Annexe. Évaluation de l’efficacité des actions de LAV en France
p. 376-405
Texte intégral
1. Présentation de l’enquête
1La majeure partie des services interrogés a répondu au questionnaire (figure 6) ce qui représente un total de 14 réponses sur les 16 services d’intérêts.
2Le tableau 2 détaille les missions et la taille des services ainsi que les vecteurs et maladies vectorielles cités. L’ensemble des missions, rôles de chaque service semblent correspondre au contexte réglementaire de la loi de 2004 et de sa réelle application. Il en est de même pour les vecteurs et maladies citées. Aucun service n’évoque lutter contre des arthropodes vecteurs, autres que les moustiques.
3Conformément à l’article 43 de la loi « Informatique et Liberté » relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, vous disposez d’un droit d’accès, de modification, de rectification et de suppression des données qui vous concernent. mèl : mailto:julien.Fecherolle@ird.fr
4Les données renseignées resteront anonymes et confidentielles.
2. Évaluation de l’efficacité des actions : fréquence et attendus
5Les deux premières questions de la partie 2. du questionnaire (2.1. et 2.2.) ont tenté de déterminer, d’une part, la fréquence à laquelle l’évaluation de l’efficacité est conduite et, d’autre part, les attentes et les objectifs perçus par les différents services interrogés. Le tableau 3 rapporte les réponses des services d’outre-mer.
6La plupart des services écrivent que l'évaluation est une démarche visant à l'amélioration et la notion de mesure est souvent évoquée. Certains services disent évaluer pour « adapter les techniques », « optimiser les tournées » ou « garder un suivi précis de l'utilisation des produits ».
7Certains services hiérarchisent les différentes évaluations selon les fréquences. Par exemple, le service de lutte de la Guadeloupe n'évalue pas aussi régulièrement la sensibilité aux insecticides qu'une campagne de communication.
8Les services de la Réunion et de Mayotte signalent évaluer l’impact sur les non cibles.
2.1. Objectifs opérationnels de LAV
9L’efficacité traduit le degré de réalisation des objectifs du plan de LAV. Elle s’apprécie par comparaison entre les résultats obtenus ou effets directs sur la population de vecteurs et les résultats attendus tant du point de vue quantitatif (densité de moustiques) que qualitatif (plaintes). Les réponses du questionnaire sont présentées tableau 4.
10Pour les acteurs de LAV, la diminution de la densité des moustiques est l'objectif toujours fixé et à atteindre. Il s’agit, en outre, de maintenir toujours au plus bas cette densité afin de diminuer les risques de transmission des agents pathogènes.
11Certains ont fixé des objectifs chiffrés comme le maintien de « l'indice de productivité en dessous de 200 » pour le service de Martinique ou encore comme pour la DSDS de la Guadeloupe, d’« inciter 20 % des chefs de famille à donner une pente convenable aux gouttières et 40 % de ceux-ci, à bétonner le fond des regards d'eaux pluviales au 30/06/09 ». Pour le service de LAV du CG de Haute-Corse, l’objectif est un peu plus utopique, il vise à « éradiquer les espèces vectrices ».
12Évaluer ou mesurer la sensibilité des vecteurs aux insecticides est souvent évoqué.
3. Méthodes d’évaluation de l’efficacité des actions
13Les méthodes d'évaluation de l'efficacité vont pour la plupart reposer sur la mesure et/ou le suivi des indices entomologiques. Certaines collectivités impliquées dans la lutte précisent faire des captures d'adultes, d'autres des contrôles de gîtes. Les sondages sont également utilisés et permettent de réaliser des échantillonnages de la densité.
14Les indicateurs relatifs à la mesure de cette densité vont varier localement selon les vecteurs et leur bio-écologie (indices larvaires, nombre de moustiques venant piquer l’homme en ! d’heure, moustiques piégés en 24 heures par un piège chimique…). Il en est de même des méthodes de mesures de ces indicateurs.
15Le recueil des plaintes est également une méthode pour s’assurer si les objectifs sont atteints et maintenus, en particulier concernant la nuisance ressentie ou réelle.
3.1. Mesure de la densité des vecteurs : indicateurs, seuils et méthodes de mesures
16Il est possible de différencier les différents indicateurs utilisés par les services selon les espèces vectrices et les nuisants.
3.1.1. Cas d’Aedes aegypti
17Le tableau 5 détaille les indicateurs utilisés par les services pour évaluer les actions de lutte contre les vecteurs.
18Pour suivre l’efficacité des interventions de lutte (mécanique, larvicide, communautaire…) contre Aedes aegypti, les indices de Breteau sont largement utilisés au sein des services de LAV des DFA. Bien que le responsable de la cellule de LAV de la DSDS de Guadeloupe évoque prendre en compte la typologie des gîtes, seul le CG de Martinique utilise l’indice de Breteau pondéré.
19Les méthodes de mesure reposent principalement sur des relevés entomologiques par des sondages en milieux urbains. La fréquence est variable d’un service à l‘autre
20Chaque service a fixé ses propres seuils d’efficacité. Le seuil « 200 » de l’indice pondéré reste « arbitraire » et « subjectif » pour le service de lutte de la Martinique et il a été fixé par les moyennes calculées à partir des résultats d’essais antérieurs. L’interprétation et la comparaison des données à ces seuils sont faites de manière critique au cas par cas et selon les quartiers. L’entomologiste du CG de Guyane considère que « Au-delà de 50, un risque épidémique existe », sans étude scientifique pour justifier ce seuil.
3.1.2. Cas d’Aedes albopictus
21Le tableau 6 détaille les indicateurs utilisés ainsi que les méthodes de mesure et les seuils d’efficacité utilisés pour évaluer les actions de lutte contre Aedes albopictus.
22Les indices maison et indices de Breteau sont utilisés à la Réunion, mais l’indice de Breteau a été abandonné en 2008 par le service de Mayotte. Aedes albopictus, contrairement à Aedes aegypti exclusivement urbain dans les DFA, est aussi retrouvé à la Réunion en milieu rural. Les indices de Breteau et indices maisons comme indicateurs d’efficacité ne sont pas entièrement représentatifs de la densité globale du vecteur et ne peuvent être utilisés seuls comme indicateurs pour évaluer l’efficacité de l’ensemble des actions sur l’île.
23Les seuils choisis par le service de la Réunion intègrent à la fois la capacité d’intervention du service et une dimension entomologique. En dessous d’un indice de Breteau de 25, il est admis que moins d’une maison sur cinq comporte un gîte positif à Aedes albopictus ce qui serait équivalent à la capacité de dispersion du vecteur (quelques dizaines de mètres) et limiterait le risque d’apparition d’un foyer infectieux.
24Le service de lutte du CG de Corse-du-Sud évoque ne pas utiliser d’indicateurs. Il rappelle toutefois qu’Aedes albopictus est très peu implanté en Corse-du-Sud ; quelques pièges pondoirs ont été retrouvés positifs à Porto-Vecchio.
25Le représentant LAV du CG de Haute-Corse précise utiliser une méthode permettant de mesurer la densité de femelles venant piquer l’homme. Néanmoins, il signale que cette méthode est théorique, qu’elle est faite rarement et que les seuils ont été construits empiriquement « sans qu’aucune étude scientifique ne soit menée ».
- la LAV autour des cas suspectés de chikungunya et de dengue. L’évaluation de l’efficacité des traitements adulticides est réalisée par une mesure de la densité des femelles d’Aedes albopictus quelques heures après le traitement adulticide. Cette mesure est faite soit par capture sur appât humain (acceptable en métropole) soit sur piège attractif à l’octénol. La présence d’au moins une larve est aussi vérifiée. Les données collectées sont donc des indicateurs. Sur les neufs traitements péridomiciliaires effectués en 2007 aucune mesure n’a révélé l’échec des interventions : aucun moustique n’a pu être piégé. Le service chargé de cette surveillance n’a toutefois pas vraiment de seuils définis. En cas de recapture d’un individu après une intervention, il peut être décidé de traiter à nouveau, l’objectif étant de réduire tout risque de piqûre par une femelle ayant pu s’infecter sur une personne virémique ;
- les traitements larvicides dans la partie publique des villes où Aedes albopictus est implanté (Menton, Nice, Bastia, Antibes…) et la participation communautaire. Aucune évaluation de ces actions n’est effectuée et aucun outil ne permet actuellement de mesurer la densité du vecteur ;
- la mise en place de pièges pondoirs. Ils permettent difficilement de déterminer la densité de vecteurs et donc d’évaluer l’efficacité des mesures de contrôle. Il est en effet possible de détecter de façon précoce les pontes, mais pas de suivre les fluctuations de densité (12). Le nombre d’œufs collectés n’est pas systématiquement corrélable à la densité réelle des populations imaginales. Les services (les 3 EID et la cellule de surveillance de Corse) surveillent donc plus l’aire de répartition et l’activité saisonnière du vecteur que réellement sa densité, contrairement à ce qu’ils peuvent en dire. Les pièges pondoirs apparaissent donc comme des instruments les moins adaptés à la mesure de la densité.
3.1.3. Cas des Anopheles spp.
26Il ne semble pas exister d’indicateurs spécifiques pour suivre la densité d’Anopheles et l’efficacité des interventions. Le tableau 7 présente les indicateurs utilisés par les services.
27À l’exception du service de Haute-Corse, la prospection larvaire semble être la seule méthode retenue par les services confrontés à des Anopheles et les seuils sont variables. Ces derniers sont, pour la plupart, basés sur la présence ou l’absence de larves sur la zone prospectée.
28L’écologie des vecteurs ainsi que les espèces vectrices sont cependant très différentes d’un département à l’autre ce qui rend difficilement comparable les indicateurs d’efficacité et leur méthode de mesure.
29En Guyane, la prospection est rendue difficile par le fait que les gîtes larvaires d’An. darlingi sont retrouvés sur les rives des fleuves alluvionnaires difficiles d’accès, d’autant plus que le département présente une superficie de 86 504 km2. Ces observations expliquent pourquoi la fréquence de mesure est si limitée.
30À la Réunion, la prospection est réalisée tous les jours. Les sites de prospection sont séparés par zone géographique. Ce découpage est réalisé en fonction de la capacité d’intervention des équipes. Néanmoins, cette prospection semble avoir été réduite ces dernière années au dépend de la surveillance d’Aedes albopictus.
31À noter que le service de LAV de Mayotte signale utiliser des indicateurs épidémiologiques (incidence du paludisme).
32Le CG de Corse-du-Sud dit ne pas utiliser d’indicateurs pour les anophèles, mais signale vérifier les présences de larves avant et après les interventions.
33Le CG de Haute-Corse précise utiliser la même méthode pour suivre l’efficacité des actions de LAV contre Aedes albopictus et Anopheles maculipennis s.l., qui ont pourtant une biologie et une distribution extrêmement différentes.
3.1.4. Cas des moustiques nuisants
34Chaque service, qu’il soit en métropole ou outre-mer, assure également une démoustication de confort. Les indicateurs employés pour suivre et évaluer l’efficacité des interventions sont synthétisés tableau 8. L’abondance en moustiques et le recueil des plaintes apparaissent comme les deux critères utilisés pour l’évaluation de l’efficacité des interventions. L’évaluation de la perception de la nuisance dépend d’une approche plus sociologique.
3.1.4.1. L’ABONDANCE EN MOUSTIQUES
35La prospection larvaire et la capture sur appât humain et/ou pièges chimiques avant et après les interventions apparaissent comme les méthodes permettant de déterminer la densité des moustiques nuisants et donc de suivre l’efficacité des interventions.
36C’est cependant l’EID Méditerranée qui semble avoir travaillé le plus sur la méthode pour conduire la prospection : « les points d’échantillonnage sont les plus représentatifs et révélateurs de la présence et de l’abondance de larves… ».
37Il n’existe pas de seuils explicites pour traduire l’efficacité des actions. L’efficacité des interventions est, pour de nombreux services, mesurée par l’observation de l’absence ou de la présence de larves dans les gîtes ou de l’abondance en moustiques adultes et de leurs stades de développement. Le degré d’efficacité est établi de « manière empirique » pour l’EID Atlantique et « les seuils sont implicites » aux services de démoustication de Rhône-Alpes ou encore « difficiles à définir » à l’entente du littoral méditerranéen.
38La fréquence du suivi d’efficacité est variable selon les services. Certains services évoquent réaliser ce suivi en continu ou systématiquement avant et après chaque intervention. D’autres tous les 15 jours selon le contexte local et la géographie.
3.1.4.2. LES PLAINTES
39Les plaintes peuvent également permettre le suivi et l’évaluation de l’efficacité des actions de contrôle. Chaque plainte reçue est vérifiée par une prospection larvaire ou capture d’adultes sur le terrain.
40Les modalités d’enregistrement des plaintes varient d’un service à l’autre et sont plus ou moins bien structurées. L’EID Atlantique utilise par exemple un questionnaire présent sur son site Internet et l’EID Rhône-Alpes recueille les plaintes chaque semaine dans des cahiers présents dans chaque mairie des communes couvertes par le service.
41Une synthèse des appels est réalisée chaque semaine par le service du CG de Martinique. Néanmoins, l’entomologiste du service de lutte de la Réunion reconnaît que le système est aléatoire : « Après une opération de communication, les appels s’intensifient mais après plusieurs mois, le numéro vert est rapidement oublié », il ajoute que ce n’est que depuis le début de l’année que le service a décidé de s’engager pleinement dans la lutte contre les moustiques nuisants.
42La plainte perçue ou réelle apparaît comme un indicateur très pertinent de l’évaluation de l’efficacité des interventions. En revanche, l’enregistrement des plaintes présente le désavantage d’être soumis à une forte influence médiatique. Un simple article sur un journal évoquant « Le chikungunya menace notre littoral » peut alors entraîner une augmentation accrue des appels téléphoniques. Tout « objet volant » peut également être confondu avec un moustique, ce qui génère des plaintes parfois infondées.
3.1.4.3. APPROCHE DE LA SOCIOLOGIE
43Si l’objectif général de l’EID Méditerranée est de contrôler la nuisance afin de la réduire à un seuil tolérable, alors comment évaluer l’efficacité des actions avec un tel objectif ? Quel est alors le seuil de tolérance ? Est-ce une piqûre de moustique, deux ou bien dix ?
44Il est à noter que la notion de nuisance est d’ordre subjectif dans la mesure où la sensation d’inconfort est variable d’une personne à l’autre.
45Les sciences sociales apparaissent ainsi comme une discipline permettant de transformer la perception de la nuisance moustique en chiffres et de répondre en partie à ces questions.
46Une enquête sociologique comparative sur la perception de la nuisance « moustiques » a été réalisée au début des années 2000, en Grande Camargue (Zone non démoustiquée) et en Petite Camargue (zone démoustiquée), par le CNRS-Desmid pour l’EID Méditerranée. Destinée à être répétée après le début de la démoustication de Grande Camargue, elle a permis de suivre l’évolution des attitudes du public vis-à-vis des traitements. Pour les Camarguais, le moustique est qualifié « de nuisible mais aussi d’utile ». Les seuils d’acceptabilité de la nuisance ne sont pas les mêmes selon les individus et les localités où ils se trouvent.
3.2. Collecte et interprétation des indicateurs
47Les outils de suivi des activités et de collectes des informations relatives aux actions de LAV et de démoustication sont assez inégaux d’un service à l’autre.
48Un SIG est mis en place dans de nombreux services. Il assure une véritable traçabilité des interventions.
49À l’EID Méditerranée, les données relatives à l’activité des agents sont rentrées quotidiennement (kilomètres parcourus, produits et quantité…) et des systèmes GPS sont mis en place à bord de chaque véhicule. Des fiches de suivi sont intégrées dans un logiciel ou les agents y enregistrent les données relatives aux milieux (stade larvaire…) et l’origine de leur intervention (émergence, prospection, suivi d’efficacité…).
50Le service n’est informatisé « que depuis deux ans » pour le GIP de la Réunion mais les données sont centralisées pour « un bilan et une cartographie ». C’est également le cas en Martinique depuis peu. Les autres services ne signalent pas d’informatisation poussée. Les données commencent à être informatisées pour le CG de Guyane et « une solution informatique est prévue » pour le CG de Corse-du-Sud. En région Corse, le responsable du service de démoustication du CG de la Haute-Corse rétorque que les tableaux de bord imposés par l’État ne sont pas « très révélateurs ».
51Il semble qu’aucun service ne rédige de rapport annuel relatif à l’évaluation des actions de LAV ou de démoustication.
4. Difficile évaluation de la participation communautaire
52L’évaluation de l’efficacité de la participation communautaire peut présenter deux aspects :
4.1. Les enquêtes de perception
53Il s’agit d’obtenir des tendances de la perception du risque moustique par la population ainsi que de sa connaissance.
54À ce titre pendant l’épidémie de dengue de 2005, la DSDS de Guadeloupe a évalué une campagne de sensibilisation (46). L’objectif a été de réaliser une photographie des comportements et d’évaluer l’impact réel des campagnes de communication sur le comportement des individus en matière de lutte contre le moustique vecteur de la dengue puis de fournir des pistes de réflexion. L’application d’une analyse économétrique leur a permis d’avoir des pistes de réflexion pour l’amélioration du comportement. Le responsable du service de LAV souligne que l’étude a été longue et coûteuse.
55Un acteur de la DSDS de Guyane précise que ce genre d’enquête permet de révéler si les messages sont lus, compris et mémorisés mais ne permet pas toujours de révéler si la population met réellement en œuvre les bons gestes. Celui de la Guadeloupe rajoute que « les études menées ont montré une bonne connaissance de la population quant au vecteur, à la maladie, aux gestes de prévention, mais la population présente des difficultés à les mettre en place ».
4.2. La mesure directe de l’impact des actions de la population sur la cible moustique
56Elle permet de constater si les actions de communications et d’éducations sanitaires ont bien porté leur effet. Il s’agit de révéler si la population met en œuvre les gestes, notamment ceux liés à l’élimination des gîtes. Il est donc possible d’évaluer l’efficacité des campagnes de communication, du moins pour les vecteurs comme Aedes albopictus ou Aedes aegypti, par la mesure d’indices larvaires.
57C’est à ce titre que le service de LAV de la Réunion a évalué une opération nommée KassMoustik. L’évaluation a reposé sur le suivi des Indices de Breteau et Indices Maison en comparant des quartiers ayant reçu les messages de communications avec des quartiers témoins. Les résultats n’ont cependant rien donné de réellement « satisfaisant ». En effet, trop de facteurs (météo, écologie locale des moustiques et différente d’un quartier à l’autre, facteurs humains…) influencent l’évolution de ces indicateurs qui ne sont que peu représentatifs de la densité. L’agent évoque au téléphone que « la population s’implique à court terme », mais rapidement les indices entomologiques rehaussent traduisant l’arrêt de la participation communautaire. Ces actions d’évaluation n’ont pas été poursuivies par la suite.
58L’action a également été reprise par la DSDS de Guadeloupe qui a comparé des communes ayant fait l’objet d’action de type santé-communautaire avec des communes témoins.
59L’institut Pasteur de Nouvelle-Calédonie utilise régulièrement les indices entomologiques (Indice de Breteau, Indice maison, Indice piège pondoir collant, indice de productivité d’adulte) pour évaluer l’efficacité de la participation communautaire et prévoit de modifier régulièrement ses messages, voire d’ajouter des sanctions dans les cas où des gîtes trop riches sont retrouvés.
60D’autres opérations sont évaluées à la Martinique comme les opérations Toussaint qui visent à encourager la population à remplacer l’eau des vases à fleurs des cimetières par du sable mouillé. L’action est évaluée chaque année par une mesure des indices entomologiques avant et après les opérations de communication. Un bilan annuel avec chaque mairie participant à l’action est effectué après les opérations.
61Le CG de la Martinique s’est d’ailleurs félicité de voir le nombre de communes participantes augmenter chaque année et intégrer en 2007 presque la totalité des communes de l’île. Le CG de Corse-du-Sud et le SCHS de Bastia ont distribué quelques milliers de plaquettes d’informations concernant Aedes albopictus sans qu’un suivi ne soit réalisé.
5. Évaluation de l’efficacité des produits biocides
62L’évaluation de l’efficacité ne doit pas se limiter à l’évaluation des actions. Comme il est écrit dans la réglementation, les services doivent s’assurer de l’efficacité des produits biocides utilisés et donc de la sensibilité des vecteurs aux insecticides. Ceci n’est a priori pas vérifié par tous les services et les essais manquent parfois d’une véritable analyse de données et de comparaisons.
63Dans les 3 départements français d’Amérique, les services de LAV ont développé des tests toxicologiques des larves d’Aedes aegypti. La mesure reste irrégulière pour le CG de Guyane dont le responsable précise que cela « dépend fortement de la quantité des larves prélevées ». En plus des essais réalisés sur Aedes aegypti, le service de la Martinique a étendu ses essais à Cx. quinquefasciatus et présente l’avantage de posséder un technicien à temps plein et le matériel pour le faire. La mesure reste annuelle ou biannuelle. La sensibilité des adultes d’Aedes aegypti est régulièrement testée par des kits OMS tous les mois par l’institut Pasteur de Nouvelle-Calédonie.
64Une remarque importante est soulevée par l’interlocuteur du CG de Guyane au sujet d’An. darlingi. Il note que l’évaluation de la rémanence des insecticides sur les différents supports traités est fortement souhaitée et envisagée mais « dépend de la finition de l'insectarium ». La sensibilité d’An. darlingi, vecteur du paludisme en Guyane, est donc peu ou pas mesurée, d’autant plus que cette espèce présenterait, au niveau local, une forte résistance aux insecticides. Le responsable de service soulève d’ailleurs « le refus de l’État d’apporter un financement plus important pour réaliser spécifiquement ces essais ».
65À la Réunion, la sensibilité des Anopheles aux insecticides est difficilement mesurable car cette espèce n’est pas élevable en laboratoire. Toutefois, celle d’Aedes albopictus à la deltaméthrine est mesurée tous les ans selon un protocole OMS.
66Les acteurs du SCHS de Bastia, de la Siaap et le CG Corse-du-Sud répondent ne pas mesurer la sensibilité des vecteurs aux insecticides. Il en est de même pour le CG de Haute-Corse qui, néanmoins, constate de « façon empirique une adaptation des moustiques aux traitements ». Les agents sont alors parfois contraints d’augmenter le dosage pour atteindre les mêmes résultats. Le surdosage est d’ailleurs pratiqué par le SCHS de Bastia dans le cas de la lutte contre Aedes albopictus.
67L’EID Méditerranée a mis en place une évaluation de la sensibilité des larves au Bti au moins une fois par an pour les espèces principales : Aedes caspius, Aedes detritus, Culex pipiens, (en cours pour Aedes albopictus à Nice). De nombreux biotests sont, par ailleurs, réalisés même s’ils n’ont pas toujours cette finalité et permettent de confirmer le maintien des niveaux de sensibilité des espèces cibles. De plus, la démarche de « suivi environnemental » interne à l’EID comprend notamment le suivi de la sensibilité au Bti des deux principales espèces cibles en milieu rural. Le suivi est réalisé dans différents sites représentatifs des activités de traitement choisis au sein de la zone d’action. Des biotests, respectant un protocole OMS, sont effectués au cours de l’année sur les populations larvaires de trois sites bien identifiés du littoral du Languedoc et de trois sites en Grande Camargue. Une comparaison des données de l’année N et N-2 résultant des tests de sensibilité permet de mettre en évidence une éventuelle différence significative. Si une différence est observée, une analyse de la cause permet de mettre en évidence quel facteur a contribué à cette différence : le milieu ou l’apparition de résistants au sein de la population de moustiques
6. Évaluation du personnel et de « leurs bonnes pratiques »
68Bon nombres des interlocuteurs ont été parfois gênés par les questions relatives à l’évaluation du personnel. Au lieu de parler de l’évaluation du personnel, les personnes interrogées ont orienté les réponses au questionnaire et les discours vers la formation des agents et les manques existant dans ce domaine. L’ensemble des acteurs de terrain sont généralement formés annuellement, tous les deux ans ou beaucoup moins souvent comme le déplore le représentant du service de LAV du CG de Haute-Corse. Différentes thématiques sont abordées lors des formations : reconnaissance des espèces cibles, maladies prioritaires, choix des produits, choix du matériel, choix des traitements, mesures de protection, cartographie, etc.
69Très rares sont les services qui affirment évaluer la connaissance des agents par des questionnaires. Le plan de formation interne de l’EID Méditerranée est, par contre, systématiquement évalué par un questionnaire final selon les principes de l’assurance qualité ISO 9 000 version 2000.
70Aucun des services ne réalise des audits internes et la mise en œuvre d’une démarche d’assurance qualité reste limitée. Seul l’EID Méditerranée semble se lancer dans une telle démarche. L’évaluation des bonnes pratiques est limitée à un suivi régulier des agents comme l’évoquent un acteur de la SIAAP et un acteur du CG de Guyane.
71L’évaluation qui était effectuée autrefois, n’est réduite qu’à « un accompagnement » évoque l’un des deux représentants. Il en est de même pour le CG de Corse-du-Sud, qui note que grâce au nombre restreint d’agents, les échanges entre agents sont favorisés ce qui permet un « suivi permanent de la qualité de travail » de chacun.
72Le CG de la Martinique semble avoir étoffé son évaluation. Des mises à niveau périodiques sont faites en fonction des résultats du niveau des agents. Des contrôles inopinés peuvent être réalisés.
73Par la suite, certains interlocuteurs parlent de la « dimension métier » du travail des agents. Les agents semblent en effet être les mieux placés pour savoir si leurs actions sont efficaces. On énonce souvent le « savoir-faire » et « l’expérience » des agents de terrain. Les agents sont « consciencieux » et ont « à cœur de ce qu’ils font », ils ont d’ailleurs parfois plus de 20 ans d’expérience. Un acteur de l’EID Méditerranée raconte que la démoustication est un travail de « paysan » bien fait. « Le passé militaire » de ce service démontre « une envie de bien faire et qui fait partie de la culture locale ».
74De très nombreux acteurs disent que le moustique, souvent appelé population cible, peut également être le reflet de l’efficacité du travail des opérateurs : « en soit c’est un résultat d’efficacité ». Si des échecs des interventions sont constatés, les cadres de l’EID Méditerranée se posent alors des questions : est-ce le milieu qui a changé les résultats ? Est-ce un défaut de prospection d’un des agents ? Est-ce un manque de compétence ou de connaissance d’un des opérateurs ?
75En général l’évaluation des agents reste informelle dans presque tous les services.
7. Évaluation du matériel
76Le matériel n’est pas évalué pour une grande partie des services.
77Toutefois l’ensemble des services dit s’assurer du contrôle du bon fonctionnement, de l’entretien, de la vérification du matériel, de la conformité et de l’agrément des appareils. À l’EID Rhône-Alpes, « des tests de calibrage » sont entrepris pour tous les appareils avant mise en service. Les appareils font par ailleurs l’objet « d’étalonnage » pour l’EID Méditerranée et des tests révélateurs hydrosensibles sont utilisés par l’EID Atlantique, cela dans l’optique de vérifier la bonne diffusion des produits biocides sur les zones humides.
78Le CG de la Martinique en collaboration avec l’Afsset a aussi réalisé des essais de pulvérisation d’adulticide. En plaçant des cages contenant des moustiques adultes à 10 m, 20 m, 50 m du point de pulvérisation, le service a pu déterminer la portée des appareils et l’efficacité de la pulvérisation (CL50). Ce genre d’essais présente cependant une approche plus expérimentale.
79Le service de LAV de Mayotte signale que les agents utilisent des appareils et des protocoles d’utilisation selon les recommandations dictées par l’OMS et observent les résultats entomologiques obtenus. Ils peuvent ainsi observer les résultats avec les équipements et les techniques utilisés.
80Il est difficile de parler d’une véritable démarche d’évaluation de l’efficacité des appareils. Ces derniers sont, pour la plupart, contrôlés et vérifiés et les résultats entomologiques finaux semblent être le meilleur moyen de s’assurer de l’efficacité du matériel.
8. Difficultés évoquées : manque d’appuis humains, techniques et financiers
81Le manque de moyens humains et financiers sont les arguments toujours évoqués par les services. Le CG de Guyane ajoute que l’évaluation entomologique n’est pas suffisante par manque de moyens financiers et de personnels compétents. Le manque de moyens humains est également repris par la DSDS de Guadeloupe et un responsable de la Ddass de Haute-Corse incrimine le manque d’ingénieurs et d’entomologistes « pour assurer un suivi technique complet ». Il ajoute qu’actuellement le CG de Haute-Corse ne possède qu’un cadre pour une équipe de 30 agents.
82Le manque de temps pour mener l’évaluation est aussi souvent rappelé. Le suivi est souvent très « chronophage » pour le service de la Réunion et le CG de Haute-Corse soulève que « le temps n’est pas suffisant » surtout lorsque les contraintes de lutte sont trop importantes.
83De plus, la population ne semble pas toujours accepter la présence des services de LAV et le service de la Réunion en vient même à constater régulièrement des détériorations ou le vol des pièges, dispositifs permettant la mesure de la densité de vecteurs. La collecte des informations en milieu urbain semble être freinée par la population comme le regrette l’un de ces acteurs. Cela explique selon le service, « la difficulté de la mise en œuvre d’une évaluation durable en milieux urbains ».
84Le manque d’outils et d’appui technique est aussi évoqué par les acteurs. En parlant du CG de Guyane, l’IGS de la DSDS de Guyane appuie longuement sur le fait que les agents du CG ne possèdent aucune référence technique pour « s’autoévaluer » et manquent de connaissances.
85De même, l’interlocuteur de l’EID Rhône-Alpes déplore que « les organismes de formation de la fonction publique n’aient pas de coordinateurs compétents dans ce domaine ». Le CG de la Martinique constate également qu’« une telle démarche n’est pas inscrite dans les moeurs d’un service public ».
86Pour l’EID Méditerranée, l’exploitation des données antérieures et l’optimisation de l’outil de saisie (automatisation, choix de requêtes pertinentes, formulaires de saisie) sont les difficultés évoquées. Elles sont bien différentes et représentent peut-être les réelles difficultés de l’évaluation. Que faire des données ? Comment les exploiter ?
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2016
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Situation actuelle et futurs possibles / Current Situation and Possible Outcomes
Jacques Lemoalle et Géraud Magrin (dir.)
2014