Risques sanitaires et gestion des eaux usées et des déchets à Kribi (Cameroun)
p. 257-285
Texte intégral
1Si les pays actuellement développés ont pu mettre en place des systèmes d’assainissement qui restent certes à parfaire, il est à noter que dans les villes d’Afrique, la question d’une gestion efficace des déchets en général et des eaux usées en particulier représente encore une des préoccupations majeures des autorités municipales et des populations qui y résident (Dorier-Apprill, 2006). En effet, les déchets sont généralement déversés dans la nature sans traitement préalable, parfois même dans le voisinage immédiat des lieux d’habitation. Compte tenu de la complexité de cette question et pour éviter une approche trop générale qui ne tiendrait pas compte des particularités locales, nous nous intéresserons aux eaux usées et aux ordures ménagères qui contiennent des produits toxiques, une forte charge en agents pathogènes et en parasites de toutes sortes et qui en polluant les milieux de vie, de loisirs et de consommation exposent les populations à un risque sanitaire permanent.
2Pour saisir les différentes facettes de ce risque sanitaire et réfléchir à une meilleure gestion des déchets, il nous a paru nécessaire d’adopter une démarche pluridisciplinaire qui associe des géographes qui s’intéressent à l’impact du milieu et à la spatialisation des zones à risques, mais aussi des anthropologues qui peuvent dans le même temps analyser les pratiques et les représentations des populations en matière d’hygiène. Parmi l’ensemble des interrogations qui peuvent émerger d’une telle recherche, trois questions nous semblent essentielles : la gestion hasardeuse des déchets à Kribi relève-t-elle de la pauvreté urbaine, de l’incivisme des populations ou de l’inefficacité du système d’assainissement ? La configuration géomorphologique des sites urbains est-elle prise en compte dans le dispositif infrastructurel de l’assainissement ? Au regard du risque sanitaire vécu à l’interface des pratiques sociales (mode de vie), et des pratiques spatiales (utilisation de l’espace aussi bien pour le dépôt que pour le transport des ordures), quels pourraient être les apports respectifs mais complémentaires de la géographie et de l’anthropologie dans une recherche dont l’objectif est de proposer un système sécurisé de la gestion des déchets ?
3Après avoir présenté la zone d’étude, la notion de risque sanitaire est analysée suivant une approche multivariée. Nous faisons ensuite le point sur l’état actuel de la gestion des eaux usées et des ordures ménagères à Kribi pour proposer, in fine les articulations d’un modèle prenant davantage en compte la santé des populations.
Présentation de la zone d’étude
4Kribi est une ville balnéaire moyenne du Sud-Cameroun, située entre 2° 56’ et 3° 02’ de latitude nord et 9° 54’ et 9° 57’ de longitude est (fig. 1). Elle se retrouve dans les basses terres côtières du littoral camerounais avec une altitude moyenne de 20 m (Schéma de développement local de la ville de Kribi, 1998). Le site bâti couvre une superficie d’environ 14470 hectares, avec une population cosmopolite estimée à 40 000 habitants en 2004. Sur le plan climatique, elle bénéficie de la variante maritime du climat équatorial humide, avec quatre saisons. Les précipitations y sont constantes et on enregistre en moyenne 2 900 mm par an. Les températures oscillent entre 24,15°C et 27,88°C. L’activité économique de Kribi est dominée par les trois secteurs que sont le commerce, la pêche et le tourisme.
La gestion hasardeuse des déchets dans la ville de Kribi
5L’analyse qui suit concerne deux types de déchets : les ordures ménagères et les eaux usées domestiques auxquelles on pourrait ajouter les déchets d’origine industrielle pouvant avoir un impact sur la santé des populations.
La gestion des ordures ménagères
6Contrairement à l’impression de salubrité que donne le quartier administratif et résidentiel, la quasi-totalité de Kribi connaît de grosses difficultés d’évacuation des ordures ménagères. Deux filières coexistent : le système municipal de collecte et la gestion individuelle.
7La commune urbaine de Kribi dispose d’un service de ramassage des ordures grâce à deux camions qui passent deux à trois fois par semaine dans les quartiers pourvus de voies carrossables le long desquelles les populations déposent une grande variété de récipients contenant des ordures : seaux, paniers en fibres végétales, demi-fûts, etc. On compte aussi quelques bacs à ordures installés aux grands carrefours, notamment dans le quartier administratif et près des marchés. Lorsque ces différents récipients sont pleins ou lorsqu’il n’en existe pas, les populations déversent leurs ordures à même les trottoirs. Chargées dans les camions municipaux, ces ordures sont ensuite déversées à la décharge municipale située au quartier Mpangou, dans la banlieue sud-est de Kribi, à 5 km du centre-ville où elles ne subissent aucun traitement. Dans le meilleur des cas et lorsque le temps le permet, elles sont brûlées : il s’agit donc d’une incinération sauvage, sans aucun équipement ni aménagement adéquats (planche 1).
8Une récente enquête menée à Kribi a en effet montré que 10 % des déchets produits dans les quartiers résidentiels, 42 % dans les quartiers populaires et 87 % dans les quartiers périphériques de cette ville échappent au ramassage par les camions de la municipalité (Meva’a Abomo, 2006). Il en ressort que la salubrité varie en fonction du type de quartier et de la qualité de la desserte routière. La présence de nombreux tas d’ordures, de demi-fûts de collecte abandonnés illustre bien la difficulté de gestion des ordures ménagères à Kribi.
9Dans les quartiers de Kribi pourvus d’une bonne desserte routière, les populations déposent leurs ordures dans des demi-fûts (1a), des récipients de récupération en plastique ou en fibres végétales (1b, 1c et 1d) le long des routes d’où le camion de la mairie les achemine à la décharge de Mpangou (1e).
10Mais cette décharge n’est en réalité qu’une clairière dégagée dans la banlieue forestière sud-est de Kribi, sur un terrain plat.
11Et, du fait de la régularité des pluies, elle s’est transformée en un étang artificiel d’eau sale propice au développement d’une multitude de vecteurs et d’agents pathogènes de maladies tropicales (1f).
12Dans les quartiers populaires enclavés, les populations jettent leurs ordures ménagères derrière leurs habitations où celles-ci peuvent servir d’engrais naturels pour la culture du bananier ou des plantes à condiment (2a). Les berges et les lits des cours d’eau sont également utilisés (2b). C’est là où la mauvaise gestion des ordures ménagères rejoint celle des eaux usées domestiques dans le processus de pollution organique. Les ménages des quartiers populaires ne disposent bien souvent que de latrines à ciel ouvert (2c). La matière fécale stockée dans ces latrines est généralement évacuée vers les cours d’eau voisins au moyen des canalisations aménagées à cet effet ou à l’occasion des pluies. Il résulte de cet état de fait que les cours d’eau transurbains présentent souvent à leur embouchure un lit vaseux et de couleur ocre, à cause d’une forte charge de matières organiques en suspension (2d).
13L’irrégularité du passage des camions de ramassage des ordures, l’insuffisance du matériel de ramassage et des personnels, ainsi que le manque de voies de desserte dans les quartiers populaires comme Afan Mabé, Talla ou Dombé aggravent la situation. Pourtant, c’est dans ces quartiers qu’on enregistre les densités de populations les plus fortes, ce qui se traduit par la production d’énormes quantités d’ordures ménagères qui pourrissent sur place, surtout en saison des pluies.
14En marge de ce système municipal, on constate que les populations déversent leurs déchets non loin des lieux d’habitation, dans les rigoles, sur le trottoir, dans les touffes d’herbes. On trouve parfois des tas d’immondices à côté d’un bac à ordures vide et les populations disent que cela facilite la tâche des mendiants et des récupérateurs qui se fournissent dans ces tas d’ordures. Cette situation est observable en tout temps dans les quartiers populaires d’habitat précaire tels que Afan Mabé, Mokolo, Dombé, Petit-Paris où il existe une grande promiscuité. La fréquence des pluies et la faiblesse des altitudes font que ces ordures finissent par rejoindre les cours d’eau. Ces déchets, ainsi que le montre la planche 2, ont un double impact. D’une part, ils constituent du fumier pour les jardins potagers qu’on retrouve aux alentours des maisons et d’autre part, ils contribuent pour beaucoup à la pollution des cours d’eau, du fait de la décomposition des matières organiques.
La gestion des eaux usées
15L’eau représente un élément important dans la vie socioculturelle et économique des peuples de la côte. Les cours d’eau sont des endroits très utilisés par les populations (Batanga, Ngoumba, Mabéa, etc.) pour les baignades, la vaisselle, la lessive, la pêche, et même pour des cérémonies traditionnelles. Cependant, sa mauvaise utilisation et sa mauvaise gestion peuvent la rendre dangereuse pour les populations.
16Il existe plusieurs modes d’approvisionnement en eau à Kribi. La diversité de ces sources d’approvisionnement fournit une eau souvent impropre à la consommation et présentant des risques sanitaires plus ou moins importants. La ville est approvisionnée en eau potable à partir d’une station de pompage et de traitement située près de la rivière Kienké qui en est la source, au quartier Dombé. Kribi connaît de véritables problèmes d’approvisionnement en eau potable, liés à la défaillance du réseau de distribution d’eau de l’ex – Société nationale des eaux du Cameroun (Snec), devenue Camwater à l’issue de sa privatisation. Les populations s’approvisionnent généralement plutôt dans les puits, les forages, les rivières, et dans une moindre mesure aux bornes-fontaines. L’eau ainsi recueillie sert à tous les usages, y compris la boisson et la cuisson des aliments (fig. 2). Il est important de noter que seulement un quart des foyers dispose de l’eau courante, que 14,8 % des individus continuent de consommer l’eau du puits et 6,1 % l’eau des cours d’eau, et dans une moindre mesure l’eau de forage sans souci de la qualité.
17Ces puits, situés dans la cour, derrière la maison et même à proximité des latrines, sont généralement mal ou pas du tout protégés.
18L’approvisionnement en eau potable constitue un problème majeur de santé à Kribi. C’est la non-protection de ces sources d’approvisionnement en eau qui fait problème. Les inondations récurrentes liées non seulement à la configuration géomorphologique du site mais aussi à la densité du réseau hydrographique (fig. 3 et 4) et à la forte pluviométrie font qu’il y a une communication osmotique quasi permanente entre les points de ravitaillement en eau (cours d’eau et puits) et les effluents urbains (latrines, caniveaux, décharges, etc.)
19La ville de Kribi ne dispose pas de réseau d’assainissement adéquat. L’évacuation des eaux usées se fait généralement de façon individuelle. Les menaces et pénalités n’étant imposées que sporadiquement aux particuliers et presque jamais aux unités de production ou de transformation des matières premières par le service d’hygiène, la gestion des eaux usées ne semble pas préoccuper les autorités municipales. Celles produites par les ménages sont déversées dans la nature dans tous les quartiers d’habitat précaire comme Afan Mabé, Petit-Paris, Mokolo, etc. En dehors de quelques habitations qui disposent de fosses d’aisance modernes (environ 15 %), la plupart des populations versent leurs eaux usées dans la cour ou encore dans les latrines traditionnelles mal aménagées et à ciel ouvert. La platitude du terrain et la présence de multiples dépressions géomorphologiques font que les eaux usées domestiques déversées dans la nature, évidemment sans aucun traitement, créent de nombreux points de stagnation où se développent une kyrielle de germes pathogènes, de parasites et des vecteurs de maladies infectieuses (cf. Annexe). Ces quartiers populaires présentent par conséquent les risques sanitaires les plus élevés, en rapport avec les eaux usées et les ordures ménagères.
20S’agissant des maisons modernes, généralement implantées dans le quartier administratif, leurs fosses septiques sont vidangées par les sociétés privées de vidange en provenance de Douala. ces déchets sont acheminés vers la décharge des eaux usées du Bois des Singes à Douala (assako assako, 2005), même s’il n’est pas impossible que certains de ces camions soient vidangés dans les fleuves et rivières qui traversent la route Kribi-Douala comme la Sanaga, la Dibamba ou le Nyong. La ville de Kribi ne dispose pas encore d’une station d’épuration des eaux usées et comme nous l’avons constaté avec la gestion des ordures ménagères, même si les modes d’évacuation des eaux varient selon le type de quartier, il existe une gestion anarchique généralisée dans la ville (tabl. 1).
21Au regard de ce qui précède, la gestion anarchique de l’eau compte bien parmi les facteurs de risque sanitaire. En effet, les canalisations diffuses dont les exutoires sont à l’air libre, couplées à la faible altimétrie et à la faible perméabilité des sols, favorisent la stagnation des eaux de surface. Telle est aussi la réalité des cours d’eau dont l’obstruction des lits ralentit l’écoulement de l’eau, déjà considérablement freinée par la planimétrie des bas-fonds.
Déchets industriels et risques sanitaires à Kribi
22Kribi dispose de nombreux hôtels et des installations relatives au terminal du pipeline Tchad-Cameroun. Le fonctionnement de tous ces équipements n’est pas sans danger sur l’environnement et sur la santé des populations. En observant le mode de gestion des déchets dans les hôtels, on peut constater qu’il y a un effort de fait en matière de respect de l’environnement. Les déchets solides sont emballés dans de grands sacs avant d’être transportés par les camions de la municipalité. Les déchets liquides sont déversés dans les fosses septiques et sont collectés par les camions de vidange. Mais cela ne vaut que pour les plus grands de ces hôtels. En effet, les petits hôtels, très nombreux à Kribi, utilisent des fosses à ordures qui présentent un risque certain de pollution non seulement des sols mais aussi de la nappe d’eau souterraine qui se trouve à quelques mètres de profondeur, voire à quelques dizaines de centimètres par endroits. S’agissant des eaux usées, leur mode d’évacuation est identique à celui en usage dans les ménages des quartiers populaires avec l’ouverture des regards des fosses à l’occasion des grosses pluies. Cette pratique présente des risques de pollution du sol et des eaux des rivières et de l’océan, les premières étant les canaux naturels de ruissellement et le second étant l’exutoire, la base du bassin hydrographique de Kribi.
23D’autre part, l’une des stations de réduction de pompage et de traitement du pétrole du pipeline Tchad-Cameroun se trouve au sud-est, à la sortie de la ville. Cette station est située à 300 m de la décharge municipale, dans un quartier où courent de nombreuses rivières comme dans toute la ville (fig. 5). Malgré toutes les dispositions prises par l’entreprise pour limiter les risques de pollution, on enregistre de temps en temps des fuites de pétrole brut qui se déversent dans les rivières environnantes qui charrient ces substances jusqu’à la mer. Car, l’écoulement des rivières et des cours d’eau dans la ville se fait dans le sens est-ouest, c’est-à-dire, de l’intérieur vers l’océan (fig. 3 et 4). Certaines rivières se jettent directement dans la mer, tandis que d’autres rejoignent la Kienké, avant de se jeter dans la mer. Ces substances ont des effets néfastes sur la qualité de l’eau de même que sur les mollusques et crustacés qu’on y trouve.
24Ce qui vient d’être dit au sujet de la station de pompage est également valable pour le robinet de chargement des bateaux situé au large de Kribi, à quelques kilomètres de la plage. Il est possible, à terme, que des fuites de pétrole brut s’y produisent. Sans qu’on puisse déjà établir un lien de causalité, les pêcheurs parlent d’une diminution sensible des prises depuis la mise en service du terminal pétrolier.
Les risques sanitaires liés à la mauvaise gestion des ordures ménagères et des eaux usées
25De façon générale, le risque peut être considéré comme tout danger important menaçant un groupe humain, soit du fait d’un phénomène naturel (on parle de risque naturel), soit du fait de l’action même de l’homme (on parle alors de risque artificiel ou technologique). Ce distinguo a bien été mis en évidence dans le Dictionnaire géographique de P. Baud et al. (2003). En effet, si les premiers relèvent de la géodynamique propre (éruptions volcaniques, érosion, inondations, etc.), les seconds sont quant à eux liés aux évolutions technologiques, ou encore aux comportements de l’homme vis-à-vis de son environnement. Il en est ainsi des mécanismes de pollution sur lesquels nous reviendrons plus loin.
26Autant, pour des besoins analytiques, on peut séparer les catastrophes naturelles des catastrophes anthropiques et (ou) technologiques, autant, à l’épreuve des faits, il devient illusoire de les traiter séparément, compte tenu de l’imbrication des phénomènes géographiques et de cette particularité que ceux-ci ont de s’influencer mutuellement. Ce même constat a été fait par A. Dagorne et R. dars (1999), qui remarquaient fort opportunément que les risques naturels et artificiels sont intimement liés, tantôt par leurs causes, tantôt par les facteurs d’aggravation des dégâts, tantôt enfin par les conséquences des uns et des autres. Des actions humaines peuvent provoquer une catastrophe naturelle et inversement : l’imperméabilisation d’un front de mer densément peuplé peut rendre une banale inondation catastrophique par l’ampleur des dégâts qui pourront en résulter. De même, la rupture d’un barrage peut entraîner une inondation en aval.
27Dans cette étude, nous considérons le risque sanitaire comme une menace permanente d’occurrence des affections pathogènes ou parasitaires engendrées par des pratiques humaines inadéquates en matière de gestion du cadre de vie, plus particulièrement des ordures ménagères et des eaux usées. Le risque sanitaire peut ainsi être considéré comme l’exposition des populations urbaines aux différentes maladies dont la transmission est le fait d’agents pathogènes ou de vecteurs ayant un lien avec les ordures ménagères ou les eaux usées.
28À l’instar de la plupart des villes moyennes d’Afrique, Kribi présente de réels et préoccupants risques sanitaires du fait du développement des quartiers spontanés d’habitat précaire, d’une pauvreté urbaine quasi généralisée et de l’insuffisance (voire de l’absence) des systèmes d’assainissement et de gestion des déchets. Les eaux usées domestiques et les ordures ménagères sont, comme le montre le tableau en annexe, porteuses d’une multitude d’agents pathogènes.
Le risque de maladies hydriques
29La ville de Kribi est sous la menace permanente des maladies d’origine hydrique. Il s’agit des maladies dont les agents pathogènes se développent dans de l’eau souillée par des déchets humains, animaux ou chimiques. Les milieux insalubres et les eaux souillées sont des réceptacles de germes de nombreuses maladies telles que le choléra, les gastro-entérites, la dysenterie amibienne, les helminthiases, etc. (cf. Annexe). Les enquêtes auprès des ménages et les statistiques médicales nous ont révélé qu’après le paludisme, les maladies d’origine hydrique représentent la première raison de consultation médicale (cas de diarrhées et gastro-entérites, fig. 6). Les épidémies de choléra ne sont pas rares à Kribi. Celle de 2004, qui fut en réalité une excroissance de l’épidémie déclenchée à Douala et qui a fait de nombreuses victimes, reste encore dans les mémoires. Elle a particulièrement touché les quartiers Mokolo, Dombé, et Afan Mabé.
30On y enregistre aussi de nombreux cas de dermatoses, infections de la peau, liées au contact avec de l’eau souillée, aussi bien par les eaux usées domestiques que par les hydrocarbures, lors des baignades, de la pêche, de l’extraction du sable par immersion ou des lessives. Il convient de noter que la distribution spatiale de ces maladies permet de constater que c’est dans les quartiers densément peuplés, situés soit dans les marécages, soit au bord d’une rivière tels que Mokolo, New-Bell, Zaïre, Dombé, Afan Mabé qu’on enregistre le plus grand nombre de malades (fig. 7). Ces quartiers font l’objet d’une grande promiscuité augmentant le risque de transmission des coliformes fécaux.
31Nos enquêtes nous ont permis de constater que les déparasitants ou les antihelminthiques sont les principaux médicaments achetés dans la rue. Cette situation nous montre que les populations sont continuellement menacées à Kribi par les maladies du péril fécal.
32Ces conséquences peuvent aussi affecter la pêche locale. Les rivières sont sollicitées par les populations pour la pêche et le ramassage des crustacés. Étant donné que ces rivières doivent posséder de grandes charges de coliformes fécaux, la consommation de ces crustacés augmente le risque de contamination, surtout de ceux qui se mangent crus.
33De par son relief plat (altitude moyenne de 20 m dans le périmètre bâti), son sol argilo-sableux et sa localisation dans les basses plaines côtières avec un faible taux d’infiltration des eaux de pluies, la ville de Kribi est prédisposée à une contamination rapide des eaux de surface et même souterraines. En effet, l’approvisionnement et la consommation de l’eau se font généralement dans les puits qu’on retrouve dans près de 75 % des ménages à Kribi. Ces puits, ainsi que nous l’avons signalé plus haut, sont peu profonds (moins de 5 mètres de profondeur) et mal ou pas du tout aménagés. La configuration du site favorise une contamination par les eaux de ruissellement et la consommation de l’eau qui en ressort peut être un danger pour la population. Cette situation a été à l’origine de l’épidémie de choléra qui a eu de grandes répercussions négatives sur l’ensemble du pays et qui est partie de la consommation par une famille du quartier populaire de Bépanda à Douala de l’eau d’un puits situé à proximité immédiate d’une porcherie traditionnelle (Assako Assako et al., 2005 ; Assako Assako, 2006).
34Cette menace a amené la municipalité de Kribi à organiser les opérations de désinfection des puits de la ville avec de l’hypochlorite de calcium. Cependant, cette initiative connaît encore la réticence des populations qui refusent de payer la somme demandée pour l’assainissement des puits. Dans une pareille situation, des épidémies peuvent surgir continuellement avec des issues fatales.
35L’insuffisance de l’assainissement ajouté à celui du ramassage des déchets génère de nombreux problèmes de santé. On enregistre dans cette ville de nombreux cas de schistosomiases, de choléra, et autres helminthes intestinaux liés à la mauvaise utilisation de l’eau. Ces maladies constituent tout autant que le paludisme des charges de morbidité importante pour les populations.
36Face aux risques sanitaires permanents, on peut s’interroger pour savoir si le système de santé mis en place peut apporter des solutions concrètes en cas d’épidémie.
Le système de santé à Kribi
37À Kribi, le nombre de formations sanitaires de la ville peut laisser à penser qu’il est possible de satisfaire la demande en soins (cf. fig. 8), mais il faut cependant noter que ces infrastructures souffrent pour la plupart d’un sous-équipement en matériel et en personnel. L’hôpital de district est le seul hôpital de moyenne importance et on constate en outre une mauvaise répartition spatiale de ces équipements. Le centre administratif concentre à lui tout seul l’essentiel du personnel soignant. La ville compte au total 68 professionnels de santé (médecins, infirmiers, aides-soignants, techniciens de laboratoires d’analyses médicales), pour une population estimée à plus de 40 000 habitants.
38C’est dans les quartiers où on enregistre de fortes densités de population (Newton, Afan Mabé, Mboa Manga) que, paradoxalement, il n’existe pas de centre de santé. Le centre de santé d’Afan Mabé et celui des sœurs catholiques ne disposent chacun que de deux lits d’hôpital, ce qui réduit les soins aux consultations. Les malades se font examinés et, s’il y a nécessité d’hospitalisation, ils sont obligés d’aller à l’hôpital de district ou dans d’autres centres pouvant les accueillir. La capacité d’accueil de l’ensemble des formations sanitaires de la ville est de 160 lits, soit un ratio d’un lit pour 250 habitants, phénomène d’autant plus problématique que les populations des localités voisines viennent généralement se soigner à Kribi. Au regard de cette situation, il est clair que la ville n’est pas suffisamment armée pour faire face à une forte épidémie de choléra ou de typhoïde.
39Le tableau 2 donne un aperçu général du risque sanitaire à Kribi, sur la base du binôme constitué par les ordures ménagères et les eaux usées.
La prévention sanitaire par une gestion rationnelle des ordures ménagères et des eaux usées
40Une possible amélioration dans la gestion des ordures ménagères et des eaux usées pour minimiser le risque sanitaire, en l’absence d’un système d’assainissement qui prendrait encore plusieurs années à être mise en place, serait d’appliquer la réglementation existante en matière d’hygiène et de salubrité, de prendre en compte la configuration physique du site urbain de Kribi en vue d’une meilleure gestion de l’écoulement des eaux de surface et de sensibiliser les populations.
Aspects juridiques et réglementaires
41Contrairement à ce que laisserait croire la situation de bien des villes du Cameroun, les gouvernements successifs ont beaucoup légiféré en matière urbanistique et environnementale. Dans une étude publiée en 1999, R. J. Assako Assako a effectué un inventaire, montrant que, de la période coloniale à nos jours, le Cameroun s’est doté d’un important arsenal d’ordonnances, de lois, de décrets et d’arrêtés pour réglementer l’occupation du sol en milieu urbain et la protection de l’environnement, l’hygiène et le cadre de vie.
42En ce qui concerne la gestion de l’eau, les textes ci-après peuvent valablement être évoqués : la loi n° 98/005 du 14 avril 1998, portant régime de l’eau, fixe les conditions d’exploitation et d’utilisation rationnelle de l’eau au Cameroun ; et le décret n° 2005/3089/PM du 29 août 2005 portant précision des règles d’assiette, de recouvrement et de contrôle de la taxe d’assainissement et de la redevance de prélèvement des eaux.
43Au titre de cette loi, sont interdits :
tout déversement, écoulement, rejet, enfouissement direct ou indirect dans les eaux de toute matière solide, liquide, ou gazeuse susceptible d’altérer la qualité des eaux de surface ou souterraines ou des mers ;
le nettoyage et l’entretien des véhicules à moteur, des machines à combustion interne et autres engins similaires à proximité des eaux.
44De même, est punie d’un emprisonnement de cinq à quinze ans et d’une amende de dix à vingt millions, toute personne qui altère la qualité des eaux.
45Il ressort de cette situation que ce n’est pas l’absence de législations en matière de conservation et de préservation de l’environnement qui pose problème, mais les incohérences, les fragmentations de celles-ci qui rendent leur application extrêmement difficile. À titre d’exemple et comme le disent si bien P. A. Lekeanyi et al. (2000), il n’existe pas de structure spécifique définissant la politique d’assainissement c’est-à-dire, conception, réalisation, gestion et entretien d’ouvrages, normes de rejets, etc. À cet effet, il est important de réorienter et de mieux définir cette législation en prenant en compte les représentations et les comportements individuels ou de groupes (Assako Assako et al., 2005).
46L’approvisionnement en eau potable et l’assainissement des eaux usées dans les pays en développement constituent l’une des priorités internationales énoncées dans les Objectifs du millénaire, adoptés par l’assemblée générale des Nations unies. Ces objectifs visent la réduction de moitié, d’ici 2015, du pourcentage de la population qui n’a pas accès de façon durable à de l’eau potable et à des services d’assainissement des eaux de base. Cependant, l’un des obstacles à l’application de certains grands projets dans les pays en développement est, au-delà de l’inapplicabilité des réglementations existantes, l’ignorance des populations face aux dangers que représentent certaines pratiques sur leur environnement ou sur leur santé.
Sensibilisation et relance des comités d’hygiène et de salubrité
47La mise en œuvre des politiques efficaces de gestion des déchets passe par la volonté politique et l’éducation des populations sur les risques que ces déchets représentent pour leur santé. Car, dans nos villes, par rapport à l’eau, l’assainissement n’est pas ressenti par les populations comme un besoin immédiat (sauf en ce qui concerne l’évacuation des eaux de pluies au moment d’inondations). Il s’agirait dans ce cas d’organiser des séances d’éducation sanitaires dans les quartiers et même dans les différentes formations sanitaires de la ville. À cet effet, les maladies dont les germes se développent dans des milieux insalubres devraient être au centre de ces journées d’éducation. Les quartiers Afan Mabé, Mokolo, Dombé qui se caractérisent par une grande promiscuité et où on enregistre de nombreux cas de maladies devraient faire l’objet d’une attention particulière. Cet état de chose pourrait aboutir à la mise sur pied des comités d’hygiène et de salubrité.
48Il s’agit ici d’impliquer les populations dans le processus d’assainissement de leur cadre de vie, à travers l’enlèvement des déchets domestiques aux alentours des maisons d’habitations. Il est à noter que plusieurs actions ont déjà été entreprises par la municipalité de Kribi pour gérer les problèmes d’insalubrité constatée dans la ville. On peut citer pour exemple le « Jeudi propre », qui était une opération de nettoyage de la ville par les populations tous les jeudis matin. Dans le même sens, des comités d’hygiène recrutés parmi les populations avaient été installés dans les quartiers et sous la supervision de la municipalité. Cependant, toutes ces actions n’ont duré que le temps de leur création et sur le terrain rien de concret n’est fait. La relance de ces comités devrait s’accompagner de dotation en matériels (pelles, houes, brouettes, machettes…), permettant aux populations de ramasser elles-mêmes les ordures dans les quartiers inaccessibles. De même, des bacs à ordures devraient être installés dans les quartiers, les carrefours et dans le centre commercial, et ceux-ci devraient être vidés systématiquement par les agents de ramassage de la municipalité.
Intensification du ramassage des ordures ménagères et création d’une station d’épuration des eaux usées
49Le service de collecte d’ordures ménagères dont dispose la commune souffre de sous-équipement et le personnel impliqué dans ce travail est insuffisant. Il serait important de renforcer le matériel disponible en augmentant le nombre de camions, d’outils de ramassage et les agents de ramassage. La décharge municipale qui présente de grands risques sanitaires devrait être systématiquement traitée avec des substances qui réduisent l’effet nocif des déchets sur les cours d’eau environnants et même sur le sol.
50Il est tout aussi urgent dans cette ville de développer des réseaux de collectes d’eaux usées et de créer une station d’épuration pour le traitement des effluents dans les zones commerciale, administrative et dans le couloir hôtelier sur emprise maritime. Dans les quartiers non structurés où les toilettes traditionnelles sont mal aménagées, on pourrait envisager un service de désinfection de ces latrines au moins une fois par mois.
Conclusion
51Cette étude visait à montrer comment la mauvaise gestion des eaux usées et des déchets domestiques à Kribi engendre de nombreux risques sanitaires qui contribuent à fragiliser les conditions de vie déjà précaires des populations. Cette situation de menace permanente est la résultante de plusieurs pratiques sociales et spatiales non soucieuses de l’entretien et du respect de l’environnement de vie. De même, la configuration du site et l’inexistence d’un système d’assainissement fiable et adapté se présentent comme des facteurs d’aggravation. À cet effet, la nécessité de mettre en place des techniques et outils d’assainissement respectant la configuration géomorphologique du site et les pratiques culturelles s’impose dans cette ville où la majorité de la population est issue des zones rurales défavorisées. Cependant, un effort de respect des règles d’hygiène et l’entretien du cadre de vie sont attendus de la part des populations. Ce dernier aspect met en évidence la nécessité d’une approche croisée entre anthropologues et géographes pour mieux décrypter le processus de perception et de gestion des interfaces environnement/santé.
Bibliographie
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Annexe
Annexe.
Auteurs
rjassako@yahoo.fr ;
est géographe, professeur à l’université de Yaoundé-1 (Cameroun) et professeur invité dans plusieurs universités françaises. Prix scientifique de l’Agence universitaire de la francophonie pour jeunes chercheurs en 2007, il est spécialiste de la télédétection et des systèmes d’information géographiques appliqués aux milieux urbains et à l’environnement. Ses récentes recherches portent sur l’interface milieux de vie et santé, champ disciplinaire où il a développé un module d’enseignement et créé, à l’École normale supérieure de Yaoundé, le laboratoire Villes-Environnement-Santé (LaVES).
djilocarine@yahoo.fr
est doctorante en géographie à l’université de Yaoundé-1 (Cameroun). Ses travaux portent sur l’interface environnement/santé. Elle travaille, pour sa thèse, sur l’analyse géographique de la pollution et des risques sanitaires dans deux villes péri-métropolitaines de Yaoundé.
Danielbley@aol.com
est anthropologue, biologiste, directeur de recherches au CNRS et directeur adjoint de l’UMR Espace (équipe Desmid, université de la Méditerranée). Il a développé, dans une diversité de lieux et de cultures, des travaux sur le concept de qualité de vie afin d’apprécier la façon dont les hommes s’adaptent à leur milieu de vie. Il anime depuis plusieurs années des recherches interdisciplinaires dans les pays du Sud qui ont pour objectif de comprendre les représentations et les pratiques des populations en matière d’environnement/santé, et s’intéresse en particulier aux maladies transmissibles vectorielles (paludisme au Cameroun, chikungunya à l’île de la Réunion).
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