Quels scénarios possibles d’insertion de la Nouvelle-Calédonie dans la dynamique internationale de la Convention des Nations unies pour le climat ?
p. 300-320
Texte intégral
1La Convention cadre des Nations unies sur le changement climatique (CCNUCC) constitue le cadre dans lequel toutes les actions concernant l’évolution du climat sont négociées au niveau international. La Nouvelle-Calédonie, tout comme les DOM et les COM, est actuellement, via la France, partie à cette Convention.
2Le protocole de Kyoto est un instrument sous la Convention. Son but est de réussir à réduire effectivement les émissions de GES de la planète de manière organisée et contraignante, tout en évitant que la production alimentaire soit menacée, et de manière à ce que le développement puisse se poursuivre de manière durable. Contrairement aux DOM, les COM et la Nouvelle-Calédonie ne sont pas soumis aux obligations de ce protocole.
3Le revenu par habitant place sans ambiguïté la Nouvelle-Calédonie dans le groupe des pays industrialisés ayant à montrer la voie dans la lutte contre le changement climatique. Par ailleurs, les émissions par habitant y sont supérieures à celles des habitants de la France métropolitaine et même des États-Unis. Le non-engagement de la Nouvelle-Calédonie pourrait donc attirer l’attention internationale, notamment celle des petits États insulaires (PEI ou Aosis) qui ont fortement œuvré pour que les instruments des Nations unies sur le climat, la Convention et le protocole voient le jour.
HISTORIQUE ET CONTEXTE DES NÉGOCIATIONS
Le rapport du Giec de 1990 et la mise en chantier de la Convention sur le climat
4Après le premier rapport du Giec de 1990, les Nations unies décidèrent de mettre en chantier, dès le début de 1991, la CCNUCC qui fut finalisée en mai 1992. Elle entre en vigueur en 1994 lorsqu’un nombre suffisant de pays l’eurent ratifiée par la voie parlementaire.
5Cette convention fixait à la fois un cadre et des principes, comme celui de l’article 3.1, « la responsabilité commune mais différenciée des pays [auxquels il appartient] d’être à l’avant-garde de la lutte contre le changement climatique ».
6Plusieurs types d’obligations étaient imposés aux pays industrialisés figurant à l’annexe I de la Convention : fournir régulièrement l’inventaire de leurs émissions de GES et préciser les actions qu’ils mènent pour réduire ces émissions, mais aussi aider les pays en développement (dits « non-annexe I ») à lutter contre le changement climatique ou à s’y adapter.
7Au sein des pays en développement, on a distingué différentes catégories de pays selon leur vulnérabilité au changement climatique et aux mesures de riposte, c’est-à-dire à la réduction des consommations de combustibles fossiles, pour limiter les changements climatiques. Une attention particulière était, par ailleurs, accordée aux pays les moins avancés.
8Toutefois, la Convention cadre ne fixait pas d’objectifs contraignants de réductions quantitatives des émissions de GES.
De la mise en chantier du protocole de Kyoto à son entrée en vigueur en 2005
9Conscients de l’insuffisance des objectifs et de l’absence de dispositions contraignantes, les pays partis à la Convention mirent ensuite en chantier le protocole de Kyoto, en 1995, sur la base du mandat de Berlin. Ce dernier précisait que seuls les pays développés devaient, dans un premier temps, prendre des engagements quantifiés de réductions. Il convenait d’aboutir, autour de 2010 (d’où la période 2008-2012), à des émissions inférieures au niveau de 1990. C’est sur cette base que l’on se mit d’accord sur le protocole de Kyoto, en décembre 1997.
10Avant de le ratifier, les pays de l’annexe I exigeaient de connaître les modalités selon lesquelles ils devraient respecter les engagements souscrits ; ce que le protocole ne précisait pas. D’où les longues négociations qui aboutirent, en 2001 seulement, aux accords de Bonn et de Marrakech.
11L’Union européenne, le Japon et la quasi-totalité des pays industrialisés de l’annexe I de la Convention l’ont alors ratifié, à l’exception notable des États-Unis dont le Congrès s’y opposait, tant que les pays susceptibles de concurrencer l’économie américaine – la Chine, l’Inde et le Brésil – ne prendraient pas eux-mêmes des engagements de réduction de leurs émissions. Il fallut donc attendre que la Russie le ratifie à son tour pour que le protocole puisse enfin entrer en vigueur, le 16 février 2005.
12L’Australie, comme très souvent dans les négociations internationales sur le climat, a suivi les États-Unis, mais a décidé ensuite, en 2007, de revenir sur sa décision.
La période post 2012, les nouveaux constats du Giec et la déclaration du G8 à Hokkaido, en 2008
13Entre-temps, les travaux des scientifiques, notamment les rapports du Giec de 2001 et 2007, ont permis de mieux cerner la question climatique. Selon des travaux présentés à Copenhague en mars 2009, le niveau moyen des mers pourrait, avec le rythme actuel des émissions, s’élever d’un mètre d’ici à 2100 et se poursuivrait au-delà.
14Les scientifiques estiment maintenant que pour stabiliser le climat et éviter toute dérive incontrôlable, il faudrait, d’ici à 2050, diviser par deux les émissions mondiales actuelles ! En 2050, le climat serait alors plus chaud qu’aujourd’hui d’environ 2 °C (cf. « Les émissions et les réductions de gaz à effet de serre en Nouvelle-Calédonie », p. 193). C’est sur la base des résultats les plus récents des travaux du Giec que les chefs d’États présents au sommet du G8, à Hokkaido en juillet 2008, ont adopté l’objectif, non pas de stabilisation des émissions, mais de stabilisation du climat. Ce qui implique une division par deux des émissions, d’ici à 2050 et, entre 2012 et 2020, des réductions bien plus fortes que celles envisagées précédemment sous le protocole de Kyoto. Ces engagements seraient à prendre en décembre 2009 et/ou après, toujours dans le cadre de la Convention cadre sur le changement climatique, avec un protocole de Kyoto amendé ou un nouveau protocole (de Copenhague, par exemple) qui pourrait reprendre une grande partie des obligations et modalités d’application du protocole de Kyoto.
Principales dates relatives aux actions concernant le changement climatique
1979 Première conférence mondiale sur le climat à Genève et deuxième choc pétrolier.
1985 et 1987 Réunion à Villach, en Autriche, organisée par le Programme des Nations unies sur l’environnement (PNUE), l’Organisation mondiale de la météorologie (OMM) et le Conseil international pour la science (ICSU) recommandant de développer des recherches sur l’effet de serre.
1988 Décision de mise en place du Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) sous l’égide des Nations unies, en particulier de l’OMM et du PNUE.
1990 Remise du premier rapport du Giec alertant sur les risques climatiques résultant des émissions de GES d’origine anthropique. L’Assemblée générale des Nations unies décide de la mise en place du Comité intergouvernemental de négociation (CIN) pour élaborer une Convention cadre sur le changement climatique.
1991 Mise en place du CIN.
1992 En mai, approbation par les délégués des gouvernements de la Convention cadre sur le changement climatique. En juin, présentation de celle-ci à la Conférence des Nations unies sur le développement et l’environnement se tenant à Rio.
1994 Entrée en vigueur de la Convention, après ratification par les parlements d’un nombre suffisant d’États membres des Nations unies.
1995 Première Conférence à Berlin des parties (CdP) à la Convention. Adoption du mandat de Berlin pour la mise en chantier d’un protocole avec des réductions d’émissions contraignantes.
1997 3e CdP aboutissant au protocole de Kyoto.
1998 4e CdP : mandat de Buenos-Aires prévoyant d’aboutir à la mise en place de règles d’application du protocole.
2000 Rapport spécial du Giec sur « L’utilisation des terres, les changements d’utilisation des terres et les forêts ». 6e CdP à La Haye : échec des négociations sur les règles d’application du protocole.
2001 7e CdP : accords de Bonn et de Marrakech relatifs aux règles d’application du protocole. Troisième rapport du Giec indiquant que pour stabiliser le climat il faudrait diviser les émissions mondiales de GES par 2 d’ici à 2050.
2005 Entrée en vigueur de ce protocole après ratification par les parlements d’un nombre suffisant d’États membres des Nations unies. CdP de Montréal précisant encore des règles d’application du protocole pour la première période d’engagement (2008-2012) et début des négociations pour la période post 2012. Revirement des petits États insulaires quant à la prise en compte des boisements et des déboisements.
2006 CdP de Nairobi.
2007 Quatrième rapport du Giec confirmant la nécessité de réduire très fortement les émissions de GES pour stabiliser le climat et éviter des évolutions incontrôlables. CdP et mandat de Bali.
2008 Le G8 réuni à Hokkaido adopte l’objectif de division par 2, d’ici à 2050, des émissions mondiales de GES. CdP de Poznan, en Pologne. L’Union européenne s’engage à réduire ses émissions de GES de 20 % par rapport à 1990 et jusqu’à 30 % en cas d’accord international.
2009 CdP de Copenhague en décembre, au cours de laquelle les engagements de limitation et de réduction des émissions des pays des Nations unies pour la période 2012-2020 devront être finalisés.
15Depuis 2009, le président des États-Unis fait montre de la volonté que son pays prenne sa place dans la lutte contre le changement climatique dans la période post 2012. Dans quelle mesure et sur quelles bases des pays comme la Chine, le Brésil et l’Inde accepteront-ils de prendre des engagements de limitations de leurs propres émissions ?
16Yvo de Boer, le secrétaire de la Convention des Nations unies, avait souligné, à Pozna’n, en décembre 2008 : « que l’accord de Copenhague en décembre 2009 ne serait pas détaillé. L’essentiel, estimait-il, est d’avoir de la clarté sur les engagements [de réduction des émissions de GES], sur le financement et sur les institutions (…), pour que ensuite il n’y ait plus de négociations sur les points fondamentaux ». Il pourrait donc y avoir, après la réunion de Copenhague, des négociations sur les détails, c’est-à-dire sur les modalités d’applications. D’aucuns pensent même qu’un accord ne pourrait intervenir qu’après 2009.
Les négociations
17Les séances de négociations relatives à la Convention ont commencé début 1991, puis abouti à la version finale, en mai 1992, à New York, après quatre réunions d’une quinzaine de jours chacune. Tous les accords des Nations unies sont obtenus par consensus. Il devient ensuite assez difficile de les renégocier, même si parfois cela peut se justifier. C’est pourquoi il faut être présent, non seulement aux séances de négociations officielles, mais aussi dans les groupes de contact des négociations où s’élaborent les différentes propositions sur la base des intérêts des groupes de pays.
18Ce sont ces groupes de pays qui négocient au préalable des positions communes qu’ils défendent ensuite, en désignant un porte-parole pour les groupes de contact où s’élaborent les textes. Les ministres chargés de l’Environnement des pays Parties à la Convention ou au protocole prennent en général le relais des négociateurs à la fin des CdP qui se tiennent en général en fin d’année. C’est seulement en cas de litige que les propositions des groupes de contacts sont ensuite soumises en séance plénière, puis éventuellement transmises au segment ministériel. Toutes ces négociations ont lieu en anglais. Le processus peut paraître assez laborieux, mais reste incontournable.
19Si les Nations unies ne reconnaissent que les États, ceux-ci peuvent en revanche composer leur délégation comme ils l’entendent. La francophonie organise par ailleurs régulièrement des sessions d’information et publie un bulletin, Objectif Terres, relatant les négociations.
Les groupes de négociation
Les groupes de négociation des pays figurant à l’annexe I
Le groupe de l’Union européenne à 15 au moment des négociations de Kyoto comprend maintenant 27 membres.
Le JUSSCANZ, composé initialement de l’Australie, du Canada, du Japon, de la Norvège, de la Nouvelle-Zélande et de la Suisse, s’est par la suite subdivisé en groupe « parapluie » (États-Unis, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, Japon) et en groupe de « l’intégrité environnementale » (Suisse, Corée du Sud et quelques autres pays).
Le Canada, adhérent au protocole de Kyoto, et les États-Unis, actuellement non adhérents, ont des intérêts quelque peu divergents, mais il est possible que leurs intérêts se rapprochent de nouveau d’ici à 2012.
La création d’un groupe d’îles des pays développés (dont l’Islande) pourrait sans doute être possible le moment venu.
Les groupes de négociation des pays ne figurant pas à l’annexe I : le G77 et la Chine
Le groupe du G77 et de la Chine comprend l’ensemble des pays en développement, c’est-à-dire quelque 140 pays. Au sein de cet ensemble, on trouve des groupes ayant des intérêts divergents et même parfois totalement opposés :
■ le groupe des pays de l’Opep et celui des PEID (petits États insulaire en développement) ;
■ le Grulac qui comprend les pays de l’Amérique centrale et du Sud, à l’exception du Brésil et du Mexique ;
■ le groupe des pays africains ;
■ le groupe des PMA ;
■ le groupe des pays asiatiques.
Il y a aussi des groupes non officiels, comme celui des pays émergents (Chine, Inde, Brésil, parfois Afrique du Sud). De nouvelles coalitions peuvent évidemment encore apparaître.
LA CONVENTION CADRE SUR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE ET LES OBLIGATIONS DES PAYS L’AYANT RATIFIÉE
20Rappelons tout d’abord l’objectif de cette Convention : « L’objectif ultime de la présente Convention, et de tous les instruments juridiques connexes que la Conférence des parties pourrait adopter, est de stabiliser, conformément aux dispositions pertinentes de la Convention, les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique. Il conviendra d’atteindre ce niveau dans un délai suffisant pour que les écosystèmes puissent s’adapter naturellement aux changements climatiques, que la production alimentaire ne soit pas menacée, et que le développement économique puisse se poursuivre de manière durable. »
21On distingue deux grandes catégories de pays avec un sous-ensemble pour les pays en développement :
- les pays riches figurant à l’annexe I de la Convention (et en général à l’annexe B du protocole de Kyoto) ;
- les Pays en développement (PED) ne figurant pas à l’annexe I.
22Les obligations minimales des pays sont indiquées dans l’encadré.
Principales obligations des pays de l’annexe I sous la Convention
■ L’inventaire national des émissions de GES (article 4a)
Ces inventaires par pays sont demandés aux pays de l’annexe I et aux PED. Ils doivent être réalisés selon les règles décrites dans les guides méthodologiques des inventaires du Giec et suivant les formats décidés par la Convention.
Les émissions sont d’abord exprimées en poids pour chacun des gaz, puis converties en équivalent CO2 en tenant compte des potentiels de réchauffement global (PRG) de chacun des gaz, pour un horizon de 100 ans. Elles sont ensuite ventilées suivant diverses catégories (énergie, industrie, solvants, agriculture, changements d’affectation des terres et foresterie, déchets et autres, le cas échéant).
Ces inventaires peuvent faire l’objet d’audits, comprenant des membres de pays de l’annexe I et de pays ne figurant pas dans cette annexe. Ils servent à calculer les émissions et, donc, les réductions que devront réaliser les pays.
Seules les émissions ayant lieu sur le territoire du pays considéré sont comptabilisées (les émissions des produits et services importés ou exportés ne sont pas prises en compte).
En France c’est le Citepa qui réalise ces inventaires pour le compte du ministère, mais c’est le gouvernement qui est responsable de la transmission des inventaires aux Nations unies, sous le format requis.
■ Les communications nationales (article 4.1b)
Elles doivent être établies périodiquement suivant les décisions et les formats retenus par les CdP. Les pays en développement, comme la Chine, l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud ont, comme les pays de l’annexe, à réaliser des inventaires et des communications nationales, mais moins fréquemment. Les pays les moins avancés, très peu émetteurs de gaz à effet de serre par habitant, peuvent se contenter de réaliser des programmes nationaux d’adaptation aux changements climatiques (Pana).
■ Communications diverses
Tout au long des négociations, divers avis, informations aux Parties de l’annexe I et justificatifs d’actions peuvent être requis. Par exemple, envers les pays non annexe I, sur les transferts de technologies, l’aide aux pays en développement les plus vulnérables et aux pays les moins avancés.
■ Autres engagements des pays de l’annexe I
Les pays de l’annexe I remplissent en partie leurs obligations vis-à-vis des PED, via le Fonds mondial pour l’environnement (FEM) (financements de formations pour des pays en développement, notamment pour la réalisation des inventaires, des communications nationales, des plans nationaux d’adaptation aux changements climatiques, etc.).
23Actuellement, la Nouvelle-Calédonie, partie à la Convention via la France, a les obligations des pays de l’annexe I sous la Convention, mais n’a besoin de fournir ni d’inventaires spécifiques de ses émissions (celles-ci figurent dans la communication de la France à la rubrique des émissions de la France métropolitaine, des TOM, des COM et de la Nouvelle-Calédonie) ni de communications nationales spécifiques. C’est le gouvernement français qui est responsable des éléments transmis ou à transmettre aux Nations unies.
LE PROTOCOLE DE KYOTO ET LES OBLIGATIONS DES PAYS L’AYANT RATIFIÉ
L’intérêt du protocole de Kyoto et les lenteurs de sa ratification
24Pour que le protocole de Kyoto puisse entrer en vigueur, il fallait qu’au moins 55 pays Parties à la Convention le ratifient, et que les émissions des pays figurant à l’annexe I représentent au moins 55 % du volume total des émissions de dioxyde de carbone de l’ensemble des Parties visées à cette annexe. En l’absence de ratification des États-Unis, ces modalités rendaient l’entrée en vigueur du protocole extrêmement difficile. C’est en définitive la ratification de la Russie qui a permis de débloquer la situation et de franchir les seuils requis pour l’entrée en vigueur effective du protocole, en 2005.
Les engagements de réduction des émissions sous le protocole de Kyoto, entre 1990 et 2010
Les pays industrialisés se sont engagés à réduire leurs émissions annuelles de 5,5 % en moyenne par rapport à 1990.
■ Répartition mondiale
-8 % pour l’Union européenne ; -7 % pour les États-Unis ; -6 % pour le Japon, le Canada et la Pologne ; 0 % pour la Nouvelle-Zélande, la Fédération de Russie et l’Ukraine ; +1 % pour la Norvège ; +8 % pour l’Australie ; +10 % pour l’Islande1.
Répartition des objectifs de réduction des émissions au sein de l’Union européenne
-28 % pour l’Allemagne et le Danemark ; -13 % pour l’Autriche ; -12,5 % pour la Grande-Bretagne ; -7,5 % pour la Belgique ; -6,5 % pour l’Italie ; -6 % pour les Pays-Bas ; 0 % pour la France et la Finlande ; +4 % pour la Suède ; +13 % pour l’Irlande ; +15 % pour l’Espagne ; +25 % pour la Grèce ; +27 % pour le Portugal.
Il faut aussi noter que les pays de l’Union européenne à 15 sont solidairement responsables vis-à-vis des Nations unies de la diminution de 8 % de leurs émissions par rapport à 1990. Les pays entrés récemment dans l’Union européenne n’ont pas bénéficié du partage de ce fardeau. C’est ainsi que la Pologne doit réduire ses émissions de 6 % alors que le Portugal peut les augmenter de 27 %.
25Dans le cadre du protocole de Kyoto, l’ensemble des pays de l’annexe I devait s’acheminer vers des réductions d’émissions par rapport à 1990. Ces engagements ont été toutefois modulés pour tenir compte des situations particulières des divers pays, y compris d’un petit pays comme l’Islande.
26Ces précisions montrent combien d’efforts sont nécessaires à l’élaboration d’un accord international, surtout quand celui-ci est contraignant et concerne le développement économique, comme c’est le cas pour le protocole de Kyoto : chaque gouvernement cherche alors à préserver ses intérêts.
Comment furent déterminés les niveaux de limitation et de réduction des émissions des divers pays ?
27Il n’y a pas de document officiel justifiant du partage du fardeau climatique. On peut tout de même risquer quelques explications :
- Comme la croissance démographique des États-Unis est plus forte que celle de l’Union européenne, une différence de réduction des émissions de 1 % entre ces deux entités peut se comprendre.
- La Norvège utilisant beaucoup d’hydroélectricité, il était difficile d’y réduire les émissions dans le secteur de l’énergie, on l’autorisa donc à augmenter ses émissions de 1 %.
- L’Union européenne à 15 avait pris collectivement l’engagement de réduire ses émissions de 8 % par rapport à 1990, mais on avait par ailleurs également envisagé un partage du fardeau en son sein. Ainsi la Suède, la Finlande et la France, dont la part d’énergie nucléaire et d’hydro-électricité est forte dans les productions d’électricité, furent-elles autorisées à maintenir leurs émissions au niveau de 1990. Quant aux pays ayant récemment adhéré à l’Union (le Portugal, l’Espagne, l’Irlande et la Grèce), ils furent en revanche autorisés à augmenter leurs émissions. L’Allemagne s’engagea à réduire ses émissions bien au-delà de 8 %. Cet effort paraissait réaliste compte tenu des économies d’énergies réalisables notamment dans l’ex-Allemagne de l’Est.
- L’Australie demanda, dès avant les négociations de Kyoto, à ce que les émissions dues aux changements d’utilisations des terres et à la foresterie soient prises en compte, dans son cas, pour le calcul des engagements chiffrés. C’était en effet le seul pays de l’annexe I dont les émissions avaient augmenté depuis 1990 à cause des changements d’utilisation des terres.
28Les réductions d’émissions demandées aux pays industrialisés sous le protocole de Kyoto étaient très faibles (- 5 % en moyenne d’ici à 2012 par rapport à 1990). On se contenta donc de partir des inventaires des émissions de GES que les pays étaient obligés de fournir aux Nations unies, mais sans tenir compte des émissions dues aux changements d’utilisation des terres et à la foresterie (sauf pour l’Australie). On pouvait ainsi, sur la base des inventaires fournis par les pays, réellement contrôler les engagements de réduction des émissions de GES que les pays s’étaient engagés à réaliser. C’était évidemment une cote mal taillée, mais acceptable pour la plupart de pays, moyennant quelques ajustements. Pour l’Islande, il fallut en revanche une négociation spécifique.
29Comment aurait-on pu faire autrement ? L’idéal aurait été de pouvoir déterminer précisément les émissions moyennes de GES par habitant pour chaque pays, comme on a tenté de le faire avec la formule de Kaya2 utilisée pour les scénarios d’émissions du Giec, ou comme on pourrait le faire avec la formule Kaya-Riedacker3 quand on prend également en compte les émissions résultant des changements d’utilisation des terres. Il aurait fallu, dans ce cas, pouvoir déterminer, par pays, les émissions résultant des importations de produits et de services, et défalquer celles attribuables aux exportations, mais on n’avait pas les données pour le faire.
La solution islandaise
30Quelle solution a-t-on trouvé pour l’Islande ? Tout d’abord, on l’a autorisée à augmenter ses émissions de 10 % par rapport à 1990 : c’est le plus fort taux d’augmentation affiché pour les pays de l’annexe B, quand on considère l’Union européenne de manière globale. Mais cela n’était pas suffisant, d’où la décision 14 CP7, retenue dans les accords de Bonn et de Marrakech, qui définit, pour la première période d’engagement et pour des pays dont les émissions représentent moins de 0,05 % des émissions des pays industrialisés en 1990 et figurant à l’annexe I (§2a), des projets industriels isolés ou des extensions d’activités industrielles entrées en service après 1990.
31Lorsque les émissions des activités industrielles isolées de ces pays dépassent 5 % du total des émissions du pays en 1990 (ce qui serait aussi le cas si la Nouvelle-Calédonie figurait à l’annexe B), celles-ci doivent être présentées séparément et ne pas figurer dans le total national des émissions inventoriées de la Partie, dans la mesure où elles conduiraient à un dépassement du niveau des émissions autorisées (plus de 10 % d’augmentation par rapport à 1990 dans le cas de l’Islande).
32Il faut également que l’on utilise des énergies renouvelables pour réduire les émissions par unité de produits obtenus dans ces sites industriels, et que l’on recoure aux meilleures pratiques environnementales et aux meilleures technologies pour réduire les émissions des procès industriels. Il faut enfin que les émissions concernant ces sites restent inférieures, en moyenne, durant la première période d’engagement, à 1,6 million de tonnes de CO2 par an. Ces émissions sont alors exclues du champ du marché de droits d’émissions, dont les modalités de fonctionnement sont définies par l’article 17 du protocole.
Comment les pays peuvent-ils s’organiser pour respecter les limitations ou les réductions d’émissions auxquelles ils se sont engagés sous le protocole de Kyoto ?
33C’est aux États de respecter leurs engagements et de décider des politiques à mettre en place. Ils peuvent ainsi décider d’adopter des mesures spécifiques (taxes, subventions, avantages fiscaux divers, règlements, etc.), à condition que cela ne s’oppose pas aux règlements internationaux en vigueur, notamment à ceux agréés dans le cadre de l’OMC ou, pour les États membres, à ceux de l’Union européenne.
34La création de nouvelles taxes est toujours impopulaire. C’est le cas pour les « taxes carbone domestiques », sauf quand celles-ci sont fiscalement neutres et qu’on arrive à l’expliquer correctement au grand public. Très récemment, un parti ayant fait campagne dans ce sens vient de gagner les élections dans l’état de Colombie britannique, au Canada.
35Il existe aussi la possibilité de prendre en compte, de manière facultative pour la première période d’engagement, l’article 3.4 du protocole relatif à des comptabilités spécifiques des variations de stocks de carbone, c’est-à-dire dans l’espace rural (forêts, prairies, etc.). En outre, ce dispositif est également complété par la possibilité d’utiliser les trois mécanismes de flexibilité retenus sous le protocole de Kyoto, c’est-à-dire la mise en place d’un marché des droits d’émissions, la réalisation de projets dans le cadre des Mécanismes de développement propre (MDP) et la mise en œuvre conjointe de projets entre des pays de l’annexe I, sous réserve que ceux-ci aient, non seulement, signé mais aussi ratifié le protocole de Kyoto.
La prise en compte des forêts et des changements d’utilisation des terres sous le protocole (les articles 3.3 et 3.4)
36L’Union européenne et le groupe de pays des petites îles (Aosis) étaient fortement opposés à la prise en compte des « puits » (augmentations des stocks de carbone dans la végétation), du moins pour la première période d’engagement (2008-2012). Tandis que le Japon, les États-Unis, le Canada et les pays producteurs de pétrole, voulaient qu’on prenne en compte toutes les émissions et réductions d’émissions, donc y compris celles attribuables à la gestion des forêts et aux changements d’affectations des terres dans les pays industrialisés.
37D’où les deux articles 3.3 et 3.4, sans lesquels l’accord de Kyoto n’aurait jamais pu être obtenu. Dans la pratique, les comptabilités retenues pour la prise en compte de l’article 3.4 sous le protocole de Kyoto sont très compliquées et parfois dissuasives. Pour une information plus précise concernant ces deux articles relatifs aux variations de stocks de carbone dans la végétation, se reporter à la partie « Les émissions et les réductions d’émissions de gaz à effet de serre en Nouvelle-Calédonie ») de la synthèse (p. 193) et, dans le CD-ROM annexé, « Les variations de stocks de carbone dans la végétation » et « L’insertion internationale de la Nouvelle-Calédonie ».
Le marché des droits d’émissions (MDE)
38Ce mécanisme, autorisé sous l’article 17 du protocole, doit permettre de réduire les émissions de GES au coût le plus bas possible. En principe, il suffit que les pays imposent une réduction d’émissions, par exemple de 10 %, à toutes leurs entreprises. Celles dont les coûts de réduction des émissions sont bas (les entreprises du type A) peuvent décider de réaliser des investissements et ainsi se mettre en conformité avec les demandes de l’État. Celles dont les coûts de réduction des émissions sont en revanche élevés (les entreprises du type B) peuvent décider de ne pas réaliser des investissements et acheter des droits d’émissions sur un marché qui est alimenté par des réductions d’émissions excédentaires réalisées à moindre coût par des entreprises du type A, et dans certaines limites sous le MDP.
39Quand tout se passe bien, l’État aura ainsi obtenu les réductions d’émissions voulues que les entreprises auront réalisées au coût le plus bas. Ce mécanisme permet également une certaine flexibilité : imaginons qu’une amélioration de procès (par exemple, l’achat d’une nouvelle chaudière plus performante) soit prévue dans une entreprise de type B, mais seulement dans quelques années. En attendant, cette entreprise pourra acheter des droits d’émissions sur le marché des droits d’émissions. Lorsqu’elle réalisera cet investissement, elle pourra vendre les droits d’émissions dont elle n’aura pas besoin pour son propre compte ou les conserver temporairement.
La conformité des réductions d’émission
40Pour que le système fonctionne bien il faut pouvoir contrôler les émissions des entreprises. C’est pourquoi on n’a retenu dans un premier temps que les émissions de CO2 provenant des combustibles fossiles des grandes entreprises fortement consommatrices d’énergie. Ces dernières doivent, notamment en France et depuis le premier choc pétrolier, déclarer précisément leurs achats d’énergies fossiles. On connaît donc leurs achats passés et actuels : c’est ce qui permet de calculer leurs rejets d’émissions de gaz carbonique d’origine fossile.
41Il faut en outre que le non-respect des obligations de réductions soit assorti de fortes sanctions et il faut, enfin, vérifier que les réductions d’émissions des vendeurs, mises sur le MDE, aient été réalisées correctement car, sinon, on obtiendrait des fausses réductions d’émissions, en quelque sorte de la « fausse monnaie ». C’est pourquoi les droits d’émissions vendus sur le MDE portent une référence permettant d’identifier l’origine des réductions d’émissions et d’appliquer, le cas échéant, des sanctions, notamment l’interdiction ultérieure d’accéder au MDE. On comprend donc que ce système, idéal sur le plan des principes, ne soit pas applicable aux petites entreprises dont on ne connaît pas les consommations d’énergies et dont on ne pourrait de toute façon pas vérifier les réductions d’émissions. Il est donc exclu de l’appliquer, pour le moment et sans doute pour longtemps, dans les secteurs diffus comme les transports et l’habitat.
L’égalité de traitement
42Il faut aussi que les États imposent des réductions d’émissions suffisantes à leurs entreprises. Pour préserver la compétitivité de certains secteurs, un État pourrait être tenté d’imposer des niveaux de réductions plus faibles. Pour éviter de telles distorsions, un arbitrage est nécessaire, par exemple au niveau de la commission dans le cas de l’Union européenne. C’est pourquoi les États membres doivent envoyer à Bruxelles les projets des réductions d’émissions qu’ils comptent imposer à leurs entreprises – le PNAQ – et ne peuvent les mettre en œuvre qu’après un arbitrage européen final.
43Comment déterminer le niveau de réductions des émissions à imposer ? Ce point est sans doute l’un des plus délicats. Quand le prix des combustibles fossiles est élevé, les entreprises ont naturellement intérêt à augmenter l’efficacité énergétique, ce qui, à production inchangée, conduit à des réductions d’émissions de CO2. Il en est de même quand l’activité économique se ralentit, comme durant la crise de 2009. En fin de compte, les marchés de droits d’émissions ne jouent pleinement leur rôle que lorsque l’activité économique augmente, quand les prix des énergies fossiles baissent et quand le niveau des réductions d’émissions, imposé par les États à leurs entreprises, est suffisamment élevé.
L’attribution des droits d’émission
44Jusqu’à présent, les droits d’émissions (par exemple, jusqu’à 90 % quand la réduction imposée est de 10 %) sont donnés gratuitement sur la base des émissions passées (grand-fathering). Ce qui rend difficile l’accès de nouveaux entrants.
La mise sur le marché des réductions d’émission provenant des variations de stocks de carbone dans l’espace rural
45Lors des accords de Marrakech, on a décidé que les réductions d’émissions provenant des variations de stocks de carbone dans la végétation et dans les sols des pays de l’annexe B ne pourraient pas être mises sur le marché des droits d’émission. Si l’on tient compte des difficultés pour mesurer et vérifier précisément ces variations de stocks, cette décision est parfaitement justifiée.
La mise sur le marché européen de droits d’émissions (MDE) provenant de projets sous le mécanisme de développement propre dans les pays en développement
46Les réductions d’émissions obtenues à travers les projets MDP dans les pays en développement peuvent être mises en vente sur le marché des droits d’émissions, mais dans la limite de 2,5 % des unités de quantité attribuées à chaque pays4. On craignait en effet que les projets MDP réduisent les efforts de réductions des émissions dans les pays de l’annexe B.
47En principe, les réductions d’émissions temporaires provenant de projets forestiers dans les pays en développement pourraient être mises sur les marchés des droits d’émissions dans une certaine limite. Les accords de Bonn et de Marrakech ne s’y opposent pas, mais l’Union européenne n’a pas souhaité accueillir ce type de réductions d’émissions sur son marché.
Les actions de réduction des émissions sous le mécanisme de développement propre (article 12)
48Primitivement, les pays en développement avaient demandé, par la voix du Brésil, la mise en place d’un fonds de développement propre pour des actions vertueuses en faveur du climat dans leurs pays. Cela aurait sans doute conduit à de fortes dépenses de la part des pays industrialisés de l’annexe B. Par ailleurs, la Chine souhaitait profiter d’un mécanisme pour promouvoir des transferts de technologies. C’est ainsi que se mit en place un MDP.
49Via ce mécanisme, une entreprise d’un pays de l’annexe B peut réaliser des réductions d’émissions dans un pays non-annexe I en règle avec ses engagements sous la Convention. En principe, ces réductions d’émissions sont réalisées dans un autre pays, parce que l’entreprise espère pouvoir les obtenir à des coûts moindres. Mais, pour acquérir des Certificats de réductions des émissions (CER), il faut pouvoir prouver que celles-ci n’auraient pas été réalisées sans le projet. Il y a donc, pour les grands projets MDP, à la fois une contrainte environnementale et une contrainte économique. Faire la preuve de l’additionalité économique n’est cependant pas toujours facile. Il faut également l’accord des gouvernements des pays concernés.
50À ce stade, plus d’un millier de projets de ce type ont été approuvés, essentiellement pour la Chine, l’Inde, le Brésil et l’Asie du Sud-Est, mais très peu pour les pays de l’Afrique subsaharienne. Cela tient en grande partie au fait que les financements doivent être d’origine privée (on ne peut pas utiliser l’aide publique au développement) ; or, les investissements étrangers directs en Afrique subsaharienne et dans les PMA sont très faibles.
51Dans l’article 12 du protocole de Kyoto, il n’a pas été fait mention de la possibilité de réduire les émissions via des projets forestiers dans les pays en développement. Seuls des projets de boisement de terres agricoles, effectués après 2000, sont devenus finalement éligibles. Encore faut-il pouvoir montrer que ces boisements n’induisent pas des déboisements ailleurs, dans le même pays. Seuls quelques rares projets sont en voie d’approbation et les CER attribués sont, dans ce cas, temporaires.
Les actions de réduction des émissions dans le cadre d’une mise en œuvre conjointe entre deux pays de l’annexe B ayant des engagements de réduction de leurs émissions (article 6)
52Le principe est le même que pour les projets sous le mécanisme de développement propre. Les réductions d’émissions ne peuvent cependant être comptabilisées qu’entre 2008 et 2012, et non à partir de 2000, comme pour les projets MDP. Cependant, comme les deux pays concernés ont ici des engagements de réductions d’émissions, contrôlés par ailleurs sous le protocole, le contrôle des réductions d’émissions au niveau des projets n’a pas besoin d’être aussi rigoureux que pour les projets MDP. Si l’article 6 autorise très explicitement la réalisation de mise en œuvre conjointe de projets forestiers, dans la pratique cela reste cependant très difficile, notamment à cause de la complexité des articles 3.3 et 3.4.
LES PERSPECTIVES D’ÉVOLUTION POST 2012
53En juin 2009, on ignore encore quelles seront précisément les modifications apportées au protocole de Kyoto en décembre 2009 et après, mais c’est actuellement que se discutent les trajectoires de développement à suivre par les divers pays, d’abord d’ici à 2020 puis au-delà, afin de stabiliser le climat d’ici à 2050.
54Au moment de la mise en chantier du protocole de Kyoto, on ignorait encore qu’il faudrait à cette fin diviser les émissions mondiales par deux en moins de cinquante ans. Cela requiert une mobilisation beaucoup plus importante que ce qui est déjà engagé, principalement dans les pays industrialisés et dans les pays en développement à croissance rapide, comme la Chine, l’Inde et le Brésil, ou dans les pays de l’OCDE ne figurant pas encore sur l’annexe I, comme la Corée du Sud et le Mexique.
55Bien que les émissions brutes dues aux déboisements dans les pays en développement représentent entre 15 et 20 % des émissions de GES provenant des énergies fossiles, les petits États insulaires, tout comme l’Union européenne, s’étaient fortement opposés à leur prise en compte lors de la première période d’engagement sous le protocole. Pour l’Union européenne, cette position peut se comprendre puisque, avant 2012, seuls les pays développés avaient à prendre des engagements de réduction de leurs émissions. Or, l’Union européenne considérait, même en 1997, que chaque pays de l’annexe B devait réduire les émissions chez lui, sans même recourir aux mécanismes de flexibilité de Kyoto. Ce sont surtout les émissions provenant des énergies fossiles qui sont importantes dans ces pays.
La prise en compte des forêts après 2012
56Mais, en 2005, lors de la conférence de Montréal, sous l’impulsion de la nouvelle présidence des États insulaires en développement, notamment de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, la situation a radicalement changé. On considère maintenant que les déboisements dans les pays non-annexe I doivent être fortement réduits, mais on ne connaît pas encore les mécanismes d’aide qui le permettront, ni combien cela coûtera aux pays industrialisés. On imagine difficilement que la tonne de CO2 évitée, via le déboisement, puisse être rémunérée comme la tonne de CO2 évitée ou réduite en provenance des énergies fossiles.
57Cette question a été largement débattue lors des conférences de Nairobi, en 2006, de Bali, en 2007 et de Poznan, en 2008. Elle constituera sans doute l’un des points les plus difficiles à résoudre lors de la conférence de Copenhague, en décembre 2009.
58Pourra-t-on rémunérer les émissions évitées par les déforestations évitées dans les pays en développement via le MDE ? Les avis sont partagés sur ce sujet et très peu de personnes savent combien il est difficile de mesurer précisément les variations de stocks de carbone en forêt. L’absence de possibilité de vérification sérieuse des réductions d’émissions pourrait conduire à la mise sur le marché de produits « toxiques ». C’est pourquoi certains pensent qu’il serait préférable d’arriver à réduire les émissions via des actions financées par d’autres voies – des prélèvements sur les rentrées que pourraient générer les ventes des droits d’émissions des MDE en 2012 ou des contributions spécifiques des pays de l’annexe I.
59On peut en revanche penser que les boisements sous le MDP pourront se poursuivre suivant la formule actuelle, mais avec une plus grande acceptabilité de ces projets sur les marchés des droits d’émissions, notamment au niveau de l’Union européenne.
Les marchés de droits d’émissions
60Pour la période post 2012, il y aura également des évolutions à prévoir sur les marchés des droits d’émissions, notamment au niveau de l’Union européenne, Celle-ci envisage alors de ne plus donner, mais de vendre la plupart des droits d’émissions aux enchères. Toute entreprise de taille suffisante et ayant de fortes émissions de CO2 pourrait ainsi en acquérir.
61L’Union européenne estime aussi que les divers marchés de droits d’émissions du monde resteront sans doute segmentés et qu’il ne sera pas possible, avant 2020, d’avoir un marché unique de droits d’émissions, pour les pays de l’OCDE.
62Lors de la conférence de Bali, ainsi que dans des ateliers de la CCNUCC, plusieurs pays ont mentionné la nécessité de traiter à part les secteurs industriels et miniers très intensifs en carbone, ce qui est le cas de la filière nickel. Certaines entreprises, soumises à la concurrence internationale et présentant des risques de délocalisation de leurs activités, pourraient cependant être partiellement exonérées, voire totalement, de l’obligation d’achat de tels droits d’émissions. D’ailleurs, des groupes d’industriels s’activent très fortement auprès de la commission de l’Union européenne dans ce sens. Tout cela montre combien il est important de suivre ce qui va se passer sur le marché des droits d’émissions en 2012, dans l’Union européenne et partout ailleurs dans le monde.
63D’ici à 2012, tout dépendra de l’évolution de la conjoncture économique et des leçons qu’on tirera de la mise en place d’un tel marché aux États-Unis ou en Amérique du Nord. Car, jusqu’ici, bien qu’ayant imposé ce MDE aux Européens, les États-Unis ne l’ont pas encore expérimenté à l’échelle de leur pays. Il y existe certes un marché de CO2, mais comme il n’y avait pas d’obligation de réduction des émissions, la valeur de la tonne de CO2 y était symbolique – dix à vingt fois moins chère que sur le marché européen !
64Il y a par ailleurs beaucoup de propositions pour utiliser les produits de la vente des droits d’émissions. Certains voudraient qu’une partie de la recette soit affectée à la mise en place de projets pilotes de séquestration géologique du CO2, notamment dans des pays en développement comme la Chine, l’Inde et l’Afrique du Sud. D’autres voudraient l’affecter aux projets de déboisements évités dans les pays de l’annexe I. Et bien d’autres utilisations sont encore envisageables…
Notes de bas de page
1 Avec des conditions particulières pour des pays comme l’Islande qui sont précisées plus loin.
2 Émissions totales de GES = Population * [PNB/habitant * consommation d’énergie fossile par unité de PNB * émission moyenne de GES par unité de produit fossile].
3 Émissions totales de GES = Population * [PNB/habitant * consommation d’énergie fossile par unité de PNB5 * émission moyenne de GES par unité de produit fossile + Utilisation des terres par habitant * Efficacité territoriale des bioproductions * émission moyenne de GES par unité de bioproduit].
4 Pour la France 2,5 % des 92 % d’émissions en 1990.
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