2. Le Guatemala caféier : l’exemple de la Costa Cuca
p. 33-49
Texte intégral
1Pendant longtemps, le Guatemala a eu la réputation d’être une république bananière. C’est une formule qui s’applique toutefois mieux au Belize et au Honduras voisins. Au Guatemala, on devrait plutôt parler de « république caféière ». De fait, la culture du café y a l’envergure d’un véritable « fait social total ». Depuis le dernier tiers du xixe siècle, elle conditionne profondément l'histoire politique, sociale et économique du pays. En outre, depuis le milieu du xxe siècle, le Guatemala appartient au groupe des dix premiers producteurs de café arabica du monde (septième en 1986) et reste dans les cinq premiers producteurs de sa catégorie (dite « Autres Doux ») avec le Salvador et le Mexique1. Par l’importance de sa production, toutes catégories de café confondues, le Guatemala occupait en 1990 le quatrième rang en Amérique latine derrière le Brésil, la Colombie et le Mexique. En volume, le Guatemala exporte chaque année, depuis 1975, entre 140 000 et 240 000 tonnes de café d’exportation. Support du développement de grandes plantations et d'importantes activités commerciales, le plus souvent régentées par des étrangers, le café s’impose également comme le produit principal de la Costa Cuca.
LA COSTA CUCA : UNE « CAFÉIÈRE GÉANTE »
2D’après les spécialistes, le caféier d’Arabie (en réalité originaire d’Éthiopie), est un arbuste des pays tropicaux ou équatoriaux d’altitude qui redoute les températures extrêmes (inférieures à 10° et supérieures à 35°), les vents violents et les saisons sèches prolongées (supérieures à deux mois). En général, un minimum de 1500 mm de pluies annuelles est nécessaire à sa bonne fructification (Coste, 1989). Accrochée aux piémonts occidentaux de la Sierra Madre, la Costa Cuca répond parfaitement aux exigences climatiques et pédologiques du café. Située entre 900 et 1500 m d’altitude, elle fait partie de la façade pacifique du Quetzaltenango, département du Sud-Ouest du pays. Elle comprend le municipio de Colomba et une partie de ceux de Coatepeque (à l’ouest) et de Flores (au sud)2
Situation géographique et administrative de la région
3Il est malaisé d’évaluer l’étendue exacte de la Costa Cuca. Si le município de Colomba – dont l’extension est d’environ 212 km2 – appartient en totalité à la Costa Cuca, seules huit plantations du município de Flores s’y rattachent, soit environ 13 km2, les autres fincas n’étant pas considérées comme « purement caféières ». La plus grande partie du município de Flores appartient, dit-on, à la Boca Costa, la région des « grandes exploitations sucrières, caoutchoutières et cotonnières sous-exploitées » de la côte sud. La zone rurale et la préfecture du município de Coatepeque, quant à elles, appartiennent à la côte sud, contrairement à une douzaine de plantations de café situées au nord et à l’est de la ville et qui sont rattachées à la Costa Cuca3. La superficie occupée par ces exploitations étant d’environ 30 km2, la Costa Cuca atteindrait 255 km2, soit 13 % de la superficie totale du territoire départemental et environ 0,2 % du territoire national (cf. fig. 2, 3 et 4).
4La Costa Cuca se situe donc à mi-chemin entre les hautes et les basses terres, à environ 220 km à l’ouest de la capitale et à une quarantaine de kilomètres de la frontière mexicaine. Dans la partie basse, la région est traversée par « la route panaméricaine du bas », une voie praticable en toutes saisons4.
5L’intérieur de la Costa Cuca est en revanche plus difficile d’accès. On appelle le « Chuvá » la montagne qui, adossée à la Sierra Madre, regroupe environ les deux tiers des plantations. Pour atteindre le sommet du Chuvá et rejoindre la cordillère, il faut emprunter l’une des deux pistes recouvertes de galets ronds. La première, à l’est, pénètre dans des paysages accidentés. Elle est souvent barrée à la suite d’un éboulement, d’un glissement de terrain ou à cause d’un torrent de boue qui déborde. Le voyageur doit alors emprunter une autre piste, plus longue mais plus sûre, qui passe à l’ouest. De l’embranchement de la « route panaméricaine du bas » aux dernières plantations du Chuvá, il faut compter environ quatre heures de route en voiture et le double en autocar – à condition toutefois de ne pas crever en route. Les paysages sont impressionnants. On franchit des ravins sur des ponts de bois aux finitions incertaines, on longe des à pic recouverts de forêt primaire et on passe des gués boueux.
6C’est en 1892 qu’a été créé le município de Colomba. Entre 1882 et 1892, il a porté le nom de « Franklin ». Il remplaçait alors l’ancien município de Morazán qui regroupait, en plus de l’actuel município de Colomba, ceux de Flores, de Génova ainsi que deux municípios du département de Retalhuleu, plus à l’est. On raconte dans la région que le nom de Colomba fut donné au município par le président-général de l’époque (Barillas, 1885-1892) en l'honneur de sa fille. On peut vérifier en effet qu’à l’époque, les grands planteurs baptisaient souvent leurs caféières du nom d’un être cher5.
Une région caféière par excellence
7Les caractéristiques climatiques et pédologiques de la Costa Cuca conviennent parfaitement au développement du café de l’espèce Coffea arabica. D’après les relevés quotidiens effectués par l’administrateur de la finca où j’ai séjourné, la température ne descend pas en dessous de 18° quelle que soit la saison. Entre le jour et la nuit, les variations thermiques excèdent rarement 10°. L'absence de changement de température brutal favorise incontestablement le développement des caféiers.
Le climat
8Si l’ensemble du Guatemala reçoit en moyenne 2 000 mm d’eau par an, la Costa Cuca recueille près de 4 000 mm d’eau assez régulièrement répartis, bien que l’année se divise en deux saisons majeures. La saison des pluies, du mois de mai au mois d’octobre, connaît un paroxysme pendant les mois de juin, de septembre et d’octobre. Les pluies sont moins abondantes de la mi-juillet à la mi-août. Cette accalmie est connue sous le nom de « petit été de la saint Jean ». La saison des fortes pluies correspond à ce que les habitants de la région appellent l’« hiver ». En revanche, les mois secs de novembre à avril constituent l’« été ». Il continue néanmoins de pleuvoir régulièrement, ce qui permet la croissance du café. Malgré l’intensité des pluies, l’ensoleillement est d’environ 2 000 heures par an. Dans la région, les planteurs ont coutume de comparer la terre au ventre d’un ivrogne.
9La topographie et l’hydrographie des versants volcaniques du Sud-Ouest du pays forment une succession de plis parallèles entre lesquels s’immiscent et naissent de nombreux cours d’eau. Collines et ravins se succèdent, ce qui donne parfois au voyageur l’impression de traverser un paysage inachevé. La durée des voyages est, en conséquence, très longue, car il faut sans cesse monter et descendre des pistes étroites. La principale rivière de la région est le Rio Naranjo. Elle se jette dans le fleuve Ocosito à la hauteur d’un village côtier nommé Caballo Blanco (100 m d’altitude). Les plantations tirent partie de cet important réseau hydrographique.
10L’érosion – l’action conjuguée des vents et des pluies sur les sols – est limitée. D’une part, seules les plantations situées sur les crêtes souffrent parfois du vent. Si l’on en croit l’expérience des caféiculteurs, les risques de tempête sont rares. D’autre part, la terre et l’humus – couche toujours fragile et fine sous les latitudes tropicales – sont relativement bien maintenus par le couvert végétal permanent qui assure l’ombrage des caféiers. Les glissements de terrain surviennent peu souvent, grâce aux arbres d’ombrage, en dépit des fortes pentes.
11Enfin, la végétation primaire de la région est rare. Les forêts qui subsistent aujourd’hui forment de modestes tâches au vert intense progressivement absorbées par les caféières. Les innombrables espèces de plantes et d’arbres qui composaient la forêt tropicale humide il y a encore un siècle n’existent plus que dans quelques forêts résiduelles (cf. chap. 4). Celles-ci sont surtout situées dans les zones impropres à la culture du café : pentes trop abruptes, abords des cours d’eau et partie supérieure des piémonts (à partir de 1700 m), à l’immédiate périphérie de la Costa Cuca.
L’aptitude culturale des sols
12De manière générale, la présence des grandes plantations de café dans les régions les plus fertiles du pays à partir de la seconde moitié du xixe siècle ne fut pas le fruit du hasard, mais de ce que Flores Alvarado appelle la « monopolisation sélective » de la terre (1977 : 186).
13Globalement, les meilleures terres à café proviennent de sols volcaniques, faiblement acides, bien drainés et riches en humus : les sols de la Costa Cuca appartiennent à cette catégorie. Pas moins de seize volcans – la plupart en activité – sont visibles des plantations de la Costa Cuca et constituent une chaîne connue sous le nom de « cercle de feu du Pacifique ». Datant de l’époque quaternaire, ces volcans entrent en éruption à des intervalles de temps et selon des niveaux d’intensité réguliers. Certes, les éruptions du volcan Santa Maria (les 24 et 25 octobre 1902) et de son principal cône secondaire, le Santiaguito (le 29 juillet 1922), ont brûlé des centaines d’hectares de café et provoqué le départ de plusieurs planteurs de la région. Mais les éruptions les plus courantes sont peu violentes et déposent périodiquement de la cendre ou de la boue volcanique. En termes géologiques, les éruptions des volcans de la Costa Cuca sont de type plinien, caractérisées par l’expulsion de matériaux incandescents sous forme de gaz, poussières, cendres et ponces, mais pas systématiquement de lave. Les planteurs estiment à environ 1 mètre la profondeur de ces dépôts de cendre bénéfiques dans les régions de piémonts. Naturellement et régulièrement couvertes de cendre volcanique, les caféières de la Costa Cuca sont donc privilégiées.
Structures et origines de la population
14Aujourd’hui, on estime à environ 40 000 personnes la population totale de Colomba, le município qui forme le cœur de la Costa Cuca. La région connaît donc une densité de population particulièrement élevée (156 habitants au km2) par rapport au pays (moins de 100 habitants au km2). De plus, la population est à large dominante rurale (80 %). Pour la plus grande part, elle vit en permanence dans les campements des fincas de la région. Les 32 000 habitants de la zone rurale de la Costa Cuca se répartissent en effet entre 120 fincas et trois communautés agraires.
15La Costa Cuca compte également un bourg, Colomba, situé à une altitude d’environ 1000 m, au pied du Chuvá. Sa population (8 000 habitants dont 50 % d’indiens) a plus que doublé en moins de dix ans. Les services offerts par le bourg (église, temples, cimetière, téléphone public, poste, marché, commerces) attirent surtout les ouvriers du café de la région. Le marché, comme la plupart de ceux de la côte sud, est marqué par la présence de nombreux Indigènes venus vendre des aliments de base (maïs, haricots, légumes, fruits et viande). Ici, comme souvent sur les basses terres, ces commerçants reçoivent le surnom de « gens des terres froides » (tierrafrianos).
16La ville de Coatepeque n’appartient pas à la Costa Cuca, mais s’y rattache pourtant directement. Coatepeque se situe dans la partie la plus basse et occidentale de la région (environ 900 m). Quoiqu’elle comporte encore 30 % d’indigènes, de nombreux commerçants (d’origine chinoise), des banquiers, des acheteurs-transformateurs de café (d’origine allemande), des exportateurs et autres entrepreneurs agricoles y ont afflué depuis la colonisation de la région. Aujourd’hui, pour une ville d’environ 25 000 habitants, on ne dénombre pas moins de huit banques et une vingtaine de petites compagnies privées d’exportation de café6. Ville-champignon de par sa croissance démographique et urbaine, Coatepeque est une ville intermédiaire indispensable aux relations de la Costa Cuca avec la capitale du département (Quetzaltenango) et du pays (Guatemala-Ciudad). Par ailleurs, c’est dans les clubs très « select » de Coatepeque que se côtoient les planteurs de la région.
17La plupart des habitants des fincas ont de lointaines origines indigènes. Ils migrèrent en effet vers les plantations à la fin du xixe siècle, soit qu’ils y aient été contraints par les diverses lois sur le travail obligatoire de l’époque, soit qu’il y aient été poussés par des nécessités économiques. C’est donc progressivement que des milliers d’indiens se sont installés de manière définitive dans les fincas comme ouvriers agricoles permanents et qu’ils y ont fondé des familles. Pour ces populations, la référence explicite aux origines indigènes s’est peu à peu perdue, quoique certaines pratiques aient persisté pendant plusieurs générations – dans le domaine religieux et de la parenté rituelle notamment. Il est donc malaisé, aujourd’hui, de retracer l’origine géographique et culturelle exacte des ouvriers de la région. Néanmoins, grâce aux archives des familles des planteurs et aux souvenirs de quelques ouvriers, il paraît raisonnable de dire que la majorité de la population des fincas de la Costa Cuca vient du département du Huehuetenango où prédomine le groupe Mam7. De surcroît, durant tout le xxe siècle, la côte sud fut également la destination principale de nombreux migrants métis et sans terre de l’Est du pays. Attirées par les bourgs en développement rapide et qui offraient du travail dans la petite industrie, ces populations n’ont pas tardé à s’intermarier avec celles des fincas. À l’échelle régionale, le mélange des populations s’est accéléré lorsque les plantations, dont la main-d’œuvre était surabondante, commencèrent à se défaire de leurs ouvriers vers les années cinquante. C’est ainsi qu’une nouvelle catégorie de population, métisse et sans aucune terre, a pris une importance démographique et culturelle considérable sur la côte sud : les « Natifs de la côte » ou « Costenos »8.
Les frontières spatio-temporelles et sociales de la région
18La région connue sous le nom de Costa Cuca ne correspond à aucune entité territoriale administrative officielle. Le nom est visible sur quelques rares panneaux de signalisation (en venant du município de Flores notamment). Mais la reconnaissance officielle s’arrête là. En fait, la dénomination « Costa Cuca » appartient davantage au registre de l’oralité qu’à celui de l'écrit9. Cependant, si la Costa Cuca n’a pas de contours politico-administratifs officiellement reconnus, ses frontières n’en sont pas moins marquées par des repères géographiques, agricoles et sociaux parfaitement opératoires pour les personnes qui y vivent. D’après ses habitants, la Costa Cuca se distingue tout d’abord de la « Costa Grande » (appelée parfois « Boca Costa »), la zone de piémont de la Sierra Madre située plus à l’est ; elle diffère également de la « Costa », la plaine littorale et côtière ; enfin, elle se différencie des « Altos », l’ensemble des hautes terres.
19Des associations – combinant divers facteurs géographiques, sociaux et agricoles – donnent finalement naissance à un espace reconnu comme distinct des autres. La délimitation de cet espace permet aux habitants de se repérer et de se différencier de leurs voisins. Par exemple, les acheteurs de café affirment que la Costa Cuca réunit les municípios « strictement caféiers » de Colomba, Flores et Coatepeque. Les habitants de la Costa Cuca, quant à eux, disent que les Altos sont peuplés d’« Indiens plus ou moins primitifs » qui survivent sur des parcelles plantées en maïs, en haricot et en courge (milpas). Ils disent aussi que la Costa Grande est « peuplée de fainéants » et qu’on y cultive des produits d’exportation dans d’immenses propriétés sous-exploitées. Enfin, ils déclarent que la Costa est « américaine », car dominée par de gigantesques domaines sucriers, cotonniers et d’élevage dont « on ne voit jamais les propriétaires ». L’ensemble de ces catégories spatio-temporelles peut être résumé sous la forme des équivalences suivantes :
20Altos = Indiens = milpas
21Costa Grande = Métis = haciendas/fincas
22Costa = Étrangers = ingenios/haciendas/huleras
23Le contraste affiché par les habitants de la Costa Cuca entre « eux » et leurs voisins, les » autres », ne signifie pourtant pas qu'il n’existe aucune différenciation sociale à l’intérieur de la région. De même, le fait que les habitants de la Costa Cuca ne partagent pas un même ethnonyme – et le fait qu’ils occupent des positions socioéconomiques très inégales – ne contredit pas l’existence d’un sentiment d’appartenance à une même région. Néanmoins, pour l’instant, retenons simplement que chaque groupe d’acteurs a tendance à se comparer à un groupe d’acteurs de statut comparable à l’échelle nationale ou interrégionale. Par exemple, les finqueros de la Costa Cuca se considèrent comme « les seuls vrais et purs caféiculteurs » du pays. Les ouvriers de plantation se présentent quant à eux comme « les travailleurs les plus courageux et les plus fidèles de toute la côte ».
L’ORGANISATION DE LA PRODUCTION DU CAFÉ SUR LA COSTA CUCA
24L’omniprésence du café sur la Costa Cuca est frappante pour le voyageur. C’est à peine si l’on peut distinguer d’autres cultures. Parfois, des rangs de bananiers longent un chemin. Plus rarement on aperçoit des plantations de cardamome dans les zones les moins accessibles des propriétés. Les caoutchoutiers et autres cacaoyers sont tout à fait résiduels. Pour trouver quelques pieds de maïs et de haricots, il faut pénétrer dans un campement ouvrier et visiter le petit jardin d'une famille.
L’omniprésence du café
25Environ 58 % de la Costa Cuca est plantée en café, ce qui représente près de 15000 hectares sur les 25 500 hectares que compte la région. Le município de Colomba livre la plus forte production de café du pays : environ 11 500 tonnes de café déparché (oro), soit plus de 6 % de la production nationale totale en 1987. À titre comparatif, le município de El Tumbador – le plus gros producteur du département de San Marcos – produisait 2800 tonnes de café oro la même année (Direction générale des Statistiques ou DGE 1983 : 262)10.
26J’estime à 120 le nombre de plantations de café comprises entre 37 ha et 1 100 ha sur la Costa Cuca. La superficie caféière de la région couvrant 15000 ha, la moyenne des plantations est donc de 125 ha. À l’hectare, la production moyenne de café oro (766 kg) dans la région est légèrement supérieure à la moyenne nationale (760 kg). Mais, en réalité, les plantations de la zone n'ont pas toutes le même niveau. En fait, sur 120 fincas, seules une quarantaine produisent de grosses quantités de café (entre 1 500 et 2 000 kg de café oro à l’hectare), ce qui correspond d’ailleurs à des rendements bien inférieurs à ceux des meilleures fincas costariciennes ou colombiennes. Dans les plantations modernisées de la région, la densité des caféières est plus élevée (1 500 à 1 700 pieds de café à l’ha) que dans le reste du pays.
27De manière générale, les planteurs de la Costa Cuca sont plus soigneux qu’ailleurs. Il règne, de surcroît, un climat extrêmement compétitif entre eux. De manière ironique, les finqueros aiment comparer leurs rendements à ceux de leurs voisins. Lorsqu’ils se rencontrent dans les clubs de Coatepeque et après avoir bu quelques verres de whisky soda, il arrive même que les planteurs s’interpellent avec agressivité.
28Les statistiques nationales confirment le désintérêt des finqueros de la région pour les autres cultures que le café. Plus les plantations sont grandes, moins elles sont diversifiées. Il semble toutefois que le recensement sous-estime considérablement le poids de la cardamome, une culture spéculative qui fut relativement importante entre 1972 et 1985 (cf. chap. 3). Seulement 5 à 10 % des terres cultivées des fincas – le maximum que j’ai constaté étant de 25 % – sont actuellement consacrés à des pâtures, à des cultures secondaires ou expérimentales : canne à sucre, cacao, noix de macadamia (sorte de noix sucrée), hévéa, épices (cardamome et poivre notamment). D’une manière générale, les planteurs minimisent l’importance de leurs activités agricoles secondaires, car il s’agit, disent-ils, « de se préserver des voisins avec lesquels on est en compétition perpétuelle ». En effet, les cultures secondaires appartiennent à des marchés spéculatifs qu’il faut rapidement saisir. On peut aussi penser que cette discrétion a pour but d’embrouiller l’esprit de celui qui viendrait évaluer leur richesse « sous prétexte de s’intéresser à l’agriculture ». Les finqueros nourrissent en permanence la crainte de l’intrus, qu’il soit fonctionnaire de l’État ou simple visiteur, s’imaginant que toute question relative à la terre masque l’intention de la leur soustraire.
29Depuis 1870, le café n’a donc jamais cessé d’être la production principale de la région. Mieux, la culture du café s’est toujours imposée comme celle qui orchestre le développement de toutes les autres activités agricoles. Non seulement le café est le produit principal de la Costa Cuca, mais il en est également le produit moteur. Comme disent les finqueros et les ouvriers, la Costa Cuca est une « caféière géante ».
Estimations sur les rendements, la rémunération et les coûts de production des finqueros
30Compte tenu des aléas du climat, des différences d’altitude et de la diversité de la qualité des soins portés au café, il est extrêmement difficile de mesurer le rendement moyen de la plante. D’après l’Anacafé, le pays a produit (et non pas exporté) un peu moins de 180 000 tonnes de café oro en 1988-1989. En tenant compte de la superficie caféière du Guatemala, la production moyenne à l’échelle nationale est donc d’environ 760 kg de noyaux oro à l’hectare (Anacafé, 1991 : V-5). Comme la densité de plantation moyenne nationale est d’environ 1300 pieds de café à l’hectare, on peut estimer le rendement moyen de chaque arbuste à moins de 0,6 kg de café oro, soit un peu moins de 3,5 kg de cerises. Mais, répétons-le, ces chiffres sont sujets à d’importantes fluctuations tant à l’échelle d’une région que d’une même plantation.
31La rémunération des producteurs de café dépend, quant à elle, des fluctuations du marché international. Au Guatemala, le coût de production moyen d’une plantation modernisée est estimé à 4 000 FF à l’hectare. La moitié de cette somme est consacrée à la rémunération de la main-d’œuvre, l’autre moitié aux différents intrants (semis, engrais, pesticides, fertilisants, matériel agricole, essence). En principe, ces différentes charges sont incompressibles (Anacafé, 1991 : V-5)11.
32En 1985-1986, une excellente année pour le marché du café, les producteurs percevaient près de $ 125 (environ 700 FF) par quintal de café pergamino vendu à l’exportateur (le quintal centraméricain pèse 46 kg). Au prix de l’époque, ils recevaient donc environ 15 FF par kg de café pergamino produit12. Or, en moyenne, les caféiculteurs guatémaltèques produisaient 34 quintaux de café pergamino à l’hectare et par an. Par hectare, leur recette se montait donc à près de $ 4 250 soit à environ 2 3375 FF. En déduisant les divers coûts de production, estimés plus haut à 4 000 FF par hectare, la marge des planteurs de café est donc très importante (19 375 FF soit environ 82 % de bénéfice). En 1989, en revanche, le prix d’achat du quintal chuta considérablement ($ 54 soit 324 FF). Dès lors, les recettes à l’hectare ne furent plus que d’environ 11 000 FF et les bénéfices de 7 000 FF13.
33Si l’on prend l’exemple d’une finca d’une centaine d’hectares – qui ne produit pas plus que la moyenne nationale – et si l’on fait une moyenne entre les prix du café de 1985-1986 et de 1989-1990 (respectivement les plus élevés et les plus bas de la décennie), on obtient les résultats suivants pour une année agricole :
- Production : 34 quintaux à l’hectare à raison de $ 89 (511 FF) le quintal = 3 400 quintaux, soit $ 302 600 (1 740 000 FF).
- Coûts de Production : 4 000 FF à l’hectare = 400 000 FF.
- Bénéfices nets (approximatifs) : $ 204 657 (1 340 000 FF).
34Il ne convient pas d’appliquer mécaniquement ces chiffres à tous les planteurs de toutes les régions. Ils n’ont pas d’autre but que de donner un ordre de grandeur de l’importance de l’argent dans la filière du café.
Une structure foncière originale
Une région de « moyennes » plantations
35L’originalité de la caféiculture guatémaltèque est d’appartenir à la grande plantation de plus de 200 ha. Dans les autres pays, le café arabica est en effet produit dans des petites propriétés paysannes, de quelques hectares seulement, où prédominent les cultures vivrières (Tulet et al. 1994). Dans ce contexte, les fincas du Guatemala font donc figures de géantes, quoique la Costa Cuca présente une situation un peu particulière.
36La configuration foncière de la région illustre en effet la bipolarisation de la situation agraire du Guatemala, sans pour autant en constituer ni un cas extrême ni un cas exemplaire. En réalité, il s’agit plutôt d’une situation moyenne puisque la « finca plurifamiliale moyenne » de 45 à 900 ha, c’est la dénomination employée dans le recensement, y est le type de propriété dominant. Les domaines de 100 à 150 ha occupent en effet plus de 85 % de la superficie caféière tandis que les minifundios (une centaine) représentent moins de 1,5 % de la superficie caféière du município de Colomba (DGE 1983 : 262). Dans les autres zones caféières du pays, l’Alta Verapaz et le San Marcos notamment, les exploitations regroupent plusieurs centaines d’hectares. En termes relatifs, la Costa Cuca est donc une région de « moyennes plantations »14.
37La catégorie de « finca plurifamiliale moyenne « mêle cependant des situations hétérogènes. C’est pourquoi il m’a fallu effectuer mon propre recensement afin de me faire une idée plus précise de la structure foncière de la Costa Cuca15 (cf. tabl. iv). Actuellement, on dénombre 120 fincas de 37,5 ha à 1100 ha sur la Costa Cuca : 98 sur le município de Colomba, 8 sur celui de Flores et 12 sur celui de Coatepeque. Sur ces 120 moyennes propriétés, 2 ont plus de 500 ha ; 5 ont entre 300 et 500 ha ; 105 ont entre 100 et 300 ha ; et, enfin, 8 ont moins de 100 ha. Indépendamment de ces 120 fincas, on dénombre trois communautés agraires sur lesquelles je reviendrai.
Tableau IV. L'importance réelle et relative de la « moyenne plantation » sur la Costa Cuca.
Superficie des fincas | Nombre de fincas | Surface caféière (ha) | Surface caféière ( %) |
Plus de 500 ha | 2 | 1 700 | 11,33 |
Entre 300 et 500 ha | 5 | 1 600 | 10,66 |
Entre 100 et 300 ha | 105 | 10 400 | 69,33 |
Moins de 100 ha | 8 | 300 | 2 |
« Communautés agraires » | 3 | 1 000 | 6,66 |
Totaux | 120 fincas et 3 « C.a. » | 15 000 | 100 |
38Tirant profit de cette étiquette administrative de moyens propriétaires, les planteurs de la région se comparent souvent, à leur avantage, à ceux de l’Alta Verapaz, l’archétype du département auquel les Guatémaltèques se réfèrent lorsqu’ils parlent de café. Il est vrai que, dans ce département, 3 % des exploitations agricoles – comptant en moyenne 419 ha – monopolisent plus des trois quarts des terres cultivées (DGE 1983 : 274).
39Mais la domination de la moyenne propriété sur la Costa Cuca n’est pas le fruit du hasard. Elle remonte à l’époque de la colonisation massive de la région vers 1870-1880 lorsque divers décrets tendirent à réduire la superficie des terres vierges accordées aux colons (Cf. chap. 3). Par la suite, le jeu des héritages et les menaces de réforme agraire incitèrent les finqueros de la Costa Cuca à intensifier la production de leur exploitation plutôt qu’à s’étendre dans l’espace. Cette histoire spécifique, en tout cas, n’est pas sans répercussions sur le mode de supervision des fincas et le climat social qui y règne actuellement.
Les communautés agraires : l’ancrage de la subversion dans la région
40Les minifundios de la Costa Cuca se répartissent en trois communautés agraires, ces dernières étant d’anciennes grandes propriétés dont les propriétaires (Allemands) furent expropriés pendant la seconde guerre mondiale à titre de dommages de guerre. En 1953, ces fincas furent redistribuées en parcelles aux ouvriers qui y travaillaient antérieurement (cf. chap. 3).
41Chacune des trois communautés agraires regroupe aujourd’hui 200 à 300 copropriétaires ou comuneros. Néanmoins, la famille guatémaltèque comptant en moyenne cinq individus, on peut dire que chaque communauté agraire compte environ 1 000 personnes (une finca, en moyenne, en regroupe autour de 240). En principe, l’inaliénabilité des parcelles devait être préservée pendant 25 ans. C’est donc en 1988, l’année de mon arrivée dans la région, que les comuneros eurent légalement le droit de vendre leurs lopins. En général, ceux-ci furent fractionnés en plusieurs micro-parcelles vendues comme terrains d’habitation. Les acheteurs, pour la plupart originaires de la Costa Cuca, furent des ouvriers de finca retraités, des veuves d’ouvriers munies d’un petit capital ou, plus rarement, des migrants provenant d'autres régions. Aujourd’hui, les communautés agraires forment de véritables petites bourgades dotées de commerces, d’églises, d’écoles, de buvettes et de centres médicaux. Avec l’afflux des nouveaux arrivants, elles se caractérisent par une forte densité démographique qui demeure difficile à estimer.
42On pourrait croire que ces enclaves de minifundios constituent des réserves opportunes de main-d’œuvre pour les finqueros. C’est d’ailleurs pour travailler plus facilement dans les fincas environnantes que les familles s’y installent. Il n’en est rien, car les finqueros voient d’un très mauvais œil la présence de ces communautés agraires dans la région. Pour eux, il s’agit davantage de « foyers de subversifs » échauffés par les guérillas, les syndicats et autres nouvelles Églises que d’une source inépuisable de tâcherons : « la subversion, disent les finqueros, se sert de ces populations misérables comme d’un relais pour s’infiltrer dans toute la région ». Pour les planteurs, il est donc généralement hors de question d’embaucher cette main-d’œuvre peu onéreuse, certes, mais pernicieuse pour l’ordre établi. De manière métaphorique, les communautés agraires sont perçues comme l’excroissance de la subversion. Elles constituent un « foyer microbien » où se développent toutes les maladies sociales, économiques et politiques de la région. Les communautés agraires illustrent ce que l’avenir ne doit pas être.
Une tenure foncière en voie de transformation
43La Costa Cuca est souvent présentée par les finqueros comme une « aire de liberté » où chacun travaille la terre qui lui appartient en toute indépendance. Certains planteurs ont même coutume de se présenter comme les « seuls maîtres à bord ». Vu de l’extérieur, le finquero de la région incarne le propriétaire-exploitant, paternaliste, fier de sa terre et de son œuvre. Contrairement à bien d’autres oligarques, il est vrai qu’il investit toute son énergie et son argent dans une terre à laquelle il ne cesse de s’identifier. Pourtant, les formes de l’appropriation sont plus diverses qu’il n’y paraît à première vue.
44En faisant exception des trois communautés agraires, on dénombre en effet 75 fincas organisées en sociétés anonymes dans la région. La plupart de ces sociétés sont dirigées par un ou plusieurs membres d’une même famille (souvent des frères). Aujourd’hui, la majorité des plantations est donc organisée en société anonyme quelle que soit l’origine du propriétaire.
45Suivent environ 45 fincas ayant un seul propriétaire et étant directement exploitées par lui. Cette forme d’exploitation, la plus ancienne et la plus valorisée, accuse un net recul par rapport à la précédente depuis les années vingt, à la fois parce que la terre se raréfie dans la région et que la société anonyme est une excellente protection juridique contre d’éventuelles réformes agraires. Et la tendance ne devrait que s’accentuer avec le temps, en dépit de la valorisation extrême de la propriété privée unique et indivisible prônée dans le discours des finqueros16.
46Plus récemment, de nouvelles formes de propriétés sont apparues. En 1985, trois fincas de la région mêlaient les intérêts d’une famille du café et d’une grande compagnie d’exportation. Depuis 1990, soit un an après la rupture des clauses économiques des accords internationaux du café, les sociétés par actions avec participation étrangère se multiplient. Dans ce cas, les finqueros apportent leur patrimoine aux exportateurs de café tandis que ces derniers leur en redistribuent une partie, minoritaire, sous forme d’actions. Dès lors, le planteur, anciennement propriétaire et exploitant, ne fait plus qu’administrer la finca sous la supervision de ses puissants associés. Dans cette formule, le finquero n’a plus de pouvoir direct de décision sur les choix agricoles, sociaux et commerciaux de l’exploitation. Les finqueros appellent « contrôlées » ce type de plantations. Bien qu'il soit pratiquement impossible de les dénombrer, on estime actuellement (1994-1995) à une quinzaine les fincas contrôlées dans la région. Les finqueros évoquent difficilement la question des sociétés par actions, car ce sujet dévoile la nature conflictuelle des relations qu’ils entretiennent avec le groupe des agro-exportateurs allemands. De manière générale, ils n’abordent que rarement les questions foncières, car le spectre de la réforme agraire hante perpétuellement leur esprit. Derrière les questions les plus anodines, les planteurs craignent toujours que se profile une enquête visant à les déposséder.
Notes de bas de page
1 La catégorie « Autres Doux » regroupe le café provenant des sept États d'Amérique centrale, du Mexique, de l’Équateur, du Pérou, de la République Dominicaine, de l’Inde et de la Papouasie-Nouvelle-Guinée (Anacafé, 1991 : I-2). Les cafés « Autres Doux » comptent pour 28 % de la production mondiale exportée.
2 Rappelons que le município est l’entité territoriale et administrative qui vient après le département (cf. glossaire).
3 Administrativement, ces plantations appartenaient au município de Colomba jusqu'en 1904 (Gall, 1978 : 439).
4 La route panaméricaine, qui traverse toute l'Amérique centrale et du Sud, se scinde en deux au Guatemala. On distingue la route du haut (la carretera ciel altiplano) et la route du bas (la carretera de la costa). Les deux portions ont été entièrement asphaltées en 1950.
5 Gall donne aussi l’exemple d’un hameau de la région (Taltute) rebaptisé en 1912 du nom de la mère du président-général Estrada Cabrera (1898-1920) qui y possédait une propriété. Aujourd’hui encore, le hameau porte le nom de Santa Joaquina (1978 : 461).
6 En 1880, le município de Coatepeque comptait 1139 personnes. La ville dénombrait 6272 habitants en 195(5 ?), 13758 en 1964 et 15979 en 1973 (Gall, 1978 : 440-441). Cf. également le recensement de population établi par la Direction générale des Statistiques (1990).
7 Les noms de famille des ouvriers sont également des indices révélateurs des origines socio-géographiques.
8 En Équateur, le petit paysan installé sur la côte, mais originaire des Andes, est connu sous le nom de « Montuvio ». Son identité se caractérise d’abord par le refus d’être assimilé à un Indien, un terme qui lui rappelle la situation précaire, tant sur le plan économique que symbolique, qu’il occupait dans la montagne.
9 Je reviendrai cependant sur l’origine et la signification du nom de « Costa Cuca » dans le chapitre 9.
10 La graine de café fraîchement cueillie est appelée « cerise ». Une fois lavée, pelée et dépulpée, on l’appelle « café pergamino » (en parche). L’exportateur, qui lui ôte sa dernière écorce protectrice, parle de « café oro » (déparché). Le rapport de poids entre le café en cerise et le café pergamino est de quatre et demi pour un. Il est d'environ cinq et demi pour un entre le café en cerise et le café déparché.
11 Les estimations de l’Anacafé surestiment certainement la part du coût de la main-d’œuvre. L’institution part en effet du principe que les producteurs payent tous leurs quotas à la Sécurité sociale, les indemnisations de licenciement et de retraite, les congés payés, les congés maladies... En réalité, l’attitude des planteurs est souvent bien moins civique. Mais j’analyserai plus loin ces différents problèmes.
12 Soit environ 28 % du prix du produit final vendu sur le marché (environ 60 FF le kg).
13 Pour avoir une idée du prix d’une plantation, on multiplie la valeur totale de la cueillette du café par deux. Mais le nombre d’ouvriers permanents et l’état du beneficio sont également des éléments déterminants, même si on ne les présente pas comme tels.
14 En dépit de cette particularité locale, j’ai tout de même choisi de présenter la plantation étudiée comme « grande » (cf. sous-titre).
15 Pour réaliser celui-ci, j’ai progressivement complété la liste des fincas de la région établie en vue de l’application de la Réforme agraire de 1952 (publiée par Rubio Sanchez en 1953-54a).
16 En 1952 (juste avant la Réforme agraire), Rubio Sanchez dénombrait six fincas organisées en sociétés anonymes et cinq communautés agraires dans le seul município de Colomba (1968).
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