Risque et agriculture de plantation : l’exemple des cultures commerciales développées dans le département d’Agboville (Côte d’ivoire)
p. 475-487
Texte intégral
1L’agriculture marchande est aujourd’hui largement répandue en Côte d’ivoire forestière. Les cultures arbustives (café-cacao) l’emportent nettement. Mais d’autres spéculations (ananas, banane poyo, palmier etc.) ont été développées.
2Les raisons des choix culturaux des planteurs sont multiples : rôle des autorités coloniales puis gouvernementales ivoiriennes, faveur pour des systèmes extensifs ou intensifs selon les cas... L’importance du risque est certainement un des éléments dont tiennent comptent les agriculteurs.
3Si nous entendons par risque, le fait de s’exposer à un danger en espérant en tirer avantage, le planteur prend bien un risque en se lançant dans une culture, investissant du temps et quelquefois de l’argent dans sa conduite, mais espérant en retour en obtenir des revenus monétaires.
4L’importance du risque dépend d’une part de l’investissement engagé (en temps et argent), d’autre part du revenu escompté qui lui-même est lié à trois facteurs : le volume de la production, le niveau des prix, la possibilité d’écoulement de la récolte. Par rapport à l’agriculture vivrière d’autosubsistance, le risque en agriculture commerciale présente des aspects nouveaux, puisqu’aux risques liés aux conditions naturelles et faisant fluctuer les productions s’ajoutent les risques liés aux contraintes économiques (coûts des intrants, état du marché). Tous ces éléments varient fortement d’une spéculation à l’autre.
5Le cas des cultures commerciales développées dans le département d’Agboville situé dans le sud-est de la Côte d’ivoire (fig. 1), est exemplaire à ce titre et peut nous permettre à la fois d’analyser l’inégalité des risques selon les cultures et d’éclairer le comportement des planteurs face à ces risques.
6Cet espace nous parait intéressant à trois titres. D’abord, le milieu naturel n’est guère différent de celui du reste de la Côte d’ivoire forestière : le climat est chaud et humide (1 700 mm de pluies par an au sud, 1 400 mm au nord, réparties en deux saisons d’avril à juillet et de septembre à novembre). Il permet un large évantail de cultures. Cependant, le volume annuel des pluies et surtout leur répartition saisonnière, forts variables d’une année sur l’autre, entraînent un risque permanent pour toutes les cultures.
7Ensuite, les limites administratives du département correspondent assez bien à celles du pays abé, l’ethnie autochtone. Les Abé constituent la majorité des planteurs. Mais les immigrants sont venus nombreux. Ils sont aujourd’hui manœuvres ou planteurs comme c’est le cas dans toutes les régions de la Côte d’ivoire forestière.
8Enfin, dans ce département, différentes cultures à vocations commerciales ont été développées : d’abord le café-cacao (dès les années 1920), ensuite la banane (surtout à partir des années 1950), et plus récemment des cultures vivrières pour ravitailler les centres urbains tout proches : Agboville et Abidjan. Ici, comme partout dans le sud du pays, le café-cacao a gardé sa préhéminence : il représente 72 % des superficies cultivées dans le département1
9Le département constitue ainsi, un espace commode pour analyser les avantages et inconvénients respectifs, face aux risques commerciaux à prendre, de ces trois cultures qui représentent chacune un type de culture commerciale largement développée (ou que les responsables gouvernementaux voudraient développer) en Côte d’ivoire forestière : cultures arbustives d’exportations (café-cacao), cultures non pérennes intensives d’exportation (banane), cultures commerciales pour le marché national (cultures vivrières)2.
1. CAFÉ ET CACAO : LES CULTURES DU MOINDRE RISQUE
10Les cultures du café et du cacao, présentent des situations du même type face au risque. C’est pourquoi, on peut les associer. Il s’agit de cultures arbustives, développées depuis très longtemps par de petits planteurs, dans le cadre d’exploitations réduites en superficies (en majorité moins de 5 ha). Les revenus fournis par ces cultures sont en apparence médiocre. Mais elles exigent une prise de risque relativement restreinte.
1.1. Une production faible par unité de surface
11La production est limitée par la faiblesse des rendements : de l’ordre de 200 à 400 kg/ha/an. Ceci est à mettre en rapport avec les techniques extensives et sommaires. Les façons culturales restent manuelles. Les instruments de travail sont peu nombreux et rudimentaires : machette et daba dont les deux outils principaux qui permettent d’effectuer la majorité des façons culturales. Participent aux travaux les membres de la famille et des manœuvres. L’entretien est limité ; une fois la plantation entrée en production (4 à 5 années après la mise en terre des pieds), le planteur se contente d’un ou deux nettoyages annuels, notamment pour le café, avant la récolte, les traitements anti-capsides concernent seulement 21 % des cacaoyères du département3.
12La production est aussi variable. Et c’est là que se pose la question du risque. Mais les variations restent modérées sauf exceptions. Ainsi, les productions de café et de cacao de l’ensemble du département varient en général de 10 à 15 % d’une année sur l’autre ; il faut de graves accidents climatiques comme ces dernières années pour que les écarts soient plus brutaux, notament en ce qui concerne le café (tabl. I). Les écarts de production, plus importants au niveau du planteur, restent toutefois limités : ainsi à Gboto où, en années moyennes comme 1974-75 et 1975-76, les variations sont inférieures à 30 % pour plus des % des planteurs (tabl. II).
13De nombreux facteurs expliquent ces variations : le climat bien sûr (la sécheresse de ces dernières années ayant contribué à faire chuter la production), mais aussi les disponibilités en main d’œuvre : l’agriculture étant essentiellement manuelle, la maladie du planteur ou d’un de ses proches au moment de la récolte entre octobre et décembre, par exemple, aura de graves conséquences sur la production ; de même, la diminution du nombre de manœuvres, comme cela s’est produit à la fin des années 1970, qui a obligé certains planteurs à laisser pourrir la récolte sur les arbres. La disponibilité en main-d’œuvre influe particulièrement sur la production de café ; d’une part, parce que la récolte exige plus de travail que celle de cacao et qu’un nettoyage préalable de la parcelle est nécessaire pour atteindre les arbustes, mais aussi parce qu’elle survient après la récolte de cacao, en novembre-décembre : elle pâtit de tous les retards accumulés.
14Cependant ces risques restent relativement limités.
1.2. Des risques limités
15D’abord, avec des arbustes, une récolte compromise une année, n’influe pas sur la production de l’année suivante, les plants restant, sauf exception, en place et en état de production. Il faut des sécheresses particulièrement graves comme celles des années 1982 et 1983, durant lesquelles des plantations ont été brûlées pour que la production soit compromise durant plusieurs années. Par ailleurs, il faut souligner que la destruction totale d’une récolte est rare. Nous n’en avons jamais observée : les rendements sont plus ou moins faibles ; le planteur ne récolte qu’une partie de ses parcelles. Mais il a toujours une récolte. Nous verrons qu’il n’en est pas forcément de même avec toutes les cultures commerciales.
16Autre élément à prendre en considération : les coûts de production. Compte tenu des techniques, ils sont extrêmement faibles : de l’ordre de quelques milliers de francs par hectare, en moyenne, pour une campagne (main d’œuvre exclue). Le risque financier est donc réduit.
17Pour toute agriculture commerciale, il ne s’agit pas seulement de produire, mais aussi de vendre. Deux risques menacent l’agriculteur : les variations des cours et la mévente. Dans les deux cas, les risques encourus par le producteur de café-cacao sont limités. Jusque dans les années 1950 le paysan était totalement soumis aux lois du marché. Depuis un système contrôlé par un organisme gouvernementale, la CSSPPA4, a été mis en place qui assure au planteur l’écoulement à prix garanti de sa récolte. Les prix garantis sont peu élevés5, mais ils sont stables pour la campagne et varient faiblement d’une année sur l’autre. Par ailleurs, le planteur a l’assurance d’écouler la totalité de sa production, et n’a pas à se poser de problèmes de mévente ou de gestion de stocks. Le risque est donc limité aux variations de production.
18En plus, le système de production mis en place par les planteurs leur permet de faire partager les risques aux manœuvres (ce qui diminue d’autant les leurs, même si ce n’est pas favorable aux manœuvres). En effet, il existe différente formes de contrat d’embauche, mais la plus répandue est ce qu’on appelle (improprement) le métayage : le manœuvre s’occupe d’une plantation pour l’année (ou six mois selon les cas), et reçoit le tiers (en cas de contrat abou-san) ou la moitié (contrat abou-nyan) de la récolte. Cette forme d’embauche constitue plus de 80 % des dépenses de main d’œuvres à Gboto et Adomonkro, c’est-à-dire l’écrasante majorité. Or elle présente pour le planteur deux avantages : d’une part, elle lui évite d’avancer de l’argent avant la récolte, puisque le manœuvre touche son dû après la vente ; d’autre part, elle fait partager au manœuvre les risques de variation de récolte au prorata de sa part.
19Autre manière de partager les risques : la culture commerciale du café-cacao est en réalité une polyculture. D’abord, les planteurs cultivent souvent à la fois café et cacao : c’est vrai à Gboto, cas assez représentatif de la moyenne départementale, où 16 planteurs sur 22 associent sur leur exploitation les deux cultures arbustives. Or, les récoltes de café et de cacao ne varient pas toujours dans le même sens (cf. tableau I), les exigences climatiques n’étant pas absolument semblables. De même, jusqu’en 1976-77, les prix garantis au producteur n’étaient pas identiques.
20En outre, les planteurs ont l’habitude d’associer cultures vivrières et jeunes plantations. Immédiatement après le défrichement d’une parcelle, le cultivateur fait du vivrier : en général, banane plantain, igname, légumes, piments etc., associés. Ensuite, il plante les jeunes pousses de café ou de cacao qui grandiront à l’ombre des vivriers, notamment des bananiers. Cette pratique assure d’abord au planteur une sécurité alimentaire : le risque concerne uniquement les revenus car les superficies cultivées en vivrier ont toujours été ces dernières années suffisantes. En cas de bonne récolte il peut même commercialiser ses surplus vivriers. Cette polyculture est un des éléments de limitation des risques.
1.3. Avantages et inconvénients de l’intensification
21Il serait possible d’augmenter notablement les rendements et les revenus en intensifiant les techniques. C’est ce que montre l’exemple d’une exploitation européenne de cacao proche d’Agboville. Le planteur grâce à l’utilisation de plants sélectionnés, de façons culturales rigoureuses, d’engrais, de traitements phyto-sanitaires, atteint des rendements dépassant 1 tonne de cacao par ha. Mais cette intensification a deux inconvénients. D’abord, elle diminue d’environ 20 à 30 % la productivité de la journée de travail6 En outre, elle augmente de façon considérable les risques encourus par le planteur, car il doit engager des sommes importantes, avant sa récolte. Ceci est moins génant pour l’exploitant européen que pour le petit planteur africain, car le premier, à la différence du second, a des capitaux et maîtrise assez bien les techniques modernes qui permettent de diminuer les variations de production (notamment par un suivi très précis des façons culturales). Enfin, l’exploitant européen voit son espace foncier limité : la seule manière d’augmenter son revenu est d’intensifier. Ce n’est pas du tout le cas du planteur autochtone qui dispose encore d’espace à défricher et qui fonde la croissance de ses revenus sur une extension de ses superficies cultivées.
22Au fond, le système extensif employé par les planteurs villageois n’autorise que des revenus à l’hectare relativement faibles compte tenu des rendements peu élevés et des prix plutôt bas payés au producteur : autour de 100 000 F CFA/ha productif en 1982-83. Mais il s’agit d’un système où le paysan est assuré, bon an mal an, d’un revenu variant peu. Les gains peuvent même être élevés si le planteur dispose de suffisamment de terre et d’une main d’œuvre suffisamment abondante pour les mettre en valeur. Ainsi, à Gboto, les % des planteurs touchent plus de 500 000 CFA par an dont 2 à 4 selon les années plus de 1 million de F CFA. Mais ce système suppose l’existence de forêts à défricher pour assurer le renouvellement des parcelles de vivrier, et l’extension des plantations, c’est-à-dire d’un espace foncier non saturé. C’est le cas à Gboto où les forêts sont encore abondantes et où, au rythme des défrichements actuels, la saturation totale n’interviendra pas avant une quinzaine d’années. En revanche, à Adomonkro, village situé dans un secteur beaucoup plus peuplé, dans le centre du département, le système touche à sa fin : la plupart des planteurs ne dispose plus de forêts à défricher. Replanter sur d’ancienne caféières ou cacaoyères est délicat car les sols sont appauvris par 30 ou 40 années de cultures arbustives : il faut alors souvent enrichir le sol (apport d’engrais...), c’est-à-dire intensifier. Une autre solution consiste à changer de système de culture comme dans les régions où a été développée la banane.
LA BANANE : UNE CULTURE A RISQUES
2.1. L’essor de la culture de la banane
23La culture de la banane poyo est pratiquée dans le département à l’ouest et autour d’Agboville, ainsi que dans la région d’Azaguié, au sud. Elle est apparue avant la seconde guerre mondiale, mais a été développée surtout dans les années 1950 et 1960 par de grands planteurs européens. À partir de l’Indépendance, l’état a favorisé la création de bananeraies par les petits planteurs africains.
24La culture de la banane présente plusieurs avantages qui expliquent son essor. Principalement, c’est une culture qui fournit des revenus par hectare 6 à 10 fois supérieurs à ceux du café-cacao. C’est en partie pourquoi, cette culture a été développée dans les zones saturées du département, particulièrement par les allochtones, c’est-à-dire les cultivateurs qui ont l’accès le plus difficile à la terre. Il s’agit toutefois d’une spéculation risquée parce qu’elle exige des investissements importants, et parce que la récolte, si la culture n’est pas extrêmement bien conduite, est très aléatoire.
2.2. Les risques de la culture bananière
25La culture de la banane dans le département d’Agboville exige l’utilisation d’engrais et d’amendements, pour compenser les carences des sols développés sur schistes (notamment en humus) et permettre la culture continue. Divers traitements (entre autre, némacides) sont indispensables. L’ensemble des produits, l’équipement en matériel, coûtent cher : plus de 170 000 F CFA/ha en moyenne en 1982 rien que pour les engrais et amendements. À cela s’ajoute un système de rémunération de la main d’œuvre différent de celui utilisé dans la culture du café-cacao. Les planteurs européens paient leurs manœuvres tous les mois (en général, sur une base journalière, en fonction du nombre de journées de travail effectuées). Les planteurs africains pour recruter et conserver des manœuvres ont dû s’aligner sur cette pratique qui les oblige à payer les manœuvres avant la récolte. Par ailleurs, les frais salariaux sont importants : d’une part, les salaires sont relativement élevés à cause de la concurrence des employeurs européens (12 000 F CFA par mois environ pour un manœuvre nourri et logé), d’autre part la banane demande un grand nombre de journées de travail par hectare7. Globalement donc, les frais engagés sont élevés : dépassant 400 000 F CFA/ha sur certaines plantations en 1982-83.
26Les quantités vendues par les petits planteurs connaissant de grands écarts d’une année à l’autre : entre 1980 et 1981, sur 15 planteurs connus, 2 seulement ont subi des variations inférieurs à 10 %, contre 7 des variations supérieures à 50 %. La culture de la banane est une culture exigeante, dont la production dépend autant du climat que des soins apportés à sa conduite. Elle nécessite toute une série d’opérations délicates comme l’œilletonnage par exemple qui consiste à tailler la plante pour ne lui laisser qu’une ramification, celle où le bourgeon est le plus vigoureux. Cette opération qui influe non seulement sur la quantité mais aussi sur la qualité de la récolte est souvent négligée par le petit planteur dont les connaissances techniques ne lui permettent pas toujours d’assurer convenablement ce genre d’opération. Par ailleurs, le calendrier cultural est relativement rigoureux. Le moindre retard d’une opération peut avoir de grandes conséquences sur la récolte. Or, la banane occupe le planteur pratiquement toute l’année. Pour des questions financières, celui-ci réduit souvent au minimum la main d’œuvre rémunérée engagée. Il se trouve à le merci du moindre incident qui le retarde (maladie etc.). Ainsi, la récolte s’effectue entre novembre et janvier en principe, ce qui correspond aux mois écologiquement les plus faborables et à des mois de cours pas trop bas (car la banane vendue en hiver en Europe ne souffre pas de la concurrence des fruits tempérés). À partir de janvier la qualité de la récolte baisse à cause de la sécheresse. Souvent elle ne peut alors être exportée. Mais pour obtenir cette récolte avant janvier, il faut planter en mars : les retards sont fréquents, entraînant une chute de rendement et de qualité de la production. En même temps, le planteur doit être très attentif à l’évolution de sa plantation. Les fruits doivent etre cueillis « à point » une récolte tardive faisant baisser la qualité du produit.
27À cela s’ajoutent les aléas climatiques. Non seulement la récolte peut souffrir d’une sécheresse accusée, mais dans une année où le volume des pluies est suffisant, la récolte peut être compromise par une saison des pluies trop courte, par exemple, par une grande saison sèche qui commence dès novembre, c’est-à-dire en début de récolte.
28Le planteur subit ainsi deux risques : d’abord celui de voir sa récolte baisser en quantité, mais aussi du fait d’un manque de soin ou d’une récolte trop tardive, celui d’obtenir une production de qualité insuffisante, qui entraînera le refus de ses fruits à l’exportation8. Il devra alors les vendre à bas prix sur le marché national, à moins que la récolte ne soit perdue. Ces refus sont importants chez les petits planteurs : souvent plus de 20 % et jusqu’à 60 % de la récolte.
29Par ailleurs, les prix varient dans un rapport proche de 1 à 2 selon les mois de l’année. Les périodes de plus hauts prix son en général octobre-novembre et mars-avril. Pour produire durant ces périodes, il faut irriguer, ce que ne peuvent faire, sauf exception, les petits planteurs. De toutes façons, la courbe des prix n’est pas constante d’une année sur l’autre : ainsi, à titre d’exemple, le mois où les cours furent les plus bas fut juin en 1981 et août en 1982 ; les prix maxima furent enregistrés en avril en 1981 et novembre en 1982. L’étalement de la production sur 3 mois ne pallie qu’en partie cet inconvénient.
2.3. Des risques inégaux
30Les risques sont particulièrement élevés dans le secteur d’Agboville, où les totaux pluviométriques sont tout juste suffisants en année moyenne pour la banane. Les sécheresses y ont des effets plus graves que dans la région d’Azaguié. Par ailleurs, les frais de transport, à cause de l’éloignement d’Abidjan, y sont relativement élevés, réduisant les marges bénéficiaires. C’est en partie pourquoi ce secteur a été plus sensible à la conjoncture difficile de ces dernières années que le sud du département.
31En effet, les risques ont eu tendance a augmenter depuis le début des années 1970. D’une part à cause de la sécheresse qui rend plus aléatoire qu’autrefois les récoltes. D’autre part, à cause de l’augmentation du prix des produits importés depuis la crise pétrolière de 1973, ce qui a pour effet de limiter les profits escomptés et d’augmenter le montant des pertes possibles : ainsi les coûts des engrais ont été multiplés par 3 en 10 ans (le prix de la tonne d’urée par exemple est passé de 33 000 F CFA en 1973 à 102 000 F CFA en 1982 et 104 000 F CFA en 1984), alors que le prix de la banane était multiplié par moins de 2,5 (26,75 F CFA par kg en moyenne en 1973 et 62,42 F CFA en 1982).
32Les grands planteurs arrivent à diminuer les risques. D’abord ils exercent une surveillance très étroite de leur plantation et maîtrisent mieux les techniques que les petits planteurs. Ensuite, ils pallient à l’aide de machines ou de produits les insuffisances de main d’œuvre : par exemple, beaucoup ont répondu aux difficultés de recrutement des manœuvres à la fin des années 1970 en augmentant l’utilisation des herbicides à la place du désherbage manuel. Surtout, ils exercent un contrôle minutieux de l’eau : toutes les grandes plantations ont un réseau de drains qui évite les excès d’humidité dans les parcelles ; beaucoup possèdent également un barrage et un système d’irrigation qui permet de pallier les sécheresses et d’étaler la production sur toute l’année.
33Tous les risques ne sont cependant pas supprimés. Les sécheresses graves, comme ce fut le cas en 1973 et en 1982-83 ont entraîné l’assèchement de certaines retenues dans la région d’Agboville (une plantation dans le secteur d’Agboville a reçu en 1981 et 1982 moins de 900 mm de pluie par an). Le second risque vient des tornades, d’une extrême violence, qui peuvent se produire en février. Les bananeraies en générales n’y résistent pas. Accident rare, elles ont alors des effets graves : à la suite de tornades en 1982 un planteur européen a subi pour plusieurs millions de F CFA de dégâts et ne s’en est pas encore relevé. Dans ce cas, les risques étaient importants car les sommes investies étaient considérables. Le planteur était d’ailleurs assuré (moyen d’atténuer les risques). Mais les assurances ne couvrent pas la totalité des dommages subis.
34Finalement, les exploitations ne se situent pas de la même façon face au risque financier. Les gros exploitants investissent les plus fortes sommes d’argent. Mais les risques de pertes sont limités : sécheresse exceptionnelle, tornade. À l’opposé, les petits exploitants cherchent à réduire les risques en limitant l’investissement : ils n’emploient pas d’herbicides, n’utilisent pas de némacides toutes les années etc. Les productions s’en ressentent : les rendements sur les petites exploitations sont en générale inférieurs à 10 T/ha, alors qu’ils dépassent 20 T/ha sur les grandes. C’est dans les exploitations villageoises de moyenne importance, cultivant entre 10 et 30 ha de banane, que les risques sont les plus élevés. D’un côté, les planteurs investissent beaucoup d’argent en employant une main d’œuvre abondante et en utilisant des quantités d’engrais et de produits phyto-sanitaires importants (5,2 millions de F CFA par exemple, pour une exploitation de 15 ha, en 1982). Mais d’un autre côté, ils n’ont pas les atouts des très gros planteurs, notamment européens : leurs plantations sont rarement irriguées, leurs connaissances techniques ne sont pas suffisantes etc. Ce sont d’ailleurs souvent ces exploitations qui ont connu le plus de difficultés ces dernières années.
35Face à ces risques élevés, la SODEFEL, relayée à partir de 1982 par la COFRUITEL, a essayé d’encadrer sur le plan technique les petites paysans. L’amélioration technique permet d’augmenter la production mais également de diminuer les risques (notamment par le développement de l’irrigation). Toutefois les résultats demeurent limités9. Aussi, face à la baisse relative de rémunération de la banane et à l’augmentation des risques ces dernières années, beaucoup de petits et moyens planteurs abandonnent cette spéculation au profit d’autres : certains agriculteurs reviennent au café-cacao lorsqu’ils le peuvent, beaucoup développent des productions pour le marché abidjanais : fleurs, vivrier. Ainsi, un grand nombre d’exploitations passe de la monoculture bananière à une polyculture associant différentes cultures commerciales (tabl. III).
3. LES RISQUES DU VIVRIER POUR LA VENTE : L’EXEMPLE DES CULTURES MARAÏCHÈRES.
36Sous la pression de la demande urbaine des cultures vivrières pour la vente se développent dans le département : riz, manioc, cultures maraîchères, banane plantain etc. Chacune à ses particularités. L’exemple des cultures maraîchères permet cependant de cerner différents aspects quant aux risques que font prendre ces cultures.
37Les cultures maraîchères se sont développées sous deux formes dans le département : d’une part des cultures encadrées par la SODEFEL sur un périmètre situé à Rubino ; d’autre part, des cultures développées « spontanémentment » à l’initiative des paysans, notamment près d’Agboville et d’Azaguié.
3.1. Les cultures maraîchères sur périmètre à Rubino
38Le périmètre maraîcher de Rubino a démarré en 1970. L’agriculture y est intensive, irriguée, avec utilisation de fertilisants et de produits de traitement car les cultures sont fragiles. On cultive surtout de la tomate, mais aussi du ndrowa (sorte d’aubergine locale) et des gombos.
39Les revenus par unité de surface sont élevés, dépassant 100 000 F CFA pour 10 ares en bonne année. Mais les frais annuels de fonctionnement sont importants (plus de 150 000 F CFA en moyenne pour un exploitant disposant de 30 à 40 ares en 1980-81).
40Au début des années 1970, les attaques de parasites constituaient un danger non négligeable : celui-ci a été largement éliminé par l’emploi de traitements appropriés. L’utilisation de l’irrigation grâce à un barrage construit au début des années 1970 a permis d’une part de stabiliser les récoltes de saison des pluies et d’autre part d’assurer une récolte de contre saison. L’existence du barrage ne supprime cependant pas tous les risques liés à la sécheresse puisque en 1982 aucune culture ni en saison des pluies, ni en saison sèche, n’a pu être effectuée, le barrage étant à sec.
41Mais le principal risque est d’ordre économique. Les maraîchers suivent un plan de production précis. Or, de l’un à l’autre ce sont moins les quantités récoltées par ha qui changent que le prix de vente qui varie fortement d’un mois sur l’autre et même d’une semaine à l’autre. Les prix pour les n’drowa et les tomates peuvent varier dans le rapport de 1 à 4 en l’espace d’un mois ! Les frais étant élevés, il arrive que le revenu tiré des ventes soit inférieur aux coûts de production. Dans ce cas, pour ne pas trop décourager les cultivateurs, c’est la coopérative des maraîchers qui prend en charge les pertes. Par ailleurs, le périmètre a été divisé en deux soles, chaque cultivateur ayant une parcelle sur chaque sole ; les cultures et les calendriers culturaux sont différents selon les soles. Ces pratiques permettent de réduire les risques. Il n’en reste pas moins que les variations sont difficiles à cerner et que tous les ans des comptes de cultivateurs sont déficitaires : 1 en 1979-80, mais 39 (sur 147 maraîchers) en 1980-81...
42C’est peut-être pourquoi, le maraîchage est rarement l’activité principale des cultivateurs du périmètre. Il s’agit, le plus souvent, d’une source de revenus d’appoint qui permet parfois de gagner des sommes élevées (lorsque l’agriculteur vend en période de hauts cours) mais qui est trop risquée pour en faire la source principale de revenu : en général, les maraîchers sont aussi commerçants (notamment les femmes et les étrangers), ou planteurs de café-cacao (particulièrement les autochtones).
3.2. Les maraîchers non encadrés d’Azaguié
43La situation est-elle différente dans le cas des producteurs non encadrés ? L’exemple des maraîchers d’Azaguié-Mbromé est à ce titre intéressant. Ceux-ci ont développé les cultures maraîchères pour trois raisons : Abidjan, gros marché, est proche ; les possibilités d’extensions des plantations arbustives sont à peu près nulles ; ces cultures occupent des bas-fonds qui n’étaient pas utilisés ou consacrés à la banane poyo dont on a vu les difficultés.
44Par rapport à la banane, la conduite des cultures maraîchères est plus facile et les techniques sont mieux connues, particulièrement des femmes qui les cultivent de façon traditionnelle depuis longtemps ; les risques liés à des insuffisances de soins sont plus limitées, entre autre, parce qu’il n’y a pas de contrôle de qualité comme dans le cas de la banane. Par ailleurs, les investissements son peu élevés, car à la différence des techniques sur périmètre, les maraîchers réduisent les frais au minimum : en général, ils emploient peu d’engrais et de produits de traitement. Les coûts limités aux semences, aux outils (quelques daba pour l’essentiel) et éventuellement au défrichement de la parcelle par des manœuvres restent inférieurs à 100 000 F CFA/ha. Globalement donc, les risques de départ sont moindres que ceux de la banane et des cultures maraîchères sur périmètre. En revanche les rendements sont plus faibles qu’à Rubino (moins de 5 tonnes/ha contre 9-10 tonnes/ha sur le périmètre) et plus irréguliers. Ils sont cependant suffisamment élevés pour rendre la culture intéressante.
45Restent deux facteurs de risques importants : d’une part, les variations de cours, comme à Rubino ; d’autre part, la non assurance de l’écoulement de la récolte. En général, ce sont des commerçants et commerçantes d’Abidjan qui viennent acheter les produits. Mais en période de grosse production ou de cours bas, ils ne viennent pas. Parfois, ils attendent pour faire baisser les prix d’achat. Les cultivateurs d’Azaguié résolvent en partie ce problème en se groupant et en louant des camions pour aller vendre directement au marché du Plateau à Abidjan. Ceci est possible parce que le village à des liaisons faciles avec la capitale, située à moins de 50 km par une bonne route goudronnée.
3.3. Risques d’ensemble des vivriers pour la vente
46Variations des cours et mévente sont les deux gros risques économiques qui différencient culture du café-cacao et cultures vivrières : le handicap des cultures maraîchères se retrouve (un peu atténué il est vrai) avec la culture du manioc important également à Azaguié : certaines années, les producteurs n’ont pas réussit à vendre la totalité de leur écolte ; en 1983, en revanche, la demande a été très forte : la tonne de manioc était vendue 45 000 F CFA ; avec le retour à des conditions climatiques plus habituelles, les prix étaient tombés de moitié fin 1984.
47Là encore, les producteurs n’abandonnent pas ces cultures car elles rapportent beaucoup à l’hectare, et leur espace est saturé. On constate cependant une certaine instabilité des systèmes de production : les superficies en manioc ont fortement augmenté au moment des hausses pour redescendre ensuite. L’augmentation des prix est signe de pénurie (le risque de mévente est alors éliminé) ; en même temps elle accroît la marge de sécurité financière de l’exploitation, l’agriculteur étant assuré de revenus par tonne plus élevés. Les risques à ce moment là sont donc atténués. Les agriculteurs d’Azaguié sont également favorisés par la proximité d’Abidjan qui permet de réduire les dangers de mévente, en court-circuitant occasionnellement les commerçants.
48Mais ces productions trouvent leurs limites : aucune n’est l’objet d’une monoculture, et rares sont les agriculteurs qui tirent l’essentiel de leurs revenus des cultures maraîchères voire vivrières : tous associent différentes spéculations : café-cacao quand ils le peuvent, banane, manioc et cultures maraîchères.
CONCLUSION
49Toutes les cultures commerciales ne présentent pas les mêmes risques. Surtout, l’importance du risque encourra n’est pas la même. Les cultures arbustives apparaissent comme les spéculations les moins risquées : les frais engagés sont réduits, les variations de production restent limitées, l’écoulement de la récolte est assuré. En contre partie, les revenus par hectare sont peu élevés. Le revenu global de l’exploitation dépend des superficies cultivées. Il reste limité chez les petits planteurs. En revanche, les planteurs qui possèdent de vastes superficies peuvent encaisser des sommes élevées ; pratiquant des cultures faciles, peu risquées et leur rapportant, ils gagnent sur tous les plans.
50Mais la réussite de ces agriculteurs dépend de leur capacité à cultiver des superficies étendues et de l’existence de forêts à défricher pour assurer la pérennité du système. La saturation foncière les oblige à adopter d’autres cultures qui rapportent plus à l’hectare.
51Ces cultures, plus exigeantes en soins et en investissements, sont également plus risquées. L’intensification entraîne donc une augmentation des risques. Les cultures les plus risquées sont celles qui demandent les investissements les plus élevés : banane, cultures maraîchères sur périmètres, car elles obligent l’agriculteur à s’endetter et peuvent le conduire au déficit. Les cultures vivrières pour la vente faites dans un cadre traditionnel ne se heurtent pas à ce danger : mais le risque vient de l’absence d’assurance d’écoulement de la production, que l’agriculteur ne peut guère prévoir car il ne connaît ni l’état du marché, ni le niveau de la production globale au moment de sa vente.
52C’est pourquoi, les petits exploitants qui ne maîtrisent qu’imparfaitement les techniques culturales et la commercialisation cherchent souvent à réduire les risques en minimisant les coûts de production : ils utilisent moins d’engrais, et moins de produits que les gros exploitants ou que ne le préconisent les sociétés d’encadrement. Enfin, beaucoup de petits producteurs, quand ils en ont la possibilité, évoluent vers une agriculture bien connue pour répartir et amoindrir le risque : la polyculture. Le fait nouveau ici sans doute, est que cette polyculture n’est pas vivrière comme c’est souvent le cas en Afrique de l’Ouest, mais commerciale.
Bibliographie
BIBLIOGRAPHIE
Chaleard (J. L.), 1979. — Structures agraires et économie de plantation en pays abé-département d’Agboville — Côte d’ivoire —, Paris X-Nanterre, Université, 529 p. (thèse de 3e cycle) et Archives et Documents, 1981, Micro-édition, Institut d’Ethnologie ed. Paris.
Chaleard (J. L.), 1981-82. — Occupation du sol et immigration en pays abé (département d’Agboville-Côte d’ivoire), Cah. ORSTOM, sér. Sci.Hum., vol. XVIII, no 3 : 271-293.
Chauveau (J. P.), Richard (J.), 1983. — Bodiba en Côte d’ivoire : du terroir à l’État : petite production paysanne et salariat agricole dans un village Gban, Atl. des struct. agr. au sud du Sahara no 19, ORSTOM, Paris, 119 p.
Gastellu (J. M.), 1984. — Une économie du trésor : les grands planteurs du Moronou, tome 4 : le fonctionnement des plantation, ORSTOM Paris, 168 p. multigr.
République de Côte d'ivoire, Ministère de l’Agriculture, 1967. — Région sud-est : étude socioéconomique, vol. 3 et 4 : l'agriculture, SEDES ed Paris, 268 p. et 157 p.
République de Côte d’Ivoire, Ministère de l’Agriculture, 1975. — Recensement National de l’agriculture, Abidjan, 2 tomes, 254 et 260 p. multigr.
République de Côte d’ivoire, Ministère de l’Agriculture, 1982. — Les exploitations de banane de Côte d’ivoire, Abidjan, 47 p., multigr.
République de Côte d’ivoire, Ministère de l’Agriculture. — Rapports annuels statistiques de la Direction des statistiques rurales et des enquêtes agricoles.
République de Côte d’ivoire, SODEFEL. — Rapports annuels du périmètre maraîcher de Rubino.
Ruf (F.), 1984. — Quelle intensification en économie de plantation ivoirienne ? I. Histoire, systèmes de production et politique agricole, Agron. Trop., 39 (4) : 367-382.
Sawadogo (A.), 1977. — L’agriculture en Côte d’ivoire, P.U.F. ed Paris, 368 p.
Notes de bas de page
1 D'après le Recensement National de l’Agriculture 1975.) (
2 Ce texte a été élaboré à partir d’enquêtes menées sur le terrain de 1974 à 1977 auprès de l’ensemble des exploitants de deux terroirs (Gboto et Adomonkro), et d’exploitations échantillons à Rubino, Azaguié-Gare, et Azaguié-Mbromé. Des mises à jour partielles ont été effectuées au cours de différentes missions entre 1982 et 1985.
3 Sources : Recensement National de l’Agriculture 1975).
4 Caisse de Soutien de Stabilisation des Prix des Produits Agricoles.
5 Cet aspect est important, mais dans la mesure où il n’entre pas directement dans l’objet de cet article, nous n’insistons pas dessus.
6 D’après nos enquêtes de terrain en 1976. Cf. J. L. Chaleard (1979).
7 DE 300 à 400 jours/ha par an d’après nos enquêtes en 1976. Cf. J. L. Chaleard (1979).
8 La SONACO (Société Nationale de Conditionnement) contrôle la qualité des régimes avant de les mettre en carton. Tout régime aux dimensions non conformes ou présentant des fruits abîmés ou de mauvaise qualité est refusé. Ceci afin d’améliorer la qualité du produit exporté.
9 SODEFEL : Société pour le Développement des Fruits et Légumes, société d’Etat. COFRUITEL : coopérative de fruits et légumes dissoute en 1986. Une nouvelle COFRUITEL est en train d’être organisée.
Auteur
Géographe, École Normale Supérieure, Avenue de la Grille d’Honneur, Le Parc, 92211 S'Cloud Cedex
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Chroniques des cendres
Anthropologie des sociétés khmou et dynamiques interethniques du Nord-Laos
Olivier Évrard
2006
Biodiversités en partage
Reconfigurations de ruralités dans le corridor forestier betsileo tanàla (Madagascar)
Hervé Rakoto Ramiarantsoa et Chantal Blanc-Pamard
2014
Genre et savoirs
Pratiques et innovations rurales au Sud
Hélène Guétat-Bernard et Magalie Saussey (dir.)
2014
Partir et cultiver
Essor de la quinoa, mobilités et recompositions rurales en Bolivie
Anaïs Vassas Toral
2014
À la croisée des pouvoirs
Une organisation paysanne face à la gestion des ressources (Basse Casamance, Sénégal)
Pierre-Marie Bosc
2005
Apprivoiser la montagne
Portrait d'une société paysanne dans les Andes (Venezuela)
Pascale de Robert
2001
Les deux visages du Sertão
Stratégies paysannes face aux sécheresses (Nordeste, Brésil)
Marianne Cohen et Ghislaine Duqué
2001
Les orphelins de la forêt
Pratiques paysannes et écologie forestière (Les Ntumu du Sud-Cameroun)
Stéphanie Carrière
2003