Conclusion
p. 237-244
Texte intégral
1Les transformations économiques et politiques des Terres Chaudes depuis plus d’un siècle ne paraissent pas avoir affecté les mécanismes de différenciation sociale et de marginalisation qui en faisaient l'une des sociétés les plus inégalitaires à l’aube de la Révolution mexicaine : l’histoire agraire semble s’y répéter sous l’intervention d’acteurs et de contraintes qui ont peu évolué. Un siècle après la dissolution des communautés indiennes, les conditions économiques et sociales paraissent à nouveau réunies pour que se répète un phénomène d'exclusion : le petit peuple des ejidos et des ranchos d’élevage est progressivement emporté par une crise qui n’est pas sans rappeler la ruine de la paysannerie indienne durant le Porfiriato. La Réforme agraire des années trente-cinquante a certes permis de redistribuer la propriété foncière. Mais elle n’a en rien modifié les mécanismes de différenciation et de subordination qui régissaient cette société. Ils fonctionnent encore de nos jours et se renforcent à l’occasion de chaque crise.
2L’analyse historique renvoie l’image d’une société dont le développement a toujours été déterminé par l’intervention d’acteurs étrangers à la région. Il s’agit d’un caractère commun à l’ensemble des sociétés latino-américaines, mais qui trouve dans les Terres Chaudes une expression presque caricaturale. Depuis les déplacements de populations organisés par l’État tarasque pour s’assurer le contrôle de ses circuits d’approvisionnement, jusqu’à l’implantation des brokers et des compagnies melonnières nord-américaines, en passant par l’expansion des grands domaines et la réforme agraire, les politiques définies à Tzintzuntzan, México ou Washington et des acteurs ou des capitaux extérieurs à la région ont induit ou imposé les transformations subies par cette société.
3Une telle emprise était évidente au xve siècle, quand l’État tarasque a organisé le peuplement de la région et imposé aux paysans déportés des tributs de coton et de cacao, et le travail obligatoire dans les mines d’or et de cuivre. Au xviiie siècle, ce sont les immigrés métis venus de l’Altiplano qui mirent en place un système d’exploitation nouveau, reposant sur l’appropriation privée du sol, la culture attelée, l’introduction de nouveaux rapports de production (fermage et métayage) et l’association de la canne à sucre avec l’élevage extensif. La diffusion progressive de ce système de production au sein des communautés indiennes n’a pas empêché les spoliations et leur disparition au profit des éleveurs métis. Cette dépendance s’est encore vérifiée après la Réforme agraire, lorsque les industriels du centre du pays (fabricants d’huile et raffineries de sucre) se sont alliés à la nouvelle bourgeoisie agraire pour s’approprier le surplus agricole de la paysannerie éjidale et exploiter sa force de travail. Un système de production reposant sur la culture du sésame et les migrations saisonnières s’est mis en place. Dès lors, les « hirondelles » sont devenues les figures centrales de la société agraire dans les Terres Chaudes.
4Au cours des trente dernières années, à mesure que les Terres Chaudes s'intégraient à un espace économique de plus en plus large, leur dépendance vis-à-vis d’acteurs économiques extérieurs n’a cessé de s'accentuer. La chute des prix agricoles, la spécialisation vers l’élevage de broutards ou le maraîchage, les conditions du trafic de drogue ou de l’émigration clandestine ne peuvent être analysées qu’en fonction des conditions particulières de l’économie nord-américaine (productivité des céréaliers, demande en main-d’œuvre bon marché, en jeunes bovins ou en fruits frais) : l’économie des Terres Chaudes fonctionne désormais dans les espaces et aux conditions que lui a assignés sa voisine nord-américaine.
5Depuis trois siècles, la spécialisation vers l’élevage extensif est au centre des mécanismes d’accumulation différentielle, de paupérisation et de concentration foncière. Il y a trois cents ans, les troupeaux bovins furent le vecteur de l’expansion métisse, au détriment des communautés indiennes. Pour pouvoir résister à leur poussée, les Indiens ont dû assimiler les éléments du système de production métis, en particulier la culture attelée et l’élevage bovin, principaux outils de l’appropriation foncière. Deux siècles plus tard, les grands éleveurs se trouvaient à la base des réseaux d’usure qui ont permis l’expansion des très grands domaines. Le pouvoir de cette oligarchie, un temps remis en question par la Réforme agraire, s’est vite réaffirmé lorsque le bétail s’est avéré le meilleur instrument de contrôle sur la terre et la production agricole, au travers des locations d’attelages et du crédit. L’élevage représentait alors la seule façon d’accéder aux rentes découlant du droit de vaine pâture et de l’utilisation des parcours indivis. Enfin, les grands éleveurs sont à l’origine du mouvement d’enclosures et d’appropriation foncière qui s’est étendu à l’ensemble des ejidos, selon un processus semblable à celui qui accompagna la dissolution des communautés indiennes il y a une centaine d’années.
6Tout au long de cette histoire, les éleveurs ont mis à profit les écarts de productivité qui leur donnaient un avantage décisif sur la petite paysannerie, pour accroître leur contrôle sur les moyens de production et s’approprier les rentes qui en découlent. Les efforts des petits producteurs ont donc visé de tout temps l’acquisition des têtes de bétail qui leur permettraient une spécialisation semblable dans l'élevage. Mais l’accroissement de la population et du cheptel au cours des trente dernières années a entraîné une telle pression sur les ressources agropastorales que ces tentatives sont aujourd’hui vouées à l’échec : les retards d’accumulation sont devenus définitifs. Il n'est guère que les mythes alimentés par les réussites fulgurantes d’une minorité d’expatriés ou de trafiquants de drogue pour entretenir l’illusion d’un enrichissement à la portée des paysans minifundistes. Seuls les privilégiés qui ont bénéficié des programmes publics d’irrigation ont pu maintenir ou améliorer leurs conditions de vie. Les systèmes de production en agriculture pluviale sont en revanche entraînés dans une spirale d’extensification qui exclut un nombre croissant de laissés-pour-compte.
7Des secteurs importants de la paysannerie auraient pourtant intérêt à intensifier leur système de production, pour peu que les moyens leur en soient donnés. Le changement technique et les retombées de la seconde révolution agricole (moto-mécanisation, emploi d’engrais et de semences sélectionnées...), qui étaient censés y parvenir, n’ont pas permis d’élever de façon significative les rendements (la hausse moyenne de 20 % observée dans la région pour le maïs n’a pas permis de compenser la chute des prix au producteur enregistrée depuis trente ans).
8Cette faillite tient en partie au fait que le transfert de technologie envisagé était conçu comme un paquet sophistiqué, indivisible et coûteux, dont l’adoption entraîne une fragilisation des exploitations minifundistes, une prise de risques agronomiques et économiques accrue. Imaginé au départ pour des zones à fort potentiel agricole, le changement technique a vite été assimilé sur les périmètres irrigués des Terres Chaudes, avec de bons résultats. En revanche, dans les zones d’agriculture pluviale, son adoption a été beaucoup plus sélective : dans la mesure où les nouvelles techniques s’ajustaient aux stratégies d’expansion spatiale et d’allègement des charges en main-d’œuvre des grandes exploitations, elles se sont diffusées rapidement (moto-mécanisation, emploi des herbicides, introduction du sorgho). Mais pour des exploitations de taille réduite, disposant de peu de terres labourables et en situation de dépendance quant à l’accès aux outils et aux marchés, ces paquets techniques étaient tout simplement inadaptés.
9En dehors des périmètres irrigués, la Révolution verte a contribué à renforcer la capacité d’expansion des grands éleveurs, parce qu’ils étaient les seuls à bénéficier de véritables gains de productivité. Contrairement aux espoirs de ses promoteurs, le changement technique ne s’est pas traduit par une intensification (accroissement des rendements et des revenus monétaires à l'hectare), mais par une simplification des itinéraires techniques, une « extensification » des sytèmes de culture qui correspondait à un fort accroissement de la productivité du travail pour qui pouvait disposer de grandes superficies. L’extension des exploitations devenant une condition pour bénéficier de ces gains de productivité.
10Ce type de modernisation de l’agriculture n’était pas la seule solution de progrès économique et social. Simplement, les caractéristiques et la capacité de réponse des exploitations minifundistes n’ont jamais été prises en compte. S’interroger sur l’échec de la Révolution verte en zone d’agriculture pluviale conduit à s’interroger sur la fonction assignée à ces régions dans la société mexicaine (réservoir de main-d’œuvre bon marché, zones tampons d’amortissement des tensions sociales). Mais ce n’est pas ici notre propos.
11Il était possible de définir des « paquets techniques » mieux à même de favoriser l'accroissement de la productivité et de la production sur les exploitations minifundistes, sans qu’il soit nécessaire pour cela d’en bouleverser les structures. Dans cette perspective, la première mesure à prendre consistait à procéder au fractionnement et à la répartition de la plus grande partie des parcours indivis, de façon égalitaire, entre tous les éjidataires, et non pas au prorata du nombre de bovins possédés (comme il en était question dans le discours des promoteurs du « Plan d’élevage du sud du Michoacán »). Bien sûr, il eût été indispensable d’appuyer cette mesure par une politique de crédit et de subvention à l’achat de fil de fer barbelé, de façon à faciliter l’individualisation des parcelles et des portions de parcours attribuées, et à permettre la constitution de parcs. Avec un coût minimal, les exploitations pouvaient ainsi instaurer un pâturage tournant, optimiser l’utilisation des prairies naturelles et élever sensiblement les chargements en bétail.
12Individualiser les terrains cultivés et les pâturages est une étape indispensable dans la conduite de tout projet d’intensification. D’une part, parce qu’elle permet d’accroître immédiatement les revenus des paysans minifundistes, en leur donnant la possibilité de vendre au meilleur prix les fanes et les pâturages naturels de leur dotation. En augmentant la capacité d’accumulation (et la solvabilité) de ces exploitations, il devient possible de promouvoir des techniques d’amélioration des pâturages : fauche des refus et semis localisé de graminées autochtones (grama et aceitilla), accroissement du pourcentage de légumineuses locales (riches en azote digestible) au sein des strates herbacée et ligneuse, diffusion de techniques simples de fenaison (allant de pair avec une amélioration des installations de stockage du foin – petit hangar), opérations d’autant plus aisées à mener que les conditions climatiques facilitent le séchage rapide et la conservation des fourrages. La diffusion de crédits à l’achat de petits moulins à fléau aurait également permis une meilleure utilisation des fanes et des grains dispensés au bétail, comme on peut l'observer sur les moyennes et grandes exploitations d’élevage.
13La concentration du bétail sur un espace réduit aurait par ailleurs simplifié les opérations de traite en saison des pluies (ce qui est impossible sur les parcours indivis ; la traite ne peut avoir lieu qu’en saison sèche et implique l’achat d’aliments) et elle aurait facilité l’organisation d’un parcage de nuit permettant des transferts de fertilité peu coûteux (fumier) vers les parcelles cultivées. Enfin, l’individualisation des parcours et des parcelles aurait autorisé un développement de l’élevage caprin, freiné actuellement par l’hostilité des grands propriétaires de bétail.
14Il était possible... Le paysage agraire des Terres Chaudes ne laisse plus guère d’espace aujourd’hui pour ce type de mesures : comment remettre en cause des appropriations foncières qui ont parfois eu lieu il y a près de vingt ans ? Pour autant, le futur ne peut-il être envisagé qu’en termes d’expansion des domaines d’élevage et d’exclusion des couches les plus pauvres de la société ? Les paysans des Terres Chaudes ne peuvent-ils bénéficier de l’élargissement des marchés et de la prochaine intégration du Mexique à l’espace économique nord-américain ?
15Pour les paysans des Terres Chaudes, cette intégration est déjà une réalité depuis de nombreuses années. Les importations massives de maïs et de soja nord-américains sont directement à l’origine de la baisse des prix des produits agricoles qui a provoqué la ruine de la production régionale d’oléagineux. Le développement de l’élevage naisseur et plus encore celui des cultures maraîchères et de la production de marihuana sont directement liés à l’ouverture plus ou moins franche du marché nord-américain1. Et que dire de l’émigration d’une proportion croissante de la population active des Terres Chaudes ? L'économie régionale est extravertie et de plus en plus dépendante de celle de son grand voisin.
16Les paysans des Terres Chaudes ne peuvent-ils mettre à profit ces relations multiples et certains avantages comparatifs pour tirer le meilleur parti de l’Accord de libre-échange nord-américain (Aléna) ? Rien n’est moins sûr. Les activités illégales (émigration clandestine, trafic de drogue) le resteront et il est fort probable que la mise en place du « Grand Marché » ira de pair avec une intensification de la répression contre les producteurs de marihuana. Quant aux deux produits qui composent l'essentiel des exportations régionales, les bovins et les melons, il est peu probable que l’accord de libre-échange conduise à un bouleversement des marchés.
17Le commerce du bétail continuera à être réglementé par l’actuelle législation mexicaine qui destine la production des États du sud et du centre de la République à l’approvisionnement du seul marché mexicain. Si le Traité peut se traduire à terme par un accroissement des livraisons de bétail mexicain vers les États-Unis, ce sont essentiellement les États frontaliers qui en bénéficieront. Les réseaux de contrebande qui existent déjà risquent fort de fonctionner jusqu’à ce que les éleveurs du Nord ajustent leur production à la demande nord-américaine, mais le bétail des Terres Chaudes continuera à être handicapé par sa conformation et une moindre valorisation par rapport aux races Hereford, Angus ou Charolais, qui constituent l’essentiel des ventes aux États-Unis. L’impact de l’Aléna restera donc marginal en ce domaine, et seuls les grands éleveurs pourront éventuellement bénéficier de la contrebande, comme c’est déjà le cas.
18Les producteurs de primeurs ne devraient pas davantage percevoir de résultats palpables du Traité de libre-échange. Les exportations de melons des Terres Chaudes demeureront saisonnières, venant en complément de la production nord-américaine qui se concentre durant le cycle printemps-été. Le melon produit dans la dépression du Balsas ne peut concurrencer directement celui des États-Unis, car sa culture est perturbée dès le mois de mai par les premières pluies (développement de maladies cryptogamiques, pourrissement des fruits) et l’accroissement des coûts qui en découle réduit considérablement la compétitivité des producteurs locaux2. Limitée au cycle automne-hiver, la production des Terres Chaudes continuera à être contingentée par les quotas délivrés par l’Union nationale des producteurs maraîchers (UNPH) et par la concurrence des autres régions productrices du Mexique et du bassin Caraïbe (également bénéficiaires d’un accès élargi au marché nord-américain). La baisse des prix à la frontière et celle des taux de profit ne devraient donc pas être modifiées par la mise en œuvre de l’Aléna : les mêmes risques continueront à peser sur les producteurs.
19Les maraîchers produisant des tomates et des courgettes pour le marché de México risquent, quant à eux, de devoir affronter une concurrence accrue au printemps et en automne, lorsque les légumes produits aux États-Unis arriveront sur les places de l’Altiplano3. Déjà en position défavorable par rapport aux autres régions productrices, plus proches des marchés, ils risquent fort de voir leurs marges se réduire dans les années qui viennent et, avec elles, les financements proposés par les grossistes de México.
20Que dire des productions locales de maïs et même de sorgho ? La chute des prix des céréales rique fort de s’accentuer et il n’est pas exclu que les importations de farines, tourteaux, voire de fourrages déshydratés (luzerne, foin) induisent une baisse de la valeur des résidus de culture produits dans la région. La petite paysannerie y perdrait une source de revenus qui a pris une importance croissante au cours des dernières années. Les paysans minifundistes seront sans doute les plus affectés par la formation du Grand Marché nord-américain, si des mesures de protection et de subvention à l’agriculture des régions défavorisées ne sont pas mises en place par le gouvernement mexicain. Mais cela irait à l’encontre des préceptes qui ont présidé à la signature du Traité et supposerait une politique d’investissements massifs dont les pouvoirs publics n’ont plus les moyens actuellement.
21Il reste à espérer que les emplois induits par la création d’un Grand Marché suffiront à absorber la masse des exclus. Depuis plus de cinquante ans, seules les migrations saisonnières et la double activité ont permis la survie d'une paysannerie importante dans les Terres Chaudes. Celle-ci semble pourtant avoir atteint un seuil de rupture. La crise de la production vivrière et l'extensification des systèmes d’exploitation hors des terrains irrigués menacent désormais directement sa reproduction. La mise en œuvre du Traité de libre-échange pourrait lui porter le coup de grâce. À défaut de donner aux petits producteurs les moyens d’intensifier leurs systèmes d'exploitation et de multiplier leurs revenus, les vaches auront bientôt chassé les dernières « hirondelles » de la région. Et il est peu probable qu’elles fassent le printemps dans les bidonvilles d’Acapulco ou de México.
Notes de bas de page
1 Même si les broutards nés dans les Terres Chaudes sont engraissés au Mexique, ce sont les exportations vers les États-Unis qui déterminent le niveau des prix des bovins sur pied.
2 Dans l’absolu, il n’est pas évident que les producteurs mexicains bénéficient d’avantages de compétitivité, en raison de l’importance des coûts de transport et de commercialisation dans la composition de la valeur finale du produit. Voir M. A. Gomez Cruz et al. (1992).
3 Des investisseurs nord-américains auraient déjà acquis des entrepôts sur le marché de gros de la ville de México et sur divers marchés du centre du pays (Irapuato et Guadalajara). Voir M. A. Gomez Cruz et al. (1992) : 60.
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