2. Méthodes d’étude des champignons ectomycorhiziens et des ectomycorhizes
p. 42-87
Texte intégral
INTRODUCTION
1La présence des fructifications de champignons, encore appelées sporophores (sporo, spores, phore, champignon), épigés pour la plupart, est la première manifestation visible de la symbiose ectomycorhizienne au voisinage des plantes hôtes dans la nature (Smith et Read, 2008). D’autres champignons, moins visibles et non moins importants, fructifient dans le sol (ex. : truffe), et développent donc des sporophores hypogés. Dans les deux cas, les champignons forment des ECM sur les racines de la plante hôte de manière à boucler leur cycle de développement et fructifier. La formation des sporophores requiert donc la présence d’ECM alors qu’à l’inverse on peut observer des ECM sans sporophores correspondants. En effet, des champignons comme Thelephora et Cenoccocum forment des ECM souvent dominantes sur les racines de leurs plantes hôtes, mais fructifient peu ou pas dans la nature. Par contre, des champignons comme Suillus et Rhizopogon fructifient abondamment et forment très peu d’ECM. Quoi qu’il en soit, la fructification des champignons en conditions naturelles est un processus complexe et coûteux en énergie pour la plante. Elle est fonction du champignon, des facteurs climatiques (ex. : sécheresse), de l’âge des peuplements et des traitements sylvicoles (ex. : fertilisation, éclaircies). En conditions contrôlées, la formation de sporophores est difficile à obtenir et dépend du champignon impliqué, de la qualité du substrat, des conditions de culture (ex. : humidité, lumière, température) et de la production de métabolites par la plante hôte. Hebeloma cylindrosporum en symbiose avec Pinus pinaster fructifie in vitro sur un milieu de culture approprié et dans des conditions de lumière et de température bien définies (Debaud et Gay, 1987).
2Il est rarement possible d’observer de visu des connexions entre le mycélium à la base du pied des sporophores et des ECM (Thoen et Bâ, 1989). On suppose, souvent à juste raison, que les sporophores, fructifiant au voisinage des arbres ectotrophes, sont potentiellement ectomycorhiziens. Encore faut-il établir un lien formel entre sporophores et ECM car des champignons parasites ou saprophytes peuvent être observés à proximité des arbres ectotrophes. C’est le cas de quelques russules saprophytes facultatives ou parasites (ex. : R. parasitica) en Afrique tropicale (Heim, 1970 ; Buyck, 1993). Les caractéristiques microscopiques du mycélium sont souvent peu pertinentes pour déterminer le lien entre ECM et sporophores. De plus, un champignon forme des ECM dont la morphologie peut varier selon l’hôte et quelquefois sur le même hôte en fonction de l’âge. Des champignons différents peuvent présenter des ECM comparables. L’abondance des sporophores est un faible indicateur de la fréquence des ECM. Des champignons comme Suillus fructifient abondamment et forment peu d’ECM. À l’inverse, des Thelephoraceae sont relativement abondantes sur les racines sans toutefois fructifier (Diédhiou et al., 2010 b). L’obstacle principal est l’identification de la composante fongique des ECM ; il peut être surmonté par des méthodes d’écologie moléculaire (ex. : amplification et séquençage de l’ADNr).
3Un autre obstacle à l’étude des champignons est la mise en culture du mycélium et la production d’inoculum à partir des différentes formes biologiques que sont les sporophores, les spores, les ECM et les sclérotes. En effet, à peine 3 % des champignons sont cultivables en laboratoire, ce qui réduit considérablement le spectre des espèces utilisables en pépinière et en plantation. De plus, la plupart des champignons précoces sont cultivables (ex. : Scleroderma, Thelephora) alors que les tardifs (ex. : Russula, Cantharellus), pourtant plus nombreux en forêt, ne le sont pas.
4La production d’inoculum est simple à l’échelle du laboratoire, mais complexe aux échelles de la pépinière et de la plantation à cause en particulier de la croissance lente des champignons, des difficultés à maintenir la stérilité du substrat de culture et à conditionner le mycélium.
5La maîtrise des symbioses ectomycorhiziennes dépend d’une bonne connaissance des méthodes de récoltes, d’identification morphologique et moléculaire, d’isolement du mycélium, de production d’inoculum, et d’inoculation des champignons (sporophores et ECM) pour améliorer la production forestière. Garbaye (1991) a défini l’ensemble de ces méthodes sous le vocable de « mycorhization contrôlée ». Elles seront décrites dans ce chapitre.
RÉCOLTE, DESCRIPTION ET CONSERVATION DES SPOROPHORES
6L’apparition des sporophores est intermittente du fait des variations climatiques (ex. : précipitations, température) dans le temps et l’espace. Ils ont une durée de vie de quelques jours. Dans les régions tropicales, les sporophores apparaissent à n’importe quel moment de l’année à la suite de précipitations alors que, dans les régions tempérées, ils sont surtout abondants en automne. Certains champignons peuvent fructifier une ou plusieurs fois dans l’année et pas du tout l’année suivante. D’autres ne fructifient pas, mais sont présents sur les racines de la plante hôte. Les sporophores ectomycorhiziens sont récoltés sous le houppier de la plante hôte, parfois sur le tronc et à une certaine distance (50 m ou plus) de ce dernier. Il est donc important d’inventorier la végétation au voisinage des sporophores pour trouver la ou les plantes hôtes. Le cas des sporophores hypogés mérite une attention particulière. On les trouve dans les horizon de surface du sol (0-20 cm), ce qui fait qu’ils sont moins visibles que les épigés et souvent sous-estimés dans les inventaires.
7Des précautions élémentaires sont nécessaires pour récolter des sporophores et fournir aux taxonomistes du matériel convenable. Quelques indications proposées par Courtecuisse (1991) seront présentées, notamment les aspects techniques et pratiques relatifs à la récolte, la description et la conservation. Les indications sont limitées aux champignons agaricoïdes à lamelles (ordre des Agaricales) et à tubes (ordre des Boletales). Ils concernent la presque totalité des champignons ectomycorhiziens des régions tropicales et subtropicales. Mais d’autres groupes peuvent être récoltés en respectant ces recommandations.
Sur le terrain
Récolte
8Il est primordial d’adopter une stratégie de récolte pour exploiter au mieux les spécimens. Les sporophores seront, de préférence, récoltés sur le terrain le matin et décrits en laboratoire l’après-midi. Il est important de récolter des sporophores entiers comportant des individus jeunes et matures à différents stades de développement. Lors de la récolte, une attention toute particulière sera donnée à la présence éventuelle de restes du voile général à la base du stipe (volve), à la présence d’une structure de type pseudo-racine ou d’autres éléments du même type sous la surface du sol, à la présence de plaques, de verrues, d’anneaux, de flocons ou filaments sur les différentes parties du sporophore, éléments qui sont parfois fugaces. Pendant la récolte, il est nécessaire de manipuler les spécimens aussi peu que possible. Quelques caractères importants sont très fugaces et pourraient disparaître du fait d’une manipulation inconsidérée et maladroite. Il faut éviter de récolter des primordiums seuls car ils ne possèdent pas de spores, mais, par contre, ils ont parfois des voiles qui sont difficilement visibles chez les adultes ou des champignons trop âgés qui se seront dégradés (ex. : pourritures, nécroses) avant leur étude en laboratoire.
Annotation
9Il est important de noter sur le terrain, au moment même de la récolte :
- les caractères fugaces (ex. : présence de pruine, de flocons, de filaments, d’écailles détersiles ou toutes autres ornementations fugaces sur certaines parties du sporophore) ;
- les couleurs du chapeau, du stipe, des lames ou des tubes (ex. : nombre d’espèces ont certaines de leurs parties qui changent de couleur après la récolte) ;
- le substrat ;
- quelques caractères concernant l’écologie des arbres potentiellement hôtes ;
- les caractères organoleptiques très importants dans certains genres (ex. : odeur, saveur).
10Toutes ces informations sont consignées sur un carnet de notes de terrain ou verbalement sur un dictaphone pour être transcrites ou transférées directement sur l’ordinateur.
Photographie
11Pour une espèce de champignon donné, une représentation photographique doit rassembler plusieurs individus, jeunes et âgés, si possible à différents stades de développement, entiers et sectionnés longitudinalement, en vue de dessus, en vue de côté ou vue de face. Il est très important de réaliser une représentation photographique de ces individus avec une échelle et une petite étiquette mentionnant un numéro d’ordre de récolte ou un numéro d’herbier. Les appareils photographiques numériques actuels permettent de réaliser de très bonnes photographies.
Transport des échantillons
12Pour le transport, les échantillons sont placés dans des boîtes (une espèce par boîte), ce qui leur évitera autant que faire se peut, les frottements et les contacts avec les autres espèces récoltées. Il est nécessaire que les spécimens soient peu manipulés.
En laboratoire
Fiche de description
13La description de toute récolte doit indiquer impérativement quelques informations préliminaires parmi lesquelles (tabl. V) :
- un numéro de récoltes sachant que n’importe quel système de numérotation peut être adopté, à condition que chaque récolte ait un numéro différent des autres ;
- le nom du (des) récolteur(s) ;
- le lieu (ville, village, lieu-dit, avec mention du département, de la province, de l’État) où s’est développé le champignon, avec si nécessaire les coordonnées géographiques (ex. : coordonnées GPS) de la station et quelques points de repère de voisinage (ex. : le nom d’une rivière, d’un sommet) ;
- la date de récolte ;
- un nom provisoire peut être ajouté, si le récolteur a une idée sur l’identité générique, voire spécifique de la récolte ;
- l’écologie, en particulier le ou les arbres à proximité et la nature du substrat.
Représentation
14Un schéma en noir et blanc est nécessaire pour donner une silhouette de chaque récolte. Cela permet de préciser certains détails importants qui n’apparaissent pas sur les photos. Des dessins en couleur ou des peintures aquarelles sont conseillés, mais prennent plus de temps. Des photographies du sporophore (ex. : vue de dessus, de dessous, de côté, en section longitudinale) sont également nécessaires pour compléter les dessins et les photographies réalisées in situ. Il est nécessaire de montrer un spécimen adulte au moins, ou mieux plusieurs sporophores à différents stades avec tous les détails.
Description
Chapeau
15La forme du chapeau est à décrire à différents stades de développement (jeune, adulte), en vue de dessus, en vue de côté ou vue de face. Le centre du chapeau présente parfois un caractère remarquable que l’on notera. La marge du chapeau, en vue de côté sur une coupe longitudinale et en vue de dessus, sera décrite ainsi que la surface (notamment sa couleur) qui peut changer après froissement ou suite à une dessiccation, son aspect et la présence d’éléments détersiles provenant du voile général. Le diamètre et la hauteur sont également des indications importantes qu’il faudra noter.
Lames
16Pour les lames, on notera leur densité ainsi que la présence de lamelles et lamellules intermédiaires ; leur forme en vue de dessous et en vue de profil ; la couleur des faces ; l’insertion vue en coupe ; pour l’arête, on notera sa forme, son intégrité et sa couleur et éventuellement les changements de couleur au froissement ou à la dessiccation.
Tubes
17En extrapolant les caractères d’un hyménium lamellé à un hyménium tubulé, on notera la densité des pores, leur forme ; la couleur de la face des tubes ; l’insertion vue en coupe ; on notera aussi les changements de couleur des tubes et des spores au froissement ou à la dessiccation.
Stipe
18Pour le stipe ou pied du champignon, on notera sa consistance, son insertion, sa longueur, sa forme, son diamètre à la base, au milieu et au sommet (s’ils sont différents), sa couleur, son ornementation, la présence d’éléments détersiles provenant du voile général ou du voile partiel, la présence d’un anneau et son emplacement.
Chair
19Pour la chair, on notera son épaisseur aux différentes parties du carpophore, ses couleurs, sa consistance, son odeur et son goût. L’odeur sera comparée avec celle que l’on aura notée sur le terrain. Des tests de réactions macrochimiques sur la chair peuvent s’avérer utiles (tabl. V).
Herbier
20Après la description des sporophores, il faut les préparer pour pouvoir les conserver en herbier. Les sporophores récoltés seront séchés à proximité d’une source de chaleur à une température d’environ 50 °C et dans un endroit bien ventilé. Chaque échantillon sera accompagné d’une étiquette indiquant son numéro d’ordre de récolte ou d’un numéro d’herbier. Après dessiccation, les échantillons sont placés individuellement dans un sachet ou une enveloppe et stockés dans un endroit ventilé et sec.
Recommandations
21Il est préférable d’effectuer peu de récoltes et d’y associer de bonnes annotations et une bonne préparation, plutôt que de ramasser une grande quantité de champignons qui resteront inexploitables, faute de notes d’accompagnement suffisantes. Il est important de se rapprocher d’un mycologue pour déterminer les sporophores récoltés.
22Pour exprimer les caractères des différentes parties d’un sporophore, on consultera les ouvrages de Josserand (1952) et de Brundrett et al. (1996 a).
Tableau V. Fiche de récolte des champignons ectomycorhiziens
Fiche de récolte | |
N° Exsiccatum | |
Date de récolte | |
Nom du récolteur | |
Famille | |
Genre | |
Espèce | |
Site | |
Plantes associées | |
Habitat | |
Chapeau : taille, couleur, texture, humidité | |
Chair : couleur, goût, consistance, odeur, réactions chimiques(réactif de Melzer, FeSO4, KOH 15 %) | |
Pied : taille, couleur, consistance, insertion, ornementation | |
Notes et schémas |
ISOLEMENT DU MYCÉLIUM DES CHAMPIGNONS ECTOMYCORHIZIENS
23Les champignons ectomycorhiziens sont des symbiotes inféodés aux plantes hôtes, ce qui rend difficile leur mise en culture en laboratoire. Les isolements de mycélium sont réalisés à partir des différentes formes biologiques du champignon : sporophores, spores, ECM et sclérotes. Les cultures mycéliennes obtenues permettent d’étudier la génétique et la physiologie des champignons, seuls ou en symbiose, et de produire de l’inoculum pour la mycorhization contrôlée en pépinières.
Isolement du mycélium des sporophores
24Les isolements sont réalisés sur des sporophores identifiés ou en voie de l’être. Il faut éviter de choisir des sporophores âgés, nécrosés ou gorgés d’eau comme c’est souvent le cas en saison des pluies dans les régions tropicales. Plusieurs individus par espèce sont récoltés de préférence immatures et fermes. Sur les lieux de récolte, les sporophores sont soigneusement débarrassés du sol adhérant à l’aide d’un pinceau. Le chapeau et (ou) le pied du champignon est fractionné en deux à proximité d’une lampe à alcool dans une hotte portative dont le plan de travail est préalablement désinfecté à l’alcool 70°. À l’aide d’un scalpel flambé, deux morceaux de chair piléique, prélevés sur la partie du chapeau au-dessus des lamelles et/ou à la base du pied (ex. : champignons agaricoïdes), sont ensemencés sur un milieu nutritif solide contenu dans une boîte de Petri. Les milieux de culture sont préparés et stérilisés à l’autoclave (120 °C à 1,3 bar pendant 20 min). Il existe plusieurs milieux de culture gélosés pour champignons dont le milieu de Melin et de Norkrans modifié par Marx (MNM), le plus couramment utilisé (tabl. VI ; Marx, 1969). Les boîtes de Petri sont scellées avec un ruban adhésif et conservées à température ambiante à l’abri de la lumière. Les morceaux de chair contaminés par des bactéries sont repiqués au moins une fois par jour tandis que les morceaux de chair contaminés par des champignons sporulants sont éliminés. En laboratoire, les souches sont purifiées par repiquages successifs jusqu’à élimination des contaminants bactériens en ajoutant éventuellement des antibiotiques au milieu de culture. Des antibiotiques seuls ou en association sont ajoutés au milieu de culture (ex. : gentamycine à 10 mg/l, streptomycine 80 mg/l d’eau distillée). Les solutions d’antibiotiques sont stérilisées en utilisant un filtre Millipore (0,2 µm) et ajoutées au milieu nutritif gélosé refroidi juste avant de le couler dans des boîtes de Petri (diamètre 90 mm) sous une hotte à flux laminaire horizontal (fig. 8). Les souches sont ensuite conservées par un repiquage régulier au moins une fois par mois. Les souches en culture sont désignées par le nom et le numéro d’herbier du sporophore d’isolement.
Tableau VI. Composition des milieux nutritifs pour 1 litre d’eau distillée
Produits utilisés | Melin et Norkrans modifié par MARX (1969) | FRIES (1978) |
(NH4)2HPO4 | 0,25 g | - |
C4H12N2O6 | - | 1 g |
Extrait de malt | 3 g | 1 g |
Glucose | 10 g | 4 g |
CaCl2, 2H2O | 0,05 g | 0,026 g |
KH2PO4 | 0,5 g | 0,2 g |
MgSO4,7H2O | 0,15 g | 0,1 g |
NaCl | 0,025 g | 0,020 g |
Thiamine-HCl (1mg/ml) | 1 ml | - |
Citrate ferrique 1 % (m/v) | 1,2 ml | - |
FeSO4, 7H2O | - | 1 mg |
MnSO4, 4H2O | - | 0,81 mg |
ZnSO4, 7H2O | - | 0,88 mg |
Agar | 20 g | 20 g |
pH | 5,5 | 5,5 |
Isolement du mycélium des spores
25Il existe plusieurs procédés de récolte des spores selon que le champignon ait ou non un chapeau et un pied bien différenciés. Les sporophores sont récoltés et nettoyés comme précédemment. Le chapeau est désinfecté en surface avec du coton cardé imbibé d’alcool à 90° (fig. 9).
26Dans le cas des Basidiomycètes à chapeau bien différencié (ex. : Tubosaeta, Lactarius), le chapeau du champignon est séparé du pied puis collé sur sa face supérieure par une goutte d’eau gélosée ou à l’aide de vaseline, sous le couvercle d’une boîte de Petri stérile et sa face inférieure est orientée vers le bas (Fries, 1983). La sporée est ensuite récupérée au fond de la boîte de Petri.
27Dans le cas des Basidiomycètes à chapeau peu différencié (ex. : Pisolithus, Scleroderma), le sporophore est ouvert aseptiquement sous la hotte et la sporée de la gléba à maturité est récoltée avec un scalpel flambé. Les spores sont déposées dans un tube stérile ouvert sous la hotte durant 1 à 2 jours pour éliminer l’excès d’humidité des amas de spores (Kope et Fortin, 1990).
28Les spores ainsi récoltées sont mises en suspension dans de l’eau distillée stérile (ex. : gamme de dilution de 101 à 105 spores par ml) et étalée (ex. : 50 à 100 µl) sur la surface du milieu de culture de Fries (1978) (tabl. VI). Les boîtes de Petri sont laissées ouvertes pendant quelques minutes sous la hotte pour éliminer l’excès d’humidité. Le milieu de culture contient du charbon actif stérilisé pour neutraliser d’éventuels inhibiteurs des milieux de culture. Le charbon actif est apporté soit en saupoudrant la surface ou une partie de la surface du milieu, soit en saupoudrant une feuille de cellophane stérile placée à la surface de l’agar, et enlevée après 15 jours avant ensemencement des spores. Des racines de la plante hôte du champignon et des implants mycéliens de ce dernier en croissance, déposés sur le milieu de culture, peuvent agir comme activateurs de la germination des spores.
29Les boîtes de Petri sont scellées avec un ruban adhésif et mises à incuber à 30 °C à l’obscurité. Les contaminants bactériens et fongiques sont éliminés quotidiennement. Par exemple, les spores de P. tinctorius germent après 15 jours d’incubation. Chaque spore, ayant émis un tube germinatif, est ensuite cultivée séparément en boîte de Petri sur un milieu MNM. Les souches en culture sont désignées par le nom et le numéro d’herbier du sporophore d’isolement.
30Pour un champignon comme L. laccata, le taux de germination des spores est en général élevé (au moins 75 %) alors que celui de P. tinctorius est un peu plus faible (au plus 25 %). Il est d’ailleurs plus facile d’isoler des laccaires à partir de leurs spores que des sporophores car ces derniers renferment de nombreuses bactéries, parfois des BAM, qu’il est difficile d’éliminer par repiquages successifs. Par contre, les spores de Thelephora terrestris ne germent pas in vitro (Marx et Ross, 1970).
Caractérisation morphologique des ectomycorhizes et isolement du mycélium
31Le développement de la symbiose ectomycorhizienne entraîne de profondes modifications morphologiques, anatomiques et physiologiques des racines. L’utilisation de critères morpho-anatomiques et biochimiques (ex. : composition protéique ou en pigments) est rarement suffisante pour identifier les champignons ectomycorhiziens à partir d’ECM. Il est souvent difficile d’établir in situ un lien formel entre le mycélium de la base du pied des sporophores et les ECM sous-jacentes. D’ailleurs, les sporophores ne sont présents que peu de temps et ne reflètent pas toujours la souche fongique dominante dans la communauté de champignons ectomycorhiziens. De plus, certains champignons fructifient peu ou pas. Tout cela rend l’identification des ECM extrêmement aléatoire d’autant plus que les critères morphologiques ne sont pas stables dans le temps. Toutefois, différents auteurs ont proposé des clés d’identification des ECM basées pour l’essentiel sur des caractères macroscopiques (ex. : couleur, texture) et microscopiques (ex. : épaisseur, structure, profondeur) du manteau fongique et du réseau de Hartig (Dominik, 1969 ; Zak, 1969 ; Voiry, 1981 ; Agerer, 1995). On définit ainsi des morphotypes ectomycorhiziens pour lesquels des clés d’identification sont proposées et permettent tout au plus de distinguer quelques genres ectomycorhiziens (ex. : Cenococcum, Thelephora, Russula) mais s’avèrent en général insuffisantes au niveau de l’espèce. Cependant, Agerer (2006) montre que la structure des morphotypes peut permettre d’identifier certaines russules au niveau de l’espèce. Le morphotypage combiné avec des techniques moléculaires permet de caractériser la composante fongique des ECM (Diédhiou et al., 2004 ; Sanon et al., 2009 ; Diédhiou et al., 2010 b).
32Dans les forêts tropicales, l’enchevêtrement des racines de différentes espèces végétales est tel qu’il est difficile de déterminer avec certitude l’espèce végétale à laquelle sont rattachées les ECM. Pour s’assurer de l’espèce végétale, les ECM sont prélevées sur des racines suivies depuis le tronc de l’arbre ou de la tige des jeunes plants (fig. 10, p. I du cahier couleurs). On peut également obtenir des ECM d’une espèce d’arbre en cultivant en serre des jeunes plants de cette espèce sur des sols forestiers renfermant des propagules ectomycorhiziens (voir chapitre 4). Dans ces conditions, on obtient des ECM relativement fraîches de différents stades de développement de la plante hôte pour caractériser les morphotypes et isoler le mycélium.
33Le système racinaire est soigneusement débarrassé de sa motte de terre par un rinçage à l’eau courante (fig. 11). Sous la loupe binoculaire (Gr. x 20), les différents types d’ECM ou morphotypes ectomycorhiziens sont séparés sur la base de caractères macroscopiques et microscopiques (voir les chapitres 3 et 4). Elles sont lavées dans une boule à thé par agitation dans de l’eau courante afin de détacher les particules de sol. Des fragments d’ECM (5 à 10 mm de long) sont désinfectés en surface par trempage de la boule à thé dans une solution d’osmium (0,01 à 0,05 % pendant 30 à 60 s) ou d’hypochlorite de calcium (0,3 % pendant 3 min) en agitation dans une fiole de 250 ml (Bâ et Thoen, 1990). Les agents désinfectants sont additionnés de Tween 80 à 2,5 %, un agent mouillant qui permet une meilleure adhésion du désinfectant sur les ECM.
34Les fragments de racines désinfectés en surface sont abondamment rincés à l’eau distillée stérile et découpés en fragments de 2 à 3 mm de long environ, égouttés sur du papier-filtre stérile et déposés sur du milieu nutritif gélosé MMN additionné d’antibiotiques. Les boîtes de Petri sont scellées avec un ruban adhésif et incubées à 30 °C à l’obscurité. Les fragments contaminés sont éliminés tous les jours. Les hyphes du champignon ectomycorhizien émergent des fragments d’ECM après 7 à 21 jours d’incubation (fig. 12). Les souches en culture sont désignées par un numéro (tabl. VII).
35L’osmium est plus efficace que l’hypochlorite de calcium et d’autres agents désinfectants (ex. : eau oxygénée, chlorure mercurique) pour isoler des sclérodermes et les champignons théléphoroïdes. Le taux de réussite des isolements de mycélium varie entre 2 % et 14 % pour des ECM traitées avec de l’osmium à 0,05 % pendant 60 s (Bâ, 1990). L’osmium préserve les hyphes du réseau de Hartig qui émergent du fragment et poussent sur le milieu nutritif (Bâ et Thoen, 1990). L’efficacité de l’osmium a été éprouvée pour l’isolement de l’actinomycète Frankia particulièrement rebelle en culture (Lalonde et al., 1981 ; Diem et Dommergues, 1983). L’osmium est cependant un produit cancérigène qu’il convient de manipuler prudemment avec des gants et sous une hotte aspirante.
Isolement du mycélium des sclérotes
36Les sclérotes, amas d’hyphes plus ou moins différenciées d’environ 0,5 à 1 mm de diamètre, sont considérés comme des organes de résistance des champignons dans des conditions de stress abiotiques (Trappe, 1969 ; Bâ et Thoen, 1990). Ils sont rattachés aux ECM par des cordons mycéliens. On peut aussi trouver des sclérotes dans le sol, détachés des ECM. La méthode d’isolement du mycélium des sclérotes est celle décrite par TRAPPE (1969).
37Les sclérotes sont séparés des ECM avec des pinces sous la loupe binoculaire (Gr. X 20) et mis en suspension dans un Erlenmeyer contenant de l’eau déminéralisée. Ils sont lavés avec de l’eau déminéralisée par agitation mécanique pendant 30 min à l’aide d’un barreau aimanté. Les sclérotes qui flottent ne sont pas viables et ceux qui se trouvent au fond du contenant sont retenus pour l’isolement (Bâ, 1990). Les sclérotes sont désinfectés superficiellement avec de l’osmium à 0,5 % environ 4 min sous une hotte à flux laminaire horizontal. Ils sont rincés abondamment avec de l’eau distillée stérile et sectionnés en deux à l’aide d’un scalpel flambé dans le dernier bain de rinçage. Les fragments de sclérotes sont égouttés sur du papier-filtre stérile avant d’être déposés sur le milieu MNM. Les boîtes de Petri sont scellées avec un ruban adhésif et mises à incuber à 30 °C à l’obscurité. Les fragments de sclérotes contaminés sont éliminés tous les jours. Des hyphes émergent des fragments de sclérotes après 4 à 7 jours d’incubation (fig. 13). Le taux de réussite des isolements de mycélium à partir des sclérotes de S. verrucosum varie entre 50 et 60 % (Bâ, 1990). On obtient des résultats comparables en utilisant d’autres agents désinfectants comme l’hypochlorite de calcium, l’eau oxygénée et le chlorure mercurique (BÂ, 1990).
Collection de champignons ectomycorhiziens en culture
38Nous disposons d’une collection de référence de souches de champignons ectomycorhiziens isolés de sporophores et d’ECM provenant d’Afrique de l’Ouest (tabl. VII). Les souches sont conservées en culture sur milieu MNM au LCM (Laboratoire commun de microbiologie IRD/Isra/Ucad, Dakar, Sénégal) et au LSTM (Laboratoire des symbioses tropicales et méditerranéennes, Montpellier, France).
CARACTÉRISATION MOLÉCULAIRE DES SPOROPHORES ET DES ECTOMYCORHIZES
39Les difficultés en identification des ECM ont stimulé les recherches dans les domaines du diagnostic et de l’épidémiologie. Les méthodes moléculaires, permettant l’identification de la composante fongique de l’ECM, sont basées sur l’existence d’une variabilité génétique de l’ADNr au sein des espèces de champignons ectomycorhiziens.
40Différentes techniques de biologie moléculaire basées sur l’analyse de l’ADNr ont été développées ces dernières années pour étudier la diversité génétique des communautés de champignons ectomycorhiziens, identifier la composante fongique des ECM et suivre la persistance des souches fongiques introduites en pépinières et en plantations (Gardes et al., 1991 ; Martin et al., 1991 ; Selosse et al., 1999 ; Diédhiou et al., 2004 ; Rivière et al., 2007 ; Diédhiou et al., 2010 b). La technique PCR (pour Polymerase Chain Reaction ou Réaction en chaîne par polymérase) est utilisée pour amplifier différentes parties du génome en ayant pour cibles l’ADN total, l’ADNr nucléaire ou l’ADNr mitochondrial. L’ADN total est analysé par des techniques comme la RFLP (pour Random Fragment Length Polymorphism ou Polymorphisme de longueur des fragments de restriction), l’AFLP (pour Amplified Fragment-Length Polymorphism ou Polymorphisme amplifié de longueur des fragments), la RAPD (pour Random Amplified Polymorphic DNA ou Amplification aléatoire d’ADN polymorphe) et les microsatellites pour accéder au polymorphisme de larges portions d’ADN (Jacobson et al., 1993 ; Redecker et al., 2001 ; Zhou et al., 2001).
41L’ADNr mitochondrial possède des entités qui sont en plusieurs copies indépendantes du génome nucléaire. Elles sont utilisées pour des études sur la structuration des communautés de champignons. Le gène de la grande sous-unité de l’ADNr mitochondrial (ou « mtLSU rDNA ») en particulier le fragment d’environ 450 pb (paires de bases) amplifié par les amorces ML5/ML6, est souvent utilisé en phylogénie des champignons ectomycorhiziens (Bruns et al., 1998 ; Stendell et al., 1999 ; Rivière et al., 2007). Bien que cette région soit peu évolutive au niveau de l’espèce, elle permet néanmoins de différencier sans ambiguïté les familles, voire les genres (ex. : Russula, Amanita, Cantharellus, Thelephora, Tricholoma). De plus, il existe des centaines de séquences de cette région, référencées dans des bases de données internationales (ex. : Genbank).
42L’ADNr nucléaire existe en plusieurs copies (50 à 100 copies par cellule) et se trouve donc déjà « préamplifié » dans les extraits d’ADN. Il comprend des régions codantes pour les ARNr (18S, 5.8S, 28S et 5S) relativement bien conservées au niveau spécifique et des espaceurs intergéniques soit transcrits (ITS pour Intergenic Transcribed Spacer), soit non transcrits (IGS pour Intergenic Spacer), moins conservés évolutivement. L’espaceur transcrit ITS (ITS1 et ITS2) conjointement amplifié avec le gène 5.8S, est un bon marqueur spécifique, mais très rarement au sein de l’espèce. L’espaceur ITS, d’environ 600 à 900 pb, peut être amplifié par des amorces universelles (ITS1/ITS4), spécifiques aux champignons (ex. : ITS1-F/ITS4 ; F pour Fungal) ou spécifiques au Basidiomycète (ex. : ITS1-F/ITS4-B ; F pour Fungal et B pour Basidiomycète) (fig. 14) (White et al., 1990 ; Gardes et al., 1991 ; Gardes et Bruns, 1993). L’amplification de l’ITS est souvent couplée à l’étude du polymorphisme de longueur des fragments de restriction (RFLP) et son utilisation en identification repose sur le séquençage nucléotidique. Il existe une importante base de données (Genbank, EMBL, DDBJ, UNITE) sur les séquences des ITS des champignons. La plupart des études d’écologie et de taxonomie moléculaires sur les champignons ectomycorhiziens sont basées sur l’analyse des régions ITS ou ML5/ML6 (Bruns et al., 1998 ; Kõljalg et al., 2002 ; Rivière et al., 2007 ; Tedersoo et al., 2007). La région codante 28S est également utilisée, en association avec l’ITS pour des études de communautés de champignons ectomycorhiziens (Tedersoo et al., 2006). L’utilisation de régions standardisées d’ADN pour identifier des taxons de champignons, de plantes ou d’animaux, est désormais définie sous la terminologie anglo-saxonne de « DNA barcoding » (Valentini et al., 2008). La région ITS est maintenant largement utilisée comme « code-barre » génétique pour caractériser la diversité des champignons (Seifert, 2008).
43Le protocole de récolte, de conservation et d’analyse moléculaire des ECM comprend plusieurs étapes : (1) récolte et conservation, (2) extraction de l’ADN fongique, (3) amplification enzymatique, (4) analyse par RFLP, (5) séquençage nucléotidique et analyse des séquences. Le protocole de conservation et d’analyse de l’ADN est identique pour les ECM, les sporophores, les sclérotes et le mycélium en culture. Les méthodes et les outils moléculaires présentés ci-après ne sont que des exemples parmi d’autres.
Récolte et conservation
44Un morceau de chair de sporophore (environ 50 mg) et une dizaine d’ECM par morphotype sont conservés séparément dans un tube de 10 ml contenant du Silicagel ou dans un tube Eppendorf de 1,5 ml contenant 200 µl de tampon CTAB (bromure d’hexadécyltriméthylammonium). La durée de conservation des ECM dans le Silicagel à température ambiante est de quelques mois, alors qu’elle est de plusieurs années dans le tampon CTAB conservé au congélateur à 20 °C. Le tampon CTAB est préparé comme suit.
Préparation des diverses solutions
45Tris HCl 1 M
46– mélanger 121,14 g de Tris Base dans 800 ml d’eau ultrapure ;
47– ajuster le pH entre 7,5 et 8,0 avec HCl 37 % (environ 50 ml) ;
48– ajuster le volume à 1 l avec de l’eau ultrapure et stériliser à l’autoclave.
49Na2EDTA 0,5 M pH 8
50– mélanger 46,53 g de Na2EDTA dans 200 ml d’eau ultrapure;
51– ajouter des pastilles de NaOH (environ 15) jusqu’à ce que la solution devienne transparente ;
52– ajuster le pH à 8,0 avec NaOH 10 N;
53– ajuster le volume à 250 ml avec de l’eau ultrapure et stériliser à l’autoclave.
54NaCl 5 M
55– dissoudre 292 g de NaCl dans 500 ml d’eau ultrapure;
56– q.s.p. 1 l de l’eau ultrapure;
57– homogénéiser, stériliser à l’autoclave et conserver à 4 °C.
Préparation du CTAB 2x
58Tris HCl 100 mM (pH 7,5 à 8) ; NaCl 1,4 M; Na2EDTA 20 mM ; CTAB 2 %.
59Pour préparer 100 ml :
- dissoudre 2 g de CTAB dans 50 ml d’eau ultrapure en mélangeant et en chauffant légèrement (45 à 50 °C) si besoin pour faciliter la dissolution ;
- ajouter ensuite en mélangeant 10 ml de Tris HCl 1 M (pH 7,5 à 8,0), 28,6 ml de NaCl 5 M et 4 ml Na2EDTA 0,5 M pH 8,0 ;
- ajuster le volume à 100 ml avec de l’eau ultrapure (7,4 ml environ).
Extraction et purification de l’ADN total
60L’ADN total est extrait d’une ECM ou d’un morceau de chair de sporophore (environ 10 mg) soit à l’aide d’un kit d’extraction et de purification, soit en utilisant le tampon CTAB avec des phases de purification au phénol/chloroforme/isoamyl alcool. Nous présentons ici comme exemple le protocole d’extraction à l’aide du kit « Dneasy » de Qiagen selon les conditions décrites par le fournisseur. Il comprend plusieurs étapes.
- Prérégler une étuve à 65 °C et y incuber les 2 flacons de solution d’élution AE ;
- décongeler le tube, éliminer un maximum de tampon CTAB de conservation, rincer l’ECM ou le morceau de chair de sporophore avec 200 µl d’eau ultrapure stérile, éliminer l’eau et se servir de l’ECM pour extraire l’ADN ;
- broyer les échantillons dans 200 µl de tampon de lyse AP1 et 4 µl de Rnase (100 mg/ml) avec une pincée de sable de Fontainebleau stérile à l’aide d’un piston en plastique stérile dans un tube Eppendorf 2 ml stérile ;
- ajouter 200 µl de tampon de lyse AP1, broyer et vortexer vigoureusement (pour éliminer éventuellement la masse de tissus et avoir une suspension liquide) ;
- incuber 10 min à 65 °C ; faire 2 à 3 inversions des tubes ; c’est l’étape de la lyse des cellules ;
- ajouter 130 µl de tampon de déprotéïnisation AP2, vortexer et incuber 5 min dans la glace ; c’est l’étape de la précipitation des solvants, des protéines et des polysaccharides ;
- centrifuger 5 min à 14 000 rpm ;
- transférer le surnageant dans une colonne de filtration QIAshredder et centrifuger 2 min à 14 000 rpm ;
- transférer soigneusement le filtrat dans un nouveau tube Eppendorf stérile de 1,5 ml sans le culot ; noter le volume de filtrat ;
- ajouter 1,5 volume de tampon de précipitation AP3/E de l’ADN et mélanger en pipettant ;
- déposer 650 µl de mélange dans une colonne Dneasy ;
- centrifuger 1 min à 8 000 rpm ; jeter le filtrat et répéter avec ce qui reste de mélange ;
- placer la colonne Dneasy dans un nouveau tube ;
- ajouter 500 µl de tampon de lavage AW, centrifuger 1 min à 8 000 rpm et jeter le filtrat ;
- ajouter à nouveau 500 µl de tampon AW, centrifuger 2 min à 14 000 rpm et jeter le filtrat ;
- centrifuger 30 s à 14 000 rpm la colonne à vide pour bien sécher la membrane, jeter le filtrat et le tube ; la colonne doit être sèche avant de procéder à l’élution de l’ADN ;
- transférer la colonne Dneasy dans un nouveau tube Eppendorf stérile de 1,5 ml ;
- ajouter 50 µl de tampon d’élution AE préchauffé à 65 °C dans la colonne ; déposer le tampon au milieu de la colonne ;
- laisser incuber le tampon AE au moins pendant 5 min à température ambiante ;
- centrifuger 1 min à 8 000 rpm ;
- récupérer le filtrat dans le tube Eppendorf de 1,5 ml et conserver l’ADN à - 20 °C.
61NB : les quatre dernières étapes sont répétées une fois dans un nouveau tube Eppendorf pour l’extraction d’ADN à partir d’un morceau de chair de sporophore; les deux filtrats ainsi obtenus sont mélangés et conservés à - 20 °C.
Quantification et vérification de la pureté de l’ADN extrait
62L’absorption de lumière UV de l’échantillon dilué d’ADN est mesurée par spectrophotométrie dans des cuvettes en quartz d’un volume de 1 ml. On mesure la densité optique à 260 et 280 nm. Si le rapport DO260/DO280 est compris entre 1,8 et 2, on peut considérer que l’extrait d’ADN contient moins de 70 % de protéines et peut donc être utilisé pour la PCR. Pour quantifier la concentration d’ADN dans l’extrait, on utilise la relation une unité DO260 qui équivaut à 50 mg/l d’ADN double brin en tenant compte le cas échéant du facteur de dilution de l’échantillon. Il faut toutefois noter que la mesure de DO ne permet pas de connaître l’état de l’ADN, c’est-à-dire si ce dernier est dégradé ou pas, d’où l’utilité de faire aussi migrer une petite quantité (3 à 7 µl) de l’extrait sur un gel d’agarose (1 à 3 %) parallèlement avec un marqueur de poids moléculaire (ex. : Smartlader)
Amplification enzymatique de l’ADN par PCR
Principe
63L’amplification enzymatique in vitro de l’ADN par PCR consiste à multiplier le nombre de copies d’une région d’ADN génomique de manière exponentielle à partir d’un échantillon contenant la molécule d’ADN (Saiki et al., 1988). La méthode repose sur l’appariement de deux amorces oligo-nucléotidiques complémentaires chacune d’une zone d’amorçage située de part et d’autre de la région à amplifier, et l’extension des deux amorces à l’aide d’une polymérase (Taq polymérase). La synthèse de nouvelles molécules d’ADN à partir de l’ADN matrice nécessite la présence :
- de dNTP (désoxyribo-nucléotides triphosphates) ; ce sont les précurseurs trinucléotidiques (dATP, dCTP, dGTP, dTTP) représentant les unités de base (nucléotides) qui constituent les brins d’ADN ;
- d’un couple d’amorces ; les amorces sont de courtes séquences d’environ 20 nucléotides complémentaires chacune d’une zone de chaque brin de l’ADN matrice ; elles délimitent ainsi la région à amplifier et sont nécessaires à la fixation de l’ADN polymérase ;
- d’une enzyme polymérase ; la Taq polymérase est une enzyme thermorésistante isolée d’une bactérie, Thermus aquaticus thermophile vivant dans des sources chaudes ; elle synthétise le brin complémentaire d’une matrice ADN simple brin par élongation de l’amorce oligo-nucléotidique dans le sens 5’—>3’ ; la synthèse s’effectue par addition de dNTP à l’extrémité 3’ de l’amorce et nécessite la présence de cations Mg++ indispensables au bon fonctionnement de la Taq et à l’incorporation des précurseurs dNTP ;
- de tampon ; c’est une solution aqueuse à pH 8,4 qui stabilise le pH du milieu réactionnel et permet une bonne activité de la polymérase.
Milieu réactionnel
64Le milieu réactionnel est préparé sous une hotte PCR dont le plan de travail est préalablement nettoyé avec de l’alcool à 70°, et dans laquelle l’ADN n’est pas manipulé pour éviter les contaminations. Du matériel stérile (ex. : gants, embouts, tubes Eppendorf et tubes PCR) et un jeu de micropipettes (10, 20, 100, 200 et 1 000 µl) sont utilisés sous la hotte pour la préparation des milieux réactionnels. À l’extérieur de la hotte, l’ADN est ajouté au milieu réactionnel pour obtenir un volume de 25 µl par tube PCR (tabl. VIII). Par exemple, pour 10 échantillons à amplifier y compris le contrôle négatif (sans ADN) et le contrôle positif (ADN d’un champignon), on prépare un volume total de milieu réactionnel pour 12 échantillons de manière à tenir compte des erreurs de pipettage. La réaction d’amplification est souvent réalisée sur des échantillons dilués (ex. : 1/10, 1/50, 1/100) afin de minimiser la saturation et les inhibiteurs potentiels (ex. : polyphénols) de l’activité de la Taq polymérase.
Préparation des amorces
65Nous prendrons, comme exemple, la paire d’amorces ITS1/ITS4 fournie sous forme de lyophilisat :
66– ITS1 51,35222 nmoles (51 352,22 pmoles) ;
67séquence ITS1 = 5’-TCCGTAGGTGAACCTGCGG-3’
68– ITS4 68,76706 nmoles (68 767,06 pmoles) ;
69séquence ITS4 = 5’-TCCTCCGCTTATTGATATGC-3’
70Pour avoir une solution mère de 300 pmoles/µl des amorces ITS1 ou ITS4, il faut :
- dissoudre le lyophilisat ITS1 avec 171 µl (51 352,22/300) d’eau ultrapure stérile ;
- dissoudre le lyophilisat ITS4 avec 229 µl (68 767,06/300) d’eau ultrapure stérile ;
- laisser tremper les lyophilisats pendant quelques minutes à température ambiante, vortexer et conserver à - 20 °C.
71Pour avoir une solution de 20 pmoles des amorces ITS1 ou ITS4 pour la réaction PCR, il faut :
72– mélanger 10 µl d’amorce ITS1 ou de ITS4 dans 140 µl d’eau ultrapure stérile et conserver à - 20 °C.
Tableau VIII. Composition du milieu réactionnel
Milieu réactionnel | 1 tube (µl) | 12 tubes (µl) |
Eau ultrapure stérile | 16,625 | 199,5 |
Tampon 10 x | 2,5 | 30 |
MgCl2 (50 mM) | 0,75 | 9 |
dNTP (2,5 mM) | 2 | 24 |
ITS1 (20 pmoles/µl) | 1 | 12 |
ITS4 (20 pmoles/µl) | 1 | 12 |
Taq Polymérase (5u/µl) | 0,125 | 1,5 |
Volume obtenu | 24 | 300 |
Volume par tube PCR | 24 | 24 |
Conditions de la PCR
73L’amplification de la région ITS par la PCR se réalise dans un thermocycleur suivant un régime cyclique, chaque cycle est caractérisé par une succession de trois étapes principales (fig. 15) :
- une dénaturation thermique qui consiste à séparer par la chaleur les deux brins complémentaires orientés 5’→3’ et 3’→5’ de l’ADN bicaténaire en rompant les liaisons hydrogènes ; l’ADN double brins chauffé à une température de l’ordre de 95 °C pendant 5 min passe sous forme simple brin dans le milieu réactionnel ;
- une hybridation des amorces qui consiste en l’appariement des amorces aux matrices d’ADN simples brins à une température d’hybridation comprise entre 50 °C et 60 °C (la température est fonction de la composition nucléotidique des amorces) pendant 3 s ;
- une élongation ou extension des amorces dans laquelle l’ADN polymérase allonge les amorces en y incorporant les désoxyribo-nucléotides complémentaires de la séquence de la matrice à laquelle elle est hybridée. La synthèse s’effectue dans le sens 5’→3’ à une température optimale de 72 °C pendant 1 min 30.
74À la fin du 1er cycle, deux copies de la séquence d’ADN cible sont obtenues. On obtient ainsi 2n copies d’ADN, n étant le nombre de cycles effectués. Pour n = 35 cycles, on obtient 235 = 34 359 738 368 copies d’ADN. Les étapes cycliques sont précédées par une dénaturation initiale de l’ADN à 95 °C pendant 5 min. Une élongation finale, à 72 °C pendant 10 min, est réalisée à la fin des étapes cycliques. Les produits PCR peuvent être conservés un temps à 4 °C dans le thermocycleur.
Migration par électrophorèse sur gel d’agarose
75Après amplification, la migration des produits PCR est réalisée sur un gel d’agarose de 1 à 2 % par une électrophorèse dans un tampon de migration tris borate (TBE). Pour repérer les produits d’amplification, l’agarose est mélangé à un marqueur d’acides nucléiques (BET1, bromure d’éthidium). Le BET peut être mélangé à l’agarose lors de la préparation du gel, ou après l’électrophorèse en plongeant le gel dans la solution de BET. Les produits de l’amplification sont visualisés par la fluorescence du bromure d’éthidium sous lumière UV. Le gel est photographié à l’aide d’un appareil Polaroïd sous lumière UV.
76On procède comme suit :
- pour un gel d’agarose 1 %, ajouter 1,25 g d’agarose dans 125 ml de tampon de migration TBE 1x ;
- dissoudre l’agarose en chauffant lentement, laisser refroidir jusqu’à une température de l’ordre de 40 °C à 50 °C ;
- ajouter 50 µl de BET et homogénéiser ;
- placer un « peigne » sur un support à gel et couler l’agarose refroidi ; laisser solidifier l’agarose sous une hotte aspirante ;
- placer le gel d’agarose obtenu dans une cuve d’électrophorèse et remplir celle-ci avec la solution tampon de migration TBE 1x ;
- mélanger 5 µl d’amplifiat de chaque échantillon et 3 µl de tampon de charge puis déposer le mélange dans un puits du gel ;
- déposer 1 à 3 µl de marqueur de tailles moléculaires (ex. : 1kb) dans un des puits du gel ;
- relier la cuve à un générateur de courant électrique ;
- faire migrer l’ADN pendant 1 à 2 h entre 80 et 100 volts ;
- visualiser et photographier le gel sous lumière UV ;
- estimer la taille des fragments amplifiés visuellement ou à l’aide d’un logiciel (ex. : Image Analysis Software BIO-PROFIL®).
77Préparation de la solution mère TBE 1x pH 8:
78tris base (89 mM) 10,78 g ;
79acide borique (89 mM) 5,50 g ;
80Na2EDTA, H2O (2 mM) 0,74 g ;
81H2O ultrapure qsp 1 000 ml.
Polymorphisme de longueur des fragments de restriction
Principe
82Le polymorphisme de longueur des fragments de restriction consiste à digérer des produits de PCR avec des enzymes de restriction (endonucléases). Selon la composition en bases de la région amplifiée, les enzymes de restriction (ex. : Taq I, Hinf I, Hae III) découpent l’ITS en des sites spécifiques appelés sites de restriction (tabl. IX).
83Par exemple, si l’enzyme découpe l’ITS de l’individu I en deux sites de restriction et l’individu II en un site de restriction (fig. 16), il en résulte trois fragments de restriction A, B et C chez l’individu I et deux chez l’individu II. Ces fragments sont de tailles moléculaires variables selon l’individu, mais aussi selon le genre ou l’espèce, faisant apparaître un polymorphisme de longueur des fragments de restriction. L’analyse de ce polymorphisme se fait après migration des produits de digestion sur un gel approprié (ex. : acrylamide, agarose, metaphor) permettant la séparation des fragments de l’ITS selon leur taille. La vitesse de migration des fragments de restriction de petites tailles est plus rapide que celle des fragments de restriction de grandes tailles. Le choix du marqueur de taille moléculaire dépend de la taille des fragments à analyser. On utilise couramment le marqueur de taille 100 pb qui présente des fragments d’ADN de longueur variant de 100 en 100 (100, 200, etc.). Le marqueur de taille moléculaire est déposé en même temps que les produits de digestion pour apprécier la taille de ces derniers.
Milieu réactionnel
84La digestion de l’ITS peut se dérouler dans un tube Eppendorf stérile de 0,5 ml contenant un volume d’amplifiat variable selon la quantité d’ADN. Par exemple, 5 à 10 µl d’amplifiat (environ 10 à 50 ng d’ADN) sont ajoutés à 10 µl de milieu réactionnel ajusté avec de l’eau ultrapure stérile pour un volume réactionnel de 20 µl. Le mélange est incubé 2 h au moins et à une température qui varie selon l’enzyme choisie (tabl. IX).
Migration des fragments par électrophorèse sur gel d’agarose
85La petite taille des fragments de restriction générée nécessite la préparation d’un type d’agarose plus résolutif (ex. : metaphor). Le protocole est le suivant :
- préparer un gel d’agarose à 3% (3,75 g metaphor + 125 ml de TBE 1x) et ajouter 50 µl de BET (0,625 mg/ml) sous une hotte aspirante dans les mêmes conditions que précédemment ;
- mélanger 20 µl de fragments digérés avec 5 µl de tampon de charge et déposer le mélange sur le gel dans une solution de tampon TBE 1x ;
- faire migrer par électrophorèse les fragments digérés sous une tension de 50 à 100 V pendant 2 à 3 h;
- visualiser et photographier le gel sous lumière UV ; un marqueur de tailles moléculaires (ex. : 100 pb) est mis à migrer parallèlement ;
- estimer la taille des fragments de restriction à l’aide du logiciel (ex. : Image Analysis Software BIO-PROFIL®).
Séquençage de l’ADN
Principe
86Le séquençage sert à déterminer la séquence nucléotidique, c’est-à-dire l’ordonnancement des nucléotides d’un ADN cible (ex. : région ITS). Il est basé sur le même principe que celui de la PCR sauf que le mélange réactionnel contient en plus des dNTP, des ddNTP, didésoxyribonucléotides triphosphates (ddATP, ddCTP, ddGTP, ddTTP) et ne nécessite qu’une seule amorce. Au cours de la réaction, la polymérase va ajouter les nucléotides complémentaires du brin d’ADN à partir de l’extrémité 3’ de l’amorce. Cependant, des ddNTP peuvent être aléatoirement incorporés à la place des dNTP (par exemple, un ddGTP à la place d’un dGTP). L’élongation du brin en cours de synthèse est alors arrêtée car les ddNTP ne possèdent pas de groupe 3’-hydroxyle indispensable à la réaction d’élongation par la polymérase. Les produits d’extension ainsi générés sont terminés par un des quatre ddNTP incorporés. L’incorporation des ddNTP étant aléatoire, on obtient toute une série de fragments de longueurs différentes.
87Les produits d’extension sont ensuite purifiés et dénaturés de façon irréversible par un traitement thermique. Ils sont séparés par électrophorèse capillaire dans un séquenceur selon le même principe de migration pour une électrophorèse de PCR/RFLP. Chaque ddNTP étant marqué par un fluorochrome différent, il sera détecté au cours de sa migration par fluorescence du fluorochrome grâce à un faisceau laser émis par le séquenceur. Chaque fluorochrome présente une longueur d’onde de réémission particulière qui sera captée et analysée par la caméra du séquenceur reliée à un ordinateur. Le fragment d’ADN sera donc identifié par sa base terminale, et de base en base, toute la séquence de la région cible sera déterminée.
Purification de l’ADN à séquencer
88Le séquençage de l’ADN amplifié nécessite au préalable une purification. Nous présenterons ici le protocole de purification de l’ITS avec le kit « QIAquick Gel Extraction Kit » de Qiagen selon les recommandations du fournisseur.
89La purification de l’ITS avec le kit comporte plusieurs étapes :
- exciser la bande d’ITS du gel avec un scalpel propre (nettoyer la lame avec de l’alcool à 95°) ;
- peser le fragment de gel contenant la bande dans un tube Eppendorf stérile de 1,5 ml et ajouter 3 volumes de tampon de dissolution du gel QG par volume de gel ;
- incuber les tubes à 50 °C pendant 10 min jusqu’à dissolution du gel ; vortexer les tubes pour bien dissoudre le gel et s’assurer que la couleur est jaune comme celle du tampon QG ;
- ajouter 1 volume d’isopropanol pur par volume de gel dissous et vortexer ;
- déposer l’échantillon dans la colonne QIAquick Spin placée sur un tube de 2 ml puis centrifuger 1 min à 14 000 g;
- jeter le filtrat et replacer la colonne sur le même tube ;
- ajouter 0,5 ml de QG dans la colonne puis centrifuger 1 min à 14 000 g;
- jeter le filtrat et replacer la colonne sur le même tube ;
- ajouter 0,75 ml de tampon de lavage PE, laisser reposer entre 2 et 5 min, puis centrifuger 1 min à 14 000 g;
- jeter le filtrat et centrifuger la colonne 1 min à 14 000 rpm pour sécher la membrane ;
- placer la colonne sur un nouveau tube Eppendorf 1,5 ml ;
- déposer 30 µl de tampon d’élution EB soigneusement au milieu de la membrane et laisser reposer 5 min ;
- éluer l’ITS par centrifugation 1 min à 14 000 g ;
- conserver l’ITS à - 20 °C.
Quantification de l’ADN
90Comme pour l’extraction d’ADN, les produits de la purification sont déposés sur un gel pour évaluer leurs qualités et leurs quantités à l’aide d’un marqueur de tailles moléculaires (ex. : Smartladder). On peut également quantifier et évaluer la pureté de l’ITS au spectrophotomètre en mesurant les DO.
91Le protocole de quantification de l’ITS sur gel est le suivant :
- déposer dans un puits 4 µl d’ADN mélangés à 5 µl de bleu de charge ;
- déposer dans un puits 5 µl de marqueur Smartladder ;
- faire migrer l’ADN et le marqueur sur gel d’agarose 1% dans TBE 1x environ 1h à 80 V;
- quantifier l’ADN en comparant l’intensité de la bande obtenue avec les bandes de référence du marqueur Smartladder.
Réaction de séquence
92Le séquençage est réalisé suivant la méthode de Sanger (1977). La réaction de séquence présentée ici est réalisée avec le kit « ABI PRISMTM Big DyeTerminator Cycle Sequencing Ready Reaction » selon les recommandations du fournisseur. Pour les séquences ITS, entre 20 et 40 ng d’ADN purifié sont nécessaires pour chaque réaction de séquence.
Milieu réactionnel
93L’ADN purifié est séquencé dans les deux sens 5’Æ3’ et 3’Æ5’ en utilisant les amorces de la région cible. L’amplification est réalisée à l’aide d’un thermocycleur comme pour la PCR (tabl. X).
Tableau X. Composition du milieu réactionnel
Milieu réactionnel | 1 tube (µl) | 12 tubes (µl) |
Eau ultrapure stérile | 5 | 60 |
Mix PCR | 4 | 48 |
Tampon 5x | 2 | 30 |
ITS1 ou ITS4 (3,2 pmoles/µl) | 1 | 12 |
Volume obtenu | 20 | 150 |
Volume par tube PCR | 20 | 20 |
Conditions de la PCR
94Le programme d’amplification comporte une dénaturation initiale de l’ADN à 96 °C pendant 3 min, suivie de 25 cycles d’une dénaturation à 96 °C pendant 10 s, une hybridation de l’amorce à 50 °C pendant 5 s, et une élongation à partir de l’amorce à 60 °C pendant 4 min (fig. 17).
Purification des produits d’extension
95Les produits de la réaction de séquence sont purifiés comme suit :
- préparer des tubes Eppendorf stériles de 1,5 ml en nombre équivalent au nombre d’échantillons, contenant 2 µl d’acétate de sodium (3 M, pH 5,2) et 50 µl d’éthanol absolu ;
- pipetter les 52 µl et les mélanger au contenu de chaque tube PCR pour récupérer toutes les séquences dans les tubes Eppendorf de départ;
- vortexer et laisser incuber les tubes Eppendorf à température ambiante ;
- centrifuger 30 min à 14 000 rpm ;
- pipetter délicatement pour enlever le maximum de surnageant ;
- rincer le culot avec 250 µl d’éthanol 70 % et centrifuger 30 min à 14 000 rpm ;
- pipetter délicatement pour enlever le maximum de surnageant ;
- sécher le culot à l’air libre;
- reprendre le culot avec 25 µl de tampon TSR (« Template Suppression Reagent ») ;
- bouillir les tubes Eppendorf à 120 °C pendant 4 min ;
- incuber les tubes Eppendorf dans un bac à glace 2 à 3 min ;
- vortexer puis faire un « speed down » pour récupérer la totalité des séquences au fond des tubes Eppendorf;
- transférer délicatement le contenu des tubes Eppendorf dans des tubes spéciaux pour séquenceur ;
- introduire les tubes dans le séquenceur.
Analyse des séquences
96Les séquences monocaténaires obtenues dans les deux sens 5’→3’ et 3’→5’ sont corrigées à l’aide d’un logiciel (ex. : Sequence Navigator) sur la base d’une interprétation des électrophorégrammes (fig. 18). Elles sont ensuite assemblées (séquences front et reverse) à l’aide d’un logiciel (ex. : AutoAssembler) pour obtenir une séquence consensus (Parker, 1997). L’identification du champignon dont l’ADN a été séquencé se fait par comparaison de sa séquence consensus avec des séquences de champignons répertoriées dans les bases de données internationales (Altschul et al., 1990). Cette recherche de similarité dite par Blast peut aussi se faire dans des bases de données développées localement par certains laboratoires. On peut ainsi identifier la composante fongique d’une ECM en comparant sa séquence avec celles de sporophores morphologiquement identifiés.
97Pour construire un arbre phylogénétique, les séquences consensus peuvent être alignées avec d’autres séquences de référence à l’aide d’un logiciel (ex. : Clustal x) (Thompson et al., 1997). Cet alignement peut être optimisé avec d’autres logiciels (ex. : Gendoc, BioEdit) (Nicholas et al., 1997). L’arbre phylogénétique peut alors être construit à l’aide de Clustal x et visualisé avec un logiciel (ex. : Paup) (Swofford, 2001).
98Il faut noter qu’il existe d’autres techniques de séquençage très performantes pour des études à l’échelle du génome ou avec un très grand nombre d’échantillons. Le pyroséquençage, par exemple, permet d’effectuer un séquençage rapide et à moindre coût que le séquençage classique qui est présenté ici. Il ne nécessite pas de clonage et permet une lecture directe de la séquence obtenue. C’est une technique prometteuse pour révéler l’abondance et la richesse des communautés de champignons ectomycorhiziens dans des sols forestiers (Buée et al., 2009).
SYNTHÈSE MYCORHIZIENNE
99Outre les méthodes moléculaires d’identification décrites précédemment, on peut s’assurer du statut ectomycorhizien des souches fongiques en reconstituant en laboratoire la symbiose avec la plante hôte. Les tests de synthèse axénique et de synthèse non axénique permettent de déterminer des souches compatibles avec la plante hôte, d’analyser le développement de l’ECM et d’étudier le métabolisme symbiotique.
100Les premiers dispositifs de synthèse avaient pour principal objectif de rechercher un substrat adéquat à l’établissement de la symbiose ectomycorhizienne. Melin (1921) a mis au point un dispositif de synthèse en Erlenmeyer contenant du sable stérile pour les résineux. Hacskaylo (1953) a utilisé de la vermiculite à la place du sable pour améliorer l’aération et la capacité de rétention du substrat. Plus tard, Marx et Zak (1965) ont montré qu’un mélange adéquat de tourbe et de vermiculite (v/v, 1:4) permettait de stabiliser le pH optimal du substrat à 5,5 pour la croissance des champignons ectomycorhiziens. Le délai de colonisation ectomycorhizienne dépend de la réceptivité des racines des plantes hôtes et de la vitesse de croissance des souches fongiques. Les racines de feuillus (ex. : eucalyptus, Afzelia) sont colonisées plus rapidement que celles de résineux (ex. : pin des Caraïbes) (Bâ, 1990). Les délais de colonisation ont été raccourcis grâce à des dispositifs de synthèse (ex. : paper-sandwich technique) plus adéquats qui permettent de suivre l’établissement de la symbiose et d’obtenir des ECM d’état physiologique comparable (Fortin et al., 1980 ; Chilvers et al., 1986 ; Kottke et Oberwinkler, 1987). Toutefois, le choix du dispositif de synthèse est conditionné par la taille de la plante étudiée (Bâ et Thoen, 1990 ; Bâ et al., 1994 b). Des techniques de synthèse seront décrites en prenant comme exemples des plantes tropicales à petites graines (ex. : eucalyptus, acacias australiens, Melaleuca leucodendron) et à grosses graines (ex. : Afzelia africana).
Synthèse axénique
101Il s’agit de reconstituer artificiellement la symbiose ectomycorhizienne entre les deux partenaires cultivés dans un récipient approprié (ex. : tube, boîte de Petri, Erlenmeyer) en laboratoire. Cela suppose la maîtrise de la germination des graines et de la production à petite échelle d’inoculum fongique dans des conditions stériles.
Germination des graines
102Les légumineuses possèdent en général des graines avec un tégument relativement épais (ex. : 1 à 2 mm chez A. africana). Des traitements appropriés (ex. : H2SO4 à 95 %, eau bouillante) sont souvent nécessaires pour lever la dormance d’origine tégumentaire. Par exemple, les graines d’Afzelia africana requièrent un traitement avec de l’acide sulfurique (H2SO4 à 95 %) pendant 2 à 3 h sous une hotte aspirante, suivi d’un rinçage abondant avec de l’eau distillée stérile, pour obtenir une germination homogène et stérile, sur de l’eau gélosée à 0,8 %, au bout de 4 à 5 jours d’incubation à 30 °C (Bâ et Thoen, 1990). À titre indicatif, différents traitements sont proposés pour obtenir des graines prégermées stériles de quelques légumineuses ectotrophes (tabl. XI).
Tableau XI. Traitements des graines d’arbres ectotrophes avec de l’acide sulfurique à 95 % ou de l’hypochlorite de calcium à 1 ou 20 %
Espèces ligneuses | Acide sulfurique à 95 % (min) | Espèces ligneuses | Acide sulfurique à 95 % (min) |
Acacia auriculiformis | 60 | Acacia mangium | 60 |
Acacia holosericea | 60 | Pinus caribaea | 1-2 |
Afzelia africana | 120 | Brachystegia speciformis | 1-2 |
Afzelia quanzensis | 120 | Uapaca somon | 5 |
Afzelia bella | 120 | Cryptosepalum tetraphyllum | 5 |
Anthonotha macrophylla | 120 | Paramacrolobium coeruleum | 120 |
Tableau XI (suite)
Espèces ligneuses | Hypochlorite de calcium 20 % (min) | Espèces ligneuses | Hypochlorite de calcium 20 % (min) |
Casuarina spp. | 60 | Eucalyptus camaldulensis | 60 |
Melaleuca leucodendron | 60 | ||
Espèces ligneuses | Hypochlorite de calcium à 1 % (min) | Espèces ligneuses | Hypochlorite de calcium à 1 % (min) |
Isoberlinia doka | 10 (après trempage pendant 24 h dans l’eau distillée) | Isoberlinia dalziellii | 10 (après trempage pendant 24 h dans l’eau distillée) |
Synthèse en tube
103Les synthèses sont réalisées en tube de verre (25 x 250 mm) dans un mélange de vermiculite et de tourbe (4:1, v/v) (fig. 19 et 20). Les tubes sont obturés avec un carré de papier aluminium maintenu contre la paroi par un ruban adhésif puis stérilisés à sec à 120 °C pendant 20 min. On peut utiliser différents types d’inoculum parmi lesquels des implants mycéliens, une suspension mycélienne, de l’inoculum tourbe/vermiculite et des billes d’alginate (Bâ et Thoen, 1990 ; Duponnois et Garbaye, 1991 b). À titre d’exemples, deux types d’inoculum fongique sont présentés, l’un sous la forme d’implants mycéliens, l’autre sous la forme de suspension mycélienne.
Inoculation par des implants mycéliens
104L’inoculation a lieu au moment du repiquage des semis prégermés. Quatre implants mycéliens sont déposés à la surface du substrat et chaque tube reçoit 30 ml de solution nutritive MNM. Les tubes sont obturés à nouveau avec des carrés de papier aluminium stérile. Une perforation du diamètre de la radicule permet d’introduire les semis jusqu’au collet dont le pourtour est enduit avec de la vaseline stérile pour éviter les contaminations. Pour permettre la levée des semis, les cotylédons sont recouverts de trois couches de papier humidifié, et maintenus en atmosphère saturée d’humidité pendant 3 à 4 jours en chambre de culture (intensité lumineuse 107 µEm-2s-1 ; photopériode 16 h ; hygrométrie 80 % jour, 60 % nuit ; température 28 °C jour, 18 °C nuit). Les semis sont ensuite débarrassés du papier humidifié et arrosés une fois par semaine avec de l’eau distillée stérile injectée à l’aide d’une seringue. La perforation occasionnée par l’aiguille de la seringue est obturée par un carré de ruban adhésif. Les ECM sont observées à travers le tube 15 jours après inoculation.
Inoculation par une suspension mycélienne
105L’inoculation est réalisée sur des plants âgés de 15 à 20 jours en tube. L’inoculum est une suspension mycélienne préparée à partir d’implants mycéliens ensemencés dans des fioles de 250 ml contenant 100 ml de MMN liquide stérile. Les fioles sont déposées sur une table d’agitation à la température de 30 °C et à l’obscurité. Au bout de 7 à 15 jours, selon la souche, les cultures mycéliennes obtenues sont rincées sous la hotte avec de l’eau distillée stérile. Elles sont broyées dans 20 ml d’eau distillée stérile à l’aide d’un broyeur Ultraturax (type TP 18/10) pendant 10-15 s. Une suspension mycélienne de 5 ml est injectée dans les tubes qui sont ensuite placés en chambre de culture. Les ECM sont observées à travers le tube 4 à 5 jours après inoculation. La suspension mycélienne permet une meilleure dissémination de l’inoculum dans le substrat, ce qui réduit les délais de colonisation de 15 à 5 jours par rapport aux implants mycéliens. Cependant, il est à noter que la production d’inoculum liquide n’est possible qu’avec certains champignons (ex. : Scleroderma, Thelephora) mais pas avec d’autres (ex. : Pisolithus) qui produisent des pigments bruns (composés phénoliques) inhibiteurs de croissance en milieu liquide.
Synthèse en boîte de Petri
106Dans le dispositif de synthèse en boîte de Petri stérile (120 mm de diamètre), les parties aériennes des plantes sont maintenues entièrement ou en partie à l’intérieur des boîtes (Chilvers et al., 1986 ; Wong et al., 1989). Dans le premier cas (technique du paper sandwich), les graines prégermées sont déposées aseptiquement sur le milieu Shemanakova (modifié par Chilvers et al., 1986) recouvert d’un disque de papier absorbant (Whatman n° 1) stérile (fig. 21). La radicule est recouverte d’un demidisque de papier absorbant humidifié avec de l’eau distillée stérile pour éviter son dessèchement. Les boîtes de Petri sont ensuite scellées avec du ruban adhésif afin de permettre les échanges gazeux (CO2 et O2), pour aérer le mycélium et la plante. Elles sont disposées en chambre de culture, les unes sur les autres en position inclinée à 45° afin que les racines colonisent le milieu en surface. Parallèlement, neuf implants mycéliens sont déposés sur un carré (4 x 4 cm) de papier carton absorbant dit « active carbon paper » (Rund filter MN 728) imprégné du milieu MNM solide, et cultivés pendant 15 jours à 30 °C et à l’obscurité (fig. 21). Les cartons recouverts de mycélium sont appliqués contre le système racinaire de la plante hôte. Les boîtes sont scellées et déposées de nouveau en chambre de culture. Le carton est enlevé pour observer les ECM au bout d’une semaine après inoculation des eucalyptus et des acacias avec des souches de Pisolithus (fig. 22) (Chilvers et al., 1986 ; Bâ et al., 1994 a). Un autre dispositif en boîte de Petri, qui présente l’avantage de ne pas être destructible au cours de l’observation, consiste à synthétiser des ECM en déposant la radicule des graines prégermées sur un tapis mycélien en croissance sur un milieu gélosé à 0,8 % additionné de glucose à 0,01 % (Burgess et al., 1994 ; Brundrett et al., 1996 a). Ce dispositif de synthèse convient aux plantes à petites graines (ex. : eucalyptus, acacias australiens).
107Dans le deuxième cas, des boîtes de Petri sont remplies par un substrat de culture stérile qui peut être du sol, du sable de silice (0,5 à 1,2 mm) préalablement lavé avec de l’acide chlorhydrique 6N puis rincé avec de l’eau déminéralisée, ou un mélange de tourbe et de vermiculite. Le sol est arrosé avec de l’eau distillée stérile, alors que les substrats neutres sont arrosés avec une solution minérale de Shemakanova. Une perforation de la paroi latérale de la boîte, du diamètre de la radicule, permet d’introduire les semis jusqu’au collet autour duquel on enduit de la vaseline stérile pour maintenir la stérilité. Les boîtes sont ensuite scellées avec un ruban adhésif et disposées de manière inclinée comme dans le paragraphe précédent. L’inoculum (ex. : implants mycéliens, suspension mycélienne) est appliqué sur les premières racines courtes. Cette méthode non destructible permet d’obtenir des ECM en quelques jours.
Synthèse non axénique
108La reconstitution de la symbiose ectomycorhizienne ne requiert pas nécessairement un environnement stérile permanent. L’expérimentateur doit néanmoins s’assurer de la stérilité des graines prégermées, de l’inoculum et du substrat de culture lors de la confrontation des deux partenaires. Les dispositifs de synthèse proposés ci-après, non complètement étanches, sont mis en place en chambre de culture.
Synthèse en minirhizotron
109La méthode de synthèse en minirhizotron combine plusieurs techniques décrites dans la littérature (Riedacker, 1974 ; Littke et al., 1980 ; Chilvers et al., 1986). Le minirhizotron est un conteneur transparent en polystyrène (20 x 8 x 2,5 cm) ouvrable sur une face. Il est coupé à une de ses extrémités pour placer la plante et percé à l’extrémité opposée pour drainer les eaux d’arrosage. Il est rempli par un mélange de vermiculite et de tourbe (4:1, v/v) stérile, arrosé avec de l’eau courante ou avec une solution nutritive Shemakanova modifiée. Les minirhizotrons sont ensuite refermés et prêts à l’emploi (fig. 23, p. II du cahier couleurs). Des semis prégermés sont repiqués sur le substrat de culture et les minirhizotrons sont ensuite arrangés les uns sur les autres en position inclinée (45°) de telle sorte que les racines colonisent la face ouvrable du minirhizotron. L’inoculum, sous la forme d’implants mycéliens, de suspension mycélienne, de suspension de spores ou de carton recouvert de mycélium, est appliqué contre les racines. Les ECM d’Afzelia apparaissent 4 à 5 jours après inoculation avec un carton recouvert de mycélium. Le dispositif en minirhizotron est recommandé pour cribler rapidement un grand nombre de souches fongiques sur des plantes à grosses graines comme A. africana.
Synthèse en sachet plastique
110La méthode de synthèse, en sachet plastique, ou growth pouch technique selon la terminologie anglo-saxonne, a été décrite par Fortin et al. (1980) (fig. 19). Le sachet plastique contenant une feuille de papier absorbant, est fourni par la société Scientific Products aux États-Unis. Un tube en verre (2 x 200 mm) stérile est introduit dans le sachet pour permettre l’arrosage. Un volume de 15 ml de solution nutritive Shemanakova modifiée est injecté dans le sachet à l’aide d’une seringue stérile. Seule la radicule du semis est introduite dans le sachet, la partie caulinaire étant à l’air libre. Des trombones maintiennent les semis à l’extrémité du sachet et limitent l’évaporation et les contaminations. Les sachets sont ensuite suspendus en chambre de culture. À ce stade, les racines latérales se développent dans un dispositif qui n’est pas complètement étanche. Parallèlement, des implants mycéliens sont déposés sur des racines en croissance sur le papier absorbant. Les ECM d’Afzelia sont observées à travers le sachet 5 à 12 jours après inoculation (Bâ et al., 1994 b).
Observation de la structure et de l’ultrastructure des ectomycorhizes
111Pour des observations courantes en microscopie photonique, des coupes transversales sont effectuées à main levée sur des fragments d’ECM (1 à 2 mm) enfermés entre deux lames de moelle de sureau. Avec un peu de dextérité et à l’aide d’une loupe binoculaire, on réalise une dizaine de coupes avec une fine lame de rasoir de manière à pouvoir isoler une coupe relativement fine (5 à 20 µm d’épaisseur) pour observer le manteau fongique et le réseau de Hartig. Les coupes sont récupérées avec un pinceau et déposées dans un petit tamis trempé dans de l’eau courante. Les coupes sont ensuite éclaircies à l’hypochlorite de sodium à 29 % (on peut aussi utiliser de l’eau de javel du commerce à diluer) pendant 2 à 3 min, rincées 4 fois à l’eau courante et 2 fois à l’acide acétique à 1 % (pour éliminer les traces d’eau de javel) avant d’être colorées au rouge Congo glycériné 0,5 % pendant 5 min. Les coupes sont prélevées avec un pinceau fin, déposées entre lame et lamelle et observées au microscope optique.
112Pour des observations plus détaillées, les ECM sont traitées selon les techniques de la microscopie électronique à transmission. Les produits utilisés étant cancérigènes, toutes les manipulations (fixation, déshydratation et inclusion) sont réalisées dans une hotte aspirante.
Fixation
113Les ECM sont débitées en petits fragments de quelques millimètres dans une goutte de fixateur (ex. : glutaraldéhyde à 2,5 % dans un tampon phosphate ou cacodylate 0,1 M pH 7,2). Après plusieurs dégazages avec une pompe à vide, les objets sont fixés pendant 8 h à la température de la glace fondante. Ils sont ensuite rincés toute une nuit à froid dans le tampon phosphate avant d’être post-fixés pendant 1 h par le tétroxyde d’osmium à 2 % dans le même tampon.
Déshydratation et inclusion
114Après la post-fixation, les objets sont rincés plusieurs fois au tampon phosphate puis à l’eau distillée avant d’être déshydratés par de l’acétone ou de l’alcool en concentrations croissantes (10 %, 20 %, 40 %, 60 %, 80 %, 95 % et 2 fois 100 %) par étapes successives d’une durée de 20 min. Les objets sont ensuite imprégnés pendant 24 h dans des mélanges d’acétone (ou d’alcool) et de spurr (3:1, 2:1, 1:1, 1:2 et 1:3) puis dans du spurr 100 % pendant 6 jours ou plus notamment pour les racines d’arbres riches en lignine. Le spurr 100 % est renouvelé une fois par jour et les objets imprégnés sont dégazés après chaque ajout de spurr. Après imprégnation, les objets sont inclus 2 jours dans du spurr 100 % à 70 °C.
Observation
115Des coupes semi-minces sont réalisées à l’aide d’un couteau de diamant sur un ultramicrotome, recueillies sur une lame de verre et collées par un léger chauffage. Elles sont ensuite colorées avec le bleu de toluidine à 1 % dans 2,5 % de Na2CO3 pH 11,6. Des coupes minces (60 à 80 nm) sont également réalisées dans les mêmes conditions, recueillies sur des grilles de cuivre rhodium (G300) sur la face rhodiée, puis contrastées pendant 20 min par l’acétate d’uranyle (Valentine, 1961) et 15 min par le citrate de plomb (Reynolds, 1963). Les coupes sont observées à l’aide d’un microscope électronique à transmission.
PRODUCTION D’INOCULUM ET INOCULATION
116On peut produire facilement à petite échelle de l’inoculum (ex. : implants mycéliens, suspension mycélienne, carton recouvert de mycélium) pour reconstituer la symbiose en laboratoire, mais pour des expériences en serre ou l’inoculation en routine des pépinières, la quantité d’inoculum fongique requise pour inoculer des plants est beaucoup plus importante. Deux types d’inoculums peuvent être utilisés : un inoculum naturel ou un inoculum biologiquement maîtrisé (mycorhization contrôlée). La désinfection des sols pour éliminer la microflore native et les éléments pouvant inhiber le développement des ECM en pépinière (ex. : fertilisant, fongicide) sont traités dans le chapitre 5 de cet ouvrage.
Inoculums naturels
117L’inoculum naturel est le moyen le plus simple et le moins coûteux pour réaliser une mycorhization contrôlée en pépinière (Garbaye, 1991). Il peut être réalisé sous la forme de sol et d’humus de vieilles plantations à ECM, de broyat de sporophore, de spores ou encore de racines excisées (fig. 24, p. II du cahier couleurs). Le sol renferme des propagules fongiques de conservation et de dissémination (ex. : spores, sclérotes, fragments de rhizomorphes, de cordons mycéliens ou de vieilles mycorhizes) qui permettent aux champignons ectomycorhiziens de se maintenir dans le sol et de réaliser leur cycle de développement en symbiose avec la plante hôte. L’inoculum naturel a été nécessaire lors de l’introduction des pins pour la première fois en Afrique tropicale.
118L’inoculation des pépinières avec des spores a été la pratique la plus courante en raison du nombre de spores disponibles chez des champignons comme Pisolithus spp., Scleroderma spp. ou Rhizopogon spp. qui fructifient abondamment en forêt et en plantation. Pisolithus spp. est un des exemples les plus marquants du fait de sa grande distribution dans le monde et de sa grande capacité à fructifier en saison des pluies (Marx, 1977 ; Delwaulle et al., 1987). Les spores sont faciles à récolter, à conserver et à utiliser sous forme viable, ce qui rend le coût d’application très faible. On incorpore dans le sol environ 0,5 à 1 g de spores/m2 de P. tinctorius pour obtenir des gains de croissance sur les pins (Marx et al., 1991). De plus, l’inoculation avec les spores est possible dans des régions très éloignées du lieu de récolte des sporophores et facile à réaliser sans compétences particulières. Dans la pratique, les racines peuvent être pralinées par une suspension de spores ou saupoudrées avec des spores sèches. Les graines peuvent être aussi enrobées de spores, juste avant le semis. Des inconvénients non négligeables, liés à la dormance des spores et au recyclage de pathogènes, sont à souligner. C’est pourquoi, l’utilisation de l’inoculum mycélien est recommandée.
Inoculums contrôlés
119La production de mycélium en culture pure peut être obtenue sur substrat solide ou en fermenteur avec ou sans inclusion dans un polymère. Outre les problèmes liés au développement du champignon dans des conditions artificielles (ex. : croissance lente, type de récipients), la viabilité du mycélium, sur substrat solide ou inclus dans un polymère, est assurée grâce à la protection qu’offrent les particules de vermiculite et les polymères après incorporation dans le sol. En effet, il est connu que les champignons ectomycorhiziens ont une activité saprophytique limitée et ne peuvent se multiplier qu’en symbiose avec la plante. Dans le sol inoculé, le développement du champignon se déroule en deux phases (Garbaye et Wilhem, 1985) :
- le mycélium va croître à partir d’une particule d’inoculum en utilisant ses propres réserves nutritives et/ou celles contenues dans le substrat, puis va coloniser un faible volume de sol grâce à son activité saprophytique limitée ; à ce stade, s’il ne rencontre pas une racine réceptive, les hyphes meurent.
- au contact des racines, le mycélium colonise le rhizoplan d’une racine courte réceptive pour donner naissance à une ectomycorhize; cette première mycorhize (infection primaire) donnera naissance à un réseau d’hyphes extramatricielles qui pourront ensuite coloniser d’autres racines courtes (infections secondaires).
120Durant le processus de colonisation des racines, la viabilité du mycélium dépend de la taille des particules de l’inoculum, de la biomasse fongique par particule, des réserves nutritives de l’inoculum et de la quantité d’inoculum mélangé au sol. Il est conseillé d’éliminer les réserves nutritives de l’inoculum avant utilisation pour éviter que des contaminants (ex. : champignons à croissance rapide) s’installent au détriment du symbiote fongique à croissance relativement lente. Nous présenterons deux procédés de fabrication d’inoculum les plus fréquemment utilisés.
Inoculum solide sur tourbe et vermiculite
121Le procédé a été décrit par Marx et Bryan (1975). Des bocaux (1,6 litre) ou des Erlenmeyer (2 litres) en verre sont remplis au 1/3 avec un mélange de tourbe et de vermiculite (1:4 ; v:v) et autoclavés (120 °C, 20 min) (fig. 25 A). Le substrat est ensuite humidifié à la capacité au champ par 600 ml d’un milieu nutritif MNM. Les bocaux sont ensuite fermés à l’aide de bouchons vissés et percés d’un trou de 1 cm de diamètre. Ce trou est obstrué par un morceau de coton cardé qui permet les échanges gazeux entre l’extérieur et l’intérieur des bocaux d’inoculum afin d’avoir une croissance fongique optimale. Les bocaux sont de nouveau stérilisés. Après refroidissement du substrat de culture, une dizaine d’implants fongiques issus de cultures en boîte de Petri sont introduits aseptiquement dans chaque bocal. Les bocaux sont ensuite placés dans une chambre de culture à une température de 30 °C, à l’obscurité jusqu’à la colonisation complète du substrat par le champignon. Ce type d’inoculum peut se conserver à 4 °C durant 3 à 6 mois selon la souche sans perte de viabilité. On peut également produire ce type d’inoculum dans des sachets plastiques de 5 à 10 litres contenant le substrat saturé et pourvu d’une face à membrane permettant des échanges gazeux tout en maintenant la stérilité du milieu (fig. 25 B) (Le Tacon et al., 1997). On apporte 5 à 10 % d’inoculum du volume de sol inoculé en serre et en pépinière (Marx et Bryan, 1975). L’inoculum est soit mélangé au sol dans une bétonnière, soit apporté au contact des racines au moment du semis.
Inoculum type bille d’alginate
Production de la biomasse fongique
122Le champignon est cultivé dans des Erlenmeyer ou dans un fermenteur pendant quelques mois dans le milieu nutritif MMN en fonction du volume de culture. Afin d’accélérer le développement du mycélium, le milieu de culture est agité en mettant l’Erlenmeyer sur une table d’agitation. La culture pure de mycélium ainsi obtenue est filtrée et rincée abondamment à l’eau déminéralisée. Le mycélium est ensuite fractionné avec un broyeur Waring-blendor. Cette culture sur milieu liquide est relativement difficile avec des espèces fongiques (ex. : Pisolithus) produisant dans le milieu des pigments polyphénoliques. Par contre, elle est très aisée pour des champignons appartenant aux genres Laccaria, Scleroderma et Thelephora.
Processus d’inclusion du mycélium dans l’alginate de sodium
123Cette méthode consiste à multiplier le mycélium en fermenteur sur milieu liquide puis à l’inclure dans un polymère (Le Tacon et al., 1997). Le polymère utilisé est l’alginate de sodium, extrait d’algues brunes, couramment utilisé dans l’industrie alimentaire (épaississant, gélifiant). Il se gélifie en présence de cations bivalents, comme Ca++, qui permettent la liaison entre les chaînes de molécules d’alginate par la formation de ponts carboxyliques. Un réseau tridimensionnel est ainsi constitué et les interstices formés renferment les hyphes mycéliennes (Dommergues et al., 1979 ; Le Tacon et al., 1984 ; Mauperin et al., 1987 ; Mortier et al., 1988).
124La composition de la solution d’alginate avant le processus de gélification est la suivante : 10 g/l d’alginate de sodium ; 25 g/l de tourbe broyée (0,4 mm) et 1 g/l en poids sec de mycélium broyé. La charge peut être organique (tourbe) ou minérale (argile gonflante de type bentonite). La tourbe doit être stérilisée avant son mélange avec l’alginate de sodium et le champignon pour éliminer les contaminants. La gélification est obtenue en faisant goutter cette suspension dans une solution de chlorure de calcium (100 g/l). La réticulation de la surface des gouttes est immédiate. Les billes sont laissées une nuit dans la solution de chlorure de calcium (fig. 26). Puis elles sont rincées avec de l’eau pour enlever toutes les traces de chlorure de calcium qui peuvent être toxiques pour le champignon. L’inoculum fongique à base d’alginate est peu encombrant et se conserve facilement au réfrigérateur. Il est apporté à raison de 100 ml par plant et mélangé au sol ou apporté au contact des racines. Dans les billes d’alginate, le mycélium est protégé et présente une activité métabolique intense (Le Tacon et al., 1997).
Supports culturaux pour la mycorhization contrôlée
125Les supports culturaux peuvent être des plaques de semi-bouturage ou de bouturage contenant 28 à 260 alvéoles par plaque. Ces plaques ne conviennent que pour des plantes ayant de petits systèmes racinaires (ex. : eucalyptus, acacias australiens). D’autres récipients plus élaborés comme les M containers (Riedecker, 1978) et les Spencer-Lemaire (Rootrainers, Spencer-Lemaire Industries Ltd, Edmonson, Alberta, Canada) permettent de visualiser l’évolution de la mycorhization sans détruire le système racinaire. Toutefois, ce matériel est coûteux et n’est utilisé que dans des conditions particulières (expériences en laboratoire). Dans les pépinières de production courante en zone tropicale, les plants sont couramment élevés dans des sachets en plastique.
CONCLUSION
126Les techniques de biologie moléculaire ont bouleversé les approches classiques de caractérisation et d’identification des sporophores et d’ECM. Les sporophores ont la particularité de présenter des phénotypes très variés pour des taxons proches, voire au sein d’une même espèce. En fonction de l’environnement (nature du substrat), une même espèce de champignon peut développer des morphologies différentes, ou à l’inverse des espèces différentes peuvent présenter des morphologies semblables. Des spécimens de champignons peuvent être nommés différemment par les mycologues alors qu’il s’agit souvent de la même espèce. L’identification des champignons ectomycorhiziens à partir des sporophores pose également des problèmes liés au caractère sporadique des fructifications, à la surestimation des épigés par rapport aux hypogés lors des inventaires, à l’absence de concordance entre l’abondance des sporophores et des ECM, etc. Les études sur la diversité morphologique des sporophores restent indispensables, ne serait-ce que pour nommer les champignons. Cependant, elles doivent être couplées avec l’analyse de la diversité des ECM pour avoir une image représentative de la diversité des communautés fongiques. La plupart des travaux sur la biologie et la génétique des populations de champignons sont maintenant basés sur l’analyse des sporophores et des ECM.
127Les méthodes d’isolement du mycélium et de synthèse mycorhizienne n’ont pas connu d’avancées majeures ces dix dernières années. Malgré tout, elles sont indispensables non seulement pour obtenir des souches fongiques pour reconstituer la symbiose et étudier son métabolisme, mais aussi pour la mycorhization contrôlée. Nous avons montré que pour les synthèses axéniques, la technique du paper sandwich convient parfaitement aux plantes à petites graines comme les eucalyptus, les acacias australiens, les pins, alors que les tubes sont plus appropriés pour les plantes à grosses graines comme A. africana. Pour les techniques de synthèse non axénique, le minirhizontron est adapté aux plantes à grosses graines et le sachet plastique aux plantes à petites graines.
128La production d’inoculum à grande échelle et à moindre coût reste une contrainte majeure pour le développement de la mycorhization contrôlée en milieu tropical. L’incorporation de spores dans l’eau d’arrosage est la méthode la plus pratique et la moins coûteuse pour des inoculations à grande échelle. Quelques exemples d’inoculums utilisés pour la mycorhization contrôlée en Afrique tropicale sont présentés dans le chapitre 5 de cet ouvrage.
Notes de bas de page
1 Le BET est un agent d’intercalation utilisé comme marqueur des acides nucléiques ; il devient fluorescent quand il est exposé aux rayonnements ultraviolets ; c’est un produit dangereux, qui possède un effet mutagène et peut être cancérigène, il doit donc être manipulé avec des gants sous une hotte aspirante ; pour obtenir du BET à 0,625 mg/ml, ajouter 312 µl de BET (10 mg/ml) dans 4,688 ml d’eau ultrapure stérile et conserver la solution à l’abri de la lumière et à la température de laboratoire.
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