« Réalisations » individuelles et migration sur les fronts pionniers des jeunes Gouro de la région de Zuénoula (Côte d’Ivoire)
Individual Achievement and Migration on the Pioneer Fronts for young Gouro People in the Zuénoula Region (République de Côte d’Ivoire/Ivory Coast)
p. 361-392
Résumés
Les processus de patrimonialisation étatiques, soutenus actuellement par les grands organismes internationaux, se heurtent bien souvent aux stratégies des paysans. Cette articulation problématique tant dans la mise en place que dans la gestion sera explorée ici dans le cas particulier des dernières migrations gouro, vers les forêts littorales de la région de Monogaga. Ces migrants affrontent les organismes gestionnaires des forêts classées en coupant ces forêts pour mettre en place des plantations de cacao, peu rentables, alors que, paradoxalement, ils en suivent les recommandations en devant, pour subsister, cultiver les légumes. Pour comprendre ce qui motive les jeunes Gouro du nord du parc de la piste Bouaflé-Zuénoula, à accepter sciemment des parcelles maritimes impropres à la culture du cacao, à subsister grâce aux revenus féminins (les légumes) alors que dans les régions d’origines, la culture du coton serait de bon revenu, il faut situer cette entreprise comme première étape de l’accomplissement d’une vie d’homme dans cette société. Pour les plus pauvres, le premier établissement accessible reste une plantation de cacao. La mise en patrimoine par l’État des forêts guinéennes de la Marahoué, ou des forêts littorales de Monogaga, les transforme en zones très convoitées par les populations originaires des régions déforestées. Car, et c’est le second paradoxe, leur statut de forêt classée, qui exclut toute attribution foncière légale, laisse perdurer l’ancien système de négociation de droits d’accès entre populations autochtones, ici se pensant dépossédées par l’État de leurs terres, et migrants accueillis. Résoudre ces paradoxes demanderait que se stabilisent tant la réorganisation économique et sociale des sociétés locales (ici gouro), que le contexte plus global des échanges.
The processes of State patrimony-building currently supported by major international organisations often conflict with small farmers’ strategies.
This problematic adjustment, in terms of implementation as well as management, is explored here, with reference to the particular case of the most recent Gouro migrations towards the coastal forests of the Monogaga region. These migrants confront the authorities in charge of protected forests, clearing these forests to make room for cocoa plantations that offer little profit.
Paradoxically, the farmers follow the advice of the forest authorities when they must grow vegetables in order to survive. This undertaking must be situated as the first stage to be accomplished in a man’s life in Gouro society, in order to understand why young Gouro farmers in the northern part of the Bouafle-Zuénoula dirt road knowingly accept plots of coastal land that are not suited to growing cocoa, and must therefore survive on (women’s) revenues from vegetables, when cotton-growing in their original home region would be profitable.
For the poorest farmers, cocoa plantations continue to be the most readily available. When the Guinean forest in the Marahoue region, or the Monogaga coastal forests, are declared protected as part of the national patrimony, they become areas highly sought after by people from deforested regions. For here is a second paradox: the protected forest status, that excludes any possibility of legal attribution of property rights, perpetuates the former system whereby the incoming migrants negotiate rights of access with indigenous populations who consider that the State has dispossessed them of their lands.
To resolve these paradoxes the economic and social reorganisation of the local society, in this case Gouro, must be stabilised, as well as the broader global trade context.
Entrées d’index
Mots-clés : forêt classée, patrimoine naturel, Gouro, migration, cacao
Keywords : protected forests, national patrimony, Gouro, migration, cocoa
Texte intégral
Introduction
1La Côte d’Ivoire a vu sa couverture forestière « primaire » se réduire de façon drastique durant les dernières décennies1, processus que les grandes sécheresses du début des années 1980 ont encore accéléré2. Verdeaux (2003) estime que de 12 millions d’ha au début du xxe siècle, la zone forestière ivoirienne serait passée à 3 millions d’ha en 1990. De l’ensemble des réserves forestières établies par Aubreville (1936), il reste des îlots de forêt dont le parc national de Taï, au sud-ouest du pays, considéré comme le plus important bloc de forêt humide protégé de la région, une des 172 forêts actuellement classées, patrimoine naturel national ivoirien. Mais les processus de patrimonialisation étatiques, soutenus actuellement par les grands organismes internationaux, se heurtent bien souvent aux stratégies des paysans. C’est cette articulation problématique tant dans la mise en place que dans la gestion que nous voulons explorer ici en prenant le cas particulier des dernières migrations gouro. Ceci nous amènera à considérer le parc de la Marahoué (fig. 1), composé de deux tiers de forêt et d’un tiers de savane, unique par la diversité des types d’habitat caractéristiques de la zone de transition forêt, savane3 qu’il comporte, situé au sud de l’ancienne piste Zuénoula-Bouaflé, au centre de la Côte d’Ivoire, et la forêt littorale de Monogaga4, répartie sur deux départements (Sassandra et San Pedro) (Adou et Roussel, 2004).
2Nous nous centrerons en effet, sur la migration des planteurs gouro dans la région de Monogaga, dont il s’avère qu’une bonne part est originaire de la zone située au nord du parc de la Marahoué, au nord-ouest du « V » baoulé, donc dans ces régions de forêt ou de savanes à îlots forestiers, dont les derniers lambeaux – parfois forêt déclassée5 – ont disparu, brûlés par les feux lors des sécheresses de la première moitié des années 1980.
3Pour les raisons que nous développerons plus bas, certains des anciens planteurs de café et de cacao de la région du contact forêt-savane n’ont pas voulu renoncer à ce type d’exploitation et se reconvertir au travail du coton. Leur mode de culture nécessitant des arbres de couverture et la fertilité des sols de forêt, ils sont descendus dans les années 2000 vers le sud jusqu’à la mer à la recherche de forêts accessibles. Ils s’y sont heurtés aux divers protecteurs tant étatiques qu’internationaux des dernières forêts « primaires » (plo-ti, « noires », dans les catégories gouro) dont ils ont négocié l’accès avec les propriétaires originels, ou d’autres groupes, gouro à Bonon, au sud du parc de la Marahoué, ou des groupes krou (Wane, Bakwe et Neyo) sur le pourtour et dans la forêt de Monogaga.
4Le parc de la Marahoué, tout comme la forêt classée de Monogaga, ont été confiés successivement à différents organismes. Durant l’enquête dont nous rapportons les résultats, la forêt littorale était gérée par la Sodefor, société d’État6, tandis que l’ONG Conservation internationale appuyait les agents des Eaux et Forêts pour tenter de sauver cet exemple de forêt guinéenne (partie intégrante d’un hot spot de biodiversité : C. L, 1998). Mais la protection de la première forêt relevait auparavant d’un projet d’inventaire financé par la communauté économique européenne, tandis que l’ONG Conservation internationale, gérant actuellement la seconde, présente son action comme conditionnant les aides du FMI.
5Dans les deux cas, ces organismes n’ont pu que prendre acte de l’occupation paysanne et tentent de la contrôler en entérinant l’accessibilité des « séries agricoles » à Monogaga (Adou et Roussel, 2004) ou en tolérant les anciennes plantations jusqu’à leur épuisement sur le pourtour de la Marahoué (C.I./CAPNM, 2001) pour mieux défendre des zones sanctuarisées7. La Sodefor, dans le plan d’aménagement complexe de la forêt de Monogaga (comprenant des « séries agricoles » et des « séries de protection »), prévoit des « groupes de reconstitution » dans les anciennes plantations de cacao où cet organisme a repiqué des arbres (teck, gmeline, fraké et framiré8) confiés à l’entretien des planteurs en échange de l’autorisation d’exploiter leurs cacaos jusqu’en 2005. Elle encourage par ailleurs la culture des légumes dans les bas-fonds. Conservation internationale se proposait de convertir les sources de revenus des planteurs du pourtour du parc de la Marahoué en favorisant la mise en place de micro-projets à l’initiative des paysans. Dans tous les cas les jeunes plantations sont détruites, et les contrevenants, en principe, soumis à des peines de prison et à de lourdes amendes. Mais les sanctuaires sont violés et les coups de force tentés par les agents de l’État pour les préserver ont abouti à des drames dans le parc de la Marahoué, créant une situation explosive qui a paralysé toute action. Au sud, l’expérience récente de violence entre d’autres groupes krou et des étrangers originaires du Ghana était présentée, au moment de l’enquête9, comme l’une des extrémités à laquelle les autochtones ne souhaitaient pas être réduits, ce qui reflète bien l’état d’exaspération de certains, qui se voyaient dépossédés de leurs terres, tant par les organismes d’État que par les étrangers qu’ils avaient accueillis autrefois. Chacun avance ses revendications, s’estimant lésé.
6L’apport spécifique de l’ethnologue sur les questions de patrimonialisation de la nature qui font l’objet de cet ouvrage est un essai de traduction du point de vue des Gouro. Il connaît bien ces acteurs pour les avoirs fréquentés depuis les grands feux de 1982-1983, et a été témoin du désarroi des planteurs ruinés, de leurs espoirs de reprise lorsqu’ils ont trouvé de la forêt, de leur abattement quand, les jeunes plantations détruites par les agents des Eaux et Forêts, ils se réfugient à nouveau, désœuvrés, dans leurs villages d’origine, de leur pugnacité à relever ces plantations, au prix de quelles négociations ! Il est également témoin, plus récemment, de l’impact sur les populations des incohérences des programmes internationaux. Si les négociations menées par des gens de C. I. sur les micro-projets acceptables sur le pourtour du parc ne débouchent sur aucune mise en place, on comprend que les stratégies des organismes internationaux laissent les planteurs indifférents, et qu’ils poursuivent leurs propres objectifs. Ce sont ces objectifs que nous allons tenter de cerner. En effet, comprendre ne serait-ce que les relations entre les populations krou qui « vendent » leurs forêts et les migrants qu’ils accueillent, demande de prendre en compte les motifs des uns et des autres dans le contexte que nous venons de décrire de « patrimonialisation » de la nature par l’État. Les assertions croisées à propos de la connaissance de la fertilité des terres (les Wane, par exemple, attribuant à l’ignorance ou à la présomption gouro le fait d’acheter des forêts littorales incultivables) nécessitent de savoir dans quel contexte ces paroles ont été dites, et les arrière-pensées des protagonistes de ces transactions.
7Il s’agit en effet de réfléchir sur le triple paradoxe que donnent à percevoir les stratégies des migrants gouro et qu’expriment les questions suivantes :
- pourquoi s’obstiner à exploiter des plantations de café et de cacao quand le rendement du coton est, selon les experts, supérieur ?
- pourquoi, pour cela, migrer toujours plus au sud, jusqu’à en venir à exploiter les forêts côtières de la région de Sassandra, et, dans cette fuite en avant, se laisser vendre des forêts littorales, les sachant impropres à cette culture ?
- pourquoi cette peine alors qu’une bonne part de la survie de ces ménages tient à l’apport des femmes, qui cultivent et vendent des légumes ? Et pourquoi s’opposer à la Sodefor qui autoriserait et recommanderait ces cultures à l’exclusion des plantations de cacao ?
8Le lecteur de cet ouvrage se doute que les réponses à ces questions ont à voir avec ce qu’est la constitution, ou non, d’un patrimoine pour les Gouro qui désignent par ti-zra la notion d’héritage, transmis par les pères (ti), mais surtout de l’accomplissement individuel dans le plein exercice de son rôle social qu’il convient de définir dans cette société segmentaire, mais dont il s’agit également de montrer les limites dans le contexte de cette société soumise aux turbulences des nouvelles conditions économiques.
Pourquoi les Gouro partent-ils ?
La recherche de fronts pionniers
9Les migrants gouro viennent du centre de la Côte d’Ivoire dans des régions contrastées tant géographiquement (savane/forêt) que culturellement (influence Mande/influence Akan). Ils parlent une langue Mandé-Sud. Les données ethnographiques sur lesquelles nous nous appuyons ont été recueillies dans la région de Zuénoula, située de part et d’autre de la lisière nord-ouest du « V » Baoulé qui comprend au nord des savanes et, au sud, des forêts et des réserves forestières dégradées. Ces populations sont classées par Tauxier (1924) dans la zone d’influence Mande (Gouro-Nord).
10On sait que lors des sécheresses de 1982-1983 les derniers lambeaux de forêts « noires » ont brûlé dans ces régions. Il reste des forêts secondaires estimées impropres à la culture du café et du cacao, jusque-là cultures de rente des régions de forêt. Elles sont régulièrement parcourues par les feux de brousse, car, disent nos interlocuteurs, ces friches sont envahies par Chromolaena, plante buissonnante à essence qui les active (Haxaire, 1994). Les planteurs de ces régions ont alors été amenés à se reconvertir à la culture du coton, plante annuelle.
11Du point de vue de leur organisation sociale, les Gouro (Tauxier, 1924 ; Meillassoux, 1964 ; Deluz, 1970) relèvent d’un modèle segmentaire structuré par des patrilignages régis par une règle de succession adelphique10. Il n’y a pas de mariage prescrit et l’alliance est interdite tant que la parenté est connue du côté du père et de la mère. La filiation est établie par le versement au lignage donneur de la compensation matrimoniale réunie par les membres du lignage preneur. Le père est celui au nom de qui cette compensation est donnée au lignage de la future mère de ses enfants.
12La compensation matrimoniale est versée tant que vivent les parents de l’épouse et prend la forme de pagnes et de biens de prestiges (de nos jours, de l’argent) remis lors des funérailles se produisant dans la famille de la femme. Les cérémonies d’échanges de biens qui précèdent l’enterrement sont les moments privilégiés où se manifestent publiquement les relations d’alliance ou les conflits (Haxaire, 1998b). A ce titre l’organisation du rituel, comprenant la transmission de rôles ou de biens, se déroule sous le regard des ancêtres et tout impair peut donner lieu de leur part à de graves sanctions (il existe une maladie mortelle spécifique de ces circonstances et qui en porte le nom : djela « funérailles »).
13L’organisation économique a été bien étudiée par C. Meillassoux (1964). Les cultures de rente, tout comme les produits alimentaires de base (riz et igname) sont gérés par les chefs de famille. Les femmes disposent des légumes (et de l’arachide) qu’elles cultivent en propre. Elles se procurent un petit revenu en vendant les excédents aux grossistes gouro et dioula. Les épouses et les ascendants doivent de l’aide au chef de famille. Autrefois, les jeunes travaillaient sur les terres du chef de lignage, jusqu’à ce que ce dernier leur confie un champ en propre. En retour, ce dernier subvenait aux besoins de ses dépendants, payait leurs amendes et la compensation matrimoniale nécessaire à leur mariage.
14Tout chef de lignage se devait donc de garder en réserve des biens de prestige, des richesses, tant pour assurer les frais de funérailles imprévus que pour payer d’éventuelles amendes.
15Deux arbres étaient donnés comme « richesse » des Gouro, le palmier à huile11 et le kolatier (Haxaire, 1996). Leur production était susceptible d’être vendue, les Gouro étant producteurs ou courtiers dans le commerce de la kola avec les gens du nord. Ils étaient en outre autrefois agriculteurs, chasseurs, artisans, commerçants. Les palmeraies, tout comme les vergers de kolas, arbres spontanés appartenant au lignage qui les avait découverts en forêt, puis entretenus, pouvaient êtres donnés en gage. Il était particulièrement important d’avoir ce type de réserves en cas d’amende car, à défaut, c’était un membre du lignage qui pouvait être donné en garantie.
16L’arrivée des cultures de rente (café, cacao, coton) que l’administration coloniale a imposées, a accéléré la réorganisation du travail agricole. Les groupes de travail ne sont plus constitués des cadets du même lignage, mais de pairs travaillant à tour de rôle dans les champs des membres du groupe. Aussi, les cadets ont-ils pu s’affranchir de la tutelle des anciens. Ils sont à même de cultiver, seuls avec l’aide de leur groupe de travail, leurs propres plantations de café et cacao. Actuellement, les aînés, désargentés, perdent leur autorité économique ; certains jeunes réunissent seuls la compensation matrimoniale et parfois contribuent au remariage de leur père. On assiste à une individualisation des projets. Chacun s’émancipant, l’aide des cadets aux aînés n’est plus assurée. Si elle se produit, elle doit pour le moins permettre à terme l’autonomisation de ces derniers. Ce faisant, chaque chef de famille voit restreindre l’aide sur laquelle il peut compter. Seuls travaillent encore avec lui ses épouses (ce qui favorise la polygamie) et ses enfants encore jeunes. Mais, ces hommes ne s’affranchissent pas pour autant des contraintes de sa société qui mesure l’accomplissement individuel aux « réalisations » produites avant de leur donner voix à la parole en société.
Au plan individuel : accomplissement d’une vie pour les Gouro
17Les jeunes migrants disent venir à Monogaga « chercher leur vie » ce qui signifie se donner les moyens d’accomplir leur vie. Ils sont en effet à l’âge où se construisent les bases de cet accomplissement. La société gouro n’est pas une société à classe d’âge. Néanmoins, les camarades sont nommés bôlu-zan littéralement « ceux qui appartiennent à la même catégorie » et ces catégories font référence aux tâches qu’un individu est susceptible d’accomplir (Haxaire, 2003).
18La société reconnaît trois grandes étapes : l’enfance (nén), la jeunesse (peiné), la vieillesse (kwa). Les âges de l’enfant sont marqués par l’acquisition de capacités motrices puis relationnelles. Très tôt, ils réfèrent à l’apprentissage du métier d’agriculteur : « petit aide » aux champs jusqu’à sa jeunesse. Vers quatre, cinq ans, l’enfant devient « petit parmi les moyens » et accompagne sa famille aux champs. Puis il accède à la catégorie de « celui qui joue à travailler », apprend les rudiments de sa future activité d’agriculteur : il « bricole » avec la vieille machette sans manche qu’on lui a confiée. Il devient ensuite plus autonome « celui qui part seul aux champs »12 et enfin participe aux groupes de travail collectif comme « membre de klala ».
19La catégorie suivante, la grande catégorie des « jeunes » (peiné), se prolonge jusqu’à la « vieillesse ». Le « petit jeune », vers 15-16 ans, passe des groupes de travail aux troupes de danse et devient « bon à marier » entre 18 et 20 ans (actuellement : l’âge du mariage s’étant abaissé). Ne disposant pas de ses propres champs, il dépend toujours de son père, réel ou classificatoire, qui parle en son nom dans les assemblées et, en conséquence, paie ses amendes. Une fois marié, père d’un ou deux enfants, il devient « vieux parmi les jeunes » et son père lui confie des responsabilités dans les travaux agricoles puis le droit de cultiver certains champs. Dans le même temps son père l’incite à l’accompagner dans les assemblées des anciens pour apprendre son rôle public. Bien inséré dans son groupe de travail, responsable de ses champs et de la nourriture de sa petite famille, il devient « celui qui reste devant la porte de sa maison », car il doit se tenir au courant des affaires de sa cour pour arbitrer les éventuels conflits.
20Ce n’est que vers 45 ans, alors que ses enfants vivent leur jeunesse (et s’occupent donc de ses champs), qu’il est appelé en son nom propre dans les assemblées du village et atteint alors la position de « vieux » qui traite les affaires publiques.
21À chaque âge, on considère que les tâches correspondant aux étapes antérieures sont acquises. Le « jeune » déchoirait à faire l’enfant qui « joue avec sa machette » dans les champs de sa mère, à l’âge où il doit s’occuper de cultures d’homme : igname ou plantations. Le « chef de maison », « celui qui reste assis devant sa maison », commence à avoir un rôle public parce qu’il est devenu responsable de l’entretien de sa petite famille. Plus tard, il pourra assumer ce rôle public dans la mesure où ses revenus lui permettront de répondre aux aléas survenus dans sa cour sans avoir à solliciter d’autres membres de sa famille, sinon il retombera dans la situation de dépendant13. Devenu « vieux », son existence sociale résultera de sa capacité à assumer harmonieusement le devenir du nombre grandissant de personnes dont il aura la charge, à les défendre dans les assemblées publiques, à les représenter dans des échanges de plus en plus nombreux à mesure que les alliances (les mariages) se multiplient (donc les funérailles où il doit activer ces alliances).
22Rappelons qu’autrefois déjà, c’étaient les palmiers et kolatiers, ligneux entretenus donc pérennes, qui pouvaient donner cette assurance. Aujourd’hui, alors que les solidarités se dissolvent, le chef de famille, s’il ne peut compter que sur la force de ses bras, se tournera d’autant plus vers des cultures qui continueront à produire s’il tombe malade et ne peut travailler dur une année.
23La société gouro autorise le développement de talents individuels, voulus par le destin de chacun ou par les ancêtres tutélaires (les zu) à l’origine de la vie d’un individu singulier, à l’intérieur des contraintes précédemment posées14. Le grand cultivateur, comme le grand chasseur ou le danseur renommé, a su développer ses dons. Mais cette réussite, cette mise en lumière lui apportant relations et soutiens, aura pour contrepartie l’obligation de redistribution des bénéfices obtenus, multipliant les occasions (funérailles) où il devra manifester sa solidarité. L’homme accompli aura su faire fructifier ses talents selon les normes de sa société grâce à sa renommée et son opulence mais surtout sa sagesse et ses talents de conciliations, il aura eu la capacité de fédérer autour de lui de nombreux dépendants qui travaillent pour lui, renouvelant ses richesses. Ces « hommes puissants » (migonin) se doivent donc de redistribuer à mesure les richesses produites s’ils veulent tenir leur rôle, et ces richesses ne sont donc pas transmissibles à la descendance si cette dernière n’a pas hérité, dans le même temps, des talents fédérateurs qui les génèrent. Certaines femmes peuvent également, grâce le plus souvent à leur talent de commerçantes, acquérir biens et influence, on les nomme de même « femmes puissantes » (li-gonin, littéralement femme-garçon). Elles doivent user de la même générosité et de la même sagesse que leurs homologues pour se maintenir à ce rang.
24En résumé pour ce qui nous occupe, il est un âge, après le mariage et les premiers enfants, où un « jeune » se doit de subvenir de façon autonome aux besoins de sa famille en tant que « celui qui reste devant la porte de sa maison ». Tout aîné, tout « vieux » est tenu de redistribuer les richesses que ses dépendants lui ont procurées en leur assurant un avenir, soit en assumant la charge de les marier donc d’entretenir les alliances avec les belles familles et en leur répartissant les terres à cultiver. L’existence sociale en tant que « jeune », la voix dans les assemblées publiques pour les « vieux », est à ce prix. Actuellement, un « jeune » sera reconnu socialement dans la mesure où il aura démontré sa capacité à entreprendre des projets « qui gagnent de l’argent », ce qu’en français local ils nomment « réalisations », preuve qu’il saura assumer ses responsabilités la « vieillesse » venant.
Tensions entre cet accomplissement et les nouvelles conditions économiques
25Les dégradations des conditions écologiques au regard de la culture du cacao et du café demandaient la conversion des produits de rente. Les régions gouro les plus au nord, constituées de savanes, ont de tout temps produit des ignames pour la vente. Pour les planteurs dont le café ou le cacao a brûlé, accroître les surfaces en igname, c’est-à-dire faire plus de buttes, la plus dure des tâches agricoles, rend nécessaire la collaboration du groupe d’entraide (klala ou sote), type de solidarité qui se délite. De plus cette culture est annuelle et les tubercules ne se conservant pas en terre à maturité doivent être stockés aux champs et écoulés rapidement, ce qui demande une organisation commerciale adéquate, non encore mise en place pour les régions dont nous parlons.
26Prenant acte du fait que ces régions de transition forêt-savane sont devenues des zones de friches et de savanes plus sèches, les services de l’agriculture proposent d’y substituer le coton comme culture de rente susceptible d’assurer un rendement supérieur. Mais cette culture annuelle ne répond pas aux critères précédemment définis. L’agriculteur malade ou empêché à un moment ou un autre du cycle agricole se retrouve démuni pendant un an. En outre, le coton demande, au moins pour la récolte, une main d’œuvre abondante qu’il faudra rémunérer. La vente du coton peut rapporter beaucoup, le chef de famille n’en retirera pas grand-chose car il devra, sous peine de malheurs, redistribuer cette somme en autant de personnes de la famille étendue qui sont venues l’aider, et cela quel que soit le travail fourni (chacun touche au moins 5 000 à 10 000 FCFA). Certains, qui ont leurs propres champs, jouent de cette perversion du système d’entraide ancien, car le propriétaire qui ne se conformerait pas à ces usages se placerait en marge de la communauté. Les planteurs de cacao sont de moins en moins à l’abri de ce genre de problème, la paupérisation aidant, et ce d’autant plus qu’ils se trouvent proches de leur village d’origine (c’est le cas des migrants de Bonon).
27Les reconversions dues à la sécheresse demandent plus de main d’œuvre sans que ne soit assuré de revenu pérenne qui conforte l’aîné dans son rôle. Les tentatives d’implantation de vergers d’anacardiers, ou de palmeraies cultivées n’ont pas eu de suite15.
28Les li-gone, les femmes puissantes, acquièrent leur richesse par la vente des légumes, mais dès qu’elles sont riches, adoptent le modèle masculin et se procurent des plantations où elles font travailler leurs neveux. Pour elles aussi les « réalisations » passent par la constitution d’un patrimoine sous forme de plantations d’arbres, gage de la capacité à jouer le rôle de protecteur.
29Ainsi, quel que soit le mode d’acquisition initial, la « richesse » prend toujours cette forme d’épargne convertible permettant de ne pas se trouver à dépourvu. Selon les normes de la société gouro, cette richesse doit, nous l’avons vu, ouvrir la possibilité de soutenir le développement d’affiliés qui s’agrègent au « riche ». À l’origine, ces affiliés, travaillant sur les terres du riche, entretenaient sa richesse, en cultivant les terres octroyées dont les produits étaient gérés par les aînés qui subvenaient à leur besoin. Actuellement, il est toujours nécessaire de payer les formations puis « l’installation » des jeunes, en sus des amendes et des compensations matrimoniales, mais ces derniers s’émancipent, et celui qui les a « installés » ne peut plus compter sur leur aide. Il faut néanmoins pouvoir donner aux funérailles, occasions où s’expriment les solidarités, et qui restent actuellement l’heure de vérité16, où les imposteurs risquent d’être démasqués.
30On comprend que ceux qui n’ont rien et veulent agir en chef de famille s’expatrient vers les forêts du sud dans l’espoir de se constituer, sans beaucoup d’aide, un premier capital un peu solide, un champ de cacao (« c’est le cacao qui aide les pauvres » dit-on). Il s’agit d’abord tout simplement de s’assurer la possibilité de subvenir seul aux besoins de sa famille, de se conduire en kon-le-zan. C’est la condition d’une existence sociale pour cesser d’être traité en enfant. L’objectif est ensuite de se constituer une première source de revenus fixe, amorce des « réalisations » futures (logements de location à la ville, maison propre, commerce à condition de trouver un gestionnaire de confiance). Ces rentes offrent alors la possibilité d’accéder à la vie publique, constituant l’assurance de pouvoir subvenir aux besoins de ses descendants, quoi qu’il arrive17 tout en bâtissant l’héritage qui leur sera transmis18. Mais pour les plus âgés (par exemple le chef des Gouro), l’urgence est de tenir son rang dans la vie publique, c’est-à-dire d’être en mesure d’organiser les « funérailles » de ses vieux parents. Ce signe de l’accomplissement19 social d’un homme est aussi, d’une certaine façon, assurer sa survie dans l’au-delà puisqu’après la mort, dans le monde invisible, on retrouve ces réalisations, et ce qu’on a offert en « sacrifice » nous revient.
L’installation dans le sud
31Quittant notre terrain favori de Zuénoula, où nous enquêtons depuis 1982, nous avons mené de décembre à février 2001-2002 une enquête auprès des migrants gouro de la région de Monogaga20. Basés à Moussadougou (fig. 2), nous avons rencontré les planteurs gouro de cette localité située au cœur de la forêt classée (dépendant de Bakwe pour ceux que nous avons rencontrés) et nous sommes entrés en contact avec les derniers arrivés sur la piste de Monogaga (dépendant des Wane), aux marges de ce qui restait le dernier sanctuaire de forêt, préservé pour maintenir les ressources touristiques.
32Certains venaient de campements plus anciens situés sur le pourtour de la forêt classée (Poly-Brousse, Kablake, Fatuakro), après avoir transité par Blaou, une localité située sur la route de Soubré, au nord de la forêt, ou se disant chassés du parc de la Marahoué (provenant de Bonon, au sud du parc de la Marahoué, ou d’Asproa, au nord). Il fut nécessaire de visiter ces installations dans un but comparatif.
33Nous les avons interrogés sur l’histoire de leur migration et sur leurs projets21.
Histoire des migrations récentes
34Il était systématiquement demandé aux planteurs rencontrés quel était leur village d’origine et les motifs de leur expatriation en ces terres lointaines. Ces entretiens étant menés publiquement, certains conflits n’ont pu être dévoilés. Certes, dans cette société segmentaire, la tradition favorise la résolution de conflits par l’installation à « l’étranger ». Un fils ne s’entendant pas avec son père ne peut en hériter (il mourrait de la maladie djela). Quitter son village parce qu’il est infesté de vers de Guinée peut aussi laisser entendre que l’on fuit les sorciers. Mais ces motifs ne sont pas les plus fréquemment rapportés. Il est le plus souvent question de plantations brûlées ou vieillies et de l’impossibilité de les renouveler du fait de l’épuisement des forêts ou des îlots forestiers propres aux plantations de café et de cacao selon les Gouro. Les parcelles encore en production, trop petites pour être partagées lors d’héritage reviennent aux aînés, et les cadets migrent.
35Bien que les migrations fussent possibles dès l’ouverture du port de San Pedro et de l’arrivée de la main d’œuvre subséquente, de rares planteurs ont été introduits dans la région par leurs frères salariés avant 1982 ; ces derniers, venant ponctuellement de toute la région nord, depuis Zuénoula jusqu’au nord du pays gouro (Zougounefla), ne semblent pas chassés par les feux. En revanche, les migrations se sont succédées depuis 1982-1985 jusqu’à nos jours à partir des villages situés sur les anciennes pistes de Gohitafla et de Maminigui (unités territoriales Yaswa, Nyan, Wan, Man), soit dans la zone de transition forêt-savane où les plantations se faisaient dans les lambeaux forestiers désormais tous secondarisés. Les premiers sont partis dès que leurs plantations ont brûlé, d’autres ont réussi à préserver celles-ci quelques années, ou ont tenté d’autres cultures pendant un temps. Sont descendus plus bas encore certains planteurs originaires de Zuénoula, mais installés à Vavoua et à Sinfra, qui, ayant tout perdu dans les incendies, ne pouvaient plus retourner dans leur village de savane. Lors de l’enquête, il a peu été retrouvé d’habitants des régions de savanes (2 migrants après 1990) qui tiraient déjà essentiellement leurs revenus de la vente des ignames ou de la culture du coton. Quant aux Gouro du sud, qui disposent toujours de forêt, il a fallu le hasard de licenciements économiques pour que deux Gouro de Vavoua se retrouvent dans notre échantillon.
36À Moussadougou même, hors les séries agricoles, nous avons rencontré des Gouro plus jeunes, constituant une seconde vague de migration venant des villages précédents mais dans les années 2000. Se sont joints à eux des jeunes originaires des villages de l’ancienne piste Bouafie-Zuenoula, au nord du parc de la Marahoué. Ils ne peuvent plus espérer traverser le parc pour s’installer dans la région de Bonon comme l’ont fait leurs pères immédiatement après les feux depuis que les forêts commencent à se raréfier tandis que la pression internationale se fait plus forte sur les organismes gestionnaires.
37Vers les années 1986 arrivèrent dans la région de San Pedro ceux que l’on appelle les « compressés » de la ville ou encore les « conjonctures » : les salariés au chômage du fait de la récession économique. Des petits travailleurs indépendants ou des petits salariés ont rapidement fait de même tels des chauffeurs de taxi, des encaisseurs sur le marché, ne pouvant plus assurer l’avenir de leurs familles avec leurs seuls revenus. Ils furent suivis des petits artisans de village (cordonniers, tailleurs) qui, pour entretenir leur famille, avaient besoin de la rente que constituait une parcelle de café ou de cacao, qu’ils pouvaient entretenir tout en menant leur activité, elle seule ne suffisant pas.
38Les forêts, correspondant aux localités étudiées, ont été investies successivement, partant de la route (20 kg, Blaou, Lonua) vers les lisières de la zone classée (Kablake, Fatouakro, Poly-brousse) puis dans les séries agricoles (Moussadougou, Cantondougou) et enfin dans les séries de protection (Monogaga). Chaque site s’épuisant, il devint nécessaire aux chefs de famille de trouver de nouvelles forêts s’ils désiraient soit augmenter leur surface cultivée, soit assurer l’autonomie de leurs dépendants. Il semble que les forêts disponibles au moment de l’enquête (pour la saison 2000-2001) se retrouvaient essentiellement le long du littoral dans des zones que tous disent impropres à la culture du cacao22.
Modes d’acquisition des droits d’accès aux forêts
39Aux planteurs rencontrés nous avons demandé les circonstances et les conditions d’acquisition de parcelles de forêt. La terre, qui fait patrimoine pour les Wane et les Bakwe (Adou et Roussel, 2004), n’est jamais cédée. Si les premiers migrants avaient pu choisir leurs parcelles, avec la raréfaction de la forêt disponible ces dernières années, autour de Moussadougou certains ont pu acheter de la forêt littorale sans même l’avoir vue. Les critères de sélection gouro (terre suffisamment argileuse pour être modelée en boule qui se casse au sol, présence de grands arbres dont le fromager) ont du être adaptés, la flore n’étant pas la même, ils se fient parfois simplement à l’aspect des champs déjà cultivés en lisière. Le périmètre de forêt alloué peut comporter des zones de bas-fond, favorables à la culture du riz. Sinon, il faudra les louer ailleurs.
40Il semble que la moyenne des surfaces négociées soit de 4 ha en une seule parcelle (parfois 6 ha ou plus avant les années 1990). Rares sont donc les planteurs rencontrés ayant eu le temps de doubler leur surface et à se retrouver à travailler une surface de 10 ha ou plus. Le prix de l’hectare est passé de 20-30 000 FCFA dans les années 1980, à 50-60 000 FCFA au moment de l’enquête, voire à 80 000 dans les zones plus sécurisées (à Bonon, dans le parc de la Marahoué, l’hectare se vend 100 000 FCFA). À cette somme doivent être rajoutés différents faux frais. Un ou deux hectares sont mis en exploitation la première année, les légumes, nécessaires à la survie, étant cultivés entre les jeunes plants.
41Le migrant, qui n’a ni ressources propres, ni aide financière d’un parent, a néanmoins la possibilité de travailler dans la plantation d’un autre Gouro ou d’un étranger souvent baoulé pour se constituer un pécule. Les Krou de la région ont aussi profité de cette main d’œuvre pour mettre en culture leurs forêts en échange d’une parcelle modeste (2 ha le plus souvent) cédée au bout de quelques années. Certains planteurs doivent donc leurs parcelles à des parents « pères », « grands frères », « oncles » qui les ont « installés ». Des « sœurs » ou « tantes » commerçantes de légumes à San Pedro, ou encore acheteuses de viandes de brousse, repèrent les zones où il y a de la forêt à vendre. Les premières installations étaient ainsi financées par des parents fonctionnaires, artisans ou commerçants. Mais actuellement, dans les négociations pour l’acquisition des parcelles de forêts classées dont nous avons été témoin, ce sont les planteurs installés depuis les années 1980 sur le pourtour de l’aire classée qui recherchent de la forêt pour les jeunes ayant travaillé pour eux jusqu’alors. Outre leurs propres fils, élevés dans le sud, ce sont des jeunes frères ou neveux (donc « fils ») originaires des villages du nord (où ils cultivaient le coton et l’igname avec leurs pères) appelés par leurs oncles ou frères, qui se sont mariés et commencent à avoir des enfants.
42Les nouvelles installations se faisant donc au détriment des derniers pans de forêts classées, nous assistons à un grignotage du patrimoine étatique. Pôles d’attraction pour les planteurs, ces patrimoines forestiers étatiques constituent de véritables fronts pionniers dans la pénurie actuelle de forêts « noires ». Mais les planteurs y retrouvent-ils leur compte ? À quelle logique répond cette avancée des fronts pionniers aux dépens de la forêt de Monogaga ?
Les Gouro de Monogaga : réalité et impasse
Tour d’horizon et parcelles de vie
43Accueillie dans la communauté gouro et y vivant, l’ethnologue peut restituer l’atmosphère perçue. Cette description, sans doute partiale car l’opinion d’une seule des parties en présence, reflète cependant le vécu des migrants à l’aune duquel prendre la mesure du caractère impératif des objectifs qu’ils tentent de réaliser. Sans doute ce vécu est-il bien différent dans les zones classées que nous traiterons d’abord, tandis que l’on peut mieux juger de la rentabilité des plantations dans les campements plus anciens situés hors forêts classées.
Sur la piste même de Monogaga
44Le hasard, fit que, s’arrêtant au premier campement wane sur la route, pour s’enquérir de la présence de planteurs gouro, ce fut un « parent » du village voisin de la résidence habituelle du chercheur dans la région de Zuénoula que nous débusquâmes. En effet, il se cachait, et ses « tuteurs » wane le protégeaient d’éventuels agents de l’État. Ce campement devint notre étape obligée ; les « tuteurs » de notre parent voulaient entretenir une relation privilégiée avec nous, ce qui impliquait force libation de vin de palme. La mission se déroulait au moment des fêtes de fin d’année, qui, fort heureusement en cette zone climatique, correspondent à la morte-saison agricole, avant les grands travaux de défrichage de la nouvelle parcelle de forêt destinée au cacao. C’était donc le moment de négocier l’« achat » (le droit d’accès) de parcelles, ce que ne manquaient pas de faire divers groupes que nous surprenions chez nos hôtes ; nous interrompîmes souvent ces transactions tant dans notre campement d’accueil que chez d’autres Wane. Ces hommes se disant « classés avec la forêt » entendaient corriger ce qu’ils ressentaient comme une spoliation et tirer parti, en la « vendant », de la forêt de leurs ancêtres, classée par l’État. Cinq jeunes gouro, installés sur la piste de Monogaga, aux limites de la zone que les Wane réserveraient au tourisme selon leurs propres dires, avaient ainsi obtenu des droits d’accès.
45Les cinq hommes jeunes (entre 23 et 30 ans) mais chargés de famille (ayant de trois à cinq enfants) que nous avons interrogé ont acheté en 1999 entre 2 et 5 ha de forêt (50 000 et 60 000 FCFA l’ha) qu’ils avaient déjà défrichés en partie lors de notre visite. Pour trois d’entre eux, l’achat avait été négocié par des oncles, possédant des plantations dans la région, chez qui ils avaient auparavant travaillé. Ils sont originaires de la région de Gohitafla, au nord du pays gouro, dans des zones maintenant déforestées, et ne pourraient retourner dans leur village sans se reconvertir aux cultures d’igname ou de coton. Pour survivre en attendant les premières récoltes de cacao, ils doivent cultiver, pour les vendre, des légumes, ou du riz lorsqu’ils disposent de bas-fond. Ces cultures féminines (les légumes), ou requérant traditionnellement la main d’œuvre féminine (le riz) sont ici conduites par les hommes, en l’absence des épouses restées au village, ou vendant des légumes en ville (pour trois d’entre-eux). Certains doivent, de plus, louer leurs services comme journaliers. Ils n’exploitent pas les ressources cynégétiques faute de compétence ou de temps (un seul d’entre eux piège de petits rongeurs pour la propre consommation). Tous vivent sous la menace d’une destruction des jeunes plants de cacao par les agents de la Sodefor, ce qui anéantirait le travail d’une, puis deux années.
Moussadougou
46Arrivant en terres étrangères, l’ethnologue, comme tout Gouro, devait se présenter et se mettre sous l’autorité de celui qui, premier arrivé, est désigné comme « chef des Gouro ». Ce dernier résidait à Moussadougou et nous a offert un toit et l’aide de sa bru pour nous préparer à manger. Nous nous trouvions donc au cœur de cette bourgade pionnière, récemment « lotie », où les maisons de pisée23 se construisent à chaque détour de rue. Nous avons été témoin de conflits, à propos de lots vendus plusieurs fois, et vu les maisons détruites par les derniers arrivants, forts de leurs droits. Cette localité, campement devenu grosse bourgade, est située dans la principale « série agricole » de la forêt classée, et c’est là que résident les planteurs. L’atmosphère de front pionnier, immédiatement perceptible en ville, est bien évidemment le reflet des pratiques en cours pour ce qui est de l’attribution des parcelles de forêt, d’autant que le chef de terre bakwe se plaint de ne pas contrôler les agissements de certains de ses anciens hôtes, délégués par lui à l’accueil des nouveaux arrivés.
47Quatorze Gouro ont été rencontrés à Moussadougou, pour la plupart24 jeunes, entre 20 et 30 ans. Ils sont tous originaires de villages du nord. Mais la moitié résidait auparavant dans la région, chez des parents artisans, ou travaillait dans les plantations d’oncles ou de tantes qui, au bout de cinq ou six ans, les ont « installés », c’est-à-dire leur ont acheté (50 000 à 60 000 FCFA l’ha) une parcelle leur permettant de devenir autonomes. Ceux qui n’ont pas eu cette chance ont dû défricher la forêt ou cultiver pour un Bakwe en échange de quelques ha. Les parcelles ne sont pas très étendues car, arrivés entre 1996 et 1999, ces planteurs en sont encore à mettre en exploitation leurs premiers lots. L’épuisement de la superficie de la « série agricole » les a conduits à accepter des parcelles de forêt classée (et cela dès 1996) qu’ils ne peuvent choisir. Quand bien même auraient-ils le loisir d’accompagner le vendeur pour se rendre compte que le sol, ou la forêt, ne répondent pas à leurs critères de fertilité qu’ils ne refuseraient pas la parcelle proposée, estimant nécessaire d’être dans la place pour négocier ensuite de bonnes terres. Ceux qui ont coupé leurs plantations en 1996 commencent à récolter un ou deux sacs de cacao, mais doivent toujours vivre des légumes qu’ils vendent. L’un d’eux, ayant la chance de disposer de bas-fond, peut vendre 8 ou 10 sacs de riz (10 000 FCFA le sac). La ressource cynégétique commence à s’épuiser autour de Moussadougou et les pièges donnent moins. L’un des Gouro rencontrés se présente comme chasseur professionnel, l’un des derniers subsistant d’un groupe bien plus important. Seule en 2001 une demi-douzaine « de feux » de Gouro et Mossi prétendaient encore vivre de la seule chasse25.
48La situation précaire qu’acceptent ces jeunes n’apparaît tenable qu’au regard du statut social que confère le métier de planteur, eux qui étaient soit dépendants soit pire, « déscolarisés ». Ils ne peuvent en effet ignorer tant les expulsions qu’ils encourent, que le fait que les parcelles proposées sur ces zones littorales ont toute chance d’être impropres à la culture du cacao.
Devenir de planteurs situés hors zone classée
49La situation des planteurs installés légalement dans les zones non classées, de migration plus ancienne, devrait nous permettre d’apprécier ce que nos jeunes interlocuteurs se pensent en droit d’espérer.
Cantondougou
50Parmi les « acheteurs » de forêt rencontrés à Moussadougou, se trouvaient de grands planteurs des villages voisins désireux d’agrandir leurs biens, ayant atteint les limites de la forêt allouée. C’est le cas d’un Gouro originaire de Manfla (Gouro nord) où ses plantations avaient brûlé, ayant acquis à Cantondougou 13 ha (10 000 FCFA) en 1984, puis 3 autres ha et qui venait d’en acheter 6 dans la forêt classée de Moussadougou. Ayant 13 enfants à élever, il a néanmoins construit une maison au village et commencé à bâtir dans la ville voisine, San Pedro, ce qui reste le rêve de tous nos interlocuteurs. Il a la chance de poser des pièges et de pêcher dans la rivière Brimée, ce qui évite à son foyer l’achat de gibier et de poisson.
Fatouakro
51Nos « amis » wane n’eurent aucune peine à nous introduire auprès de leurs « clients » gouro du campement Fatouakro situé à la limite extérieure nord-ouest de la forêt classée, sur une piste venant de Blaou. Nous y avons rencontré deux personnes d’âge mûr (59 et 47 ans) d’installation ancienne (1987 et 1986) et deux jeunes (25 et 33 ans), venus en 1994 et 1998 (sur forêt achetée en 1995) ayant auparavant résidé et travaillé dans les plantations de parents sur la route de Soubré (aux lieux-dits 20 kg et Blau). Cette localité offre un bon échantillon d’installations réussies. Acheter des parcelles dans la deuxième moitié des années 1980 correspondait, pour ces deux anciens citadins, l’un employé d’une grande entreprise, l’autre chauffeur de taxi, au constat de l’impossibilité de vivre dignement avec leur famille dans le nouveau contexte économique des villes. Après une tentative de retour dans les villages d’origine, situés au nord de la route Zuénoula-Bouaflé, dans les zones touchées par les feux de brousse et où les terres disponibles ne suffisaient plus à les nourrir, ils se sont résolus à migrer vers le sud. Ils ont eu le loisir de choisir leur parcelle de forêt26 (aidés de parents car les espèces indicatrices de fertilités différentes27) qu’ils ont payé entre 20 000 et 30 000 FCFA l’hectare. Ils ont étendu les 3 ou 4 ha de cacao initialement plantés en achetant 1 ou 2 ha, ce qui leur permet des récoltes supérieures à une tonne. La disponibilité de bas-fond permet à leurs épouses de produire des légumes dont les excédants sont vendus (3-4 sacs d’aubergines, du piment, des gombos) ; ils pêchent ou posent des pièges ce qui évite l’achat de protéines animales pour les sauces et peuvent ainsi subvenir aux frais de scolarité de ceux de leurs enfants qui réussissent, les autres étant employés dans la plantation. L’année de notre visite, ces chefs de famille chanceux avaient l’un et l’autre pu commencer à faire construire une maison de ville destinée à la location (avant leur propre maison dans leur village d’origine).
52Les deux hommes plus jeunes exploitent des forêts achetées toutes deux dans les années 1994-1995 à Fatouakro. Le plus âgé (34 ans) est venu directement de son village du nord (dans la région de Gohitafla) après que ses plantations de café ont brûlé, ce qui l’avait amené à cultiver ignames et canne à sucre. Venu à « Vingt Kilo », chez un oncle maternel, il a travaillé trois ans sous contrat pour gagner l’argent avec lequel il a pu se procurer les 3 ha de forêt (30 000 FCFA l’hectare) qui, au moment de l’enquête, produisaient au moins 5 sacs de cacao. Il a dû louer un bas-fond pour cultiver du riz et des légumes que sa femme vendait, avant qu’elle ne se décide à faire du seul commerce son activité. Ceci nourrit leurs quatre enfants et lui donne possibilité de commencer à construire sur le terrain dont il a hérité à la ville de Gohitafla. Le plus jeune (25 ans) lui aussi originaire de la région de Gohitafla, avait suivi ses parents à Blaou en 1986 et travaillait dans leurs plantations. Son grand frère avait acheté 5 ha. de forêt en 1995 dont il n’avait exploité qu’1 avant de mourir. De ces 5 ha les Wane en avaient revendu 2, lorsque ce jeune, devenu aîné et devant donc assurer l’avenir des enfants et de l’épouse de son frère en sus de sa propre petite famille (selon les principes du lévirat en cours chez les Gouro) a voulu reprendre la plantation, réduite donc à 3 ha réhabilités en 1998.
53Rien ne semble donc obérer l’avenir de ces planteurs qui semblent en passe d’assurer l’avenir de leurs enfants tout en se constituant un capital rentable sous forme de plantation et de construction de location.
Kablake
54Kablake, localité comprenant troisentités, numérotées de un à trois, est située au sud-ouest de la forêt, non loin de la mer. A pied, les planteurs rejoignent les campements wane situés près de la piste de Monogaga en une demi-journée de marche, mais en voiture, il faut retrouver à San Pedro une piste peu praticable sur laquelle nous dûmes rebrousser chemin. Nous avions pris contact avec les Gouro de Kablake-3 chez nos hôtes wane où nous avions pu les interroger avant de leur rendre visite, car ils cherchaient de nouvelles forêts. En effet, les plus âgés d’entre eux (41 et 52 ans), arrivés au début des années 1980 respectivement de villages de Gohitafla et Zuénoula, avaient déjà exploité les secondes parcelles achetées en 1995 (le prix de l’hectare passant de 20 000 à 45 000 FCFA). Le plus jeune (33 ans) avait mis en culture la moitié seulement de sa première parcelle de 6 ha, achetée par son frère pour lequel il avait travaillé depuis 1983. Les forêts, choisies par eux, produisent café et cacao (1 et 2 tonnes pour les plantations des années 1980), mais le rendement des caféiers semble diminuer. Ils doivent louer, en restituant une partie de la récolte aux Wane, des bas-fonds pour la culture du riz. Ils envisagent donc sereinement l’avenir de leurs enfants (dix pour les plus âgés), et l’un d’eux a pu se construire une maison à Kablake même.
Poli-Brousse
55Grâce à la diligence du chef des Gouro de Poli-Brousse, il nous a été possible d’interroger une bonne part des migrants ayant acheté des forêts en territoire bakwe ou neyo c’est-à-dire 20 des 24 exploitants. Nous ne donnerons ici que la synthèse de ces entretiens. Seuls 3 planteurs dépassent la quarantaine, ce sont des employés reconvertis à la fin des années 1980 (1986-1987) dans la culture du cacao qui ont eu connaissance de ces terrains parce qu’un parent ou eux-mêmes se trouvaient à Sassandra (comme chauffeur dans une des scieries à la Sodepalm28), ou quelques licenciés économiques « conjonctures ».
56Poli-Brousse accueille donc massivement les trentenaires ou les tout jeunes chefs de familles d’une vingtaine d’années (de 24 à 28 ans), ayant acquis de petites parcelles (2-3 ha) dans la fin des années 1990 (15 après 1995), et qui n’ont pas encore dû ou pu les agrandir, l’achat d’une nouvelle parcelle étant leur projet immédiat. Pour bonne part, ces derniers se sont vus négocier la parcelle par des « frères » ou « oncles » ayant des plantations à 20 kg, Blaou ou Lonua, pour lesquelles ils avaient travaillé quelques années, ou chez lesquels ils se sont réfugiés après quelques essais infructueux de culture dans les villages d’origine, au nord. Mais les touts jeunes, fils des premiers migrants, peuvent ne jamais avoir vécu en savane et se voir « installés » par leurs pères. Dans ces forêts négociées par les aînés pour leurs dépendants dans la fin des années 1990, il était encore possible de choisir la terre rouge, la meilleure. Situées à l’extérieur nord-est de la forêt classée, sur les terres neyo ou bakwe, les parcelles ne sont pas soumises au contrôle de la Sodefor et accueillent quelques expulsés de la zone classée ou ceux qui, prudents, ont anticipé cette expulsion et ont réussi à vendre les hectares de forêt classée défrichée à de nouveaux arrivés étrangers mal informés. Cependant, le prix de l’hectare est passé de 60 000 FCFA en 1994 à 70-80 000 en 2000 et les nouvelles installations à Poli-Brousse sont de plus en plus difficiles.
57Rares sont les plantations qui produisent et tous vivent de la vente de légumes ou de riz lorsqu’ils disposent de bas-fonds exploitables. Si les pièges peuvent encore capturer quelques rongeurs pour la consommation familiale, les chasseurs au fusil ne trouvent plus le gibier espéré qui, d’après eux, n’aurait plus de lieu où se réfugier, les forêts étant « épuisées ».
58Plusieurs de ces exploitations ont été reprises au décès du planteur par des frères, abandonnant éventuellement pour cela un emploi salarié. La plantation de cacao apparaît encore comme un revenu plus assuré, ce que confirme un autre exemple où les frais d’obtention d’un permis de conduire ont été conditionnés à la promesse d’exploiter la parcelle de forêt offerte conjointement par le parent fortuné. Ces plantations sont clairement données par nos interlocuteurs plus âgés comme l’héritage (ti-zra) qu’ils légueront à leurs enfants avant de se retirer dans leur village d’origine et qui se transmettra, nous l’avons vu, selon les règles gouro de succession adelphiques.
Première installation sur la route de Soubré d’où viennent les planteurs : Blaou
59Dix personnes ont été rencontrées dans le village de Blaou souvent cité par nos premiers interlocuteurs. Hormis deux jeunes (27 et 29 ans) qui ont repris respectivement la plantation de leur père et celle de leur tante, tous ont près de cinquante ans ou l’ont largement dépassée (de 46 à 67 ans). Ils sont originaires des régions nord, soit de Gohitafla, et de Zuénoula, et si la plupart sont venus après 1982, quatre d’entre eux étaient descendus vers San Pedro dès la fin des années 1970, après l’ouverture du port international, auprès de membres de leur famille dont un mécanicien « chef des Gouro » (donc premier arrivé) de San Pedro. Les motifs de migration de ces derniers semblent tenir à une insertion sociale ou économique fragile dans le village d’origine (l’un, orphelin de père, a dû louer ses services dans la région de Sinfra pour gagner l’argent de la dot de sa femme, les plantations des autres ne « donnaient » pas à cause de la sécheresse). Parmi ceux qui se sont installés après 1982, après que leurs plantations villageoises ont brûlé, se trouvaient des artisans (un tisserand, un couturier) qui ne pouvaient survivre de leur activité au village tout en cultivant le coton, très exigeant en temps. Les ont rejoints les licenciés économiques (« compressés ») de la ville, un coiffeur ayant tenté sa chance à Abidjan, deux employés de brasserie. Leur âge au moment de l’enquête, et les récits de leur histoire témoignent de la nécessité dans laquelle se trouvaient ces hommes d’assurer la survie de leur famille (ils avaient tous plus de 30 ans et des enfants à charge au moment de l’installation). C’est avec leurs économies ou avec leurs indemnités de licenciement qu’ils ont acheté leurs premiers hectares (en moyenne 4) quand un frère ou une sœur ne leur prêtait pas l’argent (deux cas). Trois ont obtenu leur forêt grâce à des contrats de travail avec les Bakwe. La plus grande surface « achetée » était de 12 ha (prix : 35 000 ha alors qu’autrefois, en 1985, il était payé 20 000 et 25 000 en 1988)
60Dans cette localité, plus de la moitié des planteurs ont entre 0,5 et 2 ha en café (c’est-à-dire entre un septième et la moitié de leur parcelle) mais les arbustes vieillis ne semblent pas bien donner, l’un d’eux ne le récolte même plus. Le cacao meurt au bout de 5 à 8 ans et les 12 ha défrichés en vain ont alors été replantés en teck, sans plus de succès. La production en cacao, faible d’une façon générale, diminue au fil du temps, lorsque les plants « consentent » à donner. Certains envisagent de se lancer dans la pisciculture. Tous, sauf un, vivent de la vente des légumes de leurs femmes et parfois d’excédents de riz lorsqu’ils disposent de bas-fonds. Les pièges ne donnent plus et la plupart doivent acheter du poisson.
61Nous l’avons vu, ces hommes dans la force de l’âge, emploient prioritairement leurs revenus à assurer l’avenir de 6 à 20 enfants. Ils supportent les frais de scolarité ou d’apprentissage et « installent » ceux de leurs fils qui se destinent à l’agriculture, mais l’épuisement des forêts disponibles les oblige à négocier ces installations ailleurs, actuellement vers Monogaga. Aucun n’a réussi à finir de construire de logement de location en ville, ni de maison au village, un seul a commencé une construction à Zuénoula (la ville la plus proche de son village d’origine). La diminution de productivité ou la mort des plantations sonne comme l’échec d’une quinzaine d’années de dur travail sur des terres acceptées, faute de mieux, mais dont la fertilité fut mal évaluée. Il eut été cruel, lors de l’enquête, de s’attarder sur ce sujet douloureux, mais le désarroi des planteurs les plus « malchanceux » était manifeste.
Bonon et Asproa
62Il est intéressant de dresser un rapide tableau de ce qui se passe dans le parc de la Marahoué sachant que nombre de migrants sont descendus dans les régions de San Pedro et Sassandra du fait de l’impossibilité de s’installer dans le parc où nombre de sinistrés des feux de brousse de 1983-1984 avaient immédiatement trouvé refuge. Les habitants des villages de la piste Zuénoula-Bouaflé ont d’abord établi des campements, devenus la localité d’Asproa au nord du parc, entre Bogopinfla et Danagoro où la forêt n’avait pas brûlé. D’autres ont traversé le parc jusqu’au sud, sur des terres appartenant aux Gouro de Bonon. Les planteurs installés en 1985 ont été chassés plusieurs fois, leurs jeunes plants coupés et ils se sont vus imposés de lourdes amendes et parfois des peines de prison. Mais leur pugnacité est, semble-t-il, venue à bout de la répression car certains ont jusqu’à 20 ha de plantations dont 10 produisent. D’autres ont 9 ha, dont 5 ha en exploitation, et ce dans les zones correspondant aux « sanctuaires » prévus par Conservation internationale. Les prix y ont flambé, l’hectare se vendait 100 000 FCFA et plus en 2001, (et parfois à plusieurs personnes en même temps). Néanmoins, la production de cacao diminue au fil des années, la sécheresse s’accentuant, et les planteurs de cette zone combinent revenu du cacao et vente des légumes29. Aucun des migrants connus n’a réussi jusqu’alors à se constituer une rente secondaire conséquente. Les maisons du village, dont les murs avaient été érigés avant les feux de 1983 et les toits tout juste couverts de tôle, attendent toujours leurs boiseries. Ces planteurs s’épuisent à financer les études d’enfants dont l’avenir reste incertain. Cette impossibilité de rentabiliser et de réinvestir leurs revenus tiendrait, selon eux, au fait que, plus proches géographiquement de leurs villages d’origine, ils subissent plus facilement les pressions des parents venus les « aider », pour partager le fruit de leur travail. Ces planteurs sont désormais contraints d’entamer les zones sanctuarisées pour étendre leurs champs. Pour qu’ils y renoncent, les autorités du parc de la Marahoué proposent des dédommagements financiers conséquents mais se voient opposer un refus d’autant plus ferme que les planteurs sont convaincus que ce pécule fondra comme neige au soleil dès que leurs parents en auront connaissance. Ils citent en exemple les expropriations faites dans la région de Bouafla par une société exploitant le soja, ou plus au nord par la Sodesucre où aucun des propriétaires fonciers indemnisés n’a été, à leurs yeux, en mesure d’effectuer le moindre investissement durable 30.
Réalité des stratégies de survie
63Trois à quatre ans sont nécessaires avant que le cacao ne produise pendant lesquels tous vivent de la vente de légumes, production féminine, que les planteurs sont souvent conduits à cultiver eux-mêmes lorsque leur épouse est restée au village ou, autre occurrence plus favorable, lorsqu’elle s’est installée à la ville (San Pedro ou Sassandra) comme vendeuse (de légumes) au marché. A défaut, certains hommes louent leurs bras comme journaliers. La chasse et le piégeage, s’ils fournissent les protéines nécessaires à la ration familiale, ne peuvent constituer une source de revenu pour un planteur et très rares sont les chasseurs qui y consacrent leur temps. Disposer de bas-fonds permet aussi de cultiver du riz en quantité. L’analyse de nos entretiens montre que, loin d’être une ressource provisoire, le revenu tiré de la vente des légumes ou du riz reste essentiel. Il garantit toujours la possibilité d’acheter poisson, huile et ingrédients divers pour les sauces, et parfois même de financer la scolarité des enfants. Alors pourquoi tant de peine à exploiter des parcelles de cacao dont la production n’est pas toujours au rendez-vous ? La fluctuation des cours des légumes, nous dit-on, rendrait improbable la possibilité de compter sur ces cultures pour mettre de l’argent de côté et les grands planteurs de Bonon par exemple assurent ne pouvoir survivre sans entamer les revenus du cacao.
Cacao (et café) comme rente ?
64Si les revenus de pratiquement tous les planteurs rencontrés proviennent des légumes, mais qu’ils dénient cette évidence et mettent en avant la culture du cacao, c’est bien que ce dernier tient son importance de la rente qu’on espère qu’il assurera. L’exemple de ceux qui ont réussi à faire construire à la ville des logements de location soutient ces espoirs. Mais sur la cinquantaine de planteurs rencontrés, un seul a pleinement réalisé ce projet et deux sont en passe de le faire. La plupart investissent dans l’éducation de leurs enfants (scolarité, apprentissage), ou tentent de leur donner une situation en leur procurant une parcelle de forêt et sursoient à leurs projets qu’ils pensent réalisables à terme.
65Mais comment envisager, dans ce cadre, l’installation de jeunes dans les forêts littorales improductives et de plus, situées dans les zones de protection d’où ils risquent se faire chasser ? Comment, à un autre niveau, comprendre l’échec de grands planteurs de Bonon (20 ha) dont même la maison du village d’origine n’est pas finie ?
66La rente prévue dans ces deux cas reste bien aléatoire et vain l’énorme travail de défrichage et d’entretien des plantations pour, au pire, assurer une survie grâce à la vente des légumes. S’en tenir à la réalité des faits les mettrait en accord avec les préconisations de la Sodefor. Or cette éventualité s’avère impensable : ce serait retomber en enfance nous disent-ils (« faire des légumes c’est comme un enfant qui fait un jardin… il faut faire des choses d’homme (i.e. du cacao) »). Les jeunes Gouro venus à Moussadougou « faire leur vie » n’envisagent pas de renoncer à couper des plantations, quelle que soit la réalité de l’échec annoncé. Nous avons vu qu’être « installé » leur confère le statut de « chef de maison », première étape, mais étape nécessaire à l’accomplissement de leur vie d’homme.
Conclusion
67Déployer ainsi les motivations des migrants gouro et déterminer les contraintes sociales auxquelles ils sont soumis mettent en évidence le fait que s’exacerbe actuellement la nécessité pour eux de s’assurer de rentes pérennes, ici sous forme de plantations, dans la mesure où persistent les charges à assumer par les aînés tandis que se dilue la solidarité des plus jeunes. Il devient alors impératif d’assurer l’autonomie de chacun, tout au moins socialement, et cela par l’installation sur une parcelle. Dès lors importe moins la rentabilité de la plantation que l’identité sociale que celle-ci confère. Ce qui explique les installations en zone littorale et l’acceptation de ne tirer les revenus des ménages que de la vente des légumes. Face à ces impératifs sociaux, les injonctions et brimades des organismes gestionnaires des forêts classées sont de peu de poids. Mais cette analyse montre que le cacao est donné comme une première étape vers des « réalisations ». S’agit-il alors pour eux de biens ou de patrimoine lorsqu’il s’agit de convertir, dès que possible, les revenus produits en patrimoines plus durables, lesquels doivent jouer le rôle de rentes pouvant être redistribué pour sinon s’agréger, du moins retenir les dépendants ? Ainsi la richesse reste essentiellement sociale. A suivre ce raisonnement, lever la pression sur les réserves naturelles demanderait d’assurer aux agriculteurs la possibilité de se constituer des rentes régulières, réguler la commercialisation des légumes serait l’exemple le plus immédiat.
68Dès lors y a-t-il opposition entre les objectifs patrimoniaux de la Sodefor et ceux des Gouro ? Si l’on s’en tient à la réalité économique à court terme non, car cet organisme préconise ce à quoi se tiennent les migrants gouro, à savoir la culture des légumes et du riz qui assure la survie de ces derniers. Mais d’évidence oui, car le défrichage de parcelles pour planter du cacao, ce qui fait le sens de la migration gouro, détruit dans le même temps le couvert ligneux que la Sodefor entend préserver. L’identité de ces migrants ayant choisi de descendre vers le sud repose, si l’on peut dire, sur la déforestation, quelle que soit la rentabilité de l’exploitation du cacao.
69Ainsi, et paradoxalement, la mise en patrimoine par l’État des forêts guinéennes de la Marahoué, ou des forêts littorales de Monogaga les transforme en zones très convoitées par les populations originaires des régions déforestées, comme les Gouro du nord de la piste Bouaflé-Zuenoula. Leur statut de forêt classée, qui exclut toute attribution foncière légale ce qui est devenu la règle sur le reste du territoire, laisse perdurer l’ancien système de négociation de droits d’accès entre populations autochtones, ici se pensant dépossédées par l’État de leurs terres, et migrants accueillis. Mais ce contexte ne peut que flouer ces migrants placés dans l’obligation de se constituer un patrimoine plus sécurisé hors ces zones avec le revenu procuré par les plantations coupées en forêt classée. Certains de ces planteurs, nous l’avons vu, sont dans une impasse et seraient demandeurs d’activités leur assurant un revenu stable. La patrimonialisation exogène des forêts ne pourra se faire qu’au prix de réorganisations économiques assurant ce revenu, processus qui dépasse le simple contexte local.
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Notes de bas de page
1 Revues dans Barnes, 1990 ; Martin, 1991 ; Grainger, 1993, sur lesquels se fonde le bilan diffusé par la FAO en 2000.
2 D’après Martin (1991), le pays aurait perdu plus de 14 500 km2 de forêt entre 1980 et 1985.
3 Voir le programme d’évaluation rapide mené par l’ONG « Conservation internationale » (1999).
4 Dernière forêt littorale classée en 1973, elle est considérée comme le plus bel exemple de forêt littorale (Ake-Asi, 1997). D’après les premiers habitants de Moussadougou, elle aurait commencé à être entamée par le nord, certaines parcelles ayant été attribuées aux Baoulé chassés de leurs terres par le barrage de Kossou.
5 Voir en particulier l’évolution du couvert forestier dans cette zone de contact forêt-savane (Haxaire, 1994).
6 Les agents sont des fonctionnaires, rattachés tantôt au ministère de l’Agriculture et des Ressources animales (Minagra) tantôt au ministère des Eaux et Forêts.
7 Dans le parc de la Marahoué, il est proposé de délimiter une zone de protection intégrale au centre, une zone écotouristique au sud de Danangoro et trois zones agroforestières aux trois extrémités du parc (CI., 2001).
8 Respectivement Tectona grandis L, Gmelina arborea Roxb., Terminalia superba Engl., Terminalia ivorensis A. Chev.
9 Soit avant les événements qui ont bouleversé la Côte d’Ivoire.
10 Dans la région du pays gouro où a été menée l’enquête, la terminologie de parenté est de type omaha.
11 Le palmier à huile est la première des nourritures dans le mythe, c’est lui qui permet de survivre avant que des champs ne produisent, il autorise donc la segmentation.
12 Il a d’abord appris à sarcler les ignames, à semer le riz, à récolter arachides et riz, mais il n’est pas encore autorisé à récolter les tubercules qu’il risquerait d’abîmer, et il n’a pas la force suffisante pour faire les buttes d’ignames.
13 Les aléas consistent essentiellement en maladies, décès et funérailles.
14 Ainsi, un grand chanteur ou danseur, un chasseur d’exception, un grand guerrier, se verront, le cas échéant, placés dans une situation d’autorité (chef de guerre par exemple) durant les événements correspondant à sa fonction, pour retrouver sa place dans l’organisation lignagère une fois sa tâche accomplie.
15 Les anacardiers brûlent lors des feux, et la société qui devait gérer la commercialisation des produits de ces petites exploitations de palmiers s’est dissoute dans la nature.
16 « Il faudra qu’on sache qui tu es ».
17 En effet, « ceux qui ont fait des « réalisations », même « compressés », ne retournent pas au village ».
18 Sinon « à la fin ses enfants souffriraient, quand il serait vieux, il n’aurait rien à leur laisser ».
19 Mais « si tu n’as rien réalisé, on ne t’écoute pas quand tu parles – « ah, on a déjà dit cela » – « … Tu n’es pas considéré » ; « Quand ton petit frère de la ville vient, il t’envoie chercher du vin de palme (idest : tu es son boy) ».
20 Dans le cadre du projet de recherche de l’UR 026 de l’IRD sur la forêt classée de Monogaga.
21 À savoir : date d’installation – village d’origine – circonstances de la migration – surface cultivée – modalité d’achat de la parcelle – jouissance d’un bas-fond – choix de la terre ou non, si oui, selon quels critères – type de culture (espèce de cacao) – légumes – mode de survie en attendant les premières récoltes de cacao – piégeage, chasse – projets.
22 Car dans les plantations mossi de ces zones les cacaoyers poussent en hauteur sans produire.
23 Rapidement construite d’argile sur une structure de bois.
24 Hormis le chef des Gouro (venu en 1982 lorsque son frère douanier eut acheté pour lui, une des trois plantations de migrants dioula, frères de Moussa, installées dans la forêt), et une femme-puissante (gonin-li), commerçante de légumes à San Pedro.
25 Les chasseurs restent en forêt la semaine et reviennent à Moussadougou la veille du jour de marché. Chaque revendeuse a ses chasseurs attitrés à qui elle fournit les cartouches et à qui elle rachète le gibier, pour des prix fixés. Les acheteuses qui viennent de la ville sont, elles, en contact avec les revendeuses. Le revenu hebdomadaire d’un chasseur atteint de 25 000 à 80 000 FCFA.
Tous les planteurs ne sont pas chasseurs, ni pêcheurs, mais la plupart posent des pièges à petits rongeurs, qui se raréfient néanmoins. Les excédents peuvent être vendus (500 F CFA par exemple le rat, ou 3 à 400 F CFA lorsqu’il s’agit de fournir le petit restaurant, le « maquis », local). Ces activités n’apportent donc plus de ressources aux familles qui, de plus, doivent prélever sur la vente des légumes pour acheter du poisson.
26 Pour l’un parce que le sol n’était ni trop blanc, ni trop argileux, et qu’on notait la présence de certains grands arbres. Pour l’autre parce que les plantations voisines faisaient augurer d’une bonne fertilité.
27 En particulier le samba, Triplochiton et un Piptadenia.
28 Société mixte d’exploitation des palmiers à huile.
29 Qui, à eux seuls, n’assureraient cependant pas un revenu suffisant.
30 Il faudrait, disent-ils, que cette transaction se fasse en secret, ce qui est illusoire, ou qu’il leur soit proposé une exploitation, une entreprise, pérenne, de revenu équivalent, dont le capital ou les installations se trouvent hors d’atteinte de possibles redistributions.
Auteur
Claudie Haxaire, ethnopharmacologiste, département de Sciences humaines, faculté de Médecine, BP 815, 29285 Brest cedex.
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