3. Diversité des champignons ectomycorhiziens et des ectomycorhizes des arbres forestiers natifs d’Afrique de l’Ouest
p. 88-140
Texte intégral
INTRODUCTION
1La superficie totale des forêts en Afrique est estimée à 650 millions d’hectares, soit 21,8 % de la surface totale des terres et 16,8 % du couvert forestier mondial (FAO, 2009). La distribution des massifs forestiers est variable en Afrique. L’Afrique du Nord et l’Afrique de l’Ouest sont les moins boisées du continent principalement à cause de l’aridité de ces régions alors que l’Afrique centrale (ex. : bassin du Congo), très humide avec pour végétation dominante la forêt ombrophile, couvre 40 % des forêts du continent (fig. 27). L’Afrique de l’Ouest ne représente que 14,3 % du couvert forestier du continent en partie localisé dans la partie côtière humide.
2La zone ouest-africaine regroupe 16 pays : Bénin, Burkina Faso, Cap-Vert, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Liberia, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone et Togo. Elle est située en partie dans la région guinéenne et soudano-zambézienne au sens de White (1983). On y trouve plusieurs types forestiers dont des forêts denses ombrophiles sempervirentes, des forêts semi-décidues, des galeries forestières, des forêts claires, des savanes arborées, des steppes à épineux et de la végétation désertique (Schnell, 1986). La différenciation du couvert végétal résulte des différents climats et des pratiques anthropiques (ex. : coupes abusives, pâturage extensif, agriculture sur brûlis, passages des feux courants). La pression anthropique sur le couvert végétal est très marquée car les populations sont tributaires des produits forestiers pour leur survie. De plus, les prélèvements forestiers ne sont pas compensés par la régénération naturelle et les plantations forestières. La forte pression démographique entraîne donc une réduction du couvert forestier, une dégradation des ressources en bois d’œuvre et produits non ligneux, ainsi qu’une perte importante de la diversité floristique et faunique. Les sols de forêt étant caractérisés par la grande diversité de leurs micro-organismes, la disparition des forêts entraîne une baisse importante de l’activité biologique et de la fertilité des sols. La disparition irréversible de multiples micro-organismes du sol comprend de nombreuses espèces utiles de champignons et de bactéries. Or la plupart des grands arbres des forêts ouest-africaines sont associés au niveau de leurs racines à des micro-organismes du sol indispensables à leur croissance et à la régénération de la forêt. Parmi ceux-ci, des champignons du sol développent avec les racines des arbres des associations symbiotiques appelées mycorhizes, universellement répandues en particulier dans les forêts tropicales naturelles.
STATUT MYCORHIZIEN DES FORÊTS TROPICALES NATURELLES
3La majorité des essences forestières des régions tempérées et boréales vivent en symbiose avec des champignons ectomycorhiziens (Smith et Read, 2008). En revanche, dans les régions tropicales et subtropicales d’Afrique, d’Asie du Sud-Est, d’Australie et d’Amérique où la diversité botanique est très grande, ce sont les champignons mycorhiziens à arbuscules qui prédominent (Redhead, 1977 ; Warcup, 1980 ; Högberg, 1986 ; Malloch et al., 1980 ; Chalermpongse, 1987 ; Béreau et al., 1997 ; Onguene et Kuyper, 2002 ; Wang et Qiu, 2006). Les inventaires sur le statut symbiotique des arbres forestiers des régions tropicales indiquent une nette prédominance des MA (endotrophie) dans 85 % des taxons végétaux par rapport aux ECM qui représentent approximativement moins de 5 % des arbres (Smith et Read, 2008). En Thaïlande, sur 52 arbres examinés 14 sont à ECM et 38 présentent des MA (Chalermpongse, 1987). Au Nigeria, Redhead (1968 a) signale que sur 51 espèces végétales, 3 seulement sont à ECM. Rambelli (1973) observe également une faible fréquence des espèces à ECM en Côte d’Ivoire. En Tanzanie, Högberg et Nylund (1981) notent que sur 47 espèces indigènes recensées, 40 présentent des MA, 6 des ECM et 1 des ectoendomycorhizes. Au Cameroun, Newbery et al. (1988) indiquent que sur 55 espèces végétales examinées, 32 possèdent des MA et 23 sont à ECM. Onguene et Kuyper (2002) confirment également cette tendance au Cameroun. Au Sénégal, Thoen et Bâ (1989) ont inventorié seulement 2 essences forestières indigènes à ECM. Cette rareté des arbres à ECM est également observée dans des forêts sèches du Burkina Faso et dans des forêts humides de Guinée (Thoen et Ducousso, 1989 a; Sanon et al., 1997 ; Rivière et al. 2007). Dans des forêts néotropicales (ex. : Guyane française, Guyana, Seychelles), les arbres présentent aussi très peu d’espèces à ECM (Béreau et al., 1997 ; Henkel et al., 2002 ; Haug et al., 2004 ; Tedersoo et al., 2007). Cependant, il existe des forêts tropicales où prédominent les ECM : les forêts claires à Brachystegia, Isoberlinia et Julbernardia dans le miombo en Afrique de l’Est, les forêts monospécifiques à Gilbertiodendron dewrevrei dans le bassin du Congo, les forêts à Dipterocarpaceae du Sud-Est asiatique et les forêts à Decymbe corymbosa en Amérique du Sud (de Alwis et Abeynayake, 1980 ; Högberg et Nylund, 1981 ; Henkel et al., 2002 ; Mcguire, 2007).
4Dans les régions tropicales et subtropicales d’Afrique, d’Asie du Sud-Est, d’Australie et d’Amérique, l’ectotrophie est présente dans des espèces d’arbres, d’arbustes, d’herbacées et de lianes dans les familles et sous-familles suivantes : Fabaceae/Caesalpinioideae (ex. : A. africana), Fabaceae/Mimosoideae (ex. : Acacia holosericea), Fabaceae/Papilionoideae (ex. : Pericopsis angolensis), Myrtaceae (ex. : Eucalyptus camaldulensis), Proteaceae (ex. : Faurea saligna), Casuarinaceae (ex. : Casuarina equisetifolia), Dipterocarpaceae (ex. : Monotes kerstingii), Polygonaceae (ex. : Coccoloba uvifera), Nyctaginaceae (ex. : Pisonia grandis), Lauraceae (ex. : Cinnamomum zeylanicum), Rhamnaceae (ex. : Pomaderris aspera), Rubiaceae (ex. : Opercularia varia), Fagaceae (ex. : Lithocarpus sundaicus), Sapotaceae (ex. : Manilkara sp.), Sapindaceae (ex. : Acer campestre), Sterculiaceae (ex. : Lasiopetalum behrii), Thymelaeaceae (ex. : Pimelia spathulata), Apiaceae (ex. : Platysace heterophylla), Euphorbiaceae (ex. : Poranthera microphylla), Phylanthaceae (ex. : Uapaca guineensis), Gnetaceae (ex. : Gnetum africanum), Sarcolaenaceae (ex. : Sarcolaena multiflora), Asteropeiaceae (ex. : Asteropeia amblyocarpa) et Pinaceae (ex. : Pinus caribaea) (Mikola, 1970 ; de Alwis et Abeynayake, 1980 ; Warcup, 1980 ; Högberg et Nylund, 1981 ; Alexander et Högberg, 1986 ; Bâ et al., 1987 ; Newbery et al., 1988 ; Le Tacon et al., 1989 ; Thoen et Bâ, 1989 ; Thoen et Ducousso, 1989 a ; Béreau et al., 1997 ; Sanon et al., 1997 ; Torti et Coley, 1999 ; Bâ et al., 2000 ; Onguene et Kuyper, 2001 ; Henkel et al., 2002 ; Ducousso et al., 2004 a; Haug et al., 2004 ; Rivière et al., 2007 ; Tedersoo et al., 2007 ; Ducousso et al., 2008).
STATUT ECTOMYCORHIZIEN DES ARBRES NATIFS D’AFRIQUE TROPICALE
5En Afrique tropicale, les ECM sont présentes dans 9 familles ou sous-familles d’arbres: Caesalpinioideae, Dipterocarpaceae, Phylanthaceae, Gnetaceae, Papilionoideae, Proteaceae, Sapotaceae, Asteropeiaceae et Sarcolaenaceae (tabl. XII). Parmi les espèces d’arbres à ECM, les Caesalpinioideae sont les plus représentées en nombre d’espèces. Elles comportent des arbres à usages multiples qui jouent un rôle majeur en foresterie et agroforesterie (Thiès, 1995). Ce sont surtout des essences forestières (ex. : Brachystegia, Isoberlinia, Afzelia) à bois d’œuvre et de service à forte valeur ajoutée. Dans cette sous-famille, des ECM sont principalement observées dans la tribu des Amherstieae (14 genres) et des Detarieae (1 genre). C’est aussi le cas en Asie du Sud-Est et en Amérique tropicale où les arbres à ECM sont trouvés dans la tribu des Amherstieae (Chalermpongse, 1987 ; Henkel et al., 2002). Par contre, dans la tribu des Caesalpinieae, des Cassieae et des Cercidieae, seules trois espèces d’arbres, Erythrophleum succirubrum (Caesalpinieae), Cassia garrettiana (Cassieae) et Bauhinia malabarica (Cercidieae) endémiques de Thaïlande, possèdent des ECM (Chalermpongse, 1987).
6Des espèces d’arbres à ECM possèdent aussi des MA et (ou) des nodules. Quelques Amherstieae (ex. : Gilbertiodendron dewevrei, Anthonotha fragans et Tetraberlinia bifoliolata) et Detarieae (ex. : Afzelia bipendensis et A. pachyloba) présentent les deux types de mycorhizes. Toutefois, la majorité des Detarieae est colonisée par des champignons mycorhiziens à arbuscules (Newbery et al., 1988 ; Onguene et Kuyper, 2001). La nodulation des Caesalpinioideae concerne environ 23 % des espèces examinées (Allen et Allen, 1981 ; de Faria et al., 1989). Elle est quasiment absente chez les espèces à ECM appartenant aux Amherstieae, Detarieae et Cercidieae. Elle semble cependant plus fréquente chez les Caesalpinieae et les Cassieae où prédominent les MA. Autrement dit, chez les Caesalpinioideae, la nodulation coexiste exclusivement avec des MA sauf chez l’espèce ectotrophe, Afzelia quanzensis (Högberg et Nylund, 1981) dont la nodulation n’a pas été cependant confirmée par des études plus récentes (Munyanziza et Kuyper, 1995 ; BÂ et al., 2002). Le statut symbiotique de la Papilionoideae Pericopsis angolensis diffère selon le lieu d’échantillonnage des racines. L’arbre possède des ECM en Zambie (Alexander et Högberg, 1986 ; Högberg et Piearce, 1986), des nodules au Zimbabwe (Corby, 1974), des MA et des nodules en Tanzanie (HÖGBERG, 1982). Les trois types de symbiose (nodules, MA et ECM) ne semblent pas coexister sur P. angolensis comme sur les Mimosoideae (ex. : Acacia holosericea) et Casuarinaceae (ex. : Casuarina equisetifolia) introduites en Afrique tropicale (Warcup, 1980 ; Reddell et al., 1986 ; Bâ et al., 1987 ; Le Tacon et al., 1989 ; BÂ et al., 1994 a). Pour ce qui est des autres familles d’arbres à ECM (Dipterocarpaceae, Phyllanthaceae et Sapotaceae), c’est bien la coexistence des deux types de mycorhize qui semblent prévaloir dans la plupart des cas. Il en est de même pour l’arbuste F. saligna (Proteaceae) et la liane G. africanum (Gnetaceae). La plupart des Sarcolaenaceae et des Asteropeiaceae, deux familles endémiques de Madagascar, possèdent les deux types de mycorhize.
7On estime qu’il y a 90 espèces d’arbres dont le statut ectomycorhizien est avéré parmi les 353 espèces potentiellement ectotrophes, ce qui est très peu par rapport au nombre d’arbres des régions tropicales, mais élevé si on le compare au nombre d’espèces ectrotrophes des régions tempérées (tabl. XII et XIII). Le statut ectomycorhizien n’ayant été examiné que sur 25 % d’espèces d’arbres, beaucoup reste encore à faire en matière de simples observations. Au vu des données récentes de la littérature, les inventaires ne seraient pas exhaustifs et les arbres à ECM ne se limiteraient pas aux seules familles déjà connues. En effet, la découverte récente de deux nouvelles familles d’arbres (Sarcolaenaceae et Asteropeiaceae) et de deux nouveaux genres à ECM dans la sous-famille des Caesalpinioideae (Cryptosepalum et Pelligriniodendron), respectivement à Madagascar et en Guinée forestière, doit nous amener à reconsidérer une opinion largement répandue selon laquelle l’ectotrophie des arbres tropicaux est rare et spécifique (Bâ et al., 2000 ; Rivière et al., 2007 ; Ducousso et al., 2008). En effet, non seulement le statut ectomycorhizien des arbres reste peu connu dans les forêts tropicales où la diversité en espèces végétales est beaucoup plus riche que dans les forêts tempérées, mais aussi les champignons ectomycorhiziens associés aux arbres tropicaux présentent une grande diversité tout à fait comparable à ce que l’on peut observer dans les forêts tempérées.
DISTRIBUTION PHYTOGÉOGRAPHIQUE DES ARBRES ECTOTROPHES EN AFRIQUE TROPICALE
8En Afrique tropicale, les arbres ectotrophes sont distribués principalement dans la région guinéo-congolaise et dans une moindre mesure dans les régions zambézienne et soudanienne au sens de White (1983) (fig. 28). La région guinéo-congolaise comporte des forêts denses ombrophiles sempervirentes ou semi-sempervirentes et des galeries forestières (Schnell, 1986). Dans les forêts ombrophiles sempervirentes de basse altitude, les Caesalpinioideae à ECM peuvent constituer des groupements floristiques dominants (Schnell, 1986). C’est le cas des forêts à Gilbertiodendron dewevrei, Julbernardia seretii et Brachystegia laurentii qui constituent 96 % de la strate supérieure du massif forestier congolais. C’est dans cette région que se trouve d’ailleurs le plus grand nombre de Caesalpinioideae à ECM (Thoen, 1993).
9La région zambézienne est dominée par des groupements herbeux xériques et des forêts claires (Schnell, 1986). Les forêts claires sont dominées par des Caesalpinioideae arborescentes ectotrophes dont le comportement est souvent grégaire. Au sud de l’équateur (domaine zambézien), les forêts claires du miombo sont plus diversifiées et constituent de vastes massifs forestiers dominés par plusieurs espèces du genre Brachystegia, Isoberlinia, Julbernardia, Afzelia, Uapaca, Monotes et Marquesia (Schnell, 1986). Au nord de l’équateur (domaine soudanien), les forêts claires sont moins diversifiées et forment des îlots restreints et parfois épars dans les savanes. Elles sont dominées par des essences comme Isoberlinia, Monotes et Uapaca, et couvrent environ 12 % de la surface du continent. Dans d’autres régions du monde, les forêts claires existent notamment en Asie du Sud-Est et sont dominées par des Dipterocarpaceae ectotrophes qui manifestent un grégarisme comparable à celui des Caesalpinioideae ectotrophes des forêts claires d’Afrique tropicale (de Alwis et Abeynayake, 1980 ; Högberg et Nylund, 1981).
10Des arbres à ECM sont observés sporadiquement dans les zones de transition des régions phytogéographiques. Par exemple, en Afrique de l’Ouest, A. africana et U. guineensis sont des espèces de transition entre la zone guinéo-congolaise et la zone soudanienne (Thoen et Bâ, 1989). Les ECM sont absentes de la zone sahélienne où dominent les arbres possédant des MA.
MONODOMINANCE DES ARBRES ECTOTROPHES EN AFRIQUE TROPICALE
11Dans les écosystèmes forestiers, il semble que la diversité des champignons mycorhiziens ne reflète pas la diversité des types de mycorhizes chez les plantes (Malloch et al., 1980 ; Allen et al., 1995). En effet, l’endotrophie, avec environ 200 espèces de champignons, est répandue dans des forêts tropicales très diversifiées alors que l’ectotrophie, avec plus de 20 000 espèces de champignons, se rencontre plutôt dans des forêts tempérées et boréales relativement pauvres en espèces (Allen et al., 1995). Cela suggère que le type de mycorhize pourrait réguler la diversité des espèces végétales. Dans une expérience en pot où l’on contrôle la composition de la microflore du sol, il a été démontré que la structure de la communauté des Glomales détermine celle d’une douzaine d’espèces végétales calcicoles (van der Heijden et al., 1998). La distribution des deux types de mycorhizes pourrait également suivre le niveau de fertilité des sols (Malloch et al., 1980 ; Janos, 1983 ; Högberg, 1986). L’ectotrophie prédominerait dans les sols riches en matière organique et l’endotrophie serait fréquente dans les sols pauvres (Allen et al., 1995). Cette hypothèse repose sur l’aptitude des champignons ectomycorhiziens à utiliser des formes d’azote et de phosphore organiques inaccessibles aux champignons mycorhiziens à arbuscules (Abuzinadah et Read, 1986 ; Read et Perez-Moreno, 2003 ; Courty et al., 2005). Elle n’est, cependant, pas toujours vérifiée car des champignons ectomycorhiziens sont parfois présents indifféremment dans des sols riches en azote minéral ou organique (Brearley et al., 2005). En effet, les ECM ne diffèrent pas des MA par leur capacité à utiliser différentes sources d’azote organique ou minéral marqué au 15N (Högberg et Alexander, 1995). Dans des forêts néotropicales de Guyana, les ECM ne participent pas directement à la décomposition de la matière organique, mais contribuent significativement à la régénération des semis de l’espèce dominante, D. corymbosa, probablement par le biais des réseaux ectomycorhiziens (Mayor et Henkel, 2005 ; Mcguire, 2007). Dans des forêts du Sud-Est asiatique, les Dipterocarpaceae à ECM poussent sur des sols pourtant pauvres en matière organique. C’est aussi le cas des Caesalpinioideae africaines (ex. : Brachystegia spp., Julbernardia spp.) qui dominent en nombre d’individus mais aussi en surface boisée dans les forêts claires du miombo en Afrique de l’Est (Malaisse, 1973 ; Backéus et al., 2006). En Afrique de l’Ouest, A. africana se développe sur des sols pauvres en matière organique alors que U. guineensis qui possède les deux types de symbiose mycorhizienne croît dans des sols hydromorphes riches en litière peu décomposée (Thoen et Bâ, 1989). De plus, la proportion des MA et des ECM sur des Caesalpinioideae est similaire dans différents horizons (organique, minéral, litière) d’un même sol (Moyersoen et al., 1998). La dominance des ECM ne serait donc pas liée à la matière organique du sol des forêts tropicales (Moyersoen et al., 2001). Une autre hypothèse suggère que les Caesalpinioideae auraient un avantage comparatif grâce à une production massive de grosses graines riches en réserves qui faciliteraient l’établissement des plantules en sous-bois (Alexander et Lee, 2005). En plus des réseaux ectomycorhiziens que les plantules établissent avec les adultes, les réserves cotylédonnaires leur confèreraient une aptitude à régénérer en sous-bois où la lumière et les resources nutritives seraient limitantes pour des espèces à petites graines (Torti et al., 2001 ; Green et Newbery, 2001 ; Mayor et Henkel, 2005 ; Mcguire, 2007). C’est le cas notamment de la Caesalpinioideae, Gilbertiodendron dewevrei, endémique dans le bassin du Congo. En Afrique centrale, cet arbre à ECM constitue des groupements floristiques homogènes souvent dominants dans les forêts ombrophiles sempervirentes (Schnell, 1986). Il constitue des peuplements monospécifiques qui peuvent occuper localement jusqu’à 90 % de la strate arborescente sur des centaines d’hectares du massif forestier congolais (Hart et al., 1989 ; Hart, 1995). Les forêts à G. dewevrei sont entourées de plusieurs types de forêts mixtes comportant des espèces d’arbres et de grands arbustes à MA. G. dewevrei, communément appelé « ekobem » au Cameroun, est un arbre qui peut atteindre 30 à 40° de hauteur. Il a un tempérament d’essence d’ombre, produisant des graines lourdes, ne pouvant régénérer que dans la pénombre des forêts denses et humides. G. dewevrei constitue à lui seul des forêts de très grande surface dans la région congolaise centrale et qui s’étend dans l’est du Gabon et dans le sud-est du Cameroun sur de grandes distances en suivant les vallées (Aubréville, 1957). Les déterminants de la monospécificité des peuplements à G. dewevrei sont encore peu connus (Hart, 1995 ; Gross et al., 2000 ; Haug et al., 2004). Plusieurs hypothèses ont été proposées pour expliquer la monospécificité des peuplements purs à G. dewevrei. Les cimes de cet arbre sont densément feuillues et le sous-bois est sombre. La régénération à partir des graines, en dépit de la faible luminosité, est plus abondante que les rejets de souches. L’environnement de sous-bois (ex. : faible luminosité, litière foliaire épaisse, carence des sols en azote et phosphore minéral) limiterait la concurrence des espèces végétales héliophiles et exigeantes en nutriments (Torti et al., 2001). G. dewevrei possède aussi des graines lourdes (4 à 5 m de diamètre, 18 à 26 g en poids sec) qui, du fait de ses réserves, s’enracinerait plus facilement à travers la litière épaisse (5 à 13 cm) que les arbres à petites graines. De plus, en période de fructification intense, la production massive des graines lourdes couvrirait les besoins des prédateurs tout en maintenant une abondante régénération (Blake et Fay, 1997 ; Hart, 1995 ; Henkel, 2003). On peut concevoir, en effet, que G. dewevrei, à graines lourdes, à régénération abondante, peu exigeantes en nutriments, se développant dans des sous-bois sombres, puissent s’établir et limiter la concurrence des essences héliophiles. Dans la pénombre du sous-bois, les plantules de G. dewevrei sont colonisées par des champignons ectomycorhiziens (Torti et Coley, 1999). Elles se nourriraient d’abord de leurs cotylédons qui persistent jusqu’à 4 semaines. Une fois ces derniers épuisés de leurs réserves, les plantules deviendraient alors tributaires des nutriments du sol donc des ECM pour leur croissance. Pour s’alimenter en nutriments, les plantules, grâce aux ECM, pourraient avoir accès aussi bien aux formes d’azote, de carbone et de phosphore organiques que minérales (Courty et al., 2005). Toutefois, Mayor et Henkel (2005) ont montré que les ECM de Dicymbe corymbosa, une autre Caesalpinioideae monospécifique dans les Guyanes, ne mobiliseraient pas les formes organiques des éléments issus de la litière. On peut donc émettre l’hypothèse que les plantules de G. dewevrei, pour avoir accès au carbone dans la pénombre des forêts, se connecteraient aux réseaux ectomycorhiziens des arbres mères. Cette hypothèse reste à vérifier.
DESCRIPTION BOTANIQUE D’ARBRES ECTOTROPHES EN AFRIQUE DE L’OUEST
12Les arbres forestiers à ECM natifs d’Afrique de l’Ouest appartiennent principalement aux familles ou sous-familles suivantes : Caesalpinioideae, Dipterocarpaceae et Phyllanthaceae. Nous ferons une description botanique sommaire des arbres forestiers à ECM sous lesquels ont été inventoriés des sporophores. La description des arbres est basée sur les flores de Berhault (1967), d’Adam (1971) et de Giffard (1974).
Afzelia africana Smith
13Position systématique : Famille des Fabaceae
14Sous-famille des Caesalpinioideae
15Tribu des Detarieae
16Genre Afzelia
17Espèce africana
18Noms vernaculaires : linké (mandingue), bulén (diola), hol (woloff ), doussié (français).
19Aire de distribution naturelle : c’est une espèce de région guinéenne et soudanozambézienne. A. africana est une essence de transition entre la forêt dense humide et la forêt claire sèche (Giffard, 1974). Certaines espèces sont présentes dans d’autres régions d’Afrique, en Asie, en Amérique du Sud et en Australie (Warcup, 1980 ; Newbery et al., 1988 ; Chalermpongse, 1987 ; de Faria et al., 1989).
20Description botanique et usages (Berhault, 1967 ; Giffard, 1974) :
- arbre de 10 à 35 m;
- feuilles paripennées alternes, rachis long de 15 à 25 paires de folioles opposées ;
- pétioles longs de 2 à 4 cm avant la première paire de folioles et à base épaissie et ridée sur 10 mm ;
- fleurs blanches disposées en petites grappes terminales longues de 10 à 15 cm. Floraison février à mai ;
- fruits sous forme de gousse aplatie et ligneuse à 2 valves de 7 à 10 loges contenant des graines coiffées d’une arille rouge contrastant avec le noir lisse de la graine ;
- excellent bois d’œuvre et d’industries (ex. : ébénisterie, construction navale, ustensiles de ménage).
21Le bois est résistant aux termites. Cependant, il est difficile à scier en raison de sa dureté. Le feuillage est très apprécié des bovins. Des extraits de graines peuvent être utilisés comme durcisseur dans l’alimentation humaine (Onweluzo et Morakinyo, 1997).
Afzelia bella Harms
22Position systématique : Famille des Fabaceae
23Sous-famille des Caesalpinioideae
24Tribu des Detarieae
25Genre Afzelia
26Espèce bella
27Aire de distribution naturelle : arbre des régions guinéenne et soudano-zambézienne des plaines et des versants.
28Description botanique et usages (Adam, 1971) :
- arbre de 25 m de hauteur et 70 cm de diamètre;
- feuilles à 4-5 paires de folioles, oblongues, obtuses ou légèrement acuminées au sommet ;
- fleurs rosées ;
- gousses de 10 cm de longueur sur 5 cm de largeur environ, contenant 5 à 7 graines entourées sur les 2/3 inférieurs par une arille orangée ;
- bon bois d’œuvre.
Afzelia bracteata T. Vogel ex Benth.
29Position systématique : Famille des Fabaceae
30Sous-famille des Caesalpinioideae
31Tribu des Detarieae
32Genre Afzelia
33Espèce bracteata
34Aire de distribution naturelle : c’est une espèce des régions guinéenne et soudano-zambézienne.
35Description botanique et usages (Aubréville, 1950) :
- arbre de 4 à 6 m;
- feuilles à 4-5 paires de folioles, glauques en dessous, glabres, oblongues, légèrement incurvées, obtuses ou arrondies au sommet, 4-11 cm x 1,5-4 cm ;
- fleurs roses ou écarlates en mai-juin, bractées et bractéoles ovées longtemps persistants ;
- écorce écailleuse ;
- bon bois d’œuvre (planches, construction navale).
Anthonotha crassifolia (Baill.) J. Léonard
36Position systématique : Famille des Fabaceae
37Sous-famille des Caesalpinioideae
38Tribu des Amherstieae
39Genre Anthonotha
40Espèce crassifolia
41Aire de distribution naturelle : c’est une espèce des régions guinéenne et soudano-zambézienne surtout dans les forêts à feuilles caduques mais aussi dans les sous-bois et les clairières des forêts sempervirentes en altitude.
42Description botanique (Aubréville, 1959) :
- arbre de 25 m ;
- feuilles à 3-4 paires de folioles opposées ; rachis ne dépassant pas 12 cm, long, pubescent brunâtre chez les feuilles nouvelles, devenant glabre ensuite ;
- fleurs à grand pétale de 1 cm de long, blanc, bilobé ; bractéoles de 7 mm de long ; ovaire de 4-5 ovules ;
- fruits sous forme de fortes gousses, longues de 12 cm et larges de 5,5 cm.
Anthonotha fragans (Bak. F.) Exell et Hillcoat
43Position systématique : Famille des Fabaceae
44Sous-famille des Caesalpinioideae
45Tribu des Amherstieae
46Genre Anthonotha
47Espèce fragans
48Aire de distribution naturelle : arbre de région guinéenne dans des forêts sempervirentes des plaines et versants.
49Description botanique (Adam, 1971) :
- arbre de 30 m de hauteur et 1 m de diamètre;
- feuilles à rachis tomenteux ferrugineux de 10 cm de longueur en moyenne ;
- fleurs avec un grand pétale blanc bilobé ; ovaire velu ;
- gousses de 10 à 12 cm de longueur et 5 cm de largeur, contenant 1 à 3 grosses graines brunes ;
- bois dur et lourd.
Anthonotha macrophylla P. Beauv.
50Position systématique : Famille des Fabaceae
51Sous-famille des Caesalpinioideae
52Tribu des Amherstieae
53Genre Anthonotha
54Espèce macrophylla
55Aire de distribution naturelle : arbre de région guinéenne, en sous-bois dans les forêts denses.
56Description botanique (Adam, 1971) :
- arbre de 8 à 10 m de hauteur et 20 cm de diamètre;
- feuilles obovées, aiguës, acuminées au sommet et plus ou moins cunéiformes à la base ;
- gousses aplaties de 30 cm de longueur, contenant 2 à 7 graines aplaties.
Berlinia grandiflora (Vahl) Hutch. & Dalz.
57Position systématique : Famille des Fabaceae
58Sous-famille des Caesalpinioideae
59Tribu des Amherstieae
60Genre Berlinia
61Espèce grandiflora
62Aire de distribution naturelle : arbre des zones guinéenne et soudanienne, sur sols profonds et bien drainés.
63Description botanique et usages (Adam, 1971) :
- arbre de 30 à 40 m de hauteur et de 90 à 120 cm de diamètre ;
- feuilles alternes de 15 à 30 cm de long, paripennées, avec 6 à 12 folioles opposées, elliptiques, oblongues ou obovales, plus ou moins falciformes, 8 à 16 cm de long et 3 à 6 cm de large ;
- gousses oblongues, aplaties, 20 à 30 cm de long et 5 à 7 cm de large, brunes pubescentes ;
- bois de construction.
Cryptosepalum tetraphyllum (Hook. f.) Benth.
64Position systématique : Famille des Fabaceae
65Sous-famille des Caesalpinioideae
66Tribu des Amherstieae
67Genre Cryptosepalum
68Espèce tetraphylum
69Aire de distribution naturelle : arbre de région guinéenne, dans toutes les forêts sempervirentes notamment sur les berges des rivières en plaine et dans les crêtes des montagnes à plus de 1 000 m d’altitude.
70Description botanique (Adam, 1971) :
- arbre de 25 m de hauteur et 80 cm de diamètre;
- feuilles composées pennées, portant deux paires de folioles, la paire supérieure étant plus grande que l’inférieure ;
- feuilles blanches de petites tailles ;
- gousses elliptiques, plates, ligneuses, contenant une graine rarement deux ;
- espèce fourragère.
Gilbertiodendron limba (Scott Elliott) J. Leonard
71Position systématique : Famille des Fabaceae
72Sous-famille des Caesalpinioideae
73Tribu Amherstieae
74Genre Gilbertiodendron
75Espèce limba
76Aire de distribution naturelle : arbre des régions guinéenne et soudano-zambézienne, ripicole dans vallées à proximité des rivières, forêts des plaines et des versants
77Description botanique (Adam, 1971) :
- arbres de 12 m de hauteur et 40 cm de diamètre ;
- feuilles avec un rachis pubescent ferrugineux d’environ 7 cm de longueur avec 2 paires de folioles ;
- fleurs blanches ;
- gousses oblongues, arrondies aux deux extrémités, contenant 4 à 6 graines de 4 cm de diamètre et 1 cm d’épaisseur.
Isoberlinia dalziellii Craib & Stapf
78Position systématique : Famille des Fabaceae
79Sous-famille des Caesalpinioideae
80Tribu Amherstieae
81Genre Isoberlinia
82Espèce dalziellii
83Noms vernaculaires : kalsaka (mossi), tagba (sénoufo), sau, sô, sio (malinké)
84Aire de distribution naturelle : espèce soudano-zambézienne des forêts claires.
85Description botanique et usages (Aubréville, 1950) :
- arbres de 10 à 20 m ;
- rameaux et feuilles pubescents ;
- 3 à 4 paires de folioles opposées ou subopposées ;
- influorescences duveteuses, fleurs blanches ou rosées, et odorantes ; floraison de novembre à février ;
- fruits larges, duveteux fauve, striés transversalement, jusqu’à 25 cm de long et 8 cm de large ;
- écorce écailleuse, épaisse, un peu fibreuse ;
- excellent bois d’œuvre.
Isoberlinia doka Craib & Stapf
86Position systématique : Famille des Fabaceae
87Sous-famille des Caesalpinioideae
88Tribu Amherstieae
89Genre Isoberlinia
90Espèce doka
91Aire de distribution naturelle : espèce soudano-zambézienne des forêts claires.
92Description botanique et usages (Aubréville, 1950) :
- arbres de 10 à 20 m ;
- 2 à 4 paires de folioles opposées ou subopposées ;
- rameaux et feuilles glabres ;
- fleurs blanches subsessiles ; floraison de novembre à mars ;
- fruits oblongs de couleur marron, finement striés transversalement, environ 18-20 cm de long et 5-6 cm de large ;
- écorce écailleuse, épaisse, un peu fibreuse ;
- excellent bois d’œuvre.
Monotes kerstingii Gilg.
93Position systématique : Famille des Dipterocarpaceae
94Genre Monotes
95Espèce kerstingii
96Noms vernaculaires : gandama (sénoufo), bérébéré (malinké-bambara), jamgi (foulfouldé)
97Aire de distribution naturelle : c’est une espèce typiquement soudano-zambézienne.
98Description botanique et usages (Aubréville, 1950) :
- arbres de 8 à 12 m ;
- 14 à 16 paires de feuilles grandes et elliptiques arrondies aux 2 extrémités ;
- fleurs blanches, jaunâtres ou rosées, et odorantes ; floraison de juin à décembre;
- fruits globuleux d’environ 1 cm de diamètre, durs contenant 3 loges avec dans chacune 1 graine ;
- écorce bouillie employée contre la dysenterie.
Uapaca chevalieri Beille
99Position systématique : Famille des Phyllanthaceae
100Genre Uapaca
101Espèce chevalieri
102Aire de distribution naturelle : espèce soudano-zambézienne, orophile, ripicole et de sols secs.
103Description botanique (Adam, 1971) :
- arbres de 15 à 20 m ;
- feuilles pubescentes à la partie inférieure, obovées, arrondies aux deux extrémités ; pétiole long de 3 à 4 cm
- fleurs mâles sans le pédoncule ; fleur femelle à ovaire pubescent, poilu ;
- fruits d’environ 2,5 cm de diamètre, sphériques, verruqueux et pubescents.
Uapaca esculenta A. Chev. Ex-A. Aubr. et Léandri
104Position systématique : Famille des Phyllanthaceae
105Genre Uapaca
106Espèce esculenta
107Aire de distribution naturelle : c’est une espèce de région guinéenne ; on la trouve en forêt ombrophile parfois en mélange avec U. guineensis ; elle possède de grandes racines échasses.
108Description botanique (Adam, 1971) :
- arbres de 25 m de hauteur et 60 cm de diamètre ;
- feuilles allongées, étroitement cunéiformes à la base et arrondies au sommet ; pétiole long de 3 à 8 cm ;
- fleurs jaunes ; influorescences mâles d’environ 13 mm ; fleurs femelles à ovaire glabre ;
- fruits ovoïdes de 5 cm de longueur et 4 cm de diamètre.
Uapaca guineensis Müll. Arg.
109Position systématique : Famille des Phyllanthaceae
110Genre Uapaca
111Espèce guineensis
112Noms vernaculaires : yalagéy (mandingue), bu begel (diola), bu pal (mandjaque)
113Aire de distribution naturelle : c’est une espèce de région guinéenne, ripicole et de forêt dense très humide ; on la trouve dans des galeries forestières ; elle possède des racines-échasses caractéristiques.
114Description botanique et usages (Bérhault, 1967) :
- arbres de 10 à 20 m ;
- feuilles alternes et condensées vers le sommet des rameaux ; pétiole long de 3 à 8 cm ;
- fleurs à l’aisselle des feuilles vers le sommet des rameaux : les fleurs mâles sont nombreuses, les fleurs femelles sont solitaires ;
- bois de chauffe.
Uapaca heudelotii Baill.
115Position systématique : Famille des Phyllanthaceae
116Genre Uapaca
117Espèce heudelotii
118Aire de distribution naturelle : c’est une espèce de région soudano-zambézienne et exclusivement ripicole le long des berges des rivières.
119Description botanique (Adam, 1971) :
- arbres de 25 m de hauteur et 90 cm de diamètre ;
- feuilles glabres, oblongues, lancéolées, atténuées au sommet et cunéiformes à la base ; pétiole long de 2,5 cm ;
- fleurs blanches, très parfumées ; influorescences glabres de 5 à 7 mm de diamètre sur un pédoncule grêle de 1,5 cm ;
- fruits ovoïdes de 3,5 cm de long sur 2 à 2,5 cm de diamètre.
Uapaca somon Aubr. et Léandri
120Position systématique : Famille des Phyllanthaceae
121Genre Uapaca
122Espèce somon
123Noms vernaculaires : somo (malinké), alagué (foulla), dozo, donezo (banda)
124Aire de distribution naturelle : c’est une espèce soudano-zambézienne, grégaire de forêts claires et de galeries forestières ; elle est en dehors de la forêt dense humide (Aubréville, 1950).
125Description botanique et usages (Aubréville, 1950) :
- petits arbres d’environ 12 m;
- feuilles alternes, dressées et condensées vers le sommet des rameaux ; pétiole long de 2 cm de long ;
- fruits globuleux verts puis jaunes de la grosseur d’une cerise ; la pulpe est comestible ;
- excellent bois de feu et de carbonisation.
DIVERSITÉ DES CHAMPIGNONS ECTOMYCORHIZIENS ET DES ECTOMYCORHIZES
126D’après des données de la littérature (Buyck et al., 1996), la découverte des premiers champignons potentiellement ectomycorhiziens en Afrique tropicale date des travaux de Hennings (1895). Il existe deux flores de référence sur les champignons d’Afrique tropicale : la Flore illustrée des champignons d’Afrique centrale (17 fascicules) qui fait suite à la Flore iconographique des champignons du Congo (17 fascicules). Les travaux de Beeli (1935) sur les amanites, de Heinemann (1954, 1959, 1966) sur les bolets, les chanterelles et les tricholomes, de Corner et Heinemann (1967) sur les Thelephora et les clavaires, de Heim (1955) sur les lactaires, de Dissing et Lange (1963, 1964) sur les sclérodermes et de Buyck (1993) sur les russules, sont à la base des deux flores fongiques. La plupart des champignons ectomycorhiziens ont été récoltés au voisinage de Gilbertiodendron spp., Brachystegia spp. et Julbernardia spp. (Buyck, 1993). Les ECM ont été décrites un peu plus tard sur Gilbertiodendron dewevrei et Gnetum africanum (Fassi, 1957 ; Peyronel et Fassi, 1957). C’est d’ailleurs sur G. africanum, espèce lianescente d’un grand intérêt alimentaire, qu’un lien formel a été établi pour la première fois en Afrique tropicale entre des ECM jaune vif et un champignon ectomycorhizien, Scleroderma sp. (Fassi, 1957).
127Les champignons d’Afrique de l’Ouest ont fait l’objet de beaucoup moins d’attention que ceux d’Afrique centrale même si quelques relevés mycologiques étaient disponibles (Heim, 1955). Il n’existe pas de flore ouest-africaine équivalente à celles des champignons d’Afrique centrale. Depuis 1985, des inventaires mycologiques ont été effectués au voisinage des arbres à ECM dans des forêts du Sénégal, de Guinée et du Burkina Faso (Bâ, 1986 ; Thoen et Bâ, 1987 ; Thoen et Bâ, 1989 ; Thoen et Ducousso, 1989 a, b; SANON et al., 1997 ; BÂ et al., 2000 ; Rivière et al., 2007 ; Sanon et al., 2009 ; Diédhiou et al., 2010 b).
Sites visités
128Dans les régions de Ziguinchor, Kolda et Tambacounda, les plus humides du Sénégal, neuf sites forestiers ont été visités pendant la saison des pluies de juillet à octobre (Bâ, 1986 ; Thoen et Bâ, 1987, 1989) (fig. 29). Ces régions se caractérisent par une longue saison sèche d’environ 8 mois et une pluviométrie annuelle comprise entre 800 et 1 200 mm. Une description de la flore et de la végétation des différents sites forestiers (sites II, III, IV, V, VI, VII et IX) est proposée par Doumbia (1966), Schneider et Sambou (1982) et Van den Berghen (1984). Dans les différents sites, les sols sont sableux, faiblement acides, pauvres en matière organique et en phosphore assimilable (tabl. XIV). La forêt classée de Thiara au sud de Kolda (site VIII), caractérisée par une végétation ligneuse et herbacée sur des sols ferrugineux gris, rappelle les forêts claires du miombo d’Afrique de l’Est (fig. 30, p. III du cahier couleurs) (Malaisse, 1973). A. africana y manifeste un grégarisme remarquable, en mélange avec des arbres qui possèdent des MA comme Erythrophleum africanum, Daniellia oliveri, Cordyla pinnata, Pterocarpus erinaceus, Burkea africana, Prosopis africana et Combretum spp. Le parc national de Basse-Casamance (site I) conserve des reliques de la forêt guinéenne dans laquelle se développent des peuplements à U. guineensis sur des sols hydromorphes riches en matière organique. A. africana et U. guineensis sont les seuls arbres indigènes à ECM répertoriés au Sénégal.
129En Guinée, des prospections ont été effectuées durant la saison des pluies au Fouta-Djalon (Thoen et Ducousso, 1989 a) et en Guinée forestière (Bâ et al., 2000 ; Rivière et al., 2007). Le Fouta-Djalon, surnommé « le château d’eau de l’Afrique de l’Ouest » à cause des trois principaux fleuves de la région (Niger, Sénégal et Gambie) qui y prennent leur source, est un massif forestier montagneux (1 515 m d’altitude) qui connaît une pluviométrie relativement importante (1 500 à 2 000 mm/an) sur une saison de 7 mois (Schnell, 1986). Le massif forestier est constitué aussi de prairies à une altitude moyenne de 900 m. Le Fouta-Djalon présente tous les intermédiaires entre des reliques de forêts denses souvent dégradées et des savanes (Schnell, 1986). Le processus de savanisation des forêts résulte principalement de la dégradation du couvert végétal par des défrichements abusifs et par le pâturage extensif du bétail. C’est dans des forêts semi-caducifoliées dégradées et dans des galeries forestières que l’on rencontre les arbres ectotrophes comme Afzelia africana, A. bracteata, Anthonota crassifolia, Uapaca guineensis et U. chevalieri, qui se développent sur des sols rocheux ou cuirassés, acides et pauvres en éléments minéraux (Thoen et Ducousso, 1989 a). Dans le site de Dalaba, des arbres exotiques ectotrophes (pin, eucalyptus et cannelier de Ceylan) ont été introduits dans le jardin botanique créé par A. Chevalier au début du siècle (Thoen et Ducousso, 1989 a).
130La Guinée forestière héberge les derniers massifs de forêts primaires en Afrique de l’Ouest (Schnell, 1986). Elle constitue des réserves écologiques exceptionnelles par la diversité de leur flore et de leur faune, et a une grande influence sur le climat de la région. En outre, elle présente un intérêt économique majeur par la valeur de ces essences. Elle est cependant fortement dégradée par la surexploitation du bois d’œuvre, les défrichements agricoles et l’exploitation minière. L’exploitation du minerai de fer a d’ailleurs motivé le classement du mont Nimba, point culminant de l’Afrique de l’Ouest (1 752 m d’altitude), comme réserve de biosphère et site du patrimoine mondial de l’Unesco (Lamotte et Roy, 2003). Le climat est caractérisé par des précipitations annuelles entre 2 500 et 3 000 mm et une longue saison des pluies (mars à décembre).
131En Guinée forestière, quatre sites ont été prospectés dans la forêt de Ziama (Sérédou, Malweta, Arboretum et Massadou), un site dans la forêt claire de Lola, et un site dans le mont Nimba durant la saison des pluies de 1999, 2000 et 2001 (Bâ et al., 2000). Les sites de Ziama et du mont Nimba sont dominés par des forêts denses sempervirentes et des forêts semi-caducifoliées où l’on trouve des Caesalpinioideae (Afzelia bella, Paramacrolobium coeruleum, Anthonotha fragans, An. macrophylla, Cryptosepalum tetraphyllum, Pelligriodendron diphyllum, Gilbertiodendron limba) et des Phyllanthaceae (Uapaca heudelotii, U. esculenta, U. guineensis et U. chevalieri) ectotrophes. Les arbres ectotrophes, souvent groupés en bosquet, sont entourés d’arbres à MA comme Amphimas pterocarpoides, Piptadeniastrum africanum, Heritiera utilis, Mansonia altissima et Dialium guineensis. En bordure du mont Nimba, la forêt claire de Lola est caractérisée par, entre autres arbres, Uapaca somon et A. africana qui présentent un statut mycorhizien de type ectotrophe (Rivière et al., 2007).
132Dans le sud-Ouest du Burkina Faso, onze sites forestiers ont été visités pendant la saison des pluies en 1994, 1995 et 1996 (Sanon et al., 1997, 2009) (fig. 31). Les principaux types forestiers rencontrés sont des forêts semi-caducifoliées, des galeries forestières, des forêts claires et des savanes. Parmi les onze sites forestiers prospectés, trois sont dominés par les Isoberlinia (sites I, VIII et IX), deux par A. africana (sites IV et VII), trois par U. guineensis (sites III, VI et X), deux par M. kerstingii (sites II et V) et un site par U. somon (fig. 32, p. III du cahier couleurs) (site XI). Les sites forestiers présentent des sols sableux, à pH faiblement acide à neutre avec des teneurs très faibles en phosphore assimilable (tabl. XV). Le climat est fortement saisonnier avec des précipitations annuelles entre 1 000 et 1 200 mm et une courte saison des pluies de juin à septembre.
133Les peuplements à Isoberlinia se trouvent souvent dans les forêts claires où ils dominent en mélange avec des essences ectotrophes comme U. somon et M. kerstingii ou plus rarement avec des essences à MA comme Anogeissus leiocarpus, Prosopis africana, Burkea africana, Pterocarpus erinaceus, Parkia biglobosa, Khaya senegalensis et Butyrospermum parkii (Aubréville, 1950 ; Guinko, 1984). Les Isoberlinia se développent sur des sols de cuirasse et s’y multiplient en abondance par rejets de souches et drageons. M. kerstingii est la seule Dipterocarpaceae ouest-africaine qui forme parfois des peuplements purs dans des forêts claires et savanes boisées. Elle n’est présente ni au Sénégal ni en Guinée (Aubréville, 1950).
Diversité des champignons ectomycorhiziens
134Les champignons ectomycorhiziens sont relativement bien connus dans les forêts tempérées et boréales (Smith et Read, 2008). Par contre, on dispose de beaucoup moins d’informations sur les champignons ectomycorhiziens en Afrique tropicale.
135En Afrique de l’Ouest, des genres ont été recherchés (ex. : Russula, Lactarius, Amanita, Boletus, Cantharellus, Scleroderma) en particulier ceux qui sont connus pour être ectomycorhiziens en région tempérée et dans d’autres régions tropicales (Trappe, 1962 ; Watling et Lee, 1995 ; Yokota, 1996). Il est apparu que le nombre de champignons récoltés était tout à fait remarquable en Afrique de l’Ouest. Nous avons identifié 158 sporophores appartenant à des champignons différents et fructifiant au voisinage des 17 plantes hôtes inventoriées (tabl. XVI et XVII). Les sporophores appartiennent à 8 ordres et à 24 genres. La majorité des sporophores a été récoltée en Guinée forestière. La description morphologique des champignons de Guinée forestière est en accord avec les résultats de l’analyse phylogénétique de la région ML5/ML6 de la grande sous-unité de l’ADN mitochondrial (fig. 33). L’arbre phylogénétique comporte six clades (Cortinariales et Hymenochaetales ne sont pas représentés) dans lesquels se trouvent les sporophores décrits macroscopiquement. Les genres les plus représentés sont les Russula (33 espèces), Amanita (29 espèces) et Lactarius (19 espèces). Ces trois genres représentent à eux seuls plus de la moitié des espèces récoltées sous les arbres ectotrophes. Le genre Russula comporte le plus grand nombre d’espèces décrites en Afrique de l’Ouest et certaines d’entre elles ont été également décrites en Afrique de l’Est et du Centre (Buyck et al., 1996). De plus, les russules africaines sont différentes des russules européennes. En considérant le nombre d’espèces décrites en Afrique et les caractères primitifs d’un grand nombre d’entre elles, Buyck (1993) suggère que les russules seraient d’origine africaine.
136Les champignons récoltés sont généralement épigés, mais il en existe aussi qui sont hypogés comme ceux qui ont été signalés pour la première fois en Afrique tropicale (Thoen et Bâ, 1987, 1989 ; Sanon et al., 1997). Il s’agit des genres Austrogautieria et Elasmomyces fructifiant uniquement sous U. guineensis alors que le genre Sclerogaster est commun aux Caesalpinioideae, Dipterocarpaceae et Phyllanthaceae. Cinq espèces de champignons hypogés ont été récoltées au total, ce qui laisse penser qu’ils sont sans doute mieux représentés en Afrique tropicale qu’on ne l’admettait auparavant (Thoen et Ducousso, 1989 a). Cependant, de nombreux champignons restent encore indéterminés en raison du peu d’ouvrages en mycologie sur les champignons ouest-africains. La plupart des champignons constituent sans doute de nouvelles espèces et nécessitent de nouvelles récoltes afin de compléter les descriptions. Trois nouvelles espèces ont été formellement identifiées en Guinée forestière (Bâ et al., 2000 ; Rivière et al., 2007). Il s’agit de Russula sect. Archaeinae sp. nov. (C53), Russula sp. nov. aff. sesenagula (C366) et Lactarius sect. Plinthogali sp. nov. (C13) (fig. 34, p. IV, V et VI du cahier couleurs).
137Les communautés de champignons ectomycorhiziens ont d’abord été décrites et étudiées sur la base d’inventaires de sporophores dans les régions tempérées et tropicales (Molina et al., 1992 ; Thoen et Bâ, 1989 ; Sanon et al., 1997 ; Sanon et al., 2009). L’avantage de cette approche réside dans la simplicité d’échantillonnage sans trop perturber le milieu et dans l’identification de l’espèce fongique à partir de la description des sporophores. Elle a, cependant, l’inconvénient de nécessiter plusieurs récoltes dans l’année et d’une année à l’autre pour prendre en compte les champignons qui ne fructifient pas régulièrement. Par exemple, en Afrique de l’Ouest, des champignons comme les sclérodermes fructifient pendant toute la saison des pluies alors que C. cinnamomea fructifie uniquement en fin de saison des pluies (Thoen et Bâ, 1989 ; Sanon et al., 1997). Il existe donc une phénologie dans la fructification de certains champignons sous un climat caractérisé par une saison des pluies très courte et une irrégularité des précipitations dans le temps et dans l’espace. Une bonne connaissance de la dynamique d’apparition des sporophores devrait permettre d’améliorer les conditions de récolte des sporophores dont l’intégrité est nécessaire pour l’identification et l’isolement. La production de sporophores est un processus encore mal compris qui dépend du cumul des précipitations et de l’âge des peuplements forestiers (Fleming, 1985 ; Lilleskov et Bruns, 2003). L’abondance en espèces fongiques récoltées dans les différents sites serait à relier avec le type forestier (ex. : forêt sempervirente), le nombre d’arbres à ectomycorhizes et le climat (ex. : cumul et répartition des précipitations, durée de la saison des pluies). La Guinée forestière est, en effet, plus riche en espèces fongiques que tous les autres sites forestiers (tabl. XVI). Il faut tout de même rester prudent dans l’interprétation des relevés mycologiques car les surfaces prospectées et le nombre de jours passés sur le terrain sont différents selon les sites. À cet égard, il est à noter que le nombre d’espèces récoltées dans le Fouta-Djalon est probablement sous-estimé car les récoltes ont été réalisées pendant une dizaine de jours (Thoen et Ducousso, 1989 a).
138Les champignons récoltés fructifient exclusivement sous les arbres à ECM (Thoen et Bâ 1987, 1989 ; Thoen et Ducousso, 1989 a; Sanon et al., 1997 ; Bâ et al., 2000 ; Rivière et al., 2007). On peut donc considérer comme probable le caractère ectomycorhizien de ces champignons. On a également observé des variations dans le spectre d’hôtes des champignons ectomycorhiziens (tabl. XVIII). Par exemple, R. annulata présente un spectre d’hôtes très large alors que X. hypoxanthus a un spectre limité à U. guineensis. Entre ces deux situations extrêmes existent des niveaux intermédiaires de spécificité.
139Des observations de terrain ont permis d’établir dans certains cas un lien formel entre le pied des sporophores et les ECM sous-jacentes grâce en particulier à la couleur du mycélium (Thoen et Bâ, 1989). Citons, par exemple, les ECM jaune vif de U. guineensis et le champignon hypogé Austrogautiera sp. (fig. 34 E et F, p. V du cahier couleurs).
Tableau XVIII. Champignons communs aux arbres ectotrophes du Burkina Faso, de Guinée et du Sénégal
Espèces fongiques | Plantes hôtes | Pays |
Amanita crassiconus Bas | Aa, Uc | GFD, SE |
Amanita hemibapha (Berk. & Br.) Sacc.. | Aa, Ida, Ido, Us | BF, SE |
Cantharellus pseudofriesii Heinem. | Aa, Ac, Ida, Ido, Mk, Ug, Us | BF, GFD, SE |
Coltricia cinnamomea (Pers.) Murr. | Aa, Am, Ct, Ida, Ido, Ug, U sp. | BF, GF, SE |
Lactarius gymnocarpus Heim | Aa, Ac, Ida, Ido, Mk, Ug,Uh, Us | BF, GF, GFD, SE |
Russula annulata Heim | Ab, Af, Am, Ct, Gl, Pc, Uc, Ue, Ug, Uh | BF, GF, GFD, SE |
Russula discopus Heim | Ug, Uh | GF, GFD, SE |
Scleroderma dictyosporum Pat. | Aa, Abr, Ac, Ida, Ido, Mk, Ug, Us | BF, GFD, SE |
Scleroderma verrucosum Pers. | Aa, Abr, Ac, Ida, Ido, Mk, Ug, Us | BF, GFD, SE |
Tubosaeta brunneosetosa (Sing.) Horak | Aa, Ida, Ido, Gl, Pc, Uh, Ug | BF, GF, GFD, SE |
Xerocomus hypoxanthus Singer | Ug | GF, SE |
Xerocomus subspinulosus Heinem | Aa, Ac, Ida, Ido, Ug | BF, GFD, SE |
140L’observation a été facilitée par la proximité des sporophores hypogés avec les ECM dans la motte de terre prélevée sous U. guineensis en forêt marécageuse. Par contre, il n’a pas été possible d’établir des connexions similaires entre des sporophores épigés et des ECM d’A. africana dont les racines sont situées plus en profondeur (Thoen et Bâ, 1989 ; Sanon et al., 1997 ; Sanon et al., 2009). Des tests macrochimiques sur le mycélium peuvent aussi constituer un outil pour relier les ECM et les sporophores. Par exemple, des ECM et des sporophores de S. dictyosporum bleuissent spécifiquement sous l’action de l’acide sulfurique à 95 % (Bâ, 1990). L’odeur caractéristique des sclérodermes est la même que celle des ECM mais, dans ce cas, on ne peut pas distinguer les différentes espèces de sclérodermes. Cette approche de terrain est certes importante mais souvent subjective et empirique pour confirmer le statut symbiotique des champignons. Elle est à compléter soit par des synthèses mycorhiziennes, soit par l’utilisation d’outils moléculaires pour relier les sporophores aux ECM. Des synthèses mycorhiziennes ont, en effet, permis de confirmer le statut symbiotique de certains champignons. Cependant, la majorité des champignons (ex. : russules, lactaires, amanites), pour n’en citer que quelques-uns, n’est pas cultivable. De plus, certains champignons comme les Thelephoraceae fructifient peu ou pas. Par conséquent, une étude des communautés de champignons ectomycorhiziens est incomplète si elle est basée uniquement sur la description des sporophores.
141La plupart des champignons récoltés en Afrique de l’Ouest présentent une grande distribution en Afrique tropicale (tabl. XIX). Par exemple, S. dictyosporum et S. verrucosum sont répertoriés dans toutes les régions phytogéographiques et dans tous les types forestiers quel que soit le niveau des précipitations. Ils ont aussi une distribution pantropicale dans des forêts tropicales d’Asie du Sud-Est (Watling, 1993 ; Watling et Lee, 1995 ; Yokota, 1996 ; Sims et al., 1999 ; Sanon et al., 2009). Des familles de champignons ectomycorhiziens des régions tempérées sont, par contre, moins représentées en Afrique tropicale. C’est le cas des Tricholomatales représentés par le genre Tricholoma et des Cortinariales par les genres Inocybe et Cortinarius (Thoen et Bâ, 1989 ; Onguene, 2000 ; Rivière et al., 2007). Les deux ordres seraient adaptés aux climats froids (Buyck et al., 1996).
Diversité des ectomycorhizes
142L’inventaire des ECM est une approche qui permet aussi d’accéder à la composition des communautés fongiques (Agerer, 1991). En Afrique tropicale, les premiers morphotypes ectomycorhiziens ont été décrits sur Gilbertiodendron dewevrei et Gnetum africanum dans des forêts sempervirentes de la République démocratique du Congo (Fassi, 1957, 1960). Plusieurs morphotypes ectomycorhiziens ont ensuite été décrits sur Brachystegia laurentii, Afzelia bella, Anthonotha macrophylla, Paramacrolobium spp. et Julbernardia seretii (Fassi et Fontana 1961, 1962). Jenik et Mensah (1967) ont décrit pour la première fois sur Afzelia africana deux morphotypes différenciés par la couleur du manteau fongique. Högberg et Nylund (1981) puis Alexander et Högberg (1986) ont également décrit plusieurs morphotypes sur des Caesalpinioideae et Dipterocarpaceae africaines. Les morphotypes ont été caractérisés par un manteau fongique relativement épais qui les différencie des ECM de zones tempérées. Ces auteurs suggèrent que l’importance du manteau fongique confère aux champignons une plus grande aptitude à stocker des nutriments et à protéger les racines contre la dessiccation en saison sèche. Des observations effectuées au Sénégal et en Guinée révèlent également une grande diversité de morphotypes sur A. africana et Uapaca guineensis (Thoen et Bâ, 1989 ; Thoen et Ducousso, 1989 a). Une description anatomique de 23 morphotypes ectomycorhiziens sur U. guineensis et d’ A. africana est proposée dans le tableau XX. Le diamètre moyen des ECM et l’épaisseur du manteau fongique sont sensiblement identiques chez les deux arbres. C’est pourquoi le pourcentage de surface occupée par le manteau fongique par rapport à la surface des ECM est comparable en moyenne chez les deux espèces. La profondeur de pénétration du réseau de Hartig est à peu près la même chez les deux arbres. Les cellules épidermiques forment ainsi une assise palissadique dont le contenu est riche en composés phénoliques notamment chez U. guineensis (Thoen et Bâ, 1989). La plupart des ECM possèdent des cordons mycéliens dont le rôle serait important dans le transfert de l’eau et des minéraux (Horton et al., 1999 ; He et al., 2004). La morphologie et la structure des ECM d’A. africana et de U. guineensis sont très proches de celles des ECM des régions tempérées (Garbaye et al., 1986 ; Thoen et Bâ, 1989).
143Basée uniquement sur des caractères morphologiques, l’identification des ECM reste très aléatoire d’autant que la couleur du manteau peut changer en fonction de l’âge de la plante hôte ou de l’environnement (Thoen et Bâ, 1989 ; Bâ et al., 1991 ; Wurzburger et al., 2001). Pour identifier la composante fongique des ECM, on peut relier les profils RFLP de l’ITS des ECM à ceux des sporophores (fig. 35, p. VII du cahier couleurs et 36).
Tableau XX. Description des morphotypes ectomycorhiziens d’Afzelia africana et de Uapaca guineensis
Ectomycorhizes | A. africana(n = 10) | U. guineensis(n = 13) |
Diamètre des ectomycorhizes (µm) | 236-466 | 390-640 |
Moyenne (µm) | 328 | 488 |
Écart-type (µm) | 88 | 79 |
Coefficient de variation (%) | 27 | 16 |
Épaisseur du manteau fongique (µm) | 14-85 | 18-80 |
Moyenne (µm) | 50 | 47 |
Écart-type (µm) | 24 | 16 |
Coefficient de variation (%) | 48 | 34 |
Surface du manteau fongique (en % de la surface de l’ectomycorhize) | 20-65 | 17-54 |
Moyenne (%) | 50 | 35 |
Écart-type (%) | 14 | 9 |
Coefficient de variation (%) | 28 | 26 |
Profondeur du réseau de Hartig (µm) | 18-30 | 15-68 |
Diamètre de racines (µm) | 166-314 | 304-550 |
Moyenne (µm) | 226 | 393 |
Écart-type (µm) | 51 | 70 |
Coefficient de variation (%) | 22 | 18 |
Nombre de couches de cellules corticales | 2-3 | 4-5 |
Nombre de pôles de xylème | 2 | 3-4 |
144Sur les 193 taxons identifiés en Afrique de l’Ouest, seulement 12 ont été communs aux ECM et sporophores (tabl. XVI). La plupart des ECM ne formeraient pas de sporophores (cas des Thelephoraceae) et ces derniers (cas des Amanitaceae) en majorité ne seraient pas reliés aux ECM. Les Thelephoraceae sont les champignons les plus représentés parmi les ECM non reliées aux sporophores, ce qui signifie qu’ils fructifient peu ou pas. Nous avons d’ailleurs récolté jusqu’ici un seul sporophore de Thelephoraceae bien que des inventaires mycologiques réalisés au Bénin montrent qu’on peut trouver plusieurs espèces de sporophores de Thelephoraceae (Tomentella furcata, T. capitata, T. africana et T. brunneocystidia) au voisinage d’arbres potentiellement ectomycorhiziens (Yorou et Agerer, 2007 ; Yorou et al., 2007 ; Yorou et Agerer, 2008). Les Thelephoraceae investiraient davantage dans la croissance végétative que dans la reproduction sexuée. Les Amanitaceae, les plus représentées parmi les sporophores, sont absentes sur les racines de la plante hôte à l’exception d’une espèce. Ces champignons investiraient plus dans la reproduction sexuée que dans la reproduction par voie végétative. Quoi qu’il en soit, la diversité des sporophores ne reflète pas la diversité des ECM dans des forêts tropicales humides et sèches d’Afrique. Ce résultat est en accord avec les études de diversité sur les communautés de champignons ectomycorhiziens dans les régions tempérées et dans des forêts du Sud-Est asiatiques (Gardes et Bruns, 1996 ; Peay et al., 2009).
145Outre les études de diversité, l’inventaire des ECM permet d’étudier la spécificité des taxons fongiques en vérifiant dans quelle mesure les arbres mères et plantules de différentes espèces peuvent partager un cortège ectomycorhizien commun et échanger des nutriments via des réseaux ectomycorhiziens dans un écosystème forestier. Dans cette optique, Diédhiou et al. (2010 b) ont analysé la diversité des ECM de cinq arbres (A. fragans, A. macrophylla, C. tetraphyllum, P. coeruleum et U. esculenta) et de leurs plantules vivant en communauté dans une parcelle de 1 600 m2 de la forêt humide de Ziama en Guinée forestière (fig. 37, tabl. XXI). L’objectif principal de cette étude visait à montrer que les arbres et leurs jeunes plantules partageaient le même cortège mycorhizien et échangeaient des nutriments (C et N). L’analyse de la région ITS de l’ADNr nucléaire de 293 ECM a permis de distinguer 39 taxons appartenant à sept groupes fongiques (tableaux XXI et XXII). Sur ces 39 taxons, 19 sont des champignons à hôtes multiples (champignons dits généralistes), identifiés au moins sur deux espèces de plantes, 9 sont des champignons à hôte simple (champignons dits spécialistes rencontrés au moins deux fois), et 11 sont des singletons (champignons dits spécialistes rencontrés une seule fois). Les champignons à hôtes multiples sont plus abondants (89 %) que les champignons à hôte simple (7 %) et les singletons (4 %) réunis (fig. 38). Parmi les champignons à hôtes multiples, le taxon Russulaceae #16, représente à lui seul 47 % des ECM analysées alors que les autres espèces fongiques ne dépassent guère 7 %. De plus, ce champignon et d’autres à hôtes multiples sont répértoriés au moins sur 3 espèces d’arbres et leurs jeunes plants vivant dans le même voisinage, ce qui suggère que ces derniers établiraient des réseaux ectomycorhiziens entre les différentes espèces d’arbres et leurs jeunes plants. Cependant, on ne peut pas exclure l’existence de plusieurs genets chez ces champignons. L’utilisation de marqueurs moléculaires intraspécifiques, comme les microsatellites plus discriminants que le séquençage de l’ITS, devrait le confirmer. Par ailleurs, l’abondance de certains champignons ne reflète pas leur statut d’hôte simple ou multiple. Basidiomycota #3, par exemple, est peu abondant (2 %), alors qu’il colonise toutes les espèces de plantes hôtes. En considérant les champignons de tous les groupes confondus et pour chaque espèce de plante hôte, les analyses de raréfaction révèlent que les jeunes plants ont une diversité plus grande que les arbres, sauf pour Uapaca esculenta (fig. 39 et 40, tabl. XXI). L’analyse factorielle des correspondances montre que les Boletaceae, Clavulinacea et Thelephoraceae tendent à s’associer de préférence avec A. fragans, alors que les Russulaceae ne montrent pas de préférence (fig. 41). En considérant uniquement les champignons à hôtes multiples et en combinant les 5 espèces de plantes, il apparaît que les jeunes plants ont une plus grande diversité de champignons comparés aux arbres. Par contre, si on considère uniquement les champignons à hôte simple, les arbres présentent une plus grande diversité de champignons que les jeunes plants. On pourrait donc considérer la forêt de Ziama comme une « nursery » où les jeunes plants auraient tendance à favoriser leurs associations avec des champignons à hôtes multiples de manière à profiter du plus grand nombre d’espèces d’arbres. Les arbres à leur tour favoriseraient plus les champignons à hôte simple, afin de supporter un nombre raisonnable de jeunes plants. Cela suggère également une spécialisation des plantes avec l’âge : champignons généralistes au stade de jeune plant et champignons spécialistes au stade arbre. L’existence de réseaux ectomycorhiziens suggère également des transferts potentiels de C et de N des arbres vers des jeunes plants dans la pénombre des forêts. Or cette hypothèse n’a pas été vérifiée dans le cadre de cette étude. En effet, l’absence de différence entre delta 13C et 15N des arbres et jeunes plants révèlerait l’absence de transfert de C et N via les réseaux ectomycorhiziens. Néanmoins, ces résultats doivent être interprétés avec prudence car la variabilité des signatures isotopiques est si forte que les éventuels faibles flux de nutriments n’auraient pas été détectés.
CONCLUSION
146Dans ce chapitre, nous avons révélé une richesse et une diversité de champignons ectomycorhiziens et d’ECM tout à fait exceptionnelles et jusqu’ici insoupçonnées au voisinage de plus de six essences forestières à ECM en mélange dans des forêts d’Afrique de l’Ouest. Il est difficile de trouver plus de diversité végétale à ECM en zone tempérée. De nombreux champignons sont encore indéterminés et pourraient être de nouvelles espèces. Contrairement à une opinion très répandue, la richesse spécifique et la diversité des communautés de champignons ectomycorhiziens en Afrique de l’Ouest sont comparables à celles des forêts tempérées. Comme dans les forêts tempérées, les sporophores sont de mauvais marqueurs de la diversité réelle des ECM. Encore, comme dans les forêts tempérées, les groupes dominants des champignons ectomycorhiziens sont les mêmes, avec par exemple une prépondérance des Russulaceae et Thelephoraceae dans les forêts tropicales sèches et humides d’Afrique de l’Ouest. Les fréquences d’occurrence des champignons à hôtes multiples sur les différents arbres et leurs jeunes plants suggèrent des connexions entre générations via des réseaux ectomycorhiziens. Ces derniers pourraient jouer un rôle important non seulement comme source d’inoculum pour les jeunes plants en régénération naturelle, mais aussi dans les transferts de nutriments des arbres vers les plantules dans la pénombre de la forêt.
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