Quelles sont les pratiques et les modalités d’évaluation de la LAV ?
p. 350-375
Texte intégral
1Coordinateur : D. Fontenille
2Experts : T. Balenghien, J.-C. Desenclos, S. Lecollinet, E. Malin, Y. Yebakima
1. Introduction
3Évaluer correctement les stratégies et les interventions destinées à améliorer la santé publique est essentiel pour la société, afin de savoir lesquelles sont susceptibles d’être efficaces pour l’amélioration de l’état de santé.
4Les concepts et processus d’évaluation en Santé publique ont été décrits dans de nombreux documents. On peut les résumer dans la figure 1.
5Il existe de nombreuses définitions de l’évaluation. Pour l’opinion populaire, l’évaluation est un jugement de valeur ou un prix donné à une chose.
6Dans la littérature de santé publique, l’évaluation est « une démarche qui consiste à déterminer et à appliquer des critères (indicateurs) et des normes dans le but de porter un jugement sur les différentes composantes du programme, tant au stade de sa conception que de sa mise en œuvre » (Pinault, Daveluy, 1996).
7L’Anaes (1995) définit l’évaluation comme « un processus d’analyse quantitative et qualitative qui consiste à apprécier le déroulement d’une action ou d’un programme, ou encore de mesurer leurs effets ».
8Elle ajoute « qu’il s’agit de mettre en place des procédures permettant d’en vérifier la bonne réalisation, de détecter et quantifier les écarts, d’imaginer et fournir les éléments pour mettre en place les éléments de correction ».
9Ces définitions bien que différentes se rejoignent et permettent de définir simplement l’évaluation comme un processus permettant « de se poser des questions et de se donner les moyens d’y répondre tout en intégrant les leçons de l’expérience ». Son but est de porter un jugement sur une activité, une ressource ou un résultat afin de mettre en place des mesures correctives si des écarts sont observés. Elle conduit donc à produire nécessairement de la connaissance et à proposer des recommandations.
10L’évaluation ne doit cependant pas être confondue avec une activité de suivi, surveillance, monitoring ou monitorage. Le suivi est, en effet, une démarche différente de l’évaluation. Il s’agit, comme le définissent l’OMS et l’OCDE, d’« un processus continu de collectes systématiques d’informations, destiné à mesurer à la fois la qualité des activités réalisées et le degré d’avancement des actions par rapport au calendrier programmé. Ce processus met en évidence les obstacles et fournit une base pour identifier les aspects du programme à modifier. » Il requiert la définition d’indicateurs opérationnels appropriés, à savoir des indicateurs affectés aux activités réalisées et aux objectifs. Ils sont rentrés dans des tableaux de bord.
11Les interventions en santé publique, en particulier celles concernant la LAV sont fondées sur des actions multiples et souvent complémentaires : actions collectives et individuelles, action sur l’environnement, lutte chimique, éducation sanitaire, sensibilisation, modifications comportementales, mobilisation sociale…Si les stratégies globales sont le plus souvent fixées par l’État, de nombreux opérateurs interviennent dans la mise en œuvre des actions.
12Dans ce thème, « Évaluation de la lutte antivectorielle », nous nous focaliserons essentiellement sur l’évaluation opérationnelle de l’efficacité des actions de lutte dans leur composante épidémio-entomologique, économique et environnementale : les actions de LAV atteignent-elles les objectifs entomo-épidémiologiques fixés, sont-elles efficientes (quels effets en rapport aux ressources mobilisées), quels impacts ont-elles, y compris non intentionnels ? Bien que ce soit fondamental nous aborderons peu les évaluations stratégiques qui visent à apprécier l’adéquation entre le programme et les problèmes à résoudre et relève donc des directions des ministère de la Santé et de l’Agriculture, et les évaluations tactiques qui visent à apprécier les structures, processus et effets, repris dans d’autres chapitres.
13Ces évaluations de l’impact sanitaire sont fondées principalement sur des méthodes quantitatives, domaine de l'épidémiologie et des biostatistiques.
14Du fait des questions comportementales et sociales associées, les méthodes qualitatives, issues des sciences humaines et sociales, doivent aussi être envisagées dans l’évaluation des programmes de LAV.
15Les actions de LAV, actuelles (voir question 4 « Quelles sont les stratégies de la LAV en France ? »), innovantes ou en cours de développement, doivent être, comme toute innovation sanitaire, évaluées du point de vue de leur efficacité et effets négatifs potentiels au niveau de la population mais aussi de l’environnement. Afin d’être évalués correctement, des indicateurs, acceptés par tout le monde, doivent être définis aux différents niveaux de l’évaluation.
16Pour être utilisés, les indicateurs choisis par les services doivent satisfaire à un certain nombre de critères techniques et scientifiques (29) ; ils doivent être :
17non biaisés et reproductibles
reproductibles et comparables dans le temps et l’espace
crédibles, fiables et valides
faciles à obtenir à un coût raisonnable
spécifiques et sensibles
compréhensibles et appliqués aux agents opérationnels
fondés sur des données de qualité
18Il est très rare que l’ensemble de ces conditions soit respecté. Un compromis de l’ensemble de ces critères doit mûrement être réfléchi.
19En outre, ces indicateurs peuvent présenter des limites comme la perte d’informations et l’altération des résultats. Il faut s’assurer que l’interprétation de leur signification ne soit pas une simplification excessive du phénomène étudié.
20Ces indicateurs vont varier en fonction des objectifs opérationnels qui sont visés et donc des résultats qui sont mesurés. Si l’on reprend les objectifs opérationnels en LAV, la densité de vecteur pourrait alors être un critère d’efficacité.
21Par ailleurs, l’évaluation de l’efficacité des actions de LAV ne peut se résoudre à une simple évaluation de la densité de vecteur. Ainsi, des indicateurs relatifs à la sensibilité des vecteurs aux produits biocides utilisés peuvent également être étudiés.
22Quel que soit l’enjeu de l’évaluation, les objectifs doivent toujours se référer aux paramètres qui caractérisent une action de santé publique (Anaes, 1995). Ainsi, il est possible d’attribuer différentes missions à la démarche d’évaluation (figure 2) :
- soit évaluer la pertinence, c'est-à-dire le lien entre les objectifs de l’action et les besoins identifiés ; la question qui pourrait être soulevée serait : faut-il lutter contre les vecteurs ?
- soit évaluer la cohérence, c'est-à-dire le lien entre les différentes composantes du programme mis en œuvre ;
- soit évaluer l’efficacité, c'est-à-dire la relation entre les objectifs de l’action et les résultats ;
- soit évaluer l’efficience, c'est-à-dire la relation entre les ressources attribuées à l’action (humains, financiers, temps…) et les résultats ;
- soit évaluer l’impact ou les répercussions, c'est-à-dire les effets non spécifiques au plan ou programme, attendus ou non, bénéfiques ou délétères, autres que ceux observés sur la population concernée. Par exemple, ceux sur les opérateurs, sur l’environnement…
2. Cadre théorique
2.1. Pourquoi faut-il évaluer la LAV ?
23L’évaluation consiste à vérifier, par des outils appropriés, que les objectifs des actions entreprises sont atteints. Il peut s’agir de vérifier que les actions entreprises sont bien réalisées ou mises en œuvre comme elles ont été préconisées (évaluation du process), que la population (humaine ou de vecteurs) visée à été atteinte (couverture de la cible) et que l’impact sanitaire souhaité au niveau de la population (réduction des indices entomologiques, réduction de l’incidence de la maladie, réduction de la prévalence de la parasitémie…) a eu lieu (évaluation de l’impact) et qu’aucun effet indésirable sérieux (effets secondaires de l’utilisation des insecticides…) qui puisse être attribué à l’intervention ne soit survenu. Les indicateurs utilisés pour évaluer l’impact de la LAV peuvent donc être directs (indicateur de morbidité) ou intermédiaires (réduction des indices entomologiques, acquisition de comportements de protection…) sans que l’on puisse dire dans ce dernier cas de figure qu’ils soient nécessairement associé à une baisse de morbidité.
24C’est toute la difficulté de la LAV : actuellement les indicateurs d’efficacité ne sont pas suffisamment bien définis pour chaque système vectoriel et n’ont pas souvent fait l’objet de validation formelle.
25Selon la nature de l’intervention (intervention biomédicale, environnementale, éducative, comportementale, sociale…), les indicateurs de mesure du process et de la couverture devront être adaptés. Pour la LAV, vu sa définition large, le choix de ces indicateurs va varier selon la nature des mesures utilisées (voir la partie indicateur).
26Dans ce chapitre, nous nous concentrerons sur l’évaluation de l’impact entomologique et sanitaire de la LAV, à savoir :
- de vérifier dans quelle mesure la réduction des indicateurs directs de morbidité humaine ou animale (incidence, prévalence) et des indicateurs intermédiaires (indicateurs entomologiques...) que l’on souhaite obtenir survient réellement sur le terrain suite aux actions de LAV entreprises,
- de quantifier cette réduction ;
- et enfin de juger dans quelle mesure l’impact observé est imputable à la LAV.
27On peut, dans cette perspective, distinguer deux finalités :
- suivre, lors de la mise en oeuvre de programmes de LAV, une batterie d’indicateurs normalisés et définis a priori pour vérifier que les objectifs des actions entreprises sont atteints. On est ici, dans une situation de monitorage ou suivi d’un programme de LAV qui en soit fait partie intégrante du programme et contribue à l’évaluation. Deux exemples illustrent cette fonction : la figure 1 issue de la surveillance de la LAV mise en œuvre par le gouvernement de Singapour contre la dengue et qui montre l’évolution dans le temps des indicateurs épidémiologique et entomologique (Egger et al., 2008) ; la figure 2 : montre l’évolution dans le temps de l’incidence du paludisme à P. falciparum à Zanzibar suite à la mise en oeuvre de deux mesures de contrôle (traitement puis moustiquaires) et contribue à l’évaluation de son impact communautaire (Bhattarai, 2008) ;
- porter un jugement sur l’imputabilité des résultats observés au programme entrepris. Si le monitorage peut contribuer à cet objectif, il ne permettra pas à lui seul de conclure sur l’imputabilité. Pour cela il sera nécessaire de constituer un schéma d’évaluation spécifique, expérimental ou quasi expérimental pour répondre à cette question.
28Ces deux finalités renvoient en fait à des situations différentes. Dans la première, on est dans la mise en œuvre d’une action qui, en théorie, devrait avoir fait l’objet d’une définition, d’une normalisation (indicateurs et seuils) et qui est utilisée de manière régulière selon un plan d’action défini (LAV dans le cadre de la lutte contre la dengue dans les DFA (InVS, 2007), LAV dans le cadre du plan antidissémination dengue chikungunya en métropole (circulaire DGS 2008) ; programme de LAV face au virus du West Nile en Californie (Boyce, 2005), voire en France (plan WN)…). La deuxième renvoie à une situation plus expérimentale, de type cas-témoins, pour laquelle on met en place des actions de LAV innovante (nouvelle technique, nouveau insecticides ou nouvelle stratégie), de grande envergure (traitement à grande échelle).
2.2. Comment évaluer la LAV ?
2.2.1. Le modèle théorique idéal en épidémiologie
29Un modèle d'évaluation décrit le système logique à appliquer pour recueillir de l'information sur les résultats susceptibles d'être attribués à un programme. Le tableau 1 illustre le principe du modèle expérimental qui implique par la randomisation de l’intervention la comparaison de deux groupes (dont l'un exposé au programme), en attribuant toutes les différences entre les deux groupes au programme lui-même. Ce type de modèle est un modèle d'évaluation idéal. Cependant, c'est un idéal difficile à atteindre dans la pratique, en particulier en LAV où la plupart du temps soit on ne peut pas développer une expérimentation de type cas témoin (par exemple, dans le cas d’une épidémie), soit on doit se satisfaire d’indicateurs entomologiques indirects (sans bien connaître la relation valeur des indices entomologique-incidence-risque). Ce modèle est, cependant, utile aux fins de comparaison et d'explication (Atienza et al., 2002).
30Dans ce schéma, « 0 » désigne une mesure ou une observation du résultat du programme et « X », l'exposition au programme. Les chiffres en indice indiquent des mesures ou des traitements différents. Le 01 représente des estimations (des moyennes estimatives, par exemple) fondées sur les observations relatives à des membres d'un groupe. Il faudrait interpréter des formules comme 03 - 04 comme des indications théoriques, plutôt que comme des écarts entre deux observations. Le schéma montre aussi à quel moment l'observation est faite (avant ou après l'exposition au programme). Dans ce modèle d'évaluation idéal, le résultat attribué au programme est manifestement 03 - 04, puisque 01 = 02 et qu'il s'ensuit que 03 = 04 + X (le programme), ou que 03 - 04 = X.
31Ce modèle idéal sert de preuve sous-jacente à l'attribution des résultats à un programme pour tous les modèles d'évaluation. Pour faire des inférences causales, il faut comparer des groupes identiques, sauf pour l'exposition au programme, avant et après celle-ci. Dans les modèles expérimentaux (ou aléatoires), on tente d'assurer l'équivalence initiale des deux groupes en répartissant de façon aléatoire les sujets en deux groupes, un groupe de participants et un groupe témoin. De cette façon, les groupes à comparer sont équivalent et 01 et 02 sont égaux.
32Quand on ne peut faire une randomisation, il peut être possible d'établir un groupe témoin ressemblant suffisamment au groupe expérimental pour permettre des inférences valides sur les résultats attribuables au programme. On entend par modèles quasi expérimentaux ceux pour lesquels on a recours à un groupe témoin non aléatoire pour faire des inférences sur les résultats d'une action. Le groupe témoin peut être soit un groupe créé de toutes pièces qui n'a pas été exposé au programme, soit un groupe opportun non exposé servant de comparaison, soit le groupe expérimental lui-même avant son exposition au programme. La validité du modèle, en termes de jugement de l’imputabilité du résultat observé au programme, est d’autant meilleure que l’on dispose d’un groupe témoin et d’une mesure avant après.
2.2.2. Exemples d’application de ce modèle « expérimental » en LAV
33Dans une recherche bibliographique non exhaustive sur l’évaluation des interventions de LAV dans la base Pubmed nous avons identifié quelques essais d’intervention communautaires randomisés dans l’évaluation de l’impact sanitaire de stratégies de LAV. Parmi les études de ce type, on trouve l’évaluation des moustiquaires imprégnées d’insecticide pour le paludisme (Dallessandro, 1995 ; Nevill, 1996 ; Binka, 1996), la dengue à Haïti (Lenhart, 2008), un projet d’évaluation de méthode de protection de l’habitat par écran contre les piqûres de moustique en Gambie (Kirby, 2008).
34Nous avons aussi identifié quelques évaluations de nature quasi expérimentale (groupe témoin et ou évaluation avant après dans le cadre de programme de surveillance ou par des enquêtes) : évaluation avant après avec groupe témoin d’une intervention de traitement adulticide aérienne contre les culex lors d’une épidémie d’infection à virus West Nile dans une zone urbaine de Californie (Carney et al., 2008) ; évaluation avant après avec groupe témoin des moustiquaires imprégénées ou non (Yadav, 2001 ; Oloo, 1993 ; Sreehari, 2007) ; évaluation avant après avec groupe témoin dans le traitement insecticide des habitations contre la malaria (Cot, 2001 ; Sarma, 2005) ; évaluation avec groupe témoin d’une combinaison de mesures : pulvérisation dans les habitats et moustiquaires imprégnées lors d’une situation de réfugiés (Protopopoff, 2007) ; la lutte antivectorielle en complément du traitement de masse contre la filariose de Bancroft (Sunish, 2007) Nous avons aussi identifié plusieurs articles où la surveillance contribue à l’évaluation pragmatique (monitorage) en parallèle de la mise en œuvre d’un programme de lutte plus ou moins complexe : évaluation de la mise en œuvre d’un traitement combiné des accès palustres et de moustiquaires imprégnées (Bhattarai, 2008) et évaluation de l’impact du programme de lutte contre le paludisme en Erytrèe (Nyarango et al., 2006 ; Graves et al., 2008). Plusieurs études identifiées se sont intéressées au process (évaluation d’un programme d’éducation de lutte contre la transmission de la dengue porte à porte en Nouvelle-Calédonie) ou à la couverture des actions menées chez l’enfant (moustiquaire et traitement) dans la lutte contre le paludisme en Afrique (Monash, 2004).
35Nous avons aussi identifié deux revues systématiques de la littérature scientifique sur l’évaluation de stratégies de LAV. La première analyse (Kaiser et al. 2005) concerne l’application de mesures de lutte environnementale contre le paludisme mise en œuvre avant le lancement du plan d’éradication du paludisme basé sur le DDT. Les auteurs concluaient que les évaluations de ce type d’intervention étaient en faveur d’une très bonne efficacité pour contrôler le paludisme. L’analyse conduite par Heintze est basée sur une analyse systématique de la littérature scientifique traitant de l’évaluation de l’impact de la lutte communautaire contre la dengue ayant utilisé une approche expérimentale ou quasi expérimentale. 11 études sur 1 091 initialement sélectionnées correspondaient à ces critères.
36Ces 11 études ont été jugées méthodologiquement faibles, et les auteurs ont conclu que les évidences en faveur de l’efficacité d’une approche communautaire seule ou associée à d’autres mesures sont faibles.
3. Comment l’efficacité de la LAV est-elle évaluée en France ?
3.1. Sources d’information
37Une recherche bibliographique a été réalisée dans plusieurs bases de données (Curent Content, PubMed, Medline, Science direct) avec les mots clés suivants : evaluation, assessment, efficacy, effectiveness, vector control, vector surveillance, mosquitoes, strategy, indicators, entomological.
38Une recherche sur le Rese, dans la rubrique LAV, a été réalisée afin de repérer d’éventuels documents internes concernant l’évaluation de l’efficacité des actions. Les textes réglementaires concernant la LAV en France ont été lus afin de relever les éventuels articles évoquant l’évaluation de l’efficacité des actions et les obligations en la matière.
39Les rapports de plusieurs missions d’Igas ou d’experts ayant effectué des audits ces dernières années au sein des services de LAV, le rapport de l’expertise collégiale de l’IRD sur la dengue dans les DFA, de la littérature grise étrangère (canadienne, américaine) ont été exploités. Finalement la majorité des informations a été extraite du seul document disponible sur état des lieux des pratiques d’évaluation de l’efficacité des actions de LAV, dans sa dimension vectorielle : le mémoire d’IGS de J. Fecherolle (2008).
3.2. État des lieux
3.2.1. Une littérature pauvre
3.2.1.1. ARTICLES SCIENTIFIQUES
40De nombreuses équipes de recherche ont évalué l’efficacité d’un insecticide (Mulla et al., 2004), d’une moustiquaire imprégnée (Kroeger et al., 1999 ; Bhattarai et al., 2007), d’un produit répulsif (Costantini et al., 2004), d’une pulvérisation spatiale (Mani et al., 2005) sur la densité de vecteur ou encore l’efficacité de pièges à moustiques (Theodore et al., 2007 ; Schoeler et al., 2004). Le secteur de recherche concernant l’évaluation de nouveaux agents de lutte biologique est depuis quelques années en fort développement bien que ces essais d’efficacité soient plus réservés à des grands laboratoires ou centre de recherche comme l’IRD ou les instituts Pasteur.
41Quelques articles s’interrogent sur l’efficacité des interventions en période épidémique notamment. Par exemple, l’évaluation avant/après avec un groupe témoin d’une intervention par traitement adulticide aérien contre les Culex lors d’une épidémie du virus West Nile à été réalisée aux États-Unis (Carney et al., 2008). Les auteurs concluent, grâce à l’analyse des indicateurs de morbidité et entomologiques, que l’intervention a été efficace. Aucun article ne précise clairement, les méthodes et les outils nécessaires à la conduite de l’évaluation de l’efficacité de la LAV en France, et en particulier les indicateurs pertinents à utiliser.
42L’OMS a édité des guides concernant les protocoles à suivre ainsi que les indicateurs utilisables pour évaluer l’efficacité des larvicides et insecticides (WHO 2005, 2006). L’unité IRD 016 (Caractérisation de contrôle des populations de vecteurs) de Montpellier est, à ce titre, le centre collaborateur de l’OMS, et a pour mission de déterminer en laboratoire l'efficacité et la rémanence des insecticides et des matériaux utilisables en santé publique sur les moustiques.
3.2.1.2. RESE (RESEAU D’ECHANGES EN SANTE ENVIRONNEMENTALE) – DGS : QUELQUES DOCUMENTS D’INTERET
43Quelques documents du Rese rapportent des pratiques d’évaluation ; y figurent notamment deux études réalisées à la Réunion pendant l’épidémie de chikungunya pour estimer l’efficacité des actions de LAV contre Aedes. albopictus ainsi que les traitements effectués par les brigades terrestres, en particulier par suivi d’indices entomologiques (Drass de la Réunion, 2006a, 2006b). Avant l’épidémie, aucun outil ne permettait a priori la mesure de la densité du vecteur Aedes albopictus. C’est donc en période de crise que le service a été contraint de mettre en place une méthode pour évaluer l’efficacité des traitements. L’ensemble des études visant à évaluer les actions de LAV ne sont probablement pas toutes diffusées au sein du Rese tout en sachant que ce réseau est accessible prioritairement aux services déconcentrés du ministère de la Santé.
3.2.1.3. EXPERTISE COLLEGIALE DE L’IRD SUR LA DENGUE DANS LES DFA : PREMIERE APPROCHE POUR L’EVALUATION DES ACTIONS DE LUTTE CONTRE AEDES AEGYPTI
44L’expertise sur la dengue (Corriveau et al., 2003) présente des éléments de base sur l’évaluation des actions de lutte contre Aedes aegypti.
45Bien qu’aucune méthodologie d’évaluation ne soit détaillée, le rapport insiste sur les indicateurs à utiliser pour mesurer la densité d’Aedes aegypti. En effet, à défaut de fournir des indications sur le risque épidémique, l’estimation et le suivi de l’abondance d’Aedes aegypti sont indispensables pour évaluer les actions de LAV. Les variation d’abondance en moustiques représente ainsi un critère d’efficacité. Comme il n’est pas possible de déterminer la densité réelle d’Aedes aegypti sur une zone géographique, il est nécessaire de recourir à des estimations à partir d’échantillonnage de tous les stades de développement du moustique : œufs, larves, nymphes, adultes. Chez les femelles adultes, il peut s’agir de femelles agressives (pour l’homme ou l’animal), pondeuse ou au repos.
46L’échantillonnage des femelles d’Aedes aegypti qui viennent piquer l’homme est en théorie la seule méthode qui permet de décompter et d’examiner ces femelles au seul moment où elles sont susceptibles de transmettre effectivement le virus. Un tel échantillonnage présente malheureusement deux inconvénients majeurs :
- les points de surveillances doivent être nombreux ;
- les risques de transmission du virus de la dengue aux agents ne sont pas négligeables. D’un point de vue éthique, ce n’est pas une méthode recommandable.
47De nombreux pièges de substitutions à l’appât humain ont été expérimentés (pièges à CO2, pièges pondoirs, pièges à moustiquaire). Si les captures ne sont pas représentatives, en effectif et en état physiologique de la fraction de la population agressive pour l’homme, elles permettent cependant de faire un suivi de la densité des populations.
48L’échantillonnage des stades préimaginaux aquatiques est une méthode indirecte de mesure de densité vectorielle. Le comptage exhaustif des larves même limité à des échantillons de larves donne une bonne idée des densités de populations préimaginales ; mais il est excessivement fastidieux, consommateur de temps et donc coûteux, et il n’est pas utilisé en routine.
49Selon les critères OMS classiquement utilisés dans le monde entier, l’échantillonnage des populations préimaginales repose sur l’évaluation du nombre de gîtes renfermant des larves d’Aedes aegypti. Comme la totalité des gîtes, aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur des habitations, sont difficilement comptabilisables, il est nécessaire de procéder à des choix par quartier et par habitation. Ces choix doivent être représentatifs de la diversité de l’habitat. Couramment les 3 indices sont utilisés : indice habitation, indice de Breteau et indice récipient.
50Afin de prendre en compte la productivité des gîtes en fonction de leur typologie, un nouvel indice a été proposé : l’indice de productivité ou indice de Breteau pondéré. En effet, les indices OMS (Breteau, habitation, etc.) considèrent qu’une larve donne un adulte. Néanmoins, dans la nature, cette théorie est loin d’être réalité et cela dépend en partie de la nature des gîtes et de leur potentialité à produire des d’adultes piqueurs. Par exemple, des petites coupelles de fleurs contenant des larves ne sont pas autant productives en adultes qu’un fût de récupération d’eau de pluie en raison de l’abondance en larves, de leur survie et de leur vitesse de développement. Le CG de la Martinique a travaillé sur l’indice de Breteau en le pondérant de facteurs arbitraires dépendant de la typologie des gîtes.
51En 2003, l’expertise collégiale a donc recommandé aux DFA la généralisation de l’emploi de cet indice comme indicateur pertinent utilisable pour l’évaluation de l’efficacité des actions.
52Les auteurs ajoutent que toutes autres méthodes d’échantillonnages de femelles agressives ou présumées telles doivent être testées dans les trois DFA pour être étalonnées par comparaison de leur efficacité avec celle de la capture sur l’homme, ce qui est en train d’être fait à travers un programme de recherche en cours en 2008.
3.2.1.4. TEXTES REGLEMENTAIRES FRANÇAIS ET EVALUATION
53Dans les textes réglementaires, quelques lignes apportent des précisions concernant l’évaluation de l’efficacité des actions de LAV. La réforme introduite pas l’article 72 de la loi n° 2004-809 (14) confie de manière très précise la responsabilité du suivi entomologique à l’État. Il est d’ailleurs précisé dans l’article R. 3114-9 du CSP que dans les six départements où s’appliquent les dispositions de l’article R. 3114-5 « … la surveillance entomologique des insectes vecteurs et, en particulier, la surveillance de la résistance de ceux-ci aux produits insecticides… restent de la compétence du préfet ». D’une autre manière, c’est à l’État de s’assurer de l’efficacité des produits insecticides.
54Cependant au vu de la situation concernant l’application stricte de la réforme de 2004, l’État ne dispose pas toujours de cette compétence. Il peut donc par arrêté transférer cette compétence au service en charge de la lutte.
55Il est, par exemple, écrit dans l’article 11 de l’arrêté préfectoral de la Haute-Corse portant délimitation des zones de lutte contre les moustiques (Aedes albopictus particulièrement) que « les services chargés de la lutte contre les moustiques assurent un suivi des actions de lutte avec vérification mensuelle de l’efficacité du traitement en termes de productivité de gîtes, ces informations étant rapportées sur la fiche relative au gîte. Ils transmettent au préfet les informations nécessaires à l’évaluation du dispositif et notamment, les informations… relatives à la sensibilité des vecteurs » (Dass Haute-Corse 2007). Les services de lutte sont donc tenus de suivre l’efficacité des actions et de faire remonter l’information au préfet. Dans la logique ces informations doivent être transmises aux Ddass.
56Enfin, dans le cadre du plan antidissémination du chikungunya et de la dengue en métropole (ministère de la Santé, 2008) et comme il est écrit sur la fiche 1 relative à la surveillance entomologique, cette surveillance a pour objectif « dans les zones où le moustique a été identifié ou est implanté, d’estimer la densité des vecteurs et de suivre l’efficacité des actions de contrôle de la prolifération. ».
3.2.1.5. LACUNES DEJA REVELEES PAR DES MISSIONS ANTERIEURES
57Le rapport de la mission IGA-Igas-IGE interministérielle relative à la réorganisation des services de LAV [IGA, Igas, IGE, 2006] dont les membres ont audité en 2006 tous les services de LAV et démoustication, soulève « le manque flagrant de méthodes et outils d’évaluation de l’efficacité de la lutte antivectorielle. Rien ne permet de démontrer à ce jour qu’elle est efficace ».
58La même année et pendant l’épidémie de chikungunya, un autre rapport d’une mission d’appui à la lutte contre l’épidémie de chikungunya à la Réunion (Duhamel et al., 2006) a évoqué la difficulté d’évaluer l’efficacité des actions de LAV à la Réunion. Les auteurs énoncent « le manque d’outils permettant le suivi des densités de vecteurs » et « l’absence de données sur la sensibilité du vecteur Aedes albopictus ».
59Les résultats de l’enquête vont permettre de révéler d'éventuelles évolutions et améliorations.
3.2.2. L’enquête de Julien Fecherolle, 2008
60Cette enquête a été réalisée dans le cadre d’un mémoire de fin d’étude d’ingénieur du génie sanitaire (IGS), via l’envoi d’un questionnaire et par des entretiens téléphoniques. L’objectif principal était de demander aux services si et comment ils évaluaient l’efficacité de leur action et de connaître les attentes des services en matière d’évaluation. Le questionnaire, constitué d’une vingtaine de questions de types ouvertes pour la plupart, est présenté en annexe 1.
61Les questions ont essentiellement traité de l’évaluation dans sa dimension entomologique. Cependant quelques questions relatives à l’évaluation de la structure (matériel, degré de connaissance des opérateurs…) et du processus y ont été ajoutées. Le rapport complet est consultable sur les sites des organismes suivants : EHESP et IRD.
62Les services interrogés sont les services les plus opérationnels qui interviennent dans la LAV et/ou dans la démoustication, au regard de la reforme du 13 août 2004 et de sa réelle application au niveau de chaque localité ; soit 16 services.
63Organismes publics de démoustication de métropole continentale : EID Méditerranée (Pyrénées-Orientales, Aude, Héraut, Gard, Bouches-du-Rhône), EID Atlantique (Morbihan, Loire-Atlantique, Vendée, Charente-Maritime, Gironde) ; EID Rhône-Alpes (Ain, Isère, Rhône, Savoie) ; Sivu Lauterbourg, Lutte contre les moustiques ; Siaap (Syndicat interdépartemental pour l'assainissement de l'agglomération parisienne).
64Conseil généraux et structures du ministère de la Santé : conseil général de Corse-du-Sud ; DSS Corse et Corse-du-Sud ; conseil général de Haute-Corse ; DASS Haute-Corse, SCHS : ville de Bastia, GIP de l’île de la Réunion (Drass Réunion + conseil général de la Réunion + communes) ; DASS de Mayotte, DSDS Guadeloupe ; DSDS et conseil général de la Martinique (mise en commun de matériels et d’opérateurs avec la DSDS), DSDS Guyane et conseil général de Guyane.
65Tahiti, la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna n’ont pas été interrogées dans ce rapport. Tahiti et la Nouvelle-Calédonie sont exclues du cadre de la saisine car elles possèdent leur propre autonomie dans la LAV.
66Les résultats de l’enquête de J. Fecherolle sont présentés en annexe par opérateur et espèce vectrice. Ce travail a permis d’interroger les services sur les fréquences et attendus de l’évaluation de l’efficacité des actions, sur les objectifs opérationnels de LAV, sur les méthodes d’évaluation de l’efficacité des actions (indicateurs entomologiques et sociologiques, seuils et méthodes de mesures pour Aedes aegypti, Aedes albopictus, les Anopheles et les moustiques nuisants, sensibilité aux insecticides et efficacité des produits biocides), et également sur l’évaluation du personnel et du matériel.
3.3. Quels enseignements tirer de l’état des lieux en France ?
3.3.1. Évaluation de la LAV peu développée en France
67L’évaluation des actions de santé publique implique une culture de l’évaluation et une approche méthodologique spécifique qui ont de tout temps été l’apanage des pays anglo-saxons. D’où un déficit structurel en France de l’évaluation des programmes de santé publique, y compris les actions de LAV (HAS, 2007).
68L’évaluation implique le regard extérieur et la multidisciplinarité des approches : acteurs de la LAV, de la santé humaine, animale, de l’environnement, des disciplines quantitatives et qualitatives… Les collaborations et le partenariat de ces acteurs sont peu développés en France.
69Il n’y a pas de culture de l’évaluation ni de partage des expériences, en santé publique en France, et encore moins en lutte antivectorielle qui, jusqu’à ces dernières années, était non prioritaire.
3.3.2. Les services ont des visons différentes sur l’évaluation
70Dans la réponse au questionnaire de J. Fecherolle les réponses sont parfois restées vagues. Tout le monde n’emploie pas les mêmes termes pour expliquer les mêmes choses.
71L’enquête a révélé que les acteurs interrogés ont une connaissance et une interprétation de l’évaluation de l’efficacité très différentes. Tous les services n’emploient pas les mêmes termes pour expliquer les mêmes choses. L’évaluation des actions de santé publique demande une culture et une méthode qui ne sont pas entièrement ancrées dans la culture des services publics de lutte en France.
3.3.3. Des confusions entre suivi et évaluation
72La LAV n’échappe pas aux travers classiques de l’évaluation où suivi et évaluation sont souvent confondus. La totalité des acteurs interrogés signale réaliser des activités de suivi.
73L’enquête a donc révélé qu’il existe une confusion entre l’activité de surveillance entomologique, qui va certes nécessiter le suivi continu des indicateurs dans le temps, et l’évaluation de l’efficacité des actions. L’idée n’est pas seulement de posséder des données entomologiques et de les collecter, mais de les analyser, les comparer, les interpréter, en somme, les faire vivre en portant un jugement.
3.3.4. Un manque de repère et des lacunes explicables
74Les différentes missions réalisées au sein des services ces dernières années ont montré que l’évaluation n’est pas une démarche ancienne et que très peu d’outils existent. Par ailleurs, les différents textes réglementaires ne sont pas toujours clairement interprétables. En effet, certaines lignes de ces textes évoquent un suivi d’efficacité, d’autres une évaluation du dispositif. Rien ne définit clairement la manière et la méthode dont cette évaluation doit être menée.
75Aucun service ne fait intervenir un organisme extérieur pour évaluer ses actions sur des critères quantifiables, ce qui ne permet pas d’envisager une comparaison entre les services.
76Les services de LAV sont, la plupart du temps, conscients de ces lacunes.
77Les objectifs opérationnels sont trop peu souvent clairement définis et mesurables, ce qui rend difficile la définition d’un seuil d’efficacité. Les indicateurs sont parfois inexistants ou peu fiables et vont être aussi variés que les contextes entomologiques et épidémiologiques locaux. La pertinence de ces indicateurs est rarement vérifiée. Les seuils sont définis trop arbitrairement. Les indicateurs entomologiques étant peu nombreux, les outils de surveillance entomologique ne peuvent que l’être également.
78Les plaintes et la densité de moustiques à travers les indices larvaires représentent toutefois des critères pertinents, mais à améliorer.
3.3.5. Des recommandations pas toujours suivies de faits
79L’expertise collégiale de la dengue dans les DFA a apporté des recommandations pertinentes pour le suivi et l’évaluation de l’efficacité des actions de LAV contre Aedes aegypti. Force est de constater que les recommandations de l’expertise ainsi que celles de la mission Igas de 2006 ne semblent pas avoir été entièrement suivies de faits. L’indice de Breteau pondéré n’est, à ce titre, pas largement utilisé et validé dans tous les DFA.
3.3.6. De premières expériences encourageantes
80Des évaluations ont déjà été menées occasionnellement : kass moustik à la Réunion ; opérations Toussaint à la Guadeloupe. Ces évaluations ont parfois été suivies d’effet : création de l’indice de Breteau pondéré à la Martinique.
81En métropole, l’EID Méditerranée a des perspectives prometteuses et mobilise beaucoup de moyens pour pouvoir évaluer l’efficacité et l’impact des actions de démoustication. Une recherche opérationnelle sur les méthodes de piégeages est en cours. Le service LAV de la Réunion travaille actuellement sur le choix des indicateurs.
82Plusieurs services ont déjà pratiqué l’évaluation de l’efficacité des actions. Ils en ont tiré des conclusions et modifié leurs protocoles.
83La plupart des services sont aussi conscients que l’évaluation est nécessaire à l’amélioration des actions, et souhaitent un soutien dans la mise en place de l’évaluation.
3.4. Principales recommandations
3.4.1. Rappeler les règles de base de l’évaluation
84La bio-écologie et le comportement des vecteurs, l’environnement urbain et rural, les perceptions des populations humaines, parmi beaucoup de facteurs, varient d’un département à l’autre. Il n’y a donc pas de méthode universelle de LAV ni même d’évaluation de la LAV. En revanche il existe un cadre générique de l’évaluation des interventions qu’il faut rappeler L’évaluation de l’efficacité des interventions se réalise en 3 étapes : s’informer (recueillir des informations), apprécier (analyser les données, porter un jugement) et proposer (faire des recommandations pour des améliorations).
3.4.2. Définir des objectifs clairement mesurables et des indicateurs d’efficacité
85Sans repères, sans objectifs opérationnels clairement définis et mesurables et sans critères ni indicateurs d’efficacité reconnus et validés par la communauté scientifique, les services ne peuvent évaluer l’efficacité des actions.
86À court terme, l’État, qui définit la stratégie, devrait, en associant les responsables de chaque service et en s’entourant d’experts, fixer les priorités, les objectifs opérationnels mesurables à atteindre, les indicateurs ainsi que la manière d’évaluer ces actions. Il est nécessaire que les opérationnels puissent se baser sur des mêmes règles, des textes de références harmonisés.
87L’État devrait donc renforcer les travaux de recherche opérationnelle afin de définir les indicateurs épidémiologique et entomologiques indispensables à l’évaluation. L’État doit mettre en place une équipe pluridisciplinaire d’experts réunissant des acteurs de santé publique : responsables de LAV, entomologistes, ingénieurs sanitaires, épidémiologistes, sociologues... Ils pourraient à court terme travailler sur la définition d’objectifs opérationnels plus concrets et mesurables et adaptés aux vecteurs. Les indicateurs d’efficacité pourraient ainsi par la suite être proposés, en s’appuyant d’abord sur les outils existants (type indice de Breteau pondéré, incidence hebdomadaire). Ces choix devront dépendre du contexte épidémiologique local et de l’écologie des vecteurs. La coordination de ces groupes de travail serait à la charge de l’État, de la DGS, par exemple.
88Les travaux se focaliseront sur les vecteurs prioritaires (dengue et chikungunya, paludisme, fièvre catarrhale ovine, West Nile). Ces études ne pourraient toutefois se faire qu’à partir des données.
89Dans le cas d’une action de LAV innovante, celle-ci devra, avant d’être mise en oeuvre à grande échelle, être évaluée par un essai d’intervention communautaire dont la conceptualisation, la mise en œuvre, le monitorage et l’analyse correspondent à un projet de recherche en santé publique appliqué d’envergure.
3.4.3. Améliorer les outils de surveillance entomologique et le suivi d’efficacité
90L’amélioration de l’obtention des données constitue un point majeur pour optimiser la lutte contre les maladies à transmission vectorielle. Cela passe par quelques règles à instaurer ou à améliorer pour ceux qui se sont déjà engager dans ce processus.
91Des tableaux de bords d’indicateurs simples ou d’activité (qui fait quoi, où et comment) de même nature doivent être mis en place dans les différents services LAV.
92Il faut instaurer une standardisation informatique des relevés entomologiques, dans un système d’information géographique, prenant en compte d’autres variables climatiques et environnementales, les niveaux de sensibilité aux insecticides, les plaintes de la population, les effets indésirables mesurables, etc. L’analyse de ces données doit être faite selon des protocoles rigoureux, standardisés, et par d’analyse statistique appropriée.
93Il faut assurer une traçabilité des actions de LAV, un enregistrement rigoureux des données et leur analyse statistique.
3.4.4. Besoin d’échange et de partenariat
94La définition des objectifs et des indicateurs, leurs interprétations, leurs analyses, les corrections possibles sont souvent complexes. Les services se heurtent souvent aux mêmes difficultés conceptuelles et pratiques. Par ailleurs certaines expertises sont rares et devraient être partagées. Il en est de même de la formation. Il faut donc mettre en place des réseaux plus formalisés.
95Le vectopôle en création par l’IRD, l’EID Méditerranée, le Cirad, l’université de Montpellier et en partenariat avec la DGS, l’Afssa, l’Afsset et l’InVS, pourraient permettre de développer au mieux une expertise entomologique et guider les services. Ils pourraient conseiller sur les aspects techniques et scientifiques liés à la biologie des vecteurs, et à la LAV. L’Adege pourrait constituer également un pont important, en particulier pour les formations, les échanges d’informations et des audits croisés.
96Remerciements
Ce chapitre doit beaucoup au travail de Julien Fecherolle, étudiant à l’École des hautes études en santé publique, formation Ingénieur en génie sanitaire, en stage à l’IRD Montpellier.
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