Chapitre 47. La comptabilité écosystémique du capital naturel au service des décideurs de la gestion environnementale
p. 701-714
Texte intégral
Introduction
1La biodiversité est une réserve globale de réponses fonctionnelles aux modifications environnementales. Pour cela, elle est considérée comme fondamentale pour la résilience de la biosphère (McNeill et Shei, 2002). La dégradation actuelle de l’environnement a également des répercussions sur la société humaine. Le rapport publié en 2010 du TEEB (The Economics of Ecosystems and Biodiversity) montre que les ressources naturelles représentent un patrimoine économique, qu’elles soient ou non un élément marchand (TEEB, 2010). Cependant, les comptabilités nationales ne reflètent pas l’état des stocks de capital naturel1 ni les flux de services écosystémiques. Ainsi, les conséquences économiques dues aux pertes d’écosystèmes et de biodiversité, sont transparentes dans les comptes nationaux.
2Plusieurs approches de comptabilité écosystémique existent à ce jour. Toutefois, en dehors de l’approche SEEA, les comptes du capital naturel se limitent à la considération d’impacts environnementaux des activités économiques des entreprises (Ionescu et al., 2019). Par contre, la comptabilité écosystémique du capital naturel (CECN) prend en compte à la fois la situation actuelle des services écosystémiques et leur évolution. Cette méthode a été proposée par la Convention sur la diversité biologique (CDB) afin de répondre à l’objectif 2 d’Aïchi (Leadley, 2014) qui engage les pays membres de la CDB à intégrer des valeurs de biodiversité dans leur comptabilité nationale.
3Une aire protégée est un espace dont la vocation est d’assurer à long terme la conservation de la nature et des services écosystémiques (Dudley, 2008) ainsi que les valeurs culturelles qui lui sont associées (Kamada et al., 2003). Un projet pilote a été initié en 2018 dans l’aire protégée du Complexe Mahavavy-Kinkony à Madagascar. Son objectif était de réaliser les comptes environnementaux de cette zone et de les utiliser comme des instruments de gestion du milieu pour les décideurs et les gestionnaires de l’environnement.
4Cet article présente le Complexe Mahavavy-Kinkony où les expériences ont été menées, la méthode CECN et les données utilisées. Les résultats de la comptabilisation écosystémique sont présentés, interprétés et discutés.
Matériels et méthodes
Site d’étude
5La nouvelle aire protégée du Complexe Mahavavy-Kinkony (CMK) est localisée au nord-ouest de Madagascar, dans la Région Boeny (fig. 1). Elle appartient à la catégorie V « paysages terrestres ou marins protégés » de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Sa gestion est actuellement assurée par l’association Asity Madagascar (Asity Madagascar, 2015).
6Avec un climat de type subtropical, l’aire protégée du CMK est incluse dans le domaine phytogéographique de l’Ouest (Humbert, 1965) et dans la zone écofloristique occidentale de basse altitude de 0 à 800 m (Rajeriarison et Faramalala, 1999). La végétation climacique y est représentée par une forêt dense caducifoliée de la série à Dalbergia, Commiphora et Hildegardia (Humbert, 1965). La richesse floristique de l’ensemble du Complexe s’élève à 199 espèces réparties dans 75 familles et 154 genres. Parmi l’ensemble des espèces inventoriées, 69 sont endémiques au niveau national et deux localement (Securinega perrieri et Erythrophleum couminga) (Biodev, 2014).
7La plupart des espèces fauniques sont également endémiques et menacées d’extinction. La forêt dense sèche constitue un habitat naturel pour les primates, les chauves-souris et les oiseaux forestiers (Asity Madagascar, 2009).
Comptabilité écosystémique du capital naturel
8La comptabilité écosystémique du capital naturel (CECN) se compose de plusieurs comptes biophysiques. À partir du compte de couverture des terres, trois comptes écosystémiques sont dérivés : le compte du carbone écosystémique, le compte de l’eau écosystémique et le compte de l’infrastructure des services fonctionnels écosystémiques (ou compte des services intangibles). Ces trois comptes sont composés chacun de quatre parties : le bilan de base de la ressource écosystémique, les ressources accessibles, l’utilisation totale du service et enfin les indices d’intensité d’utilisation et de santé (ou qualité) de la ressource écosystémique. Les indices des trois comptes sont ensuite combinés en un indice composite de la valeur écologique dont la différence entre les années d’ouverture et de clôture des comptes donne, selon que la valeur trouvée soit négative ou positive, une indication de la dette écologique ou du crédit écologique de la zone étudiée. Le compte de la « capabilité écosystémique » permet également de calculer la capabilité écosystémique totale (CET), c’est-à-dire la capacité de l’écosystème à fournir l’ensemble des services écosystémiques. La particularité de la méthode CECN est l’interaction entre quantité et qualité des ressources naturelles (Weber, 2014). Elle propose également des tableaux comptables équivalents à ceux fournis par les comptes nationaux. Ainsi, l’approche CECN est considérée comme un moyen de rassembler les connaissances disponibles et de les présenter sous une forme facilement accessible aux décideurs (Weber, 2014).
Récolte des données
9La période comptable considérée dans cette étude est 2013-2018, soit 5 ans.
10Des images Landsat-8 (scène 160-071) ont été utilisées pour établir les cartes d’occupation des terres de la zone d’étude pour ces deux dates considérées comme date d’ouverture et date de clôture des comptes. La nomenclature de base possède 14 classes, mais des classes dérivées peuvent être déduites selon les besoins (Weber, 2014).
11Les valeurs des précipitations ont été obtenues à partir d’images TRMM (Tropical Rainfall Measuring Mission) et GPM (Global Precipitation Measurement) et les valeurs de l’évapotranspiration à partir d’images Modis (MOD16A2). Les données concernant la population locale et la superficie des lacs et des rivières, ont été obtenues auprès des administrations communales. Quant aux données sur l’utilisation de l’eau (consommation, rejet, eau de pluie récoltée), elles ont été obtenues à la suite d’enquêtes effectuées auprès de la population locale.
12Pour chaque tableau de compte, les stocks de carbone ont été classés par catégorie d’utilisation des terres suivant la classification du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), à savoir : l’habitat, les terres cultivées, les prairies, les terres boisées, les autres terres et les zones humides. Les données concernant la biomasse aérienne, les litières et les bois morts. Ensuite, elles ont été intégrées dans l’équation allométrique de Chave et al. (2014) pour évaluer la biomasse aérienne. Pour le carbone organique du sol, les valeurs issues des travaux de Grinand et al. (2009) ont été utilisées. En l’absence de données, on suppose que les stocks de carbone organique du sol ne changent pas. Le carbone impliqué dans les ressources et emplois économiques a été obtenu à partir d’enquêtes socio-économiques effectuées auprès d’un échantillon de 85 ménages dans la zone d’étude. Le potentiel écosystémique du paysage a été ensuite obtenu par la formule suivante :
PEP = (IFPV + IHVN) * IFP
où IHVN est l’indice de haute valeur naturelle, IFPV l’indice du fond de paysage vert et IFP l’indice de fragmentation du paysage.
13Ces trois indices sont estimés selon le type de couverture des terres. L’IHVN reflète le niveau de conservation de chaque zone. Ainsi, la note la plus élevée est attribuée au noyau « dur » de l’aire protégée. L’IFPV met en évidence l’autorégulation et le potentiel de biomasse de chaque type d’écosystème. L’indice de fragmentation (IFP) est donné par Jaeger (2000).
Résultats
Compte des couvertures des terres
14Pour la réalisation des cartes d’occupation des terres (fig. 2), une nomenclature à seize classes a été adoptée : village, rizière, canne à sucre, raphia, mosaïque de cultures, savane herbeuse, forêt intacte, forêt dégradée, mangrove intacte, mangrove dégradée, mangrove recrue, tanne, savane arbustive, sol nu et sable, phragmites et eau.
15L’analyse de l’évolution de la couverture des terres entre 2013 et 2018 a ensuite permis de produire le tableau de compte des couvertures des terres (tabl. 1).
Compte de l’eau écosystémique
16Le compte de l’eau écosystémique (tabl. 1) inclut les eaux sous toutes ses formes au sein de la zone étudiée : eaux entrant et sortant naturellement de la zone, et celles importées ou exportées. Les segments pour lesquels il n’existe pas de données sont supposés inchangés entre les dates d’ouverture et de clôture des comptes.
Compte du carbone écosystémique
17Le compte du carbone écosystémique (tabl. 2) inclut le carbone sous toutes ses formes, qu’il soit d’origine naturel ou anthropique.
Compte de l’infrastructure écosystémique
18Ce compte représente (fig. 3) les services intangibles qui ne sont pas mesurables ou palpables. Ces services dépendent du bon état des écosystèmes et sont mesurés de façon indirecte (Weber, 2014).
Discussion
19Tous les comptes écosystémiques étant liés à l’occupation des terres, la carte de la couverture des terres joue un rôle très important dans la structuration du système d’information tout entier (Weber, 2014). Les images satellitaires utilisées pour réaliser les cartes d’occupation des terres ont une résolution de 15 m. En effet, cette résolution permet de mieux distinguer les classes.
20Selon le compte de l’occupation des terres, des diminutions d’environ 7 % de la forêt sèche et de 28 % de la mangrove intacte, sont enregistrées dans le Complexe Mahavavy-Kinkony entre 2013 et 2018. La superficie des forêts intactes de la NAP du Complexe Mahavavy-Kinkony présente un taux de dégradation annuelle de l’ordre de 1,4 %. Ce taux est légèrement différent de celui trouvé par Biodev (2014) qui est de 1 % entre 2010 et 2013.
21Le stock d’eau dans l’aire protégée CMK connaît une baisse de 2,2 % entre 2013 et 2018, suite à la diminution des précipitations au cours de la période comptable. L’excédent net d’eau accessible dans l’écosystème du Complexe Mahavavy-Kinkony (W7, tabl. 2), est supérieur à l’exigence totale en eau (W12). Les ressources en eau accessibles et exploitables restent, pour le moment, suffisantes pour maintenir le fonctionnement de l’écosystème et pour subvenir aux besoins des communautés.
Conclusion et perspectives
22La comptabilisation des écosystèmes est un moyen pour compiler les connaissances disponibles et les présenter sous une forme susceptible d’aider les décideurs. Une telle approche produit en effet des informations utiles aux décideurs tout en fournissant un cadre de référence pour un système futur où les valeurs monétaires des écosystèmes et de la biodiversité seront incorporées dans les comptes nationaux.
23Les résultats du compte d’occupation des terres, entre 2013 et 2018, montrent que l’aire protégée CMK a subi les conséquences de l’extension des agglomérations et des zones de culture, et de la diminution du couvert arboré. Parallèlement, les forêts sèches, les mangroves et les raphias tendent à disparaître. Ces diminutions s’expliquent par la croissance de la population et les problèmes liés à la migration. En effet, la migration est actuellement un problème national dû à la sécheresse dans le Sud de Madagascar. La diminution des ressources en eau doit faire l’objet d’une décision forte au niveau national. Le compte du carbone écosystémique permet d’émettre des diagnostics sur l’utilisation, la santé et la qualité de la performance des écosystèmes à effectuer le service de séquestration de carbone. Ainsi, l’ensemble des comptes ont la capacité de montrer les impacts des activités humaines sur les écosystèmes.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Le capital naturel est une « métaphore économique représentant le stock d’écosystèmes fonctionnels, y compris la biodiversité, qui assure le flux de biens et de services naturels sur lesquels reposent notre économie et notre bien-être » (Aronson et al., 2007 a et b).
Auteurs
Géomaticien télédétection, Institut de géophysique et observatoire d’Antananarivo, université d’Antananarivo, Madagascar.
Géomaticien télédétection, Institut de géophysique et observatoire d’Antananarivo, université d’Antananarivo, Madagascar.
Écologue, département de Biologie et Écologie végétales, faculté des Sciences, université d’Antananarivo, Madagascar.
Écologue forestier, département de Biologie et Écologie végétales, faculté des Sciences, université d’Antananarivo, Madagascar.
Géomaticien télédétection, Institut de géophysique et observatoire d’Antananarivo, université d’Antananarivo, Madagascar.
Économiste de l’environnement, Centre d’économie, d’éthique et d’environnement pour le développement, faculté d’Économie, de Gestion et de Sociologie, université d’Antananarivo, Madagascar.
Écologue phytogéographe, département de Biologie et Écologie végétales, faculté des Sciences, université d’Antananarivo, Madagascar.
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