | 22 | 3,2 | 15 | 4,9 | 7 | 1,8 |
Commune VI | 20 | 2,9 | 8 | 2,6 | 12 | 3,2 |
Total district de Bamako | 85 | 12,4 | 47 | 15,3 | 38 | 10,0 |
Total | 687 | 100,0 | 307 | 100,0 | 380 | 100,0 |
Source : enquêtes PLMU-2011.
15Les destinations lointaines, dans les régions du centre et du nord du Mali ainsi qu’à l’étranger, intéressent donc toujours plus les hommes. Les déplacements des femmes donnent au contraire une forte importance à Bamako et à ses alentours, l’agglomération et sa grande périphérie dans la région de Koulikoro totalisant 42 % de leurs séjours répétés, contre 29 % de ceux des hommes. Les arbitrages domestiques liés à cette mobilité valorisent ainsi un déplacement plus facile et à moindre coût. La participation des femmes aux circuits de ravitaillement de la capitale en produits vivriers contribue aussi à ce flux, entre lieux de production et places marchandes de l’arrière-pays bamakois (Raton, 2010).
16Les zones d’étude les plus représentées diffèrent enfin pour ce type de flux et pour celui des visites longues : Boulkassoumbougou et surtout Dianéguéla contribuent désormais à plus de 51 % des déplacements, ce qui confirme la relation entre mobilité et insertion à la marge à Bamako, déjà envisagée avec Daoudabougou. Ces trois quartiers, d’abord irréguliers, ont été massivement investis par des non-natifs de la capitale avant de se densifier fortement. Les liens qu’ont maintenus leurs habitants avec les régions d’origine, en particulier les actifs du secteur informel, et les liens qu’ils ont construits dans l’environnement rural de la capitale, restent stratégiques pour cette composante économique de la ville populaire.
Mobilité projetée, mobilité déléguée
17Champ de pratiques démultipliées par la vie urbaine, la mobilité peut enfin devenir un projet individualisé ou être mis en œuvre par des tiers. Dans la batterie de questions soumises aux adultes par deux modules du questionnaire d’enquête, elle se montre avant tout tributaire de ressources économiques sélectives. Mais la condition de l’argent n’a pas totalement effacé l’importance donnée aux relations sociales dans ces nouvelles attentes et perspectives. La capitale ressort ici relativement déconnectée des régions d’origine au Mali. Elle présente un espace relationnel bien différent de celui dessiné par les visites et les déplacements habituels (planche 39).
Planche 39. Régions de destination/d’origine des mobilités décrites dans les zones d’étude

Source : enquêtes PLMU-2011.
L’intention de déménager
18La perspective d’avoir encore à changer de maison, à l’horizon des douze mois suivant l’enquête, a fait d’abord l’objet d’une question spécifique posée aux mêmes adultes. En la matière, la géographie des destinations envisagées diffère clairement des précédents constats, puisque ces préparatifs se concentrent sur Bamako. Mais contrairement aux enquêtes à passages répétés de 1993 et 1994, il n’était pas question, dans le questionnaire de 2011, de vérifier un an plus tard si les projets formulés avaient pu se concrétiser. La question visait surtout à informer comment ces ménages, et lesquels de leurs référents en particulier, « se préparaient » à améliorer leur situation selon la formule entendue maintes fois à propos d’étapes antérieures de leurs parcours résidentiels. Ces réponses ont donc dessiné un espace de projection dans le futur proche de la capitale, ici largement déconnecté de son hinterland migratoire.
19Comme les visites reçues, les projets de déménagement se mesurent à l’échelle des ménages, même s’ils ne sont formulés que par leurs référents. Les réponses données par de nombreuses épouses faisaient alors doublon et ont dû être éliminées. Avec des motivations légèrement différentes et une précision plus grande, les hommes valorisaient leurs préparatifs : « Comme j’ai un terrain, quand je le construirai, j’y déménagerai. » Leurs épouses mettaient davantage en avant les difficultés du moment : « Le logement est petit, on n’a que deux chambres » ; « la maison a trop d’insalubrité. » Elles reconnaissaient surtout qu’en la matière c’était au mari de « décider », de « construire », d’exprimer ses capacités… et ses incertitudes : « Je vais rentrer chez moi quand j’aurai de l’argent. » Toutes ces femmes n’étaient d’ailleurs pas informées de la destination projetée par leur mari ; elles rappelaient alors un profil de suiveuse déjà noté dans les quartiers populaires et chez les salariés du secteur public : « Comme il l’a dit, après la finition (de la maison en chantier) nous irons à Banconi » ; « c’est pour la nomination de mon mari puisqu’il est conseiller des affaires étrangères. »
20Dans quelques cas, cependant, deux adultes du même ménage montraient des intentions différentes, comme ce retraité soucieux de rentrer dans son village d’origine, Hewa dans le cercle de Bourem et la région de Gao, après un traitement prolongé à Dianéguéla ; en l’absence de son épouse, c’est sa nièce qui répond : la jeune femme ayant rejoint le ménage pour son veuvage, elle déclare après un an passé à Bamako vouloir s’orienter vers le chef-lieu de Gao pour reprendre contact avec sa famille et envisager un nouveau mariage. Ailleurs, deux sœurs héritières d’une maison familiale à Badalabougou ont en commun le projet de partir « n’importe où à l’étranger pour poursuivre des études », tout en suivant des projets bien individualisés : « C’est le troisième cycle que je vise, trouver une filière qui te rapporte plus d’argent que ce que tu peux trouver ici. » Elles n’excluent donc pas de s’orienter différemment selon les réponses que recevront leurs démarches. Dans une autre maison du même quartier, les projets du primo-propriétaire et ceux de son épouse divergent encore : le premier cherche à s’installer « au champ », son investissement de retraite ; la seconde envisage aussi de laisser la place au ménage de leur fils aîné, mais pour rejoindre d’autres enfants installés en France. L’individuation des projets et la bifurcation des orientations envisagées au sein d’un même ménage s’observent plus fréquemment qu’ailleurs depuis ce quartier à haut niveau d’étude. Rapportés à leurs porteurs effectifs, les 143 projets informés concernent donc 133 ménages, soit 13 % de l’échantillon d’enquête. Les projets évoqués conjointement par les deux adultes du ménage (123 ménages) sont beaucoup plus nombreux que ceux qui font diverger leurs réponses (10).
21La part des femmes est surtout la plus faible de toutes les pratiques et perspectives de mobilité abordées ici : le tiers de projets qu’elles portent en propre correspond en réalité à des citadines qui sont en même temps les référentes de leur ménage. Mais leurs orientations géographiques ne diffèrent pas sensiblement de celles des hommes dans les grandes lignes : la part du Mali s’effondre, tandis que celle de Bamako atteint son plus haut niveau. L’étranger est particulièrement attractif mais il fait ici la part belle aux destinations européennes, tandis que l’Afrique de l’Ouest se montre beaucoup moins saillante que dans les migrations déjà éprouvées, en particulier pour les hommes. De même dans le district : les communes qui ont enregistré de nombreux séjours antérieurs à l’enquête, en rive gauche du Niger, sont désormais négligées ; les projets se reportent principalement sur les quartiers cités en plus grand nombre dans les deux communes de la rive droite.
22On touche ici aux raisons mises en avant dans cette intention de déménager. Les projets sont inégalement précis et préparés. Mais l’ensemble se répartit globalement entre les sources d’insatisfaction conduisant à vouloir trouver mieux à Bamako et la recherche d’avantages au-delà de la capitale. La comparaison n’est pas seulement menée à l’échelle du Mali, elle va au-delà des frontières nationales. Au profil de la frustration s’oppose alors celui du calcul prospectif (tableau 84).
Tableau 84 – Régions de destination pour les déménagements envisagés depuis les zones d’enquête
Région de destination | Total | Femmes | Hommes | |||
Nombre | % | Nombre | % | Nombre | % | |
Afrique de l’Ouest | 11 | 7,9 | 7 | 14,6 | 4 | 4,3 |
Autres pays subsahariens | 1 | 0,7 | 0,0 | 1 | 1,1 | |
Maghreb/Proche-Orient/Moyen-Orient | 4 | 2,9 | 2 | 4,2 | 2 | 2,2 |
Europe | 15 | 10,7 | 2 | 4,2 | 13 | 14,1 |
Amérique | 2 | 1,4 | 1 | 2,1 | 1 | 1,1 |
Étranger n’importe où | 10 | 7,1 | 3 | 6,3 | 7 | 7,6 |
Total étranger | 43 | 30,7 | 15 | 31,3 | 28 | 30,4 |
Kayes | 6 | 4,3 | 2 | 4,2 | 4 | 4,3 |
Koulikoro | 21 | 15,0 | 5 | 10,4 | 16 | 17,4 |
Sikasso | 1 | 0,7 | 1 | 2,1 | 0,0 | |
Ségou | 8 | 5,7 | 4 | 8,3 | 4 | 4,3 |
Mopti | 2 | 1,4 | 0,0 | 2 | 2,2 | |
Tombouctou | 3 | 2,1 | 0,0 | 3 | 3,3 | |
Gao | 3 | 2,1 | 2 | 4,2 | 1 | 1,1 |
Total régions du Mali | 44 | 31,4 | 14 | 29,2 | 30 | 32,6 |
Bamako n’importe où | 26 | 18,6 | 11 | 22,9 | 15 | 16,3 |
Commune I | 3 | 2,1 | 0,0 | 3 | 3,3 | |
Commune II | 3 | 2,1 | 2 | 4,2 | 1 | 1,1 |
Commune III | 0,0 | 0,0 | 0,0 | |||
Commune IV | 3 | 2,1 | 1 | 2,1 | 2 | 2,2 |
Commune V | 7 | 5,0 | 1 | 2,1 | 6 | 6,5 |
Commune VI | 11 | 7,9 | 4 | 8,3 | 7 | 7,6 |
Total district de Bamako | 53 | 37,9 | 19 | 39,6 | 34 | 37,0 |
Total identifié | 140 | 100,0 | 48 | 100,0 | 92 | 100,0 |
Non déterminé | 3 | 3 | ||||
Total | 143 | 48 | 95 |
Source : enquêtes PLMU-2011.
23Dans le premier cas, les réponses insistent en particulier sur les contraintes de la location en ville : « Le logement est en mauvais état, les murs sont fendus » ; « pendant l’hivernage la pluie rentre par les tôles », « pour avoir une maison d’au moins trois chambres plus conforme à mes besoins » ; « le propriétaire a besoin de sa maison, il me demande de quitter. » Dans le second cas ressortent avant tout les perspectives économiques de la migration : « Je compte aller à Niono pour cultiver c’est ce qui est bien pour moi, le champ de riz ça rapporte beaucoup » ; « j’aimerais bien retourner au village car la vie est trop dure à Bamako. » Quelques jeunes femmes en rappellent plus rarement les normes sociales : « Pour mon mariage qui est prévu pour bientôt, j’irai rejoindre mon mari. »
24À Dianéguéla, une quinquagénaire accompagnée de sa fille adoptive cite, à la fois, le Libéria où elle est née, la Guinée où elle a de la famille et les États-Unis qu’elle envisage « pour rebondir » après la mauvaise passe que représente le Mali pour elle : « Ça va pas du tout, je vais quitter parce qu’on a faim, soif ; y a pas d’école de qualité, pas de travail pour mes enfants… On est fatigué, la vie coûte cher. » Mais pour ces femmes qui ont accompagné mari et tutrice durant une à trois décennies à Bamako, c’est le veuvage et la charge de famille à assumer sans revenu ni qualification qui justifient le jugement du moment sur la capitale, non une comparaison raisonnée avec d’autres localités abordées précédemment au Mali.
25Comme les autres expériences de la mobilité, enfin, l’intention de déménager se montre inégalement distribuée entre les zones d’étude. Badalabougou concentre ici les projets informés par les ménages (près de 30 %), avec une orientation record vers l’étranger (27 sur les 43 identifiés). Tant la sociologie de ce secteur urbain que la projection des réponses dans un espace-monde polarisé par l’Europe, où de nombreux jeunes comptent se former comme l’ont fait certains de leurs pères, soulignent les ambitions du projet migratoire et sa déconnexion des régions d’origine des familles maliennes. Les projets et les rêves formulés depuis le vieux quartier central de Médina Coura, bien que moins nombreux, en donnent une autre illustration.
26Ailleurs, la perspective de déménager dans l’agglomération est mieux représentée, voire majoritaire. Mais Boulkassoumbougou, Dianéguéla et surtout Daoudabougou continuent de représenter, quoique minoritairement, le Mali de l’intérieur vers lequel l’option de s’en « retourner au village » oriente les adultes les plus mal insérés à Bamako. Quant aux ménages des périphéries urbaines, ils présentent des perspectives tout à fait différentes à Dialakorodji et Yirimadio, d’une part, et à Kalabancoro, d’autre part, bien que reliées par les logiques du marché foncier urbain. Les premiers viennent tout juste de s’installer en propriété ; ils n’en ont pas fini avec l’effort de construction ou commencent tout juste à rembourser le crédit immobilier qui leur a été consenti sur vingt-cinq ans par l’intermédiaire de l’Office malien de l’habitat. Il n’est donc pas question de déménager encore. Au contraire, Kalabancoro compte déjà de nombreux ménages locataires qui sont à l’affût de possibilités d’acquisition dans le prolongement de leur quartier, ou rêvent d’emménager au plus vite sur les parcelles qu’ils ont pu acheter dans l’environnement périurbain de la capitale. Ces ménages contribuent donc pour moitié aux projets orientés vers la région de Koulikoro.
L’aide reçue de l’extérieur
27Avec les transferts d’argent et de biens adressés aux Bamakois, on touche enfin à une mobilité qui n’est pas directement celle des adultes enquêtés, même si elle rappelle parfois des étapes de leurs parcours résidentiels ; c’est plutôt l’expérience de leurs réseaux sociaux. Ces remises migratoires demandent donc à être comptées de manière plus individualisée que les projets de déménagement et les visites reçues (tableau 85), car leur consistance varie quand deux adultes d’un même ménage se déclarent bénéficiaires y compris de la même source de transfert. Un sur cinq des ménages concernés fait ressortir ainsi deux aides différentes en origine ou en nature.
Tableau 85 – Aides extérieures reçues par les ménages
Nombre d’adultes | Nombre de ménages | % |
1 | 69 | 79,3 |
2 | 18 | 20,7 |
Total | 87 | 100,0 |
Ménages sans projet | 940 | |
Total | 1 027 |
Source : enquêtes PLMU-2011.
28De tous les cas de figure envisagés au titre de la mobilité, ce flux est à la fois le plus large en provenances et le plus restreint en nombre de personnes concernées (tableau 86). L’enquête informe 105 aides reçues (5,7 % des adultes) dans 87 ménages (8,4 %). Les femmes ne sont pas en reste parmi les bénéficiaires (un tiers), mais elles sont particulièrement discrètes comme source des transferts3. Leur géographie est surtout très originale puisque ces aides viennent exclusivement de l’étranger. Le détail des provenances inverse d’ailleurs les proportions habituellement enregistrées en Afrique et au-delà.
Tableau 86 – Régions de provenance des aides reçues selon le sexe des bénéficiaires
Pays/région destination | Total | Femmes | Hommes | |||
Nombre | % | Nombre | % | Nombre | % | |
Burkina Faso | 2 | 1,9 | 2 | 3,9 | 0,0 | |
Côte d’Ivoire | 3 | 2,9 | 2 | 3,9 | 1 | 1,9 |
Niger | 1 | 1,0 | 1 | 2,0 | 0,0 | |
Nigeria | 1 | 1,0 | 1 | 2,0 | 0,0 | |
Sénégal | 4 | 3,8 | 2 | 3,9 | 2 | 3,7 |
Congo | 1 | 1,0 | 1 | 2,0 | 0,0 | |
Gabon | 2 | 1,9 | 1 | 2,0 | 1 | 1,9 |
Total Afrique | 14 | 13,3 | 10 | 19,6 | 4 | 7,4 |
Allemagne | 1 | 1,0 | 0,0 | 1 | 1,9 | |
Espagne | 3 | 2,9 | 2 | 3,9 | 1 | 1,9 |
France | 64 | 61,0 | 33 | 64,7 | 31 | 57,4 |
Suisse | 1 | 1,0 | 0,0 | 1 | 1,9 | |
Plusieurs pays Europe | 2 | 1,9 | 0 | 0,0 | 2 | 3,7 |
Total Europe | 71 | 67,6 | 35 | 68,6 | 36 | 66,7 |
États-Unis | 10 | 9,5 | 3 | 5,9 | 7 | 13,0 |
Plusieurs continents | 10 | 9,5 | 3 | 5,9 | 7 | 13,0 |
Total | 105 | 100,0 | 51 | 100,0 | 54 | 100,0 |
Source : enquêtes PLMU-2011.
29La part des origines européennes tient fortement à celle de la France, en particulier pour les femmes bénéficiaires, mères et sœurs de Maliens expatriés de longue date. Quant aux hommes, ils profitent mieux des migrations les plus lointaines, généralement récentes, ainsi que d’aides cumulées depuis plusieurs continents : « Espagne et Paris », « France et Arabie Saoudite », les États-Unis associés à la France, à l’Espagne et au Congo-Brazzaville. Si l’Afrique s’effondre dans cet espace relationnel de Bamako, elle continue de marquer les transferts convergeant depuis plusieurs sources sur les mêmes bénéficiaires : « Paris et l’Angola » pour l’un, « le Sénégal et l’Espagne » pour l’autre, et encore « Paris, la Chine, le Congo, le Gabon » pour l’adulte le mieux servi de tout l’échantillon.
30L’aide est en effet reçue principalement en espèces, et liée à un cercle de proches : frères, oncles, enfants, cousins, beaux-parents d’où ne se détachent qu’une poignée d’amis pour des envois occasionnels de biens divers : « un téléphone », « des vêtements », « une invitation et son billet pour les congés ». Aux parents reviennent au contraire les transferts répétés « de temps en temps », « tous les six mois », « avant la fête de la Tabaski », « pour les anniversaires », plus rarement « tous les mois pour les frais de la famille ». Les montants sont significatifs, dans une fourchette de 25 000 à un million de francs CFA, et selon une moyenne de 154 000 francs CFA (tableau 87).
Tableau 87 – Nature de l’aide adressée aux bénéficiaires selon leur sexe
Nature des aides reçues | Total | Femmes | Hommes | |||
Nombre | % | Nombre | % | Nombre | % | |
Argent | 64 | 61,0 | 32 | 62,7 | 32 | 59,3 |
Mixte | 21 | 20,0 | 10 | 19,6 | 11 | 20,4 |
Biens | 20 | 19,0 | 9 | 17,6 | 11 | 20,4 |
Total | 105 | 100,0 | 51 | 100,0 | 54 | 100,0 |
Source : enquêtes PLMU-2011.
31Les autres envois engagent des montants moindres mais plus individualisés, sans néanmoins profiter aux femmes plus qu’aux hommes : les vêtements sont les plus cités (habits, chaussures, costume…), loin devant des médicaments, des bijoux, du matériel spécifique ou encore une moto ; mais ils sont disputés en importance par les téléphones portables, ou sont associés à eux dans les envois.
32Les transferts sont surtout sélectifs, comme le montre la répartition des bénéficiaires par zone d’étude : les discriminations qu’ont illustrées précédemment les projets migratoires s’en trouvent même accentuées (figure 29). Avec la moitié des bénéficiaires, Badalabougou et plus encore Médina Coura se retrouvent ainsi en position de force dans ces connexions au monde, et la seconde apparaît reliée plus encore à des migrations au-delà de l’Europe. À l’inverse, Daoudabougou est totalement absent des aides reçues, le contraire de ce que montrait sa contribution aux visites et aux étapes migratoires en Afrique de l’Ouest. L’inégal bénéfice de la mobilité internationale ressort bien là, en séparant les ménages bamakois entre des profils de réussite et des formes plus précaires d’insertion urbaine.
Figure 29. Pays de provenance des aides reçues, selon la zone d’étude des bénéficiaires.

Source : enquêtes PLMU-2011.
33L’espace relationnel de la capitale se dessine finalement entre une fascination renouvelée pour l’étranger lointain et des solidarités sociales tenaces, bien que contractées dans la moitié méridionale du pays, avec les régions d’origine des migrants (figure 30). Ce qui ressort de l’enquête de 2011 relève de continuités plus que des ruptures, mais des évolutions ont bel et bien accompagné la transformation physique de la ville. Le renouvellement de sa population se fait alors l’écho de changements qui ont affecté aussi les migrations internationales au Mali.
Figure 30. Espace relationnel des adultes informés à Bamako selon le type de flux enregistré.

Source : enquêtes PLMU-2011.
34Les différentes pistes méthodologiques explorées par l’enquête confirment surtout le fait que la mobilité, en plus d’être un élément constitutif de la ville, révèle d’autres transitions qui la concernent : le fait migratoire et les étapes d’entrée dans le marché du logement urbain restent très importants pour comparer Bamako à d’autres métropoles africaines. Mais la structure de sa population, très jeune, rappelle souvent que les migrants d’hier ont fait souche et passent aujourd’hui le relais à des générations massivement nées en ville. Les discriminations que suscitent la mobilité résidentielle et d’autres flux humains, les réseaux sociaux mobilisés par ce redéploiement du peuplement urbain, restent donc des questions à poser pour non seulement glisser du passé au présent de Bamako, mais aussi en envisager le futur.
Notes de bas de page
1 Mais toujours moins de six mois, car au-delà le déplacement vaudrait déménagement hors des zones d’étude.
2 Du type : « Ma nièce était en désaccord avec son mari, elle est venue chez moi », « C’est un cousin, il avait des problèmes avec la justice, il est venu pour le tribunal. »
3 Seules 33 personnes sont désignées nominativement, et parmi elles seulement deux femmes, sœurs des bénéficiaires à Bamako.
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