Introduction à la deuxième partie
p. 123-126
Texte intégral
1On l’a vu, il ne s’agit pas de faire un tour d’horizon des disciplines et des types d’acteurs concernés mais plutôt de s’interroger sur les démarches et procédures de recherche et leur lien à l’action. C’est l’objet de cette partie qui explore le passage de la critique sociale à l’ingénierie.
2Christian Kull, géographe nord-américain, présente la posture de recherche de l’écologie politique scientifique (Political Ecology). Celle-ci s’est développée depuis les années 1980 au sein de la géographie et l’anthropologie anglophones pour rompre avec les études « apolitiques » des problèmes environnementaux. Comment les hommes s’organisent et interagissent avec le milieu naturel, compte tenu de leur position sociale et de leur représentation du monde ? Une utile recension de la littérature sur Madagascar dans ce domaine montre un important corpus produit en anglais depuis la fin des années 1980 en raison de l’accroissement de la présence anglophone dans le secteur de la conservation. Les travaux mettent en évidence des situations de tension entre acteurs quelle que soit leur origine. Les chercheurs malgaches s’inscrivent dans cette orientation en développant des analyses institutionnelles qui s’attachent aux processus de décision à l’échelle des organismes nationaux et internationaux (B. Ramamonjisoa, ce volume) ou au financement du piégeage du carbone à travers l’instrument REDD (J.- R. Rakotoarijaona, ce volume). Dominique Hervé soumet une réflexion sur les outils d’analyse et de prospective à construire pour l’aide à la décision. La modélisation serait susceptible de remplir cette fonction d’appui au politique en apportant des « solutions conciliatrices » Son travail part de l’analyse des dispositifs institutionnels mis en place de façon à décliner les scénarios qui leur sont liés. D. Hervé s’interroge sur le rôle du chercheur « à l’écoute des populations locales et en réponse au politique » au sein de tels dispositifs. Il s’agit bien d’un processus d’interactions entre science et société, connaissance et action où l’objectif est de rendre visible les situations et d’évaluer leur viabilité économique et sociale1. Soulignant la complexité du processus de décision politique, Bruno Ramamonjisoa, chercheur, acteur et expert national, discute les cadres théoriques et méthodologiques de la notion de gouvernance appliquée à Madagascar. Il part de l’hypothèse forte que les problèmes de gouvernance sont à l’origine de la dégradation des ressources naturelles et qu’ils dépassent le cadre strict des politiques de conservation. Il mobilise dans une discussion stimulante le concept d’institution pour interroger le comportement individuel et collectif des acteurs politiques et lui adjoindre une « rationalité contextuelle ou sociale » trop souvent occultée au profit d’une seule rationalité économique. Cela le conduit à introduire la notion de « gouvernance informelle », pour qualifier la logique de l’action des acteurs du Sud. En soulignant les dérives existantes entre les pratiques et les normes, il nous offre une analyse sensible aux situations contextuelle des acteurs et à leur capacité à gouverner.
3Enfin, Estienne Rodary propose une focale sur l’analyse des relations entre l’Afrique du Sud et Madagascar et de leurs relations de proximité et de distance. Les jeux d’acteurs héritent, selon lui, de l’histoire de leur propre pays et de leurs stratégies d’alliance avec les grandes puissances économiques. Les logiques post-coloniales françaises sont confrontées aux ambitions anglo-saxonnes dans le cadre d’une mondialisation aiguisant de part et d’autre la compétition pour l’accès au contrôle des ressources. E. Rodary montre comment l’approche environnementale sud-africaine se construit sur des politiques transfrontalières qui se caractérisent par l’absence d’aide publique au développement et la marchandisation de la conservation. Ce modèle spécifique pose le problème des rapports Sud-Sud encore trop ténus, comme celui des distances culturelles. Un détour par une histoire partagée du continent noir est une voie suggérée par l’auteur.
Notes de bas de page
1 Bernard Hubert (2004) l'exprime par la formule suivante : « Savoir agir, apprendre, connaître », sous-titre de son ouvrage.
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