Introduction
p. 115-118
Texte intégral
1À l'époque de l'initiation du projet urbanistique, la préoccupation environnementale était un objet de débat sans pour autant qu'elle fût d'importance suffisante pour être intégrée lors de la réalisation du projet. Brasília a été implantée dans la région du Centre-Ouest. Cette région est composée des trois États de Goiás, Mato Grosso et Mato Grosso do Sul. Elle correspond à 18 % (1 599 062 km2) du territoire national et le front pionnier agricole s'y est développé depuis les années 1930. Le relief est fait de vastes surfaces planes et de plateaux sédimentaires où les sols sont de faible fertilité naturelle et très vulnérables à l'érosion. Le climat est tropical continental, avec deux saisons bien tranchées, la sèche et la pluvieuse. Il s'agit du cœur du domaine originel de la savane arborée brésilienne, le cerrado. Cette formation végétale couvre à l'origine une vaste aire de 1 890 278 km2 répartie sur les 14 États de l'intérieur du Brésil : Mato Grosso, Mato Grosso do Sul, Pará, Goiás, Tocantins, Minas Gerais, Rondônia, Piauí, Bahia, Roraima, Amazonas, São Paulo, Amapa et Maranhão. Elle est aujourd'hui en voie de disparition de par l'intensification de l'occupation humaine du territoire, les activités minières et agricoles et l'expansion urbaine. Elle est donc très menacée alors que la diversité végétale et biologique qu'elle abrite constitue le seul autre réservoir des richesses naturelles brésiliennes après l'Amazonie.
2Contrairement au reste de la région, les réserves hydriques dans la zone du Distrito Federal, tant en ce qui concerne les eaux superficielles que les souterraines, sont très faibles. Cela résulte de la conjonction entre des altitudes situées entre 700 et 1 300 mètres, et une situation de plateau à l'extrême sommet des bassins versants des fleuves de l'Amazone, du São Francisco et du rio de la Plata. En conséquence, la vulnérabilité naturelle du cerrado est beaucoup plus importante sur ce plateau, lieu choisi pour implanter la capitale.
3Ce n'est qu'un an après l'inauguration de la capitale, en 1961, que le Parc national de Brasília, dans la région d'Águas Emendadas, au nord-ouest du Plano Piloto, a été créé avec l'objectif clair de protéger la faune et la flore locales ainsi que les eaux de la retenue du barrage Santa Maria1. Il faut attendre 1975 pour que la réserve écologique suivante, celle de l'IBGE2, au sud du Plano Piloto, soit créée. Les autres espaces de préservation seront mis en place durant les années 1980 sous diverses appellations : aires de protection environnementales et aires d'intérêt écologique majeur où l'agriculture et la résidence sont permises mais réglementées ; station écologique (fermée au public), parc écologique, jardin botanique et parc (ouverts au public). L'ensemble de ces réserves couvre actuellement plus de 50 % de l'espace du Distrito Federal.
4Les exemples de l'augmentation des risques liés à la croissance urbaine sont nombreux, mais le plus important reste la politique des lotissements menée durant les années 1990 dans le Distrito Federal. Elle a amené la régularisation d'anciennes occupations illégales de terrains et causé une augmentation de la densité démographique et des surfaces loties. Ce processus a intensifié la disparition de la végétation originelle du cerrado, provoquant un accroissement de l'érosion des sols, et l'accumulation des sédiments dans les cours d'eau et le lac Paranoá. Les légalisations des lotissements de Vila Planalto et Telebrasília, l'urbanisation le long des voies d'accès aux cidades satélites de Taguatinga et Guara ont créé un continuum urbain dans les bassins hydrographiques qui drainent les eaux vers le lac Paranoá. Ces nouveaux dangers apparaissent à cause de la suppression des remblais et protections naturelles, de la modification de la topographie, du relief naturel, sous l'effet envahissant de l'urbanisation. Dans la plupart des cas, ils correspondent ainsi à l'absence de prise en compte des conditions de site par les acteurs privés et publics du marché immobilier intervenant dans le Distrito Federal.
5Il s'agit ici d'analyser la façon dont a été traité le problème environnemental, en premier lieu dans les rapports qui ont précédé la réalisation du projet de Brasília, ensuite dans le cadre des plans directeurs successifs.
Tabl. X – Quelques définitions de sigles environnementaux en usage.
Parc ou Parc écologique : aire de préservation de la diversité biologique et des beautés naturelles – usage récréatif.
Réserve écologique : aire définie par la loi comme étant de préservation permanente d'arbustes, forêts, sentiers et escarpements.
Aire de protection environnementale – APA : à usages multiples où l'on prétend préserver la diversité du paysage et ses attributs physiques et culturels, en contrôlant l'occupation et en stimulant les actions écologiques, à travers le zonage, le contrôle et l'éducation environnementale.
Aire d'intérêt écologique fort – ARIE : qui possède des caractéristiques naturelles exceptionnelles ou abrite des exemplaires rares ou menacés d’extinction de la flore ou de la faune native.
Aire de préservation des écosystèmes naturels : station écologique, aire de préservation dans l'intérêt de la recherche.
Notes de bas de page
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