Chapitre 1. En quête de naturalité
Représentations scientifiques de la nature et conservation de la biodiversité
p. 43-71
Texte intégral
Introduction
1Madagascar a depuis des siècles attiré l’attention des naturalistes et des biologistes pour l’endémicité de sa faune, de sa flore et pour l’originalité de sa biogéographie. Les publications sur la nature y sont anciennes et abondantes. Parmi les plus connus, on trouve les ouvrages de H. Humbert (1927), H. de Perrier de la Bathie (1921) et plus récemment la synthèse sur l’histoire naturelle de Madagascar avec S. M. Goodman et J. P. Benstead (2003). Alarmiste, le discours séculaire sur les menaces qui pèsent sur les forêts, a fait de cette île un centre d’intérêt des plus stratégiques pour la conservation de la biodiversité (Myers et al., 2000 : 3). Les ONG de conservation qui poursuivent aujourd’hui une longue tradition de création d’aires protégées font face à de nombreux écueils puisque la déforestation se poursuit. En outre, la pérennité des actions de conservation n’est pas assurée et le développement du pays sensé s’adosser à la conservation de son environnement se fait toujours attendre.
2La biologie de la conservation, réponse récente de la communauté scientifique à la vague de changements environnementaux globaux qui menace une très large part de la biodiversité, « propose les outils intellectuels et technologiques qui anticipent, préviennent, minimisent et (ou) réparent les dommages écologiques (Soulé, 1989 : 9, traduction des auteurs) ». Cette discipline de crise datant des années 1980 (Soulé et Kohm, 1989 : 3) évalue la diversité biologique, identifie les menaces qui pèsent sur celle-ci, élabore des mesures de conservation et estime les avantages comparatifs de ces différentes mesures. Sous-discipline de l’écologie, elle est résolument pluridisciplinaire, puisqu’elle intègre les résultats de l’écologie, de l’écologie des communautés, de la génétique des populations, de la biogéographie... Les ONG de conservation mettent en avant leur ambition de prendre en compte les sociétés humaines1 et les dynamiques sociales dans leurs analyses. Cependant elles envisagent le plus souvent les populations seulement au travers des perturbations dont elles sont jugées responsables car « La biologie de la conservation s’intéresse à la biologie des espèces, des communautés et des écosystèmes qui sont perturbés, que ce soit directement ou indirectement par les activités humaines ou d’autres agents » (Soulé et Kohm, 1989).
3Ainsi, dans ce hot spot (Myers et al., 2000), les moyens et les efforts sont essentiellement alloués à la création d’aires protégées, îlots riches de biodiversité, excluant les populations. Pourtant, il est désormais admis au sein de la communauté internationale qu’une stratégie limitée aux seules aires protégées serait vouée à l’échec (Norris, 2008). En effet, il existe des liens fonctionnels entre les espèces qui vivent dans et hors forêt, dans et hors des aires protégées (Janzen, 1983). Les individus se déplacent pour survivre (nourriture, consommation de fruit, de pollen) et de ce fait assurent des fonctions écologiques (dispersion des graines, pollinisation...). Un territoire où la biodiversité se cantonnerait à des îlots entourés de paysages pauvres et homogènes verrait cette biodiversité disparaître à moyen terme (Primack, 2005). Depuis plusieurs décennies, la communauté scientifique s’accorde pour dire qu’aucune stratégie de conservation ne saurait se passer des agro-écosystèmes et des zones rurales qui occupent désormais une grande partie des terres émergées (Perfecto et Vandermeer, 2008) et que la conservation d’une seule biodiversité « sauvage » ne saurait suffire dans une stratégie plus globale de conservation face à la crise écologique actuelle. Ces changements de paradigmes ne se font que très peu sentir dans la mise en œuvre de la politique environnementale malgache. Ainsi, même si les chercheurs ont assuré qu’un rapprochement fort entre la préservation des écosystèmes « primitifs » et la conservation dans les espaces productifs était nécessaire, les politiques et les outils de la conservation à Madagascar se focalisent majoritairement sur les forêts « primaires » qui font l’objet de nouvelles aires protégées excluantes.
4Nous nous intéressons ici aux représentations de la nature que nous distinguons suivant deux catégories (Callicott, 1989 ; Leopold, 1949). D’une part, celles fortement empreintes de naturalité, terme pris comme synonyme du mot anglo-saxon « wilderness » (voir encadré), bien que beaucoup moins fort que ce dernier qui n’a pas d’équivalent en français. La naturalité (ou quand cela est plus approprié, nous utilisons l’expression « nature sauvage ») relève du préservationnisme, un courant qui promeut des espaces protégés hors de toute influence humaine. D’autre part, les représentations qui intègrent les populations rurales au reste de la communauté biotique. Les représentations de la nature peuvent expliquer une grande partie des divergences de point de vue sur les attentes et les conséquences de la conservation.
5Nous reprenons ainsi le débat entre les deux courants de la biologie de la conservation, le fonctionnalisme qui s’attache avant tout à conserver les fonctions et les processus des systèmes écologiques et le compositionnalisme qui accorde priorité à la diversité des éléments composant ces systèmes, à leurs différents niveaux d’organisation (gènes, espèces, écosystèmes) et à leur conservation. Selon J.-B. Callicott (1998), une grande partie des désaccords entre ces deux courants repose sur la place qu’ils accordent respectivement à l’être humain dans les systèmes naturels. Le premier établit que l’homme fait partie de la nature, qu’Homo sapiens sapiens n’est pas moins naturel que les autres espèces. La doctrine fonctionnaliste humanité/nature est basée sur l’interprétation darwinienne dans laquelle Homo sapiens sapiens est considéré comme étant un primate (un homme-singe) différencié en degré mais pas en essence des autres espèces (Darwin 1871, 1872 in Callicott, op. cit. : 24). Le second courant pense que l’homme est un cas à part dans la nature. Classiquement, pour les compositionnalistes, ce qui distingue l’homme de la nature se retrouve dans l’image biblique de Dieu ou dans l’équivalent de la philosophie des Grecs anciens : la rationalité divine (Callicott et al., 1998 : 24,).
6Ce débat n’est pas nouveau. En effet, les deux courants sont insérés dans le naturalisme défini par Philippe Descola (2005) comme étant l’ontologie des « Modernes » : le naturalisme suppose une continuité de physicalité et une discontinuité d’intériorité entre les humains et les non-humains. Nous distinguons deux postures au sein de cette ontologie : celle de la naturalité insiste plus sur la discontinuité entre nature et humanité, celle du fonctionnalisme envisage la continuité et l’englobement de l’homme dans la nature, mais reste dans cette ontologie dualiste puisqu’elle suppose comme l’a montré P. Descola (2005 : 276) que l’homme doté d’une intériorité rationnelle (au contraire des non-humains) décide de préserver la nature en continuité physique avec l’homme. Pourtant, un tel débat n’est pas présent à Madagascar alors que les fondements philosophico-scientifiques des actions de conservation et les savoirs scientifiques mobilisés dans l’élaboration des approches et outils de gestion de la nature y jouent un rôle important. Une telle analyse devrait contribuer à avancer dans la résolution des controverses existantes et dans la réflexivité de chacun.
7À quels modèles scientifiques et à quelles éthiques environnementales (Larrère, 2008) se réfèrent les projets de conservation à Madagascar ? Quels types de savoirs sont mobilisés pour justifier les dispositifs d’action publique ? Quels paradigmes sont mis en avant dans l’argumentaire, la problématisation des questions d’environnement et dans le choix des outils de conservation ? Notre hypothèse est que ces acteurs sélectionnent les résultats et les théories scientifiques pour caractériser les problèmes d’environnement (déforestation), pour élaborer les politiques de conservation, pour choisir des outils de gestion (aires protégées et corridors) et enfin pour financer les aires protégées en accord avec leurs valeurs et objectifs. En contrepoint, nous exposerons les démarches issues de disciplines d’interface entre l’écologie et les sciences humaines et sociales (ethno-écologie, écologie des pratiques agricoles) qui incluent l’étude des paysages ruraux, des agrosystèmes, des savoirs et savoir-faire paysans en lien avec la biodiversité. Ces approches sous-tendent des évolutions pour la conservation à Madagascar, en réhabilitant les populations rurales et ses pratiques autrement qu’en les considérant de manière négative.
Définition de l’acception choisie pour la notion de naturalité
La naturalité a différentes acceptions et reste un concept flou (Lecomte, 1999), voire polysémique. Nous choisissons ici la définition qui correspond au terme anglais de wilderness c’est-à-dire le caractère sauvage d’un milieu. Ce mot renvoie à l’état naturel de la nature, non modifiée ou exploitée par l’homme. Son sens s’oppose à l’artificialité. Par voie de conséquence, ce terme introduit une vision dichotomique de la nature, entre des milieux qui seraient « naturels » et sans homme et d’autres « artificialisés ».
Philippe Descola (2005) a montré comment ce dualisme entre nature et culture avait été construit au cours des siècles établissant les structures relationnelles des Modernes aux non-humains. Il expose comment ce dualisme a été constitué et comment il a biaisé les travaux en anthropologie. Nous voulons souligner ses conséquences en biologie de la conservation.
Le choix de prendre la naturalité comme fil directeur se rapporte aux dynamiques de la mise en œuvre de la politique environnementale observée à Madagascar qui s’inspire à la fois des représentations de la forêt, qui est fréquemment qualifiée de vierge ou primaire, ainsi que des paradigmes de la conservation, où les modèles théoriques qui en sont à l’origine ne tiennent pas du tout compte du facteur humain (cf. théorie de la biogéographie insulaire). Nous ne rentrons pas ici dans une analyse historique de l’apparition du mythe du paradis perdu, du jardin d’Éden et de sa résurgence contemporaine ou des différentes définitions de la naturalité, mais nous établissons que le caractère sauvage recherché pour la forêt malgache constitue la vision dominante des sphères décisionnelle et conservationniste à Madagascar. Partant de là, nous tenterons de mettre en lien la naturalité, les théories scientifiques et les modèles de conservation qui en découlent.
Aspects méthodologiques : posture des auteurs
8L’expérience de Stéphanie Carrière à Madagascar a nourri la réflexion des deux auteurs. Huit années de recherche en ethno-écologie en partenariat avec les institutions malgaches2, lui ont permis d’acquérir une connaissance systémique construite à partir de plusieurs études de cas et de la confronter à la construction des politiques environnementales malgaches et leur application : ses travaux se sont focalisés sur deux terrains d’études, en zones rurales à l’ouest du couloir forestier Ranomafana-Andringitra (forêt de l’Est) et dans la région de Morondava (sud-ouest de l’île). Son expérience s’est aussi enrichie de sa participation au groupe Vision Durban chargé de définir et de délimiter les nouvelles aires protégées prioritaires de 2004 à 2007. Les observations livrées ici en collaboration avec Cécile Bidaud permettent d’entamer une réflexion sur un parcours de recherche atypique.
9Toutes les deux écologues, nous avons progressivement intégré et adopté un questionnement, une démarche et des outils propres aux sciences sociales. Nous avons ainsi pu articuler deux dimensions, souvent disjointes, de l’analyse du fonctionnement des écosystèmes : celle des pratiques locales, de leur utilisation et celle des modes de gestion de la nature reposant sur des savoirs scientifiques. En effet, si les peuples des forêts tropicales vivent dans ces écosystèmes depuis longtemps, et qu’il y a encore de la forêt, c’est que leurs pratiques entrent directement dans la dynamique des écosystèmes et des espèces. Les écosystèmes d’aujourd’hui sont ainsi le fruit d’une longue co-évolution homme/nature, l’homme et les sociétés étant considérées comme faisant parties intégrantes des socio-écosystèmes. Pourtant, cette réalité est peu présente au sein de l’élaboration des politiques de conservation de la nature à Madagascar, voire écartée. Il devient donc urgent d’interroger les liens entre sciences et société et l’enrôlement des scientifiques dans la conservation.
Science et choix de conservation : de l’histoire ancienne
10L’exploration de Madagascar depuis le xviie siècle par des spécialistes de la flore et de la faune (dont les correspondants de l’Académie des Sciences), puis des sols et des paysages montre l’engouement de longue date des naturalistes pour ce pays (De Flacourt, Baron, Cowan, Elliot, Didot, Sibree, Linton, Zimmerman, Grandidier, Forsyth, Perrier de la Bathie, pour ne citer que les plus anciens et les plus connus). L’originalité et la diversité des écosystèmes et des espèces malgaches ainsi que le constat par les chercheurs et administrateurs d’une destruction généralisée du couvert végétal ont rapidement conduit à la promotion de la protection de la nature (Bertrand et Montagne, 2009). Dès 1927, un décret institue à Madagascar dix réserves naturelles intégrales. La définition proposée par les délégués français à la conférence internationale pour la protection de la faune et de la flore en Afrique assigne un but essentiellement scientifique, de découverte, à des espaces, sans exclure pour autant des activités d’ordre économique. Délimitées par le service des Domaines et immatriculées au nom de l’État français, « ces RNI choisies dans des territoires inhabités, représentent la nature primitive » (Humbert, 1946).
11Une deuxième vague de création d’aires protégées eut lieu dans les années 1950-1960, sur la base d’un solide savoir naturaliste acquis grâce à de nombreuses expéditions essentiellement françaises, telles que la Mission zoologique franco-anglo-americaine, dirigée par Jean Delacour (Rand, 1936), puis par l’Académie malgache, l’IRSM, l’Orstom, l’institut Pasteur, le CNRS et le CTFT. Cette période faste de la recherche française diminua progressivement jusqu’à la décolonisation, début de récession pour la recherche naturaliste à Madagascar. En 1972, la révolution malgache introduit une rupture dans l’implication politique de la France à Madagascar, dans celle des scientifiques français et des actions de conservation (Kull, 1996). A partir des années 1980-1985, et avec l’installation dans le pays des ONG de conservation telles que WWF, puis CI, Durrell WCT et WCS dans les années 1990, de nombreux programmes vont voir le jour. Leur but initial était d’inventorier les espèces pour, entre autres, conserver la biodiversité à travers la recherche et la formation des chercheurs nationaux. L’un des programmes d’inventaire les plus ambitieux fut initié par Steven Goodman dès les années 1990, avec le support de WWF et d’autres bailleurs allemands et américains (Goodman et Benstead, 2003). Les biologistes anglophones, surtout américains, vont désormais s’emparer de tous les champs de l’histoire naturelle de Madagascar à quelques exceptions près. D’une hégémonie de la recherche française et de la langue française à Madagascar, on est passé à une hégémonie anglo-saxonne dans le domaine des sciences naturelles (fig. 1). Au cours de cette transition, la formation des naturalistes nationaux prend un nouvel essor, marquant leur implication grandissante aux inventaires de la biodiversité et plus tard aux projets de conservation. Une majorité des chercheurs malgaches, qui partagent désormais un même niveau de connaissances, une même culture scientifique, deviennent les actuels scientifiques nationaux de la conservation, quand bien même leur discipline ne relève pas de la biologie de conservation. Ils ont désormais internalisé le discours dominant sur la déforestation et les politiques de conservation. De par leurs origines rurales, nombre d’entre eux savent cependant combien la réussite des projets de conservation et de développement reste illusoire sur le terrain.
12Sur le plan international, J. Diamond et P. Brussard proposent de fonder dans les années 1980 la Society for Conservation Biology, qui marque le coup d’envoi d’une nouvelle science « appliquée », une science tournée vers la « crise » de la biodiversité, pour concevoir des outils de conservation des espèces (Soulé et Kohm, op. cit.). C’est à ce même moment que la Banque mondiale contribue avec l’appui des biologistes américains à la problématisation de la question environnementale autour de la diversité biologique à Madagascar. Il s’agit d’injecter de nouvelles sources de financement en faveur de la protection de l’environnement, assorties de conditionnalités qui accentuent la pression faite sur le gouvernement pour davantage de libéralisation économique et politique (Sarrasin, 2007). La protection de la biodiversité et l’écotourisme ont constitué un argumentaire scientifique et politique visant à insérer le pays dans un contexte économique et financier international où domine le référentiel néolibéral (Sarrasin, 2007). C’est ainsi que les grands opérateurs de l’environnement (Banque mondiale, WWF, CI, Pnue) ont influé le Plan national d’action environnemental (PNAE) au service de leurs intérêts, démontrant leur participation à la protection de la biodiversité et contribuant à insérer Madagascar dans le tissu politique et économique mondial (Sarrasin, comm. pers.). Pour y parvenir, les ONG, principaux organes de la conservation, reçoivent les fonds des bailleurs et interviennent directement dans la définition des politiques nationales, gérant ainsi les espaces protégés et produisant une majorité des recherches sur le sujet. Cette situation s’explique par le déplacement continuel de ces scientifiques au sein des diverses institutions (Banque mondiale et ONG), ce qui influence leurs actions et entraîne la convergence des différents centres d’intérêts. Dès lors, les liens entre le gouvernement, les chercheurs américains et les ONG de conservation en Europe et aux États-Unis se resserrent. L’ambassadeur de Madagascar aux États-Unis est nommé vice-président régional de l’ONG CI à Madagascar. À cette même période est initié le PNAE qui se subdivise en trois phases : la phase I de 1991 à 1995, essentiellement financée par les bailleurs américains (Usaid, Banque mondiale), la phase II (1996-2003) de mise en place des transferts de gestion aux communautés locales et la phase III en cours depuis 2004. Cette dernière phase a pour but de concrétiser la déclaration du président Ravalomanana à Durban en 2003, probablement encouragée par les ONG de conservation, proclamant sa volonté de tripler la superficie des aires protégées à Madagascar, et ce, en seulement cinq ans. Le groupe Vision Durban est créé pour mettre en œuvre la volonté du président. Ce groupe comprend une centaine d’experts, pour la plupart des chercheurs, des enseignants (biologistes, botanistes, zoologues, écologues) et des gestionnaires, d’origines malgache et internationale (peu de Français et une majorité d’Anglophones d’origines britannique et étasunienne) représentant plus de 40 organisations. Le groupe « priorisation » est chargé de proposer des zones prioritaires pour les futures aires protégées et le groupe « catégorisation », de définir les objectifs de gestion en fonction des catégories de l’UICN.
13Notre expérience de ce groupe Vision Durban conduit à plusieurs constats : (1) l’opposition fréquente entre les communautés épistémiques francophones et anglophones, la rareté du dialogue et des collaborations entre ces deux communautés ; (2) le clivage fort entre disciplines qui traitent des problématiques environnementales ; (3) la difficulté de dialoguer et de proposer des alternatives à la conservation par l’exclusion ; (4) l’absence de participation des populations ou de leurs représentants lors de prises de décisions ; (5) enfin la faible représentation des sciences humaines et sociales au cours des réunions de priorisation ou de délimitation des aires protégées contrairement aux préceptes de la biologie de la conservation. Nous avons perçu le groupe Vision Durban comme une arène politique fortement marquée par un courant dominant issu des ONG de conservation essentiellement anglo-saxonnes. Les objectifs semblent avoir été définis avant même l’ouverture de ce processus consultatif ; en l’occurrence, les considérations prenant en compte le facteur humain autrement que comme facteur de perturbation des écosystèmes n’ont pas été retenues. Nous avons également noté que la majorité des efforts des politiques de conservation se focalisaient exclusivement sur les forêts humides à travers la mise en place du SAPM (Système des aires protégées malgaches). Face à ces constats, nous postulons ici que la quête de nature sauvage ou du moins la préservation de cette dernière, à travers l’exclusion physique et morale des populations rurales, fonde ce courant dominant. Les ONG de conservation qui adhérent à ce modèle, défendent une analyse particulière des causes de la déforestation qui nourrit leur problématique puis, proposent les modèles et politiques de gestion qui en découlent.
14L’intérêt des chercheurs à Madagascar pour cette dynamique de conservation fut une condition sine qua non à leur intégration dans le PNAE. Les chercheurs nationaux dont les financements dépendent directement du PNAE, via les ONG (CI et WWF ainsi que d’autres fonds de coopération) n’ont pas d’autres choix que d’y adhérer4. L’adoption du discours de la communauté internationale, inspiré en grande partie par celui d’éminents scientifiques américains œuvrant pour l’ONG CI (à Washington), leur permet de se fondre parmi les acteurs de la conservation et d’en percevoir certains des avantages. Les naturalistes (chercheurs en botanique, zoologie, écologie, systématique) nationaux voient à travers la mise en œuvre de la troisième phase du PNAE une manière de légitimer et de pérenniser leurs recherches même s’ils ne partagent pas toujours les avis et la philosophie de la Vision Durban.
15Les frontières entre la recherche, l’expertise, la politique et l’activisme, sont désormais ténues puisqu’un grand nombre de chercheurs sont directement employés par les ONG. Près de 30 % des auteurs qui ont contribué à l’ouvrage scientifique de S. M. Goodman et J. E Benstead (2003) sont rattachés à des ONG (n’étant d’ailleurs pas tous des scientifiques) (fig. 2). Spécialistes de la biodiversité, ils sont la vitrine des ONG, produisent des résultats et permettent d’argumenter sur le bien-fondé des actions de conservation. Pourtant, peu d’entre eux sont biologistes de la conservation, discipline peu représentée de manière académique à Madagascar. La confusion des rôles devient fréquente entre scientifiques, experts, politiques et activistes mais aussi entre naturalistes et biologistes de la conservation. Ces rapprochements favorisent la circulation des concepts scientifiques sélectionnés par les experts, auprès des acteurs nationaux.
Forêt tropicale : emblème de naturalité
16Depuis les premiers explorateurs, la faune et la flore des forêts malgaches fascinent, intriguent ; elles apparaissent aujourd’hui extraordinaires au travers des médias (cf. film d’Arthus Bertrand sur Madagascar, ainsi que le film Madagascar). À Madagascar, deux types d’espaces s’opposent généralement dans les représentations du monde de la conservation de la nature : les espaces ouverts, pauvres et cultivés, dégradés, et habités ; les espaces forestiers riches, sauvages, primitifs, inhabités et menacés.
La forêt vue au travers du prisme de la conservation
17Les forêts tropicales demeurent le symbole d’une nature vierge, intouchée, climacique, dont les espèces sont composées et disposées telles qu’elles l’étaient à l’origine. Les représentations les plus « romantiques » perdurent notamment au sein des ONG de conservation américaines dont la base idéologique fut initiée par le mouvement préservationniste. Ces représentations se superposent aux visions coloniales de la forêt à Madagascar et se retrouvent dans les discours des premiers bailleurs de fonds du PNAE dans les années 1980-1990. C’est la conservation des forêts et de leur caractère « primaire », sauvage qui importe. Elles représentent de véritables laboratoires vivants (Barbault, 1997) permettant d’étayer diverses théories écologiques et évolutives. La majorité des naturalistes rejoignent alors les conservationnistes et trouvent une justification scientifique, fondamentale à la conservation de portions de forêts vierges de toute intervention humaine.
18Ces représentations de la forêt ont grandement contribué à convaincre l’opinion publique et les décideurs que les populations devaient en être exclues. Le paysan ou le chasseur-cueilleur, perçu comme élément perturbateur, ne fait toujours pas partie de la nature sauvage. Même si, aujourd’hui, les acteurs de la conservation intègrent la prise en compte des populations dans leur discours, il n’en reste pas moins que le paysan est considéré comme étranger à la nature. Le chercheur et le touriste, au contraire, trouvent toute leur légitimité au sein de ces forêts. Les politiques et actions qui en découlent cherchent à minimiser et à cantonner les activités de subsistance en un lieu, c’est-à-dire à l’extérieur des forêts.
La déforestation : visions partagées ?
19À la représentation édénique d’une forêt présumée vierge, exceptionnelle et riche en espèces endémiques, ne peut correspondre qu’une vision également fantasmée des maux qui la touchent. Historiquement, le discours alarmiste produit autour de la déforestation accuse les paysans du tavy et affiche des chiffres variés et parfois aussi irréalistes. Les estimations de la déforestation à Madagascar sont multiples, divergentes voire contradictoires. Le botaniste H. Humbert s’alarma de la situation dès 1927, estimant qu’il ne restait que 2 à 3 millions d’hectares de forêt à cette époque, soit 5 % de la surface du pays. Des discours passionnés aux résultats scientifiques, les taux de déforestation alternent revus tantôt à la baisse, tantôt à la hausse. En 2007, une équipe de chercheurs œuvrant pour la conservation constate qu’il ne reste que 9 millions d’hectares au début du troisième millénaire (Steininger, 2007). Les chiffres illustrent la diversité des estimations d’un processus extrêmement complexe à appréhender : définitions de la forêt, échelles et technologies d’investigations, dynamiques positives (c’est-à-dire les zones où la forêt se régénère)... La couverture forestière et les estimations de la déforestation varient selon les sources5. Ces contradictions, soulignées par quelques rares études qui comparent les différentes productions de chiffres (Kull, 2000 ; Mc Connell, 2002) montrent que les termes de ce processus ne convergent qu’en un point : la déforestation existe même si les dynamiques sont localement très variables en termes d’intensité, d’origine et de conséquence sur les écosystèmes concernés. Il apparaît que les différentes représentations de la forêt se traduisent également en différentes interprétations et évaluations de la déforestation.
20Certains documents, dont une partie est en langue anglaise inaccessible à la majorité des Malgaches, sont produits par des chercheurs appartenant aux ONG de conservation (Green, 1990) et peuvent de ce fait répondre à une demande orientée politiquement de la part de leurs bailleurs. Les biais sur les estimations de la déforestation et les démonstrations contestables qui visent à accentuer ou diminuer les processus sont désormais connus. Les données de G. M. Green et R. W. Sussman elles-mêmes inspirées de celles de H. Humbert (1965), malgré leurs nombreux biais méthodologiques (Bertrand et Randrianaivo, 2003), sont régulièrement reprises dans des publications (Myers et al., 2000 ; Primack, 2005). Elles entretiennent une « illusion d’optique » qui n’a cessé d’augmenter avec l’avènement de l’ère numérique et alimente depuis plus de 20 ans l’imaginaire collectif de la sphère politique, économique, naturaliste mais aussi finalement de l’opinion publique. La vision catastrophiste, sorte de « prêt à penser » de la déforestation (Bertrand et Randrianaivo, op. cit.), annihile toute prise en compte des spécificités locales pourtant particulièrement bien étudiées dans certaines régions. Or les bailleurs de fonds et les textes justifiant les dispositifs d’action publique (DGEF/CI, 2000 ; République de Madagascar, 2003) reprennent les données les plus alarmistes. Cela a pour effet de « criminaliser » un peu plus l’action du paysan, que l’on doit absolument soustraire à la forêt, sans quoi elle court à sa perte. Pourtant, force est de constater que là où il y a encore de la forêt, il y a aussi des hommes !
Les modèles scientifiques empreints de naturalité
21Bien avant le Sommet de la Terre à Rio (1992) et la diffusion du concept de biodiversité (1980), les modèles de conservation étaient fortement irrigués par des théories qui n’intégraient pas les sociétés humaines. Au milieu du xxe siècle, sur le nouveau continent où furent produites ces théories, une vision de la nature idéalisée à travers son caractère sauvage prédominait (Neumann, 2008). Les aires protégées exclusives et les corridors de conservation actuellement en voie de création à Madagascar sont ancrés dans ce corpus scientifique dont il est aujourd’hui particulièrement difficile de s’émanciper même si les discours ont évolué.
22Le parc national, inventé aux États-Unis en 1872, représente le modèle excluant par excellence, diffusé dans le monde entier. L’idée de la nature sauvage intouchée par l’homme domine dans ce dispositif qui a nécessité le déplacement de plusieurs groupes d’Indiens lors de la création de Yellowstone (Mc Neely, 1994).
23Depuis 1927 et la création des premières réserves naturelles intégrales, le mode de conservation excluant domine les politiques de conservation à Madagascar. Bien que la gestion communautaire et décentralisée des ressources naturelles (Transferts de gestion décentralisée aux populations)6 ait constitué une rupture importante, on assiste au retour d’une politique de mise sous cloche dite de « retour aux barrières » (Hutton, 2005) avec la création massive des nouvelles aires protégées au cours de la dynamique post-Durban : la quête de naturalité y reste prédominante puisque les zonages proposent des découpages qui excluent plus qu’ils n’incluent les populations et leurs activités. Il nous faut maintenant revenir aux fondements scientifiques de ces modèles de conservation.
Des modèles de conservation visés par la théorie de la biogéographie insulaire
24Le principe d’exclusion des hommes peut être expliqué en partie par la théorie du climax élaboré en 1916 par l’américain F. E. Clements, spécialiste des successions végétales. Cette théorie, aujourd’hui fortement remise en cause, définit le climax comme un état d’équilibre vers lequel tend un écosystème. Cela reflétait déjà et reflète toujours, pour certains, une vision binaire de la nature : « soit nous considérons qu’il n’y a plus de nature là où l’homme a mis sa marque, soit il n’y a de nature digne de ce nom qu’en l’absence de l’homme » (Génot, 2006).
25Aujourd’hui, deux corpus théoriques forment les soubassements de la biologie de la conservation en tant que discipline, et surtout les soubassements de la majorité des outils de conservation. La théorie de l’équilibre dynamique de la biogéographie insulaire (MacArthur, Wilson, 1967) formule l’hypothèse que la richesse en espèces sur une île fictive est la résultante directe de deux processus : le taux de colonisation d’individus issus d’un continent source et le taux d’extinction des populations sur l’île. Le nombre d’espèces est d’autant plus grand que la surface de l’île est importante, limitant ainsi les taux d’extinctions aléatoires, et qu’elle est proche du continent, augmentant ainsi le taux de migration et d’arrivée de nouveaux individus sur cette île. À partir des années 1980, le modèle en île cède la place au concept de métapopulation énoncé par R. Levins (1970) qui a servi de base aux recherches sur les effets de la fragmentation des habitats sur les populations animales et végétales. Le modèle de biogéographie insulaire a été utilisé pour prévoir le nombre et le pourcentage d’espèces qui s’éteindraient si les habitats étaient détruits (Simberloff et al., 1992). Si une île compte un nombre d’espèces donné, la réduction de la surface de l’habitat sur l’île entraîne la diminution de sa capacité de charge qui serait alors l’équivalent d’une île plus petite. Ce modèle a été développé à partir des îles pour être appliqué aux parcs nationaux et aux réserves naturelles qui a priori sont entourées d’habitats dégradés.
26Ainsi, sur le territoire malgache, tout comme partout ailleurs dans le monde, les aires protégées forestières (riches en espèces) sont assimilées aux îles de la théorie de R.H. McArthur et E.O. Wilson et les espaces limitrophes représentent un océan d’espaces dégradés (pauvres en espèces). Les mesures de conservation doivent alors permettre de conserver une surface suffisamment grande pour éviter que le taux d’extinction ne dépasse le taux de colonisation des espèces. C’est un argument en faveur de l’augmentation de la taille des aires protégées, déconnectées des autres zones forestières et noyées dans une matrice agricole ou herbacée « hostile ». On voit là les limites du modèle théorique de conservation de type aires protégées excluantes. Si ces dernières sont trop petites, les flux de gènes sont limités ce qui ne garantit pas la conservation à long terme des espèces forestières. Et si l’aire protégée est trop éloignée d’autres blocs forestiers, la dispersion et la recolonisation des habitats par les individus seront faibles voire impossibles. Les aires protégées sont choisies selon des critères écologiques et biologiques focalisant sur des zones où les habitats et les espèces (endémiques et rares) sont les plus menacés. Pourtant, ce modèle prévaut encore à Madagascar tant le nombre de ses partisans (en particulier une large majorité des ONG) domine par rapport aux partisans d’une conservation associant les aires protégées et les espaces ruraux intégrant l’homme, ses pratiques et les paysages qui en découlent.
27Même s’ils sont toujours dérivés du modèle excluant, les outils de conservation ont cependant évolué pour pallier les effets liés à la diminution de la migration des propagules d’une aire protégée à une autre. Se mettent aujourd’hui en place des aires protégées connectées ou « corridors » issus des mêmes théories scientifiques, c’est-à-dire dérivées de la théorie des îles mais additionnées de résultats empiriques récents.
Le corridor : un passage obligé (Carrière et al., 2008)
28Pour améliorer et pallier les limites du modèle classique des aires protégées (effets de bordure, taux d’extinction) dans un contexte où les espaces forestiers sont de faible étendue et de forme allongée, les corridors de conservation ont été mobilisés. Relier les aires protégées par un habitat du même type (forêt par exemple), appelé corridor, constitue en apparence une innovation puisqu’elle permettrait en théorie d’assurer la survie des espèces sur le long terme (Beier, 1998 ; Rosenberg, 1995 ; Simberloff et al., 1992) contrairement aux aires protégées isolées. Les théories sont dérivées du modèle en île de la biogéographie insulaire et des métapopulations, empreintes de la même naturalité.
29Les corridors, tels qu’ils vont être mis en place à Madagascar permettent surtout de répondre à plusieurs objectifs politiques. En reliant les aires protégées excluantes, cet outil permet de faire face à l’ambition politique de tripler la surface des aires protégées. Les forêts de l’Est dessinent naturellement un long couloir forestier bordant l’est des hautes terres centrales du pays. Le modèle des corridors, mis en avant en 1995 à Madagascar, se base sur des fondements plus géographiques qu’écologiques (Carrière-Buchsenschutz, 2006). Ce concept retenu comme l’un des outils phare de la phase III du PNAE s’est répandu au sein des ONG de conservation comme étant le moyen de créer des aires protégées. Ce consentement généralisé de l’approche corridor n’aurait pu se faire sans l’omission répétée du manque de résultats scientifiques sur l’effectivité de cet outil, ce qui permet de douter de l’intérêt des corridors pour la conservation de la biodiversité (Beier, 1998 ; Burel, 1999 ; Carrière-Buchsenschutz, 2006 ; Rosenberg, 1995 ; Simberloff et Cox, 1987 ; Thomas, 2006). Si ces manques sont connus au sein de la communauté scientifique internationale aussi bien en Europe qu’outre-Atlantique, ils ne sont que peu, voire pas du tout relayés à Madagascar par les experts des ONG. Entre les chercheurs qui élaborent et testent les théories et les praticiens de terrain, l’information circule et se transforme. Seuls quelques scientifiques avisés s’obligent à employer le conditionnel quant au rôle présumé de ces couloirs forestiers à Madagascar (Goodman et Razafindratsita, 2001 ; Raherilalao, 2005 ; Rasolonandrasana, 2003). Ce rôle théorique7 n’est pas relayé auprès des politiques, des gestionnaires et encore moins des populations auprès desquelles les corridors sont présentés comme une panacée des questions de conservation. Les acteurs et les gestionnaires pour la majorité ne connaissent pas la fonction écologique des corridors, tandis que d’autres confondent la forme (allongée) et la fonction des corridors. Cet amalgame entre une réalité physique et un concept biologique se retrouve dans le discours des acteurs interviewés. D’une théorie en biologie de la conservation, puis d’une diffusion par les ONG, cette approche est légitimée dans l’intérêt du challenge de la Vision Durban. En brandissant un nouvel outil, les conservationnistes font passer l’idée d’un soi-disant nouveau concept. Pourtant, les fondements de ce modèle, qui correspondent au modèle excluant n’apportent rien de novateur au mode de gouvernance. Les corridors, intégrant la conservation des espèces à long terme ont permis de mettre près d’un million d’hectares sous décret de protection à Madagascar (Carrière et al., op. cit.).
30L’approche corridor apparaît en phase avec les objectifs de la Banque mondiale qui cherche à financer les actions de conservation mais qui impose via la Vision Durban la multiplication des aires protégées sous toutes ses formes.
Les conséquences de cette quête de naturalité
Des forêts secondaires riches mais non reconnues comme telles
31La difficulté de reconnaître l’existence voire la dominance des forêts secondaires à Madagascar et dans le monde (Carrière-Buchsenschutz, 2006 ; Smouts, 2001), tient aussi au fait que la biodiversité est souvent imaginée comme présente dans les seules forêts « primaires ». Malgré les perceptions dominantes d’une forêt sans hommes, la majorité des scientifiques s’accordent pour dire que Madagascar ne compte plus guère de forêts « primaires » (Carrière et al., 1997). L’homme a perturbé, modifié et changé la structure et la composition des forêts malgaches. De ce simple fait, découlent d’autres considérations qui vont également à l’encontre des idées préconçues sur l’écosystème forestier malgache :
32(1) les forêts secondaires comptent une importante biodiversité ; (2) s’il existe des forêts secondaires anciennes issues de la reconstitution de la forêt après culture, c’est parce que cette même forêt possède une résilience qui lui permet de se régénérer ; (3) enfin, la présence de ces forêts secondaires matures indique que les dynamiques forestières doivent intégrer les deux phases de déforestation et de régénération et que l’évaluation de ce processus doit se faire sur la base d’une différence entre la surface qui est déboisée et celle qui se régénère. Ces considérations montrent que le mythe de la forêt vierge fait vivre des poncifs à la fois sur ce que sont les écosystèmes forestiers malgaches mais également sur le rôle systématique néfaste à long terme de l’agriculture. Ces éléments, scientifiquement étudiés et décrits, ne sont que trop rarement repris dans le discours de la conservation. Si la forêt se régénère à Madagascar, si un recrû peut être riche en espèces et représenter une forêt mature en devenir, alors les raisons d’incriminer, de maîtriser et de cantonner l’action paysanne se font moins convaincantes et par là, les arguments pour le financement de la conservation tel qu’il se fait actuellement s’affaiblissent.
L’hégémonie biologique
33Face à la place prépondérante de la biologie dans le choix des paradigmes, on comprend mieux le peu de place laissé aux dynamiques humaines et sociales et aux sciences qui les étudient. Le choix des outils de conservation ne se fait pas tant sur la base d’un savoir scientifique démontré et produit à Madagascar par de trop rares équipes de biologistes de la conservation mais plutôt sur des outils dont la finalité correspond aux attentes de la communauté internationale en termes de surface à conserver (10 % du territoire sous protection préconisés par l’UICN) ou d’impératifs territoriaux. Pourtant, les sciences de l’homme et de la société ont réussi, à travers la rhétorique du développement durable, à pénétrer les discours des ONG internationales qui affichent une volonté timide de favoriser le développement pour améliorer la conservation de la biodiversité. Concrètement, cela se traduit à Madagascar par un discours pro-développement larvé et quelques rares tentatives d’implication des populations dans la définition des mesures de conservation et de gestion de la biodiversité. Malheureusement, on ne peut que constater l’absence de traduction concrète du discours sur lesdites mesures. Les populations ne participent toujours pas à la problématisation des questions de protection de la biodiversité, tant dans la définition des problèmes (autrement qu’en résumant la seule action destructrice de l’homme), que dans l’élaboration des solutions.
34Depuis les prémices de la conservation, les disciplines scientifiques impliquées dans une réflexion sur la conservation de la biodiversité demeurent l’apanage des sciences de la vie et de la terre. Encore aujourd’hui, à quelques exceptions près, seuls les résultats d’inventaires faunistiques et floristiques, de représentativité des écosystèmes à des échelles locales ou au contraire très globales sont intégrés par les experts des ONG dans les SIG de délimitation des aires protégées et ce de manière parfois peu rigoureuse (Amelot et al., sous presse). La majorité des moyens captés par les ONG sont alloués à la diffusion des résultats et recommandations qui découlent directement des concepts et idées « chocs » médiatisés par ces mêmes ONG pour rechercher des financements. De plus, les ONG de conservation doivent composer avec la singularité et la complexité des situations sociospatiales, ce qui reste difficile.
35Les approches de l’écologie du paysage, de l’ethno-écologie ainsi que de l’écologie de la restauration et les paradigmes qui associent dans les mêmes modèles des composantes écologiques, géographiques et humaines apportent d’autres pistes pour penser la nature. Ils proposent de nouvelles manières de concevoir la conservation de la biodiversité. Ces paradigmes prennent en compte la diversité des espaces dans lesquels la biodiversité peut être conservée et remettent au même niveau de fonctions écologiques, la biodiversité remarquable, ordinaire, sauvage et cultivée, celle des forêts et celle des campagnes.
L’agro-écosystème : pas vu pas pris
36À l’exception des tentatives de transferts de gestion, les paradigmes qui intègrent les populations aux espaces forestiers pour combiner conservation et développement ont beaucoup de mal à s’imposer. Peu d’acteurs tentent de valoriser les pratiques agricoles, culturelles ou symboliques qui peuvent favoriser les dynamiques de biodiversité dans les espaces ruraux. Le souci reste faible du côté des experts d’identifier ou de rechercher dans la littérature des savoirs et savoir-faire empiriques qui pourraient être utiles à l’élaboration des mesures de gestion durable des ressources et à la conservation de la biodiversité dans et hors des espaces protégés.
37Pourtant, la biodiversité ordinaire, dont les fonctions écologiques sont reconnues, devrait attirer l’attention des acteurs de la conservation comme cela est déjà le cas au sein de certaines communautés épistémiques, y compris celle des biologistes de la conservation.
38Depuis plusieurs dizaines d’années, de nombreux chercheurs ont montré le rôle crucial des agro-écosystèmes (jachères, champs, agro-forêts), pour le maintien de la biodiversité où les espèces indigènes côtoient les exotiques. Ces agro-écosystèmes sont désormais une composante essentielle de toute stratégie de conservation de la biodiversité (Perfecto, 2008). Un grand nombre de travaux montrent que les matrices agricoles et les pratiques qui y sont associées présentent sous les tropiques de hauts niveaux de biodiversité (Pour une synthèse, voir Perfecto et Vandermeer, 2008 et, à Madagascar, Martin et al., 2009 ; Randriamalala, 2007). Les paysages malgaches sont diversifiés, parce que les climats et les substrats ont façonné des écosystèmes différents mais aussi parce que les hommes ont créé des paysages souvent hétérogènes, riches en biodiversité (Carrière et al., 2007) et favorables à la migration d’animaux entre les forêts et les éléments arborés d’un paysage (Martin et al., 2009 ; Perfecto, 2008). Ils devraient constituer une part non négligeable des efforts de conservation et être aussi au centre des problématiques de conservation. Pourquoi ne pas considérer la complémentarité des espaces protégés et des espaces productifs ?
39Ces nouveaux paradigmes ne font que proposer une réintégration des sociétés rurales et de leurs pratiques. Loin de contrer les approches de conservation classiques par les aires protégées, ces résultats les enrichissent et les complètent.
Conclusion
40Les connaissances qui contribuent à la problématisation de la crise de la biodiversité, à l’élaboration des politiques et des solutions à y apporter sont issues d’un courant disciplinaire dominant, celui de la biologie de la conservation et sont portées par les ONG de conservation qui ne mobilisent, à Madagascar, qu’un petit nombre de ses concepts. Malgré une apparente diversité d’acteurs, d’institutions, de points de vue, de théories et de résultats scientifiques, les rapports de force favorisent certains groupes et orientent le débat sur les causes de la déforestation. Portés par une quête de naturalité, les acteurs de la conservation restent peu ouverts aux nouveaux paradigmes tant en sciences écologiques qu’en sciences sociales. Enfin, le savoir mobilisé souffre du manque de regard critique qui pourrait se faire au travers de la prise en compte des retours d’expérience dans ce domaine.
41L’intégration de différents corpus théoriques reste problématique pour deux raisons. D’une part, l’accès à la sphère décisionnelle reste très inégal. En outre, on assiste à des rapports de force asymétriques en faveur de la posture préservationniste médiatisée par les ONG. Nous avons vu l’efficacité de quelques institutions pour prioriser leur agenda et imposer leur point de vue. Ce jeu se note également dans les rapports de domination entre chercheurs du Nord et du Sud (Lahsen, 2002). Dans ce contexte, comment et où faire dialoguer les différentes voix ? D’autre part, ces corpus reposent sur des représentations différentes de la nature. Nous avons souligné les différences entre compositionnalistes et fonctionnalistes ; sur la naturalité comme fondement philosophique comparé à une approche intégrative des populations.
42Les compositionnalistes sont à la recherche de nature sauvage et prônent la valeur intrinsèque des organismes, des espèces et des écosystèmes. Un glissement semble s’être opéré à Madagascar puisque la justification de la conservation ne se base plus autant sur la valeur d’existence de la biodiversité mais développe un nouvel argument à travers une vision utilitariste de la nature (ressources génétiques, molécules pharmaceutiques, services écosystémiques, laboratoire vivant pour la recherche, manne écotouristique, recherche de fonds pour les ONG). On s’éloigne de la volonté, qui prévalait à l’origine au sein des ONG de conservation, de préservation pour le simple respect mutuel des espèces et de leur valeur d’existence8, et on maintient une approche excluante des populations rurales. Les fonctionnalistes observent les populations en interaction avec leur environnement au sein de socio-écosystèmes et reconnaissent que la nature ne doit pas être envisagée au détriment de la société. Il existe sans doute un continuum entre ces deux représentations mais elles continuent à marquer les débats et les controverses sur la conservation dans ce pays. Le succès actuel des aires protégées excluantes dénote l’ascendant pris par les représentations en faveur du compositionnalisme.
43Il nous semble que l’origine de ces divergences peut être simplement ramenée à la question relative de la place du paysan dans la nature et que les controverses autour des modèles de conservation se construisent autour de cette dichotomie. Pour résoudre ce conflit ontologique, peut-être faudra-t-il envisager une autre voie, pas seulement en intégrant la rhétorique de la participation des populations locales dans les stratégies politiques et économiques, mais en remettant chacun en question nos représentations de la nature tout en intégrant les autres manières de l’envisager.
44Quoi qu’il en soit, même si les naturalistes, parfois devenus des experts de la conservation, ont contribué à montrer les effets de l’activité humaine sur la biodiversité, à problématiser la perte de la biodiversité, à alerter l’opinion publique, à construire de nouveaux savoirs ainsi que des concepts, ils ne possèdent pas pour autant toutes les compétences, les connaissances et la légitimité qui leur permettent de proposer des solutions. Les limites de la mise en œuvre des théories de la biologie de la conservation apparaissent aujourd’hui plus fortement encore car l’intégration des espaces ruraux et de leur biodiversité dans les mesures de conservation, ne pourra se faire sans l’apport sur le terrain d’autres disciplines, telles que l’écologie du paysage mais aussi et surtout les sciences de l’homme et de la société. Ces manques traduisent peut-être la complexité et l’enchevêtrement d’enjeux multiscalaires à la fois géopolitiques, économiques, sociétaux et territoriaux qui dépassent sans aucun doute les seuls enjeux écologiques d’une île telle que Madagascar. Le manque d’équipes interdisciplinaires en biologie de la conservation sur le terrain n’est sans doute pas étranger à ces échecs.
45En ayant souligné les fondements et les limites de la représentation dominante, notre ambition est d’apporter dans le débat malgache des idées et représentations différentes de la nature, des hypothèses scientifiques peu véhiculées sur place et enfin d’autres modèles pour montrer la nécessité d’une approche plus large qui ne se cantonne pas aux forêts et aux espèces emblématiques.
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Notes de bas de page
1 Nous parlons ici des populations rurales dépendantes des écosystèmes forestiers pour leur survie, et non des touristes, scientifiques ou autres acteurs de passage.
2 Responsable du volet écologie du programme Gerem (IRD-CNRE) de 2003 à 2007 à Madagascar.
3 Même si cet ouvrage ne reflète pas avec exhaustivité les travaux de recherche à Madagascar, il représente une synthèse et un échantillon représentatif des résultats obtenus dans le domaine de la botanique, de la zoologie, de la systématique et de l'écologie.
4 Précisons que les troisièmes cycles (DEA et thèses de doctorat) de la faculté des sciences de l'université d'Antananarivo ne perçoivent pas de financement de l'État et fonctionnent uniquement sur financements extérieurs, en grande partie issus du PNAE via les ONG de conservation.
5 Voir la synthèse de données sur les chiffres de la déforestation par Amelot et al. (sous presse).
6 Loi n° 96-025 relative à la gestion locale des ressources naturelles renouvelables.
7 C'est-à-dire que les fonctions écologiques des corridors sur le maintien à long terme des espèces sont théoriques et encore peu corroborées par des données empiriques en général et encore moins à Madagascar.
8 Pour exemple, dans le journal Songona n° 6 juil.-août-sept. 2010 de l'ONG CI : « Nouvelle vision de CI : Nous imaginons un monde sain et prospère dans lequel l'Homme apprécie la nature à sa juste valeur et l'entretient de façon pérenne dans l'intérêt de l'humanité et de toute forme de vie sur Terre. »
Auteurs
stephanie.carriere@ird.fr
est écologue-ethnobotaniste à l’IRD, UMR Gred. Ses recherches portent sur les interrelations entre les pratiques traditionnelles d’exploitation du milieu et les dynamiques forestières dans les pays en voie de développement. Elle a travaillé en Guyane, en Afrique centrale et depuis près de 10 ans à Madagascar. Dans la région du corridor forestier de Fianarantsoa, elle a contribué à montrer que les paysages de lisière forestière présentent des caractéristiques favorables au maintien de la biodiversité qu’il conviendrait de mettre en valeur. S. Carrière est coéditrice scientifique d’un ouvrage collectif intitulé Transitions agraires, dynamiques écologiques et conservation à Madagascar (IRD/Cite, 2007).
cecile.bidaud@graduateinstitute.ch
est doctorante à l’Institut des Hautes études internationales et de développement à Genève et travaille pour l’IRD (UMR Gred : Gouvernance, Risques, Environnement, Développement) au sein du programme Serena (services environnementaux et usages de l’espace rural). Sa problématique de thèse porte sur les liens entre science et société, avec une entrée sur le rôle des scientifiques dans les politiques environnementales malgaches. Son étude de cas se base sur les pratiques des scientifiques participant à un projet pilote REDD (Réduction des émissions dues à la déforestation et la dégradation des forêts), au niveau local, national et international.
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