Quelques vérités sur les Dii, prétendu « peuple de l’igname » (Nord-Cameroun)
Some truth about the Dii, so called "people of the yam" (Northern Cameroon)
p. 169-192
Résumés
Cette contribution montre la diversité et l’évolution des cultures consacrées à la fois à la consommation interne et à l’exportation chez les Dii de l’Adamaoua. L’accent est mis sur les ignames qui ont fait connaître les Dii chez leurs voisins. L’exportation de cultures vivrières est attestée depuis la première mention des Dii dans la littérature, à la fin du XIXe siècle, et s’est perpétuée jusqu’à aujourd’hui. Cependant, la situation est beaucoup plus compliquée que ne le laissent entendre quelques clichés très répandus sur les Dii, mais réducteurs.
This article will attempt to show the diversity and evolution of crops cultivated for both internai use and exportation among the Dii of Adamaoua. Emphasis will be put on yams which have attracted the attention of the neighbours of the Dii. Exportation of crops is attested since the first mention of the Dii in the literature, at the end of the nineteenth century, and it is still practised. However, the present situation is far more complicated than some simplistic opinions on the Dii would suggest.
Entrées d’index
Mots-clés : agriculture, ignames, commerce, Adamaoua, Dìì
Keywords : agriculture, yams, trade, Dìì, Adamaoua
Texte intégral
1Les Dìì, appelés plus généralement Dourou – une dénomination externe dont ils s’offusquent depuis longtemps – vivent dans plus d’une centaine de petites chefferies, formant chacune un village (Muller, 1999). Leur population totale se monte à environ 50 000 personnes. Ils parlent plusieurs dialectes : le saan, le paan, le naan et le huun sont ceux des minorités de l’extrême nord-ouest, le mam be’ est le dialecte du centre, le mam nà’a celui du sud-est et le goom celui du sud-ouest (Muller, 2001). Des déplacements furent occasionnés lors de la conquête peule au xixe siècle, et on trouve maintenant des chefferies mam be’ et mam nà’a dans d’autres aires linguistiques (Muller, 1997). Ces chefferies sont réparties sur un grand territoire (figure 1) qui s’étend du nord-ouest au sud-ouest le long de la route trans-camerounaise, bitumée en 1974, allant depuis le Carrefour-Poli jusqu’au pied de la falaise de Ngaoundéré. D’ouest en est, plusieurs chefferies sont établies sur le plateau le long de la route qui va de Ngaoundéré à Ganha et qui se prolonge jusqu’en territoire mboummbéré. D’autres sont situées au pied sud de la falaise : le long de la route Mbé-Sassa Mbersi et, dans le Mayo-Rey, le long des pistes allant de Guidjiba (sur la trans-camerounaise) à Tcholliré, et de Mbé (aussi sur la trans-camerounaise) à Tcholliré, cette dernière étant impraticable pendant environ six mois. Presque toutes les chefferies dìì sont situées aux abords immédiats de l’une ou l’autre de ces routes ou pistes, les maisons littéralement collées le long de la chaussée. La fréquentation différentielle de ces pistes par les camions est un élément crucial pour comprendre les diverses rationnalités qui justifient les productions agricoles contrastées de ceux qui en sont les riverains. Ceci a occasionné plusieurs méprises sur la nature de leur agriculture. Je donnerai ci-dessous les diverses espèces, qu’elles aient été traditionnelles ou introduites relativement récemment, que les Dìì ont cultivées pour eux et/ou pour le marché extérieur.
Les ignames
2Les Dìì sont connus loin à la ronde et surtout dans la ville de Ngaoundéré pour être un « peuple de l’igname ». Lorsqu’on veut les taquiner, on leur dit de rentrer chez eux pour cultiver leurs ignames. Cette dénomination/cliché est ambiguë car elle prête à confusion. Les Dìì la voient comme pouvant signifier deux choses : la première est qu’ils sont des consommateurs invétérés de ce tubercule et la seconde qu’ils en produisent beaucoup sans nécessairement en consommer. Ils pensent généralement – à juste titre – que c’est selon sa première acception qu’ils sont désignés, ce qui les met en colère sans toutefois qu’ils l’expriment devant leur interlocuteur, politesse oblige ! C’est une toute autre histoire lorsqu’ils expliquent leur position en privé. Ils se disent fermement des « gens du mil (mil chandelle), tud sem, et sorgho, tud zòlom », considérant l’igname comme une nourriture d’appoint qu’ils vendent aussi à l’extérieur. En fait, ils ne l’apprécient guère et s’excusent même quelquefois d’en servir à leurs invités, prétextant qu’ils n’ont pas eu le temps de préparer un vrai repas. Après en avoir mangé, certains disent qu’ils sont encore à jeun. Mais le commerce est une chose et la consommation une autre et nous allons voir d’abord la seconde.
3Les Dìì prétendent connaître les ignames depuis toujours et plusieurs versions de leur origine et de la découverte de leur usage sont données. La première viendrait de l’observation des singes qui déterraient les ignames sauvages, probablement Dioscorea abyssinica. Les Dìì les auraient alors imités car : « Ce que le singe mange, on peut le manger ». Mais ils connaissent aussi les sortes d’ignames sauvages toxiques, dont probablement D. dumetorum, et savent comment les préparer en les faisant bouillir et en les laissant décanter un jour ou deux dans leur eau de cuisson. Ces ignames sauvages sont vues comme un dernier recours en cas de famine et quelques Dìì m’ont raconté que leurs ancêtres en firent tout de même usage, en la circonstance très apprécié, après leur fuite précipitée devant les menaces du lamido (chef peul) de Rey-Bouba. Une seconde origine dit qu’un chef de village se promenait dans son champ et que toutes les sortes d’ignames s’approchèrent de lui en file indienne en faisant une révérence. Il prit peur et se sauva mais les ignames le rassurèrent et lui expliquèrent quoi faire avec elles, la première récolte, la seconde, etc. Il suivit leurs conseils et en montra le résultat aux gens qui adoptèrent ces tubercules, du terme générique de dub, qui sont de plusieurs variétés dont voici les principales :
4Les Dìì connaissent aussi D. bulbifera mais ils ne classifient pas leurs variétés parmi les ignames. Elles forment un genre à part connu sous le nom de tu’ mais il existe aussi une variété appelée tu’ sii qui produit un gros tubercule semblable à une pomme de terre. Elles n’étaient jamais vendues bien qu’elles le soient un peu maintenant. On trouve encore une espèce non mangée qui sert de remède spécifique pour diverses maladies connue sous le nom de tu’ gam auquel on ajoute le nom de la maladie.
5Seules les deux premières variétés que les Dìì classifient comme ignames sont commercialisées. Leurs tubercules sont assez longs, la première étant poilue alors que la seconde est lisse. Les quatre autres espèces ne sont que rarement vendues mais servent de nourriture d’appoint. Les deux premières se récoltent dès août pour la première récolte ; la seconde récolte, qui servira surtout pour les semences, se fait plus tard dans la saison. Les autres n’ont qu’une récolte (voir Garine, 1995, p. 75-85 pour les ignames chez les voisins duupa ; Hata, 1973, p. 99-101 ; 1980, p. 170-171 pour les Dìì du village de Ngeseg Ngay, Dumont et al., 1994, pour les Dìì en général). Depuis cinq ou six ans, une igname courte originaire du Nigeria, appelée dub nigeria a beaucoup de succès car elle croît rapidement et se vend bien dès mi-juillet. Cependant, les Dìì ne la mangent pas beaucoup, n’en appréciant pas le goût.
6Comme tous les cultigènes que les Dìì tiennent pour leurs cultures originelles, les ignames sont l’objet de rites : chez les Dìì de dialecte mam nà’a et mam be’, qui sont la grande majorité, les ignames étaient, jusqu’à tout récemment, rituellement plantées en mars/avril par le circonciseur/prêtre du village, le dòŋ nàà, qui les ensemençait d’abord dans son champ. Il en avertissait le chef qui faisait une proclamation publique disant que les premières ignames avaient été plantées et que tout le monde était maintenant autorisé à le faire. Tous les chefs de village dìì faisaient au moins un rite des prémices en mettant les premières ignames récoltées sur l’autel, gbaa, de la chefferie et chacun suivait sur le sien propre, autorisant ainsi la consommation générale. Ces premiers semis et ces prémices montrent bien que les ignames sont des cultures anciennes, comme les gombos, les niébés, les mils et sorgho, tous soumis à des rituels alors que les cultures d’introduction relativement récentes, comme le manioc et le maïs, n’y sont pas astreintes. Les ignames étaient consommées, comme aujourd’hui, lorsqu’on était bousculé et pressé par le temps, ainsi que pendant la soudure bien qu’autrefois, jusque vers 1960, la principale nourriture de cette époque ait été une sorte d’éleusine (déterminée comme telle par l’IRA), sàd, presque disparue aujourd’hui. Les ignames étaient simplement bouillies et, ajoutent certains anciens avec un sourire de dérision, on ne prenait même pas la peine de faire de la sauce pour les accompagner... Cependant, malgré ce désintérêt pour la consommation locale, les ignames, ainsi que d’autres produits alimentaires, entraient déjà dans le commerce des denrées vivrières avant le début de la colonisation.
7Ce commerce est donc, chez les Dii, une tradition relativement ancienne. Après la conquête peule, une route caravanière, peu sûre par moment, relia Yola à Ngaoundéré dès le premier tiers du xixe siècle et les Dìì riverains se mirent à ravitailler les membres de ces caravanes. Les premiers voyageurs européens qui sont passés par cette route entre 1891 et 1895 ont laissé des documents écrits sur ces transactions. Attentifs aux ressources locales, ils nommèrent les vivres échangés contre des articles d’importation, « étoffes, perles, sel, etc. » (Mizon, 1896, p. 92). Le premier voyageur à emprunter cette route, Mizon (op. cit., p. 75) en 1891, dresse une liste des productions locales disponibles à Yola et mentionne les ignames. Le long de la route, des crieurs annonçaient la venue de la caravane de sorte que : « quand nous arrivions au zango [place du marché en hausa] nous trouvions un marché installé ; farine, grains, patates, poules et cabris étaient à vendre à des prix dérisoires » (op.cit., p. 92). Cholet (1896) ne mentionne rien de particulier au sujet des vivres échangés alors que Passarge (1896, p. 301) est très explicite. En entrant depuis le nord en territoire dìì dans le premier gîte d’étape dìì sur la route menant à Ngaoundéré, Alhadjin Galibou au pied du massif de Poli, il précise : « Pour la première fois (mes italiques) les femmes ont apporté au marché des tubercules d’ignames, longs comme un bras et ayant la forme d’un saucisson [on reconnaîtra ici les deux premières espèces que nous avons mentionnées et qui sont encore aujourd’hui principalement commercialisées : bàa kóó ka"í et ŋgáŋ]. Nous avons aujourd’hui franchi la limite septentrionale de la culture de ce tubercule. Je me suis posé la question de savoir si c’est pour des raisons climatiques ou ethnographiques que les Foulbé et les Haoussa ne semblent pas aimer ce tubercule, alors qu’il est généralement répandu chez les peuples païens. [...] Le chef arrive l’après-midi accompagné de ses dignitaires et avec une calebasse d’ignames et quelques poulets, qu’on s’était également procuré dans les villages voisins. » Lors d’une autre étape, au marché du village de Karna, il ajoute : « Des calebasses et des corbeilles tressées pleines d’ignames et de farine de mil sur la tête, un long bâton de montagne à la main, femmes, enfants et hommes armés jusqu’aux dents, étaient descendus de leurs villages de montagne. » Plus au sud, à la dernière étape/marché avant de franchir la falaise de Ngaoundéré, « nous attendait déjà un groupe de trente à quarante Dourrou, hommes et femmes, portant des calebasses et des corbeilles pleines d’ignames et de farine. » (op. cit., p. 320) Juste avant l’escalade de la falaise, « Le chef qui semble diriger la tribu du mont Oubaka vint également nous rendre visite muni d’une calebasse pleine de grosses ignames. » (op. cit., p. 320) Ainsi donc, avant la conquête allemande en 1901, les Dìì vendaient ou échangeaient des ignames du nord au sud de leur territoire, tout au long de la route caravanière et les chefs en apportaient comme cadeaux aux arrivants.
8On n’apprend pas grand-chose sur les ignames dans les rapports administratifs subséquents. Deux des trois premiers administrateurs allemands qui ont très brièvement parlé des Dìì, Strümpell (1914 [1982]) et von Briesen (1922 [1982]) ne mentionnent pas en détail les diverses cultures des Dìì tout en affirmant qu’ils sont des cultivateurs très soigneux. Le troisième, Lessel (1913/1914), décrit leur régime alimentaire de la façon suivante : « La nourriture principale consiste en un pain de grain, deuxièmement d’une soupe de différentes feuilles et herbes, troisièmement de gibier de toutes sortes, même des singes et des porcs, quatrièmement différentes sortes d’insectes, des fourmis volantes et des sauterelles, cinquièmement des poulets. [...] Sixièmement s’ajoute à cela du poisson qui est capturé au moyen d’hameçons, fdets ou nasses et septièmement les différentes sortes de fruits d’arbres sauvages. » Plus loin, il s’intéresse aux espèces cultivées : « Ils cultivent quatre sortes de grains : du millet, du maïs et deux espèces de grains de Guinée, des arachides, des patates douces, des ignames, des citrouilles, des concombres et des koko (une sorte de patate). » Par contre, rien d’un éventuel commerce de l’igname n’est signalé : « En ce qui concerne le commerce, les Durru ne disposent que d’un pur échange de biens. La nourriture est cultivée par eux-mêmes ; s’il y a une mauvaise récolte ou un manque quelconque, ils l’échangent avec d’autres villages contre du bétail ou du gibier. Comme ils sont des forgerons très habiles et comme la terre est très riche en métal, ils produisent des lances, des couteaux, des flèches et autres et les échangent contre du sel, des vêtements, des perles, etc., dans des endroits plus imposants où se trouvent des marchands haoussa. » Cet accent mis sur les produits de la forge dans le commerce est repris par Frobenius (1925 [1987, p. 141 sqg.]) qui, ayant travaillé dans la région entre 1910 et 1912, décrit les Dìì comme « un peuple de forgerons » qui cultive, entre autres, l’igname mais sans en mentionner le commerce.
9Cette absence relative de mention de l’igname ne veut pas nécessairement dire que son commerce ait décliné. Il a pu être simplement ignoré par ces observateurs qui avaient d’autres préoccupations en tête. Il faut souligner que cette présence de l’igname est attestée, à cette époque, seulement le long de la piste caravanière. Rien, à ce propos, ne transparaît dans les documents qui traitent des Dìì de l’est, plus particulièrement ceux des alentours de Tcholliré. Hamadjoda (1979, p. 262) nous dit : « Depuis longtemps avant l’arrivée des Foulbé dans ces régions-ci [il parle de Rey-Bouba même], l’agriculture, la pêche et la chasse étaient l’occupation principale des autochtones de Ray. Ils cultivaient du mil, de la variété mbayeeri et njigaari, du maïs, du fonio [une dénomination erronnée puisqu’il n’y a pas de fonio dans la région ; il s’agirait plutôt de l’éleusine qui est quelquefois désignée comme fonio], du sésame, de l’arachide, des pois voandzou, des noix de terre, des haricots ; la patate douce n’était pas courante ; le manioc et l’igname ne firent leur apparition que plus tard. » Mais si la culture de l’igname est plus récente dans la région, on reste dans l’ignorance de la date, même approximative, de son apparition et aussi des dimensions de la région peuplée d’autochtones à laquelle fait référence Hamadjoda. Il est plus que probable qu’Hamadjoda exclut les Dìì des autochtones de Ray qui étaient les Mono, Dama et Kali, tous depuis assimilés aux Peuls. Les Dìì n’apparaissent que plus tard dans son récit, non comme peuple autochtone à la région de Rey-Bouba mais comme un ennemi, situé un peu plus au sud, à conquérir. En tout les cas, Baudelaire (1938 b), un peu plus tard, stipule clairement à propos des Dìì de cette région : « Ils cultivent mil, arachides, sésame, patates et surtout (mes italiques) ignames. Ils ne craignent pas de se déplacer, soit pour aller vendre mil ou arachides aux traitants indigènes de Ngaoundéré, soit pour aller travailler à Ngaoundéré, Garoua ou même Yola, d’où ils reviennent avec un petit pécule. » Mes informateurs dìì de cette région m’ont aussi expliqué qu’ils avaient toujours cultivé l’igname, au moins pour leur consommation domestique, mais qu’ils en vendaient moins que ceux situés au bord de la route Garoua-Ngaoundéré, à cause de la difficulté du transport et du peu de circulation sur ces pistes extérieures.
10Il faut également noter que la piste caravanière Garoua-Ngaoundéré a subi, à cette époque, quelques modifications quant à sa fréquentation. Après la conquête allemande en 1901, relayée par l’administration française une quinzaine d’années plus tard, les populations locales se mirent elles-mêmes à fréquenter la route, ce qui n’est mentionné nulle part dans la littérature. Même la plupart des Dìì l’ont aussi oublié, s’ils sont assez âgés pour l’avoir vu, ou l’ignorent parce qu’il n’ont pas connu ce commerce plus restreint. A ce moment, les commerçants au long cours laissèrent la place à des entrepreneurs locaux engageant des porteurs, tout aussi locaux, pour des périodes plus ou moins longues. Les descriptions laissées par Passarge en 1895 montrent des porteurs professionnels expérimentés recrutés jusqu’à Bauchi, au Nigeria, et tout un échantillon de représentants du Bornou, de Haoussa, de gardes armés, etc., qui participaient aux aventures des caravanes. Toute cette faune haute en couleurs disparut et fut remplacée par des membres des populations riveraines de la route caravanière qui traverse le territoire dìì sur environ cent trente kilomètres. Etant sur place, ils pouvaient se nourrir eux-mêmes avec leur propre nourriture sans avoir à l’acheter. Comme ils préfèrent le grain, moins lourd que l’igname, c’est celui-ci qui les accompagnait. Plusieurs Dii, alors sous l’administration directe du lamido de Ngaoundéré et des Français, s’engagèrent dans ces activités entrepreneuriales qui couvrirent la fin des années 1910 et toute la décennie suivante. Les commerçants achetaient des tissus manufacturés à Garoua ou à Adoumri – un grand centre marchand à l’époque – les vendaient tout au long de la route jusqu’en pays bamiléké d’où ils revenaient chargés de noix de kola qu’ils écoulaient à Adoumri ou à Garoua avant de repartir vers le sud avec une nouvelle cargaison de textiles. Ce trajet était entrepris en saison sèche et ne se faisaient jamais plus de deux fois la même saison, le reste de l’année étant occupé aux tâches agricoles. Quelques uns de ces négociants purent même s’acheter, comme signe de prestige et de réussite, des chevaux personnels, au contraire des chefs de villages importants qui les recevaient, mais en prêt seulement, directement du lamido de Ngaoundéré. Ces anciens marchands, très vieux à l’époque de mes enquêtes, ne m’ont jamais parlé d’exportation d’ignames, trop lourdes sans doute pour le prix qu’elles auraient rapporté ; le tissu était plus rentable.
11Mais la situation changea brusquement en 1929, lors de l’ouverture de la route carrossable Garoua-Ngaoundéré. Cette route, un peu à l’écart de la vieille piste, tua net ces développements locaux spontanés. L’administrateur Baudelaire (1938 a, p. 6) est très explicite sur ce point : « La région traversée par la route Garoua-N’Gaoundéré fut longtemps, entre le Mayo Sala et le Mayo Zoro [limite de la Province du Nord avec pour capitale Garoua et celle de l’Adamaoua avec pour capitale Ngaoundéré] un véritable désert. Sur plus de 100 km, la seule agglomération était Karba Manga qui, on l’a vu plus haut, était le seul village qui se trouvait à proximité du tracé.
12« Ayant jugé hâtivement que le pays était un vaste plateau sans eau, on en déduisit que tout peuplement était impossible et de ce fait, la route demeura déserte jusque vers 1933-1934.
13« Or, comme on avait fini par comprendre le véritable aspect du pays – en fait une étroite crête bordée de part et d’autre par les très nombreux affluents de la Bénoué et de ses tributaires l’Administration, aidée efficacement par le lamido de Rey, obtint des Dourou voisins qu’ils vinssent s’installer en bordure de la route. « Les émigrants ayant trouvé des terrains abondants et relativement fertiles, l’exode s’amplifia et, en l’espace de trois ans, les villages de la piste furent désertés au profit de la route où se trouvent à présent 41 villages groupant plus de 3 000 individus. »
14Plus loin, Baudelaire (op. cit., p. 16) ajoute : « Cependant cette situation de riverain d’une des principales artères du territoire n’est pas tellement mauvaise. Les Dourou écoulent facilement le mil qu’ils vendent moins cher qu’à Garoua, ainsi que leurs ignames qui sont très demandés par les chauffeurs du sud. »
15En effet, les chauffeurs ont été, jusqu’à aujourd’hui, des acheteurs assidus, remplissant les fonds de leurs camions ou de leurs bus de bottes d’ignames selon leurs capacités en espace ou en argent liquide pour les revendre plus au sud, instaurant ainsi ce qu’on pourrait appeler l’« âge d’or » de l’igname chez les Dii. Ces opérations commerciales le long de la route sont plus importantes dans les grandes localités où s’arrêtent habituellement les véhicules – Carrefour-Poli, Gamba, Ngaouyanga, Mbé et Waag – et ce dans les deux sens, les achats se faisant pour les revendre au nord comme au sud. Une bonne partie des cultivateurs d’ignames possède une petite remorque, du type de celles qui chez nous sont accrochées aux bicyclettes, pour transporter leurs ignames de leur champ au point de stockage et de vente. Dans ces villages importants, les ignames sont exposées en tas sous des auvents (Roupsard, 1983 ; 1987, p. 241, photo 16), mais dans maintes petites localités entre Mbé et Waag, des cages couvertes avec treillis frontal remplies d’ignames et accolées directement à la route montraient la marchandise à quiconque voulait bien s’arrêter. Un coup de klaxon faisait venir le propriétaire qui marchandait. Il y a un peu moins de ces cages maintenant, à cause de vols survenus surtout après la dévaluation du F CFA de 1994, car certains des vendeurs ne prenaient même pas la peine de retirer les ignames pour la nuit. On ne laisse donc plus les tubercules sans surveillance et les agriculteurs les amènent jour après jour au bord de la route.
16C’est ce que remarque le voyageur, en premier coup d’oeil superficiel. Mais ces transactions commerciales du producteur au petit revendeur masquent une autre réalité moins spectaculaire, ou moins voyante : la vente en gros que des cultivateurs importants vendent – ou plutôt vendaient – soit à des institutions gouvernementales ou à d’importants acheteurs venus expressément de l’extérieur. Le rôle de ces institutions gouvernementales n’est jamais mentionné dans la littérature ; cependant, il a été important jusqu’en 1983. Le Cifan (Centre d’instruction des forces armées nationales) de Ngaoundéré, en particulier, fut un grand acheteur. Le cas d’un cultivateur de Vudnie’ qui reçut du Cifan un million et demi de F CFA pour son champ est encore cité. Roupsard (1987, p. 240) mentionne deux cas records à Gamba dont les cultivateurs empochèrent entre un million et un million et demi de bénéfice à l’hectare. Mais ces deux exploitations étaient exceptionnelles car elles employaient du personnel salarié. Roupsard (op. cit., p. 240), estime que le cultivateur d’igname type de la région de Gamba cultive en moyenne de un quart à un demi hectare et que le revenu moyen pour un tiers d’hectare est d’un demi million, un revenu exceptionellement élevé pour cette région. Des producteurs des environs de Gamba vendaient aussi, jusqu’à son incendie en 1987, une partie des ignames de ce secteur dans une « rue des ignames » au marché de Garoua. Cette prospérité a engendré des transformations significatives à la fin des années 1960 et surtout pendant la décennie 1970. Les Dìì mam be’ et mam nà’a (qui sont en grande majorité situés au sud de Gamba) ont investi massivement leurs bénéfices dans la construction de maisons en dur avec toits de tôle au détriment de cérémonies fes-tives prestigieuses, nab kee tuggì, relatives au mariage traditionnel. Les Dìì sont bien conscients de la cause de ces changements et expliquent les toits de tôle le long de la trans-camerounaise et de la route Mbé – Sassa Mbersi par les répercussions économiques de cette culture des ignames.
17Un autre agent important de cette expansion a été la motorisation des labours. Dès 1963, le Service agricole de la Mission protestante norvégienne de Mbé loua des tracteurs – et leurs chauffeurs – aux agriculteurs pour labourer les champs d’ignames de toute superficie, selon l’argent disponible. Tous ceux qui ont obtenu des bénéfices importants ont eu recours à ces services. Depuis 1997, la mission de Mbé, qui ne faisait aucun profit sur ces opérations de louage, a revendu ses tracteurs à ses chauffeurs qui les maintiennent en bon ordre et continuent à les louer. Mais les Dìì se sont demandés jusqu’à quand cette situation allait perdurer car ils craignaient que les actuels propriétaires ne puissent remplacer leurs véhicules une fois inutilisables, ces services agricoles ayant été, en fait, indirectement subventionnés par la mission. Cependant, la situation n’a guère changé, des propriétaires de tracteurs de Ngaoundéré viennent régulièrement chez les Dìì et, en été 2003, il n’y avait plus aucune crainte de voir disparaître les tracteurs.
18Toutes les années 1970 et les premières années 1980 ont donc été une sorte d’âge d’or de la croissance de la culture de l’igname le long de la trans-camerounaise et de la route de Mbé à Sassa Mbersi. Les premiers signes d’essouflement se firent sentir en 1983 sous l’effet de plusieurs facteurs : les institutions gouvernementales cessèrent d’acheter les ignames comme elles l’avaient fait auparavant, ceci probablement dû à la hausse générale des prix – il ne faut pas oublier que, dans les zones d’exportation, l’igname est vue comme une nourriture de luxe –, à l’instabilité du naïra nigérian qui a poussé les producteurs d’ignames de ce pays à baisser leurs prix pour obtenir des F CFA, jugés plus stables et sécuritaires parce qu’indexés sur le franc français. Roupsard (op. cit., p. 242) note que presque immédiatement, en 1985-1986, les surfaces cultivées en ignames ont diminué. Néanmoins, le commerce a continué et, en 1990, j’ai vu un commerçant du Zaïre acheter d’un coup pour plus de trois millions d’ignames le long de la route de Sassa Mbersi et louer un camion à Ngaoundéré pour y faire descendre sa cargaison.
19La culture de l’igname pour l’exportation est donc un bel exemple de développement spontané, au moins tout au long des deux routes Garoua-Ngaoundéré et Mbé-Sassa Mbersi. Son succès explique les échecs des tentatives d’introduction d’autres cultures de rente qui avaient été essayées auparavant le long de cette route. Nous les mentionnerons pour mieux comprendre les choix qui se sont dessinés dans les années 1990, à la suite de la stagnation puis de la baisse importante du marché de l’igname.
Les arachides
20La première tentative d’introduction d’une culture de rente fut le fait des Français, encore sous la colonisation – vers 1938-1939 d’après mes informateurs –, mais elle ne toucha que les environs de Mbé. Sous l’égide d’un certain M. Legros, les villageois furent priés de cultiver l’arachide et de la stocker dans des greniers collectifs mais l’administation renonça rapidement vu le peu d’enthousiasme envers cette forme de « collectivisation. » Cette imposition de la culture de l’arachide, dont les efforts s’étaient déployés plus au nord en dehors de la zone dìì (Roupsard, 1987, p. 226-230), arrivait au plus mauvais moment, juste avant la guerre qui interrompit le suivi administratif. Les Dii, qui connaissaient déjà l’arachide pour leur consommation personnelle, continuèrent simplement de la cultiver pour le même usage.
Le tabac
21En 1975-1976, une compagnie liée aux cigarettes Bastos, juste avant la création de la société d’Etat Sitabac, se donna pour but d’introduire la culture de nouvelles variétés de tabac dans les villages qui produisaient déjà du tabac à chiquer local, comme Ngaw Zom, Vudnie’ Mamboum, Vudnie’ Sew Fu, Tagbung, Ngeseg Ngay et Gub Nug par exemple (Hata, 1976, p. 275) avec un Français qui forma des moniteurs sur place. La récolte fut bonne mais les Dìì impliqués trouvèrent que la somme de travail ne valait pas le prix payé par rapport à celui de la vente du tabac local. Celui-ci semble avoir toujours été exporté, et l’est encore aujourd’hui, surtout au pied et sur le massif de Poli ainsi que dans la région nord-est des Dìì qui n’en produisent pas assez. Mes plus vieux informateurs m’ont dit avoir été chercher du travail en saison sèche, au début des années 1920, jusqu’en Nigeria en passant par le massif de Poli. Ils se munissaient de ce tabac qu’ils vendaient aux Dowayo. Aujourd’hui encore, un commerçant de Mbé, qui le stocke, en vend toute l’année le jour du marché à Mbé. Ce tabac à chiquer est considéré comme bien meilleur que les tabacs nouveaux, mais ce qui a retenu les cultivateurs de continuer l’expérience de Bastos, c’est surtout le travail de fermentation et de séchage beaucoup plus compliqué et astreignant que celui requis par le tabac traditionnel.
La fibre kénaf
22Une autre tentative de développement, appelé « Projet Kénaf », du nom de la fibre servant à fabriquer des sacs, fut mise sur pied en 1977 par les Sacheries du Cameroun. L’endroit choisi, comme pour le projet précédent, fut l’ensemble des villages de la route secondaire Mbé-Sassa Mbersi, moins fréquentée par les camions que la trans-camerounaise et présentant donc moins d’opportunité de vente directe sans avoir à se déplacer jusqu’à Mbé pour y transporter tout ou partie de la récolte d’ignames. Les cultivateurs qui s’y employèrent furent extrêmement déçus. La première récolte est remémorée comme un supplice de piqûres aiguës et de démangeaisons tenaces, les hampes des plantes recélant des piquants très difficiles à extirper malgré de nombreux lavages et bains. De plus, plusieurs participants échouèrent dans les opérations de rouissage. Ceux qui réussirent disent avoir été bien récompensés mais ceux qui ne purent franchir cette étape de la préparation, leurs fibres devenant noires, ne gagnèrent rien, le projet refusant leurs fibres pour cette raison. La plupart renoncèrent, soit par aversion des piqûres ou par crainte du risque d’un rouissage raté, pour retourner aux ignames. Les agriculteurs impliqués acceptèrent l’année suivante de continuer le projet mais la plupart ne plantèrent même pas et Roupsard (1987, p. 391) donne des chiffres dérisoires pour cette dernière campagne 1978-1979.
Le coton
23La culture du coton, sous l’égide de la Sodécoton, a aussi connu une histoire mouvementée. Bien avant la colonisation, les Dìì connaissaient le coton arbustif, sùgud, et en faisaient un usage différent selon les sous-groupes linguistiques. Les groupes minoritaires du nord-ouest, les paan, naan et saan disent qu’ils sont devenus tisserands par l’entremise de leurs voisins dowayo. Ils fabriquaient des bandes de coton, gúdee, (probablement du fulfuldé gudel/gude) assemblées en grandes pièces de tissu servant de suaires. Ces bandes simples faisaient aussi office de moyen d’échange. Elles pouvaient également servir aux femmes comme cache-sexe – au lieu des deux faisceaux de feuilles habituels. Le tissage se diffusa ensuite chez les groupes dialectaux goom, mam be’ et man nà’a qui, toutefois, ne tissèrent jamais autant que les premiers groupes. En particulier, ils ne firent jamais de suaires. Ce n’est que plus tard que tous les Dìì tissèrent des vêtements selon le modèle peul, des robes, lùgù, des pantalons, dodo don, des culottes courtes, dodo don, mais très peu en possédaient. Au début du siècle, Lessel (1913-1914) rapporte que seuls les chefs de village portaient des vêtements tissés, et encore lors des grandes occasions. Par contre, robes et bandes tissées étaient très prisées comme articles du prix de la fiancée, qui consistaient alternativement en moutons et houes, en proportions variables. Les robes reçues pour le prix de la fiancée étaient rarement portées mais soigneusement gardées dans des poteries étanches pour servir à d’autres dots. Ces pièces de tissage local ont été progressivement remplacées dans les dots, au cours des années 1920 à 1940, par des tissus manufacturés valant moins chers mais qui augmentèrent en quantité. Cette production cotonnière locale s’éteignit doucement alors que les voisins Duupa s’y adonnent encore.
24De nombreux essais, dès l’époque allemande, furent tentés pour encourager la culture commerciale du coton dans le Nord-Cameroun (Roupsard, 1987, p. 321-418) mais la région dìì ne fut pas concernée pendant longtemps. La CFDT (Compagnie française pour le développement des fibres textiles), qui promouvait d’autres types de coton, annuels ceux-là, obtint quelques succès aux confins du territoire dìì au nord de Touboro, du milieu à la fin des années 1960 (op. cit., p. 333) et aussi en territoire dii, aux environs de Tcholliré. Les villageois, entraînés par le lamido de Rey Bouba, qui y trouvaient aussi son bénéfice, y virent une source de profit que les ignames ne pouvaient leur procurer, vu le trafic très faible et surtout d’ordre interne sur ces pistes secondaires.
25La Sodécoton prit la relève du projet dès sa création en 1974. Sous son égide, la culture du coton continua de progresser aux environs de Tcholliré mais essuya un cuisant échec en tentant une perçée, en 1974, le long de « la route aux ignames », récemment goudronnée. Le secteur compris entre les villages de Guidjiba à Mayo-Zoro, à la frontière de l’arrondissement de Mbé, fut choisi comme zone d’essai mais les résultats furent tellement mauvais que la Sodécoton se retira des abords de la route dès 1979, après cinq ans de présence seulement. Les Dìì de l’arrondissement de Mbé ne furent pas touchés mais d’aucuns disent que la Sodécoton les auraient approchés et qu’ils auraient carrément refusé. En tout état de cause, l’échec vient de la difficulté à concilier deux cultures spéculatives à la fois, l’igname rapportant bien plus que le coton pour ceux qui avaient le choix entre les deux, comme le remarque Roupsard (op. cit., p. 391). Les Dìì des pistes Tcholliré-Guidjiba, Tcholliré-Bandjoukouri-Ba’anda (sur la trans-camerounaise) et Tcholliré-Garoua continuèrent avec le coton car, comme nous l’avons vu, les possibilités de vendre les ignames le long de ces pistes étaient quasi nulles.
26Cependant, la saga du coton ne se termine pas là. La Sodécoton revint tenter sa chance le long de la route au milieu des années 1990, profitant de la baisse des ventes de l’igname. Les cultivateurs intéressés devaient se réunir en une sorte de coopérative dont chacun recevait une avance sur les revenus estimés de la surface qu’il voulait cultiver et ceux qui gagnaient bien devaient payer pour ceux qui n’avaient rien gagné, un type de morale qui ne fut pas au goût de tous. Un coopérant d’un village dont je tairai le nom et qui, de l’avis de ses pairs, n’avait rien fait mais pour lequel ils avaient dû rembourser, fut traîné devant le chef de village et s’en tira moyennant une solide rossée. En 1997, la Sodécoton entra dans l’arrondissement de Mbé en donnant du crédit à une quarantaine de personnes divisées en sept groupes pour mettre en culture 70 hectares. Le plus important de ceux-ci a cultivé 6 hectares et recueilli plus d’un million mais plusieurs ont abandonné le projet dès l’année suivante, remplacés surtout pas des immigrants du nord (Guidar, Mafa, Mada) chassés par la sécheresse mais qui avaient déjà l’habitude de la culture du coton. Ceux qui partirent estimèrent que le bénéfice de l’entreprise n’en valait pas la peine comparé aux investissements totaux requis. En effet, le coton était payé 170 F CFA le kilo et la production à l’hectare estimée à 2 tonnes l’hectare soit 340 000 F CFA desquels il fallait d’abord soustraire les coûts incompressibles par hectare qui se montaient à :
55 000 pour le tracteur et le chauffeur ;
62 000 pour les engrais et l’urée
12 800 pour 4 litres d’herbicide Gramoson ;
5 600 pour 4 sachets de Diuron ;
12 000 pour le buttage par une charrue à bœufs ;
16 800 pour l’insecticide (2 400 à répandre sept fois).
27Ceci donne un total de 164 200 F CFA de coûts incompressibles pour un rendement maximal de 340 000 F CFA, laissant un bénéfice théorique de 175 000 selon les calculs de la Sodécoton. Cependant, les meilleurs ont fait entre 80 000 et 130 000 F CFA à l’hectare car les coûts de la récolte, très importants puisqu’elle s’étend sur plus d’un mois, n’étaient pas inclus dans le plan initial. Il faut en effet récompenser les travailleurs avec de la nourriture et de la bière, ce qui est très onéreux. Les participants au projet les plus critiques ont vu cette omission d’inclure les coûts de la récolte comme une tromperie, ce qui a motivé leur retrait. Le plus grand des groupes, comme nous l’avons mentionné, a cultivé 6 hectares et réalisé un million et demi brut mais, tous les coûts étant soustraits, il lui reste moins d’un demi-million de bénéfices. Ceci explique aussi au moins une partie des abandons.
28Il faut dire également que ces années 1990 ont vu les Dìì essayer de s’ajuster eux-mêmes à la baisse des recettes dues à l’igname sans l’intervention d’organismes externes. Deux cultures relativement nouvelles, jusque-là réservées à la consommation personnelle, le manioc et le maïs, ont été commercialisées à petite échelle.
Le manioc
29Voyons d’abord la première, le manioc, mbày, un terme peut-être d’origine peule qui montre sa relative nouveauté. Il existe deux variétés, le manioc doux, mbày zígid, qui peut se consommer cru sans préparation et le manioc amer, sans nom générique mais comprenant plusieurs variétés, qui doit être traité pour en enlever la toxicité. Le manioc doux est moins cultivé que le manioc toxique car on craint l’arrachage des plants par les passants qui les grignotent en guise de snack. Le manioc a fait l’objet d’une campagne de promotion dans le nord du pays dii, sur le plateau de Ngaoundéré, aux alentours des années 1950. Cette campagne, orchestrée par les agences gouvernementales et les services agricoles des missions protestantes, fit mieux connaître le manioc qui, devenu une denrée ajoutée aux espèces domestiques locales, remplaça en partie chez les Dìì la céréale hâtive du genre éleusine, sàd, dont nous avons déjà parlé, employée jusque-là lors de la soudure de préférence aux ignames car elle procurait de la bière pour les travaux collectifs de désherbage. Le manioc fit son chemin petit à petit en direction du nord. Les Dìì de Mbé et des alentours rapportent que le manioc n’était pas connu chez eux aux temps précoloniaux et qu’ils le découvrirent en vendant des objets manufacturés – surtout issus de la forge – chez les Gbaya, au sud de Ngaoundéré. Ceux-là, en matière de relations de parenté à plaisanteries, leur ouvraient leurs champs de manioc et les Dìì faisaient de même avec leurs champs d’ignames puisqu’il s’agissait tout deux de champs de tubercules, mais différents. Mizon (1896, p. 75) mentionne le manioc à Yola, au nord-ouest des Dìì mais aucun des ethnographes postérieurs qui les ont visités et que nous avons mentionnés ne l’a remarqué chez les Dii. Au nord-ouest des Dii, chez les Duupa (Garine, 1995, p. 91) le manioc est aussi appelé mbày, comme chez les Dii. C’est donc bien une culture qui s’est acclimatée sans faire de bruit probablement après la conquête peule dans cette région.
30Cependant, les Dìì des alentours de Mbé ont préféré pendant longtemps le manioc doux plutôt que le manioc amer. Ils ont néanmoins adopté le second pour des raisons de vol, comme mentionné, mais aussi pour le vendre car la baisse de rentabilité des ignames le long de la route Garoua-Ngaoundéré a incité quelques cultivateurs de Mbé à vendre du manioc amer par sac, après préparation assez élaborée. Le manioc est roui, déchiqueté en petits morceaux et séché sur les aires de séchage domestiques – les anciennes aires à battre le grain en brousse reconstruites en ciment à la maison. Il est ensuite mis en sac et vendu à Mbé ou transporté directement par le propriétaire à Ngaoundéré. Ceux qui le font m’ont dit qu’ils y trouvaient leur compte.
Le maïs
31La seconde opportunité d’obtenir de l’argent liquide a été de produire du maïs pour la vente. Cette céréale a une histoire complexe chez les Dii. Nous avons vu que Lessel (1913-1914) le mentionne comme culture mais il n’était pas commun, de l’avis des vieux Dii. Celui-ci est aujourd’hui de plus en plus cultivé sous plusieurs variétés à maturation plus ou moins rapide. Ces variétés ont été introduites à des dates variables par les services agricoles en conjonction avec les missions protestantes qui ont aidé à leur diffusion. Roupsard (1987, p. 221) note, en 1985, que chez les Dìì du Département de la Vina (en gros les Dìì du plateau de Ngaoundéré) le sorgho prédomine encore sur le maïs alors qu’ailleurs les proportions s’équilibrent. 11 mentionne une avancée récente et rapide du maïs dans la cuvette de la Bénoué (les Dìì des environs de Tcholliré) qui a débuté juste après 1980. Cette avancée, qui commençait à toucher les alentours de Mbé au début des années 1990, est le résultat de plusieurs nouveaux facteurs simultanés. La courbe pluviomé-trique de la station agricole de Mbé reflète une baisse générale des pluies dans les années 1980, avec des minima de moins de 1 000 mm en 1983 et 1987 et une saison des pluies écourtée. Pour ces raisons, les mils ont moins bien donné durant cette décennie, avec pour résultat la recherche d’une céréale plus hâtive. Le maïs a aussi un avantage sur les mils, celui d’échapper à la striga. Cette plante parasite qui progresse depuis plusieurs années dans la région d’est en ouest est, plus que la baisse de la pluviométrie, responsable de cette expansion récente et rapide du maïs dont parle Roupsard et que nous venons de citer.
32Le terme générique pour maïs est nàmbàm et les variétés que les Dìì tiennent pour traditionnelles sont de trois sortes : 1) nàmbàm gbóo, « maïs antilope gbdo » car il a la même couleur rougeâtre que le céphalope roux dont il tire son nom. Les grains sont très gros mais les épis petits et courts ; il mûrit en quatre mois mais ne produit pas beaucoup ; 2) nàmbàm gò’òy, « maïs cheval », un maïs assez haut de taille et robuste « comme un cheval », de couleur blanche, qui mûrit en cinq ou six mois. On le plante d’avril à août et les récoltes sont échelonnées en conséquence. C’est cette variété qui est le principal agent de l’expansion du maïs dans le secteur de Tcholliré puisque la première sorte n’est pas très productive ; 3) nàmbàm gbàyà, « maïs des Gbaya », venu du sud et qui produit de petits épis blancs en sept à huit mois.
33Les variétés récentes de maïs hâtif diffusées par les services agricoles sont les suivantes : 4) nàmbàm see taanó, « maïs lune trois » qui, comme son nom l’indique, mûrit en trois mois. Il fut introduit un peu avant 1990 et a pris beaucoup d’extension dans les années qui suivirent ; 5) nàmbàm see idu, « maïs lune deux », qui mûrit en deux mois et venait juste d’être expérimenté vers 1993. Il est encore rare et peu connu. Ces deux variétés sont plus productives que les autres et permettent la récolte à mi-juillet. Une seconde récolte peut aussi suivre dans les champs humides ou si l’on a semé très tôt. Cependant, ceux qui sèment ces variétés très tôt risquent deux inconvénients : a) les premières pluies s’interrompent ou ne tombent pas en quantité suffisante lorsque le maïs est censé faire ses épis ; ces derniers n’apparaissent pas et il faut tout arracher ; b) le maïs est mûr alors que la saison des pluies bat encore son plein. Il faut surveiller attentivement son mûrissement car si la pluie tombe sur les épis mûrs, en deux bonnes averses, dit-on, les grains germent directement sur pied. On cueille le maïs dès maturation et on le met à sécher au-dessus du foyer de cuisine, comme on le faisait autrefois avec l’éleusine hâtive, sàd. Ceux qui ont une récolte importante construisent des fumoirs/séchoirs consistant en une hutte sur pilotis avec une porte accessible par une échelle ; les épis, dépouillés de leurs enveloppes sauf la dernière pour ne pas qu’ils noircissent, sont étendus sur le plancher à claire-voie de la hutte, sous lequel on entretient un feu avec beaucoup de fumée qui sèche le maïs et éloigne les insectes.
34La dévaluation du F CFA en 1994 a, comme nous l’avons dit, freiné encore davantage le commerce de l’igname mais, à l’inverse, elle a favorisé non seulement la culture commerciale du manioc mais également celle du maïs. Quelques cultivateurs, toujours aidés par la tractorisation des services agricoles de Mbé, ont aussi essayé d’en cultiver pour la vente avec un certain bénéfice. Cette année-là, les coûts étaient répartis ainsi pour un hectare : 56 000 F CFA pour le labour (tracteur et chauffeur), 54 420 F CFA pour les engrais soient 110 240 F CFA auxquels il fallait ajouter des frais de désherbage et d’entretien qui montaient le coût total à 150 000 F CFA. Le résultat escompté était de 40 sacs commercialisés à 10 500 le sac soit 420 000 F CFA. En déduisant les coûts, le bénéfice de la vente totale de la production par hectare était donc de 370 000 F CFA.
35Cependant, la plupart des Dìì n’ont pas assez d’argent liquide pour se muer en entrepreneurs. Ce ne sont que quelques personnes aisées, comme les fonctionnaires ou enseignants vivant sur place, qui peuvent se le permettre ; d’autres font simplement labourer de petites parcelles, comme pour les ignames, pour 5 000 ou 10 000 F CFA, etc. ; ils gardent ce qu’ils considèrent comme nécessaire à leur consommation domestique et vendent le surplus. Cependant, aux alentours de Mbé, le long de la piste Mbé-Sassa Mbersi, l’expansion de la culture du maïs n’a pas grand’chose à voir avec la commercialisation mais avec le changement du régime des pluies et aussi la progression de la striga.
36On aura remarqué que ces bénéfices théoriques à l’hectare pour le maïs, 370 000 F CFA, sont bien plus élevés que ceux, tout aussi théoriques, du coton proposés par la Sodécoton en 1997 qui étaient de 175 000 F CFA. Nous avons vu que ces estimations alléchantes se traduisent par beaucoup moins dans la réalité et on peut se demander pourquoi la Sodécoton a réussi une perçée à Mbé malgré ce handicap. C’est tout simplement que, contrairement à la culture du maïs ou du manioc, d’initiative exclusivement personnelle, la Sodécoton avance le matériel aux membres des coopératives. Ce sont surtout des jeunes impécunieux qui les ont rejointes lors de leur création.
37En plus des trois cultures commerciales récentes que nous venons de voir, une initiative due à l’IRA (Institut de recherches agricoles) vers 1992 a tenté de promouvoir la culture du soja dont les graines servent à faire de la sauce ou de la bouillie. Le prix de détail est de 800 F CFA le kilo et un gros sac est payé 80 000 F CFA à Ngaoundéré. La promotion n’a presque pas eu de succès. D’autre part, de rares personnes ont cultivé pour la vente des gombos hâtifs, hòòg yEg, mais le prix du transport jusqu’à Ngaoundéré – il fallait y aller soi-même avec sa marchandise – rend le bénéfice bien maigre.
Conclusion
38En résumé, on peut dire que la situation est donc très fluide aujourd’hui mais elle l’est au moins depuis 1983 le long de la trans-camerounaise. Les Dìì ont été influencés par les axes routiers aux passages différentiels qui ont suscité l’exportation des ignames le long de l’axe routier nord-sud et son appendice Mbé-Sassa Mbersi. Les pistes du Mayo-Rey ne leur ont permis que de tomber dans l’orbite de la Sodécoton alors que l’axe Ngaoundéré-Ganha a favorisé le manioc et le maïs à cause de la proximité de la ville de Ngaoundéré. Il est impossible de dire comment la situation va évoluer. Il est à prévoir que le coton continuera là où il a été soutenu jusqu’ici par la Sodécoton et qu’il pourrait même s’étendre encore le long de la « route aux ignames » et son appendice Mbé-Sassa Mbersi, si le prix de celles-ci reste stable ou continue à baisser, à moins que le maïs ou le manioc ne soient cultivés plus intensément, ceci dépendant de leur prix de revient. Ces trois cultures sont présentement en compétition le long de la trans-camerounaise et de la route Mbé-Sassa Mbersi. Les secteurs le long de la route Ngaoundéré-Ganha sur le plateau semblent destinés à rester confinés au maïs et au manioc ; les pistes allant à Tcholliré resteront monopolisées par la Sodécoton. Mais, en 1999, on a pu penser que la situation aurait pu quelque peu se modifier le long de la transcamerounaise. En effet, l’IRA allié à une compagnie appelée Kokoro s’intéressa à la commercialisation de la farine d’igname avec une nouvelle variété mise au point au Bénin. En 1999, deux moniteurs de Mbé et deux de Gamba étaient en stage de formation. Ils tentèrent l’expérience à leur retour mais revinrent rapidement à la culture des ignames locales. Une innovation récente, inspirée des immigrants de l’Extrême Nord, a pris une extension extrêmement rapide depuis l’année 2000 le long de la trans-camerounaise. Il s’agit de la culture attelée qui sert aussi bien le maïs, le manioc ou le mil mais aussi, si l’on s’y prend juste après les pluies, lorsque le sol est encore humide, quelques variétés d’ignames. Les Dìì des environs de Mbé en sont encore, sur ce point, dans une période d’essai. Le nombre de bœufs a augmenté car il est facile de s’en procurer auprès des Peuls Mbororo, de les garder autour de la maison la nuit et de les laisser pacager sous la garde de quelques jeunes gens pendant la journée. Avec l’accroissement des surfaces cultivées permis par la charrue, on ne saurait dire pour le moment quelle culture de rente va prévaloir sur l’autre.
Remerciements
39Le travail de terrain dont résulte cette contribution s’est déroulé, au cours de plusieurs séjours, sur une période de plus de deux ans. Une pré-recherche d’un mois en juin-juillet 1990 a été financée par le fonds Cafir de l’université de Montréal. Elle fut suivie par une étude centrée sur les Dìì de septembre 1991 à janvier 1992, durant les étés de 1992, 1993, 1994, 1995 et 1996, toutes financées grâce à une subvention du CRSHC (Canada) et par trois séjours subséquents en été 1998, au printemps 1999 et en été 2003, stipendiés par le fonds FCAR (Province du Québec) et par l’université de Montréal. Les deux premiers séjours furent grandement aidés matériellement par le regretté Institut des Sciences humaines de Garoua dont le directeur à l’époque, l’éminent historien Eldridge Mohammadou, m’avait suggéré les Dìì comme population digne d’intérêt. Les sept derniers séjours ont bénéficié de l’aide technique et secrétariale du Projet Ngaoundéré-Anthropos, financé conjointement par les universités de Ngaoundéré et de Tromsø (Norvège), que je remercie ainsi que mes assistants de recherche MM. Oussoumanou Babbawa et Adamou Galdima.
Bibliographie
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Auteur
Jean-Claude Muller, ethnologue, université de Montréal
Département d’Anthropologie, C.P. 6128, Montréal
QC H3C 3J7 Canada
mullerj@anthro.umontreal.ca
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