Chapitre 1. Entre gouvernement et agences internationales
La part d’autonomie des ONG brésiliennes dans la lutte contre le sida
p. 45-66
Texte intégral
1La politique de lutte contre l’épidémie à VIH au Brésil est depuis la fin des années 1990 érigée en modèle de réussite par de nombreux pays du Sud et du Nord. Outre l’accès universel au traitement, assorti d’une progressive intégration spatiale des services de santé en charge du suivi des personnes contaminées, le pays a su se doter contre vents et marées d’un dispositif médical et organisationnel autonome, équitable et : gratuit incluant la participation -au sens réel du terme – conjointe de l’État, de la société civile1 et d’associations diverses. Depuis une dizaine d’années, les actions de lutte contre le sida, jadis essentiellement menées dans le cadre d’un programme vertical, tendent à s’intégrer horizontalement et, de fait, à s’insérer dans une dynamique intersectorielle. Phénomène apparemment banal au premier abord, mais qui relève d’une ambition téméraire, étant donné la taille du pays (Biehl, 2009) ainsi que la complexité et la diversité des mécanismes sociaux et culturels à l’œuvre dans les différents États.
2Partant du principe qu’une démarche préliminaire à l’évaluation des politiques publiques contre le sida est de s’interroger sur les conditions dans lesquelles ces politiques ont été décidées puis élaborées, le propos de ce texte est d’éclaircir les logiques de mobilisation qui déterminent les relations entre le gouvernement brésilien, les ONG locales2 et les institutions internationales. Après avoir présenté un tableau des dynamiques sociales et politiques en présence, ce chapitre insiste sur l’importance du secteur associatif, soumis à des pressions de la part d’agences extérieures (organisations internationales et agences de coopération bilatérale), et cherche à identifier la marge d’autonomie dont ce secteur dispose, à la fois envers les bailleurs de fonds et vis-à-vis du Programme national de lutte contre le sida (PNLS).
Un contexte original de partenariat
3Les faits et les expériences documentés et évalués par le gouvernement (Ministerio da Saúde, 2000, 2001, 2007, 2008)3 ainsi que des observations et analyses plus poussées menées par des chercheurs en sciences sociales (Villeda, 1999 : Parker et Barrett, 1999 : Marins et al., 2002) fournissent des éléments pertinents pour alimenter la réflexion sur l’aptitude des ONG à peser sur les politiques sociales relatives à l’épidémie. Des travaux innovants sur la position conjointe des secteurs privé et public en faveur de la copie des médicaments contre le sida par le procédé du « reverse engineering »4 sont également pris en compte (Cassier et Correa, 2003 : 2009). Une série d’observations et de données de première et de seconde main, régulièrement actualisées et facilement disponibles grâce au réseau internet (avec par exemple le site gouvernemental, celui du groupe ABIA5 basé à Rio de Janeiro [Parker et al., 1999]) et certains documents issus de représentants de la société civile informent sur la nature et les limites des dialogues des ONG brésiliennes avec le ministère de la Santé de Brasilia et avec les organisations internationales soucieuses d’imposer des lignes de conduite destinées à guider, voire à réorienter les directives nationales (Parker, 1996 : 1997).
4Les dynamiques à l’œuvre entre acteurs du développement ne résultent pas d’une coopération sereine et harmonieuse entre ONG et gouvernement : l’expérience du Brésil montre toutefois qu’il est possible de construire une base de coopération et d’échange constructive à partir de la reconnaissance mutuelle des rôles spécifiques à chacun dans le cadre d’une relation initialement antagoniste et conflictuelle. Dans cette perspective, les mouvements de représentation et de mobilisations collectives, porteuses de revendications et inscrites dans des dynamiques de lobbying et de résistance de la société civile, continuent à se développer. Ils aboutissent à l’émergence, à la reconnaissance et à la valorisation de groupes et d’activistes reconnus et salués pour leur engagement en faveur des personnes vivant avec le VIH. Ce processus de reconnaissance est non seulement légitimé mais – là est son côté unique – il est aussi encouragé par la politique gouvernementale. Depuis le début des années 1990, la fonction de critique constructive à l’égard des politiques nationales exercée par ces groupes et personnes a en effet été perçue comme essentielle, pour ne pas dire vitale, par les responsables de la mise en place des programmes de santé, même si elle tend actuellement à perdre de son importance en raison d’acquis déjà obtenus (visibilité des personnes séropositives, moindre tabou envers la discrimination, promotion des mouvements identitaires, incitation à favoriser le discours au sein de l’espace public, etc.). La multiplication aussi bien que la diffusion des analyses des représentants de la société civile demeurent encouragées de manière explicite depuis les premières années de l’irruption de l’épidémie. Ce soutien et cette reconnaissance visent à maintenir un certain équilibre entre la société civile et les acteurs de la santé publique. De plus, cette fonction de critique constructive comporte également une dimension didactique et heuristique. En effet, en dépit des tensions avec de grandes agences bilatérales – sur lesquelles nous allons revenir ultérieurement –, elle joue un rôle primordial dans la formulation de la politique nationale de lutte contre le sida, dont les grandes lignes sont renouvelées, réajustées et réorientées chaque année du fait d’une concertation continue et de l’implication des membres de la société civile dans les commissions du ministère de la Santé à Brasilia.
5À l’instar de la majorité des pays du Sud, la participation des ONG brésiliennes vise-t-elle seulement à légitimer le programme gouvernemental et/ou à s’aligner sur les politiques d’inspiration internationale promues par les bailleurs de fonds ? C’est pour apporter quelques éléments de réponse à cette question que nous proposons d’examiner de plus près l’acuité et l’impact des plateformes de négociations brésiliennes, dans le contexte des relations entre État, bailleurs de fonds et société civile.
Le diktat des agences extérieures
6Force est de reconnaître que, dans le domaine de la santé publique, il n’y a guère d’exemple avant l’épidémie de sida d’une mobilisation internationale aussi rapide des efforts intellectuels, organisationnels et financiers autour d’une maladie transmissible, ni d’une volonté d’articulation aussi systématique entre politiques nationales et internationales (Raynaut, 2001 : 324). Encore faut-il préciser les motifs matériels et symboliques qui sous-tendent les mécanismes de cette mobilisation, et envisager dans quelle mesure les priorités perçues par les uns répondent à celles des autres. Vaste question, que le présent article ne prétend pas recouvrir dans toute sa complexité, d’autant plus que des auteurs comme Teixeira (2003), Galvao (2002 a), Biehl (2004, 2006, 2007) et Serra (2004) se sont attachés à retracer avec précision l’historique ainsi que les logiques sociopolitiques qui conduisirent le gouvernement de Brasilia à la mise en place de l’accès aux antirétroviraux, tandis que d’autres écrits rendent compte de la construction de la réussite du modèle brésilien (Galvao, 2002 b : Okie, 2006 : Biehl, 2007). Le propos de ce texte n’est pas de reprendre les travaux sur l’accès universel au traitement au Brésil, cités plus haut. Il s’agit précisément ici de mettre en lumière certaines relations peu étudiées entre différents acteurs de santé, depuis les membres de la société civile jusqu’aux responsables des grandes agences internationales. Si de nombreuses analyses pertinentes ont été réalisées à cet égard, il reste possible d’aborder la question de la mobilisation en privilégiant un angle d’approche décisif, à savoir les modalités dominantes des formes d’intervention publique. Disons d’emblée que l’exemple du Brésil fait référence en la matière (Wogart et Calcagnotto, 2006), car peu de pays du Sud ont su innover et résister avec un tel succès et une telle détermination face aux organisations internationales (OMC par exemple) et aux États du Nord (les États-Unis et leur soutien aux laboratoires pharmaceutiques).
7Traiter des relations entre l’État et les mouvements associatifs en commençant par examiner ce qui se passe au niveau des négociations entre le pays et ses donateurs internationaux constitue un prélude indispensable pour comprendre certains mécanismes de prises de décision et de logiques d’action dans le domaine de la santé en général et de l’épidémie à VIH en particulier. Deux intervenants particuliers, et non des moindres, vont illustrer mes propos : la Banque mondiale et l’Agence américaine pour le développement international (l’Usaid : United States Agency for International Development).
La Banque mondiale au Brésil : un pouvoir international contrarié ?
Les logiques de financement
8La Banque mondiale constitue incontestablement et de très loin l’agence la plus présente au Brésil, même si à partir des années 2006-2007 elle tend, conjointement avec le FMI, à perdre de sa crédibilité et de sa capacité à imposer ses dogmes politico-économiques. Dans l’ensemble, les prêts et les supports pour l’assistance technique qu’elle a accordés ont significativement augmenté au cours des quinze années qui ont suivi l’émergence de l’épidémie du sida, même si en 1998, l’un de ses présidents, James D. Wolfensohn (en place de 1995 à mai 2005), a décrété qu’aucun pays du Sud disposant déjà d’une « bonne » stratégie en place ne bénéficierait d’un budget destiné à renforcer ses actions de lutte contre le sida sur son territoire. Pourtant, de 1986 à 2001, la Banque se targue d’avoir investi 1,4 milliard de dollars pour combattre la propagation de l’épidémie dans le monde. Sans entrer dans le détail de la distribution de cette manne financière -dont un pourcentage non négligeable sert au fonctionnement des experts de cette institution (réunions, missions, expertises dont certaines sont sujettes à caution pour les acteurs nationaux [Ministério da Saúde, 2001], voyages de délégations, etc.) –, elle accorda en novembre 1993 plus de 160 millions de dollars au Brésil pour son programme de lutte contre le sida et les maladies sexuellement transmissibles. Ce montant représente le financement le plus important alloué jusqu’à aujourd’hui pour un programme centré sur le sida. Jusqu’en 2007, ni le Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose (le « Global Fund ») ni même le plan d’urgence Pepfar (President Emergency Plan for AIDS Relief) lancé à partir de 2003 par l’administration Bush ne sont parvenus à rassembler de telles sommes dans un pays déterminé. Dès le début, le mot d’ordre de la Maison-Blanche à Washington fut d’accorder une attention prioritaire à la prévention, avec pour objectif d’éviter l’expansion de l’épidémie à VIH. Des Démocrates aux Républicains, la position américaine a évolué depuis le début des années 2000, même si une dimension moraliste très prégnante demeure et accompagne le soutien du Pepfar aux pays du Sud.
9Les termes de l’accord passé avec la Banque mondiale prévoient que le budget accordé doit stimuler non seulement la mise en place d’une meilleure prévention, mais aussi améliorer la couverture du traitement des maladies opportunistes, la généralisation du dépistage dans des centres publics ainsi que la réorganisation des services médicaux. Suite aux mobilisations internationales pour l’accès aux médicaments contre le sida dans les pays du Sud, depuis la fin des années 1990 et surtout depuis la controverse internationale sur la propriété intellectuelle et l’accès aux soins dans les pays du Sud en 2001, il n’est guère politiquement correct de ne pas encourager l’accès aux traitements. Dans cette optique, l’accès aux antirétroviraux est mentionné par la Banque mondiale dans une rhétorique humanitaire assez peu volontariste. En effet, à aucun moment la délivrance de médicaments antirétroviraux – et encore moins la production de génériques ou l’incitation auprès des firmes pharmaceutiques à baisser les prix des molécules reconnues efficaces contre le sida – ne reçut l’aval de la Banque mondiale. Les programmes qui furent privilégiés visaient à une meilleure répartition de la prévention sur le territoire brésilien. Ils furent menés avec l’aide de 120 ONG censées se focaliser sur les « groupes à risque ».
La Banque mondiale et « les groupes à risque »
10Il convient de s’arrêter sur cette notion de groupes à risque, ainsi que sur les prises de position en matière de gestion de l’épidémie que la Banque tient pour acquises depuis presque une quinzaine d’années. Elles diffèrent de celles avancées et argumentées par les responsables de santé, comme Paulo Teixeira, directeur national du PNLS de 1997 à 2003, et par de nombreux membres d’associations brésiliennes ayant pignon sur rue. En premier lieu, la notion de « groupes à risque » est un concept avancé en épidémiologie mais qui reste inapproprié pour généraliser une dynamique de prévention à partir de laquelle chaque personne doit se sentir concernée. Telle est la position des décideurs et planificateurs de santé publique au Brésil. Certes, certains messages et interventions doivent être adaptés à des individus partageant des styles de vie ou des activités similaires, mais il est contre-productif de donner l’impression à une autre partie de la société qu’elle est « naturellement » en dehors de tout risque de contamination. C’est pourtant ce qui est apparu au départ au Brésil, mais aussi au Cambodge et en Inde6 ainsi qu’en Afrique subsaharienne (Delauney, 1999 : Eboko, 1996, 1999), où des campagnes axées sur les prostituées, les routiers, les homosexuels et les militaires donnaient au reste de la population le sentiment d’être à l’abri de l’épidémie. Très rapidement, dès le début des années 1990, l’État brésilien a reconnu l’inanité de cette compartimentation excessive, pour ne pas dire illusoire, et a évité toute forme excessive de discrimination positive (Teixeira, 1997 : Parker et Aggleton, 2003) qui reposerait exclusivement sur la notion de groupes à risque. Maints experts étrangers s’évertuaient pourtant à convaincre des bienfaits de ce concept en termes de résultats épidémiologiques. Cette méfiance « endémique » dans le pays à l’égard de cette notion de groupes à risque ne signifie pas pour autant un déni abusif: une fois justifiées par des analyses fondées, des actions ciblées comme celles orientées vers la population homosexuelle (Silva et Goncalves, 2005) ont été entreprises et sont encore menées en 2010.
La prévention sans le traitement
11En second lieu, à la fin des années 1990, le leitmotiv des représentants de la Banque mondiale, des Nations unies (OMS, Pnud) et de l’Usaid était que la prévention était plus facile, moins coûteuse et qu’en l’état actuel des choses, les soins à domicile représentaient la première étape – seule applicable pour l’instant – qui pourrait un jour déboucher sur un hypothétique traitement, projet considéré à cette époque comme irréaliste dans un pays où la population était majoritairement pauvre, ignorante et imprévisible7. Rappelons-nous la déclaration du responsable de l’Usaid en Afrique, au début des années 2000, sur le fait que l’observance au traitement ne pouvait guère se réaliser dans des pays où les individus n’avaient pas de montre et ne savaient pas encore lire l’heure. Passons sur l’arrogance de ces déclarations émanant de plusieurs représentants d’agences internationales, l’Usaid mais aussi l’OMS en 2000 et 2001, qui condamnent des milliers de personnes souffrant d’un sida déclaré à la mort. Partant du principe que la prévention et les soins sont indissociables, le Brésil refusa d’admettre cette politique de non-prise en charge en démontrant, d’une part, que la prise d’antirétroviraux réduit les risques de transmission par voie sexuelle (moins la charge virale est forte, plus le risque d’infecter une autre personne diminue) et, d’autre part, en insistant sur le fait que l’existence de la possibilité d’un traitement incite davantage les gens à se faire dépister. Enfin, il rappelait, en s’appuyant sur des études de cas entérinées par le gouvernement, que maintenir la santé des personnes vivant avec le VIH constitue un investissement économique, ne serait-ce qu’en termes de coûts sanitaires qu’il faudrait sinon assumer pour les individus gravement malades.
Les déclarations équivoques du soutien de la Banque mondiale : une autopromotion ?
12Il est surprenant qu’en dépit de ces désaccords fondamentaux, la Banque mondiale prétende avoir joué à un certain moment (quoique non spécifié dans les documents auto-référencés et élogieux de la Banque mondiale, mais en tous les cas à partir de 1998) un rôle significatif dans le programme de lutte contre le sida, mentionné comme relevant de sa propre initiative. Tout en négligeant les efforts des organismes nationaux, elle prétend avoir favorisé presque à elle seule la diminution de l’incidence du sida, ainsi qu’une baisse estimée à 30 % de la mortalité générale dans les groupes à risque dominants. État brésilien a probablement tiré parti des sources de financement ainsi que de certaines concertations techniques, mais il a mis en place ses propres savoirs et compétences qu’il savait, bien mieux que quiconque, adaptés aux contraintes et contextes locaux. L’introduction rapide puis la généralisation des ARV (antirétroviraux) dès 1997, la production de certains médicaments par copie à partir de molécules isolées (Cassier et Correa, 2009) s’effectuèrent au grand dam de toutes les instances internationales, et aucune d’elles n’encouragea ni n’accepta d’aider financièrement ou de façon purement organisationnelle (formation d’équipes de santé spécialisées, promotion des activistes médicaux comme il en exista de nombreux aux USA) une telle entreprise, jugée trop précoce pour un pays encore en développement.
13Quoi qu’il en soit, le Programme commun des Nations unies sur le sida (Onusida/Unaids) a sélectionné le programme brésilien comme « one of the world’s “best practice” examples » (Piot, 2002) en ne manquant pas de signaler l’apport des contributions étrangères et des ONG fidèles à leurs engagements (ce qui, on le verra plus bas, reste à confirmer). Encouragée par ce succès dont elle s’est en partie approprié la paternité, la Banque mondiale approuva en conséquence un second prêt de 165 millions de dollars en septembre 1998. Le deuxième projet élargit les activités de prévention (tout en maintenant une nette priorité pour les groupes à haut risque), renforce les capacités d’évaluation du programme sida et vise à renforcer la viabilité à terme des stratégies d’implantation. Il entend décentraliser le programme national jusqu’alors sous contrôle du PNLS à Brasilia afin d’identifier les interventions régionales et locales présentant le meilleur rapport coût/efficacité. Rappelons que si des anthropologues et cliniciens respectables comme Paul Farmer refusent d’envisager le droit à la santé dans des termes abrupts de coût/efficacité (Kidder, 2003), les commissions d’éthique pour la santé au Brésil, très proches du PNLS, évitent également d’utiliser de tels paramètres ambigus. En outre, la décentralisation – avec son corollaire, l’approche intersectorielle – est certes louable, et il y a pléthore d’ouvrages et de recommandations produites à cet effet par les agences internationales, mais ce n’est pas un hasard si le Brésil a décidé d’élaborer un programme vertical de lutte contre le sida : ce choix évitait d’emblée l’insertion automatique, car trop prématurée, d’activités supplémentaires de santé tournées vers le programme de lutte contre l’épidémie à VIH. Il faut savoir en effet – et c’était l’avis des responsables du ministère de la Santé et du PNLS – que le secteur public de la santé, atrophié, fonctionnait extrêmement mal et disposait de trop faibles potentialités techniques, avec des moyens financiers et des ressources humaines insuffisantes pour voir son champ d’action élargi par la prise en charge du sida. À l’exception de zones dans le sud du pays, où une superposition du secteur public de santé et du programme de lutte s’avère de facto réalisable vu de la richesse régionale et la structuration élaborée du système de santé, le gouvernement a préféré se doter de structures spécialisées dans la gestion des soins contre le sida afin d’en garantir le bon fonctionnement et une intendance plus transparente.
L’Usaid au Brésil : une réédition de l’idéologie de la Banque mondiale ?
14L’Usaid, qui a alloué des fonds négligeables par rapport à ceux de la Banque mondiale, marque néanmoins son empreinte sur le territoire brésilien. Si ses activités de soutien semblent différer (Usaid, 2004) de celles de la Banque mondiale, une lecture attentive des objectifs fait ressortir une étonnante similarité. Il apparaît clairement qu’à travers le dialogue politique avec le gouvernement brésilien, les États-Unis entendent réorienter des lignes d’action qui leur semblent inappropriées. Un exemple rapporté par un consultant8 illustre de manière éclatante cet « entrisme ». Un groupe d’experts et d’agents représentant les bailleurs de fonds (Usaid + Banque mondiale) se rend à Brasilia pour négocier les termes conditionnels de l’aide envisageable. Après avoir vilipendé la copie illégale des médicaments antirétroviraux -contraire aux intérêts des firmes pharmaceutiques internationales et aux droits de propriété intellectuelle –, la délégation cherche avec insistance à modifier la politique de prévention contre le sida. L’usage exclusif du préservatif ne doit plus être le moteur pour se protéger contre la transmission du VIH. Il est indispensable de mettre la famille, la religion chrétienne, l’abstinence et la fidélité au centre du discours préventif. En dépit des réticences courtoises émises par certaines personnes engagées dans le PNLS, les argumentaires moralisateurs de l’Usaid prennent une tournure proche, selon des représentants du gouvernement, de l’agressivité. Ils commencent à passer au crible la société brésilienne en pleine décadence, dont les responsables se permettent de favoriser et d’entretenir la déliquescence des liens sociaux, la sexualité libre et autres attitudes jugées avilissantes. Excédés, les Brésiliens furent à deux pas de chasser la délégation de leurs bureaux, mais se contentèrent de les enjoindre de ne pas exporter leurs propres préceptes dans une contrée dont ils ignorent les conditions d’existence et méprisent les styles de vie. Un des sentiments exprimés par un des membres du PLNS brésilien était que le succès dans la lutte dont le Brésil pouvait se prévaloir était « officiellement » bienvenu mais dérangeait certains acteurs envoyés par les agences d’aide bilatérale, dans la mesure où, justement, ce n’était pas un succès partagé. Pis encore, il constituait un défi envers la façon du PLNS de concevoir une intervention extérieure, dans ce cas précis empreinte d’ingérence et sous-tendue par des enjeux géopolitiques.
15La médiation d’intervenants extérieurs soucieux de réorienter les modalités de prévention avec des slogans moralisateurs auprès du gouvernement brésilien et, par voie de conséquence, auprès des ONG « à financer », est emblématique de la prise de position osée et dogmatique (c’est l’auteur de ces lignes qui souligne) de certaines puissances internationales comme l’Usaid, qui représentent les valeurs du monde développé ou d’une contrée particulière. Les agences des Nations unies n’échappent pas toujours à la règle : un représentant dépité reconnaissait que nombreux étaient ses collègues ayant perdu tout intérêt pour les résultats obtenus et l’impact sanitaire des actions mises en œuvre. Happés par le fonctionnement rigide et formaté de leur institution, ils concentraient leurs efforts sur son fonctionnement interne, sur les processus à mettre en œuvre dans les projets de développement indépendamment des répercussions attendues de ces projets auprès des populations concernées.
16Il serait loisible d’analyser plus en détail les modes de fonctionnement des agences internationales en tant que révélateurs de la volonté d’ingérence de ces dernières — ou a contrario de leur passivité – dans des pays où le sida n’est souvent qu’un alibi pour réorganiser de la façon la plus univoque possible des manières de penser les politiques de développement et la croissance économique en général. Au Brésil, les agences bilatérales comme l’Usaid et, dans une moindre mesure, l’Union européenne, multilatérales comme les Nations unies et surtout les grandes organisations comme la Banque mondiale appartiennent à un grand réseau qui a pour objectif majeur d’œuvrer à une refonte des politiques locales, dont la santé, et en l’occurrence la politique de lutte contre le sida, est une porte d’entrée. En ce sens, il n’est pas surprenant que les ONG soient sollicitées, moyennant des financements importants, pour renforcer l’intervention de l’État, mais sous condition que les actions menées soient expressément en accord avec la volonté des bailleurs de fonds. Cette implication politique des ONG, en dehors de tout jugement sur leur capacité à obtenir des résultats probants, est loin d’être innocente de la part d’une agence multilatérale ou de la Banque mondiale, dont l’idéologie dominante consiste à réduire les dépenses publiques et à diminuer la part d’intervention de l’État en faveur de l’essor du secteur privé : les ONG peuvent apparaître comme des relais potentiels. Tout se passe alors comme si les agences non gouvernementales jouaient le rôle de postes d’avant-garde du libéralisme.
17En vingt ans d’expérience de lutte contre le sida, le Brésil fait figure d’exception, et les tentatives de mainmise extérieure sont souvent contrées quand elles s’avèrent hors de propos ou si elles ne débouchent pas sur des résultats jugés positifs par le secteur public et le réseau associatif. Dans ce jeu de relations et de pouvoirs, on est alors en droit de se demander comment les représentants de la société civile, à différents niveaux d’intervention, interprètent, agissent et prennent position dans les discussions avec le gouvernement ainsi qu’avec les agences de développement.
Les ONG à l’interface du Programme national de lutte et des agences d’aide extérieure
18Au Brésil, la mobilisation des ONG locales contre le sida fut précoce. Dès le milieu des années 1980, elle rassembla des entités aussi différentes que des groupes travaillant sur les droits de l’homme, des associations religieuses, des mouvements identitaires (femmes, Afro-Brésiliens, homosexuels), des personnes avec des positionnements idéologiques et des degrés d’implication politiques forts mais distincts. La diversité des intervenants fut ainsi à l’origine de profils différenciés de perspectives et de compétences pour affronter les défis croissants suscités par l’épidémie. Il est fondamental de se rappeler que, si la mobilisation fut spontanée, elle prit forme à un moment crucial dans l’histoire du pays. Après vingt ans de dictature, le Brésil redécouvrait les voies de la démocratie et encourageait la participation des citoyens pour débattre des problèmes sociaux, politiques et sanitaires les concernant.
19La synergie des ONG dans la lutte contre le sida eut un triple résultat, considéré comme essentiel par le gouvernement : d’abord une amélioration de la qualité de vie des personnes séropositives (insertion sociale, prise en charge médicale et économique) : ensuite, une réduction de la transmission du virus : enfin, une acquisition rapide des connaissances sur la dynamique épidémiologique de l’infection, ainsi que sur les moyens de l’éviter. La manière dont se construisit la réponse brésilienne, à savoir une action publique à l’interface de l’État et de la société civile, configure le champ dans lequel les tensions, les négociations, les accords et les désaccords se manifestent. Selon Paulo Teixeira9, au-delà des conflits qui les opposent, les deux pôles, gouvernement et ONG, partagent le même idéal. Toutefois, s’il règne un consensus quant aux objectifs à atteindre, il n’en va pas de même quant aux stratégies pour y parvenir.
20Avec l’avancée de l’épidémie et l’augmentation conséquente de demandes pour la gérer, la réponse des ONG va se modifier. Elles veulent avoir leur mot à dire sur la façon dont l’État ou les organismes de financement étrangers pensent, élaborent et mettent en place les programmes. Bien souvent, les actions considérées comme urgentes ou comme plus ancrées dans la durabilité ne sont pas les mêmes d’un côté ou de l’autre10 et le contenu des opérations à mener peut diverger. Il en fut ainsi des prises de position initiales envers les usagers de drogue intraveineuse, qui finalement bénéficièrent d’une attitude compréhensive, et non pas répressive, de la part du gouvernement (Aceijas, 2006). Comme il a été avancé au début de ce texte, la force de l’État brésilien a été de considérer les conflits entre acteurs comme des moyens pour mieux argumenter les décisions, réajuster le choix des politiques d’intervention dans des contextes précis. Dans cet ordre d’idées, l’association brésilienne interdisciplinaire ABIA, qui regroupe scientifiques et membres de la société civile (certains contaminés, d’autre non), fut créée en 1986 dans le milieu carioca. Elle avait comme objectif principal d’accompagner et de porter un regard critique sur la politique gouvernementale vis-à-vis du sida, tout en promouvant des recherches scientifiques visant à une meilleure connaissance des dynamiques sociales et culturelles susceptibles d’apporter des repères pour un meilleur enracinement des projets de santé.
21Afin de mieux articuler l’alliance entre le gouvernement et les ONG, une agence intermédiaire nationale incluant des représentants de la société civile est mise en place par les autorités de Brasilia en 1992 afin de faciliter les modalités de leur coopération. Les ONG sont considérées comme des relais officiels dont il faut développer le nombre et la répartition géographique. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : entre 1993 et 1997, 175 organisations financées par le PNLS (18,1 millions de dollars provenant de la Banque mondiale) mettent en place plus de 427 activités centrées essentiellement sur le changement comportemental11 et reposant sur de nouvelles initiatives en matière d’information, d’éducation et de communication (Szwarcwald et Barbosa-Junior, 2004). Des mouvements encore peu connus comme des associations de femmes dans la prostitution, des conseils indigènes tribaux et des groupes porte-parole des communautés (rurales ou de quartiers) sont encouragés dans leurs initiatives tenant compte des problèmes qui les accablent.
22Les lignes directrices générales fixées par le PNLS et appliquées par le Comité de sélection des projets issus d’ONG mettent en avant la qualité technique et l’actualité des projets, leur suivi et leur évaluation, la transparence des processus de mise en œuvre. Elles insistent sur la clarté des contrats engagés entre PNLS et ONG ainsi que sur l’engagement du premier à garantir des fonds pendant quatre années. Ainsi sont pris en compte la compétence de l’ONG, sa durabilité, la faisabilité des projets qu’elle soumet et l’impact social qui en est attendu.
23Malheureusement, ce que demandent les évaluateurs devant se soumettre aux exigences des bailleurs de fonds consiste avant tout en résultats tangibles, compilés et quantifiables. Ce que les experts entendent par « impact social » est parfois ambigu, et rien n’est dit sur le fait de savoir si cela correspond également aux requêtes et priorités exprimées par les populations dont on demande rarement la contribution, quand bien même elle est spontanément proposée12. Nonobstant, les employés d’une grande agence internationale (l’OMS) avancèrent a posteriori que le succès d’une opération quadriennale de prévention de grande envergure était lié au million de préservatifs distribués, à la quantité de matériel éducatif dispensé, au nombre de personnes formées en tant qu’agents de santé communautaires. Là encore, le directeur de la Banque mondiale au Brésil, Gobind Nankani, annonça qu’eu égard à ces données mesurables, l’implication des ONG avait contribué immensément au succès du projet et que les résultats étaient très encourageants. Il se garda de mentionner la nécessité d’évaluer plus qualitativement les modalités de l’intervention publique corrélée à celle des associations, là où précisément résidait en grande partie la clé de la réussite.
24Nombreuses sont les ONG qui se soucient de voir ce qui se passe au-delà des chiffres qu’on leur demande expressément de fournir. Que signifie distribuer des centaines de milliers de préservatifs sans savoir comment et sous quelles conditions ils rendent possibles des mécanismes de changement quelque peu durable dans les relations sexuelles ? Une volonté de négocier avec les populations et d’étendre le débat sur la scène publique se concrétisa avec l’association GAPA (un réseau national de personnes séropositives), créée par des militants dotés de compétences professionnelles diverses (avocats, médecins, travailleurs sociaux, juristes, etc.), qui progressivement se constitua en réseau dans tout le pays et se pencha sur la prévention de proximité, le plaidoyer (prise en compte des revendications exprimées par les personnes séropositives), les droits légaux (accès aux droits dont est censée disposer toute personne eu égard à la Constitution brésilienne) et l’aide aux gens isolés ou rejetés. Dans la foulée, des maisons d’accueil et de passage pour les malades du sida qui n’ont d’autres lieux où se rendre se développèrent progressivement sur tout le territoire brésilien. On pourrait mentionner beaucoup d’initiatives de ce genre, d’autant plus que Lair de Guerra, la responsable brésilienne chargée de négocier le prêt avec la Banque mondiale en 1993, avait su avec brio encourager les ONG militantes à être des fondatrices, voire des provocatrices à l’encontre des idées venues « d’en haut ». Les modalités de la collaboration avec les ONG stipulaient qu’elles conserveraient, et devraient conserver dans le futur, une autonomie sociale, politique et stratégique face au gouvernement.
25Nombreuses furent les ONG à prendre acte de cette ouverture. Certaines d’entre elles, ABIA la première suivie par d’autres dans le Nord-Est, adoptèrent une position critique quant aux conséquences du lien budgétaire qui liait le gouvernement à la Banque mondiale. Furent mis en avant les risques d’interférence exagérée de l’État, qui détenait un pouvoir de décision susceptible de modifier les termes originaux d’une collaboration relativement équilibrée. La distribution inéquitable des aides financières d’une zone géographique à l’autre et entre ONG pouvait également générer des conflits, des intrigues et de la jalousie au sein de la communauté des récipiendaires, et en certains endroits il s’avérait que chacun avait plutôt tendance à travailler de son côté, ou en compétition plutôt qu’ensemble. Enfin, la présence endémique du chômage, du clientélisme et d’un paternalisme fréquent dans un contexte où les services sociaux ont du mal à se développer sur une grande échelle fait que des gens occupent des emplois par opportunisme, sans grande motivation, y compris au sein des ONG. Des personnels de santé intégrés dans un programme de lutte contre le sida bénéficient d’avantages honorifiques ainsi que d’un salaire plus attrayant.
26D’autres ONG adoptèrent une position convergente sur la nécessité d’élargir le cadre d’intervention. Ainsi, quelques associations à Rio, Sao Paulo et dans l’extrême sud du pays remirent en question le fait de se focaliser sur le changement comportemental sans prendre en compte les conditions socio-économiques et culturelles qui le sous-tendent : les politiques de santé doivent s’y intéresser – même si ces conditions ne ressortissent pas de la santé stricto sensu – afin de créer des conditions objectives de réduction des risques de transmission. D’où la nécessité d’une approche multisectorielle. L’extension d’un cadre d’intervention qui tiendrait compte non pas uniquement de préoccupations venant d’en haut mais aussi de celles d’en bas constitue in fine la légitimité de l’existence des associations. Comme l’affirmait un représentant d’une ONG à Belém, en Amazonie, la justification du fonctionnement de sa structure dépend totalement de la reconnaissance de cette dernière dans la société, sans laquelle l’ONG n’a pas de sens : une idée simple, mais tellement évidente qu’elle tend parfois à être oubliée.
Un débat sur l’autonomie de la société civile à maintenir
27Les ONG brésiliennes montrent et démontrent une capacité d’autonomisation et de négociation dans le champ du sida et l’espace transnational de la lutte contre cette épidémie au Brésil. Bien évidemment, les ONG ne peuvent se contenter de mener une œuvre de déconstruction ou de se placer en position de défiance systématique envers l’État et les agences internationales, dont elles restent financièrement tributaires. De même, si les partenaires internationaux occupent des positions souvent proches les unes des autres, ils ne sont pas pour autant portés par des dynamiques homogènes. L’Usaid n’a ni le statut ni la fonction de la Banque mondiale. Certaines impulsions des bailleurs de fonds, telles que l’appui pour une meilleure distribution spatiale de la prévention sur le territoire national par exemple, ont été constructives et ont eu des résultats significatifs (Singhal et Rogers, 2003). D’après ce qu’il m’a été donné d’observer et de comprendre au cours de plusieurs années de travail au Brésil, il est fondamental de souligner la grande vigilance du monde des ONG vis-à-vis de l’environnement national et international. De fait, ces ONG se positionnent comme des acteurs d’intermédiation entre les partenaires internationaux du Brésil et les groupes sociaux affectés par la pandémie du sida. Cette façon de concevoir les rapports entre diverses institutions du dehors et du dedans reste éminemment critique et constructive. Elle confère à ces ONG brésiliennes une attitude de refus de toute forme de subordination envers les institutions dont elles dépendent pourtant en matière de formation, de soutien technique, de gestion et de financement. Force est d’admettre que la plupart des ONG brésiliennes développent néanmoins l’art de composer et de trier dans le faisceau de propositions et d’offres de collaborations qui leur sont proposées.
28Contrairement à ce que l’on peut observer dans d’autres pays et dans d’autres aires géographiques (comme le Cambodge et dans une certaine mesure le Laos et le Vietnam), le Brésil se distingue, peu ou prou, par sa volonté de ne pas être un élément parmi d’autres d’un monde globalisé mais vise à valoriser une spécificité qui serait « brésilienne ». Cette « fierté nationaliste » est mise en lumière dans des travaux aussi divers que ceux de Parker (1994 a), Knauth (1996 a et b) et Sales (1998). Cette notion, anthropologiquement connotée, a également été longuement discutée et analysée par plusieurs autres auteurs (Barbosa, 1992 : Matta, 1997). Une analyse synoptique de ces différents travaux sur la spécificité des mobilisations brésiliennes permet d’inscrire le Brésil au cœur de la problématique énoncée en introduction de cet ouvrage, à savoir celle des Sujets – brésiliens – de la « glocalisation », entre intégration remarquée dans le monde contemporain de la lutte contre le sida et ancrage dans des dynamiques locales qui inspirent des réflexions plus générales sur « le modèle brésilien », dans lequel les ONG locales occupent une place de choix.
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Notes de bas de page
1 Dans ce texte, la notion de société civile est circonscrite aux réseaux associatifs, aux groupes et individus qui n’appartiennent pas au secteur public, même si plusieurs représentants brésiliens d’ONG appartiennent simultanément à des institutions étatiques.
2 On se référera aux ONG locales et non pas étrangères qui, au demeurant, sont extrêmement minoritaires au Brésil : l’un des rares exemples étant le travail de MSF France dans une favela (bidonville) de Rio de Janeiro.
3 Voir le site du gouvernement brésilien : www.aids.gov.br
4 Selon la définition donnée par Maurice Cassier (2009), le reverse engineering (ingénierie inverse en français) désigne une opération consistant à extraire du savoir et du savoir-faire à partir d’un objet fabriqué. Il s’agit en ce qui concerne le sida d’analyser un médicament pour en retrouver la composition et les voies de synthèse afin d’être à même de le reproduire.
5 Associação Brasileira Interdisciplinar de AIDS.
6 Voir Frédéric Bourdier (2001, 2004).
7 L’absence de teneur scientifique de ces prises de position diffamantes pour les populations pauvres et leur non-pertinence en matière de gestion de la santé publique ont finalement abouti après l’an 2000 à un changement modéré de l’attitude des agences de développement, qui considèrent (sans toujours y contribuer elles-mêmes) que l’accès aux ARV doit finalement être mis en place.
8 Information personnelle, 2003.
9 P. Teixeira, promoteur et directeur du PNLS jusqu’en 2003, se montra soucieux d’élargir la lutte contre le sida à tous les secteurs de la vie économique et sociale concernés. Il expliquait ainsi la nécessité de négocier toute question de santé publique avec les représentants de la société civile, plus à même de connaître la réalité quotidienne. Voir Teixeira (1997).
10 Les ONG estiment par exemple que la lutte contre la discrimination sociale, extrêmement présente, est un pré-requis et que toute action davantage médico-centrée, comme l’accès au dépistage et aux soins, ne peut se réaliser effectivement sans prendre en compte les mécanismes socioculturels qui concourent à l’isolement ou au rejet des personnes séropositives.
11 Ce changement comportemental concernait les populations, pas les personnels de santé qui en avaient pourtant besoin (insuffisance de savoir épidémiologique, de conseils sur le dépistage).
12 Des observations piochées au hasard de mes carnets de note montrent, pour ne citer qu’un exemple, la protestation de femmes contre des projets — issus des tendances « women issues » ou « gender study » – les unissant contre les hommes, alors qu’elles demandent plutôt un travail en concertation avec eux. De telles réactions viennent rappeler que les personnes à qui sont censées bénéficier les actions ont des idées originales et inattendues sur ce qui devrait être réalisé de façon plus adéquate.
Auteur
Anthropologue, chercheur à l'IRD, UMR 912 SE4S (Sciences économiques et sociales. Systèmes de santé. Sociétés) Inserm – IRD – Université de la Méditerranée (Aix-Marseille).
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