La maîtrise de l’énergie
p. 3-114
Texte intégral
1Coordinatrice : E. Faugère
2Experts : M. Abdesselam, R. Darbéra, J.-M. Most
Introduction - La maîtrise de l’énergie : un enjeu majeur pour le développement durable de la Nouvelle-Calédonie et sa sécurité énergétique
3Comme le dit Laure Dobigny (2008) : « Penser l’énergie, c’est penser la société ». Ainsi, l’apparition, dans les années 1970, d’une préoccupation d’économie d’énergie, rebaptisée rapidement « Maîtrise de la demande en énergie », signale un changement significatif au sein des sociétés occidentales. En effet, depuis leurs révolutions industrielles qui, à partir de la fin du xviiie siècle, les avaient fait passer de sociétés à dominante agraire à des sociétés industrielles, les sociétés occidentales (européennes d’abord, puis nord-américaines et japonaises) s’étaient engagées dans la poursuite d’un développement économique qui « se mesurait notamment par l’augmentation régulière et illimitée de la production et de la consommation de charbon, de pétrole, de gaz, d’électricité » (Laponche, 2008). À la suite des chocs pétroliers des années 1970, « il y a eu prise de conscience que les ressources énergétiques fossiles ne sont pas illimitées, que leur consommation sans précaution entraînerait leur raréfaction et l'augmentation de leur coût, que la concentration des ressources les plus importantes dans certaines zones géographiques peut entraîner de graves crises économiques et politiques » (Laponche, 2008).
4La question de « la Maîtrise de la demande en énergie » au sens d’économie d’énergie – et non plus au sens premier du terme qui est de capter les différentes sources d’énergie disponibles pour les utiliser à différentes fins, ce que font les sociétés humaines depuis toujours – devint dès lors une préoccupation majeure des sociétés industrielles contemporaines. En France, cela a conduit à la création, en 1974, de l’Agence pour les économies d’énergie (AEE). En 1982 est créée l’Agence française pour la maîtrise de l’énergie (AFME). Le remplacement du terme « économie » d’énergie par « maîtrise » de l’énergie est significatif. Il montre en effet que s’il y a bien eu une prise de conscience et une volonté politique, à partir des années 1970, de limiter la consommation énergétique, celles-ci s’inscrivaient cependant dans la continuité d’un développement économique industriel énergivore avec lequel il ne s’agissait pas de rompre, mais seulement d’en limiter quelques effets délétères. En 1990 est créée, l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), née de la fusion de plusieurs organismes dont l’AFME.
5Qu’en est-il aujourd’hui ?
6On constate d’abord que c’est toujours l’expression « Maîtrise de la demande en énergie » qui est utilisée (et non l’expression plus forte d’économie d’énergie). Mais qu’entend-on exactement par là ? La définition qui semble être la plus usitée est celle de Gellings traduite par Kaehler (1993) dans sa thèse de doctorat en énergétique :
« La Maîtrise de la demande d’énergie (MDE) désigne les actions conduites par les pouvoirs publics et par les producteurs et/ou distributeurs d’énergie, destinées à inciter et parfois obliger les usagers d’un secteur d’activités à changer leur manière d’utiliser ou de consommer de l’énergie. »
7Jean-Sébastien Froc (2006) précise que « cette définition est issue du concept deDemand-Side Management développé aux États-Unis en 1984 par Gellings (EPRI 1984, Gellings 1996), qui a ensuite été repris en France au début des années 1990 sous le terme de Maîtrise de la demande en électricité (MDEc) avant d’être élargie aujourd’hui à toutes les formes d’énergie ». Il s’agit donc bien, dans cette définition, de politiques publiques qui impulsent une dynamique d’économies d’énergie dans la société. Les choses sont claires : la MDE ne peut s’effectuer sans volonté politique. Dans le contexte politique contemporain où les appels à la seule responsabilité individuelle sont légions et s’inscrivent dans le cadre d’une pensée néolibérale, il est bon de rappeler l’existence d’une responsabilité des politiques, élus et représentants du peuple. Il s’agit bien pour eux d’élaborer une politique énergétique qui va ou non dans le sens d’une maîtrise de la demande en énergie. D’autres expressions sont également utilisées comme « Utilisation rationnelle de l’énergie » (URE) ou « efficacité énergétique ».
8On constate que les questions énergétiques ont pris une place croissante dans les débats publics, en raison du réchauffement climatique, de la perspective de la fin prochaine de la ressource pétrolière, de l’augmentation des prix du pétrole, de la prise de conscience environnementale, de l’industrialisation accélérée de pays comme l’Inde et la Chine, etc. Mais, comme le dit Laponche (2008) en dépit de cet avertissement et des menaces sur l'environnement global qui se confirment année après année, la poursuite des tendances actuelles, selon le paradigme de priorité à l'offre d'énergie, conduit à l'impasse du développement, accentue les inégalités entre pays riches et pays pauvres et contribue à la fracture sociale.
9Pourtant les enjeux de MDE sont majeurs. Les changements de pratiques en matière d’habitat, de consommation, de transports, de systèmes industriels, etc. constituent non seulement une marge de manœuvre considérable pour la sécurité énergétique, mais également un potentiel très important en matière d’économies d’énergie. Certains pays se sont d’ailleurs engagés plus que d’autres dans cette voie (les pays nordiques, l’Allemagne, l’île de la Réunion…). En première lecture, on pourrait penser que la MDE, qui conduit à faire des économies d’énergie, constitue une baisse de revenus pour les opérateurs d’énergie et que ces derniers n’auraient donc pas d’intérêt économique à s’engager dans cette voie. On s’aperçoit, au contraire, qu’émergent de nouveaux marchés et de nouveaux produits (comme les Certificats d’économie d’énergie) qui permettent de concilier économies d’énergie et croissance économique. L’existence et le développement – en Californie, en Allemagne et dans les pays scandinaves notamment – de ce que l’on appelle la Green Economy ouvrent des perspectives prometteuses, notamment en matière de MDE et d’ER, dont pourrait s’inspirer la N.-C.
10Jusqu’à présent, la N.-C. s’est inscrite dans le cadre d’une économie de marché énergivore, basée sur l’exploitation des ressources minières et sur l’industrie métallurgique. Mais la création, en 1981, du Comité territorial pour la maîtrise de l’énergie (CTME) montre une certaine volonté politique de s’engager dans la voie des économies d’énergie et du développement des Énergies renouvelables (ER). La N.-C. dispose en effet de nombreux atouts pour devenir leader en matière de MDE et d’ER.
11Dans cette partie, nous commencerons par présenter les principaux discours et pratiques en matière de MDE, en N.-C. et en dehors de la N.-C. Puis, nous déclinerons la question de la MDE par grands secteurs : bâtiment, équipements, systèmes industriels et transports. Et enfin, nous terminerons par une présentation des méthodes d’évaluation des dispositifs repérés.
1. L’énergie dans les discours et les pratiques
12Dans ce point, nous commencerons par présenter les discours et les pratiques que certains acteurs de N.-C. ont sur les questions énergétiques en général et sur la MDE en particulier. Puis, nous ferons un état de l’art de la MDE en dehors de la N.-C.
13Et enfin, nous ferons quelques propositions pour faire évoluer les discours et les pratiques des Néo-Calédoniens vers davantage de MDE.
1.1. État des lieux des discours et des pratiques actuels des différents acteurs vis-à-vis de l’énergie (et de la MDE) en Nouvelle-Calédonie
14Les discours actuels vis-à-vis de l’énergie, auxquels on peut avoir accès, émanent d’acteurs qui ont un intérêt direct pour les questions énergétiques (opérateurs d’électricité, services administratifs compétents, associations écologistes, associations de consommateurs, industries minières, etc.). On ne sait pas grand-chose de ce que disent et pensent la majorité des habitants de N.-C. sur les questions énergétiques puisqu’il n’existe pas d’enquête de type sociologique ou anthropologique ayant porté sur ce sujet. On peut cependant émettre quelques hypothèses élaborées à partir des travaux anthropologiques ayant porté sur les questions d’environnement, de mine et de forêts sèches en N.-C., à partir d’une revue de presse que nous avons réalisée au sein du quotidien Les Nouvelles Calédoniennes, et à partir des discussions que nous avons eues lors de la mission du mois de mars 2009 à Nouméa.
15La question des pratiques pose des problèmes similaires. En effet, il n’existe pas davantage d’études décrivant et analysant les pratiques en matière d’énergie et de MDE des différentes catégories de la population de N.-C. Si une enquête sur les modes de consommation des ménages est en cours par l’Isee (les résultats devraient être publiés en juin ou juillet 2009), le travail de cette expertise a souffert d’un manque de données sur le sujet.
16La question des pratiques peut se subdiviser en deux sous-thèmes. Elle pose en effet d’abord la question des modes de consommation des différents acteurs de N.-C. Et elle pose ensuite la question des modes de production en matière énergétique, question intimement liée à celle des politiques publiques en la matière. Les données générales sur la production et la consommation ayant été mentionnées dans « La situation énergétique » de cet ouvrage, nous ne présenterons ici que les modes de consommation des ménages néo-calédoniens.
17Les modes de consommation (et leurs différences socioculturelles) concernent :
- les ménages (équipement électroménager, consommation d’électricité et de gaz, achat de voiture, modes de déplacement, budget énergétique, etc.) ;
- les acteurs industriels (industries minières et autres) ;
- les acteurs publics (services administratifs de l’État, du gouvernement, des Provinces, etc.).
1.1.1. Les discours actuels des différents acteurs vis-à-vis de l’énergie
1.1.1.1. Les discours des associations
1.1.1.1.1. Les discours des associations écologistes
18Globalement, les associations écologistes critiquent fortement les choix énergétiques effectués par le gouvernement de N.-C. Elles considèrent que ces choix favorisent uniquement les industriels de la mine au détriment des habitants du pays et de l’environnement. Elles considèrent que ces choix sont responsables de la très forte dépendance énergétique de la N.- C. et entravent le développement des énergies renouvelables et de la MDE pour lequel elles militent.
Action Biosphere
19Pour cette association écologiste, la politique énergétique de la N.-C. privilégie l’industrie minière, au détriment, d’une part, de l’intérêt des Néo-Calédoniens et, d’autre part, de l’environnement. Elle dénonce une collusion entre l’État français (qui a exclu la N.-C. du protocole de Kyoto et octroyé la défiscalisation à Prony Energies), le gouvernement de N.-C., les industriels de la mine et les opérateurs d’électricité.
20Les industriels de la mine bénéficient de tarifs préférentiels pour l’achat de KWh, alors que les ménages, mêmes les plus modestes, le paient au prix fort, ce qui s’apparente pour Action Biosphere, à une subvention déguisée pour les sociétés métallurgiques. Cette « subvention » s’ajoute, poursuit Action Biosphere, à la détaxe du fioul et du charbon à l’importation, ce qui constitue aussi pour les industriels un cadeau fiscal et, par conséquent, un manque à gagner pour le pays. Selon Action Biosphere, le prélèvement d’une somme infime, sur la tonne de charbon et de fioul importée, permettrait pourtant d’alimenter un fonds très important qu’on pourrait affecter à l’aide à l’investissement pour le développement des énergies renouvelables.
21Pour Action Biosphere, les choix énergétiques de la N.-C. et, notamment, la construction de plusieurs centrales au charbon ne font que renforcer l’extrême dépendance énergétique du pays à l’égard des énergies fossiles, et rend donc son économie encore un peu plus vulnérable.
22Elle propose de développer les énergies renouvelables (solaire, éolien, etc.) pour satisfaire les besoins en électricité des ménages.
EPLP (Ensemble pour la Planète)
23EPLP (Ensemble pour la Planète) est une fédération de 19 associations (dont Action Biosphere, le WWF, Rhéébu Nuu, Association pour la Sauvegarde de la nature néo-calédonienne, etc.) et de citoyens engagés pour la sauvegarde de l’environnement.
24Ce réseau d’associations et de citoyens écologistes pointent du doigt l’extrême dépendance énergétique de la N.-C. vis-à-vis des énergies fossiles, liée au choix économique de développer la métallurgie du nickel. Malgré ces constats alarmants, les collectivités de N.-C. ne s'engagent pas vers les énergies renouvelables, le photovoltaïque raccordé au réseau ne fait l'objet d'aucun plan d'envergure, selon EPLP. Les représentants d’EPLP soulignent l’absence de relais politique sur ces questions énergétiques.
25EPLP brandit la menace d’une crise énergétique majeure à venir, liée à la raréfaction des énergies fossiles et à la hausse de leurs prix.
26Pour EPLP, la politique énergétique de la N.-C. est en fait dictée par le choix d’un développement économique uniquement centrée sur l’industrie minière et la métallurgie du nickel.
27Elle propose de sortir progressivement (dans les 30-40 ans à venir) de cette économie fondée sur le nickel ; de développer une économie (industrie de transformation locale, tourisme local, agriculture, sylviculture, recyclage des déchets…) et une production énergétique alternatives ; de doter la N.-C. d’un véritable plan de maîtrise de la consommation d’énergie et de développement des énergies renouvelables (photovoltaïque, éolien, géothermie…) à l’instar de celui de la Réunion ; d’adopter des mesures incitatives (tarif de rachat du kwh, subventions, prêts à taux réduit…) pour permettre à tout un chacun de produire sa propre électricité ; que les industriels compensent le CO2 qu’ils émettent.
28Comment réduire la dépendance énergétique du pays, diversifier les sources d’énergie, mieux utiliser le potentiel énergétique disponible localement, diminuer les rejets de GES ainsi que les risques de marée noire ?
29EPLP considère que le développement des énergies renouvelables doit être un objectif prioritaire pour le pays.
30Si les discours d’EPLP sont principalement dirigés à l’encontre des choix énergétiques de la N.-C., ils pointent aussi du doigt l’existence de modes de vie et de consommation individuels très énergivores. Mais ils tendent à en rejeter la responsabilité sur les politiques locales qui favorisent, disent-ils, ces modes de surconsommation. Ils considèrent en effet qu’apparaît une fracture entre la population, les industriels et les politiques, la population étant, selon eux, de plus en plus demandeuse d’un développement durable.
31Propositions d’EPLP : adopter des mesures qui permettent la mise en place et le développement du photovoltaïque raccordé au réseau : fixer un prix de rachat incitatif du kWh solaire et des mesures d’aide à l’investissement (70 % du coût d’une installation photovoltaïque) au particulier qui souhaite s’équiper d’une installation photovoltaïque raccordée au réseau. Sensibiliser les consommateurs à la MDE.
1.1.1.1.2. Les discours des associations de consommateurs
32En N.-C., les consommateurs sont représentés par l’association UFC Que choisir qui est présente sur le territoire depuis 1991, grâce à l’affiliation à cette date de l’Unaco (Union des associations de consommateurs) créée en 1974. Sur les questions énergétiques, le discours d’UFC Que Choisir présente des similitudes avec celui des associations écologistes, mais il est beaucoup moins radical et moins axé sur la critique du développement minier, de la construction des trois usines à charbon et de l’industrie métallurgique. En matière énergétique, le discours d’UFC Que Choisir se distingue par la place accordée à la MDE tant dans le secteur de l’équipement des ménages, des modes de consommation, que de l’habitat. Pour cette association, les deux principaux sujets à privilégier sont la maîtrise de la consommation et les économies d’énergie.
33UFC Que Choisir regrette vivement que la MDE ne soit pas davantage évoquée par les pouvoirs publics et que, au contraire, les consommateurs soient incités à consommer davantage. Pour eux, il y a pourtant de gros gisements d’économies d’énergie à faire, en mettant par exemple en place des tarifs avantageux pour l’électricité la nuit, en établissant des tranches creuses, et en créant des normes pour l’étiquetage des produits d’équipement des ménages en fonction de leur rendement électrique. L’étiquette énergie (A, B, C) n’est pas obligatoire en N.-C. parce que la législation française ne s’y applique pas. Il faudrait établir des normes locales, adaptées à la N.-C., qui pourraient être à mi-chemin entre les normes européennes et australiennes, mais jusqu’à présent, rien n’est fait dans ce sens.
34Le développement des énergies renouvelables se heurtent aussi à de fortes résistances locales, tant de la part d’Enercal que des pouvoirs publics. Enercal déciderait de toute la politique énergétique de la N.-C. et serait dans le même état d’esprit qu’EDF dans les années 1960. Le gouvernement de N.-C., qui a racheté les parts de l’État dans Enercal, injecte en effet beaucoup d’argent pour aider Enercal qui est dans une situation difficile. Les projets industriels en cours vont à l’encontre du développement des énergies propres.
35Si, d’après UFC Que Choisir, le gouvernement de N.-C. commence timidement à s’intéresser aux questions de consommation d’énergie depuis deux ou trois ans, il n’adopte pas pour autant une politique incitative pour le développement des énergies renouvelables (éolien et solaire) chez les particuliers. Il n’a, par exemple, pas fixé de tarif du rachat du photovoltaïque.
36De même, en matière d’habitat, il n’y a aucune politique visant à favoriser un habitat plus écologique, économe en énergie, respectant des normes HQE (qui n’existent pas sur le territoire), alors que l’habitat « traditionnel », autant kanak que caldoche, était bien mieux adapté au climat.
37UFC Que Choisir pointe du doigt l’ambivalence de l’attitude des habitants de N.-C. en matière environnementale. En effet, alors que les gens dénoncent et critiquent les choix énergétiques de leur pays, qu’ils acceptent mal le fait d’être l’un des plus gros producteurs de CO2 de la planète et qu’ils adoptent volontiers un discours mettant en avant l’attachement à la beauté de la nature de leur pays, ils continuent d’acheter des véhicules polluants comme les 4X4 – car ils constituent un signe extérieur de richesse – et à être dans une logique de surconsommation d’électricité (piscine, climatiseurs, etc.).
38UFC Que Choisir décèle cependant des changements dans la prise de conscience environnementale, comme on en observe dans l’ensemble des sociétés occidentales grâce, d’une part, à la diffusion du film d’Al Gore sur l’effet de serre, largement diffusé en N.-C. et qui y aurait eu un très fort impact et, d’autre part, grâce à Internet qui offre aux Néo-Calédoniens une fenêtre sur le monde. Dans ce mouvement de prise de conscience collective des enjeux environnementaux en général et des enjeux énergétiques en particulier, selon UFC Que Choisir, les médias locaux jouent, depuis une dizaine d’années, un rôle non négligeable. Après avoir longtemps été à la solde du politique, les médias auraient adopté depuis une dizaine d’années environ, un ton plus libre et critique, dénonçant de temps en temps les choix énergétiques de la N.-C.
1.1.1.2. Le discours des médias
39Afin d’avoir une idée du discours que les médias néo-calédoniens ont sur les questions énergétiques en général et sur les questions de MDE en particulier, nous avons fait une revue de presse sur le site Internet du quotidien Les Nouvelles Calédoniennes, avec les mots-clés suivants : « consommation énergie », « maîtrise énergie » sur la période 2002-2009.
40Nous avons trouvé 90 articles qui évoquent, d’une manière ou d’une autre, les questions énergétiques qu’elles concernent la N.-C., des pays voisins comme le Vanuatu, Samoa, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ou l’Europe et les États-Unis. Sachant que pour l’année 2009, nous n’avons trouvé aucun article avec ces mots-clés, cela fait donc une moyenne de 13 articles par an répartis de la manière suivante :
- 22 articles en 2002
- 11 articles en 2003
- 9 articles en 2004
- 9 articles en 2005
- 8 articles en 2006
- 20 articles en 2007
- 11 articles en 2008
41Ce tableau (cf. tableau n° 1 ci-dessous) n’est qu’indicatif, il ne repose pas sur une analyse exhaustive de l’ensemble des archives des Nouvelles Calédoniennes sur la période 2002-2008. Mais il fournit tout de même des indications sur les thèmes les plus fréquemment abordés au cours de cette période par le principal quotidien de N.-C.
42Il est intéressant de constater que la question des énergies renouvelables occupe la première position, avec une légère baisse d’intérêt pour les années 2004 à 2006. Les énergies renouvelables dont il est le plus question sont l’installation de fermes éoliennes sur le territoire ainsi que la relance de la filière coprah à Ouvéa (biomasse).
43Vient ensuite le thème classique de la production d’électricité et de son transport dans le pays. Les articles qui parlent de ces questions n’adoptent globalement pas de position critique, ils se contentent de relater des faits de production et d’électrification du pays, etc.
44En revanche un certain nombre de textes, trouvés par une recherche avec les mots-clés « énergie et mines » adoptent un discours critique sur les pollutions, de l’air principalement, émises par la centrale à charbon de Prony et par l’usine de Doniambo (cf. article daté du 20 juin 2007, notamment).
45Vient ensuite en troisième position, des articles abordant les questions énergétiques et environnementales en dehors de la N.-C. Si l’année 2002 est, sur ce point, marquée par le Sommet de la Terre, l’année 2008 voit un intérêt soudain pour ce que font les pays du Pacifique Sud en matière d’énergies renouvelables principalement.
46En 2007, la diffusion du film d’Al Gore (premières diffusions en décembre 2006) va impulser un intérêt affirmé pour le réchauffement climatique et l’effet de serre, et va donner lieu à de nombreuses manifestations pour débattre de ces questions.
47Et enfin, on observe en revanche que la question de la maîtrise de la demande en énergie n’occupe qu’une place marginale dans Les Nouvelles Calédoniennes avec un intérêt soudain en 2007, liée principalement à l’installation par EEC de nouveaux compteurs électriques, dits « confort », chez les particuliers, qui visent notamment à faire faire des économies d’énergie aux foyers qui s’en équipent. Sur ce sujet est également mentionnée la construction d’une école respectant les normes HQE à Ducos.
1.1.1.3. Les discours des Néo-Calédoniens
48Quels sont les discours des différents habitants de N.-C. sur les questions énergétiques en général et sur les questions de MDE en particulier ? En l’absence d’enquêtes sur ce sujet, il est difficile de répondre à cette question. On peut cependant émettre plusieurs hypothèses qui nécessiteront des enquêtes ultérieures pour être confirmées ou infirmées. Ces hypothèses émergent des travaux en sciences sociales portant sur les questions d’environnement, de mines et de forêts sèches, sur une analyse non exhaustive de la presse locale et sur les entretiens effectués lors de notre mission du mois de mars 2009 à Nouméa. On commencera d’abord par présenter quelques données brutes sur le sujet, puis on en fera une rapide analyse :
- Il n’y a pas de problème d’acceptation des éoliennes de la part de la population, comme l’indique l’absence de mouvement de protestation comparable à ceux existant en métropole.
- On observe l’existence de discours critiques à l’encontre des pollutions atmosphériques émises par l’usine de Doniambo, qui semblent montrer une prise de conscience et un intérêt vis-à-vis des questions de pollution atmosphérique, de réchauffement climatique et d’effet de serre. C’est d’ailleurs ce que corrobore le succès du film Une vérité qui dérange largement diffusée en N.-C. à partir de fin décembre 2006. D’après plusieurs articles des Nouvelles Calédoniennes, ce film aurait eu un très grand succès : en une semaine d’exploitation (du 6 au 12 décembre 2006), le documentaire adapté du livre d’Al Gore sur les causes et les conséquences du réchauffement climatique mondial a attiré 1 436 personnes (contre 1 310 pour Da Vinci Code (Nouvelles Calédoniennes, 19/12/2006). Les propos recueillis par le journaliste auprès des spectateurs montrent un intérêt et une prise de conscience pour ces questions de réchauffement climatique. Dans un article des Nouvelles Calédoniennes daté du 17/03/2007, le journaliste rapporte les propos de plusieurs lycéens qui viennent de visionner le film Une vérité qui dérange. Et ces jeunes calédoniens semblent particulièrement touchés et concernés par le problème du réchauffement climatique, se disant prêts à modifier leurs pratiques, à sensibiliser leur entourage, etc.
- Les actions de sensibilisation menées notamment par l’ADEME semblent être efficaces lorsqu’elles utilisent le support du cinéma. En effet, alors que la projection du film Une vérité qui dérange a attiré un large public et donné lieu à de nombreux échanges, une conférence sur l’effet de serre organisée en août 2007 au centre Tjibaou par l’ADEME n’a réussi à attirer que… cinq personnes (Nouvelles Calédoniennes, 30/08/2007). Si, dans son article, le journaliste souligne l’intérêt et la longueur des débats qui eurent lieu, le nombre extrêmement faible de spectateurs est à mettre en regard du succès rencontré par le film d’Al Gore. On peut en déduire que l’intérêt que les Néo-Calédoniens manifestent vis-à-vis du réchauffement climatique et de l’effet de serre est très fortement corrélé au support utilisé dans les actions de sensibilisation.
- Le fait d’être l’un des plus gros émetteurs par habitant de CO2 de la planète semble poser problème aux Calédoniens.
- On observe l’existence de discours critiques vis-à-vis de l’absence, ou en tous cas de l’insuffisance de pratiques et de politiques environnementales émanant, d’une part, des opérateurs miniers et, d’autre part, du gouvernement. Les vifs conflits qui ont opposé les Kanaks au projet de l’usine de Goro Nickel en témoignent amplement.
- On note l’existence de nombreux discours en faveur des énergies renouvelables (éoliennes et photovoltaïque) qui ont une très bonne image aux yeux de la population du territoire.
- Mais on peut aussi constater l’absence de discours critiques sur les usages de 4X4, d’équipements électroménagers, d’habitats énergivores, etc. Les discours critiques se focalisent principalement sur l’industrie minière, sur les projets d’usine à charbon et ne portent pas ou beaucoup moins sur les modes de consommation des ménages, sur les politiques en matière de transports et d’habitat. On entend même souvent dire, qu’étant donné le poids considérable de l’activité minière dans la consommation d’énergie sur le territoire, il est inutile de faire des économies d’énergie dans les autres domaines, que ce soit la distribution publique d’électricité, les modes de consommation des ménages ou les moyens de transport. Ces économies d’énergie sont en effet perçues comme tout à fait négligeables et donc inutiles au regard des dépenses considérables d’énergie effectuées par l’exploitation des mines. Celle-ci a donc comme effet délétère d’induire une sorte d’inertie et de paralysie en matière de MDE, dans une logique du « tout ou rien » : soit on fait un choix de société qui cherche à économiser l’énergie dans tous les domaines, soit on fait un choix de société qui dépense et gaspille de l’énergie dans tous les domaines. Comment aller à l’encontre de cette dynamique et convaincre l’ensemble des acteurs du territoire de l’importance de la MDE même dans un contexte néo-calédonien marqué par des choix industriels énergivores ?
49On peut donc dire qu’il existe clairement en N.-C. un discours environnementaliste ou écologiste qui s’exprime bien au-delà des seules associations écologistes. Ce discours est très critique vis-à-vis des pollutions engendrées par l’exploitation minière, qu’il s’agisse des pollutions atmosphériques (dues notamment à l’usine de Doniambo), des pollutions du sol, ou du lagon. Il pointe aussi du doigt les dégâts considérables que l’exploitation minière engendre sur la biodiversité des maquis miniers, milieu considéré par les naturalistes comme le plus intéressant et le plus riche de N.-C. De ces discours portés tant par des Kanaks, que par des Caldoches ou des métropolitains, on peut en déduire que les Néo-Calédoniens sont certainement très favorables au développement des énergies renouvelables et à toute politique énergétique visant à limiter les impacts environnementaux. L’attachement des Kanaks mais aussi des Caldoches à leur pays, à ses richesses naturelles ressort des enquêtes anthropologiques menées sur les questions environnementales (Faugère, Horowitz, Demmer…).
50Si l’industrie minière est la cible de nombreuses critiques, le projet d’usine du nord est cependant largement accepté par la population, kanak notamment, en raison du développement économique et de la création de milliers d’emplois qu’elle est censée engendrer. Parallèlement à un discours environnementaliste, on trouve donc également un discours très favorable au développement de cette activité économique, dans la mesure où elle contribuerait au rééquilibrage entre le nord et le sud, et à instaurer davantage de justice sociale et économique.
51De l’existence de ces deux discours, on peut certainement en inférer que les Néo-Calédoniens sont favorables à un développement durable de leur pays, et non pas à un développement économique et industriel qui ne tiendrait compte ni des aspects environnementaux ni des aspects sociaux.
52Mais ces discours sont évidemment à mettre au regard des pratiques des Néo-Calédoniens qui, en zone urbaine en tous cas, sont dans une logique de consommation énergivore (achat de 4X4 polluants, suréquipement, habitat, etc.). Au plan des modes de consommation, les disparités villes/campagnes sont patentes. Mais des enquêtes plus fines montreraient certainement que le principal facteur de différenciation est davantage socioéconomique, qu’ethnique ou géographique.
1.1.1.4. Les discours des acteurs publics
1.1.1.4.1. Le paysage institutionnel néo-calédonien en matière d’énergie
53Le Congrès de la N.-C. est l’organe législatif du territoire. Il vote les lois de pays qui lui sont présentées par le gouvernement ou qui sont proposées par des élus du Congrès. Le Congrès est composé de 54 élus qui sont tous des élus des Assemblées des trois Provinces. Parmi les commissions intérieures du Congrès, l’une s’intitule « Infrastructures publiques et énergie ». Elle est dirigée par Guy George.
54Le Congrès élit le gouvernement de la N.-C., qui est l’organe exécutif. Le gouvernement divise ses champs de compétence en différents secteurs qui sont ensuite répartis entre chacun de ses membres, chargés d’animer et de contrôler un ou plusieurs secteurs. Gérald Cortot est chargé du secteur Énergie. À ces différents secteurs correspondent des directions administratives dirigées par le gouvernement. C’est la Dimenc qui a en charge les questions énergétiques.
55En matière d’énergie, la Dimenc collabore à l’orientation et à la mise en œuvre de la politique énergétique de la N.-C., participe à la réalisation des études techniques et économiques dans les domaines de l’énergie ainsi qu’à la promotion des projets permettant d’effectuer des économies d’énergie ou de développer de nouvelles sources d’énergie, notamment les énergies renouvelables. Elle est également chargée d’instruire et de préparer les textes fixant le prix des hydrocarbures liquides, du gaz et de l’électricité, de contrôler les installations de transport d’énergie électrique, d’assurer la gestion de l’entretien et le développement des nouvelles infrastructures du réseau des centres émetteurs et de prendre en charge le secrétariat du comité de gestion du fonds d’électrification rurale (FER) et du comité territorial pour la maîtrise de l’énergie (CTME). Elle propose les mises à jour des prix, négocie annuellement avec les trois pétroliers la structure des prix, revoit avec Enercal et EEC le prix du kWh, calcule les soldes de péréquation, étudie en collaboration avec les services les demandes d’autorisations d’installations classées (ICPE), contrôle les installations classées, contrôle les volucompteurs (pompes des stations services).
56En juillet 2007, le gouvernement a arrêté un projet de délibération portant création de l’Observatoire de l’énergie, outil pour la mise en œuvre de la politique énergétique de la N.-C. Il s’agit de créer au sein du service énergie de la Dimenc (Direction de l’industrie, des mines et de l’énergie de la N.-C.) un observatoire chargé de collecter les diverses informations sur la situation énergétique de la N.-C. fournies par les acteurs de l’énergie que sont les importateurs, les producteurs, les transporteurs, les distributeurs et les consommateurs des différentes énergies. Cette base de données sera un outil d’évaluation et de contrôle des actions visant à la maîtrise de l’énergie et au développement des énergies renouvelables. Ce n’est qu’en avril 2008, que le Congrès a décidé à l’unanimité la création de cet observatoire de l’énergie ainsi que d’un comité permanent. Le comité permanent, animé par la Dimenc, coordonnera les réflexions sur le développement des énergies renouvelables en N.-C. Il proposera la mise en place de groupes de travail, et contribuera à définir la politique énergétique du pays.
57L’observatoire de l’énergie sera chargé pour sa part de collecter et synthétiser les données actuellement disparates permettant de faire un état des lieux des besoins et des ressources en matière énergétique. À ce jour, la Dimenc travaille essentiellement avec des données fournies par les industriels et peu d’études statistiques et globales ont été menées sur l’importation, la production et la distribution. La mission de cet observatoire sera donc de constituer une banque de données à la disposition des décideurs politiques, des industriels, des associations et des particuliers (article Nouvelles Calédoniennes 28/04/2008).
58Il existe un outil institutionnel de mise en œuvre d’actions de promotion des énergies renouvelables et de maîtrise de l’énergie de la N.-C. : le fonds de concours pour la maîtrise de l’énergie (http://dimenc.gouv.nc/portal/page/portal/dimenc/les_services/energie/maitrise_energie/fond_energie).
59Ce fonds est alimenté par des participations financières de la N.-C. et de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME). La part de la N.-C. émane d’une taxe sur l'essence (Taxe parafiscale pour les énergies renouvelables : TER). Les actions susceptibles d’être subventionnées totalement ou partiellement par le FCME s’inscrivent dans les objectifs généraux suivants :
- utilisation rationnelle de l’énergie ;
- promotion des énergies renouvelables ;
- économies de matières premières énergétiques.
60Ces opérations sont financées soit conjointement entre l’ADEME et la N.-C., soit en financement propre de la N.-C. Outre ce programme d’opérations adopté annuellement, le FCME contribue au programme annuel d’électrification rurale en subventionnant les installations électriques intérieures et les appareils de froid des habitations alimentées par un générateur photovoltaïque mis en place dans le cadre du programme du fonds d’électrification rurale (FER). La gestion du FCME est confiée au comité territorial pour la maîtrise d’énergie (CTME).
61Le comité comprend les membres suivants :
- président : la présidente du gouvernement de la N.-C. ou son représentant ;
- vice-président : le président du congrès de la N.-C. ou son représentant ;
- le président de l’assemblée de la province des îles Loyauté ou son représentant ;
- un membre de l’association française des maires de N.-C. ;
- secrétaire : le directeur de l’industrie, des mines et de l’énergie de la N.-C. ;
- le directeur des affaires vétérinaires, alimentaires et rurales ;
- le payeur de la N.-C. ;
- le responsable de l’ADEME en N.-C. ;
- le chargé de mission énergie de l’ADEME en N.-C. ;
- le président de l’assemblée de la Province Sud ou son représentant ;
- un membre de l’association des maires de N.-C.
62Exemples de projets aidés par le CTME :
- soutien au marché de la lampe basse consommation (LBC) ;
- soutien au marché du chauffe-eau solaire individuel (Cesi) ;
- mise en place d’une qualification de performance thermique dans les logements neufs (Ecocal) ;
- soutien à la filière biocarburant (Coprah d’Ouvéa, Tournesol en Province Nord) ;
- électrification de particuliers au moyen d’installations photovoltaïques, éoliennes… ;
- la gare de péage de Tina est équipée depuis juillet 2007 de la première ferme photovoltaïque de N.-C. raccordée au réseau de distribution. Elle a été financée à hauteur de 31 % de son coût global. Toutes les informations concernant cette installation sont disponibles sur un tableau d'affichage dans les locaux de la gare.
1.1.1.4.2. L’évolution des politiques publiques en matière d’énergie
63Un article des Nouvelles Calédoniennes daté du 11 septembre 2008 rend compte d’une évolution sensible dans les politiques gouvernementales en matière énergétique. En effet, le projet d’évolution du réseau électrique présenté par le gouvernement pour les sept prochaines années met en avant les énergies renouvelables, l’autonomie en approvisionnement et les tarifs. Gérald Cortot, responsable de l’énergie à l’exécutif calédonien, a présenté une double délibération sur l’électricité largement teintée de vert :
64« D’abord, il y a la “programmation des investissements de production” d’ici à 2015. Dans la trilogie “analyse de la situation, objectifs à atteindre, définition des moyens”, il s’agit des objectifs. Ils sont au nombre de quatre : garantir la sécurité de l’approvisionnement ; réduire la dépendance envers l’extérieur ; assurer “un prix compétitif” et limiter les impacts sur l’environnement ».
65Pour toutes ces raisons, les énergies renouvelables seront « au cœur de la réforme », par le biais d’une « politique volontariste ». C’est-à-dire des investissements (dont le montant reste à définir) et une réglementation qui favoriseront l’éolien, le photovoltaïque et l’énergie hydraulique. Le but étant de faire passer la part des énergies renouvelables de 14 % à 21 % de la production totale (consommation de la SLN non comprise).
66Deuxième point : le système tarifaire. Grâce aux centrales au charbon à venir (le nouveau Doniambo et Prony Energies), qui assureront des prix plus bas que les éoliennes ou le photovoltaïque, le « mix énergétique » permettra d’assurer un prix « compétitif » pour le consommateur, prévoient les élus. Tout en assurant une « juste » rémunération des producteurs d’énergie renouvelable. Le principe d’un prix identique dans tout le pays sera maintenu.
67L’un des objectifs de la réforme électrique sera de réduire la quantité de CO2 émise par les installations de production. Mais, alors que des investissements vont être réalisés pour produire plus propre, la N.-C. ne limite toujours pas les rejets carboniques des centrales thermiques (fioul ou charbon), existantes ou prévues. La raison est simple : le pays n’a pas adhéré au protocole de Kyoto, cet engagement international de lutte contre l’effet de serre. Du coup, le « facteur Co n’a pas été pris en compte, d’un point de vue réglementaire, dans la construction des futures centrales à charbon de Doniambo et Prony Energies » (Nouvelles Calédoniennes, 11/09/2008).
68Si le gouvernement affiche donc des ambitions nouvelles en matière d’énergies renouvelables, la question de la MDE occupe une place marginale dans les préoccupations du gouvernement, en dépit du lancement en 2005 de l’opération Ecocal, projet de maîtrise de l’énergie dans les logements néo-calédoniens. Une recherche dans Les Nouvelles Calédoniennes avec le mot-clé « Ecocal » depuis 2005 montre d’ailleurs soit l’inexistence de projets Ecocal soit le désintérêt de ce journal pour cette opération puisque seulement cinq articles en parlent. Seuls quelques projets pilotes (projet de l’école de Kaméré, lotissements dans la zone VKP…) sont à l’étude. Mais ce cahier des charges, mis en place par le CTME qui se rapproche des normes HQE (Haute Qualité environnementale) n’est pas contraignant. La réglementation fait donc encore défaut en matière de MDE dans les constructions et le bâtiment.
1.1.1.4.3. Les Provinces
Les Provinces sont compétentes en matière d’environnement.
69La Province Sud a mis en place en mars 2009 un nouveau Code de l’environnement qui stipule que « les exigences de la protection de l’environnement et de la lutte contre l’intensification de l’effet de serre doivent être intégrées dans la définition et la mise en œuvre des politiques et actions provinciales, en particulier afin de promouvoir le développement durable ». Il précise également que, « dans le cadre des ICPE soumises à régime d’autorisation ou de déclaration, des prescriptions peuvent être émises, de manière générale ou au cas par cas, concernant la maîtrise de l’énergie ou les émissions de GES (via les notions de meilleure technologie disponibles et de prescriptions concernant des émissions de polluants) ». Dans cette même optique, la Stratégie de la Province Sud pour le développement durable, daté également de mars 2009, comprend un premier axe intitulé « Lutte contre le changement climatique et réduction de la dépendance énergétique ». Des actions y sont énoncées dans les domaines du développement des énergies renouvelables, la diminution des émissions de GES et la mesure et la prévision des répercutions locales du changement climatique (par exemple, mettre en place un référentiel local d’urbanisme durable, introduire les ENR dans le logement social (100 % des nouveaux logements équipés en solaire thermique, promouvoir des opérations avec du solaire photovoltaïque), étudier l’opportunité d’une taxe carbone provinciale, etc). Et enfin, les codes des aides à l’investissement en Province Sud intègrent eux aussi des mesures allant dans le sens de la MDE.
70La situation des Provinces du Nord et des îles Loyauté se distingue en matière énergétique de la Province Sud par l’absence d’un tissu urbain et industriel comparable à celui existant en Province Sud. Ce sont des provinces rurales, majoritairement peuplées de Kanaks, dans lesquelles les pratiques en matière d’énergie et les modes de consommation diffèrent fortement de ceux de la Province Sud.
71La construction de l’usine du Nord reste encore à l’état de projet. Mais on assiste cependant, dans cette perspective, à la densification d’un tissu pré-urbain, avec la construction de nouveaux logements, de nouvelles infrastructures publiques, l’amélioration du réseau routier, etc.
72Le discours porté par la Province Nord s’inscrit clairement dans une logique de développement durable avec la mise en avant des richesses naturelles, de la biodiversité, de l’écotourisme, etc.
73Dans la Province des îles, le discours est orienté vers le développement des énergies renouvelables (éolien notamment) mais aussi du coprah avec l’huilerie d’Ouvéa. Mais les problèmes de fonctionnement de cette huilerie sont récurrents en raison du problème majeur de la disponibilité du coprah qui est pourtant payé au producteur le double de son prix sur le marché international. Selon Jacques Wamalo, le Secrétaire général de la Province des îles Loyauté, les propriétaires fonciers des cocoteraies occupent des emplois salariés dans d’autres secteurs et ne coupent donc pas le coprah. Ceux qui pourraient trouver un revenu complémentaire dans cette activité ne possèdent pas la ressource, ce qui crée des problèmes récurrents pour la coupe du coprah. D’après lui, les problèmes de fonctionnement de l’huilerie d’Ouvéa liées aux difficultés d’approvisionnement sont largement liés aux questions foncières (cf. la dernière partie).
74Il existe un schéma de l’énergie en cours de constitution dans les îles Loyauté.
1.1.1.4.4. Le Grand Nouméa
75La Province Sud abrite les deux tiers de la population de N.-C. dans un tissu urbain qui ne cesse de se densifier et qui relie les villes de Nouméa, Dumbéa, Mont Dore et Païta. En dépit de l’émergence d’une intercommunalité en N.-C. (le Syndicat intercommunal du Grand Nouméa a été créé en 2006), il n’existe pas encore de politique intercommunale en matière énergétique, que ce soit pour les transports, le bâtiment, l’éclairage public ou l’urbanisme. Au regard du rythme de développement très rapide du Grand Nouméa, les pouvoirs publics tentent avant tout de gérer l’urgence en répondant aux besoins primaires, d’habitat et de transport notamment. L’urgence étant par exemple de construire de nouveaux logements en raison des problèmes importants de surpopulation dans les logements et du développement des squats, et non de développer un habitat aux normes HQE.
1.1.1.4.5. L’ADEME
76Présente depuis 1981 en N.-C., l’ADEME ne possède un représentant permanent que depuis 2002, suite à la signature de l’accord-cadre avec les Provinces pour la modernisation de la gestion des déchets et la surveillance de la qualité de l’air.
77L’ADEME est une agence qui dépend directement du gouvernement français et dont le rôle est d’accompagner techniquement et financièrement les collectivités qui le souhaitent en matière de politique des déchets, de surveillance de la qualité de l’air et de promotion des énergies renouvelables. En N.-C., l’ADEME a un rôle de conseil et d’accompagnement dans la mise en œuvre des politiques publiques dans les domaines de l’environnement, de l’énergie et du développement durable. Elle participe notamment au Comité territorial pour la maîtrise de l’énergie qui gère le Fonds de Concours pour la maîtrise de l’énergie alimenté à parité par l’ADEME et le gouvernement de N.-C.
78Doté d’une enveloppe financière de 210 M F CFP en 2009, les actions soutenues visent à promouvoir la maîtrise de l’énergie (en particulier la qualité thermique et les performances énergétiques des logements neufs au travers d’Ecocal), le développement des énergies renouvelables, la Haute Qualité environnementale et l’utilisation de la méthode Bilan Carbone®. Pour 2009, les priorités affichées sont les suivantes :
- dynamiser la filière solaire thermique ;
- accompagner le développement des énergies renouvelables en sites isolées, en particulier dans les îles : photovoltaïque, éolien ;
- promouvoir le diagnostic énergie en allant vers les entreprises par le biais d’opérations groupées ;
- développer des actions significatives en termes de sensibilisation et de formation pour aller à moyen terme vers la création d’un réseau structuré d’information ;
- renforcer la connaissance dans le domaine de l’énergie et de l’effet de serre.
1.1.1.5. Les discours des opérateurs d’électricité
79Toutes les réponses faites à nos questions sur l’intérêt d’EEC pour la MDE montrent un intérêt pour la réduction de la pointe (ou la maîtrise de la pointe) mais pas pour une réduction des consommations. EEC reconnaît des comportements « gaspilleurs », mais estime que l’évolution des comportements ne relève pas de ces attributions. Les actions envisagées visent à limiter la pointe en déplaçant certaines charges vers des périodes creuses. « Le chiffre d’affaires, c’est la température » ! nous a dit Yves Moreau.
80Sur les ER, le discours d’EEC semble beaucoup plus ouvert que celui d’Enercal. En 2007, EEC a fait réaliser une étude sur la biomasse qui confirme l’existence d’un potentiel pour des plantations énergétiques. Mais EEC souligne l’absence de volonté politique pour la mise en place d’une telle filière. Ils semblent disposer de projets qui attendent un contexte politique plus favorable pour pouvoir être implémenter. Selon EEC, il n’y a pas de volonté politique de développer les ER alors que tous les autres acteurs y sont prêts. Dans un article paru le 1er juillet 2007 dans le magazine en ligne Made’In n° 10, Yves Morault, le directeur d’EEC présente le programme d’EEC en termes d’énergies renouvelables et de MDE. Il y insiste sur la nécessité de développer et d’utiliser les énergies renouvelables et notamment le soleil et le vent, et de s’engager sur la voie de la MDE, domaine dans lequel, dit-il, il existe de grandes quantités d’énergie à économiser.
1.1.2. Les pratiques actuelles des différents acteurs vis-à-vis de l’énergie
81La question des pratiques actuelles des différents acteurs vis-à-vis de l’énergie renvoie à plusieurs sous questions. Elle renvoie d’abord aux modes de consommation des ménages, sujet sur lequel on manque cruellement de données, l’enquête de l’Isee sur ce point n’étant pas parue au moment de la rédaction. Cette enquête, quantitative, gagnerait à être suivie d’une enquête qualitative portant sur la diversité et la disparité des modes de consommation des habitants de N.-C. en matière d’énergie, de leurs usages domestiques, de leurs rapports au modes de transport, à l’habitat, etc. Il serait en effet crucial et urgent de disposer de données précises sur ces thématiques. Dans le cadre de cette expertise, on ne pourra donc que donner quelques éléments très sommaires et généraux, ou hypothétiques sur les usages et modes de consommation des ménages néo-calédoniens en matière d’énergie et de MDE.
82La question des pratiques renvoie aussi à celle des modes de consommation des acteurs publics et privés (administrations, entreprises…), domaines où les informations font également défaut.
83Ce qui est, en revanche, mieux connu ce sont le contenu des politiques publiques en matière d’énergie, les données quantitatives en matière de production et de consommation d’électricité. La Dimenc et son Observatoire de l’énergie, ainsi que l’Isee ont produit sur ces sujets des données générales et des synthèses précises et actualisées. Même si ces données sont déjà bien connues des commanditaires de cette expertise, il nous a semblé utile de les rassembler dans « La situation énergétique » de ce document. Ici, nous présenterons l’état des connaissances en matière de consommation des ménages, connaissances qui demeurent très sommaires, et qui nécessiteraient de mettre en œuvre des enquêtes qualitatives portant sur les usages que les ménages néo-calédoniens font de l’énergie, et de la signification que ces usages revêtent pour eux.
1.1.2.1. La consommation des ménages en matière énergétique
84Les données sur la consommation des ménages de N.-C. font largement défaut. Si l’on peut trouver quelques données dans les recensements de la population, ces données restent sommaires. De plus, le dernier recensement date de 2004, mais a été largement boycotté en raison de la suppression de la question sur l’appartenance dite ethnique imposée par Jacques Chirac. Dans celui de 1996, aucune question ne portait sur l’équipement des ménages. Il faut donc remonter à celui de 1989…
85Une grande enquête sur le budget de consommation des ménages (BCM) menée par l’Isee est en cours de traitement. Les résultats seront connus vers le mois de juin 2009. Cette enquête contiendra des informations sur la consommation d’énergie des ménages. Elle a pour but premier d’étudier la consommation des ménages résidant. Quinze ans se sont en effet écoulés depuis la dernière enquête budget consommation des ménages en N.-C. (1991). Les données qui en sont issues sont aujourd’hui dépassées. Le territoire a en effet connu, ces dernières années, un développement économique important qui s’est accompagné d’une évolution rapide des pratiques commerciales à laquelle a correspondu un changement profond des habitudes des consommateurs.
86Le niveau de consommation, à prix courant, des ménages calédoniens a cru de 34 % entre 1990 et 1997, soit un taux annuel moyen de 4 % alors que sur la période, le taux d’inflation annuel moyen avoisinait 2 %. Au cours de cette période, la structure de la consommation s’est modifiée. La part des services a gagné quatre points alors que la part des produits industriels divers s’est réduite. Dans le même temps, le budget consacré à l’énergie s’est accru passant de 2,5 à près de 4 % des dépenses des ménages.
87Selon les Tableaux de l’économie calédonienne publiés par l’Isee (2006 : 112), la croissance économique enregistrée en N.-C. s’est traduite par une amélioration du niveau de vie moyen de la population calédonienne confirmée par plusieurs indicateurs dont l’évolution du taux d’équipement des ménages en biens durables. Les services sont le principal poste de dépenses et pèsent pour près de la moitié dans la consommation des ménages. Les produits agroalimentaires représentent 20 % de cette consommation, les produits industriels divers (dont le matériel d’équipement ménager et les véhicules) représentent également 20 % de cette consommation, suivis par les produits énergétiques (électricité, eau, essence) qui représentent 7 % de la consommation des ménages.
88La part prise par l’énergie dans le budget des ménages est donc passée de 2,5 % en 1990 à 7 % en 2006.
89D’après les TEC (2006 : 116), depuis quelques décennies, les ménages calédoniens se sont rapidement équipés en électroménager et en biens liés à la consommation. Ainsi, en 2004 ils disposent presque tous d’un réfrigérateur (83 % contre 68 % en 1989) et d’un lave-linge (77 % contre 55 % en 1989). Mais la diffusion de ces deux équipements présente une importante disparité selon les Provinces. Ainsi, pour le réfrigérateur, si 92 % des ménages de la Province Sud en détiennent un en 2004, ils ne sont que 56 % en Province Nord et 54 % dans la Province des îles Loyauté. Pour le lave-linge, 86 % en possèdent un en Province Sud contre 52 % en Province Nord et 47 % dans les îles. La diffusion des autres équipements montre également une amélioration de l’équipement des ménages. D’après le recensement de la population de 2004, 52 % des ménages disposent d’un congélateur séparé contre 32 % en 1989. Plus d’un tiers des ménages possèdent un ordinateur : 26,1 % en Province Sud ont un accès Internet, 8,1 % en Province Nord et seulement 4,3 % en Province des îles. Enfin, la diffusion de la climatisation domestique a également pris de l’ampleur puisque plus du quart (27 %) des ménages en sont équipés contre 16 % en 1989. En 2004, 74 % des ménages calédoniens disposent d’au moins une voiture (automobile ou camionnette) contre 62 % en 1989. La proportion évolue différemment selon les provinces. 83 % des ménages de la Province Sud ont au moins un véhicule (72 % en 1989), contre 55 % dans la Province Nord (38 % en 1989), et 37 % dans les îles (24 % en 1989). Selon les statistiques de la Dimenc, la proportion entre les véhicules diesel et essence se réoriente au profit du diesel. 6 % des ménages calédoniens possèdent un deux-roues à moteur. Cependant, un quart des ménages ne disposent d’aucun moyen de transport individuel (ni voiture ni deux-roues). Enfin, 13 % des ménages ont un bateau à moteur, avec 22 % en Province Nord, 12 % dans la Province Sud, et 5 % dans les îles Loyauté, ce qui montre certainement l’importance de l’activité pêche pour les ménages du Nord. (cf. tableau « Ménages ordinaires selon différents équipements par commune et province de résidence », source Recensement de la population N.-C., 2004, Insee-Isee, fichier M2-04 ; et TEC 2006 : tableaux page 117).
90Cette évolution notable dans le taux d’équipement des ménages en appareils électroménagers et en véhicule motorisé, ainsi que cette forte augmentation générale de la consommation des ménages, met en évidence la diffusion d’un mode de vie et de pratiques quotidiennes comparables à ceux des sociétés occidentales. Les fortes disparités territoriales qui recoupent les clivages urbains/ruraux recoupent également des inégalités socioéconomiques ainsi que, peut-être, une certaine diversité culturelle. Mais il convient, en la matière, d’être prudent. Car les Océaniens en général et les Kanaks en particulier, lorsqu’ils accèdent à un certain niveau de revenus semblent avoir des pratiques de consommation tout à fait comparables à celles des Européens, que ce soit en matière d’achat de véhicules motorisés ou en matière d’équipements électroménagers et même d’habitat. La variable discriminante semble bien plutôt être du côté du niveau de revenus. On observe en effet que les quartiers du Grand Nouméa, où le taux de chômage est le plus élevé, sont ceux où résident le plus de ménages parlant une langue mélanésienne, et ceux qui sont le moins équipés en automobile et en ordinateur (recensement 2004, Insee-Isee). Il serait cependant intéressant de disposer de données d’enquêtes plus précises sur les modes de consommation des ménages en matière d’énergie, en l’occurrence, corrélées avec différentes variables : non seulement le niveau de revenus, mais aussi l’appartenance « ethnique » revendiquée par les ménages. Est-ce que, à niveau de revenus comparables, les ménages se disant métropolitains, caldoches, kanaks, wallisiens, etc. ont des pratiques comparables en termes de consommation énergétique ? Ou peut-on repérer des différences culturelles significatives ?
91La consommation en électricité par habitant en 2000 a été de 2,523 MWh/an dans la Province du Sud, contre 0,745 et 0,603 MWh/an respectivement dans les provinces du Nord et des îles. On observe donc des différences significatives dans la consommation d’électricité entre les habitants de la Province Sud (urbanisée et où les Kanaks sont minoritaires), et ceux des Provinces Nord et îles (rurales et peuplées majoritairement de Kanaks). Les inégalités sociales et spatiales sont très marquées en N.-C. En 2004, le PIB par habitant dans la Province des îles Loyauté était inférieur de moitié à celui de la Province Nord, et ce dernier lui-même était inférieur d’un tiers à celui de la Province Sud.
92Nouméa, centre économique de la N.-C., enregistre ainsi le plus fort niveau de consommation par habitant. La concentration urbaine dans la Province Sud explique la différence de niveau de consommation d’électricité par habitant par rapport aux deux autres provinces. Les urbains, plus insérés dans un mode de consommation monétaire, disposent d’équipements plus consommateurs d’électricité.
93Les questions de MDE se posent donc avec plus d’acuité en Province Sud qu’en Province Nord et îles Loyauté en raison d’un taux d’équipement en biens électroménagers supérieurs (cf. tableau ci-dessous), de la densité du tissu urbain, des problèmes de transport, d’habitat et d’urbanisme que cela occasionne. De plus, le niveau de revenus est plus important dans le sud du pays que dans le nord et les îles. En tribus kanakes, la question de la MDE apparaît presque incongrue étant donné le faible taux d’équipement en appareils électriques notamment. L’essentiel de la vie quotidienne et sociale se passe à l’extérieur des habitations qui sont souvent de taille réduite. On n’y trouve ni piscine ni climatiseur, et les consommations énergétiques sont bien plus faibles que dans les logements urbains du Grand Nouméa. En tribu, le bois mort ramassé autour de l’habitation est souvent utilisé pour faire la cuisine à l’extérieur de la maison. Il paraît cependant important que les Provinces Nord et îles Loyauté anticipent les évolutions à venir.
1.1.3. Conclusion
94On observe aujourd’hui l’émergence si ce n’est d’une prise de conscience collective mais tout au moins de discours sur l’importance des questions énergétiques en N.-C., mais aussi et plus encore sur l’urgence de s’engager dans la voie d’un développement économique plus durable qui passe par la maîtrise de la demande en énergie et par le développement des énergies renouvelables.
95Mais ces discours, essentiellement portés par les associations écologistes (fédérées notamment dans le réseau Ensemble pour la planète), les associations de consommateurs (UFC Que Choisir) ne sont guère relayés sur le plan politique. De plus, ils ne se traduisent pas non plus par des changements de pratiques des consommateurs qui restent encore largement, notamment dans le Grand Nouméa, mais aussi en Province Nord et dans les îles – lorsque le niveau de revenus le permet – dans une logique énergivore visible dans les équipements des ménages et dans leurs achats de véhicule (cf. 1 et 3).
96En outre, on observe également un discours qui tend à focaliser l’ensemble des critiques sur le poids de l’industrie métallurgique et minière dans la consommation d’énergie. Dans la mesure où ces activités consomment les deux tiers de l’énergie consommée en N.-C., les calédoniens ont tendance à dire : à quoi bon faire des économies en matière de consommation des ménages, de MDE, de transport, d’habitat, etc. puisque cela compterait peu au regard de la consommation d’énergie de l’activité minière ? L’industrie minière et métallurgique agit donc comme un frein qui contribue à paralyser toute initiative en direction de la MDE voire même du développement des énergies renouvelables. Il se crée ainsi une sorte d’inertie en matière de MDE et d’ER qui trouve sa justification dans l’importance de l’industrie minière et métallurgique, dans une logique du tout ou rien. On peut cependant préconiser qu’il n’est pas inutile de s’engager dans la voie d’une maîtrise de la demande en énergie et du développement des énergies renouvelables même dans le contexte économique actuel de la N.-C. qui a effectivement fait des choix de développement peu durables et très énergivores.
97Comme dans de nombreux autres pays, on se trouve en fait placés devant le dilemme de la responsabilité collective et politique versus la responsabilité individuelle. Les individus- consommateurs, lorsqu’ils disposent de revenus suffisants, ont en quelque sorte les moyens de gaspiller et se soucient souvent peu d’économiser l’énergie. L’absence de volonté politique conforte d’ailleurs les citoyens consommateurs dans ce sens. On peut cependant constater une évolution qui va dans le sens de ce que l’on pourrait qualifier d’écologisation des politiques publiques en matière d’énergie c'est-à-dire d’un certain nombre d’actions en faveur des ER et de la MDE même si on peut regretter la timidité d’un tel engagement.
1.2. État de l’art sur les discours et les pratiques en matière de Maîtrise de la demande en énergie en dehors de la Nouvelle-Calédonie
98Il n’est pas possible de résumer ici en une dizaine de pages la diversité et l’histoire des différentes expériences nationales et locales en matière de MDE. La thèse de Jean-Sébastien Froc (2006) donne une bonne vision synthétique et diachronique des expériences nord-américaines et européennes en la matière. Nous en reprenons ici quelques passages qui présentent les expériences menées en France métropolitaine et dans les DOM, étant donné le contexte géographique, politique et institutionnel de la N.-C., plus proche de la métropole et des îles que des États-Unis ou d’autres pays européens.
1.2.1. Les principales caractéristiques du contexte national français en matière de MDE
1.2.1.1. Les principales motivations selon les acteurs
1.2.1.1.1. L'État
99Les politiques de MDE ont réellement commencé en réaction aux chocs pétroliers de 1974, puis 1979. La motivation première est donc la réduction des importations de pétrole. Au départ, l'implication de l'État est justifiée au nom de la dépendance française au regard de ses approvisionnements énergétiques, les enjeux environnementaux de la maîtrise des consommations d'énergie n'étant considérés que comme des « retombées positives » des mesures mises en œuvre. D'autre part, « au début des années 1980 les crédits affectés à la maîtrise des consommations visent surtout, de façon conjoncturelle, la relance des activités du bâtiment » (Moisan 1999).
100Les activités de MDE sont donc aussi pour l'État un moyen détourné de soutenir certaines activités économiques. De même, les activités de MDE sont parfois liées à des politiques sociales comme, par exemple, pour l'utilisation des fonds Spécial Grands Travaux pour la rénovation des logements sociaux (Bourjol 1984).
101À partir des années 1990, la motivation environnementale prend de l'importance. En témoigne la loi n° 96-1236 du 30 décembre 1996 sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie. Cette loi associe des activités de MDE aux objectifs de qualité de l'air. Cette motivation environnementale a ensuite été renforcée du fait des engagements internationaux de la France (par exemple, protocole de Kyoto). La maîtrise de la demande d'énergie est le premier moyen cité par l'article 1 de la loi sur l'énergie de 2005 (France 2005) pour atteindre les objectifs de la politique énergétique française (indépendance énergétique et sécurité d'approvisionnement ; prix compétitif de l'énergie ; préserver la santé humaine et l'environnement ; accès de tous à l'énergie).
1.2.1.1.2. L'ADEME
102Dès 1974, l'État a créé, en réaction aux chocs pétroliers, l'AEE (Agence pour les économies d'énergie). Cette agence est devenue l'AFME (Agence française pour la maîtrise de l'énergie) en 1982 avant d'être regroupée en 1991 avec l'Anred (Agence nationale pour la récupération et l'élimination des déchets) et l'AQA (Agence pour la qualité de l'air) au sein de l'ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie).
103Étant sous tutelle du gouvernement, les motivations de l'ADEME et de ces prédécesseurs sont fortement liées aux missions qui lui sont attribuées. De fait, les différents noms de l'agence traduisent bien l'évolution de ces missions et motivations. D'abord centrées sur la promotion des économies d'énergie dans un contexte d'urgence nationale, puis conjointes à la promotion des énergies renouvelables, mais toujours pour faire face aux prix élevés du pétrole, et enfin élargies aux préoccupations environnementales dans une optique d'approche plus globale en accord avec les principes du développement durable. La promotion de la maîtrise de l'énergie est aujourd’hui l'une des cinq missions confiées à l'ADEME.
104Plus récemment, l'évolution des messages utilisés dans les deux dernières grandes campagnes de sensibilisation « grand public » de l'ADEME confirme la place importante des préoccupations environnementales dans les motivations à promouvoir les économies d'énergie, à la fois suivant et influençant l'opinion sur ce point. Ainsi lors de la « chasse aux gaspi » de la fin des années 1970, le slogan était « En France, on n’a pas de pétrole, mais on a des idées ». En 2001, le slogan était « Préservez votre argent. Préservez votre planète », et en 2004, « Économies d'énergie, faisons vite ça chauffe ».
105Les motivations de l'ADEME peuvent aussi être analysées à la lumière des évolutions de son budget. Le premier constat est que le budget global de l'ADEME est sujet à des variations importantes. Il lui est donc difficile de définir des stratégies sur le moyen et long termes. Le second point est que son budget provient très majoritairement du ministère chargé de l'Environnement. Ce qui, d'une part, explique les variations de budget et, d'autre part, atteste de la prépondérance de sa mission environnementale.
106Ces observations se retrouvent dans l'utilisation des budgets avec, par exemple, la priorité donnée à l'axe « déchets » jusqu'en 2002 du fait de la gestion de la transition de la politique sur les déchets (interdiction de mise en décharge, etc.). En outre, les budgets consacrés à l'énergie connaissent de fortes variations, presque du simple au double d'une année sur l'autre. Enfin, les moyens financiers engagés pour l'énergie sont d'abord consacrés aux énergies renouvelables (à 70 % en moyenne).
107L’ADEME a participé au Grenelle environnement en étant, entre autres, membre du groupe de travail intitulé « Lutter contre les changements climatiques et maîtriser l’énergie ». À la demande du ministère du Développement durable (MEDDAAT), elle est devenue un opérateur clé en charge, notamment, du Fonds Chaleur pour développer la production de chaleur à partir d’énergies renouvelables, et du Fonds Démonstrateurs de recherche sur les nouvelles technologies de l’énergie.
1.2.1.1.3. EDF
108La première motivation d'EDF concernant les activités de MDE était d'optimiser le recours aux centrales de production. Le but est d'ajuster la demande grâce à une structure tarifaire basée sur les coûts marginaux et ce, dès 1954, avec la mise en place du tarif vert (Orphelin, 1999). Un autre point important qui explique les motivations d'EDF est la péréquation tarifaire. L'application de ce principe fait qu'EDF a intérêt à œuvrer pour la maîtrise des consommations dans les zones où il lui coûte cher d'acheminer (zones rurales ou en bout de ligne) ou de produire de l'électricité (zones insulaires et DOM-TOM). D'autre part, la situation de surcapacité du fait de l'important programme électronucléaire a paradoxalement encouragé une des thématiques de MDE : celle concernant l'amélioration de l'isolation des logements et des performances du chauffage électrique. Les activités de MDE ont eu alors des motivations commerciales pour gagner des parts de marché pour un usage concurrentiel de l'énergie (Gouja, 1993).
109EDF, étant une entreprise publique, suit aussi les orientations données par l’État. Ainsi à partir de 1993, EDF signe avec l'ADEME des accords-cadres triennaux qui portent notamment sur la maîtrise de la demande d'électricité. Les actions réalisées dans ce cadre intègrent à la fois des motivations économiques et environnementales. Par ailleurs, les activités de MDE ont aussi été un moyen pour EDF de valoriser son image notamment pour contrebalancer les contestations des antinucléaires.
110En 1996, Pierre Daures (alors directeur général d'EDF) écrivait qu' « EDF s'est depuis longtemps engagée dans des actions de MDE, pour deux raisons principales :
- la première est la satisfaction de nos clients qui passe par une meilleure gestion de l'énergie afin de mieux l'utiliser et de l'économiser, tout en conservant ou en améliorant le confort et la qualité de la fourniture et des services ;
- la seconde est la protection de l'environnement (…). Comme tout électricien, EDF est conscient qu'un engagement renforcé dans la maîtrise de la demande est un facteur de succès commercial et de légitimité. »
111L'ouverture à la concurrence de la vente d'électricité modifie les motivations d'EDF, d'une part parce qu'elle n'est plus en monopole et, d'autre part, parce que son nouveau statut lève le principe de spécialité ce qui l'autorise à diversifier ses activités. Les activités de MDE menées par EDF répondront donc désormais très probablement à deux motivations principales :
- la redéfinition des missions de service public (par exemple, certificats d'économie d'énergie) ;
- la différenciation par rapport à ses concurrents et le développement de ses activités (par exemple, en proposant des offres de services énergétiques à ses clients).
1.2.1.1.4. Les acteurs privés : entreprises et cabinets de consultants spécialisés
112Les entreprises regroupées au sein de la FG3E (Fédération française des entreprises gestionnaires de services aux équipements, à l'énergie et à l'environnement), les entreprises du bâtiment, les cabinets de consultants spécialisés (par exemple, en audit énergétique), etc. jouent aussi un rôle important dans les activités de MDE. Pour ces acteurs privés, la motivation principale est bien sûr économique. Les actions qu'ils réalisent sont des services et/ou produits qu'ils proposent à leurs clients. Leur objectif dans ce cadre est donc de développer leur activité (chiffre d'affaires et bénéfices). Dans une moindre mesure peuvent intervenir des motivations environnementales et/ou en termes d'image.
113Des associations (par exemple, pour l'environnement ou de consommateurs) peuvent aussi avoir un rôle dans les activités de MDE. Elles sont ainsi souvent associées aux Espaces info énergie ou aux Agences locales de l'énergie. Leurs motivations dépendent de leurs objectifs propres, mais sont en général de nature environnementale, sociale et/ou citoyenne.
114Et enfin, en métropole, les collectivités territoriales sont des acteurs majeurs en matière de MDE.
1.2.2. Les principales approches pour les politiques et programmes de MDE en France
1.2.2.1. L'État : réglementations et aides fiscales
115Les interventions directes de l'État en faveur de la maîtrise de la demande en énergie sont pour la plupart aujourd'hui regroupées dans le Plan climat que l'État doit soumettre régulièrement à la Commission européenne. Elles sont construites autour de deux axes principaux : les réglementations et les aides fiscales (les axes d'information et de conseil sont mis en œuvre par l'ADEME).
116Les principales réglementations dans le domaine des économies d'énergie sont :
- la réglementation thermique (dès 1974) pour tous les nouveaux bâtiments ;
- les réglementations sur les chaudières et les installations de combustion complétées d'une part par le PNAQ (Plan national d'allocation des quotas) et d'autre part sur l'inspection régulière des chaudières et des systèmes de climatisation ;
- l'étiquetage des appareils électrodomestiques ;
- le changement d'heure saisonnier (heure d'été/heure d'hiver) instaurée en 1975.
117Les principales aides fiscales sont :
- les crédits d'impôts pour les particuliers pour des investissements améliorant les performances énergétiques des bâtiments ;
- la TVA réduite à 5,5 % pour les travaux d’amélioration du parc ancien ;
- le régime d’amortissement exceptionnel pour les entreprises pour les matériels destinés à économiser de l’énergie ou à la production d’énergie renouvelable ;
- le financement des investissements d'économies d'énergie par crédit-bail.
118Par ailleurs, l'État a aussi un rôle d'exemplarité et se doit donc de mener des actions dans ses propres bâtiments et d’adapter ses procédures de commandes d'équipements. Ce rôle est régulièrement rappelé par des circulaires ministérielles. Enfin l'État soutient aussi la recherche dans le domaine de la maîtrise de l'énergie.
1.2.2.2. L’ADEME : conseil et sensibilisation
119L’ADEME a mis en place un dispositif d’aides à la décision aux investissements (pré)diagnostic, étude de faisabilité, accompagnement au montage de projet). Outre ces aides à la décision, l'ADEME propose aussi des solutions pour faciliter le financement de projets d'amélioration de l'efficacité énergétique des entreprises.
120L'ADEME développe aussi une politique partenariale pour faire relayer ses efforts et pour encourager les démarches d'autres acteurs aussi bien public que privé.
121Enfin, l'ADEME lance des appels à projets pour favoriser l'émergence de nouvelles solutions performantes (soutien aux projets de R&D), puis leur diffusion et mise sur le marché (soutien aux opérations exemplaires).
122Le dispositif d'aides à la décision existe aussi pour les collectivités. Mais il est orienté sur les questions liées aux bâtiments et vers l'assistance aux maîtres d'ouvrage.
123Le rôle de l'ADEME auprès des particuliers consiste à sensibiliser, à relayer et/ou diffuser l'information, et à proposer un conseil de proximité par le biais des Espaces info énergie. Par ailleurs, l'ADEME mène aussi des actions en faveur de l'éducation à l'environnement dans les écoles.
1.2.2.3. EDF : tarification, missions de service public, offres de services commerciaux et R&D
124L'action d'EDF est principalement fondée sur le rôle décisif du signal donné au client par les tarifs. Les imperfections du marché ont cependant nécessité d'accompagner cette démarche par exemple par des actions de R&D ou des campagnes d'information.
125La tarification marginaliste vient du fait que l'électricité est un produit non stockable, et que les moyens de production sont utilisés de manière à répondre à la demande instantanée. Or cette demande est irrégulière, notamment en fonction des heures de la journée et des saisons. Ces fluctuations sont caractérisées par la courbe de charge du système électrique qui trace la puissance totale appelée en fonction du temps. La demande est ainsi traditionnellement découpée en trois domaines : la base (puissance moyenne appelée plus de 6 000 h/an), la semi-base (durée d'appel intermédiaire) et la pointe (puissances appelées aux moments critiques). Les capacités de production sont choisies en fonction de la structure de cette charge (moyens de base, de semi-base ou de pointe), avec pour chaque catégorie des coûts différents, moins élevés en base et plus élevés en pointe (Orphelin, 1999).
126« Le principe de la planification du système électrique français est basé sur un ajustement de la demande géré par la structure tarifaire. Pour une demande d'électricité future prévue, on détermine un "mix" optimal des centrales de production. Les coûts marginaux sont alors calculables, et les tarifs proposés aux clients adaptés sur la base de ces coûts. Les consommateurs réagissent à l'évolution de ces coûts en modifiant leur consommation qui se rapproche de la demande prévue. »
127L'utilisation de la tarification marginaliste est une des différences fondamentales entre la France et les États-Unis où la tarification est majoritairement en coûts moyens.
128La péréquation tarifaire et l'objectif d'accès à l'énergie pour tous mènent EDF à réaliser des programmes locaux de maîtrise de la demande en électricité. Ils consistent en général à des campagnes d'information et de promotion pour des équipements performants (par exemple, LBC).
129EDF développe une culture « commerciale » de la MDE. EDF cherche à proposer à ses clients une offre de services, notamment en termes de maîtrise des consommations :
- pour les entreprises : les bilans annuels personnalisés et les conseils éclairage et climatisation ; pour les collectivités :
- les offres Citélia avec les diagnostics Optimia (global, éclairage, projet, piscine) ;
- pour les particuliers : des conseils et simulations sur Internet ou par téléphone, les campagnes Gesteco (dans certaines régions pilotes) avec un pack MDE, et l'offre Vivrélec (pour les usages thermiques de l'électricité).
130EDF dispose d'un important centre de R&D dont un des axes est de développer de nouvelles technologies performantes, que ce soit pour des procédés industriels ou pour des équipements pour les ménages.
1.2.3. Les perspectives en matière de MDE
131Au niveau des politiques publiques, il faut attendre la ratification par la France du protocole de Kyoto en 2000 pour voir s’initier deux nouveaux programmes annonçant la relance des politiques de maîtrise de l’énergie : le PNLCC (Plan national de lutte contre le changement climatique) complété par le PNAEE (Plan national d’amélioration de l’efficacité énergétique).
1.2.3.1. Une relance liée à la montée des préoccupations environnementales, renforcée par une hausse « durable » des prix des énergies
132Depuis le début des années 2000, les activités de MDE ont donc connu un regain d’intérêt, notamment du fait des engagements internationaux pris pour réduire les émissions de GES. De fait les mesures du PNAEE ont bien pour but de participer aux politiques annoncées dans le PNLCC (aujourd’hui remplacé par le Plan climat officialisé en 2004).
133Toutefois cette relance restait centrée sur quelques mesures « phares » (campagne de communication de l’ADEME en 2001 et mise en place d’un réseau d’Espaces info énergie), même si un rééquilibrage en faveur de l’énergie s’amorçait au sein du budget de l’ADEME, notamment avec une relance des activités de conseil. Cette relance connaît aujourd’hui un second souffle, car les questions de prix des énergies et de sécurité d’approvisionnement reviennent au premier plan avec la très forte hausse du prix du pétrole. Or, comme le souligne Pierre Radanne (2006), cette hausse est cette fois-ci structurelle et non conjoncturelle comme dans les années 1970. Cette nouvelle phase dans les cycles de l’énergie décrits par Radanne, repose avec acuité les questions d’épuisement des ressources qui viennent s’ajouter à la prise de conscience de la nécessité de réduire les émissions de GES.
134Dans ce contexte, la France suit d’abord les orientations fixées par les différentes Directives européennes. En parallèle, on assiste à une remobilisation du grand public à la fois dans les objectifs du Plan climat et en réponse à la hausse des prix des énergies. Les principales mesures ainsi engagées ont été de renforcer les crédits d’impôts pour les investissements de maîtrise de l’énergie et que l’ADEME lance une nouvelle campagne de sensibilisation (« Faisons vite ça chauffe »), plus ambitieuses que celle de 2001 et qui se veut surtout plus concrète.
135L’ADEME présente un bilan très positif des deux premières années de cette campagne (environ 50 % des personnes ayant entendu la campagne radio ou TV ont affirmé avoir modifié un geste au quotidien, +50 % de personnes conseillées par les Espaces info énergie, près de 4 000 initiatives dans le cadre du Club planète gagnante, etc.). Mais il est encore trop tôt pour évaluer l’impact réel de cette campagne sur les consommations d’énergie. Il sera important de suivre comment cette relance des activités de MDE se traduit concrètement, et surtout si elle s’inscrit dans la durée et ne correspond pas une nouvelle fois à une politique de court terme en raison de l’envolée des prix des énergies.
1.2.3.2. Les enjeux actuels
136Trois recommandations fortes ressortent :
- inscrire les actions dans le long terme et, pour ce faire, intégrer les questions de maîtrise des consommations dans l’ensemble des processus de décisions ;
- structurer les politiques d’actions en s'appuyant sur les différents niveaux territoriaux ;
- développer de nouvelles stratégies pour atteindre les gisements diffus qui sont devenus l’enjeu majeur de la maîtrise des consommations d’énergie, et d’une manière générale s’attaquer aux secteurs pour lesquels il est plus difficile d’intervenir (logements anciens, PME-PMI, etc.).
137Les certificats d’économies d’énergie sont pour l’instant l’instrument principal mis en place pour atteindre les gisements rentables diffus. Il est encore bien trop tôt pour en évaluer la portée. Les CEE pourraient ainsi permettre un important changement d'échelle pour les activités de MDE.
138Tout semble montrer que les activités de MDE vont connaître une période faste dans les années à venir, mais les défis à relever sont différents de ceux de la période d'après les chocs pétroliers de 1973 et 1979 :
- inscrire les actions dans la durée face à des enjeux de court mais aussi de long termes (épuisement des ressources et lutte contre le réchauffement climatique) ;
- soutenir les activités de MDE dans un nouveau contexte de marché ouvert à la concurrence qui remet en cause la répartition des rôles et les modes d'intervention possibles ;
- s'attaquer à des gisements diffus qui se sont souvent révélés difficiles à atteindre dans le passé.
139Le Grenelle environnement marque, en matière de MDE, une étape importante.
1.2.4. La MDE dans les DOM : des actions ponctuelles mais d’envergure
140À l’image des zones rurales, les zones insulaires ont été des terrains propices aux actions de MDE du fait de la péréquation tarifaire. Ces actions s’y sont d’autant plus développées, que le déficit pour EDF y devenait important, en particulier dans les DOM. Cela explique que les actions MDE dans les zones insulaires ont été un des axes prioritaires des conventions EDF-ADEME, car elles constituaient un terrain où les intérêts des deux acteurs convergeaient.
141En 1996, Cauret et Adnot (1996) dressaient un bilan de la situation des systèmes électriques dans les DOM à l’occasion du cinquantenaire des DOM et d’EDF. Ils rappellent que des actions de MDE étaient bien menées depuis le début des années 1980, mais qu’ « elles se heurtent à des lacunes statistiques et méthodologiques » et qu’ « elles ont pendant longtemps relevé plus de l’essaimage que d’une véritable politique concertée ».
142Les DOM restent cependant un des exemples marquants de la MDE locale avec quelques actions réussies de grande ampleur, en particulier dans le domaine des LBC. Ces opérations de promotion de LBC du début des années 1990 ont permis de diffuser près d’un million de LBC (150 000 à la Réunion en 1989, 350 000 en Guadeloupe et 346 000 en Martinique en 1992, 73 000 en Guyane (Menanteau, 1997). Ces résultats sont environ dix fois supérieurs aux opérations locales de ce type menées en métropole (Menanteau, 1997). Elles ont permis une réelle transformation du marché local des LBC, faisant passer leur prix d’environ 35 € avant les opérations à environ 20 € après, et suscitant l’arrivée de nouvelles marques sur ces marchés. Leur succès, notamment basé sur l’utilisation du leasing, a été régulièrement cité en exemple (Bailly Consulting, 1996 ; Menanteau, 1997 ; Mills, 1993). Elles ont été reconduites avec par exemple une opération en Guadeloupe en mars-avril 2005 pour diffuser 200 000 LBC.
143Outre la promotion de LBC, d'autres actions ont été développées dans les DOM dans le cadre des accords EDF-ADEME, en particulier pour la promotion des chauffe-eau solaires et pour améliorer les performances énergétiques des bâtiments neufs avec la promotion du label Ecodom, basé sur le label Promotelec d'EDF, mais adapté aux DOM. Ces actions visent deux usages, l'ECS et la climatisation qui connaissent une forte croissance dans les DOM et pour lesquels un potentiel important de MDE a été identifié (Cauret, 1995).
144Sur les vingt dernières années, le développement économique de l'île de la Réunion s'est accompagné d'une croissance soutenue des consommations d'énergie. Entre 1980 et 2000 celle-ci a été multipliée par 2,5. Cette évolution a été encore plus marquée pour l'électricité puisque, sur la même période, la demande pour cette forme d'énergie a quadruplé. Il était donc urgent de mettre en œuvre une politique régionale très ambitieuse de maîtrise de l'énergie et de recours aux énergies renouvelables pour la production d'électricité : c'est ce que propose le Prerure (Plan régional des énergies renouvelables et d'utilisation rationnelle de l'énergie). À la fois conscients de l'urgence et désireux d'agir de façon réfléchie et concertée, les acteurs de l'énergie à la Réunion ont tout d'abord mené ou soutenu de nombreuses études sur les potentiels en énergies renouvelables et en maîtrise de l'énergie de l'île, ainsi que sur les stratégies globales de l'énergie à mettre en place. En 2002, une première « Mission d'assistance à la réalisation d'un Plan énergétique régional » est commandée à Ice-Inset par la Région Réunion.
145Après un premier travail de bilan énergétique de l'île en 2000, ces bureaux d'études ont bâti le « Plan énergétique régional pluriannuel de prospection et d'exploitation des énergies renouvelables et d'utilisation rationnelle de l'énergie » et suggéré un programme d'actions pour viser l'autonomie électrique à l'horizon 2025. Ce Prerure prévoit la constitution à moyen terme des trois centrales ENR ou mégawatts, MDE ou négawatts et Stockage. Sur les bases de ce travail, une seconde mission fut confiée au bureau d'études Sert en 2005 pour établir « un programme d'actions opérationnelles, pour des résultats visibles » sur les dix prochaines années. Ce programme vise à réduire le plus possible les besoins en électricité à travers douze actions fortes qui sont principalement du domaine de la maîtrise de l'énergie. À court terme c'est donc le pragmatisme qui prime dans la mise en œuvre du Prerure, au travers de la centrale à négawatts.
1.3. Propositions pour faire évoluer ces discours et ces pratiques des Néo-Calédoniens vers davantage de maîtrise de l’énergie
146Pour que les discours et les pratiques des Néo-Calédoniens évoluent vers davantage de maîtrise de l’énergie, il faut agir à différents niveaux de la société. Tout d’abord au niveau politique, car le principal levier en matière de MDE se situe au niveau politique : sans l’existence d’une véritable volonté politique qui se traduit dans des programmes et actions politiques, il ne peut y avoir de changements profonds en matière de MDE. Comment sensibiliser les élus du territoire en matière de MDE ? Par des actions de sensibilisation, de formation, en leur présentant les expériences existantes ailleurs, en leur exposant les enjeux, les possibilités, etc. L’ADEME est peut-être l’acteur le mieux placé pour effectuer ce travail auprès des élus. Mais l’ADEME de N.-C. ne dispose que de moyens limités.
147Dans un deuxième temps ou parallèlement, il faut aussi agir au niveau de l’ensemble des acteurs du pays. Il conviendrait d’abord de préconiser une enquête anthropologique (donc qualitative) portant sur les discours et les pratiques des Néo-Calédoniens en matière d’énergie. Cette approche qualitative serait le complément indispensable des enquêtes statistiques de l’Isee. Elle permettrait de comprendre les points de vue des habitants du pays, leurs choix de consommation, les logiques qui les sous-tendent, leurs attentes, leurs critiques ou absence de critiques, etc. On pourrait également préconiser une enquête sur les discours des différents médias calédoniens sur les questions énergétiques (revue de presse, journaux télé, émissions radios, etc.).
2. La maîtrise de l’énergie dans le domaine du bâtiment et des équipements
148La question de la maitrise de la demande d’énergie et de l’efficacité énergétique dans le bâtiment est fondamentale compte tenu de l’importance des gisements évalués et surtout du champ d’action possible. En effet, le secteur du bâtiment, grâce à la disponibilité immédiate de technologies et techniques matures se positionne en acteur clé pour parvenir à résoudre les inquiétants défis environnementaux auxquels nous devons faire face. Cependant c’est un secteur réputé lent à évoluer de par la durée de vie des bâtiments (faible renouvellement) et l’inertie du monde du bâtiment.
149Cette question est complexe, car elle interfère avec le contexte urbain, ne pouvant être dissociée de la problématique transport, se fixant comme objet central l’enveloppe comme filtre climatique et englobant tous les usages énergétiques sans oublier d’intégrer le comportement de l’usager. Pour traiter toutes les facettes de la question posée, on procède en quatre étapes :
150La première partie est consacrée à une étude détaillée des caractéristiques physiques du climat calédonien, notamment en matière de confort hygrométrique et situe le gisement local en matière de lumière naturelle, d’énergie solaire et éolienne.
151La deuxième partie examine, selon les secteurs, la faisabilité de bâtiment à énergie positive en fonction des gisements énergétiques du climat local.
152La troisième partie aborde l’état de l’art de la MDE en dehors de la N.-C. Sans faire un panorama complet, on établit une synthèse des réglementations thermiques et des actions MDE dans les États dont le climat et les préoccupations sont proches de ceux de la N.-C.
153La quatrième partie propose des pistes d’actions résultant du croisement :
- du potentiel naturel ;
- du bilan des actions menées sur des contrées aux problématiques similaires ;
- les actions MDE actuelles en N.-C.
2.1. État des lieux de la MDE dans le domaine du bâtiment et des équipements en Nouvelle-Calédonie
2.1.1. États des lieux : les éléments climatiques
2.1.1.1. Le soleil
La course solaire
154Situé en plein océan pacifique, la N.-C. se positionne sur une latitude moyenne de -21,5°, et -165° de longitude. La course solaire (hauteur et azimut) est quasiment identique à la Réunion située à -21° de latitude sud et 55°30' de longitude est.
155Comme le montre le diagramme solaire, un observateur en N.-C. voit le soleil à 12 h une grande partie de l’année en façade nord, une partie de l’année en façade sud (mois de décembre). Tout au long de l’année le parcours du soleil s’effectue à une hauteur relativement élevée.
Le rayonnement reçu
156Le rayonnement moyen journalier annuel est de l’ordre de 5,4 kWh/m2/jour.
157En saison chaude, le rayonnement peut dépasser 7 kWh/m2/jour. En saison « fraîche », il descend plus bas, autour de 3,5 kWh/m2/jour. Le rayonnement diffus contribue de l’ordre de 40 % au rayonnement global reçu, la composante direct 60 %. À titre de comparaison, l’ensoleillement annuel reçu est légèrement plus élevé qu’à la Réunion (4,8 kWh/m2/jour), quasiment identique aux Antilles (5,3 et 5,6 kWh/m2).
158Une caractéristique importante à intégrer est la forte proportion de rayonnement diffus : de l’ordre de 40 %.
2.1.1.2. Potentiel de lumière naturelle
159Le dimensionnement des ouvertures pour l’éclairage naturel des bâtiments est effectué pour des conditions a minima de ciel, en excluant les rayons solaires directs. Le ciel couvert normalisé CIE sert souvent de référence de calcul. Il correspond en métropole à un éclairement extérieur horizontal de 5 000 Lux. Cependant, la probabilité d’avoir un ciel couvert et un éclairement inférieur à une valeur donnée (pour un ciel CIE, 5 000 lux) est fonction du site. La disponibilité de la lumière dépend principalement de la latitude du lieu, comme le montre le tableau suivant (établi à partir d’un abaque universel établi par le CIE). Il s’agit du % d’heures entre 9 h et 17 h où les niveaux 5 000, 10 000, et 15 000 lux sont 0.
160La disponibilité de la lumière du jour est beaucoup plus importante en N.-C. qu’à Paris
161Ainsi, la transposition des exigences (règlementaires ou non) ou certaines pratiques métropolitaines, majorent de façon importante les surfaces vitrées nécessaires pour un éclairage naturel de qualité. Citons, par exemple, la pratique courante consistant à adopter un indice de vitrage de 1/6 dans les établissements scolaires métropolitains.
162Plutôt que d’adopter des standards importés (adaptés aux sites de latitude élevée), il est préférable pour des projets neufs de faire une étude simultanée de l’éclairage naturel, et des apports solaires résultants.
2.1.1.3. La température
163Les températures sont particulièrement clémentes, une moyenne annuelle de 23 et 24 °C, soit pratiquement la température idéale d’ambiance pour un être humain. On notera le très faible écart entre la zone nord et la zone sud de l’île.
164La faible amplitude de température – de l’ordre de 5 à 6 °C conforte la douceur climatique remarquable régnant sur l’île. À titre de comparaison, pour une température moyenne quasiment identique, l’ile de la Réunion est caractérisée par une amplitude plus élevée (de l’ordre de 8 °C), des maxima de température plus élevés, et des minima plus bas et une saison fraîche plus marquée.
2.1.1.4. La psychométrie
165L’étude du positionnement annuel de l’ensemble des conditions d’ambiance extérieure dans le diagramme de l’air humide permet de caractériser le confort thermique en espace extérieure. Le nuage de point est encadré sur sa valeur par :
- une température minimale absolue de l’ordre de 16 °C ;
- une température maxima absolue de 33 °C ;
- une humidité relative minimale de l’ordre de 45 %.
166Sur un plan statistique, les sources d’inconfort proviennent de périodes liées à :
- une sensation de fraîcheur : 6 % en dessous de 19 °C ;
- une sensation de chaleur : 10 % en dessous de 28 °C ;
- une sensation d’excès d’humidité : 5 % au dessus d’une humidité relative de 95 %.
167Si l’on exclut ces zones d’inconfort, on constate qu’un être humain est 83 % du temps dans des conditions de confort acceptable (à l’ombre).
2.1.1.5. Conditions extérieures pour le dimensionnement des installations de climatisation
168La ligne d’enthalpie maximale du nuage de point est de l’ordre de 85 kJ/kg as. Cette valeur est significative pour le dimensionnement des installations de climatisation. Elle correspond à un couple température humidité de 31 °C pour 70 % d’humidité.
169Cette valeur de dimensionnement est à comparer à celles d’autres départements d’outre-mer proposées par le guide « Climatiser dans les DOM ».
170Notons que les bureaux d’études ont tendance à prendre des conditions plus sévères – souvent 33 °C 75 % – conduisant à un surdimensionnement systématique.
2.1.2. État des lieux : potentiel et gisement naturel pour couvrir les besoins d’un bâtiment
2.1.2.1. Produire du confort thermique naturellement
171Le confort hygrothermique est lié à l’influence combinée :
- la température d’air ;
- la température radiante (en particulier la surchauffe générée des parois due aux rayonnements solaire) ;
- la vitesse d’air ;
- le niveau hygrométrique.
172L’humidité est une contrainte subie (pas d’action naturelle possible) qui contrarie la sudation (processus de réfrigération de l’être humain). En revanche, la vitesse d’air facilite ce processus et crée une sensation équivalente à d’une réduction de 4 à 5 °C de température pour un niveau de vitesse de 1 m/s.
173Il est donc important d’aborder concomitamment dans l’analyse climatique l’ensemble de ces données.
174L’examen des niveaux de températures extérieures au-dessus d’un certain seuil montre que l’inconfort généré par des températures > 28 °C concerne un bon millier d’heures.
175Les températures élevées sont fortement, bien entendu, corrélées au rayonnement solaire.
176Cependant, la nature a bien fait les choses ici, puisque les heures les plus chaudes correspondent également aux heures les mieux ventées. La vitesse extérieure du vent est de 5 m/s aux heures les plus chaudes. On dispose au moment où l’on en a le plus besoin d’un fabuleux potentiel pour :
- évaluer les apports de chaleur par ventilation naturelle ;
- générer des vitesses d’air de 1 m/s dans les locaux.
177Pour évacuer correctement les apports solaires, un débit d’air de renouvellement d’air de 10 à 15 vol/h est souhaitable. Compte tenu du niveau de vent, ce type de renouvellement d’air est relativement facile à obtenir. Pour une surface de 100 m2, deux ouvrants sur façades opposées de 1,5 m2 de section traversante permettent de générer un renouvellement d’air de 17 Vol/h. En général un ratio d’ouvrant de 3 à 4 % de surface Shon est suffisant pour évacuer la charge interne des locaux.
178En revanche, pour obtenir des vitesses de l’ordre de 1 m/s dans les habitations (pour faciliter le processus de sudation), le challenge est plus difficile. Le niveau de porosité nécessaire est plus important : de l’ordre de 20 % de porosité sur les façades. La non-atteinte de ce critère n’est pas déterminante pour rafraîchir naturellement les locaux : la mise en œuvre de brasseurs permet de pallier une vitesse d’air insuffisante dans les locaux. La consommation électrique de ce type d’appareil (étiquette A) est très faible comparée à une solution de climatisation.
2.1.2.2. Climatiser : un besoin ?
179Le degré heure climatisation
180Comme pour le chauffage (degré jour à 19 °C), le degré heure climatisation est un indicateur des besoins théoriques de climatisation. La figure qui suit donne les valeurs cumulées de degré climatisation selon la consigne souhaitée :
181À titre de comparaison, les degrés heures à 26 °C sont de 1 200 à Carpentras et de 150 à Trappes.
182Climatiser : quels sont besoins selon les secteurs.
183Le débat sur la nécessité de climatiser doit être abordé par secteur.
Résidentiel
184Pour le résidentiel, le faible niveau de charges internes (moins de 5 W/m2 en moyenne journalière) combinée à la bonne maîtrise des apports solaires (par une bonne conception de l’enveloppe selon la démarche Ecocal) permet de réduire les apports totaux à moins à 40 W/m2.
185À titre de démonstration, nous avons évalué les apports solaires sur la configuration suivante :
- logement de 100 m2 avec 16 m2 d’ouverture répartis également entre les différentes façades ;
- conçu selon les prescriptions Ecocal en termes de facteurs solaires pour les parois opaques et vitrées.
186Les apports solaires ramenés au m2 de surface de plancher pour un logement sous toiture et un étage courant sont les suivants :
187Nous avons vu précédemment que le vent local permet facilement un renouvellement d’air de 15 Vol/h, suffisant pour évacuer ce niveau d’apport. Une mise en œuvre d’une bonne conception bioclimatique permet de limiter à moins de 2,5 °C la surchauffe moyenne dans les locaux, compatible avec des conditions de confort hygrothermique acceptable.
Tertiaire
188Pour le tertiaire et notamment les bureaux, les apports internes, compte tenu de la densification de l’occupation des locaux (1 occupant/10 m2 voire moins), de la bureautique, de l’éclairage, sont souvent supérieures à 20 W/m2. Si l’on ajoute les apports climatiques, on atteint dans le meilleur des cas des apports totaux de 50 à 60 W/m2. Avec une ventilation de l’ordre de 15 Vol/h, la surchauffe moyenne la journée est de l’ordre de 4 à 5 °C. Pour limiter à 2 °C la surchauffe (conditions de confort acceptables), outre une bonne conception bioclimatique, il est nécessaire de travailler le poste apport internes par une dé-densification (on se heurte alors au problème du coût du foncier), le travail sur la lumière naturelle (pour limiter les apports éclairage), l’efficacité des appareils bureautique et une ventilation naturelle plus importante. Le niveau de renouvellement à atteindre est plutôt de 20 à 30 Vol/h). Envisager une alternative à la climatisation dans le tertiaire se heurte à trois conditionnements :
- le secteur d’immobilier de bureau se pose pour l’investisseur en termes de rentabilité (donc densifier et rentabiliser le foncier cher) ;
- de productivité des personnes y travaillant : la climatisation apporte une réponse de confort constant, alors que la climatisation naturelle doit être envisagée dans une optique de confort moyen (possibilités de dérives quelques heures dans l’année) ;
- de stéréotypes comportementaux : port de la cravate, image positive de la climatisation (marketing)…
189Pour le secteur de l’enseignement, le profil thermique est impacté essentiellement par l’apport interne dû aux élèves : 1 élève pour 1,5 m2 en primaire et 1 élève pour 2,7 m2 mais sur une plage d’occupation moins importante que pour le tertiaire. Les heures de cours ayant lieu aux meilleurs heures du jour, l’éclairage artificiel – si le bâtiment est bien conçu – est peu sollicité. L’apport moyen dû à l’occupation la journée est de l’ordre de 15 W/m2.
190Avec une bonne ventilation traversante (de 20 Vol/h à 30 Vol/h) et une bonne conception bioclimatique, la surchauffe moyenne peut être limitée à 2 à 3 °C et amener des conditions de confort acceptable.
Adaptation des rythmes de vie
191Le besoin énergétique est conditionné par le profil d’occupation selon la période de l’année. Il est intéressant de se poser l’intérêt d’un décalage saisonnier.
192En zone tropicale, l’intérêt est réduit compte tenu de la faible évolution de la durée du jour au cours de l’année. Cependant la N.-C. se situe à la limite de la zone tropicale humide et la variation de la durée du jour est appréciable :
193Entre le jour le plus court et le jour le plus long, il y a 2,6 heures. L’enjeu principale du décalage horaire se situe au moment de la saison chaude pour :
- récupérer une heure d’ensoleillement naturel le matin ;
- faire fonctionner une heure de moins la climatisation en fin de journée (pour les bâtiments climatisés) en finissant plus tôt ;
- une réadaptation des rythmes scolaires.
194La rentrée des classes a lieu aux mois les plus chauds de l’année. Des établissements d’enseignement commencent à équiper les classes de climatisation, à cause de cette période critique (février et mars). Or, la question de la climatisation dans les établissements d’enseignement est fondamentale. Les établissements constituent un symbole pédagogique fort : donner aux élèves, une image positive de la climatisation et surtout d’un équipement nécessaire peut avoir des conséquences catastrophiques :
- immédiat par le souhait de retrouver chez soi le même équipement (pression sur les parents) ;
- sur les futurs adultes, en créant un nouveau besoin.
195La pénétration de la climatisation dans les établissements d'enseignement est une ligne rouge à ne pas franchir : elle ruinerait toute crédibilité à des campagnes de sensibilisation aux aspects environnementaux et à l’économie d’énergie.
Respect des rythmes biologiques
196Certains pays chauds calent le niveau d’activité, en fonction des contraintes climatiques. En N.-C., les mois les plus chauds sont également les plus longs (durée du jour). Certaines activités peuvent adapter leurs horaires pour profiter des heures les plus fraîches et profiter davantage de l’éclairement naturel.
197Certains prônent la réhabilitation de la sieste l’après-midi (30 mn en début d’après-midi). Ce type de pratique est courant, par exemple, au Vietnam (zone intertropicale).
Code vestimentaire
198Le code vestimentaire a une influence néfaste en matière de MDE, notamment lorsqu’il se réfère à la tenue européenne (cravate et veston). L'action principale du vêtement est de contribuer à conserver la chaleur dégagée par le corps. Il a une action équivalente à une augmentation de la température ambiante autour du corps d’environ 8 °C pour une tenue européenne de demi-saison et 3 à 4 °C pour une tenue tropicale légère.
Le stockage de froid. Quel est son intérêt ?
199Il est d’abord économique : effacer les pointes de charge quotidiennes, caractérisées par une utilisation courte de puissances maximales. Ce système n’est applicable que pour les systèmes centralisés à eau glacée. Le stockage de froid peut conduire à une puissance du groupe frigorifique réduite (jusqu’à -40 %), une puissance tarifaire souscrite également réduite tout en profitant du tarif des heures creuses du réseau. Les gammes actuelles permettent de traiter un grand éventail de puissance. La rentabilité de ce système dépend du système de tarification des puissances de pointes. Le bilan environnemental notamment en CO2 dépend de la nature des moyens de production de l’énergie électrique mise en œuvre aux heures de pointes.
Climatisation solaire : état des lieux ?
200Climatiser sans consommer de l’énergie fossile, en utilisant le soleil est désormais possible, mais la filière est loin d’être mature. Plusieurs dizaines de réalisations dans le monde permettent d’avoir un premier retour de fonctionnement.
201Les avantages principaux de la climatisation à absorption solaire (capteurs plans performants ou tubes sous vides) sont :
- une consommation 20 moindre que les climatisations traditionnelles ;
- les fluides utilisés sont inoffensifs pour l’environnement.
202Cependant un appoint est nécessaire si l’on veut garantir une consigne. Une climatisation solaire à absorption (simple effet) fonctionne avec un COP ep de l’ordre de 0,7. Le taux de couverture solaire est de l’ordre 60 et 80 %. La N.-C. possède un fort potentiel de développement, car le rayonnement solaire est très élevé aux heures les plus chaudes (plus élevé qu’à la Réunion) :
203Il serait particulièrement intéressant de réaliser plusieurs opérations expérimentales afin de mieux cerner les performances effectives d’un tel système dans le cadre du climat de N.-C.. Le surcoût d’un tel système variant selon le niveau de puissance est de l’ordre de 50 % par rapport à un système classique. La limite physique d’un tel système est la surface de captation du bâtiment par rapport au volume à climatiser. À titre d’exemple, prenons un immeuble dont la surface de chaque étage est de 100 m2. Pour un étage, en partant d’un ratio de besoin maximal de froid de 80 W/m2, il faut une installation solaire avec une surface de panneaux solaires de 32 m2. En saturant la toiture de panneaux solaires (100 m2), on pourrait traiter en théorie jusqu’à trois étages, mais en réalité plutôt deux niveaux. En effet, dans la réalité, il est rare de disposer de la totalité de la toiture en surface libre. Saturer la toiture de capteurs thermiques pour la production d’eau chaude signifie également que l’on ne dispose plus de surface pour la production photovoltaïque, sauf en façade (donc avec une productivité moins intéressante).
2.1.2.3. S’éclairer naturellement
204L’éclairage est un poste énergétique important, notamment dans le tertiaire où les exigences sont élevées (300 à 400 lux sur le plan de travail. Ce besoin d’éclairage peut être pourvu en grande partie par la lumière naturelle. En effet, le gisement en lumière naturelle en N.-C., particulièrement élevé, autorise, sous réserve d’une bonne conception, un taux de couverture important. Pour estimer le niveau de couverture, nous avons simulé la lumière naturelle d’une surface rectangulaire de 10 m sur deux façades, d’une hauteur de 2,8 m avec plusieurs hypothèses :
- de profondeur : 10 à 20 m ;
- taux de vitrage en façade 20 % à 100 % ;
- d’un ciel diffus à 11 500 lux (la probabilité de ce niveau d’éclairement est de 90 % en N.-C.).
205Nous avons exploité les résultats en termes de facteur lumière jour (FLJ) et taux autonomie en lumière naturelle en fonction du ratio de surface vitrée ramenée à la surface de plancher.
206Le taux d’autonomie est calculé pour deux niveaux d’éclairement – 300 et 400 lux sur un plan de travail – et de 8 h à 18 h.
207Les résultats montrent qu’une très bonne autonomie en lumière naturelle est obtenue à partir d’un ratio d’ouverture entre 12 et 16 %. En dessous de 10 % le taux d’autonomie chute et n’exploite que partiellement le gisement de lumière. Au-delà de 20 % les gains supplémentaires sont négligeables (moins de 5 %) au regard des apports solaires potentiels.
2.1.2.4. Produire de l’eau chaude
Besoins énergétiques pour le chauffage de l’eau
208Le tableau suivant donne les besoins énergétiques comparés pour de réchauffement de l’eau chaude sanitaire pour la N.-C., les Antilles, la Guyane et à titre indicatif pour un site en métropole.
209Le réchauffement à 55 °C de l’eau froide d’un m3 nécessite une quantité d’énergie de l’ordre de 37 kWh par m3 par jour en N.-C., soit sensiblement 30 % de moins qu’une installation en métropole. On remarquera la grande similitude des besoins pour la Réunion et les sites calédoniens.
Produire l’eau chaude avec une installation solaire
210Le climat calédonien permet d’assurer en grande partie les besoins en eau chaude. Le tableau suivant synthétise une série de simulation solaire de chauffe-eau solaire compact sur le site de Nouméa.
211Les hypothèses adaptées :
- logiciel de calcul : solo ;
- température de chauffage de l’eau : 50 °C ;
- hypothèse de consommation selon le cas de figure : de 60 l à 600 l ;
- type de chauffe-eau : thermosiphon compact avec capteur plan les plus courants et disponibles en N.-C.
212Il est à remarquer que le produit le plus diffusé Sun Ray 300 est le produit le moins performant sur l’échantillon. On ne constate qu’un dimensionnement basé sur les hypothèses suivantes :
- taux de couverture minimal de 90 %, soit un dimensionnement de 60 à 70 l/m2 de panneaux ;
- une productivité de 700 kWh/m2 de panneau. Cela constitue un bon compromis taux de couverture/productivité des panneaux.
213C’est essentiellement sur les mois de mai à août que les taux de couverture sont les plus faibles.
214Notons qu’il suffit de réduire la consigne de température de 5 °C sur ces quatre mois pour rehausser le taux de couverture annuel moyen à 95 %.
2.1.2.5. Autres besoins domestiques
Besoins d’énergie électrique
215Excepté la cuisson, la plupart des usages domestiques nécessite de l’énergie sous forme électriques : l’éclairage, la cuisine, la ventilation, le froid, la télévision, l’ordinateur, le lavage du linge et de la vaisselle… Pour ces derniers postes une bonne partie peut basculer sous forme thermique solaire pour le réchauffage de l’eau. Hors cuisson et chauffage de l'eau chaude sanitaire, ces consommations sont de l’ordre de 3 000 kWh par an pour un ménage (métropole). Pour un ménage équipé en appareils économes et sensibilisés au développement durable, cette consommation peut être réduite à moins de 2 000 kWh par an.
216Pour compenser la consommation d’énergie fossile du réseau de ces appareils électriques, on envisage une production équivalente d’énergie solaire sous forme photovoltaïque. L’orientation optimale en N.-C. est l’orientation nord incliné à 20°.
217Dans cette configuration, 1 m2 de panneau polycristallin produit annuellement 135 kWh. Pour compenser les usages domestiques de l’électricité, une surface d’environ 15 m2 de surface horizontale est nécessaire. On peut également mettre à profit les façades verticales.
218Comme le montre le graphique, le rapport de production en surface verticale et surface horizontale est quasiment de moitié pour les orientations nord-est et ouest. La productivité est très faible dans les orientations sud. Les orientations raisonnables utilisables sont est, ouest et le nord sur des inclinaisons entre 20 et 45 °C : la production reste supérieure à 80 % à celle produite par la meilleure orientation. Une intégration sous forme de protection (double emploi) permet de valoriser l’équivalent d’une production horizontal de 0.4 m2 par m2 de façade (sous réserve d’absence de masque devant les façades).
219Un autre mode de compensation, c’est la production éolienne en milieu urbain. La vitesse moyenne du vent de l’ordre de 5,5 m/s à Nouméa permet d’envisager une productivité intéressante de l’ordre de 1 500 à 2 000 kWh/ kW (productivité variable selon les marques et les technologies).
220Les technologies les plus adaptées à la forte rugosité urbaine sont les éoliennes à axes verticales qui, au contraire, captent l’énergie turbulente (rendement amélioré). Pour le développement de cette filière plusieurs obstacles sont à surmonter :
- Les produits ne sont pas matures en matière de sécurité et de procédure de certification, de standardisation.
- La rentabilité économique est faible : le coût du kWh produit est supérieur à 15 c€/kWh.
- Sur un plan local, le développement éventuel de cette filière suppose le calage du prix de rachat du kWh par le réseau et le développement d’un réseau de professionnel.
La Cuisson
221Les plaques de cuisson et le four classique utilisent traditionnellement le gaz ou l’électricité. Le four microonde est exclusivement électrique. La plupart de ces usages doivent être compensés par une production équivalente d’énergie renouvelable. Cependant une partie de cet usage peut utiliser directement l’énergie solaire.
222D’abord considéré comme un gadget, la cuisine solaire ne se limite plus à quelques convaincus de l’autoconstruction. L’offre commerciale dans le monde commence à s’étoffer pour le particulier. Il existe également quelques grands projet de cuisine collective (notamment en Inde) qui on prouvé l’efficacité du procédé. Le principe de base – concentrer l’énergie solaire – se décline selon différents matériels : four, barbecue, autocuiseur, cuisine vapeur… Le poste cuisine représente pour les ménages de l’ordre de 500 kWh par an, dont une partie peut facilement basculer en cuisson solaire. La source d’énergie actuelle, électrique est particulièrement polluante : énergie primaire >3 kWh EP pour 1 kWh EP et 800 g CO2/kWh. L’emprise nécessaire pour ce type de système est l’environ 1 m2 orienté horizontalement (légèrement incliné vers le nord selon les saisons).
2.1.2.6. Transport
223L’approche de la problématique bâtiment - transport que l’on propose ici se limite à vérifier la faisabilité d’un bâtiment positif intégrant le poste transport. Le bâtiment par sa capacité à capter de l’énergie solaire peut-il couvrir outre les besoins domestiques l’énergie nécessaire au transport des personnes ?
a. Bicyclette solaire
224On s’intéresse ici à la possibilité de déplacement utilisant l’énergie solaire. Pour les petits déplacements urbains, la bicyclette électrique est le mode de déplacement idéal. Avec une consommation électrique de 10 Wh/km, la recharge solaire d’une bicyclette (d’autonomie de 40 km) pour un déplacement moyen de 30 km nécessite une quantité d’énergie de 300 Wh. La production d’un panneau photovoltaïque de 1 m2 suffit. En effet 1 m2 de capteur photovoltaïque polycristallin produit pour les orientations suivantes : une surface de 1 m2 est donc largement suffisante pour un individu.
b. Automobile électrique rechargée par une installation photovoltaïque
225En ce qui concerne les besoins électriques, chaque jour, on peut estimer qu'une voiture parcourt 40 km. À raison d’une consommation de 0,15 kWh/km, cela totalise une consommation moyenne journalière de 6 kWh. Les ratios du tableau précédent montrent qu’une installation de 13 m2 bien orientée (autour de 15° Nord,) permet de recharger une voiture électrique en énergie solaire. L’énergie fossile économisée est de l’ordre de 3 l d’essence par jour (avec une hypothèse de 7 l/100 km).
2.1.3. Surface captante nécessaire pour un objectif de bâtiments positifs
226L’objet de ce paragraphe est de faire la synthèse de synthèse des gisements de réduction des besoins et la possibilité de couvrir ces besoins par des énergies renouvelables.
2.1.3.1. Résidentiel
Conception bioclimatique pour réduire les besoins
227Nous avons vu qu’il était possible de réduire les apports solaires maxi dans un logement à moins de 40 W/m2. Un point de discussion important concerne le dimensionnement du ratio d’ouverture, résultant d’un savant compromis entre :
- les besoins de lumière ;
- les besoins de ventilation naturelle ;
- la maîtrise des apports solaires.
228Bien entendu, chaque projet doit faire l’objet d’une étude détaillée sur ces trois critères. Notre approche simplifiée permet de se faire une première idée des plages optimales pour concilier ces différentes contraintes :
Couverture des besoins par l’énergie solaire
229La faisabilité de couverture solaire des différents besoins énergétiques d’un ménage calédonien (4 personnes, 100 m2), avec un logement bien conçu sur un plan bioclimatique aboutit à une surface de captage solaire d’environ 60 m2 pour un ménage fortement équipé hyper consommateur (climatisation, 2 voitures) :
230Le même ménage « sensible au développement durable » équipé d’une seule voiture et se climatisant naturellement a besoin d’une surface captante solaire moitié moindre :
231Une grande partie des besoins peuvent être théoriquement couverts par l’énergie solaire. Le modèle d’hyperconsommation conduit à saturer la toiture de capteurs solaires et contraint à une architecture de plain-pied pour maximiser la captation en toiture. Cette architecture conduit à l’étalement urbain et est peu économe en matériaux.
232Même pour un habitat non climatisé avec un ménage économe, les surfaces nécessaires sont très importantes au regard des possibilités physiques du parc. Le croisement des différentes contraintes est :
- surface suffisante de toitures bien orientées ;
- absence d’ombrages et d’obstacles ou bâtiment environnant ;
- nombre de niveaux n’excédant pas 3…
233Il est probable que les logements candidats ayant vocation à devenir positifs atteignent difficilement 50 % du parc. L’objectif d’une ville à énergie positive nécessite une révision des règles d’urbanismes.
2.1.3.2. Tertiaire
Conception bioclimatique pour réduire les besoins
234Les possibilités de réduire les apports solaires dans le cadre d’une bonne conception climatique se situent autour de 40 W/m2. La principale difficulté réside dans le compromis entre l’apport de lumière pour optimiser les apports de lumière en limitant les apports solaires. Les progrès importants dans les protections solaires et en matière de verre pour filtrer le rayonnement infrarouges proches permettent d’envisager des transmissions lumineuses importantes avec un facteur solaire faible. Cela donne une grande latitude d’ajustement aux concepteurs.
235Pour les locaux conçus sans climatisation, la plus grande difficulté est de bien les ventiler, notamment pour obtenir la vitesse d’air suffisante par ventilation traversante. Il est plus facile d’envisager une bonne évacuation des apports solaires par ventilation traversante et compter sur des brasseurs d’air pour réaliser le niveau de vitesse d’air requis.
Couverture des besoins par l’énergie solaire
236Pour évaluer la faisabilité de couvrir les besoins énergétiques par du solaire (climatisation solaire et production électrique solaire) des différents postes tertiaires, nous sommes partis de ratios de consommation établis à la Réunion, dont le climat présente des grandes similitudes avec la N.-C. Les ratios sont ramenés par m2 de surface utile.
237Ce simple calcul montre la difficulté à réaliser des bâtiments à énergie positive dés lors que les locaux sont climatisés et qu’une démarche MDE n’a pas été mise en œuvre.
2.2. État de l’art de la MDE dans le domaine du bâtiment et des équipements en dehors de la Nouvelle-Calédonie
238Les actions de maîtrise de l’énergie se déclinent sur différentes échelles et sont de plus en plus intégrer à des problématiques environnementales plus générales. La MDE constitue le noyau de base :
239Dans les paragraphes suivants, on s’intéresse d’abord à la MDE en se concentrant sur l’aspect réglementation thermique pour deux raisons :
- c’est de loin le mode d’action plus efficace, donc à privilégier ;
- il n’existe pas actuellement de réglementation thermique en N.-C. Sans faire un panorama complet, on se propose de faire une synthèse des réglementations thermiques dans les États dont le climat et les préoccupations sont proches de ceux de la N.-C. Australie, département d’outre-mer, pays d’Asie de zones tropicales. Un paragraphe particulier est accordé à la nouvelle réglementation dans les DOM dont le décret vient de sortir.
240L’aspect réglementaire est d’autant plus important, qu’il est indispensable pour donner des points de repère au lancement d’autres actions incitatives comme les labels environnementaux ou basse consommation.
241Au-delà de la réglementation, les démarches environnementales et MDE volontaristes ou incitatives permettent d’aller bien au-delà et de préfigurer les futures étapes réglementaires. Une synthèse de ces démarches est dressée sous l’angle particulier de leur applicabilité en N.-C.
242En matière d’équipements, après un panorama rapide des meilleurs techniques disponibles, des labels énergétiques (étiquettes) et Eurovent, le quartier, la ville, l’agglomération urbaine, sont les échelles pertinentes pour croiser de multiple problématiques environnementales en particulier le bâtiment et le transport. Par ailleurs, l’émergence du concept d’écoquartier donne une place privilégiée à la thématique énergie parmi les multiples problématiques posées à l’échelle urbaine.
2.2.1. Les réglementations thermiques en zone intertropicale
243Les réglementations thermiques se sont généralisées dans les pays de zones tropicales pour faire face :
- à une forte demande de climatisation mécanique et donc de consommation énergétique dans les bâtiments ;
- aux risques croissants de rupture d’alimentation électrique dans les grandes métropoles.
244La sensibilité émergente de nombreux pays à la question environnementale a également accéléré l’adoption de réglementation.
Australie
245Avant 1990
246Il n'y avait pas réellement de politique de maîtrise de l'énergie dans le bâtiment en Australie dans les années 1980. Pour les locaux du secteur tertiaire, seule la ventilation était définie, sans attention particulière portée sur la question de la climatisation mécanique. En 1991, apparaissent les niveaux d’isolation requis pour les bâtiments résidentiels.
247Les normes de ventilation des locaux (Standard n° 62-1973) ont été préparées par l'Association's Committee on Mechanical Ventilation and Air Conditioning, sur la base des travaux de l'ASHRAE. Ces normes spécifiaient les besoins en renouvellement d'air des locaux, vis-à-vis de la santé des occupants et de la sécurité.
248En 1999, une stratégie nationale de lutte contre l’effet de serre se fixe l’objectif de produire des bâtiments de meilleure performance énergétique, au moyen (CSIRO, 1999) :
- d’un encouragement aux « bonnes pratiques » volontaires dans la conception, la construction, l’exploitation des bâtiments ;
- d’une élimination des pratiques de mauvaises performances en intégrant un standard simple d’exigences minimum de performance dans le Building code of Australia (BCA).
249Pour élaborer ses standards, le BCA distingue dix classes de bâtiments : appartements, hôtellerie, boutiques, bureaux, hôpitaux.
250Trois paramètres urbains sont cités : implantation, orientation et potentiel solaire.
251La performance thermique des logements tend à être dominée par les transferts de chaleur dus à l’enveloppe, tandis que la priorité est donnée, pour les autres catégories de bâtiments, aux charges internes, ce qui peut modifier les niveaux d’isolation recommandés. Quatre méthodes ont été identifiées afin d’assurer le respect des exigences :
- simulation globale (choix entre la méthode du « bâtiment de référence », de forme et de taille identique et la méthode du « niveau de performance minimum » qui fixe une consommation d’énergie à ne pas dépasser) ;
- critères de performance ;
- exigences élémentaires ;
- commission d’experts.
252Le texte du CSIRO discute les avantages et les limites des différentes approches :
- simulation globale : disponibilité d’outils, formation des experts, définition des conditions intérieures de référence, risque de compromis entre niveaux de performance de l’enveloppe, à longue durée de vie, et des systèmes à durée de vie plus courte ; bâtiment de référence : deux calculs, il peut hériter de certains paramètres non performants, comme la forme ;
- critères de performance (enveloppe, éclairage, équipements HVAC). Exemple de critère pour l’éclairage : adjusted light power density, ALPD = power/ area – credit (W/m2). Le choix de critère de performance devrait tenir compte des coûts en cycles de vie, tel que le coût de remplacement des lampes ;
- exigences élémentaires (murs, toit, éclairage, « chillers »), d’un développement complexe en raison du nombre de combinaisons de paramètres (types de bâtiment, taille, zones climatiques, etc.) ;
- commission d’experts (notamment pour les solutions innovantes, comme la façade double peau qui évacue la chaleur en excès).
253Les niveaux de performance (base annuelle) peuvent être définis par :
- la consommation d’énergie ;
- son coût ;
- les émissions de CO2.
254Et être ramenés aux valeurs unitaires :
- de la surface de plancher ;
- du nombre d’occupants ;
- du nombre de chambres.
255Une démarche est proposée pour établir les niveaux de performance requis, en trois étapes :
- développer une liste de mesures appropriées localement, par consensus d’experts ;
- sélectionner les mesures qui sont économiquement performantes ;
- déterminer les niveaux de performance sur la base d’exemples qui incluent ces mesures.
Pays de l’ASEAN
256La méthode ASHRAE Standard est utilisée et adaptée aux différents pays de l’ASEAN.
257Ils doivent répondre aux exigences d'une réglementation thermique basée sur des coefficients globaux de transfert thermique d'enveloppe dénommés OTTV (Overall Thermal Transfer Value). La charge de climatisation est ensuite estimée au moyen de degrés-jours. Le tableau suivant synthétise les différents coefficients réglementaires issus des approches OTTV.
Les départements d’outre-mer
258À la suite du constat d’inadaptation de la réglementation acoustique au contexte des DOM, l’ordonnance n° 98-521 du 24 juin 1998 a introduit la faculté juridique d’adaptation de la réglementation en matière d’acoustique et de thermique dans les DOM.
259Après une dizaine d’années de gestation, la réglementation thermique DOM fait l’objet d’un décret ministériel (avril 2009). Cette réglementation prévoit notamment la modification du code de la construction et de l’habitation (CCH) pour les logements neufs avec la création d’un chapitre « Dispositions particulières relatives aux départements de Guadeloupe, Guyane, Martinique et Réunion ». Il introduit trois sections qui définissent les principes et orientations et renvoient aux arrêtés correspondants adaptant les réglementations aux spécificités des DOM en matière de « thermique », d’« aération » et d’« acoustique ».
Les orientations en thermique et en matière d’aération
260Les propositions d’adaptation des exigences s’inspirent des principes constructifs d’expériences telles que l’opération Ecodom. L’objectif principal vise à améliorer la qualité thermique et les performances énergétiques des logements neufs dans des limites de coûts acceptables.
261Sous les climats chauds et humides des DOM, le confort thermique est assuré par la combinaison de deux paramètres : une protection solaire efficace de l’enveloppe des bâtiments et des débits d’air importants pour évacuer les apports internes et solaires et contribuer à une meilleure sensation de confort.
262Le projet d’adaptation définit, dans une première étape réglementaire, des niveaux d’exigences homogènes aux quatre départements, modulés en fonction des spécificités climatiques locales (zonage climatique particulier pour la Réunion). Les exigences sont exprimées en performance par éléments d’ouvrage (toitures, murs extérieurs, baies, pare-soleil…) afin de faciliter l’appropriation par les professionnels et la vérification de la conformité aux niveaux fixés avec peu ou pas de calcul.
Caractéristiques thermiques minimales des parois
263Le niveau de protection solaire de l’enveloppe est évalué au moyen du facteur solaire (S) qui traduit la capacité d’une paroi à limiter l’énergie solaire sous forme de chaleur. Le calcul du facteur S est défini par la formule : S = (0,074 x Cm x α)/(Rth + 0,20)
264Où : Cm = coefficient de réduction correspondant aux pare-soleil
265α = coefficient d’absorption de la paroi dont les valeurs sont fonction de la couleur
266Rth = résistance thermique de la paroi
267Les Hauts de la Réunion (>800 m d’altitude) ont une situation climatique différente, plus proche de la métropole. Le dispositif réglementaire vise, lorsque les locaux sont chauffés, à limiter les déperditions énergétiques de l’enveloppe. Pour traduire le caractère d’enveloppe plus ou moins déperditive, la réglementation utilise le coefficient de transmission thermique (U) de la paroi exprimé en W/m².K. La méthode pour déterminer U et la valeur maximale Umax sont fixées.
268U = 1 / (Rth + 0.20)
269où : Rth = résistance thermique de la paroi.
270Pour les parois opaques, le respect de ces exigences peut être simplifié par la vérification que les performances d’isolation des parois sont au moins égales aux exigences de résistance thermique minimale (Rmini). La résistance thermique d’une paroi, noté Rth exprimée en m².K/W, traduit la faculté d’une paroi à limiter la transmission de chaleur entre la face externe et la face interne. Cependant, la vérification Rth ≥ Rmini ne prend en compte ni la couleur de la paroi ni les dispositifs d’ombrage.
271Les caractéristiques thermiques des parois opaques se réfèrent aux valeurs admissibles de facteur solaire et de résistance thermique suivantes :
272Les parois en contact avec l’extérieurs doivent alors vérifier : S ≤ Smax ou Rth ≥ Rmini.
273Pour les bâtiments d’habitation construits à une altitude supérieure à 800 m (les Hauts de la Réunion) les parois doivent vérifier U ≤ Umax ou Rth ≥ Rmini.
Caractéristiques thermiques minimales des baies
274À l’exception des bâtiments d’habitation construits à la Réunion à une altitude > 800 m, les baies transparentes ou translucides des logements, en contact avec l’extérieur, dans le plan des parois horizontales sont interdites.
275Le niveau de protection solaire des baies est évalué au moyen du facteur solaire (S) qui traduit sa capacité à limiter l’énergie solaire. Le calcul du facteur prend en compte le type de baie (jalousie, vitrage…), la couleur des lames lorsqu’il y en a et la présence de pare-soleil (suivant le type de protection, le département, l’orientation et la couleur). Les valeurs maximales admissibles (Smax) sont en cours de précision, mais semblent suivre les caractéristiques climatiques et les quelques différenciations suivantes :
276Le dispositif réglementaire prévoit de renforcer l’exigence pour les baies des logements sur les Hauts de la Réunion et pour les baies des locaux climatisés. Le facteur solaire est alors déterminé par application des règles Th S. Les baies doivent être équipées d’entrées d’air pour permettre le renouvellement d’air ou d’un dispositif d’insufflation d’air neuf. Pour les bâtiments d’habitation construits à la Réunion à une altitude > 800 m, les menuiseries des baies des pièces principales présentent un classement d’étanchéité à l’air au moins de classe 1 (norme NF EN 12207).
277Les caractéristiques thermiques baies se réfèrent aux valeurs admissibles de facteur solaire suivantes.
278Le facteur solaire S de toutes baies en contact avec l’extérieur doit vérifier : S ≤ Smax. Les baies des pièces de services dont les surfaces sont inférieures à 0,5 m² sont exclues.
Ventilation de confort et ventilation d’hygiène
279La ventilation des logements prend en compte les aspects de confort, notamment avec des conceptions en ventilation naturelle, et d’hygiène en assurant l’évacuation des polluants par des débits d’air suffisants.
280Afin d’assurer une vitesse minimale d’air, les logements sont conçus de telle sorte que les pièces principales puissent être balayées par un ou des flux d’air provenant de l’extérieur du logement. Ces écoulements d’air doivent pouvoir transiter par des baies dans les parois externes et internes pouvant rester en position ouverte et qui participent ainsi à la ventilation naturelle de confort.
Le dispositif réglementaire définit trois caractéristiques.
281À l’échelle du logement, les ouvertures doivent être prévues sur au moins deux parois en contact avec l’extérieur ayant des expositions différentes. À l’échelle d’un local, les ouvertures sont percées sur des parois opposées ou latérales.
282Le dispositif définit également les surfaces minimales admissibles des ouvertures des parois en contact avec l’extérieur. Ses « surfaces d’ouverture libre », exprimées en pourcentage de la surface de la paroi de la pièce, ne peuvent être inférieures à 1 m². La surface des ouvertures des parois internes doit être supérieure à la plus petite des deux surfaces des ouvertures en contact avec l’extérieur.
283Pour permettre de compléter la « ventilation naturelle » lorsqu’elle est inopérante ou insuffisante, le dispositif prévoit les dispositions relatives aux brasseurs d’air (ou ventilateur de plafond). Le branchement d’une attente est imposé pour chaque pièce principale (2 pour des surfaces supérieures à 30 m²) et la fourniture est obligatoire. Le flux d’air traverse au moins une autre pièce principale et lorsque la pièce est à simple exposition et que le flux d’air ne circule pas dans la direction du vent dominant.
284En matière de ventilation d’hygiène, la ventilation peut être assurée pièce par pièce. La cuisine est dans tous les cas pourvue d’une ouverture sur l’extérieur. Pour les autres pièces de service, si elles ne disposent pas d’ouvertures sur l’extérieur suffisantes, des débits d’extraction minimum sont assurés au moyen d’une ventilation mécanique.
285Dans le cas des logements climatisés, une disposition d’extraction est imposée pour toutes les pièces de service.
Équipements
286L’eau chaude sanitaire étant obligatoire pour tous logements neufs, le dispositif vise le recours aux ENR (en particulier les installations solaires) et à défaut, il prescrit des principes de production économes en énergie en excluant notamment les appareils de production spontanée.
287Pour le cas des Hauts de la Réunion, les installations de chauffage, s’il en est prévu, doivent avoir recours aux ENR ou à défaut être équipé de thermostats.
288Le dispositif propose l’installation de thermostats sur les équipements de climatisation dans chaque pièce climatisée afin de limiter les consommations énergétiques.
2.2.2. Les démarches MDE et/ou environnementales dans le bâtiment
289Les démarches environnementales ne se limitent pas au volet énergie, mais cherchent à optimiser un bâtiment sur l’ensemble de son cycle de vie. Nous abordons les trois principales approches mises au point pour les zones tempérées, mais qui ont vocation à être adaptées à la zone tropicale. Enfin, nous établissons une synthèse des démarches environnementales élaborées spécifiquement pour les territoires d’outre-mer.
290Méthode du Royaume-Uni, BREEAM (Building Research Establishment’s Environmental Assessment Method) La méthode d’évaluation d’un projet consiste à comptabiliser des crédits, basés sur les critères suivants :
- CO2 (lié à la consommation d’énergie) : 10
- Déplétion de l’ozone (due aux CFCs, HCFCs, etc.) : 7
- Valeur écologique du site : 3
- Impact sur l’environnement immédiat (bruit, effet du vent, ombres portées sur les autres bâtiments et leurs terrains) : 3
- Installations pour les cyclistes : 1
- Préservation des ressources naturelles et utilisation de matériaux recycles : 5
- Gestion de l’eau : 1
- Ventilation, humidité, exposition au tabagisme passif : 3
- Traitement des risques de la légionellose (tour de refroidissement par évaporation, eau chaude) : 2
- Risques liés aux équipements et matériaux : 2
- Éclairage : 2
- Confort thermique, traitement des surchauffes, bruit intérieur : 2
291Une seconde version a été publiée en 1993 et le standard sert aujourd’hui de modèle à des initiatives similaires à Hong Kong (climat tropical humide) et d’autres pays.
292La démarche Green Globes Design est dérivée de la méthode BREEAM Green Leaf, qui a pour objectif d’intégrer un certain nombre de principes écologiques dans l’architecture et cela à travers un protocole d’évaluation qui se présente sous la forme d’un questionnaire. Elle permet de concevoir un bâtiment qui sera efficace en gestion énergétique, et plus sain pour y vivre ou y travailler. C’est un outil de cotation qui permet d’étalonner l’efficacité énergétique et environnementale de tout projet.
293Méthode États-Unis, LEED (Leadership in Energy and Environmental design)
294La méthode LEED est fondée sur cinq rubriques principales :
- développement durable du site ;
- gestion de l’eau ;
- efficacité énergétique ;
- sélection des matériaux ;
- qualité de l’environnement intérieur.
295Elle a donné lieu à plusieurs déclinaisons, dont celle de la méthode TGBRS, en Inde.
296Cette méthode est associée au Teri (The Energy and Resources Institute), et s’intitule Teri’s Green Building Rating Systems (TGBRS).
297Fondée sur le principe de LEED, elle s’applique à six zones climatiques différentes, et s’intéresse en particulier :
- aux moyens de transports autour du site ;
- à l’éclairage extérieur ;
- à la gestion de l’eau et des déchets ;
- à la qualité de l’environnement intérieur, devant faire l’objet d’une conception innovante.
298D’autres objectifs sont aussi considérés :
- minimiser la destruction des biotopes naturels pour la faune, et la biodiversité ;
- réduire de façon drastique les pollutions de l’air et de l’eau, la consommation d’eau ;
- limiter la production de déchets grâce au recyclage ;
- accroître la productivité et le bien-être de l’usager.
299Démarche de Haute Qualité environnementale (HQE®) en France
300La définition formelle de la HQE® donnée par l’association HQE est la suivante :
301« La qualité environnementale des bâtiments correspond aux caractéristiques du bâtiment, de ses équipements (en produits et services) et du reste de la parcelle de l’opération de construction ou d’adaptation du bâtiment qui lui confère l’aptitude à satisfaire les besoins de maîtrise des impacts sur l’environnement extérieur et de création d’un environnement intérieur confortable et sain ».
302Traduite simplement sur le schéma qui suit, la démarche de haute qualité environnementale vise à minimiser durablement les impacts sur l’environnement à toutes les échelles spatiales (espaces intérieurs / parcelle et ses abords immédiats / régionale / nationale / planétaire), et sur son cycle de vie, depuis l’extraction des matières premières qui ont servi à sa fabrication jusqu’à sa démolition.
303Cette définition de la HQE® est développée dans le référentiel définition exigentielle. Ce dernier développe les exigences selon quatorze cibles (voir illustration) :
- 7 relevant de la maîtrise des impacts extérieurs ;
- 7 relevant de la maîtrise des impacts intérieurs.
304Trois autres référentiels détaillent en profondeur la démarche sur un plan opérationnel :
3051. La définition explicite de la qualité environnementale
306Ce document aide à établir les objectifs et les indicateurs correspondants pour définir et prioriser les exigences d’un maître d’ouvrage.
3072. Le système de management environnementale
308Il s’agit de l’ensemble de l’organisation, des procédures et des pratiques spécifiques à une opération de construction.
3093. La certification
310Les deux procédures de certification mises en place concernent les bâtiments tertiaires et le secteur du logement. La certification tertiaire (organisme certificateur Certivea) peut être appliquée aux zones tropicales sous réserve d’adaptation aux zones tropicales, notamment sur la cible énergie.
311Sur un plan documentaire, l’ensemble des référentiels cité ici est consultable sur le site de l’association HQE, http://www.assohqe.org.
312Sur le site de l’ADEME, on pourra également consulter :
- livre de bord d’opération HQE de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie ;
- le guide de la haute qualité environnementale (à commander).
313Pour compléter ces documents, citons également :
- norme XP P 01-010 : relative à la déclaration environnementale des produits de construction ;
- norme XP P 01-020 : relative à la déclaration environnementale des bâtiments ;
- norme ISO Sustainable Building.
314Démarches environnementales et MDE dans les DOM
315Jusqu’en 2009, l’absence de réglementation thermique, la restriction de la réglementation acoustique métropolitaine ainsi que le concept de HQE sont à l’origine de plusieurs outils opérationnels, programmes ou labels développés sur les territoires des DOM dans le cadre du Programme régional de maîtrise de l’énergie (PRME) de la région d’outre-mer. Ces différents outils engagent les constructeurs à respecter certaines prescriptions pour les constructions. Chaque outil développe une démarche spécifique à un territoire et/ou un type d’opération (construction, réhabilitation) et/ou un type de bâtiment (logement, tertiaire, scolaire). Chaque démarche se construit à partir d’une prise en compte des contextes locaux (climatiques, architecturaux, énergétiques et économiques). Cependant, un objectif commun guide ces démarches : améliorer la qualité de la conception, en particulier de l’enveloppe, dans le but d’améliorer le confort, de diminuer les charges de climatisation et de préparer les acteurs à la future réglementation thermique (en attente de la sortie du décret). Ces outils traitent du secteur tertiaire et résidentiel dans leur démarche de construction environnementale aussi bien dans le neuf que dans la réhabilitation.
316Sur le volet MDE, le thème prédominant est la maîtrise du développement de la climatisation dont le taux de croissance est préoccupant. Une série de démarches et d’outils ont été initiés pour animer les filières professionnelles (entreprise de climatisation et de protection solaire), et mieux dimensionner les installations.
317Ces outils et dispositifs sont décrits dans une fiche de synthèse en annexe 2.
2.2.3. Les meilleures techniques disponibles et labels concernant les équipements
318Pour chaque usage, nous examinons les meilleures techniques disponibles, les tendances qui préfigurent l’avenir, les labels et certifications.
L’éclairage
319Dans les secteurs résidentiels, bien qu’étant apparues, les lampes Basse consommation se substituent lentement et progressivement aux lampes à incandescences, amenées à disparaitre. Le climat chaud est idéal pour le fonctionnement comme en atteste le succès des campagnes de diffusion LBC dans les départements d’outre-mer.
320Dans le bureau, les tubes T8 sont progressivement remplacés par les tubes T5 plus efficaces. Dans les bureaux, une bonne conception doit permettre une puissance installée inférieure à 10 W/m2.
321Mais c’est sur le progrès en matière de gradation et de détection de présence qui apporteront une économie d’énergie substantielle. Il est en effet important de corriger le comportement des usagers, qui n’éteignent pas la lumière artificielle lorsque la lumière naturelle est suffisante, ou lorsqu’ils quittent une pièce.
322La technologie d’avenir LED équivaut à présent aux meilleures lampes fluo compactes, avec l’avantage d’être cinq fois plus durables. L'évolution est loin d’être terminée, d’autant plus que se profile déjà une autre révolution avec les Oleds (Organic light-emitting diode).
323L’offre commerciale pour le résidentiel commence à s’étoffer et, dans le secteur tertiaire, de grands projets de bureau commencent à être équipés entièrement en LED.
Bureautique
324En matière de bureautique, l’écran plat a apporté un énorme progrès avec une consommation 4 fois moindre que les vieux tubes cathodiques. L’industrie progresse également en matière de consommation des micropresseurs et d’alimentation. Mais c’est surtout la gestion des veilles qui est essentielle notamment par l’activation de gestion d’énergie (Label Energy Star). Par ailleurs, comme pour les autres appareils – photocopieuses, imprimantes, télécopieurs – le plus gros gisement d’énergie concerne le fonctionnement en mode « veille ».
325À ce sujet de gros progrès sont attendus sous l’impulsion d’une proposition récente de règlement de la Commission européenne (cf. § suivant).
Appareils électriques domestiques
326L’étiquette énergie UE obligatoire pour certain appareils, permet de classer l’efficacité énergétique, mais donne également d'autres informations utiles au client, l'aidant dans son choix entre différents modèles. Ce label peut servir de support précieux en matière de réglementation ou d’actions MDE.
327En matière d’amélioration des performances, la proposition européenne sur les veilles domestiques, pour les téléviseurs, magnétoscopes, chaînes hi-fi… dont l’essentielle de la consommation se situe hors usage permettra de faire un saut quantitatif en matière d’efficacité énergétique. Les nouvelles contraintes imposeront, par exemple, que la consommation des appareils en veille ne devra plus dépasser 1 W d’ici à 2010 (2 W si l’appareil en question possède un système d’affichage d’informations, tel un écran LCD). Ce niveau de consommation électrique admissible sera ensuite abaissé à 0,5 W (ou un 1 W pour les mêmes appareils que précédemment) en 2013. Ces mesures permettront d’économiser 73 % de l’énergie utilisée en mode veille.
Climatisation
328Ces dernières années plusieurs tendances se dégagent :
- Après une longue stagnation, les groupes froids centralisés progressent en matière de performance (EER). Les appareils terminaux – et notamment les ventilo convecteurs – bénéficient de nouvelles technologies de moteurs à commutation électronique (consommation électrique divisée par 3).
- On constate une pénétration importante des VRV ou DRV technique récente dans les immeubles de taille moyenne.
- La technique inverter se généralise sur les climatisations individuelles.
- Les GTB avec le coût de l’énergie deviennent un équipement indispensable de maîtrise de l’énergie.
329Pour connaître les réelles performances d’un équipement, l’organisme Eurovent certifie les performances des climatiseurs, groupe froid, centrale de traitement d’air.
330En matière de fluides frigorifiques, les plus utilisés sont les HFC, inoffensifs vis-à-vis de la couche d’ozone (zéro ODP), mais non, vis-à-vis de l’effet de serre (GWP Global Warming potential). Les systèmes traditionnels à eau glacée limite la quantité de fluide en mouvement, cependant il n’en est pas de même pour les VRV, technique en fort développement (potentiel important de fuite). La climatisation individuelle pose la question de la diffusion et récupération de ces fluides en fin de vie.
331Face à cette problématique, de « nouveaux » fluides zéro ODP et zéro ou faible GWP apparaissent :
- l’eau (le R-718 en langage de frigoriste) ;
- le CO2.
332Un fabricant va proposer prochainement des machines VRV fonctionnant au CO2 avec une bonne efficacité (EER). Notons que les machines à absorption utilisées, notamment en climatisation solaire à l’ammoniaque ou au bromure de lithium fonctionnent également sans fluide non polluant.
333Concernant la climatisation solaire, malgré un potentiel de développement important, force est de constater que toutes les réalisations actuelles demeurent expérimentales et sont fortement subventionnées. Trois technologies émergent :
334Le coût d’investissement initial et l’absence de réseau de professionnels structurés sont les freins à lever pour un développement de la filière. Notons cependant que le climat de N.-C. se prête bien à l’application de ce type de technologie qu’il serait intéressant d’expérimenter.
Ventilation
335La RT2005 limite à 0,25 W/ (m3/h) d’air véhiculé la consommation des ventilateurs. Les meilleurs technologies actuellement permettent de descendre en dessous de 0,13 W/ (m3/h) avec des moteurs à commutation avec des roues et transmission optimisées. La conception du réseau aéraulique (limitation des pertes de charges) et la maîtrise des fuites (en moyenne 13 %) sont également déterminants sur les consommations. Enfin la modulation des débits grâce à la variation de vitesse permet d’ajuster précisément les débits aux besoins, détectés par des indicateurs appropriés (sonde humidité, CO2, présence, niveau d’activité). L’installation d’une commande d’horloge permet également des économies substantielles dans les installations existantes.
Circulateurs
336Les pompes de circulations d’eau, notamment pour la circulation d’eau glacée, sont également un gros poste de dépenses électriques. Les pompes sont souvent surdimensionnées et fonctionnent en permanence. Le remplacement des moteurs asynchrones par des moteurs à commutation couplés à des aubes optimisées permet une baisse de la consommation d'électricité annuelle des circulateurs de 60 % ou plus.
2.2.4. Les démarches environnementales à l’échelle urbaine
337La dimension de l’aménagement urbain est essentielle pour parvenir à valoriser des ressources du site, qu’elles soient énergétiques (éolien, biomasse, solaire) ou climatiques (régimes des vents, des températures d’air, des pluies) et à la maîtriser des nuisances (bruits, pollution, déchets). L’émergence du concept d’éco-quartier met en avant les performances écologiques, notamment sur les thématiques liées à la mobilité, l’énergie, l'eau, les déchets, les matériaux de construction et de la gestion/dépollution des sols.
338Il n’existe pas à proprement parler de méthodologie développée spécifiquement des problématiques pour les zones tropicales insulaires.
339Pour ce qui concerne l’audit environnement et la conception durable à l’échelle urbaine durable, deux outils sont transposables :
Analyse environnementale urbaine
340L’AEU est une méthode développée par l’ADEME depuis 1996 qui permet d’intégrer les préoccupations environnementales et énergétiques dans les projets de planification territoriale et d’urbanisme opérationnel.
341L’AEU repose sur une analyse globale du territoire, organisée autour de différentes thématiques :
- L’énergie
- Le climat
- Les déplacements
- Le bruit
- Les sites et sols pollués
- La biodiversité et le paysage
- Les déchets
- L’eau et l’assainissement
342Elle se compose tout d’abord d’un diagnostic pluridisciplinaire puis de préconisations permettant de répondre aux objectifs du projet tout en tenant compte des potentialités et contraintes du site. La méthode constitue un bon outil d’aide à la décision et permet de bien identifier les différents enjeux avant de se prononcer sur un futur projet d’aménagement.
Maximisation Method for Sustainable Urban Design
343Cette méthode de conception élaborée aux Pays-Bas peut être transposée aux climats tropicaux. Il s’agit d’une démarche passant de l’analyse au concept à partir de plusieurs thèmes structurants :
- Le paysage
- Le sol et la nature
- L’eau
- Les déplacements
- L’énergie
- L’archéologie (aspect du patrimoine culturel)
344Chaque thématique, située en plan, est confrontée pas à pas avec les autres thématiques.
345En matière d’évaluation des actions à l’échelle urbaine et territoriale, deux outils permettent de réaliser des états précis sur une batterie d’indicateurs environnementaux à chaque évolution d’un projet urbain :
Bilan Carbone™ : la mesure de la décarbonisation
346Le module de la méthode Bilan Carbone™ de l’ADEME adaptée aux collectivités territoriales évalue les émissions de GES, directes et indirectes, générées par les activités présentes sur le territoire, concernant les habitants, les entreprises, les administrations.
347Les secteurs d’activités concernés sont l’industrie, le tertiaire, le résidentiel, l’agriculture et la pêche, le transport. Dans le cadre du transport sont prises en compte les émissions directes générées sur le territoire (exemple des émissions liées au déplacement des marchandises sur le territoire), ainsi que les émissions indirectes générées en dehors du territoire (exemple des transports hors territoire et nécessaires à son approvisionnement). Les résultats obtenus permettent d’identifier des actions relatives à l’organisation des activités sur le territoire étudié : relocalisation de filière de production, organisation des modes d’échanges, aménagement du territoire.
348Par exemple, le Bilan Carbone™ du futur quartier Dumbea a permis de définir les postes les plus émetteurs en termes de rejets de GES comme le transport.
Sustainable Built Environment : SB tool
349SBTool résulte d’une initiative canadienne de 1996, tournée vers l’international (International Initiative for a Sustainable Built Environment, IISBE). La méthode est fondée sur un tableur composé de 3 modules :
- SBT07-A : définition du contexte et des pondérations propres au projet.
- SBT07-B : informations sur le site et les caractéristiques du projet.
- SBT07-C : auto-évaluations basées sur les données rentrées en A et B.
350Les thèmes abordés comprennent l’échelle urbaine (en A et B principalement) :
- Sélection du site, organisation du projet et développement
- Énergie et consommation des ressources
- Impacts environnementaux
- Qualité environnementale intérieure
- Qualité des services
- Aspects socio-économiques
- Aspects culturels et perceptuels
351Le thème A (sélection du site, organisation du projet, design urbain et développement du site), comporte une liste d'exigences relatives à l'emplacement et à l’aménagement du site telles que :
- la proximité de lignes de transports en commun (A1.6) et la prise en compte des déplacements générés (A1.7, 8 et 9) ;
- la priorité donnée aux modes de déplacements doux (A3.3, 4 et 5) ;
- le respect des densités de développement et de diversité fonctionnelle (A3.1 et 2) ;
- le choix d'un emplacement approprié pour le bâtiment, si possible en réutilisant des sites déjà artificialisés et éventuellement contaminés (à réaménager, A1.5) ;
- l’éventuel maintien d’une activité de type agriculture urbaine (A1.2) ;
- la possibilité de solutions alternatives de gestion de l’eau (A2.4) et de ressources d’énergies renouvelables (A2.1 et 9) ;
- la contribution de la végétation au confort des espaces extérieurs (A3.8).
352Le système offre un cadre de notation à partir d’une boîte à outils, et devient un système de crédits seulement lorsque l’utilisateur le calibre pour la région d’application, en pondérant les différents critères. La méthode, modulaire, est considérée comme flexible, permettant d'intégrer des données de référence en fonction des valeurs régionales, et pouvant ainsi s'appliquer à une échelle locale.
2.3. Propositions d’amélioration en matière de MDE dans le domaine du bâtiment et des équipements en Nouvelle-Calédonie
2.3.1. Les outils de l’efficacité énergétique
353Les moyens d’agir sur l’efficacité dans le bâtiment peuvent être classés en 4 catégories :
Faire connaître, sensibiliser
354L’usager final – grand public, entreprise – connaît mal sa consommation d’énergie et les implications qu’elle induit sur la collectivité et l’environnement. Faire partager au plus grand nombre, les enjeux énergétiques et climatiques et l’intérêt des actions de maîtrise de l’énergie fait partie du premier socle de base d’une politique énergétique et environnementale. Dans le cadre du débat mondial sur la raréfaction des ressources fossiles d’énergie et de la concrétisation des premiers effets tangibles de l’effet de serre, on peut dire qu’il existe une réelle attente de messages clairs pour placer les usagers dans l’action plutôt que dans un stress.
355Synonyme d’impuissance. Les différents modes de communication peuvent être engagés : campagne grand public (par exemple, spot publicitaire), sensibilisation scolaire, faire connaître les incitations fiscales, organisation de séminaires et salons sur les économies d’énergies, campagnes de sensibilisation à destinations de certains secteurs ou maître d’ouvrage, visites d’opération exemplaires, voyage d’études…
Convaincre
356Un deuxième niveau d’information consiste à aller au-delà des cordes sensibles du civisme (lutte contre l’effet de serre), du patriotisme (indépendance énergétique), pour se situer sur le terrain de la raison. Il s’agit de montrer, preuve à l’appui, que l’intérêt de la collectivité et celui du décideur final coïncident… L’exercice consiste à se placer sur le terrain économique et démontrer l’intérêt des démarches ou solutions proposées pour le décideur. On distingue deux cas figures :
- solutions permettant des économies d’investissement (ou sans surinvestissement) et de fonctionnement (par exemple, conception bioclimatique liée à l’orientation, la forme du bâtiment…) ;
- solutions à moindre coût de fonctionnement, mais nécessitant un surinvestissement initial.
357Dans le deuxième cas, plus fréquent, l’exercice consiste à démontrer l’intérêt économique en termes de coût global ou temps de retour. La difficulté surgit lorsque l’investisseur et le futur usager ou gestionnaire (celui qui empoche les bénéfices de l’action) ne sont pas confondus.
358Le mode de diffusion de ce type d’information utilise des canaux comme les fiches ou brochures permettant d’optimiser les choix techniques, argumentaire économico-technique des bonnes pratiques, guide de conception, opérations de démonstrations, des émissions ou reportable thématique audiovisuels…
Inciter
359Convaincre par le coût global n’atteint souvent qu’une faible proportion de décideur. Pour engager un réel mouvement dans un marché et créer des conditions de compétitivité de nouvelle filière, il est nécessaire dans un premier temps de combler tout ou partie du surcoût d’une action de maîtrise de l’énergie. Dans ce type d’action, les institutions souhaitent modifier de façon active la grille de décision du décideur final en fonction d’objectifs qu’elles se sont fixés. Les incitations peuvent être d’ordre :
- financières pour l’aide à la décision : diagnostic thermique, faisabilité énergétique pour certaine filière… ;
- tarifs d’achats des énergies renouvelables ;
- aides directes pour supporter une partie du surinvestissement nécessité par la mise en œuvre d’une action d’efficacité énergétique ou ENR ;
- fiscal par des règles de défiscalisation, crédit d’impôt ;
- indirecte par la mise en place de label, permettant éventuellement d’obtenir des compensations (bonification de cos…).
360La finalité est d’améliorer la rentabilité économique des actions. Ces incitations n’ont pas en générale vocation de perdurer au-delà de l’atteinte d’une certaine maturité de marché devenu concurrentiel.
Contraindre
361La puissance publique peut imposer aux concepteurs de bâtiments l’obligation de respecter des règles de conception précises, interdire certaine catégorie d’appareils et prescrire des comportements (consignes de climatisation). C’est le mode d’action le plus efficace car il s’impose à tous. Ce type de démarche nécessite de faire la preuve de la pertinence économique des règles imposées. Elle nécessite un consensus des acteurs impliqués : il s’agit souvent d’entériner les bonnes pratiques et les imposer au plus grand nombre. Une autre forme de contrainte pour inciter les maîtres d’ouvrages à investir dans des actions MDE : par l’obligation d’affichage énergétique attesté par un diagnostic de performance énergétique.
362Dans le paragraphe suivant, on examine, en partant du diagnostic des potentialités de la N.-C., des actions menées en cours dans l’île, de l’état de l’art en matière de MDE ; quelques pistes et actions sont envisageables à moyen et long termes.
2.3.2. Les pistes d’actions en l’efficacité énergétique
363Partant des postes de consommations, on croise dans les tableaux qui suivent le potentiel naturel et les actions de la politique MDE actuelle, pour proposer les pistes d’actions qui nous semblent les plus pertinentes, en s’inspirant des expériences menées en matière de MDE dans le domaine du bâtiment et des équipements, dans des pays confrontés aux mêmes problématiques en distinguant les actions dans le neuf et l’existant.
364Dans l’existant, les actions sur les équipements sont identiques. En revanche sur l’enveloppe, les limitations morphologiques et structurelles des bâtiments existants nécessitent une approche spécifique.
2.3.3. L’étape fondamentale d’une réglementation thermique
365Comme on peut le voir dans les tableaux précédents, la colonne vertébrale d’une politique de maîtrise de l’énergie repose sur la mise en place d’une réglementation thermique. En effet, une réglementation thermique exprime, donne toute la cohérence et la lisibilité à la politique énergétique et environnementale. Le chantier d’une réglementation nécessite une connaissance précise des tenants et aboutissants, c'est-à-dire le climat, les consommations, les consommateurs et les acteurs. Cette connaissance fine traduite en termes d’indicateurs, de garde-fous, de niveaux de référence à atteindre en fait un référentiel pour toutes les actions y compris pour les labels ou certifications qui s’appuient dessus pour définir leur propre objectif. Par exemple, le label Bâtiment basse consommation se définit comme un niveau de consommation 50 % moindre que le niveau de référence défini par la réglementation. C’est donc un instrument incontournable qui oblige à définir des objectifs clairs et précis sur le long terme. Le chantier lourd d’une réglementation comporte plusieurs étapes essentielles :
2.3.4. Les actions transversales
366L’approche sectorielle des paragraphes précédents doit être complétée par des actions transversales :
Agir à l’échelle urbaine
367C’est à l’échelle urbaine que se joue une bonne partie des enjeux énergétiques globaux :
- le couplage des thématiques transports / habitat pose la problématique de l’étalement urbaine ;
- le concept de bâtiment producteur d’énergie oriente vers une certaine morphologie urbaine ;
- enfin la définition des masters plans détermine in fine le champ d’actions des concepteurs de bâtiment.
368Une conception urbaine, non attentive aux problématiques MDE et environnementale peut obérer considérablement les possibilités de développement de solutions environnementales. La définition des PDU, la détermination des masters plans, la définition des morphologies et volumes doit être accompagnée par des spécialistes pour optimiser les choix en matière :
- D’affectation des parcelles pour réserver les zones les plus ventées et plus calmes au résidentiel, conditions nécessaires pour la mise en œuvre de la climatisation naturelle traversante.
- Dessin des voiries pour minimiser l’exposition solaire des façades de bâtiments en saison chaude.
- D’énergie renouvelable pour préserver la capacité des toitures à rendre le bâtiment producteur d’énergie et répondre au challenge futur de ville positive.
- Développement de réseaux collectifs pour valoriser les rejets énergétiques industriels ou l’exploitation de l’eau de mer comme source froide pour développer un réseau eau glacée…
369Pour n’occulter aucun enjeu, et traiter les problématiques dans leur intégralité, deux actions sont proposés :
- Un guide pointant les problématiques environnementales particulières de la N.-C. à l’échelle urbaine.
- La mise au point des cahiers des charges types pour mieux prendre en compte le volet environnementale à l’échelle urbaine et les études préalables à réaliser : bilan carbone, simulation du vent dans le contexte urbain pour optimiser la ventilation traversante, simulation de l’ensoleillement, optimisation des surfaces captâtes pour le photovoltaïque, simulation pour le développement de l’éolien urbain.
Former
370La taille de la N.-C. ne lui permet pas d’avoir les compétences techniques pointues dans tous les domaines couverts par le MDE ou l‘approche environnementale du bâtiment. Pour réduire ce frein au développement de l’efficacité énergétique, une évaluation des besoins de formation en matière de maîtrise de l’énergie, d’énergie renouvelable doit être dressée. L’absence de compétences dans certains domaines pourra être vite comblée à partir du moment où une demande émerge (par exemple, les audits énergétiques). Une fois ce besoin connu, des formations ad hoc, en partie subventionnées, ont été organisées en partenariat avec le CTME et les acteurs importants du secteur (par exemple, une formation HQE).
3. La maîtrise de l’énergie dans le domaine industriel
3.1. État des lieux de la MDE dans le domaine industriel en Nouvelle-Calédonie
3.1.1. Le potentiel d’efficacité énergétique des systèmes industriels et la valorisation des déchets
371L’accroissement de l’efficacité énergétique des systèmes industriels est un enjeu important pour les prochaines années avec pour objectif de réduire les émissions de GES dans l’atmosphère (le dioxyde de carbone principalement) et de préserver les réserves en combustibles fossiles grâce à la diminution de la demande énergétique. Pour cela, les gisements d’énergie (déchets industriels de chaleur, urbains, agricoles…) doivent être identifiés, évalués puis valorisés grâce à une méthodologie adaptée et une approche des procédés dans leur globalité.
3.1.1.1. Généralités sur les gaz à effet de serre et les changements climatiques
Lorsque le rayonnement solaire atteint l'atmosphère terrestre, une partie (environ 28,3 %) est directement réfléchie, c'est-à-dire renvoyée vers l'espace. Les rayons incidents non réfléchis sont absorbés par l'atmosphère (20,7 %) et/ou par la surface terrestre (51 %). Cette dernière partie du rayonnement absorbée par la surface du sol lui apporte de la chaleur, autrement dit de l'énergie, qu'elle restitue à son tour en direction de l'atmosphère sous forme de rayons infrarouges lointains. Ce rayonnement est alors absorbé en partie par les GES ce qui réchauffe l'atmosphère. Enfin, cette chaleur est réémise dans toutes les directions, notamment vers la Terre. Ce rayonnement retournant vers la Terre est responsable de l'effet de serre responsable de l’élévation de la température de la surface terrestre. Sans ce phénomène, la température moyenne sur Terre chuterait d'abord à -18 °C avant de se stabiliser vraisemblablement vers -100 °C.
372Le climat de la Terre dépend donc de nombreux facteurs, tels que :
- l’augmentation de la concentration en GES qui réchauffe l’atmosphère ;
- l’accroissement de la teneur en aérosols (micropoussières en suspension dans l’air) qui refroidit la Terre en renvoyant le rayonnement solaire incident comme une multitude de micromiroirs ;
- la quantité d’énergie provenant du soleil ;
- ou encore les propriétés physiques de la surface de la Terre (terre, mers, glaces…).
373Quand les activités humaines ou naturelles modifient l’un de ces facteurs, ceux-ci provoquent un réchauffement ou un refroidissement de la planète car ils modifient la quantité d’énergie solaire qui sera absorbée ou réfléchie dans l’espace. Des mesures ont montré que les concentrations atmosphériques de GES, telles que le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4) et l’oxyde nitreux (N2O), ont augmenté de façon notable depuis 1750 et que l’on assiste à une accélération de ce phénomène ces dernières années. Aujourd’hui, la concentration en GES dépasse de loin leurs niveaux préindustriels. Les scientifiques admettent maintenant que les changements climatiques en cours sont dus à une augmentation de la température moyenne de la Terre, elle-même corrélée à l’accroissement des niveaux de GES dans l’atmosphère.
374Pour réagir à cette modification de notre environnement, l’Organisation des Nations unies a rédigé une Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Cette Convention a été le point de départ d’une prise de conscience des pays industrialisés pour entamer des efforts visant à lutter contre le réchauffement de la Terre. En 1992, « Le Sommet de la Terre » au Brésil a conduit à l’élaboration du traité climatique qui est entré en vigueur le 21 mars 1994 ; il a été à l’origine du protocole de Kyoto de décembre 1997. Ce dernier comporte des engagements absolus et contraignants de réduction, pour 38 pays industrialisés, des émissions de six GES : le dioxyde de carbone, le méthane, l'oxyde nitreux, les hydro fluorures de carbures, les hydrocarbures perfluorés et l’hexafluorure de soufre. Entre 2008-2012, les pays développés devront réduire leurs émissions en moyenne de 5,2 % pour revenir à des niveaux inférieurs à ceux de 1990. Des objectifs différents ont été fixés pour chaque pays ou régions. Le paquet énergie-climat récemment adopté par l’Union européenne (UE) et le Grenelle de l’environnement en France ont précisé ces objectifs.
375Le protocole a également mis en place un mécanisme de permis négociables afin d’encourager le plus rapidement possible l’amélioration des systèmes de production les plus polluants et les moins efficaces. Malgré l'absence de ratification du Protocole par l’ensemble des pays de la planète (ratification par 172 pays à l’exception notable des États-Unis) et un doute persistant sur l’efficacité des mesures à prendre en regard des contraintes techniques, économiques et sociales qu’elles induisent, l'Union européenne a maintenu sa position de réduire ses émissions de CO2.
376Le tableau reporte les six principales sources de GES, leur durée de vie dans l’atmosphère et leur potentiel de réchauffement relativement au CO2. Les trois premiers GES sont directement issus de la combustion de combustibles fossiles et parmi eux, le CO2 est le plus important car il est responsable d’environ 80 % de l'accroissement global du réchauffement, même si son potentiel de réchauffement est faible et que sa durée de vie est relativement courte dans l'atmosphère (100 ans). Malgré tout, le dioxyde de carbone est considéré comme le GES d’origine anthropique le plus important. Sa concentration atmosphérique (379 ppm en 2005) est actuellement bien plus élevée qu’elle ne l’a jamais été au cours des 650 000 dernières années où elle oscillait naturellement entre 180 et 300 ppm. Aujourd’hui, elle augmente plus rapidement qu’elle ne l’a jamais fait depuis l’introduction des mesures systématiques en 1960, la raison principale est attribuée à l’utilisation croissante de combustibles fossiles et, dans une moindre mesure, des changements d’affectation des terres. Par exemple, les émissions de dioxyde de carbone provenant de l’utilisation de combustibles fossiles sont passées de 6,4 Gt par an dans les années 1990 à 7,2 Gt de carbone par an pour la période 2000-2005. Les concentrations atmosphériques de méthane et d’oxyde nitreux ont, elles aussi, fortement augmenté depuis l’époque préindustrielle, elles résultent en grande partie des activités humaines comme l’agriculture et l’utilisation de combustibles fossiles pour l’industrie et les transports.
377Pour éviter ce scénario catastrophe, les industriels ont décidé d’activer parallèlement deux leviers : l’amélioration de l’efficacité énergétique de leurs procédés et la Captation-transport et Stockage des émissions de CO2 (Carbon Capture and Storage CCS). On introduira la notion de « CO2 évité et capté ou piégé » (figure 1). La réduction nette des émissions dans l’atmosphère de la CCS dépendra de la proportion de CO2 captée, de l’accroissement de la production de CO2 résultant de la perte d’efficacité globale des centrales où des procédés industriels en raison du supplément d’énergie nécessaire pour le captage, le transport et le stockage du CO2. Les estimations montreraient que le procédé CCS nécessite de 10 à 40 % d’énergie supplémentaire vis-à-vis d’un système de référence.
378Conclusion : l’industrie Calédonienne peut-elle s’inscrire dans une démarche d’accroissement de son efficacité énergétique et s’aligner sur les objectifs du protocole de Kyoto, du paquet climat de l’UE ou des recommandations du Grenelle de l’environnement ? Des niches de gisements d’énergie peuvent-elles être identifiées pour abaisser les taux d’émission de CO2, principale source de GES en N.-C. et dans le monde ? Quels sont les potentiels de captage et de stockage du carbone en N.-C. ? Y a-t-il des ressources énergétiques renouvelables à valoriser en N.-C. et permettant de réduire les rejets de carbone ? Des réponses doivent être proposées.
3.1.1.2. Pour un accroissement de la maîtrise de l’énergie dans le domaine industriel
379Les objectifs : la maîtrise de l’énergie doit s’appliquer dans tous les secteurs : l’habitat, le tertiaire (chauffage, climatisation, bureautique, appareils ménagers…), les transports terrestres, aériens et maritimes, ainsi que dans celui des gros consommateurs d’énergie : l’industrie (production thermique d’électricité, cimenterie, sidérurgie, raffinerie, papeterie…). Les scénarios de l’Agence internationale de l’énergie montrent que l’essentiel du potentiel de réduction des émissions de GES à l’horizon 2030 repose pour 29 % en moyenne sur les actions à mener en matière d’efficacité énergétique pour la demande en électricité et pour 36 % sur les gains obtenus sur la combustion de carbone fossile. Le paquet énergie-climat a repris ces constatations et s’est fixé comme premier objectif un gain de 20 % de l’efficacité énergétique des systèmes industriels afin de réduire proportionnellement les émissions de CO2 à l’horizon 2020 grâce à une diminution de la consommation d’énergie.
380Il faut mentionner que l’amélioration de l’efficacité énergétique du secteur industriel était de l’ordre de 2 à 3 % par an jusqu’en 1990, mais n’est plus que de 1 % par an depuis cette date. Cela montre que les industriels ont donc développé un effort continu et important sur le gain d’efficacité mais que, maintenant, sans rupture technologique dans l’exploitation de leurs procédés, les objectifs fixés du plan énergie-climat ne pourront être atteints.
381Les actions de recherche : pour atteindre les objectifs de Kyoto, de nombreuses actions de recherche se développent dans le monde, en particulier en France, où l’Agence nationale de la recherche (ANR) a lancé au printemps 2009 un programme thématique de recherche sur l’« Efficacité énergétique et la réduction des émissions de CO2 dans les Systèmes industriels (EESI) ». Cette réduction doit s’accompagner d’une diminution des coûts de fonctionnement, de la préservation de la ressource d’où, au final, d’une économie pour le client. La mise en place de ces objectifs va générer un challenge technologique important susceptible de modifier profondément les modes de consommation énergétique. Les grandes orientations de ces programmes seront reprises dans les objectifs de développement proposés à la N.- C.
382La réponse des industriels : la réponse des industriels devra intégrer les résultats de ces recherches et les derniers développements technologiques dans leur démarche énergétique et leurs procédés par une veille constante sur leur adaptabilité à des procédés industriels spécifiques. Près de 70 % de l’énergie finale consommée par ce secteur sont destinés à couvrir des besoins en chaleur (chaudières, fours, séchage, chauffage…), le reste relève pour l’essentiel de l’usage non thermique de l’électricité. Le gisement d’économie d’énergie est estimé à 20 % de l’énergie consommée, notamment sur les fours, les chaudières, les sécheurs, les moteurs électriques et thermiques et les procédés (chaleur fatale, optimisation exergétique des équipements et des systèmes). Le taux de renouvellement d’équipements industriels est d’environ de 5 à 6 % par an, ce qui confère à ce secteur des perspectives importantes d’innovation et de gain en matière d’efficacité énergétique. Cela devrait permettre de remettre en cause des concepts de base en intégrant des ruptures technologiques et de revisiter des procédés en effectuant des analyses exhaustives des principales filières. Les technologies innovantes et leur transfert à l’industrie sont potentiellement sources de valeur ajoutée et d’activités industrielles nouvelles.
383Contrairement aux émissions des secteurs du bâtiment, du transport et de l’agriculture, les émissions par l’industrie de CO2 sont centralisées (centrales thermiques, sidérurgie, cimenteries…) et, donc, potentiellement bien adaptées à une capture du CO2 à la source. Étant donné que la mise en place des marchés d’émissions de CO2 est de nature à pénaliser certaines industries à forte consommation énergétique (verre, ciments, sidérurgie, agro-industrie…), il est urgent de passer à des modes de production de chaleur intégrant une capture simultanée du CO2 produit. Le secteur industriel va devoir en absorber les surcoûts tout en améliorant sa compétitivité. L’intégration technologique poussée des composants et systèmes de production-conversion d’énergie, à la capture simultanée du CO2, doit permettre à la fois la réduction des coûts à productivité constante et la réduction des impacts environnementaux de ces activités industrielles. Par exemple, le développement de nouveaux modes de transport à grande distance de l’énergie, en particulier calorifique, permettra l’intégration de systèmes producteurs/utilisateurs. Il s’agit de favoriser des concepts intégrateurs de type « écologie industrielle », les pertes des uns devenant des sources d’énergie pour les autres, ce qui permet ainsi de limiter le recours massif aux ressources naturelles.
384La production d’électricité, les cimenteries, la métallurgie, les verriers, les raffineries, etc. doivent s’inscrive dans une logique de réduction des émissions de CO2 liée à trois leviers d’action :
- l’amélioration de l’efficacité énergétique des procédés, la valorisation des déchets (chaleur, industriels, urbains, agricoles…) et l’identification de nouvelles sources d'énergie renouvelables permettant à terme une réduction des coûts de l’énergie ;
- la mise au point et le déploiement de nouvelles technologies pour capter et stocker le gaz carbonique ;
- le versement d’incitations financières et/ou de pénalités par les gouvernements ainsi que la mise en place de banques d'échange de permis d’émettre du CO2.
385Conclusion : cette révolution technologique dans l’approche des procédés peut amener à reconcevoir l’efficacité énergétique notamment à l’échelle de systèmes complets de production industrielle (définir l’énergie minimum nécessaire à l’élaboration du produit). L’énergie sera mieux utilisée ce qui permettra d’améliorer la compétitivité de l’entreprise, la qualité des produits, l’économie pour le client et enfin l’emploi.
3.1.2. Contribution à l’amélioration de l’efficacité énergétique des systèmes industriels en Nouvelle-Calédonie
386L’objectif de cette partie de ce document n’est pas de s’ingérer dans la politique et les choix stratégiques des industriels, mais de leur proposer de nouvelles approches et de nouveaux procédés susceptibles d’être déployés en N.-C. Pour cela, on s’appuiera sur des résultats de la recherche ou sur de nouveaux procédés utilisés, ou en cours d’évaluation dans le monde. Des pistes potentielles d’économie d’énergie seront soulevées ; l’expert ne peut en aucun cas se substituer à un bureau d’études ou dicter des stratégies industrielles.
387Lors de la mission en N.-C., il n’a pas été organisé de rencontres de responsables de l’usine GoroNickel ni la visite de la centrale de Prony. Pour ces deux sites, l’expertise ne s’est effectuée que sur des données publiques et non techniques.
388Près de 60 % de l’énergie primaire totale utilisée en N.-C. sont consacrés à une utilisation dans les domaines de la métallurgie (traitement du minerai) ainsi que de la production d’électricité (domestique, industrielle) et de chaleur (séchage et prétraitement du minerai de Nickel). C’est donc une industrie à forts besoins énergétiques en électricité et en chaleur avec des sources d’émissions qui se trouvent concentrées sur quelques sites rendant ainsi envisageable un futur captage et stockage du CO2 émis (actuellement il n’est envisagé l’utilisation d’une technologie CCS (Carbon Capture and Storage) que sur les unités émettant au moins 100 000 tCO2/an).
389En s’inspirant des décisions récentes d’industriels et des gouvernements européens présentées précédemment, le gouvernement calédonien pourrait se donner comme objectif d’imposer une réduction de 20 % en moyenne des émissions de CO2 à l’horizon 2020 (des négociations bipartites peuvent être envisagées sur des procédés spécifiques). En conséquence, les industriels calédoniens devraient, comme il est tenté dans le monde, améliorer de 20 % l’efficacité énergétique de leur procédé (objectif affiché du plan climat), avant même la capture du carbone. Dans un premier temps, le nombre de tonnes de CO2/an/habitant émis par les Calédoniens diminuera d’une manière bien supérieure à celle provenant d’économies espérées dans les domaines domestiques, tertiaires ou des transports. Dans un second temps, la captation centralisée des émissions de CO2 réduira encore les rejets. La stratégie est donc de mettre une priorité sur une diminution du rapport tonnes de CO2, émis/kWhutiles dans les procédés de conversion (production d’électricité) et pour la fabrication du produit (Nickel). Ces évolutions technologiques conduiront à terme à une diminution des coûts de l’énergie dans le produit final, donc à une meilleure rentabilité, une économie pour le client et des empreintes économiques et environnementales améliorées. L’enjeu est donc gigantesque et l’emploi d’outils issus de recherches actuelles par l’industrie calédonienne est indispensable pour se moderniser et relever ce défi sans une remise en cause profonde de l’infrastructure actuelle.
390Bien entendu, cette mutation doit s’effectuer avec le maintien, voire l’augmentation de la qualité et de la compétitivité du produit fini, des conditions de travail et de l’emploi.
391L’industriel doit explorer les nouvelles approches pour obtenir un gain énergétique significatif en effectuant :
- Le meilleur choix de l’énergie primaire (coût du kWh produit, niveau de pollution et rejets de CO2 induits, intégration d’une part d’énergie renouvelable telle que de l’éolien, du solaire, hydraulique, valorisation de la biomasse et des déchets). Plus loin, il sera reporté une comparaison des différentes ressources d’énergie primaire disponibles, quelles soient classiques comme le gaz naturel, les hydrocarbures gazeux ou liquides, le charbon, ou alternatives telles que l’hydrogène, la biomasse, le biogaz ou les algues.
- Une identification et une quantification de ses gisements d’énergie à valoriser, une amélioration de la conversion de l’énergie primaire qui se traduira par une augmentation du rendement énergétique. La sélection du meilleur procédé de combustion permettra de coupler une décarbonatation des fumées pour effectuer le captage des rejets de CO2 (cf. « Les nouvelles technologies en matière de production et de stockage d’énergie »).
- La mise en place de technologies intégrées de récupération d’énergie thermique même en présence de faibles températures (transport, stockage et valorisation de la chaleur).
- La rénovation ou le changement d’éléments des procédés par du matériel plus performants (moteurs, éclairage par exemple).
- L’intégration énergétique avec optimisation informatique intelligente des procédés de contrôle-commande (brûleurs, consignes, etc.).
- La recherche de nouveaux débouchés pour ses déchets (chaleur principalement).
Choix du combustible primaire
392Aussi bien la SLN qu’Enercal ont choisi le charbon comme combustible respectivement pour leurs nouvelles centrales thermiques de Doniambo et Prony. Ce choix semble à priori critiquable car le charbon est le combustible qui possède le plus défavorable rapport CO2émis/kWh, il possède donc la plus mauvaise empreinte écologique. Par contre son prix est actuellement très attrayant et les réserves importantes (vraisemblablement plusieurs centaines d’années) et bien réparties dans le monde, on en trouve en particulier en Australie. L’hydrogène, après qu’il a été fabriqué grâce à de nombreux kWh, brûle sans produire du CO2 mais aucun procédé de combustion n’est actuellement satisfaisant (instabilité de combustion des turbines à gaz à hydrogène). L’emploi d’hydrocarbures liquides tels que le fioul lourd ou autres produits pétroliers est le plus onéreux et leur prix est lié au cours fluctuant du pétrole. L’hydrocarbure le plus favorable pour l’environnement serait le gaz naturel GN (combustible contenant majoritairement du méthane) avec un rapport CO2émis/kWh optimal. Malheureusement, l’approvisionnement de la N.-C. en gaz naturel semble impossible. En effet, la construction d’un terminal méthanier est difficile à envisager faute de profondeur suffisante de la lagune pour un méthanier de taille standard (de l’ordre 70 000 à 150 000 m3) et de 10 m de tirant d’eau. De plus, de tels méthaniers ont des volumes qui seraient surestimés pour l’utilisation locale, le stockage du GN serait trop important et correspondrait à une utilisation variant de plusieurs mois à deux années. Enfin, il faudrait que l’ensemble des utilisateurs industriels choisisse ce même combustible et décide de la construction d’un gazoduc entre les différents sites.
Points forts de l’efficacité énergétique sur le site de la SLN
393La N.-C. possède des atouts certains avec sa future centrale de Doniambo ce qui prouve que la SLN semble s’être déjà inscrite dans une stratégie d’amélioration de l’efficacité énergétique de ses installations. Cet effort doit être maintenu pour l’usine métallurgique afin d’optimiser énergétiquement le système centrale/usine. Quelques points forts de cette démarche sont décrits ci-dessous :
- La mise en service de Prony et de la future centrale électrique de Doniambo devrait permettre à Enercal de faire face à la demande de base en électricité pour l’île et de subvenir à la demande de pointe. Bien que la souplesse et le temps de réponse des chaudières au charbon ne soient pas optimums, ces nouveaux outils doivent permettre de s’affranchir de l’utilisation de dispositifs à faible rendement énergétique (chaudières fioul, turbine à kérosène en particulier). Par contre, le développement d’outils de contrôle performant devient indispensable. Ces logiciels doivent également gérer et optimiser l’usage d’énergies renouvelables (biomasse, déchets verts, boues d’incinération) pour la production thermique en prenant en considération la souplesse (modification de puissance disponible sans perte de rendement notable), flexibilité (changement de combustible) et le temps de réponse des unités.
- La future centrale de Doniambo : grâce au remplacement à court terme de la centrale thermique existante de production d’électricité à fioul lourd par trois unités de chaudières à lit fluidisé circulant (LFC) fonctionnant au charbon, quelques points de rendement énergétique seront gagnés (de 29 à 36 % soit environ 7 % de gain). Le choix du procédé à LFC à charbon semble fort judicieux dans le contexte ilien tel que celui de la N.-C. (Hawaï avait déjà fait ce choix dans les années 1990). Malgré un rendement thermique du LFC légèrement inférieur (diminution du rendement thermodynamique dû à de plus faibles températures de fonctionnement ∼900 °C) et un coût légèrement plus élevé dû au prix des réfractaires garnissant le lit (10 à 15 %) à ce qui pourrait être espéré avec une centrale à charbon pulvérisé (CP), ce type de technologie est réputé optimal et plus performant pour les petites puissances demandées (trois tranches de 70 MW à Doniambo). Malheureusement, cette chaudière ne pourra fonctionner avec de l’eau que dans des conditions super critiques (Tc =376 °C et Pc =221 bar) ou hyper critiques (Tc =700-720 °C et Pc =350 bar) ce qui aurait permis d’améliorer son rendement thermique. C’est la trop petite puissance de l’unité qui est préjudiciable à l’implantation de ce procédé car on ne dispose pas techniquement de turbines à vapeur de puissance inférieure à 400 MWélectrique capables de fonctionner dans ces conditions de hautes températures et de pression, malgré l’emploi d’alliages réfractaires à base de nickel ;
- Les LFC sont flexibles au combustible (polycombustibles), ce qui est un atout considérable, avec l’admission de différents types de charbon, de biomasse (bois, déchets verts), injection de boues de station d’épuration. La limitation à la valorisation de ces derniers est la présence de polluants dans les fumées (dioxines…), il ne faut pas tomber dans la législation propre aux unités d’incinération. Cette ressource durable (biomasse, boues) peut être utilisée en mélange avec du charbon jusqu’à 10 %, ce qui réduit d’autant les émissions comptabilisées de CO2. En réalité la limite d’utilisation de la biomasse pourrait être bien supérieure, jusqu’à 90 % ou 100 % avec des réglages adaptés. L’incinération de boues d’épuration, même fortement humides et sans prétraitement spécifique, peut être envisagée sans problématique technique particulière (en France et en Allemagne, l’introduction de telles boues est déjà effectuée). La valorisation énergétique des boues d’incinération du grand Nouméa (une population de 140 000 habitants produit de l’ordre 1200 tboue sèche/par an) devrait fournir une énergie de ∼7700MWh/an correspondant à ∼2600MWhélectrique/an. Un calcul identique peut être effectué sur la valorisation des 15 000 t de déchets verts de l’agglomération de Nouméa. Si l’on considère un PCI moyen de ces derniers de l’ordre de ∼12,5 MJ/kg, leur incinération dans le LFC fournira ∼52 000 MWhthermique/an soit 17 000 MWhelectrique/an. L’ensemble d’énergie produit 19 600 MWhelectrique/an soit environ 1 % de la production nette d’électricité. Ce qui reste négligeable devant la production électrique nette en N.-C.
- Les émissions de polluants (oxydes d’azote et de soufre) de centrales LFC sont réduites par rapport à des centrales CP non équipées d’unités de dénitration ou de désulfuration (l’équipement de telles unités ne peut être envisagé sur les puissances petites de Doniambo ou Prony, le coût d’achat deviendrait prohibitif). En effet, dans un LFC, la production des oxydes d’azote (NOx) est faible grâce à une faible température de combustion comprise entre 820 et 920 °C, les mécanismes chimiques de formation de ces oxydes ne devenant actifs qu’à des températures supérieures à 1 500 °C. Les rejets d’oxydes de soufre sont neutralisés par ajout de calcaire broyé pour former du sulfate de calcium. Les effluents répondent aux conditions environnementales européennes actuelles.
- Le temps nécessaire à l’établissement d’une nouvelle consigne de fonctionnement ou d’accessibilité lors d’une maintenance est plus long que pour une chaudière à flamme (CP). Une chaudière gaz ou fioul demande quelques minutes, une chaudière CP, quelques dizaines de minutes, un LFC peut nécessiter plusieurs heures ou journées du fait de l’inerte thermique des réfractaires.
- Des technologies sont en cours de développement pour coupler deux unités de LFC afin de capter les CO2 avec un coût très inférieur à celui des techniques plus classiques. En effet, en effectuant un cycle chimique qui utilise un métal pour transporter l’oxygène, le CO2 est naturellement concentré dans les effluents qui peuvent être directement dirigés vers le site de stockage (voir une description plus complète du procédé dans le paragraphe 3.1.2.).
- La proximité entre la centrale de production d’électricité et l’usine, qui est l’utilisateur principal, maintient une sureté d’approvisionnement en énergie (pas de rupture de ligne haute tension qui induirait l’arrêt de l’alimentation et la destruction des fours) et surtout une minimisation des pertes en lignes.
- Le procédé de traitement pyrotechnique est relativement simple. Il est parfaitement maîtrisé par le personnel de la SLN et de Eramet.
394N.B. Des informations plus détaillées sont disponibles dans le paragraphe 3.1.1. (fonctionnement et optimisation des procédés) et 3.1.3. pour la capture du CO2.
Quelques points apparaissant plus faibles dans le domaine de l’efficacité énergétique de l’industrie en Nouvelle-Calédonie
395L’industrie de la N.-C. est très atypique, elle ne possède que deux types d’industrie : la production d’électricité et la métallurgie. Les besoins énergétiques sont donc importants et sans relation réelle avec la population de l’île.
396L’usine SLN et son procédé pyrométallurgique consomme 40 % de son énergie sous forme électrique, les 60 % restants venant de la combustion de fioul lourd ou de charbon pour le traitement du minerai. L’augmentation de l’efficacité énergétique doit donc également porter à la fois sur la centrale électrique et l’usine. La forte demande en nickel de ces dix dernières années cumulée à un coût raisonnable de l’énergie (fioul lourd) n’a pas incité la SLN à se rénover et à chercher de nouvelles niches d’économie énergétique de ces procédés. Une visite de l’usine de Doniambo montre que le personnel est extrêmement compétent, conscient des problèmes énergétiques et environnementaux et que les premiers niveaux de valorisation d’énergie entre la centrale thermique et l’usine métallurgique ont déjà été abordés. Quelques points encore noirs ont été observés et certains ont été repris dans l’article du mercredi 29 avril 2009 dans Les Échos. Il y est décrit une usine vieillissante et cite « la crise sert de révélateur aux erreurs stratégiques et à la maigre productivité ». Doniambo souffrirait d’une augmentation des coûts de production imputables, selon le député UMP Pierre Frogier, à la baisse des teneurs du nickel, coût des tâcherons et obligations gouvernementales, hausse du prix du fioul, du fret maritime, etc. ainsi que des coûts de maintenance et des effectifs d’encadrement. Ces remarques du rédacteur des Échos confirment qu’un accroissement de l’efficacité énergétique de l’usine est toujours possible.
397Le procédé pyrométallurgique comporte plusieurs étapes bien définies correspondant à des changements d’état physique (fusion) et chimique du minerai avec des opérations de chauffage (combustion ou électricité) et de refroidissement. Certes des récupérations d’énergie et transferts de chaleur entre les fours électriques et les fours rotatifs de calcination, du séchage, des échanges de vapeur entre la centrale et les fours sont effectués, mais des gisements d’énergie doivent encore pouvoir être identifiés (refroidissements des coulées et scories).
398De plus, il semble qu’il n’ait pas été, lors de la conception, suffisamment réfléchi à une approche de type « système couplé » : nouvelle centrale/usine. Cette étape exige une revisite du procédé dans sa globalité, en partant si possible du produit final : le nickel. À chaque étape du procédé, il doit être évalué l’aptitude de nouvelles technologies, nouveaux matériaux, nouveaux composants à haute performance (moteurs…), à mener à une meilleure optimisation du procédé et de sa conduite pour gagner en efficacité énergétique.
399Cette meilleure maîtrise énergétique devra induire une réduction du coût énergétique en énergie fossile et des rejets de CO2 sans pour cela accroître les nuisances, mais au contraire encore diminuer les rejets nocifs (NOx, SOx, particules, aérosols, vapeurs métalliques) pour l’environnement et la santé du personnel et des populations avoisinantes.
400La centrale thermique de Prony (2 tranches de 40MWelectrique) est équipée d’une chaudière fonctionnant à charbon pulvérisé. Un des atouts de cette centrale a été son coût minimal vis-à-vis des autres chaudières à CP ou LFC. Malheureusement, ce type d’unité possède une empreinte écologique très défavorable. L’emploi de la lignite avec son fort facteur d’émission, la petite puissance des tranches rend non rentable économiquement l’adjonction d’unités de dépollution des fumées en particules, oxydes d’azote NOx et de soufre SOx. En conséquence, il sera impossible en l’état d’équiper cette centrale d’une unité de captage de CO2. Pour limiter les rejets de ces polluants dans l’atmosphère, Enercal alimentera le foyer avec du blowncoal (lignite) d’Australie. La relativement faible teneur en soufre de ce type de charbon pauvre limitera ainsi la formation en SOx, mais possède encore un rapport d’émission du CO2 plus mauvais (faible PCI de la lignite) !
401L’usine de GoroNickel, en utilisant pour le traitement du minerai un procédé hydro-métallurgique, prévoit une demande en énergie 4 fois moins importante que pour un procédé pyrométallurgique, une partie importance de cette dernière venant de la fabrication in situ de l’acide sulfurique au moyen de la réaction très exothermique du soufre. La modernité de cette usine laisse penser que son efficacité énergétique a été considérée lors de sa conception. Attention à une pollution chimique de l’environnement !
402La future usine de Koniambo : la conception de cette future centrale à charbon et de l’usine pyrométallurgique devra utiliser l’expérience de Doniambo en ce qui concerne la chaudière à LFC (flexibilité au combustible, préparation à la captation du CO2, etc). Ces besoins énergétiques devraient atteindre la somme des deux usines métallurgiques actuelles. Les émissions de GES devraient donc presque doubler en dégradant encore plus l’empreinte écologique de la N.-C. La mise en place d’un politique globale de capture du CO2 pourrait atténuer cet effet.
3.1.3. Quels résultats attendre de l’amélioration de l’efficacité énergétique ?
403Où doit-on faire porter les efforts ?
404Pistes pour une optimisation des procédés
- Identifier et évaluer, grâce à des campagnes de mesures in situ, les pertes énergétiques et les gains potentiels d’efficacité énergétiques afin d’élaborer des bilans énergétiques et de carbone des grandes entreprises industrielles.
- En partant du produit : le nickel ou la production d’électricité, il faut revisiter le procédé pour trouver le schéma énergétique optimal à partir d’un bilan exergétique à chaque étape (par exemple, des comparaisons énergétiques entre des préchauffages – ou réchauffage – inductifs plutôt qu’avec des brûleurs fioul), mettre en œuvre du matériel performant (moteurs, éclairage, échangeurs optimisés…).
- Intégrer et coupler les systèmes énergétiques (par exemple, centrale/usine ; fours/sécheurs/le produit…).
- Utiliser des approches systémiques et des outils performants pour la conduite, le contrôle, la régulation et la gestion optimisée des procédés.
- Produire un bilan financier (économique) et environnemental (minimiser les émissions de polluants tels que les oxydes d’azote, de soufre, de particules, de suies) favorable. Considérer l’impact de ces nuisances sur la santé des ouvriers et des populations.
405Préparation à un captage et un stockage du CO2 émis
- Choix d’un procédé de combustion adaptable à une capture du CO2 et de son stockage (réserver l’espace à proximité de la centrale).
- Prévoir si possible le captage simultané du CO2 venant à la fois de l’usine pyrométallurgique et de la centrale à LFC.
- Étudier et prévoir un réseau de CO2 dans l’île pour un éventuel transport de ce dernier vers des lieux de stockage dans les massifs de péridotites ou vers un terminal portuaire pour un transport maritime vers un lieu de séquestration off shore ou dans un lieu extérieur à l’île (Australie par exemple).
406Valorisation des déchets de chaleur, urbains et agricoles : quelques développements spécifiques ou adaptation de technologies de récupération d’énergie thermique en présence de faibles écarts de température peuvent être envisagées pour une utilisation extérieure à l’usine :
- La récupération et la valorisation de l’énergie des fumées à l’aide de pompes à chaleur pour la climatisation d’ensemble de bâtiments industriels et tertiaires.
- La création d’un réseau de transport et de distribution du froid (climatisation) à petite et moyenne distance (inférieure à 10 km) dans l’agglomération de Nouméa. Cette proposition semble malgré tout difficilement réalisable dans une ville ancienne, mais pourrait être envisagée pour un lotissement neuf.
- La récupération de la chaleur pour la production d’électricité au moyen de matériaux thermoélectriques.
- Grâce à la disponibilité de la chaleur fatale de l’usine, des PMI/PME pourraient s’installer à proximité de l’usine telle que des entreprises de congélations de produits alimentaires (agriculture, élevage, pêche). Cela demande la mise en place parallèle de filières agricoles et piscicoles.
- L’installation d’unités de fabrication de biocarburants de première génération nécessitant de la chaleur basse température (<100 °C) pour les procédés de distillation de l’éthanol ou de transestérification des huiles végétales brutes.
- L’effort maximum devra porter sur la recherche de débouchés et de clients pour le déploiement de ces filières.
407Quels sont les gains espérés sur l’efficacité énergétique :
408Grâce à l’accroissement de l’efficacité énergétique des systèmes industriels, il peut être espéré un gain énergétique important portant sur :
- Une diminution de la quantité d’énergie primaire nécessaire au procédé.
- Une réduction des coûts de fabrication des produits (électricité, nickel) d’où une économie pour le client.
- Une réduction des émissions de CO2 dans l’atmosphère à production industrielle constante.
- Une empreinte économique et écologique optimisée en phase avec les efforts de la N.-C. pour préserver son environnement et contribuer à la préservation de la biodiversité du pays. En effet, la valorisation des boues de station d’épuration et des déchets verts dans le LFC de Doniambo permet d’éliminer des déchets qui ne peuvent être détruits ou recyclés dans l’île et difficilement exploitables.
409Incitations gouvernementales ou étatiques pouvant être envisagées pour l’intégration d’innovations
- Pour augmenter les gains d’efficacité énergétique, des incitations fiscales des gouvernements et/ou de l’État peuvent être envisagées pour aider la recherche de nouvelles pistes d’économie en intégrant des innovations dans les procédés. Au contraire, des pénalités ou contraintes peuvent être décidées pour que l’industriel réalise des économies d’énergie à condition que ces actions soient additionnelles par rapport à son activité habituelle. Cette politique doit s’effectuer grâce à une formation locale et adaptée, un développement de filières d’enseignement supérieur à caractère technologique travaillant en partenariat avec les centres de recherches mondiaux et un tissu de bureaux d’études capables d’intégrer les résultats de la recherche dans l’économie locale.
- Possibilité de se regrouper entre industriels pour atteindre le seuil limite de subventions (pour un seul type d’action élémentaire) – usine de Doniambo, Goro et dans l’avenir Koniambo par exemple.
Conclusion
410La N.-C. possède une mono-industrie métallurgique grosse consommatrice en énergie à l’échelon de son pays, mais petite à l’échelon mondial. Les produits fabriqués sont voués à l’exportation sans relation avec la population locale, aussi, même des émissions faibles à l’échelle de l’État français deviennent fortes en se rapportant aux kWh/an/habitant de N.-C.
411L’insularité pénalise la recherche d’une EESI, par exemple l’impossibilité d’importation de gaz naturel). Par contre, l’introduction de technologies modernes et performantes, une approche de système et un contrôle commande optimisé devraient pouvoir mener à un gain énergétique substantiel sur la consommation des industries locales en énergie primaire fossile (produits pétroliers, charbon). Pour cela, il faut valoriser les fuites de chaleur et dans une moindre mesure, une utilisation croissante des énergies renouvelables telles que l’énergie éolienne, hydrolienne, solaire, etc. ainsi que des déchets (déchets verts, boues d’épurations, etc.). Des pénalités libératoires pourraient être mises en place en cas de non respect de la prescription.
412La faiblesse de la N.C. restera le manque crucial de potentiel en biomasse ; cette ressource durable reste limitée par le produit d’une agriculture difficilement mobilisable pour des cultures vivrières ou énergétiques.
413Les techniques existent pour permettre le captage et le stockage du CO2 de la centrale de Doniambo (voir paragraphe 3.1.), même si elles se trouvent toujours à l’état de recherche, elles doivent être dès maintenant envisagées même si la source d’émissions en N.-C. reste faible et les procédés pas assez matures.
414L’industrie minière et métallurgique possède des atouts et les conditions nécessaires pour satisfaire à une meilleure maîtrise énergétique et une réduction des émissions de CO2 par captage. Il faudra veiller à ce que ces évolutions ne s’opèrent pas au détriment de la qualité et du prix du produit final, de l’emploi et de la santé des personnels et des populations. Les gains énergétiques doivent être profitables aux citoyens, à l’environnement et aux clients.
415Pour conclure, une lutte efficace contre le changement climatique exige une réduction massique et urgente des émissions de GES dans l’atmosphère. Des solutions techniques existent mais nécessitent parfois des validations par des recherches fondamentales et technologiques. Des décisions politiques fortes, incitatives ou contraignantes doivent être prises. L’effort doit être constant et réparti sur l’ensemble des acteurs. Il doit être demandé :
- aux politiques et aux citoyens de dégager des objectifs forts dans les domaines industriels, agricoles et environnementaux pour fixer les grandes orientations du développement du pays et aider à leur réalisation ;
- aux citoyens de modifier ses comportements en adaptant ses habitudes de vie à une meilleure maîtrise de ses besoins d’énergie en respectant l’environnement et la biodiversité ;
- aux industriels de poursuivre les efforts pour :
- maîtriser leurs demandes énergétiques par un accroissement de l’efficacité énergétique de leurs procédés ce qui leur permettra de réduire les coûts de production et, à terme, d’induire des économies pour leurs clients sans dégradation de la qualité du produit et de l’emploi ;
- de prévoir dans la prochaine décennie une réduction des quantités de carbone rejetées par une capture du CO2 et des polluants dans leurs effluents ;
- à l’agriculture de :
- dégager des terres arables et de le utiliser pour produire localement des plantes vivrières adaptées au territoire permettant une économie substantielle sur le transport des subsistances alimentaires ;
- optimiser les espaces pour permettre une production de plantes oléagineuses et ligno-cellulosiques pour la fabrication de biocarburants de première et seconde générations ;
- valoriser les déchets agricoles et animaux pour le développement de fermenteurs permettant la production de biogaz (électricité, chaleur, froid…) et la fourniture de déchets verts pour alimenter les centrales thermiques en ressources renouvelables.
416C’est donc un ensemble cohérent de mesures incitatives, parfois contraignantes, qui doivent être prises, toutes seront réalisables techniquement dans les prochaines années, mais peuvent encore nécessiter le développement de recherches pour adapter les connaissances aux spécificités du pays. Ces mesures ne peuvent se réaliser sans un partenariat entre une formation locale adaptée aux nouvelles technologies, une recherche spécifique à caractère finalisée suivie d’une innovation soutenue par des partenaires locaux.
4. La MDE dans le domaine des transports en Nouvelle-Calédonie
4.1. État des lieux de la MDE dans le domaine des transports en Nouvelle-Calédonie
4.1.1. Énergie et transports
417Les transports consomment de l’énergie, mais la question énergétique ne se pose dans les transports que parce que l’énergie qu’ils consomment est presque exclusivement dérivée du pétrole. De cette origine découlent deux problèmes qu’il est préférable de distinguer dans l’analyse : un problème économique et un problème environnemental. Le problème économique est celui de l’instabilité du prix du pétrole et, dans une moindre mesure, celui de sa tendance haussière à long terme. Le problème environnemental est celui de l’effet de serre. Les politiques énergétiques des transports sont donc des politiques qui tentent de traiter l’un ou l’autre de ces problèmes, ou encore ces deux problèmes à la fois. Si des synergies sont possibles, il arrive parfois aussi que les instruments mis en œuvre par ces politiques pour traiter un de ces deux problèmes aient pour effet d’aggraver l’autre.
4.1.1.1. L’instabilité du prix du pétrole
418Dans les pays importateurs de pétrole, comme la N.-C., les hausses erratiques des prix des carburants affectent fortement la rentabilité des entreprises du secteur, en particulier l’aérien et le camionnage. Dans des pays où le camionnage est le fait de petites entreprises, ces hausses entrainent un mécontentement des camionneurs (et d’autres transporteurs comme les taxis) et ce mécontentement se traduit parfois par des manifestations sur la voie publique (opérations escargot, blocage des raffineries). Si dans certains pays comme le Royaume-Uni les pouvoirs publics ont pour tradition de ne pas céder à ce chantage, dans d’autres, ils mettent rapidement en œuvre des mesures compensatoires (aides, exemptions de taxes, etc.) qui ne sont pas toujours faciles à retirer une fois la hausse passée.
419Les hausses des prix des carburants affectent aussi les comportements de déplacements des ménages. Ils se déplacent moins et reportent une partie de leurs déplacements sur les transports collectifs. Ainsi, en métropole, le « choc pétrolier » de 2008 s’est traduit dans les mois qui ont suivi par une baisse des consommations des carburants automobile de 12 % (Le Figaro du 19/12/2008 ; voir aussi Juillard, 2007).
420La répercussion des chocs pétroliers sur le prix des carburants à la pompe est d’autant plus brutale que les carburants sont peu taxés, comme c’est le cas aux États-Unis et dans certains pays en développement2.
4.1.1.2. L’effet de serre
421Les transports sont aussi un contributeur majeur aux émissions de GES et dans beaucoup de pays, cette contribution augmente plus vite que celle des principaux autres secteurs de l’économie. En métropole, ils sont responsables d’un peu plus du quart des émissions si l’on exclut les transports aériens internationaux et les transports maritimes3. Les accords internationaux pour la maîtrise des émissions de GES conduisent donc chaque pays signataire à prendre des mesures de politique de transport pour réduire cette contribution.
4.1.2. La situation en Nouvelle-Calédonie
422En N.-C. tous les moyens de transport ne fonctionnent que grâce au pétrole importé. D’après la Dimenc, les transports consomment environ le quart des importations de produits pétroliers en poids et un peu plus en valeur. C’est le deuxième secteur de consommation après la production électrique (qui, à elle seule, représente la moitié du total) et avant l’industrie.
423Il n’y a pas de raffineries sur le territoire, le pétrole est donc importé sous la forme de produits finis : essence, gazole, fioul, gaz, etc. Nous avons simplement additionné les tonnages. Pour obtenir un bilan en termes de consommation d’énergie, il suffit de corriger chaque tonnage par un équivalent énergétique comme les « tonnes équivalent pétrole » ou tep. Mais le résultat n’est pas très différent.
424Il est plus intéressant de regarder la part des différents modes de transport dans cette consommation. Pour l’essence, qui est quasi exclusivement utilisée par les voitures, et pour le fioul lourd qui ne sert qu’à la navigation, l’affectation des tonnages de pétrole aux modes de transport ne pose pas de problème. Il en va différemment pour le gazole et pour le kérosène qui sont aussi utilisés par différents modes de transport, mais aussi à l’extérieur du secteur des transports.
425Le gazole est utilisé par les ménages propriétaires de voitures diesel, mais aussi par le secteur du camionnage, par les transports publics, par l’industrie et par la pêche pour ses bateaux. À partir de données diverses, comme les livraisons aux stations services, la Dimenc a estimé les parts respectives de la route, du transport aérien et de la navigation4. Comme partout, c’est le transport routier qui est le plus gros consommateur de pétrole, mais l’aérien et le maritime ont un poids relativement très important qui s’explique par l’insularité.
4.1.2.1. La consommation énergétique du transport routier
426Pour le transport routier, nous avons tenté de séparer la consommation des ménages et des administrations de celle du camionnage et des transports publics. C’est chose facile pour l’essence car on peut supposer qu’elle est consommée intégralement par les voitures et les deux-roues motorisés des particuliers et des administrations. Le problème est plus compliqué pour le gazole. On sait que près de 53 % du parc automobile (hors poids lourds, cars et bus) est constitué de véhicules Diesel (voitures particulières, pick-up et camionnettes). Si l’on fait l’hypothèse qu’un véhicule diesel consomme (en poids) autant qu’un véhicule à essence, alors on peut déduire par différence que la consommation des poids lourds et des véhicules de transport public ne représente que 10 % de la consommation de pétrole par les transports routiers. Les autres 90 % étant le fait des ménages et des administrations5.
427Comment la consommation énergétique du transport routier a-t-elle évolué et pour quelles raisons ? Pour répondre à ces questions, il est nécessaire d’examiner l’évolution du parc de véhicules.
428La figure ci-dessous montre l’augmentation constante des ventes de voitures neuves, mais surtout, l’accélération, à partir de 2003, des ventes de pick-up et camionnettes. Cette accélération est généralement expliquée par deux phénomènes : une accélération de la croissance du revenu par habitant qui est passée d’un rythme de 2 % par an en 2000-2002, à 4 % en 2003-2008 et par les mesures mises en place par le gouvernement de la N.-C. dans le cadre de la lutte contre l’insécurité routière et qui ont certainement motivé l’achat de gros véhicules. En effet, dans le but d’accompagner l’obligation du port de la ceinture à l’arrière et de la mise en place de dispositifs adaptés au transport d’enfants ainsi que l’interdiction de transporter des passagers dans les bennes, le taux de TGI sur les pick-up double cabines a été réduit de 21 à 11 % en novembre 2005. Au-delà de l’engouement des Calédoniens pour ce type de véhicules et de l’effet d’aubaine, cette évolution trouve aussi son origine dans les investissements en matériel automobile liés aux grands projets miniers.
429Cette croissance des ventes se traduit bien sûr par une augmentation du parc en circulation. Les derniers chiffres fiables sur le parc datent de 2006. En effet, la vignette, la taxe annuelle sur les véhicules, qui permettait de connaître exactement la structure de ce parc, a été supprimée en 2007. Entre 2000 et 2005, le parc automobile a connu une croissance forte de 5,1 % en moyenne annuelle6 (voir aussi le tableau 28).
430Contrairement à ce que l’on constate en métropole, où la consommation totale de carburants par les voitures diminue depuis quelques années du fait de l’amélioration de l’efficacité énergétique des véhicules et de la stagnation du parc, en N.-C. elle connaît sans doute une croissance rapide qui s’explique par une croissance du parc automobile, par une augmentation de la puissance de ces véhicules, par un usage probablement plus intensif de ces véhicules et par une généralisation de la climatisation à bord.
431À partir d’une publication « L'énergie en Nouvelle-Calédonie » du Service des mines et de l'énergie (SME), la Dimenc a produit un « bilan énergétique » qui donne sur plusieurs années les quantités d’énergie consommées par différents secteurs de l’économie. D’après ce bilan, après une croissance ininterrompue au rythme de 3 % par an entre 1995 et 2004, la consommation d’énergie par les transports a chuté à partir de 2005, passant de 231 à 201 mille tonnes équivalent pétrole entre 2004 et 2007, soit une baisse de 13 %.
432Ce point est très important car il montrerait que la demande de carburant par les transports est très sensible aux prix. En effet, comme on le voit sur le graphique ci-dessous, après une dizaine d’années de stabilité, les prix des carburants à la pompe ont connu une forte croissance en termes réels (en Francs CFP de janvier 2009), à partir de janvier 2005. Cette tendance ne s’est inversée qu’en fin d’année 2008.
433On peut cependant douter des résultats du « bilan énergétique » de la Dimenc. En effet, en dépit de l’évolution des prix, les importations de carburant n’ont pas diminué sur la période, au contraire ! C’est ce que montre le graphique suivant que nous avons tiré des statistiques du commerce extérieur de l’Isee. Les importations d’essence ont stagné sur toute la période et se retrouvent en 2007 au même niveau que 2004. En revanche, entre 2004 et 2007, les importations de gazole ont augmenté de 30 %.
434Ce gazole n’est certes pas entièrement consommé par les véhicules routiers, mais pour chacun des deux carburants, cette croissance des consommations semble bien corrélée avec l’évolution du parc de véhicules que nous avons reconstituée à partir de sources diverses et que nous présentons dans le tableau ci-dessous. En cinq ans, le parc de véhicules diesel a augmenté de 56 % alors que celui de voitures à essence a stagné comme la consommation d’essence.
435Si la consommation d’essence a stagné parce que le parc de voitures à essence a stagné, on voit mal comment la consommation de gazole aurait baissé quand le parc de véhicules diesel a fortement augmenté. Ces résultats sont donc en contradiction avec ceux présentés par la Dimenc et suggèrent que l’envolée des prix du gazole ne s’est pas traduite par une baisse absolue de la consommation totale de gazole par le secteur routier. Cependant, le fait que la consommation de gazole ait évolué moins vite que le nombre de véhicules montre sans doute que l’augmentation des prix n’a pas été sans effet. Mais il est impossible d’en tirer une mesure de l’élasticité de la demande au prix car les chiffres disponibles des importations ne permettent pas de distinguer cette consommation de celle des autres secteurs de l’économie.
436D’une façon générale, nos avons pu observer que les données brutes disponibles pour le secteur des transports sont souvent rares et très partielles. Les données transformées, quant à elles, sont intéressantes, mais restent fragiles et parfois contradictoires. Cela tient bien sûr à la rareté des données brutes, mais aussi au fait que les méthodes de constitution des données transformées ne sont pas toujours explicitées. Il nous semble donc important, pour une politique énergétique des transports bien informée, de mettre en œuvre des moyens pour suivre plus étroitement les consommations de carburants par les différents modes de transports.
437La motorisation des ménages est une variable clé pour comprendre et pour prévoir la consommation d’énergie par le secteur des transports. Avec 75 % des ménages équipés d’au moins une automobile, la N.-C. atteint un niveau relativement élevé pour une économie insulaire7, proche des niveaux atteints en métropole (81 %). Avec une différence cependant. Alors qu’en métropole la motorisation est relativement plus faible dans les grandes villes et nettement plus élevée en zone rurale, en N.-C. c’est l’inverse. Le taux de motorisation dans le Grand Nouméa est de 84 %, il n’est que de 55 % dans le reste du territoire8. On peut donc penser que contrairement à la métropole, la saturation n’est pas encore atteinte. Contrairement à la métropole aussi, en N.-C., la croissance démographique soutenue (2 % par an) et la pyramide des âges ne contribueront pas à ralentir la croissance du parc automobile.
438Le secteur du camionnage est sans doute plus étroitement tributaire de la conjoncture, comme le suggère l’évolution des nouvelles immatriculations de camions reproduite dans le graphique ci-dessous. Elle montre une croissance deux fois plus rapide que celle des ventes de voitures et pick-up, mais beaucoup plus irrégulière, sans doute liée à des cycles économiques. Nous n’avons cependant pas pu identifier de corrélation significative entre l’évolution des ventes de camion et la croissance du PIB.
439Il serait intéressant de pouvoir séparer la consommation énergétique du camionnage lié au transport de minerai, de celle du camionnage lié aux autres activités économiques. Les opportunités d’économie d’énergie ou de substitution sont sans doute différentes dans ces deux marchés.
4.1.2.2. La consommation énergétique du transport aérien
440En ce qui concerne la consommation énergétique du transport aérien, il ne nous apparaît pas utile de nous intéresser au trafic international. En effet, même s’il est en partie assuré par une compagnie calédonienne, celle-ci est soumise à des contraintes économiques et réglementaires qui dépassent largement les pouvoirs locaux et leur latitude à mettre en œuvre des politiques énergétiques dans ce domaine.
441Le trafic aérien intérieur tient une place inhabituellement importante en N.-C. Elle s’explique en partie par l’éloignement des iles et la faible densité des populations. Curieusement, les données disponibles montrent une très faible croissance du trafic intérieur de voyageurs (1 % par an en moyenne depuis 1995, un rythme égal à celui de la croissance démographique dans les îles) alors que le revenu par habitant a augmenté et que le trafic international a crû à un rythme bien plus élevé (près de 3 % en moyenne annuelle). L’explication tient peut-être au prix. En effet, les tarifs voyageurs des vols intérieurs ont augmenté de façon significative, au rythme annuel de 2 % ou 3 % en termes réels selon les destinations, alors que sur la même période, les tarifs des vols internationaux sont restés stables en termes réels ou ont baissé, comme dans le cas de la liaison Nouméa-Sydney-Nouméa.
442Le transport de fret aérien quant à lui présente un fort déséquilibre, mais aucune tendance à long terme. Le tonnage au départ de Nouméa est plus de trois fois plus élevé que le tonnage à l’arrivée9. Le graphique que nous avons reproduit ci-dessous le montre. Il montre aussi que pendant quatre ans, de 1997 à 2000, le fret au départ de Nouméa vers les îles a connu un niveau de trafic sensiblement plus élevé (d’un tiers) que sur le reste de la période 1995-2007. Nous n’avons pas d’explication pour ce phénomène.
443Transporter des marchandises par avion consomme beaucoup plus d’énergie que les transporter par bateau et coûte plus cher. Aussi ce genre de transport n’est-il généralement réservé qu’aux marchandises dont la valeur décline rapidement avec le temps (par exemple, les homards du Canada) ou dont les besoins sont urgents et imprévus (comme les médicaments rares). D’après nos informations, le fret aérien intérieur vers les îles échappe assez largement à ces deux conditions, et les marchandises transportées ne sont, pour l’essentiel, pas différentes de celles qui transitent habituellement par bateau. L’explication tient peut-être là aussi à la tarification, mais nous n’avons pas obtenu d’éléments pour en juger.
444Expliquer ces particularités est un préalable à toute politique qui viserait à réduire la consommation énergétique dans le transport aérien calédonien car elles répondent sans doute en partie à des objectifs sociaux ou politiques, comme celui d’assurer la « continuité territoriale ». En soi, de tels objectifs sont tout à fait légitimes, mais ils doivent donner lieu à des réévaluations périodiques pour s’assurer qu’ils ne sont pas devenus obsolètes, ni que les moyens choisis pour les atteindre n’ont pas perdu leur pertinence.
4.1.2.3. La consommation énergétique du transport maritime
445Nous n’avons pas de données détaillées sur la répartition des consommations d’énergie par le transport maritime selon sa destination, transport international, transport intérieur, minerai, marchandises, etc. Bien que les perspectives d’économie d’énergie dans ce domaine soient limitées et, pour une bonne part hors de portée des compétences réglementaires du territoire, une connaissance plus fine du secteur permettrait au moins d’évaluer les potentialités de report modal, par exemple du transport aérien ou routier vers le maritime, et à l’intérieur même du secteur, les possibilités de rationalisation et de maîtrise de l’énergie.
4.2. État de l’art de la MDE dans le domaine des transports en dehors de la Nouvelle-Calédonie
4.2.1. De l’énergie à l’environnement
4.2.1.1. Le pétrole
446Le souci de la maîtrise de l’énergie dans le domaine des transports n’est véritablement apparu qu’avec le choc pétrolier de 1974. Il s’agissait pour les pays importateurs de réduire leur dépendance. Plusieurs mesures ont été prises dans l’urgence, comme la limitation de la vitesse sur les autoroutes en France et aux États-Unis. D’importants programmes ont été lancés comme le programme Proálcol au Brésil ou le programme Cafe aux États-Unis.
447Le Proálcol Brésilien visait à produire de l’alcool de canne à sucre pour les automobiles. Il s’agissait dans un premier temps d’alcool anhydre qui peut être additionné à l’essence jusqu’à une proportion de 20 % sans modification des moteurs. Après le deuxième choc pétrolier en 1981, Proálcol II a considérablement augmenté la mise en se fixant pour objectif de remplacer totalement l’essence. Il s’agissait alors d’alcool hydraté, ce qui nécessitait un redéploiement de l’industrie automobile nationale, la mise en place d’un réseau complet de distribution du nouveau carburant, la mise en culture de vastes étendues et l’investissement dans des distilleries de taille jamais connue avant (cf. Darbéra, 2005, « Carburants de biomasse, les leçons de l’expérience brésilienne »).
448Le programme américain Cafe (pour Corporate Average Fuel Economy) imposait aux constructeurs automobiles de faire en sorte que la moyenne harmonique des consommations (en miles par gallon) de leurs véhicules pondérés par les ventes respecte une norme rendue plus stricte chaque année selon un programme pré-établi. Une pénalité de 5,5 $ par voiture vendue et par dixième de mile par gallon de déficit était appliquée. La norme, entrée en vigueur en 1978 a été rendue régulièrement plus sévère jusqu’en 1989. Le programme a été efficace puisque les voitures neuves vendues en 1989 consommaient près de deux fois moins que les modèles de 1975. Mais pour toutes sortes de raisons le programme a été gelé à partir de 1989.
449Améliorer les services de transports collectifs (et baisser leur prix au moyen de subventions) est aussi apparu comme une manière d’offrir une alternative à l’usage de la voiture particulière, et donc de réduire la dépendance pétrolière pour les déplacements de personnes. En France, c’était une des principales justifications pour le développement du réseau de TGV et pour la multiplication des projets de tramway dans les villes.
4.2.1.2. L’effet de serre
450La chute des cours du pétrole aurait rendu ces politiques obsolètes si le souci du changement climatique n’avait pas pris le relais. Dans les pays engagés par le protocole de Kyoto, elles connaissent donc un regain d’intérêt. L’Europe, par exemple, est en train d’imposer à ses constructeurs automobiles des politiques inspirées du programme Cafe américain ; et plusieurs États, trente ans après le Brésil, incitent maintenant leurs agriculteurs à produire des agrocarburants au moyen de défiscalisation.
451La panoplie des instruments de politique pour lutter contre l’effet de serre dans les transports diffère cependant radicalement de celle utilisée pour réduire la consommation de pétrole en cela que cette fois, le prix des carburants n’est plus une donnée exogène, mais une variable que l’on peut ajuster au moyen de taxes pour rendre moins attractifs les modes de transport qui utilisent des énergies fossiles. À priori, pour la lutte contre le réchauffement climatique dans les transports, l’instrument fiscal rend même toutes les autres politiques redondantes.
4.2.2. La taxe carbone
452Avec une taxe carbone pour internaliser le coût de l’effet de serre dans le prix des carburants, inutile d’obliger les constructeurs automobiles à concevoir et à produire des voitures moins voraces, la demande des consommateurs rebutés par les prix des carburants fossiles les orientera d’elle-même vers ces modèles. Inutile d’inciter les affréteurs à choisir des modes et des circuits économes en énergie, ils le feront d’eux-mêmes sous la pression de la concurrence pour éviter le surcoût des modes de transports trop consommateurs de carburants fossiles taxés. Inutile de subventionner les carburants issus de la biomasse, le fait de ne pas supporter la taxe carbone les rendra suffisamment attrayants.
453Si ces arguments sont irréfutables sur le long terme, dans le transport, taxer les carburants n’est cependant pas la panacée pour le court et moyen termes.
454Tout d’abord, comme nous l’avons dit plus haut, dans les pays où, pour des raisons purement budgétaires, le carburant automobile est déjà lourdement taxé, une taxe carbone véritable, c’est-à-dire une taxe qui s’applique au même taux et à tous les carburants fossiles, n’aura qu’une incidence faible sur le prix de l’essence et une incidence énorme sur le prix du charbon qui n’est généralement pas taxé, et qui est même parfois subventionné. L’augmentation trop faible du prix de l’essence qui en résulterait n’orienterait que très peu de consommateurs vers des véhicules de meilleure efficacité énergétique ou vers des véhicules utilisant d’autres énergies que le pétrole. Sans changement sensible de la demande de leurs clients, les constructeurs automobiles n’auront pas de raisons d’investir dans les recherches pour produire des véhicules moins nocifs au climat.
455La taxe carbone n’affecte pas toutes les contributions du secteur des transports à l’effet de serre. En particulier, les transports frigorifiques et la climatisation des voitures émettent aussi des quantités non négligeables de GES. On estime, par exemple, qu’un véhicule moyen climatisé émet 30 grammes d’équivalent CO2 de plus par kilomètre soit 206 g/km au lieu de 176 g/km pour un véhicule non équipé, entre la surconsommation et les fuites de gaz de fluides frigorigènes, évaluées annuellement à 15 % de la masse de fluide, soit 775 grammes (auxquelles il faut ajouter 230 grammes au moment de la maintenance et lors de la fin de vie de l’appareil)10.
456Enfin, la taxe sur les carburants utilisée par les automobiles est régressive. Comme toute la fiscalité des carburants, elle affecte davantage les pauvres que les riches (cf. Darbéra, 2001).
4.2.3. Les autres instruments
457Plusieurs autres instruments existent pour réduire les émissions de GES par les transports. Les passer en revue sans référence au contexte calédonien ne nous semble pas utile. Le lecteur intéressé pourra se reporter à Cauret et al. (2001).
4.3. Propositions d’amélioration en matière de MDE dans le domaine des transports en Nouvelle-Calédonie
458La plupart des politiques que nous avons énumérées dans la section précédente ne sont pas pertinentes pour le cas calédonien. En effet, le marché automobile est trop petit pour imposer des normes aux constructeurs, la production d’agrocarburants n’arrivera jamais à des prix compétitifs par rapport à ceux du marché international, et le recours à des véhicules électriques est exclu tant qu’une partie au moins de l’électricité calédonienne sera produite à partir de combustibles fossiles. Dans le transport routier, remplacer l’essence ou le gazole par de l’électricité d’origine fossile embarquée sous forme de batteries multiplie au moins par 2,5 les rejets de CO2 dans l’atmosphère.
459Pour se protéger des prix fluctuants du pétrole et pour réduire la contribution de ses transports à l’effet de serre, la N.-C. ne peut donc que rationaliser son système de transport, en s’orientant vers des véhicules moins voraces, en les utilisant au mieux de leurs performances et en réduisant ses besoins de transport.
4.3.1. Une taxe carbone sur les carburants ?
460La façon la plus élégante d’atteindre ces objectifs est, bien sûr, d’inciter tous les acteurs du secteur, transporteurs, affréteurs, voyageurs, automobilistes, etc., à réduire leur consommation directe ou indirecte de produits pétroliers. La meilleure incitation est le prix, c’est-à-dire la taxe carbone, assortie d’une information qui aide chacun des acteurs à prendre conscience de l’incidence du coût des carburants sur son budget et des méthodes qui lui permettraient de réduire sa consommation.
461Quel doit être le montant d’une telle taxe ? Ce montant doit-il être le même pour tous les combustibles fossiles ? Faut-il en exonérer certains secteurs d’activité ? Faut-il compenser son effet sur les budgets des ménages les plus modestes ?
462Dans son principe, le montant de la taxe carbone qui frappe les combustibles fossiles est assis sur leur nocivité pour le climat, nocivité qui est proportionnelle à leur contenu en carbone. Son montant devrait donc être déterminé au niveau international car un litre d’essence a le même effet sur le climat, qu’il soit brûlé dans un embouteillage à New York, lors d’un raid à travers le Sahara ou dans les rues de Nouméa.
463Une telle harmonisation internationale n’est malheureusement pas certaine dans un avenir prévisible, mais une convergence est probable entre les différents systèmes qui se mettent en place en Europe et aux États-Unis, qu’il s’agisse d’une taxe ou d’un système d’enchère des droits à émettre des GES (cf. Centre d’analyse stratégique, 2009a et 2009b11). Le montant de la taxe (ou le prix du droit) pourrait avoisiner les 100 euros par tonne de CO2 à l’horizon 2030. Elle serait ainsi proche de 30 euros la tonne de CO2 aujourd’hui, atteindrait 100 euros en 2030 et serait comprise entre 150 et 350 euros en 2050.
464Si la N.-C. appliquait une taxe carbone de 30 euros par tonne de CO2 cela correspondrait à une taxe carbone de 9 et de 10 F CFP sur le litre d’essence et le litre de gazole respectivement. L’augmentation du prix de vente qui en résulterait, de l’ordre de 6 % est à comparer à la forte fluctuation du prix qui a accompagné la flambée du prix du pétrole l’année dernière. Ainsi, en moins d’un an, de mai 2008 à mars 2009, le prix du gazole a d’abord augmenté de 33 F CFP pour ensuite baisser de 52 F CFP. Pour suivre le scénario européen, la taxe carbone calédonienne sur les carburants pourrait progressivement atteindre une trentaine de F CFP à l’horizon 2030.
465Ce montant doit-il être le même pour tous les combustibles fossiles ? Logiquement oui, c’est le principe et la justification même de la taxe carbone, mais il faut noter que cette taxe aurait pour effet de doubler le prix du charbon importé. On peut dès lors s’interroger à propos de l’impact d’une telle taxe sur l’industrie métallurgique et au-delà sur la balance commerciale de la N.-C. Une telle problématique dépasse cependant l’ambition de notre contribution.
466Quel serait l’effet de la taxe carbone sur la consommation de carburants automobiles par les ménages, et son effet redistributif. On a montré qu’en métropole, cette taxe affecterait plus fortement les ménages les plus modestes (Darbéra, 2001)12, mais il n’est pas sûr que ce soit le cas en N.-C. Les données sur la consommation des ménages calédoniens par classe de revenu que l’Isee est en train de constituer permettront, quand elles seront disponibles, de mesurer l’incidence d’une telle taxe sur les ménages selon leur revenu, leur localisation et leur degré de motorisation. Si ces données devaient révéler que la taxe carbone aura des effets trop régressifs sur les ménages les plus modestes, des mesures très spécifiques pourraient être mises en œuvre pour compenser ces effets.
467La forte fluctuation récente du prix des carburants à la pompe devrait permettre d’évaluer l’élasticité à court terme de la demande d’essence et de celle de gazole. C’est ce que nous avons fait à partir de données mensuelles de ventes de carburants dans les stations-service qui sont disponibles pour les deux dernières années. Les résultats, illustrés dans les deux graphiques ci-dessous, sont pour le moins surprenants : ils montrent que la consommation d’essence a fluctué de façon totalement indépendante du prix (coefficient de détermination R2 = 0,00), et que celle de gazole aurait plutôt eu tendance à augmenter quand les prix augmentaient. Bien que la corrélation ne soit pas très forte, elle reste significative (coefficient de détermination R2 = 0,55).
468Comment expliquer ce résultat paradoxal, très différent du phénomène enregistré en métropole pour la même période ? Une part de l’explication tient sans doute au fait que contrairement à la métropole, il n’existe pas de véritable alternative à l’automobile pour les déplacements de la majorité des personnes, et à la route pour l’essentiel du transport de marchandises. Ainsi l’option du report modal étant très limitée, le seul effet du prix serait la réduction de la mobilité. Pour comprendre pourquoi celle-ci ne s’est pas produite non plus, il faudrait connaître de façon plus fine quels sont les usages de l’automobile. Quant à l’évolution paradoxale de la consommation de gazole, elle tient peut-être en partie au transport de marchandises, mais faute de données séparées sur les consommations et de mesures du trafic lié à l’activité industrielle, nous ne pouvons pas estimer cet effet.
469Que la demande de carburant soit inélastique à court terme n’implique pas nécessairement qu’elle le soit à long terme aussi. Comme toutes les taxes d’accise, et contrairement aux taxes proportionnelles comme la TVA, la taxe carbone a pour effet d’amortir les fluctuations du prix des carburants et, puisqu’elle est indexée, de donner un signal cohérent sur le long terme. À condition d’être bien informés sur l’importance des dépenses de carburants dans leur budget, et des manières de les réduire, les calédoniens modifieront leur comportement. Ils le modifieront en faisant un plus grand usage des transports collectifs, à conditions qu’ils soient plus pratiques et plus confortables, en évitant de choisir une lieu de résidence trop éloigné des activités, et en choisissant un véhicule plus économe au moment de le renouveler.
470Cette orientation pourrait être renforcée par un deuxième instrument de politique énergétique : le bonus/malus appliqué aux taxes qui frappent l’achat ou la possession de véhicules. Ainsi, sans réduire leur mobilité, lors du renouvellement de leur véhicule, les automobilistes pourraient s’orienter vers des modèles plus économes en carburant.
471Dans la plupart des pays de l’OCDE, il existe une taxe sur la possession de véhicules comme la défunte « vignette » et, presque partout, cette taxe a été modifiée plus ou moins récemment pour tenir compte de l’impact environnemental du véhicule (contribution à l’effet de serre et/ou à la pollution locale). Dans l’Union européenne, c’est même devenu une obligation à terme. La plupart des pays appliquent aussi une fiscalité à l’achat (ou un système bonus/malus) modulé directement ou indirectement selon la contribution potentielle du véhicule à l’effet de serre. Le tableau ci-dessous le montre dans le cas de l’Union européenne.
472À contresens de cette évolution, la N.-C. a récemment aboli la vignette, et comme mentionné plus haut, elle a accordé une réduction sensible de la fiscalité à l’achat d’un certaine type de véhicules 4x4 forts contributeurs à l’effet de serre. Il est probable que cette disposition ait été accueillie comme une aubaine par des consommateurs à qui elle n’était à priori pas destinée. Une étude spécifique sur la possession et sur l’utilisation du parc devrait permettre de donner une mesure de cet effet pervers et fournirait des éléments utiles pour concevoir des instruments de politique mieux ciblés pour atteindre les objectifs qui étaient ceux initialement prévus par cette politique de défiscalisation.
473On peut aussi s’interroger sur la justification économique du différentiel de fiscalité qui existe entre le gazole et l’essence. Dans les États des États-Unis, le gazole est de 10 % à 20 % plus taxé que l’essence13. En Europe c’est l’inverse, l’essence est plus lourdement taxée que le gazole. L’écart moyen est de 32 % mais il varie de 0 % au Royaume-Uni à 86 % en Belgique14. En N.-C., l’écart en faveur du gazole est de 132 %.
4.3.2. Des mesures complémentaires
474Dissuader l’usage de l’automobile au moyen de taxes sur les carburants, et la multimotorisation des ménages au moyen de taxes sur la possession de véhicules, rencontrera d’autant moins de résistance que des solutions alternatives seront rendues plus attractives. Les recommandations du Plan de déplacement de l’agglomération nouméenne (PDAN) vont dans ce sens en préconisant l’amélioration de la desserte en transports collectifs (fréquence, vitesse, extension du réseau), la création de pistes cyclables, etc. Mais il en faudra sans doute plus pour que des automobilistes consentent à laisser occasionnellement leur voiture au garage et se résolvent à utiliser les transports collectifs. Il faudra améliorer leur confort. Les projets de climatisation des autobus de Nouméa y contribueront certainement. Le bilan de cette opération en termes de rejets de GES sera d’autant moins négatif qu’elle réussira à attirer vers les transports collectifs des personnes qui autrement se déplaceraient en voiture.
475Il existe, en N.-C., un secteur qui n’est peut-être pas utilisé au mieux de son potentiel, il s’agit des VLC (Véhicule de location avec chauffeur). Pour l’instant, leur marché est principalement constitué par le transport scolaire. En cela, les VLC contribuent à réduire l’usage de la voiture particulière car ils dispensent les parents d’avoir à conduire leur progéniture en voiture vers les écoles. Ils pourraient sans doute faire beaucoup plus car contrairement aux taxis, leurs prix sont libres, et sans doute proches de leurs coûts réels. Ces coûts pourraient baisser substantiellement en réduisant les temps morts entre les courses ce que permettent, à des prix maintenant très bas, les technologies combinées de l’informatique, de la localisation par GPS et des communications GPRS.
476Dans la plupart des pays de l’OCDE ce secteur, qui se distingue de celui des taxis en cela qu’il ne peut répondre qu’à des commandes de courses passées par téléphone15, est de plus en plus souvent sollicité pour offrir un service complémentaire à celui des transports collectifs de grande capacité, en particulier en heure creuse, en zone de faible densité ou encore quand un meilleur confort est nécessaire de porte à porte. Il tient aussi une place centrale dans les « plans de déplacements d’entreprise », des systèmes par lesquels les entreprises incitent leurs employés à délaisser leur voiture quand ils viennent travailler.
477Une étude spécifique pourrait être conduite pour examiner comment ces expériences de politiques de mobilité pourraient être acclimatées à la N.-C. en mettant à profit le potentiel des VLC.
4.3.3 Le problème de la climatisation
478Comme nous l’avons vu, les transports frigorifiques et la climatisation des véhicules ont un effet particulièrement négatif sur le climat, non seulement parce qu’ils augmentent la consommation de carburant, mais aussi parce qu’ils émettent des gaz dont l’effet de serre est particulièrement prononcé. Ces émissions sont d’autant plus importantes que les systèmes sont mal entretenus, réparés par des personnels non qualifiés ou qu’ils sont mis au rebut sans précaution particulière. Pour réduire ces nuisances, les réglementations existantes peuvent être renforcées et surtout leur mise en œuvre contrôlée. Un effort d’information doit aussi être fait en direction du public qui souvent n’a pas conscience de ce que lui coûte l’utilisation de la climatisation de son véhicule, et encore moins de l’impact d’un mauvais entretien sur l’effet de serre.
4.3.4. À terme des voitures électriques ?
479Les politiques de lutte contre l’effet de serre dans les transports semblent promettre un avenir à la voiture électrique pour deux raisons : (1) les progrès prévisibles des batteries et (2) ses avantages en termes de réduction des nuisances locales. La limite principale à son développement est son faible rayon d’action, mais cette limite n’est pas dirimante pour des petits pays confinés dans leurs frontières. C’est sans doute la raison pour laquelle c’est en Israël qu’un projet ambitieux de voiture électrique a été récemment lancé (Centre d’analyse stratégique, 2009c).
480L’expérience israélienne est-elle transposable en N.-C. ? En fait, l’initiative israélienne est motivée par une préoccupation majeure : réduire la dépendance pétrolière du pays sans soucis de l’effet de serre, car, pour les trois quarts, l’électricité israélienne est produite aujourd’hui à partir de charbon importé. Le bilan énergétique des voitures électriques israéliennes est donc au moins deux fois moins bon que celui de ses voitures à essence ou à gazole (voir tableau ci-dessous). Tant qu’une part importante de l’électricité produite en N.-C. sera d’origine fossile, l’option « voiture électrique » ne nous paraît pas justifiée. À plus long terme cependant, il faudrait envisager la possibilité pour les ménages qui fourniraient de l’électricité photovoltaïque au réseau de pouvoir la racheter au réseau, à un tarif intéressant, la nuit chez eux ou le jour sur leur lieu de travail pour recharger les batteries de leur véhicule électrique.
4.3.5. Des vélos électriques ?
481De ce que nous savons des pratiques de déplacements, il semble que l’usage du vélo ait un grand potentiel de développement en N.-C. Pour l'instant deux obstacles ont empêché ce développement : (1) un réseau routier particulièrement hostile et (2) un relief accidenté avec de fortes pentes. Il est possible que s'ajoute à ces deux obstacles un troisième : une image dévalorisante du vélo comme véhicule des pauvres. Nous pensons, comme le PDAN, que le premier obstacle devrait être levé en priorité par la construction de pistes cyclables sécurisées. Avec une campagne d'information appropriée, ce réseau de pistes cyclables devrait rapidement être mis à profit car des progrès récents de la technologie ont levé les deux autres obstacles. En effet, les vélos à assistance électrique, qui permettent de gravir les cotes sans effort, sont devenus très pratiques pour un prix d’investissement deux à trois fois inférieur à celui d’un scooter standard, et un coût de fonctionnement négligeable à côté de celui d’une automobile. C’est aussi, au moins pour quelques temps encore, un produit valorisant par sa connotation high-tech et écologique. Cette image est encore renforcée si la batterie du vélo est rechargée par un panneau photovoltaïque.
4.3.6. Les biocarburants ?
482Dans le domaine des transports, il n’est pas possible d’évaluer l’intérêt des biocarburants en général. En fait, il faut faire autant d’analyses économiques qu’il y a de biocarburants adaptables aux transports car certains, comme l’alcool, peuvent se substituer à l’essence, d’autres, comme les huiles végétales, se substituent au gazole, certains, comme l’alcool anhydre, peuvent se mélanger avec le carburant pétrolier au niveau de la raffinerie de pétrole, d’autres, comme l’alcool hydraté, ne se mélangent pas et demandent un circuit spécifique de distribution vers les stations services, enfin tous demandent des adaptations plus ou moins importantes et plus ou moins coûteuses des véhicules.
483On ne peut pas exclure à priori l’option des biocarburants pour les transports de N.-C. Mais cette option devra faire l’objet d’une évaluation au cas par cas selon des filières de production qui pourraient apparaître et selon l’arrivée de nouveaux modèles de véhicules sur le marché international. En effet, des progrès ne manqueront pas de se produire dans la conception de véhicules adaptés, comme les voitures flexfioul qui se généralisent au Brésil et qui se substituent aux voitures alcool pur que le Brésil a cessé de produire.
484On doit cependant garder à l’esprit deux faits importants. (1) Un marché international des biocarburants commence à se développer. C’est un marché où les fournisseurs ont des avantages comparatifs (grande échelle de production, main-d’œuvre très bon marché, vastes terrains agricoles) que la N.-C. ne possède pas. D’un point de vue strictement économique, importer sera probablement plus justifié que produire localement. D’un point de vue bilan effet de serre probablement aussi, car l’efficacité énergétique de la production à grande échelle compensera probablement la dépense énergétique du transport maritime pour amener ces carburants en N.-C. (2) Si l’on choisit de subventionner une production locale, ou même si l’on importe du biocarburant à un coût guère plus bas que l’essence ou le gazole, il faudra subventionner les automobilistes et les transporteurs pour qu’ils prennent la peine de changer leurs habitudes. Pour le trésor public, la perte sera double car il perdra aussi la recette fiscale de taxes qui frappent les carburants pétroliers. L’expérience brésilienne du Proálcol est illustrative à cet égard. Jusqu’au premier choc pétrolier, le Brésil avait fondé son développement économique sur le développement conjoint de l’industrie automobile et des infrastructures routières. La clé du système était une taxe sur les carburants pré-affectée à l’investissement routier. Un cercle vertueux s’était établi où l’offre de routes incitait à l’achat de voitures qui à leur tour, en roulant, finançaient l’extension du réseau. Quand le réseau routier a été suffisamment développé, une part de la recette fiscale a été pré-affectée à la construction d’infrastructures de transports collectifs urbains. En se substituant à l’essence, l’alcool a tué la poule aux œufs d’or. Et même si depuis quelques années l’alcool carburant n’est plus directement subventionné, il n’est toujours pas taxé au niveau de l’essence et ne rapporte donc rien au fisc.
Conclusion
485Dans le domaine des transports, la politique énergétique cherche à traiter deux problèmes : l’instabilité du coût des carburants et l’aggravation de l’effet de serre. Ces deux questions sont d’autant plus prégnantes en N.-C. que la totalité de l’énergie actuellement utilisée dans le transport est d’origine pétrolière.
486Malgré la fragilité et l’imprécision des données disponibles, on peut sans grand risque de se tromper estimer que la consommation de pétrole par les transports a connu ces dernières années une croissance forte qui n’est pas prête de se ralentir si des mesures ne sont pas prises pour atténuer les effets des erreurs passées et réorienter les choix des individus et des institutions vers des modes de transport moins consommateurs. Malheureusement, l’éventail des choix des instruments de politique disponibles qui s’offre à la N.-C. n’est pas très large. Il nous semble qu’une première mesure serait la rationalisation (et une augmentation) des taxes sur les carburants et sur les véhicules. Mais des mesures complémentaires nous paraissent indispensables, en particulier celles recommandés par le PDAN : pistes cyclables, meilleure desserte en transports collectifs, etc.
487Des études spécifiques devraient aussi être menées pour examiner la viabilité (économique et sociale) de politiques telles que le transfert modal de l’avion vers le bateau, ou la libération des contraintes qui pèsent sur les voitures de location avec chauffeur (VLC).
488Enfin, une meilleure maîtrise de l’étalement urbain ne pourrait que renforcer les effets du PDAN.
5. Conclusions et recommandations
La maitrise des consommations d’énergie : dans tous les secteurs des économies substantielles sont possibles
489La préoccupation de la maitrise des consommations d’énergie est devenue générale dans le monde, avec la conscience des limites des ressources énergétiques fossiles, de leur coût croissant, et avec les exigences de la lutte contre les changements climatiques provoqués par les émissions de GES.
490Dans tous les secteurs, une réduction de la consommation d’énergie est possible dans la situation de la N.-C. Mais cela a un coût et suppose une évolution des modes de production, construction et consommation.
491Dans le secteur de l’habitat et du tertiaire, et du fait de ses conditions climatiques, la N.-C. peut s’affranchir de la plupart de ses dépenses de climatisation dans les nouvelles constructions, à condition de respecter certaines règles. La règlementation des appareils ménagers permettrait des gains importants.
492Comme l’engagement en a été pris en métropole, un objectif pourrait être donné à consommation énergétique par m², jusqu’à construire des bâtiments à énergie positive.
D’où les propositions suivantes :
- Réglementation thermique dans le tertiaire et l’habitat neuf et existant (enveloppe et équipements). Incitation de l’État.
- Opérations de démonstration pour les technologies non encore au point en N.-C.
- Maîtrise de la demande d’électricité.
- Mettre en place des normes de réglementation des appareils, étiquetage.
- Sensibilisation à la sobriété et aux comportements (être attentif à sa consommation au quotidien, écogestes).
- Inciter l’achat chauffe-eau solaire (Cesi). Peut-être obligatoire pour les hôtels.
- Agir en priorité sur les bâtiments publics (faire des campagnes d’audits énergétiques pour les bâtiments publics).
- Pas de climatisation artificielle dans les établissements scolaires.
- Proposer des cahiers des charges pour la construction des établissements scolaires.
- Inciter aux ENR (photovoltaïque, petites éoliennes).
- Cahier des charges environnemental pour les écoquartiers.
- Proposer une étude pour revoir ensemble du signal tarifaire et taxation.
- Faire une campagne sur les ménages (utilisation équipement).
493Dans le domaine des transports, les habitudes ne vont pas à l’économie d’énergie… L’amélioration des transports en commun, une politique des deux-roues… et un urbanisme adapté permettraient des économies substantielles. La rationalisation des transports de minerais est bien assurée, grâce au cabotage. Mais le transport des pondéreux vers les îles doit être examiné.
D’où les propositions suivantes :
494Faire évoluer la composition du parc des véhicules et faire changer les pratiques
- Supprimer le différentiel taxation essence/gazole.
- Taxe carbone 9 FCFP sur essence et 10 FCFP sur le gazole. Mais étudier l’impact de la taxation sur les ménages, pour des mesures de compensation.
- Mettre en place une vignette automobile (bonus/malus).
495Aménager le territoire :
- Développer une offre transport public et Modes doux dans les villes de la N.-C.
- Mettre en œuvre des propositions du PDU de Nouméa : doit être + ou - imposable aux communes ; mettre en place pistes cyclables ; transport public en site propre.
496Améliorer l’efficacité énergétique du parc particulier. Augmenter l’efficacité des transports automobiles et le taux de remplissage des véhicules :
- Nouvelles motorisations et nouvelles sources : explorer les solutions technologiques (véhicules électriques, associés aux ENR.
- Ouvrir le marché des véhicules voués au transport scolaire.
- Étudier la mise en œuvre de la petite remise.
497Améliorer les connaissances sur ce secteur :
- Compléter les responsabilités, observatoire de l’énergie dans le domaine de la consommation de carburant pour les différents types de transport.
- Faire régulièrement des enquêtes ménages de déplacement.
- Faire une étude sur les camions (lieu destination, utilisation camions…).
498Réduire au maximum le transport des biens pondéreux par avion
- Faire une étude sur le transport bateau-îles.
499Appliquer système européen pour le contrôle et la récupération des fluides frigorigènes de climatisation des véhicules.
500Dans l’industrie la pyrométallurgie peut faire des économies dans toute la chaîne de production : les diverses opérations de préchauffage (du minerai avant son introduction en cuve, des récipients pour le nickel…) se font sans utilisation de la chaleur issue des fours. La baisse du cours du nickel est une occasion de réduire les consommations d’énergie.
501Dans le processus hydro métallurgique les consommations sont moindres à la tonne de nickel produite : de l’ordre de 75 % d’économie par rapport au procédé pyrométallurgique.
502Nous n’avons pas eu le temps de voir ce qui se prévoit pour l’usine du Nord. On sait cependant que cette usine aura de gros besoins énergétiques, équivalents à la somme des deux usines de la SLN et de GoroNickel.
503Dans la production d’énergie électrique elle-même, les rendements actuels sont très divers, depuis l’usine de Ducos qui utilise le Kérosène comme fioul, jusqu’au projet de la reconstruction de l’usine de Dumbea, prévue à lit fluidisé, qui permet une diversité de combustibles, en particulier de la biomasse non transformée. L’usine de Prony était en mars 2009 encore en phase de réglage, mais son procédé ne permet pas, pour elle, une utilisation directe de biomasse.
D’où les propositions suivantes :
- Associer MDE avec réduction CO2. Faire des campagnes de mesures afin d’élaborer le bilan énergétique des grandes entreprises industrielles.
Quantifier le potentiel économie d’énergie.
Définir les actions nécessaires par rapport à un objectif de 20 % d’économie. - Se préparer au captage du CO2 (de nouveaux investissements seront nécessaires).
Bibliographie
Bibliographie
Cauret, L., Crozet Y. et al., 2001 – Parc automobile et effet de serre, Cahier du Clip n° 12, mars 2001, Club d’Ingénierie prospective énergie et environnement, Medon, 96 p.
Centre d’Analyse Strategique, 2008 – La valeur tutélaire du carbone, La note de veille n° 101, juin 2008, Paris, 8 p., http://www.strategie.gouv.fr/IMG/pdf/NoteVeille101.pdf
Centre d’Analyse Strategique, 2009a – La régulation des émissions de gaz à effet de serre dans le domaine du transport, La note de veille n° 126, mars 2009, Paris, 8 p., http://www.strategie.gouv.fr/IMG/pdf/NoteVeille126.pdf
Centre d’Analyse Strategique, 2009b – Politique climatique des États-Unis : quel instrument économique pour un signal-prix carbone ? La note de veille n° 127, mars 2009, Paris, 6 p., http://www.strategie.gouv.fr/IMG/pdf/NoteVeille127.pdf
Centre d’Analyse Strategique, 2009c – Le choix du véhicule électrique en Israël, La note de veille n° 132, avril 2009, Paris, 11 p., http://www.strategie.gouv.fr/IMG/pdf/NoteVeille132.pdf
Centre d’Analyse Strategique, 2009d – Politiques climatiques : effets distributifs et recyclage des revenus, La note de veille n° 134, mars 2009, Paris, 6 p., http://www.strategie.gouv.fr/IMG/pdf/NoteVeille134.pdf
Darbera R., 2001 – Effets redistributifs et allocatifs d’une modification de la TIPP sur les carburants automobiles, RTS Recherche Transport Sécurité, n° 72, Paris, juillet-septembre, pp. 37-55.
Darbera R., 2005 – Carburants de biomasse, les leçons de l’expérience brésilienne, Transports n° 430, mars-avril, pp. 112-113.
Darbera R., 2006 – Voiture et effet de serre, qui faire payer ? Transport, n° 440, novembre-décembre, pp. 377-381.
Duprez F., 2007 – La lutte contre l’effet de serre du secteur des transports dans le rapport Eddington, Notes de synthèse du SESP, n° 167, octobre-novembre-décembre, ministère de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de l'Aménagement du Territoire, Paris, pp. 29-36, http://www.statistiques.equipement.gouv.fr/IMG/pdf/NS_167_tom2_p29-36_cle0c11c1.pdfh
Iea, 2006a – Energy Technologies Perspectives, Chapter 5, Road Transport Technologies and Fuels, OECD Publications, Paris.
Iea, 2006b – World Energy Outlook 2006, Chapter 14, The Outlook for Biofuels, OECD Publications, Paris.
Iea, 2008 – Biofuels for Transport – Part of a Sustainable Future ? Summary and Conclusions from the IEA Bioenergy ExCo61 Workshop, the International Energy Agency, March, 16 p., http://www.ieabioenergy.com
Iepf, 2008 – Vers la sortie de route ? Les transports face au défi de l’énergie et du climat, Liaison Énergie-Francophonie n° 81, 4e trimestre 2008, Institut de l’énergie et de l’environnement de la Francophonie, 148 p., p. 49, http://www.global-chance.org/spip.php?article46–couvertures
Isee, 2003 – Bilan économique et social 2003, Institut de la statistique et des études économiques de Nouvelle-Calédonie, p. 52.
Juillard M., 2007 – Le budget automobile des ménages s’adapte aux prix des carburants, Insee-Première, n° 1159, octobre 2007, http://www.insee.fr/fr/ffc/ipweb/ip1159/ip1159.pdf
Newbery D.M., 2001 – ”Harmonizing Energy Taxes in the EU” (paper presented at the conference Tax Policy in the European Union, Ministry of Finance, The Hague, October 2001), http://www.econ.cam.ac.uk/faculty/newbery/files/ROTTERDM.PDF
Stern N., 2006 – Stern Review : The Economics of Climate Change. HM Treasury, 575 p. + annexes, http://www.hm-treasury.gov.uk/stern_review_report.htm
Articles de revues
Cauret L., Adnot J., 1996 – L'outre-mer, des espaces électriques atypiques : essai de synthèse à l'occasion des cinquantenaires respectifs des DOM et d'EdF, Revue de l'Énergie, 47 (478) : 307-314.
De Gouvello C., Tabet J.-P. et al., 1996 – La maîtrise de la demande d'électricité en zones rurales : principes, premiers bilans et perspectives, Revue de l'Énergie, 483 : 699-706.
Dobigny L., 2008 – L’énergie comme idée politique, Séminaires « Énergie et Développement : un enjeu de civilisation », Fondation Gabriel-Péri, 11 décembre, http://www.gabrielperi.fr
Finon D., 1996 – La maîtrise de la demande d'électricité : innovation règlementaire ou nouvel instrument de stratégie commerciale, Revue de l'Énergie, 47 (483) : 607-624.
Gouja M., 1993 – Les limites de la tarification marginaliste comme instrument de gestion de la demande d'électricité, Revue de l'Énergie, n° 449 : 365-376.
Laponche B., 2008 – Changer de paradigme énergétique, 28/08/2008, http://www.actuenvironnement.com
Laroche Y., 1996 – Le développement de la maîtrise de la demande d'électricité à EDF - Une seule exigence : la satisfaction de nos clients, Revue de l'Énergie, 483 : 655-664.
Menanteau P., Cauret L. et al., 1997 – MDE L'éclairage en France - Diffusion des technologies efficientes de la maîtrise de la demande d'électricité dans le secteur de l'éclairage en France, Les Cahiers du Clip (Club d'ingénierie prospective énergie et environnement), n° 7, janvier.
Mills E., 1993 – Efficient lighting programs in Europe : cost effectiveness, consumer response, and market dynamics, Energy, 18 (2) : 131-144.
Moisan F., 1999 – Les politiques de l'environnement et l'énergie : de l'État entrepreneur àÌ l'État régulateur, Revue de l'Énergie, 509 : 564-571.
Morault Y., 2007 – De l’énergie renouvelable pour la Calédonie, Made’In, n° 10, http://www.finc.nc/index.php?option=com_content&task=view&id=44&Itemid=46&ed=1
Radanne P., 2006 – Accepter le nouveau siècle, Futuribles : Analyse et Prospective, 315 : 5-14.
Thèses, rapports, « littérature grise »
Action Biosphere, 2008 – La politique énergétique en Nouvelle-Calédonie. Comment sortir d’une situation opaque, rétrograde et verrouillée ? http://www.actionbiosphere.com/?p=57h
Ademe-Province Sud, Accord Cadre Pluriannuel, 2008-2010 – Pour l’accompagnement des déchets et du développement durable, http://www.province-sud.nc/pdf/delib/2008/ANNEXE1-07-2008.pdf
Bailly Consulting, 1996 – Business Focus Series : Strategies for financing energy efficiency, Report for the Office of Energy and Infrastructure, Bureau for Research and Development of the United States Agency for International Development.
Boterf D., 2006 – Le dispositif des certificats d'économies d'énergie - exemples et impacts attendus, Réunion d'information et d'échanges sur les certificats d'économies d'énergie, Nantes, France, 13 avril.
Bourjol M., Le Lamer C., 1984 – Énergie et décentralisation, Textes réunis du Colloque» Énergie, démocratie et collectivité locales » à Tours les 23-24 avril 1982, Economica, Paris.
Cauret L., Adnot J. et al., 1995 – Planification intégrée de l'énergie dans les départements d'outre-mer : lectures économique, juridique et historique de la place de l'électricité, modélisation en énergie de la consommation résidentielle et en puissance des chauffe-eau électriques, Rapport pour le Service économie prospective de l'ADEME, Convention ADEME-Armines n° 4-10-0060.
Cauret L., Adnot J. et al., 1994 – Planification intégrée de l'énergie dans les départements d'outre-mer : données de bases et éléments de méthodes pour l'évaluation des programmes MDE, Rapport pour le Service économie prospective de l'ADEME, Convention ADEME-Armines n° 4-10-0016.
Chambolle T., Meaux F., 2004 – Nouvelles Technologies de l'énergie, Rapport du groupe de travail sur les NTE au Minefi et au MEDD, juin, http://www.recherche.gouv.fr/rapport/rapportnte.pdf
Datar, 2002 – Schéma de services collectifs de l'énergie, avril.
De Gouyon H., Bonnichon M. et al., 2000 – Rapport d'audit sur la gestion de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), Rapport de synthèse, Inspection générale des finances, mars, http://www.minefi.gouv.fr/fonds_documentaire/inspection_des_finances/igf_ademe.pdf
Dimenc, 2007 – Observatoire de l’énergie, http://dimenc.gouv.nc/portal/page/portal/dimenc/les_services/energie/maitrise_energie/observatoire_energie
Ena, 2002 – Promotion Copernic ENA, La maîtrise de l'énergie, rapport du groupe 9 pour le séminaire Énergie et société.
Froc J.S., 2006 – L’évaluation ex-post des opérations locales de maîtrise de la demande en énergie. État de l’art, méthodes bottom-up, exemples appliqués et approches du développement d’une culture pratique de l’évaluation, thèse de doctorat en Énergétique, École des Mines de Paris, directeur de thèse Bernard Bourges.
Haug J., Gebhardt B. et al., 1998 – Evaluation and comparison of utility's and governmental DSM-Programmes for the promotion of condensing boilers, Save contract XVII/4.1031/Z/96-136, IER (Institut für Energiewirtschaft und Rationelle Energieanwendung), Stuttgart, Germany, October.
Insee-Isee, 2004 – Recensement de la population Nouvelle-Calédonie, http://www.isee.nc/recenspop/rpresultats2004quart.html
Isee, 2008 – Tableaux de l’économie calédonienne (TEC Abrégé).
Isee, 2006 – Tableaux de l’économie calédonienne (TEC).
Kaehler J.W.M., 1993 – Un outil d’aide à la décision et de gestion des actions pour la Maîtrise de la demande d’énergie – de la conception au développement, doctorat en Énergétique, École nationale supérieure des Mines de Paris, mai.
Leray T., De La Ronciere B., 2002 – 30 ans de maîtrise de l'énergie. Arcueil, France, ATEE, ISBN 2-908131-30-7.
Mapou R., 2007 – Énergie électrique en Nouvelle-Calédonie. Situations et mesures à prendre, Journée mondiale contre le réchauffement climatique, 8 décembre.
Martin Y., Carsalade Y. et al., 1998 – La maîtrise de l'énergie - Rapport de l'instance d'évaluation. Documentation Française, Paris, janvier.
Moine G., 2002 – Un exemple de MDE/PDE sur un territoire rural : l'île de Saint-Nicolas-des-Glénan, Recueil des interventions des 4e Assises nationales de l'énergie, pp. 174-177, Production décentralisée d'énergie et développement durable des territoires... demain : quels rôles pour les collectivités locales ? Grenoble, 2-4 décembre 2002, Énergie-Cités.
Orphelin M., 1999 – Méthodes pour la reconstitution de courbes de charge agrégées des usages thermiques de l'électricité, doctorat en Énergétique, École nationale supérieure des Mines de Paris.
Notes de bas de page
1 Un même article peut parler de plusieurs thèmes à la fois, d’où les différences de chiffres par année.
2 Ainsi, quand le prix du brut a augmenté de 83 % entre juillet 2007 et juillet 2008, le prix du gazole à la pompeaux États-Unis a augmenté de 64 %. En France, dans la même période, il n’a augmenté que de 20 % quand le prix du brut en euros augmentait de 60 %.
3 Cette contribution augmente principalement du fait du transport routier de marchandises. En effet depuis 2001, les émissions totales de CO2 par les voitures particulières décroissent lentement. Le même phénomène se constate dans les autres pays de l’Europe de l’Ouest.
4 On ne connaît pas la méthode exacte utilisée par la Dimenc pour séparer les consommations de gazole du transport de celles des autres secteurs.
5 En fait, en l’absence de données, nous faisons l’hypothèse que le parcours annuel des voitures diesel est peu différent de celui des voitures à essence. En métropole, en 2007 le parcours des voitures diesel était de 72 % supérieur à celui des voitures à essence, mais leur consommation en litres était 16 % inférieure. Appliquer les mêmes ratios aux voitures calédoniennes aurait pour effet d’attribuer aux seules voitures une consommation de pétrole supérieure de 10 % à la consommation totale du secteur des transports estimée par la Dimec.
6 D’après Isee, Bilan économique et social 2003, p. 52 et Isee, Bilan économique et social 2006, p. 57.
7 La motorisation des ménages n’atteint que 63 % dans les antilles françaises.
8 Source : calcul de l’auteur d’après Insee-Isee, recensement de la population en N.-C. 2004, « Ménages ordinaires selon la possession de véhicules et de bateaux par commune et province de résidence ».
9 On constate le même déséquilibre pour la poste aérienne, mais pour des tonnages vingt fois plus faibles.
10 Les fluides frigorigènes sont à base d’hydrofluorocarbures (les HFC - R134a). Du point de vue de l’effet de serre, ces substances sont bien plus polluantes que le gaz carbonique (CO2), avec un pouvoir de réchauffement global de 1 300 à 1 700 fois plus élevé que pour ce dernier. Un gramme de HFC équivaut ainsi à 1,3 kilo de CO2. De plus, la durée de vie de ce composé dans l’atmosphère est d’environ 50 000 ans, contre une centaine d’années pour le CO2.
11 Voir aussi, pour le Royaume-Uni (Duprez, 2007 ; Newbery, 2001).
12 Cf. aussi Centre d’analyse stratégique, 2009d.
13 D’après les statistiques de l’American Petroleum Institute (API) pour avril 2009.
14 D'après ACEA (2009) pour janvier 2009. Il s’agit de fiscalité spécifique ; il faut noter que l’écart serait moindre si l’on considérait la fiscalité totale, TVA incluse.
15 Il leur est donc interdit de prendre des clients qui les hèlent dans la rue.
Notes de fin
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Substances naturelles en Polynésie française
Stratégies de valorisation
Jean Guezennec, Christian Moretti et Jean-Christophe Simon (dir.)
2006
L’énergie dans le développement de la Nouvelle-Calédonie
Yves Le Bars, Elsa Faugère, Philippe Menanteau et al. (dir.)
2010
La lutte antivectorielle en France
Didier Fontenille, Christophe Lagneau, Sylvie Lecollinet et al. (dir.)
2009
Le mercure en Amazonie
Rôle de l’homme et de l’environnement, risques sanitaires
Jean-Pierre Carmouze, Marc Lucotte et Alain Boudou (dir.)
2001
Diasporas scientifiques
Comment les pays en développement peuvent-ils tirer parti de leurs chercheurs et de leurs ingénieurs expatriés ?
Rémi Barré, Valeria Hernández, Jean-Baptiste Meyer et al. (dir.)
2003
La dengue dans les départements français d’Amérique
Comment optimiser la lutte contre cette maladie ?
Raymond Corriveau, Bernard Philippon et André Yébakima (dir.)
2003
Agriculture biologique en Martinique
Quelles perspectives de développement ?
Martine François, Roland Moreau et Bertil Sylvander (dir.)
2005
Lutte contre le trachome en Afrique subsaharienne
Anne-Marie Moulin, Jeanne Orfila, Doulaye Sacko et al. (dir.)
2006
Les espèces envahissantes dans l’archipel néo-calédonien
Un risque environnemental et économique majeur
Marie-Laure Beauvais, Alain Coléno et Hervé Jourdan (dir.)
2006
Les ressources minérales profondes en Polynésie française / Deep-sea mineral resources in French Polynesia
Pierre-Yves Le Meur, Pierre Cochonat, Carine David et al. (dir.)
2016
Le développement du lac Tchad / Development of Lake Chad
Situation actuelle et futurs possibles / Current Situation and Possible Outcomes
Jacques Lemoalle et Géraud Magrin (dir.)
2014