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Avant-propos

p. 15-18


Texte intégral

1Ce document, élaboré sous l’égide de l’IRD par un groupe international d’experts, fait la synthèse des connaissances relatives à la contamination des humains et de leur environnement par le mercure en Amazonie.

2Le monde amazonien, malgré la présence d’une couverture végétale apparemment uniforme, présente en réalité une forte hétérogénéité. De telles disparités modulent le cycle biogéochimique de ce métal toxique, de sorte que la réponse environnementale à un impact mercuriel donné peut notablement différer d’une région à l’autre.

3Deux formes de contamination mercurielle peuvent affecter la santé des populations locales : l’inhalation directe des vapeurs de mercure produites lors de l’extraction et de la purification de l’or et l’ingestion de poissons présentant de fortes teneurs en méthylmercure. Le méthylmercure est produit à partir du mercure dans des conditions biogéochimiques relativement bien définies, qui peuvent être réunies dans des environnements très divers. Ainsi, dans le bassin amazonien, ce sont les vastes plaines inondées en période de hautes eaux qui sont des sites privilégiés de méthylation. En Guyane, au contraire, il s’agit, selon toute vraisemblance, des multiples criques qui découpent le plateau en une succession de petites collines de faible amplitude et aussi du lac de barrage de Petit-Saut ou de son aval1.

4Les activités anthropiques peuvent significativement modifier, amplifier ou inhiber les flux au sein du cycle biogéochimique du mercure et notamment la production de son dérivé méthylé. Elles représentent un facteur important de différenciation régionale dans la mesure où, s’inscrivant dans des contextes différents de colonisation et d’exploitation du milieu, elles sont très variables en nature et en importance d’un endroit à un autre. Ainsi, en Amazonie brésilienne, la dynamique d’occupation du territoire résulte-t-elle d’un processus de planification étatique qui a conduit à de gigantesques fronts pionniers durables (déforestation, mise en valeur agricole, exploitation minière, aménagement d’infrastructures...), avec des implantations humaines qui se pérennisent. Au contraire l’occupation, récente, de l’espace forestier guyanais demeure beaucoup plus limitée, spontanée, anarchique, itinérante, étant essentiellement liée aux activités d’orpaillage. Le réseau dense de petites criques qui caractérise le paysage guyanais facilite la multiplication des chantiers consacrés à cette activité dans les fonds de vallées drainées. Les impacts des travaux d’excavation et d’exploitation des chantiers miniers – et leurs conséquences en termes de rejets mercuriels – y sont d’autant plus significatifs qu’ils concernent un réseau hydrographique de taille très modeste comparé à celui du bassin de l’Amazone. La contribution de l’orpaillage à la contamination mercurielle pourrait ainsi être plus importante en Guyane que dans le bassin amazonien dans son ensemble. Aussi, cette activité doit-elle faire l’objet d’une attention toute particulière, bien que d’autres activités anthropiques soient également susceptibles de favoriser indirectement la contamination du milieu par le méthylmercure.

5Cela dit, l’exposition des populations locales au méthylmercure par ta consommation quotidienne de poisson est une constante dans l’ensemble du milieu amazonien. Les études récentes menées par l’INSERM2, l’IVS3 et le CNRS4 dans les villages amérindiens du haut Maroni ont mis en évidence des niveaux élevés d’imprégnation par ce métal ainsi que des signes d’atteintes neurologiques précoces, les uns et les autres similaires à ceux qu’on observe au Brésil.

6L’expertise collégiale, qui repose sur un travail bibliographique approfondi présenté en quinze annexes, conduit à une synthèse développée ci-après en quatre points :

  • point 1 : l’Amazonie est un terrain de convergence des facteurs de risque de contamination naturelle du milieu par le mercure ;
  • point 2 : l’Amazonie, terre d’affinité du mercure, est fragilisée par les facteurs aggravants d’origine anthropique ;
  • point 3 : l’Amazonie est un terrain favorable à la formation de méthylmercure ;
  • point 4 : les populations amazoniennes sont en conséquence exposées à des risques sanitaires sérieux, dont il importe de se préoccuper activement.

7Des recommandations destinées à contrôler, réduire, voire éliminer ces risques sont formulées en conclusion. Nombre d’entre elles répondent directement aux questions spécifiques explicitement posées par la préfecture de Guyane et les services de l’État (DDASS5, DIREN6, DRIRE7 et DSV8). Toutefois, le collège des experts s’est efforcé d’aborder le « problème mercure » dans toutes ses dimensions. Il semble en effet difficile de s’en tenir à une approche – qui serait par trop réductrice – consistant à traiter séparément des aspects biophysicochimiques, sanitaires ou techniques du problème, sans aborder de front la problématique des relations complexes entre les populations et leur environnement, dans les contextes socioculturels, économiques et, disons-le, politiques qui les caractérisent.

8Les problèmes que pose en particulier l’orpaillage ne se limitent pas à ses effets polluants. Par la manne qu’il représente actuellement, il est le principal moteur d’occupation des terres intérieures, responsable notamment de nombreux transferts non contrôlés de populations diverses (Brésiliens, Surinamiens, etc.). Ces populations, profitant de la relative perméabilité des frontières guyanaises, exploitent, souvent illégalement, pour le compte d’employeurs français, des placers sans souci de protection ni de leur santé ni de l’environnement. Il en résulte des conflits d’occupation du milieu et d’exploitation des ressources avec les populations traditionnelles qui vivent de pêche, de chasse et d’agriculture.

9Aborder le problème de la pollution mercurielle en Amazonie – et plus spécifiquement en Guyane – dans le but d’en contrôler et d’en réduire le niveau et les conséquences de tous ordres conduit donc inévitablement à recommander de traiter de l’ensemble des problèmes économiques, sociaux, culturels et politiques que pose l’orpaillage.

Notes de bas de page

1 L’actuel programme de recherche « Mercure en Guyane » du CNRS devrait, entre autres, permettre de vérifier la validité de cette hypothèse.

2 Institut national de la santé et de la recherche médicale.

3 Institut de veille sanitaire.

4 Centre national de la recherche scientifique.

5 Direction départementale des affaires sanitaires et sociales.

6 Direction régionale de l’environnement.

7 Direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement.

8 Direction des services vétérinaires.

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