Chapitre 31. Structure des peuplements, caractéristiques du bois et variations morphologiques de Pterocarpus erinaceus Poir. en Afrique de l’Ouest
p. 473-492
Remerciements
Les auteurs remercient le programme « Sud Expert Plantes Développement Durable » (SEP2D), l’Agence universitaire de la francophonie (AUF) et le programme « Appui à la lutte contre le changement climatique » (PALCC) pour le financement de ces travaux de recherche. Ils remercient aussi la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) pour le financement d’une partie de cette recherche dans le cadre de son programme d’appui à la recherche et à l’innovation (Pari). Leurs remerciements vont également à l’unité de recherche BioWooEB du Centre international de recherche agronomique pour le développement (Cirad) pour son appui matériel et financier et pour l’accueil de monsieur Kossi Novinyo Segla.
Texte intégral
Introduction
1Pterocarpus erinaceus Poir., encore appelé Vène ou bois de rose, est une essence forestière endémique des savanes et forêts sahélo-soudaniennes et soudano-guinéennes dont l’aire de répartition naturelle s’étend en Afrique occidentale, du sud du Sénégal à l’ouest de la République centrafricaine (Sylla et al., 2002 ; Ouedraogo, 2007). Cette espèce est très exploitée en Afrique de l’Ouest comme bois d’œuvre (Rabiou et al., 2015 ; Segla et al., 2015a et b ; Adjonou et al., 2019) et fait l’objet d’un commerce international vers les pays d’Asie, dont la Chine. Objet de nombreux usages à l’échelle locale, P. erinaceus offre également toute une gamme de produits non ligneux incluant des aliments pour la consommation humaine, du fourrage pour les animaux (Petit et Mallet, 2001), des produits médicinaux et des matières premières pour l’artisanat (tanins, colorants, sève, résine, etc.).
2Actuellement, cette espèce est surexploitée dans son aire de distribution naturelle et devient de plus en plus rare. Elle est menacée de disparition du fait de sa gestion non durable liée au commerce international. En effet, entre 2009 et 2015, le volume des importations chinoises de grumes de P. erinaceus provenant d’Afrique de l’Ouest a été multiplié par un facteur 2 000. En 2015, la Chine seule a importé plus de 387 000 m3 de grumes de P. erinaceus en provenance d’Afrique de l’Ouest pour un total d’environ 269 millions de dollars (USD). Le bois de rose fait l’objet d’une importante exploitation illégale. La récente saisie de l’équivalent de 216 millions USD en bois de rose exploité illégalement dans neuf pays d’Afrique de l’Ouest (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Mali, Mauritanie, Sénégal et Togo) démontre l’ampleur du trafic (Lawson, 2015). En 2015, à l’échelle internationale, le bois de rose a été l’espèce de « bois rouge » la plus commercialisée (en volume) (Lawson, 2015).
3Ainsi, les différentes formes de pressions exercées sur P. erinaceus dans son aire de répartition ont conduit à son inscription comme « espèce en danger » en 2016, à l’annexe II de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (Cites, 2016). Plus de dix pays ouest-africains ont déclaré l’espèce comme faisant partie des priorités nationales en matière de gestion et de conservation (Eyog Matig et Ouedraogo, 1999). La raréfaction de l’espèce a conduit à interdire son exploitation dans de nombreux pays au cours des dernières années.
4Si rien n’est fait, la surexploitation de l’espèce conduisant à sa raréfaction pourrait avoir de graves conséquences sur les forêts sèches d’Afrique de l’Ouest et sur les populations humaines qui en dépendent. Il devient donc urgent de capitaliser les informations scientifiques afin d’accompagner des prises de décision qui garantissent la gestion durable des peuplements naturels et accélèrent la reconstitution des peuplements de P. erinaceus en Afrique de l’Ouest. À cet effet, la sélection d’individus de qualité et leur multiplication végétative permettraient la mise en place d’une sylviculture appropriée pour restaurer les peuplements. Il apparaît nécessaire de s’interroger sur les caractéristiques morphologiques des populations de P. erinaceus afin d’identifier les individus intéressants en termes de caractéristiques technologiques pour les futurs programmes de sélection et d’amélioration génétique et, ainsi, parvenir à la domestication de l’espèce.
5Dans ce contexte, la présente étude vise à apprécier la variation de différentes caractéristiques des peuplements, de la qualité du bois, ainsi que la variation morphologique de P. erinaceus dans les différentes régions climatiques (soudanienne, sahélienne et guinéenne) en Afrique de l’Ouest. Plus précisément, concernant les peuplements, le but est d’étudier la variation de différents paramètres relatifs à leur structure, comme la densité, la surface terrière ou encore la hauteur des arbres. Les caractéristiques du bois (propriétés physico-mécaniques) étant liées aux conditions de croissance (nature du sol et paramètres climatiques), le but est alors d’étudier les caractéristiques des fibres (longueur, largeur, etc.) qui expliquent le comportement du bois et le rapport aubier-duramen directement lié à l’appréciation de la durabilité naturelle et de la couleur du bois. Enfin, le dernier objectif est d’appréhender la variation morphologique au sein de l’espèce à l’aide de l’étude de la taille des feuilles, folioles, fruits et graines.
Matériels et méthodes
Zones d’étude
6L’étude a été conduite à deux niveaux : d’une part, à travers les analyses des variables structurales des peuplements et des propriétés technologiques du bois (propriété des fibres et du duramen) et, d’autre part, à travers l’analyse des paramètres morphologiques des arbres. Le premier niveau d’analyse a été mené sur des peuplements de P. erinaceus au sein de trois zones climatiques en Afrique de l’Ouest, du Togo au Niger (zone guinéenne, zone soudanienne et zone sahélienne). La zone sahélienne est caractérisée par une pluviométrie moyenne annuelle de 600 mm, une température moyenne annuelle de l’ordre de 36,7 °C. Les zones soudanienne et guinéenne sont caractérisées par des précipitations qui varient entre 600 et 1 300 mm/an et 1 000 à 1 600 mm/an respectivement. La température moyenne varie de 26 à 28 °C dans ces deux zones. L’humidité relative moyenne varie de 23 à 85 % et de 70 à 90 % respectivement dans les zones soudanienne et guinéenne. Le deuxième niveau d’analyse a été conduit au Togo dans trois zones climatiques (zone guinéenne, zone soudano-guinéenne et zone soudanienne) (fig. 1).
Collecte des données
Structures des peuplements
7Les données pour caractériser les peuplements naturels de P. erinaceus ont été obtenues par inventaires forestiers dans les trois zones écologiques de trois pays ciblés (Burkina Faso, Niger et Togo). Les mesures relatives à la structure des peuplements reposent sur la méthode des transects en bande dans la zone soudano-sahélienne et sur la méthode aléatoire dans la zone guinéo-soudanienne. Pour la première méthode, deux transects perpendiculaires nord-sud et ouest-est (longueur de 2 km, largeur d’environ 200 m) ont permis de prendre en compte l’hétérogénéité des formations végétales et d’inventorier suffisamment d’individus pour estimer la densité. La seconde méthode est basée sur l’implantation de 100 parcelles d’observation de 1 000 m² (40 m x 25 m) délimitées de façon aléatoire dans les peuplements à dominance de P. erinaceus à intervalles réguliers de 200 m. Dans les deux cas, les données collectées concernent la densité des arbres (nb/ha), la surface terrière (m2/ha), la hauteur de Lorey (m), le diamètre des arbres à 1,30 m du sol (DBH) supérieur ou égal à 10 cm, la hauteur totale et la hauteur du fût (m). Les mesures de diamètre sont effectuées à l’aide d’un galon forestier, alors que celles concernant les hauteurs totales et celles des fûts sont réalisées à l’aide d’une planche graduée (arbres de hauteur inférieure à 5 m) ou d’un relascope de Bitterlich (arbres de hauteur supérieure à 5 m).
Propriétés technologiques du bois
8Les propriétés du bois de P. erinaceus ont été analysées à partir de carottes prélevées sur 110 arbres provenant des trois zones climatiques. Ainsi, 50 carottes ont été prélevées dans la zone soudanienne (quinze dans la forêt de Tiogo, quinze dans la forêt de Cassou au Burkina Faso et vingt dans le parc national Oti-Kéran au Togo). Dans la zone sahélienne (réserve de faune de Tamou au Niger), 30 carottes ont été prélevées. Dans la zone guinéenne, 30 carottes ont été prélevées (quinze dans la réserve de faune d’Abdoulaye et quinze dans celle de Togodo). Sur chaque carotte, les âges de l’arbre, du duramen et de l’aubier ont été déterminés par dénombrement des cernes annuels de croissance (Segla et al., 2020). Le rayon total de la carotte (sous écorce), ceux du duramen et de l’aubier ont été mesurés.
9Ensuite, la longueur, la largeur, le diamètre des fibres et l’épaisseur de la paroi de la fibre ont été mesurés (50 mesures par carotte). Le but visé est de déterminer la variabilité de ces paramètres selon les zones climatiques, d’une part et, d’autre part, d’étudier l’effet de l’âge cambial sur ces paramètres afin de tirer des conclusions concernant la limite entre le bois juvénile (bois de qualité inférieure formé par des cernes situés à proximité de la moelle) et le bois adulte (bois de qualité supérieure).
Caractéristiques morphologiques
10La caractérisation morphologique a été réalisée sur 142 arbres répartis sur cinq sites dans trois zones climatiques du Togo : le parc national Oti-Keran (OK) dans la zone soudanienne (25 arbres), le parc national de Fazao-Malfakassa (FM) dans la zone soudano-guinéenne (30 arbres), la réserve de faune d’Abdoulaye (AB) (30 arbres), le domaine rural du plateau Akposso (AK) (26 arbres) et la réserve de faune de Togodo (TO) (31 arbres) en zone guinéenne. Les mesures ont porté sur les feuilles, les fruits et les graines.
Mesures sur les feuilles
11Cinq feuilles récoltées aléatoirement sur chaque arbre pendant la saison des pluies ont fourni une description morphologique concernant la longueur (LF, cm) et la largeur (laF, cm) de la feuille, la longueur du pétiole (LPe, cm) et le nombre de folioles (Nfo). Des mesures complémentaires ont été réalisées sur la foliole terminale, notamment sa longueur (lfoT, mm), sa largeur (lafoT, mm), ainsi que la longueur de son pétiolule (LPfoT, mm). Parmi les individus sélectionnés sur les cinq sites, quatre ont été coupés (trois sur le plateau Akposso et un dans Togodo), le tout faisant un total 690 feuilles mesurées.
Mesures sur les fruits
12Trente fruits ont été récoltés sur le houppier des 142 arbres. Ils ont permis de mesurer la longueur (LFr, mm, point d’attache du fruit à la branche jusqu’à l’extrémité du fruit), l’épaisseur (EFr, mm, au niveau du plus grand diamètre du fruit) et le poids des fruits (PFr, mg). Le nombre de graines par fruit (NbG, évalué après décorticage des fruits) a également été comptabilisé. Au total, l’analyse porte sur 4 260 fruits.
Mesures sur les graines
13Dix graines saines et non endommagées ont été extraites des fruits de chaque arbre, afin d’en mesurer leur longueur (LG, mm), leur épaisseur (EG, mm) et leur poids (PG, mm). Au total, 1 420 graines ont été mesurées.
Analyses et traitements des données
14Au sein de chaque zone climatique, les moyennes et les écarts types des différents paramètres étudiés ont été calculés. Pour analyser la structure des peuplements, les propriétés technologiques du bois, les caractères morphologiques, les différentes variables mesurées ont été comparées à l’aide du test de Tukey. La corrélation entre l’âge des arbres et les propriétés du bois a été aussi analysée.
15Enfin, les populations ont été catégorisées en fonction des caractéristiques morphologiques les plus discriminantes en utilisant la méthode de classification numérique suivie d’une analyse en composantes principales (ACP) pour la projection des individus dans les plans factoriels. L’analyse statistique des données a été réalisée au moyen de la version 3.1.2 du logiciel R (R Development Core Team, 2008).
Résultats
Structure des peuplements
16La densité moyenne des arbres est comprise entre 1,17 et 74,9 pieds/ha (respectivement dans les zones sahélienne et guinéenne), la zone soudanienne étant intermédiaire. Le diamètre moyen des arbres varie de 22,07 à 49,63 cm (respectivement dans les zones guinéenne et sahélienne), en passant par 29,02 cm dans la zone soudanienne où la variabilité est importante (CV de 53,6 %). En ce qui concerne la surface terrière, les valeurs obtenues varient de 0,30 à 3,15 m²/ha (respectivement dans les zones sahélienne et guinéenne). La densité des arbres par hectare, leur diamètre et la surface terrière varient significativement d’une zone climatique à l’autre (tabl. 1).
Tableau 1 – Principales caractéristiques forestières des trois zones climatiques.
Paramètres structuraux | Zones écologiques | Probabilité | |||
Zone sahélienne | Zone soudanienne | Zone guinéenne | |||
Densité (N/ha) | moy ± éct | 1,17 ± 0,75a | 35,05 ± 41,2b | 74,9 ± 1,44c | < 0,001 |
CV (%) | 64,1 | 117,54 | 1,92 | ||
Diamètre moyen (cm) | moy ± éct | 49,63 ± 19,44a | 29,02 ± 15,44b | 22,07 ± 8,98c | < 0,001 |
CV (%) | 39,16 | 53,2 | 40,68 | ||
Hauteur moyenne (m) | Moy ± éct | 10,18 ± 2,27a | 9,51 ± 2,75b | 10,09 ± 2,88a | < 0,001 |
CV (%) | 22,29 | 28,91 | 28,54 | ||
Hauteur fût (m) | Moy ± éct | 4,08 ± 1,35a | 3,63 ± 1,49b | 2,58 ± 2,63c | < 0,001 |
CV (%) | 33,08 | 41,04 | 101,93 | ||
Surface terrière (m2/ha) | Moy ± éct | 0,30 ± 0,30a | 2,46 ± 2,88b | 3,15 ± 1,30c | < 0,001 |
CV (%) | 100 | 117,07 | 41,26 | ||
Hauteur de Lorey (m) | Moyenne | 11,34 | 10,91 | 11,73 | < 0,001 |
17La hauteur totale moyenne et la hauteur moyenne du fût varient significativement selon les zones climatiques : les arbres des peuplements de la zone soudanienne sont significativement plus petits que ceux des deux autres zones (p < 0,001). La hauteur du fût comprise entre 2,58 et 4,08 m varie aussi significativement entre les trois zones (tabl. 2). Pour la hauteur de Lorey, les valeurs obtenues pour les trois zones sont comprises entre 10,91 m (zone sahélienne) et 11,73 m (zone guinéenne) et indiquent une différence significative (p < 0,001).
Propriétés technologiques du bois
Fibres du bois
18Sur l’ensemble des échantillons, les fibres mesurent 1,027 ± 0,006 mm de long et 0,022 ± 0,001 mm de large ; leur diamètre est de 0,0121 ± 0,002 mm ; l’épaisseur des parois est de 0,005 ± 0,0001 mm. Les résultats indiquent par ailleurs une variabilité faible de ces paramètres, le coefficient de variation restant inférieur ou égal à 8,5 % (tabl. 2). Ces paramètres varient cependant en fonction des zones climatiques (p < 0,05, tabl. 2). Les fibres les plus longues et aux parois les plus épaisses s’observent dans la zone sahélienne. Les plus fortes valeurs pour la largeur de fibre et le diamètre du lumen sont observées dans la zone guinéenne. Elles font du bois provenant de cette zone, un bois à fibres moins épaisses avec des diamètres de lumen plus élevés.
Tableau 2 – Paramètres des fibres de bois de P. erinaceus en fonction des zones climatiques.
Paramètres des fibres | Tous les échantillons | Zone guinéenne | Zone soudanienne | Zone sahélienne | ||||
Moyenne (mm) | CV (%) | Moyenne (mm) | CV (%) | Moyenne (mm) | CV (%) | Moyenne (mm) | CV (%) | |
Longueur des fibres | 1,027 ± 0,006 | 8,5 | 1,011 ± 0,076a | 5,8 | 1,043 ± 0,057b | 10,8 | 1,095 ± 0,046c | 2,4 |
Largeur des fibres | 0,022 ± 0,001 | 15,4 | 0,0221 ± 0,0019a | 6 | 0,0230 ± 0,0011b | 6,2 | 0,0237 ± 0,0005b | 9,8 |
Diamètre du lumen | 0,012 ± 0,002 | 6,6 | 0,0115 ± 0,0006a | 4,9 | 0,0113 ± 0,0006a | 8,6 | 0,0108 ± 0,0005b | 4 |
Épaisseur des parois | 0,005 ± 0,001 | 5,3 | 0,0050 ± 0,0002a | 5,4 | 0,0061 ± 0,0023b | 4,4 | 0,0065 ± 0,0002b | 4 |
19Les valeurs suivies par une même lettre sur une ligne ne sont pas significativement différentes au seuil de 5 %.
20Les résultats montrent par ailleurs qu’il n’existe pas de corrélation significative entre l’âge cambial et les paramètres des fibres du bois de P. erinaceus (p > 0,05 et 0,0003 < R² < 0,094). Cela traduit le fait que les paramètres des fibres du bois de P. erinaceus ne sont pas influencés par l’âge cambial.
Duramen
21Le pourcentage de duramen varie significativement (p < 0,001) en fonction des zones climatiques. La plus forte valeur de pourcentage de duramen est obtenue dans la zone sahélienne (76,82 ± 9,30 %) et la plus faible dans la zone guinéenne (51,28 ± 8,6 %). Dans la zone soudanienne, elle est de 67,83 ± 11,36 %. Ces différences se traduisent par une augmentation du pourcentage de duramen suivant le gradient pluviométrique décroissant nord-sud, c’est-à-dire de la zone à forte pluviométrie (guinéenne qui est significativement différente des autres zones) à celle à faible pluviométrie (soudanienne).
22Pour toutes les zones climatiques considérées, les résultats indiquent une tendance significative (p < 0,05) à l’augmentation de la proportion de duramen avec l’âge (tabl. 3). Le rythme d’augmentation moyenne annuelle du duramen est plus élevé dans la zone guinéenne (3 %/an). Il est de 2,64 %/an et 2,54 %/an respectivement dans les zones soudanienne et sahélienne.
Tableau 3 – Corrélation entre la proportion de duramen et l’âge.
Zones écologiques | Proportion de duramen (%) | Âge moyen des arbres | Corrélation âge et proportion de duramen (%) | |
R² | p-value | |||
Zone guinéenne | 51,28 ± 8,6 | 21 ± 1 | 0,61 | < 0,001 |
Zone soudanienne | 67,83 ± 11,36 | 32 ± 2 | 0,89 | |
Zone sahélienne | 76,82 ± 9,30 | 37 ± 3 | 0,62 |
Caractères morphologiques
Les feuilles
23Des différences significatives sont observées pour tous les paramètres foliaires. Pour la longueur de la feuille, les maximas sont mesurés en zone soudano-guinéenne (FM) alors que les minimas se situent en zone soudanienne (OK). En zone guinéenne (AB, AK et TO), les longueurs sont intermédiaires. Pour la largeur des feuilles, les plus larges se rencontrent en zone guinéenne (TO), les plus étroites en zone soudanienne (OK), elles sont intermédiaires ailleurs (FM, AB, AK) (tabl. 4).
24Les plus longs pétioles s’observent à OK, FM et TO, les plus petits à AB. La population de AK est intermédiaire à toutes les autres. Concernant le nombre de folioles, la seule différence significative (p < 0,01) apparaît entre OK (9,30 ± 1,85 folioles) et FM (10,77 ± 1,95 folioles), les autres populations (AB, TO et AK) ne diffèrent pas des deux premières (tabl. 4).
25La corrélation positive la plus forte est observée entre la longueur de la feuille et celle du pétiole R² = 0,69 ; p << 0,001. La variabilité intra-population pour les caractéristiques des feuilles est assez importante sur chacun des sites (coefficients de variation de 20 à 30 %).
26Les plus longues folioles terminales se trouvent à TO, FM et AK et les plus petites à OK. Les plus larges proviennent de TO (p < 0,001) contrairement à celles de OK qui sont les plus étroites. Les folioles de AK, FM et AB sont semblables entre elles et sont moins larges que celles de TO.
27Considérant la longueur du pétiolule, les maximas sont recensés à FM et les plus faibles à AK. Les valeurs à TO, AB et OK sont similaires à celles à AK. Des descripteurs évalués, la largeur de la feuille (p-value laF = 4,3.10-8) et celle de la foliole terminale (p-value lafoT = 4,07.10-10) sont les plus discriminantes.
Les fruits
28Les fruits de AB sont les plus longs par rapport à ceux de TO et AK qui sont les plus courts (p = 4,35.10-16). Avec 10 mm en moins, les individus de FM et OK constituent les minimas (tabl. 4). L’appartenance à un milieu protégé ne semble pas avoir d’influence sur ce paramètre puisque minimas et maximas y sont retrouvés. Concernant l’épaisseur des fruits, les résultats montrent que les fruits provenant de FM sont les plus épais suivis de ceux provenant de OK et de AK. Les fruits de AB et TO sont les moins épais. L’épaisseur des fruits est assez homogène au vu des écarts types et des coefficients de variation sauf à TO où ce coefficient est de 45 %, soit le double des coefficients dans les autres populations.
Tableau 4 – Valeurs moyennes des variables foliaires (feuilles et folioles terminales), des fruits et des graines de P. erinaceus par site.
Descripteurs | Zones climatiques | p-value | ||||||
Zone soudanienne | Zone guinéo-soudanienne | Zone guinéenne | ||||||
Oti-Kéran (OK) | Fazao-Malfakassa (FM) | Abdoulaye (AB) | Togodo (TO) | Plateau Akposso (AK) | ||||
Feuille | Longueur feuille (LF, cm) | Moy±éct Cv (%) | 25,56 ± 5,82b (22,78) | 30,25 ± 7,52a (24,88) | 27,45 ± 5,05ab (18,4) | 29,44 ± 6,51ab (22,14) | 28,16 ± 6,55ab (23,29) | < 0,01 |
Largeur feuille (laF, cm) | Moy ± éct Cv (%) | 10,70 ± 2,06c (26,44) | 12,30 ± 2,85bc (29,22) | 12,18 ± 2,18bc (24,12) | 15,41 ± 3,35a (27,5) | 13,59 ± 2,98ab (27,5) | < 0,001 | |
Longueur pétiole (LPe, cm) | Moy ± éct Cv (%) | 4,79 ± 1,13a (23,74) | 5,08 ± 1,24a (24,42) | 4 ± 0,93b (23,28) | 4,66 ± 0,97a (20,95) | 4,43 ± 1,22ab (27,61) | 0,00 | |
Nombre folioles (Nfo) | Moy ± éct Cv (%) | 9,30 ± 1,85b (19,97) | 10,77 ± 1,95a (18,15) | 10,2 ± 1,66ab (16,26) | 10,29 ± 1,7ab (16,52) | 10,23 ± 1,77ab (17,37) | < 0,00 | |
Foliole terminale | Longueur | Moy ± éct Cv (%) | 69,5 ± 16,5b | 86,9 ± 19,2a | 79,9 ± 14,5ab | 90,3 ± 22,3a | 81,7 ± 0,5a | 0,00 |
Largeur | Moy ± éct Cv (%) | 35,8 ± 9,3c | 38,1 ± 9,5bc | 38,9 ± 9,4bc | 50,3 ± 11,4a | 42,7 ± 12,1b | < 0,001 | |
Longueur pétiolule | Moy ± éct Cv (%) | 4,50 ± 1,42b | 5,56 ± 1,78a | 4,7 ± 0,85b | 4,94 ± 1,47ab | 4,46 ± 1,23b | < 0,01 | |
Fruit | Longueur fruit (LFr, mm) | Moy ± éct Cv (%) | 46,47 ± 6,33c (13,64) | 48,83 ± 6,92bc (14,17) | 58,61 ± 8,35a (14,25) | 51,92 ± 7,23b (13,93) | 51,41 ± 6,82b (13,27) | < 0,001 |
Épaisseur fruit (EFr, mm) | Moy ± éct Cv (%) | 5,95 ± 1,44ab (24,2) | 6,52 ± 1,48a (22,74) | 5,42 ± 1,25bc (23,11) | 4,78 ± 2,17c (45,52) | 5,62 ± 1,27b (22,58) | < 0,001 | |
Poids du fruit (PFr, mg) | Moy ± éct Cv (%) | 334 ± 100ab (29,89) | 359 ± 89ab (25,39) | 372 ± 88a (23,71) | 305 ± 87b (28,57) | 342 ± 85ab (24,99) | < 0,01 | |
Nombre de graines par fruit (NbG) | Moy ± éct Cv (%) | 1,04 ± 0,19d (19,12) | 1,16 ± 0,37c (32,36) | 1,25 ± 0,44b (35,41) | 1,1 ± 0,31cd (28,24) | 1,23 ± 1,77ab (36,66) | < 0,001 | |
Graine | Longueur graine (LG, mm) | Moy ± éct Cv (%) | 9,29 ± 1,22b (13,13) | 9,68 ± 1,06a (10,95) | 9,14 ± 1,22b (13,34) | 9,31 ± 1,01b (10,84) | 8,84 ± 1,26c (14,25) | < 0,001 |
Épaisseur graines (EG, mm) | Moy ± éct Cv (%) | 2,33 ± 0,57ab (24,26) | 2,27 ± 0,62bc (40,66) | 2,43 ± 0,6a (24,69) | 2,39 ± 0,51ab (21,33) | 2,34 ± 0,74ab (31,62) | < 0,01 | |
Poids graine (PG, mg) | Moy ± éct Cv (%) | 73,26 ± 18,72a (24,65) | 71,63 ± 24,08ab (33,8) | 66,13 ± 22,15c (33,33) | 67,99 ± 13,9bc (19,4) | 65,84 ± 19,42c (29,23) | < 0,001 | |
Longueur graine (LG, mm) | Moy ± éct Cv (%) | 9,29 ± 1,22b (13,13) | 9,68 ± 1,06a (10,95) | 9,14 ± 1,22b (13,34) | 9,31 ± 1,01b (10,84) | 8,84 ± 1,26c (14,25) | < 0,001 |
29Concernant le poids des fruits, les plus lourds proviennent de AB (372 ± 88 mg) et les plus légers de TO (4,78 ± 2,17 mg). Les poids des autres provenances sont similaires. Les arbres des cinq sites produisent en moyenne une graine par fruit ; il y a jusqu’à deux graines à OK et trois dans les fruits des autres provenances. Les descripteurs les plus discriminants sont la longueur (p-value LFr = 2,2.10-16) et l’épaisseur du fruit (p-value EFr = 2,98.10-9).
Les graines
30Des différences significatives existent entre les graines des cinq provenances (tabl. 4). Les graines les plus longues proviennent de FM et les plus petites de AK. Les graines de OK, AB et TO sont moins longues que celles de FM mais plus que celles de AK. Les longueurs sont très homogènes à l’intérieur de chaque population (Cv < 15 %), mais beaucoup moins pour l’épaisseur et le poids où les coefficients de variation dépassent le seuil de 15 % en moyenne.
31Concernant l’épaisseur, AB présente les maximas (2,43 ± 0,6 mm) et FM les minimas (2,27 ± 0,62 mm). Les épaisseurs des graines de OK, TO et AK ne sont pas différentes des deux premières. Les graines des aires protégées OK (73,26 ± 18,72 mg) et FM (71,63 ± 24,08 mg) sont les plus lourdes. Celles de AB, TO et AK en revanche, sont les plus légères.
32La longueur (p-value LG = 9,85.10-14) et le poids (p-value PG = 9,52.10-6) des graines sont les plus discriminants.
33L’analyse en composantes principales a permis de représenter la position des 142 individus et des six variables quantitatives les plus discriminantes dans le plan des axes 1, 2 et 3 expliquant 79,23 % de l’inertie totale (fig. 2A-2B). Trois groupes sont ainsi distingués (fig. 2C-2D). Le premier axe (33,17 % de l’inertie totale) oppose les individus sur la base des caractéristiques des fruits (épaisseur) et des graines (longueur et poids). Le deuxième axe (29,18 %) indique la répartition des individus en fonction des caractéristiques de la feuille et de la foliole terminale (largeurs). Le troisième axe se détermine en fonction de la longueur du fruit.
34La classification numérique et l’ACP font ressortir l’existence de trois morphotypes au Togo (fig. 2) :
- le premier morphotype (groupe 1) est principalement composé d’individus de TO (56,41 %) et AK (25,64%), caractérisés par les feuilles et les folioles terminales larges ;
- le deuxième morphotype (groupe 2) est principalement composé d’arbres provenant de OK (36,11 %) et FM (33,33 %), caractérisés par les fruits les plus larges et les plus courts ; leurs graines sont les plus longues et les plus lourdes ;
- le troisième morphotype (groupe 3), rassemblant 35 % des individus de AB qui possèdent les fruits les plus longs ; leurs feuilles sont un peu plus larges, avec des folioles plus longues que celles du groupe 2 et des graines plus petites et plus légères que celles des groupes 1 et 2.
Discussion
Structure des peuplements de P. erinaceus en Afrique de l’Ouest
35Cette étude réalisée sur les peuplements naturels de P. erinaceus dans la zone guinéo-soudano-sahélienne a permis de fournir des informations sur les caractéristiques forestières et la structure des populations de cette espèce. Les informations recueillies constituent des indicateurs écologiques essentiels pour mesurer le niveau d’exploitation, la dynamique et la santé de la ressource, ainsi que les évolutions qualitatives et quantitatives de l’habitat naturel de l’espèce (Oosterhoorn et Kappelle, 2000).
36La densité des arbres à l’hectare montre des différences significatives d’une zone climatique à une autre qui s’expliquent par les conditions écologiques très différentes caractérisant chacune de ces zones. Les résultats montrent une très forte diminution de la densité depuis la zone guinéenne vers la zone sahélienne, en relation avec la variation de la pluviométrie qui évolue dans le même sens. Ces observations sont à mettre en relation avec les processus de régénération et de croissance des arbres dépendant fortement des conditions environnementales (Adjonou, 2011). De la même manière, les travaux de Zida (2007), Grace (1999) et de Phillips et al. (2014) indiquent que les facteurs influant sur les caractéristiques forestières des arbres incluent les facteurs naturels (pluviosité, hydromorphie, types de sol, le couvert végétal, topographie, etc.). Dans la présente étude, les zones guinéenne et soudanienne semblent présenter des conditions environnementales plus favorables pour le développement des peuplements de P. erinaceus. Ces deux zones présentent en effet les valeurs de densité de population les plus élevées. Ce résultat confirme ainsi le fait que P. erinaceus est une espèce des savanes africaines et forêts sèches des régions guinéo-soudanaises et soudano-sahéliens. Ces variables écologiques guident généralement la variabilité des caractéristiques biologiques au sein des formations forestières, car les types de structure forestière sont sous la dépendance des gradients de contraintes écologiques et de perturbations (Adjossou, 2009).
Propriétés technologiques du bois et conditions environnementales
37Les résultats montrent une variabilité significative des caractéristiques des fibres de bois en fonction des zones climatiques, directement liée aux conditions de croissance des échantillons au sein de ces différentes zones (Traore, 2009). Cette variabilité se traduit par une augmentation de la longueur, de la largeur et de l’épaisseur des fibres et d’une diminution du diamètre du lumen des fibres suivant le gradient pluviométrique décroissant nord-sud. Les individus issus de la zone guinéenne, plus humide, présentent des fibres courtes à parois minces. Ces résultats s’apparentent à ceux trouvés par les travaux de Leclercq (1983) qui rapporte que l’accélération de la croissance engendre, sur le plan qualitatif, une diminution de la longueur des fibres et une réduction de l’épaisseur de leurs parois. Tsoumis et Panagiotidis (1980) et Nepveu (1994) indiquent également que les sols humides – du moins ceux à zone initiale poreuse et semi-poreuse – induiraient chez les espèces feuillues une accélération de la croissance, ce qui engendre une réduction de la porosité suivie d’une diminution de la longueur des fibres et d’une réduction de l’épaisseur des parois des fibres.
38La proportion de duramen diffère significativement d’une zone agroécologique à une autre. Les plus fortes valeurs de proportion de duramen sont obtenues dans la zone sahélienne et les plus faibles valeurs dans la zone guinéenne, la zone soudanienne étant intermédiaire. Il apparaît donc une tendance d’évolution du duramen en fonction d’un gradient climatique, notamment pluviométrique décroissant (de l’humide à l’aride). Ces résultats concordent avec ceux de Rabhi et al. (2014) qui notent une tendance à l’évolution des proportions de duramen du cèdre de l’Atlas en fonction d’un gradient bioclimatique allant du per-humide au semi-aride. Ainsi, selon Pinto et al. (2004), les conditions de croissance les plus favorables sont propices à la formation d’un aubier épais. Ceci est confirmé par Climent et al. (1993) qui affirment que l’aubier s’avère être davantage lié aux précipitations annuelles, contrairement au duramen. Selon Pliura et al. (2006), les effets des sites reflètent la capacité des arbres à combiner à la fois les influences des facteurs édaphiques à l’échelle locale et des facteurs climatiques à l’échelle régionale.
39La variabilité de la proportion de duramen en fonction de l’âge de l’arbre montre que ce facteur affecte positivement cette proportion et donc négativement celle de l’aubier, quelle que soit la zone considérée. Ces résultats concordent avec ceux de Rabhi et al (2014) sur la proportion d’aubier du cèdre de l’Atlas. De Kort (1993) montre également que les plus vieux arbres de sapin baumier ont le taux le plus faible d’aubier, contrairement aux plus jeunes où la proportion est élevée. L’activité cambiale diminue avec le vieillissement de l’arbre, contrairement à la croissance du duramen, ce qui confirme les résultats de cette étude. Il faut toutefois préciser que si la croissance du duramen augmente avec l’âge de l’arbre, les proportions d’aubier et de duramen dépendent de la vitesse de l’expansion de ce dernier.
Influence du climat sur les caractères morphologiques
40L’étude montre une variabilité morphologique prononcée au niveau des feuilles, des fruits et des graines des peuplements du Togo de P. erinaceus. Cette variabilité est à mettre en relation avec les facteurs environnementaux (pluviométrie, types de sol, etc.) et correspond à des réponses adaptatives (Brancourt-Hulmel et al., 1997 ; Casadebaig, 2008). En effet, la majorité des mesures minimales obtenues pour les feuilles et les fruits ont été collectées dans la zone d’Oti-Kéran (OK), la moins arrosée et la plus chaude de toutes les zones, alors que les mesures maximales s’observent dans les zones à pluviométrie annuelle supérieure ou égale à 1 200 mm. L’effet de l’environnement sur les caractéristiques morphologiques des individus a également été observé sur d’autres espèces, telles que Detarium microcarpum (Kouyate, 2005), Lawsonia inermis (Aweke et Tapapul, 2005 ; Cartwright-Jones, 2004), Medicago truncatula (Hansali et al., 2007) et Pistacia atlantica (Belhadj et al., 2008). La quantité d’assimilats produits grâce à la photosynthèse dans les feuilles et nécessaires au développement des organes de production (fruits et graines), aurait été restreinte du fait de la réduction des dimensions des feuilles (Abousalim et al., 2005). La réduction de la taille des feuilles, et par conséquent des fruits, serait alors positivement corrélée à l’augmentation de l’aridité du climat (Fahn, 1967).
Implication de P. erinaceus pour la sylviculture
41La présente étude, à travers la triple analyse de la structure des peuplements, des propriétés technologiques du bois et des variations morphologiques de P. erinaceus, apporte des informations complémentaires et indispensables pour développer la sylviculture de l’espèce dans les zones où cela est possible, mais aussi pour maintenir et restaurer les peuplements dans les autres zones climatiques.
42En effet, pour une espèce surexploitée et menacée comme P. erinaceus, la sélection d’individus performants et leur multiplication végétative au sein de plantations représentent la meilleure option pour favoriser la restauration des formations naturelles dégradées (Segla et al., 2015b). La combinaison de tous ces paramètres pour sélectionner des individus performants répond à la stratégie actuelle selon laquelle, en plus des caractères de croissance, de survie et de forme des arbres, l’amélioration génétique des espèces forestières doit inclure les critères de qualité du bois (Li et al., 1999). Ces critères peuvent être couplés avec les informations génétiques de l’espèce afin d’optimiser les gains de croissance et de qualité du bois. Dans la présente étude, la variabilité climatique des différents paramètres étudiés, notamment dendrométriques (diamètre), morphologiques (feuilles, graines, et fruits) et technologiques (proportion et rythme d’augmentation de duramen), constitue l’un des éléments à prendre en compte lors de la sélection des individus performants et de leur adaptation à d’autres milieux. Ce résultat traduit le fait que P. erinaceus est une espèce qui présente non seulement une plasticité écologique élevée mais également une plasticité phénotypique pour ces paramètres.
43Par ailleurs, les résultats montrent une faible corrélation entre l’âge cambial et les paramètres des fibres du bois. Ceci indique que l’âge n’influence pas de manière significative les paramètres des fibres chez P. erinaceus. Afin d’utiliser cette espèce en plantation dans les programmes de reboisement, il est important de mieux comprendre les processus de maturation du xylème et de déterminer les limites d’âge entre le bois juvénile et adulte. Chez la plupart des espèces ligneuses, les principaux caractères technologiques du bois sont stables à partir de l’âge adulte qui correspond à la mise en place du bois adulte par le cambium (Kokutse et al., 2004). Ces informations sont importantes pour déterminer la période de rotation appropriée pour P. erinaceus. Chez certaines espèces, comme Shorea acuminatissima et Eucalytus, les processus de maturation du xylème dépendent de l’âge cambial (Kojima et al., 2009). Au contraire, chez d’autres espèces, comme Acacia mangium et Paraserianthes falcataria, ils dépendent du diamètre des troncs (Honjo et al., 2005 ; Kojima et al., 2009 ; Makino et al., 2012). Dans la présente étude, la faible corrélation entre l’âge cambial et les paramètres des fibres semble montrer que ces processus ne dépendent pas de l’âge cambial. Ceci permet d’affirmer que les propriétés du bois des arbres jeunes ne seraient pas inférieures à celles des individus plus âgés. Toutefois, les travaux de Segla et al., (2016) indiquent une période de rotation de vingt ans dans les zones soudano-guinéo-sahéliennes afin de permettre une reconstitution durable des peuplements de P. erinaceus.
Conclusion et perspectives
44Les principales caractéristiques des peuplements naturels de P. erinaceus constituent une source d’informations utiles et permettent la définition de meilleures préconisations pour leur gestion. Les caractéristiques dendrométriques, notamment le diamètre moyen, la hauteur totale moyenne et la surface terrière, sont significativement différentes dans les trois zones climatiques considérées. En termes de propriétés technologiques et anatomiques, l’étude met en évidence une variabilité de la proportion de duramen de bois de P. erinaceus en fonction des conditions du milieu. L’étude révèle aussi une variabilité des paramètres anatomiques en fonction des zones climatiques, alors que l’âge cambial n’influence pas les paramètres des fibres du bois. Ce travail confirme donc l’absence d’effet de l’âge cambial sur les propriétés physiques et mécaniques du bois. Les peuplements de la zone sahélienne se révèlent plus performants d’un point de vue de leur qualité technologique.
45L’évaluation de la variation morphologique des arbres met en évidence une diversité inter-population avec trois morphotypes distincts. Ces critères morphologiques permettent de discerner les morphotypes les plus intéressants pour la mise en place de programmes de sélection et de domestication de P. erinaceus. Ainsi, les individus du groupe « Oti-Kéran + Fazao-Malfakassa » et « Abdoulaye » sont ceux qui présentent les meilleures caractéristiques forestières, notamment de longues feuilles et des fruits renfermant de longues et lourdes graines.
46En perspective, il est envisagé la sélection d’individus performants destinés à la multiplication végétative sur la base des propriétés technologiques du bois et des caractéristiques morphologiques de P. erinaceus. Par ailleurs, l’ADN des arbres sélectionnés pourrait être extrait ; une perspective intéressante serait de faire une analyse GWAS (genome-wide association study), afin de déterminer si des traits d’intérêt pourraient être combinés dans des études génétiques, et profiter ainsi de la diversité en complément de la multiplication végétative qui risque de fragiliser les populations.
Bibliographie
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Auteurs
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Écologue forestier, laboratoire de recherche forestière, université de Lomé, Togo.
Biotechnologiste végétale, laboratoire de recherche forestière, université de Lomé, Togo.
Anatomiste du bois, UR « Biomasse, bois, énergie, bio-produits », Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, France.
Biologiste, écologue végétal, faculté des Sciences agronomiques, université de Diffa, Niger.
Biologiste, écologue forestier, Institut de l’environnement et de recherches agricoles, département « Productions forestières », Burkina Faso.
Généticien forestier, UMR « Amélioration génétique et adaptation des plantes méditerranéennes et tropicales » (Agap), Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, Montpellier SupAgro, France.
Écologue forestier, laboratoire de recherche forestière, université de Lomé, Togo.
Anatomiste technologie du bois, UR « Biomasse, bois, énergie, bio-produits », Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, France.
Anatomiste technologie du bois, laboratoire de recherche forestière, université de Lomé, Togo.
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