Données sur le foyer
p. 83-94
Texte intégral
LES AGENTS DE SANTÉ COMMUNAUTAIRE
Appartenance ethnique
1Les ethnies principales de la région sont toutes représentées parmi les 109 agents avec évidemment une majorité de Gouro (fig. 10). Les Bété sont sous-représentés car 7 villages seulement sont concernés (dont 2 avec un seul ASC).
2 Sur 52 paires d’agents, seulement 12 (23 %) sont mixtes, c’est-à-dire appartenant à des ethnies différentes (tabl. IV).
3La population n’a pas totalement suivi notre recommandation de choisir un ASC de l’ethnie majoritaire et un autre du groupe allogène le plus important. Les grands villages et les quartiers de Sinfra ont généralement préféré un couple homogène de l’ethnie majoritaire.
4Dans les couples mixtes, les ASC baoulé sont les plus nombreux (8/11) mais ce ne sont pas forcément des villages baoulé qui les ont désignés : sur les 8 villages concernés, on compte 3 hameaux d’allogènes et un village bété.
Âge
5La moyenne d’âge des ASC est assez basse, comme nous l’avions souhaité : 29 ans (fig. 11).
6Les allogènes sont globalement plus jeunes (25-26 ans) que les autochtones gouro et bété (31 ans).
Niveau scolaire
7Le niveau scolaire des ASC est très variable mais 85 % d’entre eux ont un niveau compris entre le CM2 et la 3e. Le niveau moyen se situe en classe de 5e (fig. 12). Les Gouro ont en moyenne une meilleure formation (3e) que les autres ASC étrangers (5e pour les Mossi) ou autochtones (4e pour les Bété et Baoulé).
8Un seul illettré a été recruté dans un petit hameau : il n’y avait qu’un seul jeune homme disponible outre l’ASC principal. Il avait été formé comme agent de santé par les soeurs missionnaires : il n’a été que l’assistant de son collègue pour tous les travaux qui ne demandaient ni lecture ni écriture.
9Les paires d’agents ont globalement un bon niveau. Sur les 52 paires, 83 % (43/52) ont un ASC du niveau collège ou lycée et 71 % (37) ont un ASC d’un niveau égal ou supérieur à la 4e (tabl. V).
Situation professionnelle et personnelle
10La plupart des ASC travaillent pour leur propre compte comme planteur ou cultivateur (55 %). Les autres, pas forcément les plus jeunes, travaillent comme aide-planteur pour le compte du père ou d’un parent (fig. 13). Trois autres sont artisans. Sur 109 ASC, 57 sont mariés (52 %) et 62 ont des enfants (de 1 à 13).
11Près du quart des agents (25/109) avaient déjà eu une expérience en matière de santé. La plupart d’entre eux avaient déjà reçu une formation par les soeurs du CAR (mais seulement 2 possédaient encore une caisse à pharmacie fonctionnelle).
12Les religions sont à peu près également représentées (fig. 14) avec quand même une majorité de musulmans, essentiellement des Dioula, Mossi et Sénoufo ; on compte aussi bon nombre de Gouro convertis à l’islam.
LES VILLAGES CHOISIS
13Les agglomérations concernées par le projet se répartissent en :
- 29 villages : 8 bété, 2 dioula/sénoufo, 3 baoulé, 2 mixtes, 14 gouro,
- quartiers de Sinfra-ville (4 à majorité gouro, 4 allogènes),
- 17 hameaux : 9 à dominante baoulé, 8 à dominante allogène.
14Nous avons déjà précisé que le choix a été fait en fonction des connaissances sur le niveau de la prévalence, mais en tenant compte de la nécessité de déborder largement de la zone endémique connue pour appliquer la lutte antivectorielle.
15Pour tous ces villages, en 1994, on ne comptait qu’un dispensaire en pays gouro et deux en pays bété (hormis celui de Bayota). En fin de projet, deux autres dispensaires seront ouverts et pourvus d’un infirmier (Djénédoufla [17] et Binoufla [12]) mais ne joueront aucun rôle dans la campagne de lutte.
LE RECENSEMENT DES ASC
Aspects quantitatifs
16Les ASC ont recensé, outre leur propre village, 78 hameaux, essentiellement des hameaux baoulé. Le nombre de campements recensés variait selon les secteurs, pouvant atteindre 150 pour certains agents. Fin 1996, 1 388 campements étaient réper87 Données sur le foyer tories. Ce chiffre correspond à celui obtenu par les deux équipes de cartographes en 1993, soit 1 336 campements et hameaux.
17Pour identifier et localiser les campements, l’efficacité des ASC est égale à celle des professionnels.
18Le recensement de la population par les ASC a commencé en décembre 1994 et s’est poursuivi en 1995. Il a été partiellement réactualisé, en janvier 96 et une seconde fois en décembre 96/janvier 97 lors des prospections médicales (Annexe 13). Cette réactualisation par les équipes de l’IPR, aidées des ASC, n’a concerné que les villages ayant participé à la suite des travaux de lutte. Ailleurs, les ASC, notamment en pays bété, ont été laissés responsables de la poursuite du recensement.
19Fin 1995, les ASC avaient recensé 76 041 personnes (77 517 en tenant compte des décès et des départs) ; en janvier 1997, le total de personnes prises en compte était de 83 90912 (88 685 y compris les décédés et les partants). Ces chiffres appellent certains commentaires (tabl. VI).
20Les effectifs recensés ont augmenté de 15 % entre 1994 et 1997, mais les variations entre secteurs sont importantes.
21Dans un seul village du pays bété (Bayota), les ASC ont poursuivi le recensement. La présence du dispensaire et l’influence de l’infirmier y sont pour beaucoup. À Sinfra-ville, les ASC ont recensé une fraction minime de la population. Les prospections médicales ont apporté une très nette amélioration. Mais nous ne pouvons savoir dans quelle mesure les chiffres se rapprochent de la réalité.
22Dans tous les villages gouro où il n’y a eu ni prospection médicale ni lutte antivectorielle, les chiffres sont restés au niveau de 1995. Hormis certains rectificatifs (personnes ou familles recensées deux fois), les ASC n’ont plus rien fait après la phase de dépistage.
23Il en est de même pour les villages gouro qui ont participé à la lutte contre le vecteur mais n’ont pas reçu la visite des équipes médicales et où l’on observe seulement 5 % de population en plus.
24Pour les villages ayant participé à toutes les phases de la campagne (prospection et piégeage) la réactualisation du recensement montre une augmentation des effectifs de près de 20 %.
25Doit-on penser que, même dans ce dernier cas, les ASC n’ont pu atteindre toute la population ?
26Sur 10 villages ayant participé aux prospections et au piégeage, en 1995, les ASC dénombraient 12 322 personnes. En janvier 1997, la population était estimée à 15 339 dont 583 nouveau-nés (3,8 %) et 2 434 personnes ni recensées ni prélevées par les ASC (16 %). Or, on sait que partout en zone forestière de Côte d’Ivoire il existe un renouvellement constant de la population13 : ainsi, dans ce secteur, entre les deux recensements, 1 774 personnes (soit 12 %) ont quitté ces 10 villages. On peut donc présumer qu’au maximum 5 % des résidents ont échappé au premier décompte des ASC.
27Sans pouvoir affirmer que la totalité de la population a été vue lors des prospections médicales, on peut néanmoins certifier que les ASC :
- ont fait un excellent travail ;
- ont vu leur travail amélioré par les opérations de la campagne, par la mobilisation des planteurs et des familles pour la lutte antivectorielle et les visites médicales.
28Les prospections médicales ne permettent pas d’atteindre un score aussi important. Nous en prenons pour preuve les chiffres obtenus par les ASC et par les équipes médicales lors des prospections préliminaires entre 1992 et 1994.
29Nous avons gardé, pour cinq villages, le meilleur des trois recensements successifs effectués en prospection, et, pour les ASC, les effectifs diminués du nombre de personnes décédées ou de partants.
30Le score obtenu par les ASC est le double (210 %) de celui des équipes médicales (tabl. VII).
31Le cas le plus préoccupant est celui de la ville de Sinfra. En 1995, le total recensé par les ASC n’est que de 13 782. Il atteint 21 438 en 1997 après les deux visites de contrôle. À ce chiffre s’ajoutent plus de 6 000 collégiens et lycéens visités en février 1997 mais dont il a été impossible de retrouver la famille ou le tuteur.
Tableau VII. Nombres de personnes visitées en prospection médicale (PM, 1994) et par les ASC (1995)
Villages | PM 92-94 | ASC 95 |
Bolkro [13] | 558 | 1 976 |
Kouakouyaokro [25] | 590 | 1 397 |
N'Drikro [28] | 635 | 1 144 |
Nagadoua [30] | 663 | 1 217 |
Yaoyaokro [43] | 989 | 1 489 |
Total | 3 435 | 7 223 |
32Le dernier recensement officiel de la Côte d’Ivoire de 1988 donnait pour la commune 44 304 habitants ; soit, avec une augmentation annuelle de 5 %, un total d’environ 62 000 en 1995. Si l’on soustrait la population des villages faisant partie de cette commune (environ 18 500), la ville devrait compter à peu près 43 500 âmes. Les ASC n’auraient recensé que le tiers de la population.
33Les ASC villageois peuvent effectuer un recensement et le réactualiser, offrant ainsi des renseignements précieux sur la population à tous les services s’occupant de santé et de développement et aux autorités villageoises elles-mêmes.
Aspects qualitatifs
34À deux exceptions près, les registres de recensement des ASC étaient particulièrement soignés : belle écriture, bonne orthographe, exactitude des renseignements, suivi correct des familles (décès, naissances, mariages, etc.). Leur utilisation lors des prospections médicales a amélioré le rendement des « recenseurs » et par la même celui des différents éléments de la chaîne, préleveurs et laborantins.
35Un seul inconvénient est à signaler, inconvénient auquel nul n’échappe : le refus de certains paysans de donner tous leurs prénoms. Nous avions ainsi trop d’homonymes, ce qui a entraîné certaines erreurs ou confusions ayant exigé du temps pour être réparées.
36Un aspect positif de ces registres fut leur utilisation par les services de santé du district de Bouaflé pour les campagnes de vaccinations. Une épidémie de rougeole assez localisée s’étant déclarée, les ASC ont pu indiquer le nombre d’enfants à vacciner et aider les équipes d’infirmiers à les réunir. Par la suite, les services des ASC ont été réclamés systématiquement.
37Dans une certaine mesure, on peut reprocher à quelques ASC d’être trop motivés, d’être allés trop loin, au-delà de 12 km, pour recenser des familles issues de leur village, installées en périphérie du foyer (ce « reproche » ne concerne évidemment pas les ASC des villages bété qui n’ont enregistré que 17 campements). Cette exagération a, par la suite, entraîné un surcroît de travail puis une lassitude et enfin le désintérêt pour ces familles éloignées : elles étaient prises en compte dans nos registres mais n’étaient plus incluses par les ASC dans les travaux de lutte.
STRUCTURE DE LA POPULATION
38En nous basant sur les résultats des différentes prospections, nous avons scindé la zone d’étude en quatre secteurs se distinguant par leur niveau de prévalence et leur situation géographique :
- le pays bété en n’incluant que les villages bété ;
- la ville de Sinfra ;
- la zone hypoendémique du foyer (< 0,5 %) ;
- la zone hyperendémique (> 0,5 %).
39Pour simplifier l’étude, nous avons regroupé certaines ethnies entre elles, pour deux raisons : leurs comportements sont très voisins et il est parfois difficile de faire la distinction entre certaines (par exemple Dioula et Sénoufo). Nous avons donc associé les Gourounsi aux Mossi (sous le nom de Mossi) et les Dioula, Sénoufo et Tagouana (sous le nom de Dioula).
40Le pays bété et la ville de Sinfra (fig. 15) sont deux secteurs où la diversité de la population est la plus faible14. Dans le premier, l’ethnie bété représente plus de 57 % de la population, devançant les Dioula (26 %) presque tous commerçants.
41La population de la ville de Sinfra est assez peu diversifiée ; elle est composée de deux grands groupes, les Dioula (50 %) et les Gouro (34 %).
42La population du foyer (y compris les hameaux faisant partie de la préfecture de Gagnoa) est le secteur le plus diversifié avec des différences importantes dans les répartitions :
- en zone hyperendémique, les Gouro sont majoritaires (30 %) devant les trois autres groupes à peu près également répartis ;
- en zone hypoendémique, au contraire, les Baoulé dominent (37 %). Les Gouro ne représentent que 19 % du total.
43Nous verrons ultérieurement ce que l’on peut déduire de cette diversité et de ces différences. On peut noter immédiatement que les Gouro sont minoritaires chez eux (22 %), bien inférieurs en nombre par rapport aux allogènes et surtout aux Baoulé (25 %).
HABITAT
44Le recensement des ASC a permis de préciser l’habitat des populations et de distinguer les différents secteurs (fig. 16).
45En pays bété, la quasi-totalité (95 %) de la population vit en villages. Inversement, dans le foyer lui-même, les villageois représentent moins de la moitié du total.
La tâche confiée aux ASC permet de mieux connaître la population sur le plan qualitatif, donc de simplifier les interventions des services de santé ou de développement.
46La zone hyperendémique se distingue de la zone hypoendémique par :
- un fort pourcentage de familles vivant en campements de culture (41 % contre 8 %) ;
- une faible proportion de familles vivant dans les hameaux (16 % contre 61 %).
47Si l’on considère les hameaux comme de vrais villages, la population vivant dans les bourgades représente 92 % en zone hypoendémique contre 59 % en zone hyperendémique.
48Ces chiffres confirment bien que la transmission de la THA est liée à la vie au coeur des plantations et concerne surtout les allogènes de savane (Sénoufo, Dioula, Burkinabé, Maliens), à l’exclusion des Baoulé.
49Mais ils montrent surtout les difficultés rencontrées pour le dépistage des malades ou du moins pour effectuer une surveillance, même minimale.
Notes de bas de page
12 À ce chiffre s’ajoutent 814 personnes du quartier résidentiel de Sinfra, recensées fin 1996 par un ASC villageois qui s’est spontanément proposé pour cette tâche : de nombreux malades dépistés passivement résidaient dans ce quartier ; la famille de l’ASC aussi.
13 La population, surtout allogène, est très mobile. Ce renouvellement provient en général : du départ des manoeuvres en fin de contrat ou des jeunes rentrant dans leur pays d’origine ; du départ vers la ville pour les étudiants et élèves ; d’un retour définitif de familles entières du fait de la non-productivité des plantations ou d’un décès ou encore de la maladie. Certaines familles touchées par la THA émigrent vers d’autres régions.
14 L’indice de Shannon appliqué aux quatre distributions ethniques (en excluant les « divers ») donne les indices de diversité suivants : pays bété = 1,479 ; Sinfra-ville = 1,462 ; zone hypoendémique = 1,970 ; zone hyperendémique = 2,017.
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