La préservation environnementale dans la réglementation territoriale brésilienne
p. 123-126
Texte intégral
1Le progrès de la prise en compte des risques générés par l'urbanisation dans le domaine législatif au Brésil résulte de l'action des mouvements sociaux, en particulier l'écologie1 qui depuis sa naissance dans le pays a organisé des campagnes de dénonciations et de revendications pour une action effective des pouvoirs publics. Ils correspondent à l'évolution des préoccupations environnementale au Brésil dont l'apparition peut être trouvée au début des années 1970, c'est-à-dire au moment où la capitale fédérale commençait à se développer comme une agglomération urbaine. L'aspect écologique dans les plans territoriaux est d'abord apparu en terme de préservation des ressources naturelles utiles à l'homme, comme la protection des cours d'eau pour ne pas compromettre l'approvisionnement de la ville. Au cours des années, ce point de vue s'est élargi jusqu'à concevoir le milieu naturel comme une réserve de diversité biologique nécessaire à l'homme et mieux incorporer ses rapports avec le milieu urbain, par exemple dans la création des conditions climatiques locales.
2Cependant, seuls certains aspects de la législation nationale récente ont donné lieu à la création de normes générales liées aux paramètres et aux indicateurs de qualité environnementale : l'article 225 de la Constitution fédérale, deux importantes lois antérieures et l'arrêté 001/86 du Conama (Conselho Nacional de Meio-Ambiente). Les textes légaux pour le Distrito Federal ont été la loi 041/89, les lois 208 et 216/91 et 353/92.
La prise en compte de l'environnement dans la législation nationale
3Avant la Constitution nationale, certaines lois ont cependant traité de l'environnement dans le sens d'une protection des ressources naturelles. Le Code des Eaux et le Code des Mines ont été votés dans les années 1930. Le Code forestier dans les années 1960. De 1960 au début des années 1980, les normes traitaient séparément des aspects liés à l'environnement tels que la santé, le trafic routier, la faune, la pêche, la pollution et la sectorisation industrielle. Ce n'est qu'après le vote de la loi de Politique nationale de l'environnement (loi 6938/81) que s'est produite l'intégration des moyens et des mécanismes de prévention à ceux du contrôle environnemental. De tels moyens étaient déjà progressivement mis en œuvre dans le processus d'aménagement urbain, en particulier ceux touchant les autorisations de fonctionnement des activités potentiellement polluantes et l'établissement de normes de qualité environnementale.
4Dans la hiérarchie des normes légales, il revient à l'Union fédérale de fixer les normes générales, puis aux États et aux communes de fixer les normes complémentaires plus restrictives. Une loi hiérarchiquement inférieure ne peut jamais aller à l'encontre d'un dispositif de norme supérieure. Les exigences prévues dans ces lois ont visé à sauvegarder l'équilibre et la protection du milieu naturel. Les mécanismes prévus sont soit d'ordre préventif, soit de contrôle dans un registre clair de préservation.
5L'avancée la plus importante s'est produite lors de l'insertion dans la Constitution fédérale de 1988 d'une section spécifique. Dans l'article 225, alinéa IV, elle détermine que : Tous les citoyens ont droit à un environnement équilibré, bien commun à l'ensemble du peuple et essentiel à une vie saine, les pouvoirs publics et les collectivités ayant le devoir de le défendre dans l'intérêt des générations présentes et futures. La Constitution a également garanti les progrès antérieurs à sa promulgation et désigne les pouvoirs publics comme responsables du respect de cette obligation. Dans la loi 6983 de 1981 était déjà prévue la réalisation d'études d'impact environnemental pour toute activité susceptible de causer une dégradation du milieu naturel.
6Cette loi énonce, comme moyens de la politique nationale de l'environnement, aussi bien l'autorisation de fonctionnement et de contrôle des activités réellement ou potentiellement polluantes, que le système d'unités zonales de gestion au niveau de la Fédération, des États et des communes.
7Auparavant, d'importants progrès dans la prévention avaient été réalisés grâce au Code forestier (loi 4750/64). Ce code, actuellement révisé par le Congrès national, donne lieu à des conflits d’intérêt acharnés et contradictoires d'intérêts entre les représentants des acteurs ruraux et les écologistes. Mais grâce à lui, des zones sensibles du paysage national ont pu être préservées sous un label normalisé de zones de préservation permanente telles que : la forêt bordant les cours d'eau ; les lacs ou les réservoirs d'eau naturels ou artificiels ; les sources et les mares ; le sommet des monts et chaînes de montagnes ; les coteaux dont la déclivité est supérieure à 45 degrés ; les bords des plateaux, à compter de la ligne de rupture du relief, et correspondant à des surfaces d'au moins 100 mètres de large en projection horizontale. La protection envisagée englobe aussi les bois et tout type de végétation atténuant l'érosion des terres, protégeant les bords de routes et de voies ferrées, ou abritant la faune ou la flore menacées de disparition.
8Des mesures plus récentes ont pour objet la garantie de la qualité environnementale. L'arrêté/Conama 001/86 structure le EIA/RIMA (Estudo de Impacto ambiental et son rapport : Relatório de Impacto de Meio-Ambiente) et rend obligatoire un contrôle des projets d'urbanisme dépassant une surface de 100 ha. En incluant dans cet arrêté les projets d'expansion urbaine de grande envergure, les législateurs se sont efforcés de limiter les impacts de l'urbanisation. Cet arrêté cherche à corriger le fait que la croissance urbaine et la spéculation immobilière au Brésil aient totalement échappé, dans les années 1980, au contrôle des organes gouvernementaux. Pour preuve l'important débat autour du projet de loi fédérale 775/832 et des instruments associés, au niveau national, à mettre en place pour contrôler l'usage urbain du sol et l'accès individuel par rapport à la fonction sociale de la propriété.
La législation environnementale au niveau du Distrito Federal
9En ce qui concerne la législation du Distrito Federal, citons la Politique environnementale du Distrito Federal, loi 041/89, votée deux ans après la structuration du secrétariat de l'Environnement en 1987. Cette loi reflète les préoccupations de la loi fédérale, en particulier touchant la question de l'adéquation d'activités socio-économiques rurales et urbaines aux exigences de l'équilibre environnemental et des écosystèmes naturels. Cette loi stipule que l'occupation rurale ou urbaine, de quelle que nature qu'elle soit, doit obéir à des normes, à des critères écologiques et à des techniques d'utilisation, d'entretien, de préservation et de prévention de la dégradation environnementale. Les projets de lotissement du sol devaient donc dorénavant, obtenir l'agrément du secrétariat à l'Environnement, la Science et la Technologie qui vient d'être créé. Cette loi a également confié à ce secrétariat le contrôle et l'inspection écologique des activités concernant l'assainissement, l'approvisionnement en eau, le drainage des eaux pluviales, la collecte et le traitement des égoûts et des déchets.
10Tels ont été les moments fructueux de la législation environnementale dans le Distrito Federal. Ces nouvelles règles auraient dû orienter les nouvelles implantations urbaines suivant des critères écologiques, notamment dans les Zones de préservation environnementale (APA) de São Bartolomeu et de Descoberto, qui visaient à rendre possible l'encadrement de l'implantion urbaine par une planification environnementale.
11Pour ce qui est de l'administration environnementale urbaine, les arrêtés du Conama, mentionnés ci-dessus, définissent les normes concernant l'eau, l'air et le sol et fixent les limites maximales de concentration de substances nocives à la santé publique et à l'environnement. Cet ensemble de normes a été apuré mais sert de référence aux différents acteurs lors de la formulation de projets publics communautaires.
Notes de bas de page
1 L'histoire du mouvement écologique brésilien est peu significative jusqu'à la fin des années 1970. Mais après cette période, ce dernier acquiert une grande importance. Pour plus d'informations, consulter Hector Leis (1992) qui évalue toute la trajectoire de ce mouvement en soulignant les périodes les plus représentatives pour les progrès ayant entraîné des modifications ou l'établissement de nouveaux moyens institutionnels et juridiques au Brésil.
2 Ce projet de loi a mobilisé des acteurs opposés : tandis que les acteurs favorables avançaient dans la discussion des divers moyens prévus et recherchaient des alliances, les représentants du secteur immobilier se constituaient en lobby de résistance auprès du Congrès. Le conflit a perdu de son importance au moment de l'élaboration de la nouvelle Constitution qui a donc annulé la précédente et rendus caduques les projets de lois qui lui étaient associés.
Auteur
Géographe, doctorat en géographie (université de Paris-I et université de São Paulo), chercheur associé du Bureau d'études urbaines et régionales de l'université de Brasília NEUR/CEAM et à l´École normale supérieure de Paris.
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