Les relations entre environnement et sociétés rurales au niveau local
p. 121-149
Texte intégral
Introduction
1Le thème des évolutions croisées entre les populations humaines et les milieux dans lesquels elles vivent, ainsi que le nécessaire rapprochement des notions de conservation des ressources et de développement, font l’objet de nombreux débats. Dans la première partie de cet ouvrage ont été analysées les approches du thème du point de vue des théories. Sur le terrain, ces problèmes d’approche se posent avec autant d’acuité et se trouvent confrontés aux particularismes sans fin des situations locales étudiées. Les chercheurs ont un défi majeur à résoudre, celui de la définition d’un espace conceptuel d’analyse qui favorise les zones d’interface entre les approches sociales et « naturalistes », et qui permette d’apporter des éléments concrets d’aide à la décision pour la gestion des ressources naturelles et un développement humain. C’est ainsi que la notion de développement durable est devenue très à la mode ces dernières décennies. Elle se démarque des conceptions antérieures par le fait qu’elle exprime une rupture avec les idéologies du « développement » et de la « modernisation » jusque-là imbriquées et dominantes (Becker et al., 1997). Elle sous-tend la prise en considération et une nécessaire intégration de l’environnement biophysique, de critères éthiques (justice sociale, responsabilité intergénérationnelle, équité entre les sexes, etc.) et politiques dans une approche résolument centrée sur « l’intériorisation » des activités humaines dans la notion d’environnement. Le concept de développement durable entraîne ainsi des changements de perspectives dans les recherches intégrées sur les relations environnement-sociétés où il s’agit, selon l’expression de Jollivet (1998), de « passer d’une démarche en termes de “limites absolues”, qui procède de l’idée de “charges critiques” pesant sur l’environnement naturel, à une prise en considération des “trajectoires sociales” en rapport avec l’environnement ».
2Au niveau local, le concept de développement durable est généralement associé à la « participation active » des différents acteurs en matière de gestion des ressources naturelles (Pnud/Fenu, 1993). Mais cette association est parfois toute virtuelle car certains acteurs institutionnels (aménageurs, techniciens, chercheurs) peuvent se retrancher sur des critères très technocratiques de gestion des ressources. Il leur est de plus souvent reproché un manque de connaissance des logiques et des stratégies paysannes vis-à-vis des usages des ressources naturelles et des autres opportunités d’activités et de développement qui s’offrent aux populations rurales. Plus qu’un manque de connaissance, ne s’agirait-il pas avant tout d’un cadre conceptuel d’analyse des relations populations rurales-environnement insuffisamment affiné qui tend à adopter des approches sectorielles toujours très partiales ?
3Quoi qu’il en soit, deux qualificatifs s’imposent avant d’aborder toute analyse des relations environnement-sociétés rurales : complexité et diversité. Cette complexité et cette diversité sont de deux ordres :
- complexité et diversité des systèmes d’interactions entre référents socioculturels, techniques et politiques, contraintes naturelles, perceptions de l’environnement, statuts sociaux et situations économiques des sociétés rurales locales ;
- complexité et diversité de l’éventail et de la configuration des acteurs habituellement mis en jeu dans les processus de développement (sociétés locales, « développeurs » nationaux et étrangers, agents de l’État, organismes internationaux, opérateurs privés, ONG, scientifiques, etc.).
4Dans cette deuxième partie, après un essai de cadrage conceptuel des relations sociétés rurales locales-environnement, nous aborderons essentiellement le premier aspect de cette complexité et de cette diversité. En effet, si divers types d’acteurs pourront souvent être évoqués, les analyses présentées par les auteurs dans différents contextes auront pour objet fondamental d’étude les agriculteurs et les sociétés rurales locales.
5Dans un premier temps, elles illustreront tels ou tels aspects des systèmes d’interactions entre dynamiques de population, systèmes agraires et milieux biophysiques en insistant sur des indicateurs d’interface comme les usages des ressources, les pratiques ou les représentations. Ainsi, Dubroeucq et Livenais montrent, à partir d’une perspective historique sur environ cinquante ans, les liens étroits entre l’évolution des milieux naturels et de l’usage des sols et les processus de transformation d’une société rurale de la quatrième région semi-aride du Chili à la fois en ce qui concerne son organisation socio-démographique et son fonctionnement économique dans un contexte d’ouverture généralisée du marché. Mais ces auteurs insistent aussi sur l’importance à donner au foncier comme élément récurrent de qualification du système agraire et dont dépendent largement les autres critères comme la définition des activités, l’utilisation ou non de techniques modernes, le maintien de la biodiversité et finalement les modalités d’usage des ressources. Crosnier et Granger, à partir d’une approche naturaliste et d’une problématique de préservation d’une diversité de milieux, illustrent le rôle fondamental des sociétés rurales et des pratiques agropastorales pour pouvoir gérer l’environnement dans un contexte d’uniformisation du milieu suite à une déprise des activités humaines. Si au niveau stationnel, des formes et techniques efficaces de gestion agro-environnementale peuvent être promues, ces auteurs soulignent la nécessité de trouver et d’expérimenter des espaces de négociation avec les populations locales pour aborder la complexité des situations et tenter, en particulier au niveau de l’exploitation, de concilier production, économie et environnement. Ceci passe par des approfondissements des connaissances en particulier sur les savoirs locaux et les systèmes d’usages et de représentations qui s’y attachent. Les articles de Sène et Battesti, à partir d’approches très différentes et dans des contextes géographiques contrastés, vont dans ce sens. Sène met en parallèle les dynamiques de peuplement des espèces arborées dans les parcs agroforestiers du bassin arachidier (Sénégal) et leurs usages et perceptions par les populations locales. Battesti développe à propos des oasis du Sud tunisien le concept de « ressources socio-écologiques » qui représente une nouvelle perspective synthétique de travail faisant le lien entre des systèmes de représentation du monde, des modes de gestion des ressources, des usages d’échelles d’espaces et de temps différenciées et des catégories dynamiques d’agents de transformation des écosystèmes.
6Dans un second temps, des analyses plus intégratives traiteront des stratégies familiales, comme grille de lecture des modes de réponses des populations aux changements écologiques et socio-économiques.
7Pour illustrer notre propos sur les stratégies des ménages, trois articles ont été retenus. Il s’agit en premier lieu d’une contribution issue du programme Dypen et qui présente les résultats des recherches sur le rapport entre les systèmes exploitation-famille et les stratégies des ménages, elle a de ce fait une portée double : méthodologique et opérationnelle permettant de décrypter le rapport entre la population, l’accès et l’usage des ressources naturelles. La seconde contribution est issue d’un projet de recherche portant sur les transformations rurales dans la région semi-aride de Coquimbo (IVe région du Chili). Elle permet d’explorer les stratégies des ménages ruraux comme mode d’adaptation qui rend possible la reproduction des systèmes de production dans un environnement en profonde mutation. Elle nous permet par ailleurs d’étudier la mise en œuvre de stratégies communautaires face aux changements économiques, environnementaux et démographiques. Enfin, le troisième article porte sur l’articulation des activités agricoles et de l’émigration dans les stratégies d’adaptation dans une zone montagneuse du Sud-Est tunisien. Il permet de bien comprendre à la fois les retombées de l’émigration sur l’agriculture et les capacités d’adaptation de ces communautés aux changements dans leur environnement lointain. Il met en exergue les stratégies basées sur la mobilisation des réseaux familiaux et d’interconnaissance dans la recherche de nouvelles destinations pour l’émigration.
Définition d’un cadre conceptuel
8Un des premiers problèmes auquel on est confronté quand on traite des relations populations rurales-environnement est celui de l’étendue du champ de recherche, qui induit le plus souvent de choisir un « point de vue » sur un objet de recherche, une échelle, un champ d’interactions spécifique. Or, le thème est dans sa nature même d’ordre interdisciplinaire.
9Dans une première approche, on peut considérer deux univers en interactions :
- l’univers environnemental, entendu dans sa composante biophysique. L’environnement est constitué d’écosystèmes complexes et en interrelations. Certaines de leurs composantes sont recherchées, utilisées ou prélevées par l’homme pour ses usages propres de consommation ou d’aménité ; elles constituent ainsi des ressources. Plusieurs échelles d’analyses ont été proposées pour caractériser l’environnement biophysique à l’échelle locale (territoires, paysages, écosystèmes, etc.), qui permettent plus ou moins de les lier avec les usages anthropiques. Nous ne développerons pas cet aspect, qui a fait l’objet de nombreuses synthèses spécialisées (Richard, 1975 ; Bertrand, 1978), mais retiendrons la notion de milieu des agriculteurs ou des populations rurales locales. Nous considérons le milieu comme un espace structuré, support contrasté dans l’espace et dans le temps de ressources et de contraintes. Les ressources du milieu sont localisées dans des unités d’espace qui ont des caractéristiques et une organisation propres, le plus souvent héritées des différentes phases historiques du déploiement des activités humaines ;
- l’univers social, constitué d’individus, de familles, de communautés, d’organisations et institutions ayant des modes de fonctionnement, de régulation et d’interactions sociales différenciés. On voit là l’importance, la diversité et l’emboîtement des niveaux d’échelle impliqués dans les relations entre sociétés rurales locales et environnement. De plus, les rapports des sociétés rurales avec le milieu ne peuvent être réduits à l’examen des seuls aspects matériels des activités humaines. Il est en effet nécessaire de s’intéresser, conjointement aux savoirs et pratiques endogènes, aux systèmes de représentation, d’interprétation et de valeurs qui conditionnent l’action de toute société sur son environnement (« la part idéelle du réel », Godelier, 1984). La prise en compte de ces deux composantes, intimement imbriquées mais qui peuvent se référer à des échelles de temps différentes, est essentielle pour d’une part, appréhender les relations population-environnement et, d’autre part, concevoir des stratégies de développement mieux adaptées aux contextes locaux.
10Dans la figure 21, nous proposons un cadre conceptuel d’étude des relations sociétés rurales locales-environnement, qui se caractérise par : 1) la prise en compte d’échelles d’analyses emboîtées et, 2) l’énoncé – non exhaustif – d’un champ d’interactions pertinent à chaque échelle considérée.
11Il inclut implicitement la dimension temporelle par la prise en compte de dynamiques, de flux, d’effets de telle ou telle activité ou encore du cycle de vie et des projections des familles.
12Mais ce cadre demande à être précisé car les champs d’interactions entre les univers environnemental et social peuvent révéler des pertinences plus grandes à des échelles hétérogènes du point de vue des deux univers concernés. De plus, l’importance des champs d’interactions spécifiques évolue dans le temps, en fonction d’événements endogènes et exogènes.
13L’étude des relations population rurale-environnement se situe ainsi dans un espace à trois dimensions extrêmement difficiles à intégrer : spatiale, temporelle et humaine.
14Et bien souvent une – parfois deux – dimension est privilégiée en fonction des objectifs propres des auteurs et des méthodologies employées (Sanders, 1996).
15L’enjeu est donc de mieux définir un cadre conceptuel et des méthodologies qui intègrent la complexité et l’analyse dynamique comme un point d’entrée fondamental de l’étude des relations populations rurales locales-environnement. Différentes écoles de pensées, comme la systémique, l’écologie économique ou l’approche dite de gestion des ressources communes, sont des fondements précieux de réflexion. Plusieurs groupes de réflexion et de recherche (Amira, Piren, DSA, Inra- SAD, etc.) ont notamment permis de mettre en évidence la richesse de l’échelle locale, en particulier au niveau du ménage et de l’exploitation agricole, pour aborder les aspects des relations société-environnement qui dépassent la simple description des phénomènes observés et abordent les notions de fonctionnement, de décision et de dynamique (Blanc-Pamard et Milleville, 1985 ; Brossier, 1988 ; Couty, 1988, et bien d’autres). Les avancées récentes en terme de modélisation1 constituent aussi des outils puissants d’intégration des connaissances et permettent de « faire fonctionner son savoir en extrapolation » (fig. 21).
16Mais encore faut-il, selon nous, que les grands types de champs d’interactions entre l’univers environnemental et l’univers social soient mieux cernés.
17Le triptyque « Ressources-Pratiques-Stratégies familiales » pourrait en constituer une ossature conceptuelle de par les natures justement multidimensionnelles des concepts impliqués, leur pertinence à différents niveaux d’échelle et leur caractère dynamique. En effet, les ressources ne se conçoivent que par rapport à leur perception par l’homme comme source de richesse et d’usages ; elles sont le plus souvent localisées dans l’espace et dans le temps et présentent des dynamiques plus ou moins marquées selon leur nature et les usages auxquels elles sont soumises. Les pratiques sont dirigées directement sur les ressources ou sur des « objets » mobilisant des ressources (le troupeau, l’appareil de production, etc.) ; elles résultent d’une construction longue et complexe – et sans cesse en renouvellement – élaborée par les paysans. Les pratiques se situent aussi dans un cadre spatio-temporel bien défini et ont des conséquences sur les états futurs des milieux et des ressources. Les stratégies, quant à elles, reflètent des objectifs ou des projets ; elles correspondent plus à une construction abstraite de la dimension idéelle et décisionnelle des activités humaines, peu ou pas mesurable concrètement, mais qui peut se révéler fort utile pour appréhender les motivations qui sous-tendent les pratiques.
Les ressources, à la croisée des milieux et des usages
18Le terme de ressources englobe un champ important de définitions qu’il y a lieu de préciser. Dans le cas présent, les ressources considérées sont celles qui ont un rapport étroit avec les ressources dites « naturelles renouvelables », cependant certaines ressources non renouvelables – ou très peu, comme l’eau des nappes profondes en zones arides par exemple –, pourront être parfois mobilisées. Ces ressources sont très nombreuses et variées, de sorte qu’il existe des façons très différentes de les regrouper selon le critère de classification retenu : leurs caractéristiques physiques, biologiques ou dont la « matérialité » est plus floue, leur mode de production et de reproduction, leur degré d’appropriabilité privée, leur temps de reconstitution (Faucheux et Noël, 1995).
19La notion de ressources a souvent été mobilisée pour l’étude des relations homme-nature car comme l’indiquent Pinchemel et Pinchemel (1988), « les ressources d’un milieu sont une donnée essentielle dans le processus d’humanisation. Mais l’inventaire des potentialités d’un milieu est lié aux problèmes de perception. Les ressources d’un milieu ne deviennent telles que si les hommes les perçoivent comme de possibles richesses ou que si, les connaissant, ils les recherchent explicitement ». Ce type d’approche a bien entendu une foule de détracteurs, notamment chez les environne-mentalistes pour qui tout élément du milieu est une ressource potentielle, qu’il y a lieu de protéger2. Nous ne rentrerons pas dans le débat car ces deux visions ne sont pas forcément aussi opposées qu’elles le paraissent.
20Les ressources ont un fort ancrage avec l’espace. Elles sont localisées dans des milieux particuliers dont l’histoire et les dynamiques conditionnent leur présence, leur abondance et leur qualité. Les relations entre les ressources et les espaces qui les génèrent ou les supportent apparaissent ainsi fondamentales à appréhender pour envisager leurs usages et leur gestion. Différents auteurs ont développé des outils d’analyse sur ces aspects, comme la notion d’espace-ressource avancée par Barrière et Barrière (1997) qui « s’exprime dans la spatialisation géographique de la ressource, sa situation, sa place physique dans le géosystème. Il se présente le plus souvent de façon discontinue ou non permanente dans le temps et dans l’espace. L’espace-ressource dépend de l’existence et de la présence de la ressource ». Loireau (1998) a proposé de même une gamme d’outils concernant les relations espaces-ressources-usages-prélèvements basés sur des critères spatiaux (unités paysagères, unités de pratiques homogènes, unités spatiales de références).
21Les relations entre ressources et temps sont tout aussi évidentes et divers exemples montrent qu’elles jouent un rôle prégnant dans le déroulement de certaines activités. C’est le cas par exemple de l’élevage que ce soit en ce qui concerne les déplacements saisonniers pour la quête alimentaire chez les systèmes d’élevage nomades ou la disponibilité fourragère au quotidien pour ajuster la prise alimentaire aux besoins des herbivores (Milleville, 1991). Dubroeucq et Livenais (dans cet ouvrage) montrent comment des mobilisations différentielles dans le temps des ressources entraînent des évolutions régressives ou positives de l’état de l’environnement ; et comment ces usages sont le reflet direct des changements sociaux profonds qui ont eu lieu dans le milieu rural chilien durant les cinquante dernières années.
22Mais la notion de ressources dépasse aussi largement les seuls aspects matériels, temporels et géographiques pour aborder le domaine des perceptions et des représentations propres aux individus et aux sociétés locales. Battesti (dans cet ouvrage) développe longuement cet aspect à propos des palmeraies du Sud tunisien en insistant sur le fait que l’« on se heurte à la nécessité de définir plus avant l’idée de ressources de l’environnement. Est-ce juste la matière première (terre, eau, biomasse) ou également les objets élaborés (jardin, palmeraie, microclimat)... voire le domaine moins tangible des idées (institutions, culture, sentiment du paysage) ? Les idéaux types de la relation au milieu dans les palmeraies ne déploient pas les mêmes usages des ressources et n’interviennent pas non plus aux mêmes échelles d’espace et de temps ».
23Sène (cet ouvrage), quant à elle, s’intéresse plus particulièrement aux liens entre usages des ressources et perceptions pour évaluer l’avenir des parcs agroforestiers du bassin arachidier sénégalais.
24Les « ressources » apparaissent ainsi sous des visages contrastés qui peuvent paraître pour certains comme un frein à l’opérationnalité du concept, mais qui constituent aussi des instruments de dialogue entre différentes entités (techniciens et acteurs ruraux, entre disciplines). C’est ce qu’ont développé Hubert et Mathieu (1992) pour qui la notion de ressources constitue ainsi un concept d’une grande richesse car il peut être traité comme une entité polysémique « sur les marges floues de la nature et de la société » (Bertrand, 1991).
Les pratiques, entre modalités et sens
25Le fait d’utiliser des ressources pour des usages diversifiés en milieu rural appelle des précisions sur les formes de mobilisation de ces ressources, leurs effets sur la satisfaction des usages envisagés et leur reproductibilité. Leur appréhension s’effectue en premier lieu à partir de l’observation des manières de faire (une des définitions des pratiques selon le dictionnaire) des acteurs au sein des unités élémentaires d’usages : les ménages.
26La notion de pratiques est ainsi un concept riche pour l’étude des relations sociétés rurales-environnement car elle englobe à la fois des faits techniques, mais aussi les façons dont ils sont appréhendés, interprétés et mis en œuvre3. Les pratiques peuvent s’appréhender comme des « construits sociaux, fortement marqués par les cultures locales, qui se forment et se transforment au sein d’un environnement complexe, à l’interface entre technologie et biologie, lorsque les hommes ont à piloter des systèmes biologiques comme des couverts végétaux – cultivés ou non – ou un troupeau » (Daré et Hubert, 1993). Elles ont l’immense avantage de se référer en ligne directe aux systèmes de représentation et de décision des acteurs qui les mettent en œuvre, et d’être observables.
27Plusieurs travaux ont bien mis en évidence la richesse des approches envisagées dans ce courant de recherches (Teissier, 1979 ; Sébillotte, 1987 ; Blanc-Pamard et al., 1992 ; Landais et Deffontaines, 1988 ; Haudricourt et Jean-Brunhes-Delamare, 1955 ; Leroy-Gourhan, 1973 ; Darré, 1985).
28Dans les cas nous intéressant ici, nous privilégions l’analyse des pratiques des agriculteurs pour la mobilisation des ressources, c’est-à-dire la description et la compréhension des « manières concrètes d’agir des agriculteurs » (Milleville, 1987), dans les conditions de leurs exploitations, saisies dans leur contexte écologique et social local.
29L’étude des pratiques des agriculteurs fait intervenir trois volets complémentaires (Landais, 1987) centrés sur :
- les modalités : il s’agit de décrire les manières de faire ; cette description est plus ou moins détaillée en fonction des objectifs poursuivis, mais ambitionne de répondre aux deux questions suivantes : que fait l’agriculteur ? comment le fait-il ?
- l’efficacité : Il s’agit d’examiner les résultats de l’action, que l’on peut classer en termes d’effets (qui se mesurent sur les objets directement concernés par les opérations techniques mises en œuvre) et de conséquences (à plus ou moins long terme qu’entraîne leur adoption sur la structure ou le fonctionnement du système, ou sur son environnement) ;
- l’opportunité : il s’agit d’éclairer les déterminants de la mise en œuvre des pratiques par référence au projet de l’agriculteur et à l’ensemble du système qui est géré par l’agriculteur.
Typologie des pratiques en fonction de leurs modalités
30Plusieurs auteurs ont proposé des typologies de pratiques à l’échelle de l’atelier, dont l’analyse permet de déterminer l’enchaînement logique pour aboutir à l’élaboration des produits.
31Dans le domaine de l’élevage, Landais et al. (1987) distinguent quatre grands types de pratiques :
- les pratiques d’agrégation, opérations de constitution des différents troupeaux ou allotements qui seront soumis à des gestions différentes ;
- les pratiques de conduite qui regroupent l’ensemble des opérations effectuées sur les animaux en vue d’assurer leur entretien et les mettre en condition de produire ;
- Les pratiques d’exploitation qui se réfèrent aux opérations par lesquelles l’homme exerce un prélèvement sur les animaux qu’il entretient à cette fin ;
- les pratiques de valorisation des productions animales. Ces pratiques ont une part plus importante dans les systèmes où les productions subissent des transformations (fromage, par exemple) ou lorsque, comme cela est le cas dans beaucoup de pays en voie de développement, elles représentent une part importante des ressources alimentaires familiales.
32Dans le domaine des productions végétales, Landais et Deffontaines (1988) proposent une classification des pratiques agricoles et montrent leurs effets aux différents niveaux du processus de production et sur les états du milieu (fig. 22).
33D’autres auteurs ont repris ces idées pour proposer des classifications de pratiques sur des thèmes plus transversaux concernant l’exploitation agricole. C’est le cas de Caron (1998) par exemple, en ce qui concerne l’espace territorial. Cet auteur propose ainsi de classer les « pratiques territoriales » en quatre types :
- les pratiques d’agrégation territoriale, qui correspondent à une recomposition du territoire de l’exploitation par intégration de nouveaux espaces, qu’il s’agisse de l’utilisation ou de l’appropriation de ressources collectives, par l’usage pastoral ou par la clôture par exemple, ou de l’achat de terres. Ces pratiques peuvent également impliquer l’abandon d’espaces ;
- les pratiques de modification du substrat végétal : défriche, mise en place de cultures, mise en jachère, etc. ;
- les pratiques d’aménagement du territoire par la mise en place d’infrastructures : puits, division d’une parcelle, ouvrages de conservation des eaux et des sols, etc. ;
- les pratiques d’affectation d’une parcelle ou d’un espace de parcours à un usage particulier à un moment donné et pour une période définie : installation d’une culture, mise en défens, coupe de bois, etc.
34Il est à noter que cette notion de pratiques territoriales présente un intérêt supplémentaire dans la mesure où elle peut être envisagée presque naturellement à différents niveaux de perception (l’exploitation, la communauté rurale, la micro-région, etc.). Ainsi, ce type d’approche, outre son intérêt pour sérier la foultitude des interventions humaines dans les processus de production et d’usage des ressources en milieu rural, constitue un outil très intéressant pour l’évaluation de l’efficacité et des effets des pratiques. Crosnier et Granger (cet ouvrage), par exemple, ont abordé la question des relations entre l’évolution des formations végétales et les pratiques agropastorales pour étudier les conditions de maintien de milieux ouverts, grands réservoirs de biodiversité.
35Mais si une analyse détaillée des pratiques, de leur diversité et de leurs modalités apparaît importante pour une meilleure compréhension technique du système de production et de ses impacts, une évaluation à une échelle de perception plus globale des orientations générales de ces pratiques peut permettre une représentation plus synthétique des projets qui sous-tendent ces pratiques et mieux cerner leurs possibilités d’évolution.
36Un certain nombre d’outils conceptuels4 ont été proposés en agronomie pour intégrer la diversité des pratiques au sein de la problématique de gestion de l’exploitation agricole dans sa globalité. Ils contribuent à synthétiser les informations sur les manières de faire des agriculteurs et à les évaluer, en terme de résultats, en fonction de schémas de types et de formes de production. Ils sont à notre avis encore partiels car les pratiques peuvent refléter des projets qui prennent leur source dans des critères dépassant le cadre strict de l’exploitation et de la production agricole. Il apparaît alors important de pouvoir disposer d’outils conceptuels permettant de faire le lien avec les facteurs plus englobants au sein des groupes domestiques ruraux qui conditionnent les processus de décisions d’utilisation des ressources. En effet, si comme le clame fort justement Deffontaines (1987), « on éclaire les projets par les pratiques. On comprend les pratiques par les projets », le passage des pratiques aux projets n’est souvent pas du tout évident – notamment dans les sociétés rurales à forts référents culturels –, car interviennent alors des facteurs d’une complexité encore plus grande : les choix plus ou moins explicites et conscients de modes de vie et l’apparition de nouvelles formes de contraintes (changements d’accès aux ressources, monétarisation des rapports sociaux, modifications des systèmes de représentation, etc.).
37Un autre type de « lecture » des pratiques peut alors être proposé, en relation avec les sens dont ces dernières peuvent être porteuses. Il s’agit de tenter de déceler les fonctions qu’un ensemble de pratiques peut avoir dans le cadre du fonctionnement global et de la reproduction des ménages ruraux. Les notions de système de production agricole ou de système d’exploitation, traditionnellement utilisées pour l’analyse microéconomique en milieu rural, s’avèrent le plus souvent insuffisantes pour rendre compte de la diversité des activités qui caractérise aujourd’hui les familles rurales (Gastellu, 1997 ; Gana, 1998). Un élargissement de ces notions au système « exploitation-famille » apparaît plus adéquat pour prendre en compte la combinaison de l’ensemble des facteurs de production au niveau du groupe domestique et des projets dont ce dernier est porteur. Les facteurs démographiques, sociaux et culturels interviennent ainsi de manière décisive dans l’organisation familiale (affectation de la main-d’œuvre familiale, division sexuelle du travail, mobilité et réseaux migratoires, scolarisation, savoirs et compétences...) et de la production, au même titre que les facteurs économiques et les compétences techniques (Morvaridi, 1998). Ainsi, le système de production est en relation avec un groupe familial composé de l’ensemble des personnes qui vivent sur l’exploitation, mais dont les activités peuvent aussi se situer à l’extérieur. C’est au niveau du groupe familial que s’élaborent des objectifs assignés à l’activité agricole, que se décide une certaine division des tâches, que se déterminent les besoins de consommation et que s’élaborent des projets.
Typologie des pratiques en fonction de leurs sens dans le système exploitation-famille
38Nous proposons ici une grille de lecture des pratiques en relation avec les fonctions qu’elles occupent dans l’organisation, le développement et la reproduction du système famille-exploitation. Suivant l’état du système à un moment donné et son environnement écologique et socio-économique, les pratiques mises en œuvre pourront se référer à des objectifs aussi différents que :
- la satisfaction des besoins immédiats de subsistance (pratiques de subsistance) ;
- l’anticipation, permettant de réagir à des situations délicates possibles dans un futur plus ou moins proche, c’est le cas entre autres de pratiques visant à minimiser les risques climatiques. Dans les Andes agropastorales par exemple, chaque paysan met en œuvre une diversité de pratiques pour la culture de la pomme de terre – base de son alimentation – favorisant la diversité de combinaisons possibles entre variétés utilisées, situation topographique de la micro-parcelle et date de semis, de manière à disposer d’alternatives pour faire face à un large éventail de risques climatiques dans les conditions où s’effectue cette culture (pratiques anticipatives à but réactif) ;
- l’anticipation destinée à réaliser des projets de vie, qu’ils soient ponctuels ou à plus long terme ; c’est le cas, par exemple, de modifications progressives des spéculations pour alléger les charges de travail ou encore différer la mobilisation des productions de manière à réaliser des projets ponctuels (construction d’une maison, scolarisation d’enfants, charge sociale5, etc.) (pratiques anticipatives à but actif) ;
- l’accumulation « de fond », sur le modèle capitaliste, destinée à accroître le patrimoine global. Cette accumulation peut prendre différentes formes et met en œuvre des pratiques traduisant des stratégies d’accumulation patrimoniale différenciées (pratiques d’accumulation).
39Cette ébauche peut être formalisée dans une optique de modélisation du sens des pratiques en prenant en compte un élément fondamental dans lequel les pratiques doivent être situées : le temps. En effet, l’acte et l’effet d’une pratique ou d’un ensemble de pratiques ne sont pas forcément concomitants et la prise de décision pour effectuer telle ou telle pratique s’inscrit aussi dans une conscience de temporalité à géométrie variable.
40La mise en œuvre des différents types de pratiques est bien entendu conditionnée par le niveau de « richesse » et d’opportunité des acteurs. On peut définir des seuils permettant de situer, à un moment donné, les systèmes exploitation-famille (fig. 23). En première instance, on identifie plusieurs seuils : seuil de survie, seuil de précarité, seuil de résilience et seuil d’accumulation qui vont caractériser, à un instant donné, le champ des possibles du système exploitation-famille. Notons tout de suite que ces seuils de « richesse » se réfèrent uniquement aux possibilités de mise en œuvre des types de pratiques définis ; ils ne sont pas porteurs a priori d’échelles de valeur concernant le « bien-être » ou le système « idéal » auquel il faudrait tendre.
41Les types de pratiques effectivement mis en œuvre vont quant à eux résulter aussi d’autres facteurs relevant de la psychologie ou des opportunités cognitives des acteurs. De plus, la « trajectoire » du projet pensé peut dévier en relation avec des événements non maîtrisés ou imprévus, et entraîner des pratiques de substitution ou des pratiques d’opportunité, en fonction d’un changement de conditions de production.
42Le schéma conceptuel d’analyse des pratiques présenté dans la figure 23 – qui n’est qu’une ébauche très préliminaire de classification des pratiques – a pour ambition de proposer une autre grille de lecture des pratiques. Il a pour référence primaire les pratiques individuelles à un moment donné en fonction du sens dont elles sont porteuses.
43Dans les faits, ces pratiques se combinent entre elles et s’enchaînent pour former des trajectoires dont les caractéristiques peuvent être représentées, à un moment donné, par la mise en évidence des proportions des différents types de pratiques, et, sur des pas de temps plus longs, par l’évolution de la trajectoire des combinaisons de pratiques.
44Ce type d’approche a l’avantage de se référer à un champ plus large que le seul système de production, champ qui est un niveau décisionnel fondamental dans les sociétés rurales traditionnelles. Il permet de plus d’envisager plus aisément une intégration avec des analyses en termes de comportements (socio-économiques, démographiques, migratoires, etc.).
45La mise en évidence de corps de « manières de faire » définis à partir de la conceptualisation et l’observation des trajectoires des pratiques permet d’avancer dans la caractérisation des stratégies des acteurs.
Les stratégies familiales vers une intégration de la dimension idéelle des pratiques
46L’analyse de la diversité des pratiques et leur enchaînement au niveau de chaque ménage ou groupe familial n’a de sens que dans la mesure où l’on reconnaît aux chefs de ménage la capacité d’agir dans le cadre d’une conception globale réfléchie qui donne sa cohérence à l’ensemble des actions.
47On peut définir les stratégies comme étant l’ensemble des décisions de mobilisation et d’affectation des ressources humaines, naturelles et symboliques en vue de la réalisation d’un ou de plusieurs objectifs assignés à l’ensemble du système par les acteurs en question.
48Dans le cadre de l’exploitation agricole, les stratégies familiales renvoient donc aux décisions prises au sein du groupe familial par le chef du ménage ou dans le cadre d’une négociation entre ses membres, de mobilisation et d’affectation des ressources disponibles pour la réalisation des objectifs assignés à l’exploitation.
49Parler de stratégies, c’est admettre qu’au-delà de tout déterminisme, les individus, mais aussi les groupes familiaux sont des acteurs et qu’en ce sens, ils sont capables d’opérer des choix quel que soit le niveau de contrainte qui caractérise leur environnement économique, social et institutionnel. (Giddens, 1987 ; Crosier et Friedberg, 1977).
50Dans le cas d’un groupe familial, le ou les objectifs qui orientent le fonctionnement du système sont la résultante des objectifs individuels des membres du groupe, résultante qui est elle-même le fruit de la négociation entre les membres du groupe.
51Cette acception met l’accent sur la nécessité de prendre en considération dans l’analyse les interrelations fortes qui existent entre l’exploitation et la famille. On est ainsi conduit à dépasser les approches qui prennent en considération uniquement le système de production agricole et à considérer un système plus large constitué par l’ensemble exploitation- ménage (Aubry et al., 1986 ; Oliveira Baptista, 1996). La prise en compte des interactions entre l’exploitation et le ménage est de nature à rendre l’analyse plus complète en mettant en relief le rôle de l’activité familiale non agricole dans le fonctionnement du système et dans sa dynamique, ce qui permet d’aborder la complexité de l’économie des zones rurales et par là même la multisectorialité du développement rural (Campagne, dans cet ouvrage).
52D’autre part, les choix opérés dépendent à la fois de la composition du groupe familial, des capacités productives au niveau de l’exploitation, des atouts et contraintes qu’offre le milieu6 et des opportunités extérieures à l’exploitation.
53Or le groupe familial, quelle que soit sa nature, famille nucléaire, groupe élargi, etc., varie dans le temps. La modification de sa composition induit donc l’ajustement permanent des objectifs et par là même des stratégies mises en œuvre pour les atteindre.
54Par ailleurs, l’environnement ou le contexte dans lequel se déroule le processus de prise de décision influence lui aussi les choix et in fine la logique qui sous-tend l’ensemble du système.
55L’étude des stratégies familiales doit intégrer l’analyse croisée de l’évolution des éléments constitutifs de la famille, de l’exploitation, ainsi que de leur interaction dans le temps. Pour ce faire, il est nécessaire, de notre point de vue, de considérer des pas de temps différents. En effet, à l’échelle de la campagne certains éléments peuvent être considérés comme fixes, mais si l’on change d’échelle de temps, ces éléments peuvent devenir mobiles ou variables. Ainsi, la disponibilité de la main-d’œuvre familiale peut être considérée comme fixe à l’échelle de la campagne agricole, elle devient un élément variable sur une durée plus longue. Cette contrainte méthodologique peut être dépassée en prenant en considération d’une part, les étapes du cycle de vie des familles et d’autre part, en resituant l’évolution des systèmes en question en parallèle avec celle de leur environnement.
Stratégies familiales et cycle de vie des familles
56Un groupe familial évolue tout au long de son existence. Cette évolution induit à la fois des changements dans les besoins du groupe et dans ces capacités de mobilisation de la force de travail familial pour l’exploitation et à l’extérieur de celle-ci (Arnalti et al., 1996). On assiste alors à des modifications dans la nature des objectifs du groupe et par là même de la stratégie mise en œuvre.
57Les besoins de la famille sont de différentes natures, il y a tout d’abord les besoins essentiels de survie ou de reproduction minimale de la force de travail, puis il y a les besoins socialement définis qui sont ceux du logement, de la scolarisation, puis du mariage et enfin d’installation des jeunes sur l’exploitation ou en dehors de celle-ci. Le niveau de besoins se définit donc à la fois par la taille de la famille (en unité de consommation par exemple), et par les objectifs de niveau de scolarité qui sont visés pour les enfants. Il intègre aussi la situation sociale de la famille qui détermine un niveau de couverture compatible avec la perception que celle-ci a de sa place dans la société. Selon la nature de ces besoins, certains peuvent être plus ou moins retardés dans le temps ; il en est ainsi par exemple pour la construction du logement qui peut être retardée afin de privilégier des investissements productifs sur l’exploitation ou en dehors. La décision de retarder ou de mettre fin à la scolarité d’un enfant, ou encore de la pousser plus loin, dépend quant à elle de la position sociale de la famille dans la société locale et de la manière dont elle souhaite la maintenir.
58Sur un autre plan, la famille est une source de main-d’œuvre disponible et qui peut être affectée dans l’exploitation ou en dehors de celle-ci. Le niveau de disponibilité de la main-d’œuvre dépend de la taille et de la composition du ménage ; il est aussi en rapport avec les caractéristiques démographiques de la population locale. L’affectation de la main-d’œuvre à l’exploitation agricole ou en dehors de celle-ci dépend à la fois des caractéristiques de l’exploitation (taille, type de production, etc.), de celles de la famille (taille, âge des membres, niveau d’instruction), mais aussi du contexte économique et des rapports entre l’agriculture et les autres secteurs économiques en terme d’opportunité d’emploi et de rémunération de la force de travail.
59En prenant en considération le rapport entre les besoins et les apports de la famille en main-d’œuvre, plusieurs phases peuvent être identifiées couvrant des rapports différents entre les deux indicateurs.
60Phase d’installation : elle se caractérise à la fois par des besoins faibles, sauf pour la construction du logement, mais cette décision peut être retardée selon la logique et les choix d’investir dans l’appareil de production ou dans celui du confort et donc du logement. Mais cette phase se caractérise aussi par la faiblesse de la force de travail familial mobilisable (au mieux 2 UTH : Unité de travail humain, sauf dans le cas de présence des ascendants). Mais, le plus important dans cette phase, c’est la nature du projet que se donne le groupe familial. La nature de ce projet détermine dans les faits le choix entre le développement de l’appareil de production et celui de l’amélioration des conditions de vie. Il s’agit de choix dans l’affectation du surplus dégagé par les différentes activités et du niveau d’épargne.
61Phase de croissance : c’est la phase qui se caractérise par l’entrée dans la scolarité des enfants et donc de l’apparition de nouvelles demandes et de besoins de consommation incompressibles. Dans cette phase, la force familiale de travail disponible ne connaît pas d’augmentation sensible. Il y a toutefois un apport ponctuel, qui peut être significatif des enfants soit en harmonie avec la scolarité, soit aux dépens de celle-ci. Cet apport va dépendre alors de la nature du système de production mis en place, il peut aussi orienter certains choix. Par exemple, la mise en place d’une culture fortement consommatrice de travail ne peut être envisagée que dans les systèmes où ce facteur de production est disponible (Elloumi et Harzli, 1996). C’est l’exemple de la culture de tabac en sec dans la région du nord-ouest de la Tunisie dont la mise en place est intimement liée à la disponibilité d’une main-d’œuvre familiale qui ne peut être valorisée en dehors de l’exploitation.
62Phase de maturité : cette phase se caractérise par l’entrée en activité des enfants résidant encore sur l’exploitation. Elle démarre plus ou moins tôt selon les possibilités de poursuite de la scolarisation qu’offre l’environnement mais aussi selon les choix des parents, voire des enfants de poursuivre ou non la scolarité. Cette phase va se traduire par une adaptation du système de production avec la disponibilité en main-d’œuvre et de sa nature. En effet, la disponibilité d’une main-d’œuvre familiale féminine n’a pas la même signification que celle d’une main-d’œuvre masculine, on cherchera alors à adapter le système de culture aux pratiques socialement admises pour chacun des deux sexes. Mais, le choix peut dépasser la sphère de l’exploitation et se poser entre l’affectation dans le cadre de l’activité agricole de l’exploitation, des activités au sein du ménage (artisanat ou transformation des produits de l’exploitation) ou encore en dehors de l’exploitation dans des activités agricoles ou non agricoles selon les opportunités qu’offre le milieu.
63Phase de succession : la présence ou non d’un successeur va être importante dans le comportement des exploitants âgés. Dans le cas de la présence d’un successeur et afin de rendre la reproduction de l’exploitation plus sûre, cette phase va être celle de la préparation de la succession, avec à la fois des modifications dans la nature du système de production et souvent avec des investissements qui permettent de rendre l’exploitation viable et attractive pour la nouvelle génération.
64Mais cette phase peut être aussi celle du blocage par suite de la présence de deux générations et de plus d’un centre de décision. Ainsi dans plusieurs régions en Tunisie, l’entrée dans l’activité agricole est souvent tardive car l’installation effective ne se fait qu’à la mort du père et donc souvent au-delà de 40 ans, ce qui correspond déjà à la phase II de notre schéma.
65Dans le cas d’absence de successeur, l’exploitation rentre dans une phase de liquidation avec une décapitalisation qui se traduit par la simplification du système de production, disparition des activités consommatrices de travail, jusqu’à la liquidation complète de l’appareil de production, voire même du foncier en dernier lieu.
66La présence de plusieurs générations sur l’exploitation peut constituer, selon les cas, un facteur de dynamique ou au contraire un facteur d’immobilisme. Des formes de division du travail entre les générations peuvent favoriser les complémentarités au sein de l’exploitation et ainsi le maintien de l’activité agricole dans les zones rurales marginales (Hamelin et d’Andréa, dans cet ouvrage).
67Replacée dans la longue période, la succession des différentes phases du cycle de vie de la famille en combinaison avec l’évolution de l’appareil de production décrit une trajectoire d’évolution de l’ensemble du système exploitation-ménage. Ces trajectoires sont en définitive l’expression des dynamiques internes de la famille et de l’exploitation dans les limites des possibilités offertes par le contexte dans lequel elles évoluent et en fonction des objectifs qui les sous-tendent.
Stratégies familiales et temporalité
68Les stratégies familiales mettent en œuvre les éléments disponibles du système de production, ceux du système agraire et de l’environnement dans son ensemble. Il est donc évident que cette valorisation dépend à la fois du fonctionnement interne du système exploitation-famille, mais aussi des opportunités et des contraintes du milieu. En effet, autant on peut identifier des éléments de permanence dans les stratégies familiales (recours à des activités extérieures, par exemple) quand les changements qui s’opèrent sont de faible amplitude, autant il y a un renouvellement des stratégies par intégration des opportunités nouvelles qu’offre l’environnement dès que ces changements sont importants. Ainsi, la mise en place d’un projet de développement dans une zone peut permettre par exemple l’accès à des crédits ou à des facilités qui rendent possible la réalisation d’un projet, agricole ou non. Cette assimilation peut aller jusqu’à la remise en cause du fonctionnement même du système et l’adoption d’une nouvelle dynamique sur la base d’une nouvelle stratégie et une affectation différente des ressources disponibles.
69Il s’agit donc d’introduire la notion de rupture dans les conditions de l’environnement qui sont en rapport direct avec la production agricole ou qui peuvent avoir une influence indirecte sur la dynamique familiale. Ce type d’événement se traduit soit par la remise en cause des stratégies poursuivies jusqu’alors, soit en rendant faisables de nouvelles stratégies qui étaient impossibles jusque-là.
70Ainsi par exemple, l’aménagement d’un périmètre irrigué par les pouvoirs publics introduit une modification tellement importante dans les conditions de production agricole qu’il peut en découler une transformation en profondeur de la logique qui sous-tend le fonctionnement des systèmes exploitations-ménages. On assiste alors, dans certaines conditions, au passage d’une logique de sortie de l’agriculture à une logique d’investissement dans la production agricole qui s’accompagne d’un retour sur l’exploitation de certains membres du groupe familial qui étaient déjà partis. Cela peut aussi remettre en cause les objectifs de scolarisation des enfants et conduire à l’arrêt de la scolarisation de certains d’entre eux pour renforcer la capacité en force de travail de la famille et mettre en place un système intensif en main-d’œuvre (Elloumi et Gara, 1992).
71Dans d’autres cas, c’est l’amélioration de l’infrastructure d’accès au milieu rural qui peut rendre faisable des stratégies basées sur la mobilité de certains membres du groupe familial, alors que dans le cas inverse tout le groupe familial aurait été contraint à l’exode (Hamelin et d’Andréa, dans cet ouvrage).
72Les projets de développement en milieu rural, par leurs interventions massives peuvent devenir des éléments structurants du milieu. Leurs composantes sont alors intériorisées par les acteurs ruraux qui les intègrent dans leurs stratégies reflétant ainsi leurs perceptions de ces projets (Chauveau, 1997).
73Il s’agit donc de procéder à une analyse diachronique du contexte dans lequel évolue l’activité agricole au niveau local, mais aussi à des niveaux plus larges et d’identifier les éléments qui peuvent avoir une influence sur les choix et les décisions des chefs de ménage ou des autres membres du ménage. Cela suppose de ne pas isoler les activités agricoles de leur contexte, ni la dynamique familiale du milieu social dans lequel elle se déploie et notamment des rapports de pouvoir et des réseaux de relations et d’interdépendance. Cela devrait permettre alors d’identifier les permanences et la diversité dans les stratégies des familles, notamment dans la gestion des ressources naturelles et humaines.
Stratégies familiales et gestion des ressources
74La mobilisation et l’affectation des facteurs de production sont des éléments fondamentaux des stratégies familiales. La décision d’affectation d’une ressource dépend de la stratégie mise en œuvre, elle peut aussi en être un indicateur si on la ramène à l’objectif qui est poursuivi.
75On peut distinguer très grossièrement trois types de stratégies familiales, qui reprennent et combinent, à un niveau plus global, la typologie des pratiques proposée antérieurement :
76– les stratégies d’accumulation qui passent par la recherche de l’augmentation des capacités de production soit à l’intérieur de l’exploitation agricole, soit en dehors de celle-ci. Ces stratégies nécessitent l’existence de surplus et donc un niveau de richesse minimum (voir fig. 23).
77Toutefois, elles peuvent être mises en place soit par le report de la satisfaction de certains besoins, soit par la renonciation pure et simple à certains besoins. Dans ce type de stratégies, la propension à prendre des risques est assez grande et la gestion des ressources naturelles peut être agressive, voire minière ;
- les stratégies de survie (ou de lutte contre la précarité) correspondent à des niveaux de « richesse » faibles, elles se caractérisent souvent par une recherche de diversification des activités et des sources de revenus. Lorsque les opportunités de diversification sont réduites, la pression sur les ressources naturelles peut devenir agressive du fait des besoins élémentaires – incompressibles et immédiats – à satisfaire et de la difficulté qu’éprouvent les populations dans ce contexte à se projeter dans un futur lointain ;
- les stratégies de gestion patrimoniale qui se caractérisent par l’absence d’objectif propre à l’activité agricole. Celle-ci ne constitue pas ou plus un élément fondamental dans la reproduction du groupe familial. L’objectif assigné à l’exploitation des ressources est un objectif de conservation d’un patrimoine et d’attentisme par rapport à des opportunités de valorisation.
78La mise en œuvre de ces stratégies ne correspond pas de manière systématique à des pratiques différentes. Ce n’est donc pas uniquement leurs contenus en actions qui les différencient, mais aussi l’objectif recherché par chaque action et sa manière de contribuer à la réalisation de l’objectif final (Yung et Zaslavsky, 1992). L’exode, la pluriactivité ou encore l’accès au foncier peuvent avoir des significations et donc des formes différentes selon qu’ils sont mis en œuvre dans le cadre d’une stratégie d’accumulation ou de survie.
Stratégies familiales et accès à la terre
79Dans les stratégies des acteurs ruraux, l’accès aux ressources naturelles occupe une place importante. Il s’agit en premier lieu de l’accès à la terre, mais il peut s’agir aussi de l’accès à d’autres ressources telles que l’eau, les ressources forestières et pastorales, etc.
80Le foncier constitue une ressource primordiale pour la production agricole et de ce fait, la terre est l’objet de stratégies multiples pour y accéder. Ainsi, au Maghreb, à l’occasion de la privatisation des terres collectives, la course à l’appropriation de la terre est matérialisée par l’avancement d’un front pionnier de plantation qui permet, en application du principe que la terre appartient à celui qui la vivifie, une appropriation individuelle des parcelles complantées.
81Dans le cadre d’un environnement institutionnel contraignant, d’autres stratégies sont mises en œuvre afin de contourner les restrictions à l’accès à la terre ou les décalages entre les pratiques sociales et les législations en vigueur (Hamelin et d’Andréa, dans cet ouvrage).
L’émigration : une stratégie de diversification des sources de revenus
82L’un des éléments qui tendent à prendre une place de plus en plus prégnante dans les stratégies des différents acteurs en milieu rural concerne la diversification des sources de revenu de la famille. Cette diversification peut être recherchée par l’association de spéculations de production agricole diverses, comme elle peut être recherchée en dehors de l’exploitation, voire de l’activité agricole.
83En effet, l’exploitation la plus précaire garde une certaine marge de décision, celle de l’affectation de la force de travail. L’exode reste une alternative assez largement ouverte pour les paysans dont la production agricole et les activités sur place ne sont pas suffisantes pour couvrir les besoins minimums vitaux. L’exode peut aussi devenir une source d’appui à l’activité agricole et permettre une reproduction plus large. Ainsi, alors que les habitants de Kroumirie (nord-ouest de la Tunisie) émigrent pour assurer un revenu minimum à leur famille (Auclair et al., dans cet ouvrage), les Jbalia, dans le Sud tunisien, pratiquent une émigration qui leur assure un revenu supérieur aux besoins de la reproduction homo- thétique et qui leur permet même d’investir dans leurs exploitations (Nasr, dans cet ouvrage).
84La contribution de Nasr permet de montrer le poids des revenus extérieurs dans la formation des revenus de certains ménages ruraux et leur rôle dans le développement de l’agriculture et l’amélioration des conditions de vie des ménages ruraux. Ces revenus peuvent provenir de l’émigration aussi bien que d’une activité extra-agricole d’un ou de plusieurs membres du ménage dans un environnement plus ou moins immédiat. Le rôle de cette pluriactivité peut être multiple et varie selon les types de reproduction atteints par l’ensemble exploitation-ménage. Ainsi, on peut distinguer une pluriactivité de survie qui permet au ménage de subvenir à ses besoins, une pluriactivité d’appui qui participe au renforcement des capacités de production et enfin une pluriactivité de placement qui constitue une forme de diversification des activités et des sources de revenus (Elloumi, 1991 ; Bourenane et al., 1991).
85C’est dans le cas de l’émigration que le rôle des réseaux est le plus facile à mettre en évidence. Ces réseaux d’interconnaissance réduisent le coût du départ et d’installation en offrant au candidat à l’émigration des facilités d’insertion professionnelle et sociale dans le pays d’accueil. Toutefois, les réseaux sont de plus en plus mis à contribution pour expliquer et comprendre les stratégies de redéploiement des acteurs locaux face à des modes de régulation de plus en plus globaux. Ainsi, par exemple, pour la commercialisation des produits de terroir, les stratégies développées par certaines communautés s’appuient en premier ressort sur les membres de la communauté qui sont dispersés dans le pays, voire en dehors de celui-ci (Goussios, 1996).
Conclusion
86L’étude des relations entre sociétés rurales et environnement ne consiste pas en une simple juxtaposition d’informations concernant ces deux sphères. Elle n’a d’intérêt qui si elle peut être un outil de synthèse permettant de mieux comprendre les dynamiques imbriquées mises en jeu dans un système complexe. Notre point de vue de départ a été la recherche d’interfaces, avec pour base première les acteurs locaux – les paysans – et les projets dont ils sont porteurs. Ces projets se traduisent par des actes qui ont des impacts sur la reproduction et le développement des acteurs sociaux qui les mettent en œuvre, et aussi sur leurs propres représentations.
87Peut-on alors ramener la problématique des relations entre population rurale locale et environnement à la problématique de la gestion à long terme et de la gouvernance des projets humains ? La question est sûrement beaucoup plus complexe, mais elle a le mérite de proposer un cadre conceptuel favorisant l’émergence d’interfaces. En effet, en milieu rural peut-être encore plus qu’ailleurs, les projets humains mobilisent directement des ressources naturelles diversifiées, en modifient leurs états et leurs dynamiques. Mais ces ressources naturelles sont réinterprétées par les populations locales, selon des critères socioculturels différenciés. En ce sens, nous partageons l’idée développée par Guille-Escurret (1989) selon laquelle « dans une société humaine, il n’y a pas à proprement parler de contrainte écologique première qui soit isolable d’une contrainte sociale... tout simplement parce qu’il n’existe pas de puissance naturelle s’exerçant sur un groupe humain indépendamment des systèmes économiques, politiques et symboliques qui sont indispensables à sa survie et à celle des individus qui la composent ». D’où la nécessité de mieux cerner les interfaces qui intègrent à la fois ce qui relève de l’action et des idées.
88Les outils proposés – le triptyque « Ressources-Pratiques-Stratégies familiales » – nous paraissent être des voies intéressantes à explorer plus avant, à la fois d’un point de vue théorique, mais aussi et surtout dans une optique d’opérationnalité des interventions institutionnelles et d’aide à la décision. C’est en particulier le cas de la notion de stratégies familiales. Souvent les stratégies des acteurs ont été opposées à celles des développeurs (Gachet, 1987 ; Bouju et Saïdi, 1996). Mais, grâce à l’émergence de certaines approches « participatives » qui reconnaissent aux populations « cibles » une part active dans la conception de leur propre développement, il devient évident que la réussite des projets dépend à la fois de la compréhension des stratégies des acteurs, notamment des producteurs, et de leur prise en compte dans la négociation des actions à programmer et donc dans le contenu des projets (Chauveau, 1997). Cela devrait naturellement conduire à une plus grande prise en considération des rapports de pouvoir à l’intérieur du groupe familial et dans la société rurale locale en question et à intégrer de manière plus importante les contraintes de l’environnement institutionnel et les mutations qu’il connaît sous l’effet des changements des modes d’intervention en milieu rural. Les travaux de recherche que nous présentons ici n’ont, que de manière indirecte, pris en considération ces aspects car nous avons centré notre attention sur les stratégies des ménages, considérées comme entités individuelles, qui peuvent contribuer d’une manière assez forte à la compréhension de la dynamique des sociétés et de l’espace rural. Mais, il est vrai que l’apport d’une approche plus globale portant sur les stratégies communautaires (aussi bien sur les modes de coopération et de non-coopération entre les membres d’une communauté) peuvent apporter des éléments précieux dans l’analyse. En effet, les ressources naturelles ont souvent un statut collectif et leur exploitation peut se traduire par une compétition exacerbée entre les ayants droit. Il en est de même en ce qui concerne l’environnement institutionnel dont l’analyse reste relativement fruste dans les différentes contributions. Or il est de plus en plus admis que les conditions et les règles d’accès aux ressources – donc le cadre institutionnel – conditionnent pour beaucoup leur gestion. Ces questions, que nous aborderons dans la troisième partie de cet ouvrage, peuvent servir à approfondir les relations population-environnement et leur impact sur la durabilité des ressources naturelles.
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Notes de bas de page
1 Parmi elles, citons les systèmes multi-agents qui sont des outils de simulation particulièrement adaptés à l’étude de la dynamique des interactions entre ressources et sociétés (Bousquet et al., 1993 ; Hervé et al., 2002), ou encore la modélisation en terme de viabilité (Béné et al., 1998 ; Doyen et Tichit, 1999).
2 Il est d’ailleurs symptomatique de noter que le terme « ressources » est absent du vocabulaire d’écologie de Daget et Godron (1979).
3 En ce sens, les pratiques se distinguent clairement des techniques (Teissier, 1979).
4 Comme les notions de systèmes de pratiques (Cristofini et al., 1978), d’itinéraires techniques ou de modèle d’action (Sébillotte, 1987).
5 Dans la zone pastorale des hauts plateaux boliviens, le représentant de la communauté (Jikalata) est coopté par la communauté pour une durée d’un an. Cette fonction constitue un signe de reconnaissance identitaire fondamental que les paysans se doivent d’assurer au moins une fois dans leur vie. Mais cette nomination a lieu sept années avant la prise de fonction de manière à laisser le temps à l’intéressé de s’organiser et d’accumuler des richesses pour pouvoir faire face personnellement à tout problème survenant à un membre de la communauté.
6 On se situe ainsi dans une perspective d’individualisme méthodologique, tout en reconnaissant au contexte et à l’environnement institutionnel un poids tel qu’il définit le champ des possibles dans lequel les décisions des acteurs doivent s’inscrire (Boudon et Bourricaud, 1994).
Auteurs
Pastoraliste, IRD, Tunis, Tunisie.
Agro-économiste, Inrat, Tunis, Tunisie.
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