Singapour
Des politiques et des efforts de transition, d’ajustements… ou de façade ?
Singapore - Transitional, adjusting or facial policies and efforts?
p. 320-345
Résumé
In 2022, and despite a dramatic rise of executions in prisons, unexpected events supported the idea of possible changes (beyond the usual stereotypes) and, maybe, ultimately, of a hypothetical political transition (in opposition to the belief of a “defective” or “illiberal” democracy, in tune with the so-called “Asian values”). Besides efforts on the diplomatic scene to appear more mature and independent, the government proceeded through short and delicate strokes to be more flexible (e.g. vis-à-vis the use of Chinese dialects), more attentive to the underprivileged (via various vouchers and national conversations named “Forward Singapore”) and more open-minded (by deciding to decriminalise sexual relations between men). It also tried to build bridges between communities – or “races” according to the official documents. However, are these the signs of a first and prudent step before bigger moves – and a new Prime Minister, who should be Lawrence Wong? Or is it only a political façade?
Entrées d’index
Mots-clés : activisme, Chine, inflation, construction de la nation, parti d'action populaire, transition
Index géographique : Singapour
Keywords : activism, China, inflation, nation-building, people’s action party, transition
Texte intégral
1L’ombre de l’« homme à la hachette »1 – à savoir Lee Kuan Yew, père fondateur – planerait-elle de nouveau sur Singapour ? En 2022, l’État a tué : onze exécutions capitales entre mars et octobre, par pendaison et toujours selon le même rituel macabre – délais très courts qui empêchent les familles étrangères, souvent malaisiennes, de s’organiser ; derniers recours tard le soir, par visioconférence et sans avocat ; ce à quoi se sont ajoutés des doutes sur la santé psychique de certains condamnés. Les autorités ont aussi harcelé des activistes, comme en témoigne la journaliste indépendante Kirsten Han, interrogée, convoquée, visitée, chez elle et dans la rue, sans motif ni cadre juridique précis. L’État a également puni d’une amende puis emprisonné Jolovan Wham, coupable à ses yeux d’une manifestation – seul et de quelques secondes sur les marches des State Courts, le bâtiment abritant les juridictions suprêmes, le temps d’une photo avec un papier indiquant son soutien à deux journalistes poursuivis pour diffamation. Loin des condominiums et du Central Business District, Singapour ne brille ni par sa liberté académique – puisque classée à ce sujet, en 2022, 115e sur 177, entre l’Afghanistan et le Mali –, ni par sa sûreté (campagne publicitaire en fin d’année contre les loan sharks, gangs spécialisés dans les crédits à taux usuraires, causes d’endettements et de menaces), ni par sa propreté (perpétuelles annonces pour inciter les habitants à ne rien jeter de leurs fenêtres ou à bien viser les poubelles, qui d’ailleurs débordent souvent).
2Dépeint à charge et en ces termes, sans réaction d’une société civile dont on douterait de l’existence, Singapour semblerait ancrée parmi les « defective democracies » (démocraties défectueuses) de type « illibéral »2. Faut-il cependant sonner « la fin du paradigme de la transition » vers la démocratie ?3 La question prend d’autant plus d’importance dans un contexte de lutte mondiale sur le champ de bataille des normes. Singapour est précisément traversée par la ligne de front et tiraillée entre deux messianismes : d’une part, l’influence confucéo-chinoise, dans la lignée des « valeurs asiatiques »4 ; d’autre part, l’appareil normatif occidental à vocation universelle.
3Afin de répondre à cette double interrogation, à dimension locale (vers une démocratisation ou pas) et globale (sur l’universalisme du modèle démocratique ou pas), cette revue de l’année s’appuiera tout d’abord sur la confirmation de changements marquants car souvent inattendus, puis sur les différents types de réactions envisagés.
Les temps changent : la nécessité pour le gouvernement de se reconfigurer
4Loin des analyses passées sur l’image aussi rutilante que sécurisante de « Singapore Inc. »5, en contraste avec une région longtemps dépeinte comme chaotique (entre coups d’État ici ou démocratisations houleuses là), des faits récents ont sorti l’analyste singapourien de sa torpeur. Ce sentiment a été vite confirmé, non plus par des coups du sort mais par des décisions gouvernementales tout aussi inédites.
Une autre Singapour
5Où est passée la Singapour d’antan ? En 2022, l’effritement de mythes ou le déboulonnage d’icônes se sont matérialisés. Symboles du consumérisme local et lieux iconiques de la cité-État, les malls (centres commerciaux) semblent mal vieillir. Autour de la seule station de métro de Jurong East, zone destinée à devenir le second quartier des affaires, trois centres commerciaux ont été construits et deux autres complètement rénovés, en moins de quatre ans (2010-2013). Aujourd’hui, l’un a dû fermer par manque de rentabilité et un autre, dédié pourtant au commerce de luxe, a vu ses plafonds se craqueler dangereusement. De même, les habitants de Clementi, non loin, ont assisté à un glissement de terrain dans une zone très densément construite, près d’une rivière. Autre phénomène inattendu, cette fois-ci au sein de la société : la population n’a pas paru très solidaire dans le deuil royal qui a frappé le Royaume-Uni. À cet égard, un article de CNN a fait l’objet de railleries sur les réseaux sociaux : y ont été moqués des clichés véhiculés mais aujourd’hui dépassés, tel le lien indéfectible avec la famille Windsor, dans un relent de post-colonialisme mal assumé. Enfin, même le soutien au gouvernement peine à retrouver des scores suffisants pour éviter tout débat6. Au moment de solder la pandémie avec la levée des dernières mesures, il n’était estimé dans un sondage qu’à six Singapouriens sur dix, ce qui est très bien dans l’absolu mais qui renvoie ici aussi aux pires scores du People’s Action Party (PAP), le parti au pouvoir depuis 1959 – soit 60,97 % en 1991, 60,14 % en 2011 et 61,23 % en 2020, lors du dernier scrutin7. Aussi le gouvernement doit-il apprendre à « s’occuper des désagréments », pour reprendre le titre d’un ouvrage ayant rassemblé en 2022 plusieurs intellectuels singapouriens8.
6Cette ambiance propice à la remise en cause se confirme au regard, non plus des événements et tendances subis ou constatés, mais des décisions prises par le gouvernement.
Pragmatisme gouvernemental
7Aujourd’hui confronté à des infrastructures, une sécurité et une société qui se fissurent, le gouvernement n’hésite plus guère à attaquer de front quelques tabous. C’est ainsi qu’il a dû sortir de sa zone de confort et des habitudes prises pour, par exemple, mettre fin au classement scolaire, source de pression sur les familles, lors des examens au terme des trois premières années d’études primaires. Néanmoins, le PSLE (Primary School Leaving Examination) – sorte de certificat d’études en fin de primaire, qui décide ensuite du collège – demeure un événement majeur dans la scolarité, plus que le A-level (équivalent du baccalauréat).
8Autre monument qui vacille : plusieurs salons de massage dans le mall d’Orchard Towers, haut lieu de la prostitution-qui-ne-dit-pas-son-nom, vont perdre leur licence. Dans le même ordre d’idées, l’inconcevable s’est produit quand le flux de poulets – aussi vitaux que l’eau – s’est tari depuis la Malaisie. Contraint, le gouvernement s’est tourné vers Batam en Indonésie afin de répondre à la demande locale, ce qui aurait été inenvisageable quelques mois plus tôt9. Dans un tout autre domaine, la « fine city »10, d’habitude si punitive et qui pratique encore le caning (coups de bâton comme châtiment corporel), multiplie les initiatives pour offrir une seconde chance aux prisonniers, via le programme Yellow Ribons largement promu en ville. Enfin, 50 années après la directive nationale qui visait à limiter le nombre d’enfants à deux par famille (« stop at two »), Singapour s’inquiète de son taux de fertilité. Il est revenu à 1,12 : au-dessus de 1,10 l’année précédente mais encore moins de 1,15 deux ans plus tôt – ou des 1,82 et 1,83 en 1980 et 1990 ; parallèlement, la population totale (citoyens, résidents permanents et étrangers) est elle aussi remontée à 5,637 millions d’habitants : certes, plus qu’en 2021 mais toujours moins qu’en 2020. Il faut également dire que la part de célibataires chez les citoyens et résidents a continué de grimper en 2021 : à 45,7 % pour les hommes âgés de 30-35 ans, contre 21,5 % en 1970, et à 35,4 % pour les femmes dans la même tranche d’âge, contre 9,6 % 51 ans plus tôt11. Le gouvernement s’attaque à la stérilité pour répondre au défi démographique, en interpellant à présent les personnes touchées et en leur apportant des soins. Il accompagne enfin ces initiatives de mesures plus sonnantes et trébuchantes, en particulier pour faciliter l’accès au logement des jeunes familles.
9S’agit-il de mesures ponctuelles ou annonciatrices de changements plus profonds, déjà entre-aperçus ces dernières années ? Osons le recours à la grille de lecture française pour tenter d’y répondre, en observant les dynamiques liées aux libertés, à l’égalité ainsi qu’à la fraternité, trois dimensions de la vie sociale qui semblent au cœur d’une transition singapourienne encore tâtonnante. Ces distinctions permettent d’envisager une autre voie entre les approches ou priorités américaines et celles chinoises, sur le champ de bataille normatif déjà évoqué, par exemple entre communautarisme exacerbé ou marxisme confucéen. Mais cette allusion à la France permet également de souligner la bonne tenue des relations bilatérales. Par contraste avec d’autres pays de la région, la cité-État a accueilli deux ministres français en 2022 (Commerce extérieur et Défense), en plus de celui des Transports fin 2021 ; de plus, lors du Shangri-La Dialogue – le grand rendez-vous stratégique régional – la délégation française d’officiers généraux a compté parmi les plus importantes ; et la fin d’année a été marquée par la mission Pégase, à savoir le déploiement de trois Rafale ainsi que trois gros-porteurs (A330 et A400) depuis la métropole jusqu’à la base de Paya Lebar12.
10Dans cet esprit et s’agissant du glissement paradigmatique – donc, en creux, de la transition – que connaîtrait Singapour : qu’en est-il tout d’abord de l’idée de liberté au sein du micro-État ?
L’affichage diplomatique de l’idée de liberté
11Au niveau interne, la tectonique libérale demeure peu perceptible. Certes, Singapour a grimpé de 21 places au classement de la liberté de la presse 2022 : 139e. En réalité, cette progression serait essentiellement due à un changement de critères puisque, par exemple, nul journaliste n’a été éliminé à Singapour. Plus généralement, la méfiance demeure. Alors que le codétenteur des portefeuilles de la Justice et de l’Intérieur, Shanmugam, proposait de façon inédite un débat télévisé sur la peine de mort à Richard Branson, qui s’était ému de la situation à Singapour, le fondateur de Virgin a refusé par crainte du piège médiatique. Aussitôt, il a demandé que les activistes locaux, et non lui, puissent prendre la parole. Le ministre s’est finalement exprimé sans contradicteur officiel et averti sur ces sujets, servi par des journalistes non-spécialistes et sur un média numérique privé relayé par Youtube : Daily Ketchup. Enfin, des maladresses demeurent, comme la régulation du théâtre, mise en scène dans une nouvelle pièce – The Death of Singapore Theatre as Scripted By the Infocomm Media Development Authority of Singapore – ou l’interdiction du film #LookAtMe, à propos d’un pasteur et d’homosexualité, à cause de la « menace portée sur la communauté multireligieuse singapourienne ».
12Il n’empêche : la grande opération de consultations « Forward Singapore », lancée en 2022 par la 4G (quatrième génération de chefs de file) se distingue des précédentes manœuvres apparentées (en 2012, 2016 et 2020). La démarche semble plus sincère, sans travail balisé et afin de préparer au mieux le terrain au prochain Premier ministre, sur des thèmes plus ciblés qu’auparavant13.
13Malgré ce dernier effort, l’idée de « liberté » associée à Singapour fait davantage sens au niveau international. Sur le plan diplomatique, the Little Red Dot14 n’entend pas se laisser dicter sa conduite.
Renforcement du discours sur l’indépendance
14Singapour a eu l’occasion de confirmer et affiner son discours diplomatique, empreint de pragmatisme et fondé sur le non- (ou multi-) alignement, lointain héritier de la conférence de Bandung de 1955. Son statut de micro-État peut expliquer cette démarche, sachant que la recherche d’un seul tuteur stratégique est rendue impossible par sa structure politico-économique et sa composition ethnique, aux trois quarts chinoise. Certes, Singapour s’inscrit en faux face aux puissances dites révisionnistes, comme Pékin, à la recherche d’un Nouvel ordre mondial. Le Premier ministre a ainsi rappelé lors de l’Assemblée générale des Nations Unies qu’il ne s’appuyait que sur « l’actuel ordre mondial et [sur] les normes qui vont avec »15. Cependant, l’enquête annuelle du Pew Research Center auprès de 19 pays renforçait une tendance aperçue l’année précédente : en juin 2022, 69 % des Singapouriens (et non pas des seules élites16) faisaient confiance à Xi (contre 48 % à Biden) ; 67 % accordaient leur confiance à la Chine (contre 12 et 19 % respectivement au Japon et en Corée du Sud)17.
15Dans ce cadre, Singapour continue de tracer son sillon entre Chine et États-Unis en arguant effectivement de « valeurs » (tel le respect de la souveraineté territoriale) mais sans avoir à « choisir un camp ». L’Indo-Pacific Economic Framework (IPEF) a donné l’occasion à Singapour de repréciser sa posture. Cette initiative lancée en mai par Joe Biden rassemble 14 partenaires, dont Singapour. Très tôt, le Premier ministre a insisté : « la plupart des pays préféreraient ne pas avoir à choisir un camp entre États-Unis et Chine ». En écho, Simon Tay, directeur du Singapore Institute of International Affairs, s’est élevé contre les idées en vogue de friend-shoring (ou re-shoring), voire, pire, de limitations d’exportations ou autres formes de guerres commerciales, autour notamment des semi-conducteurs18.
16De même, dans la crise puis guerre d’Ukraine, il est à noter que l’État-hôte du deuxième plus grand port au monde pour les containers a pris des sanctions bancaires et portuaires contre la Russie dès fin février, de sa propre initiative et au-delà de la timide déclaration de l’ASEAN. Au moment de voter la résolution appelant à cesser l’intervention militaire, le pays a également rejoint les tenants du camp occidental plutôt que ceux, sceptiques et neutres, parmi les États du Sud. En revanche, lorsqu’il a fallu suspendre la Russie du Conseil des droits de l’Homme, Singapour s’est abstenue. Elle a ensuite rappelé qu’il n’était pas question de basculer d’un côté ou de l’autre. Fidèles à leur doctrine, les porte-parole de la doxa gouvernementale ont précisé qu’ils restaient guidés par « des principes », en l’occurrence fondés sur le respect des règles de droit19. Ainsi, le 15 novembre, Singapour a cette fois-ci voté en faveur d’une résolution appelant la Russie à payer les réparations – seul gouvernement avec Manille à l’avoir fait au sein de l’ASEAN. De vote en vote, les diplomates de Sherwood Road – le Quai d’Orsay singapourien – maintiennent donc leur propre cap, en toute indépendance.
Tests diplomatiques à venir
17S’agit-il de la même ambiguïté, moins diplomatique qu’économique, dans le cas birman ? Ou bien d’un vieux réflexe à ne pas révéler ? La position ferme de Singapour, dans les premiers mois de la crise, avait pu étonner mais confirmait le nouveau visage de sa diplomatie, plus mature et affirmée. Mais des articles ont récemment pointé du doigt l’accueil par la cité-État de fonds birmans, sachant que les relations entre les deux pays ont toujours été maintenues, même au temps des juntes20. Dans ce cas précis, le gouvernement ferait-il mieux de choisir, étant donné le consensus régional, voire international ? Ce dernier cas invite alors à considérer les prochains défis qui vont se dresser devant l’objectif d’une « troisième voie » singapourienne.
18À ce titre, le chercheur William Choong a de nouveau rappelé l’intenable posture de la cité-État en cas de crise à Taïwan21. En l’espèce, il lui faudra choisir22, d’où le regain d’intérêt, peu surprenant, pour cette question. Au lendemain de la visite de Nancy Pelosi à Taipei durant l’été, le gouvernement singapourien a souhaité que les deux grandes puissances considèrent les limites à ne pas franchir afin de ne pas provoquer une escalade fatale. Notons, par ailleurs, que c’est Taïwan qui remporte actuellement la partie menée avec Pékin sur le terrain singapourien en termes de soft power (chansons, séries télévisées, tourisme).
19Au-delà du discours, la crédibilité de cette posture repose en partie sur les forces armées. À ce sujet, Singapour confirme son statut de chef de file régional, avec le plus important budget de la défense dans l’ASEAN, soit 12,3 milliards $ US. De plus, les officiers s’efforcent de s’adapter aux nouveaux risques : ils ont ainsi mis en place une quatrième force dédiée aux questions numériques, dont la cybersécurité : le Digital and Intelligence Service.
20Ensuite, quitte à s’engager dans une « troisième voie », encore faut-il qu’elle mène quelque part. Or, l’intérêt pour l’Afrique se confirme, à croire ces publicités pour y faciliter les démarches commerciales. De même, Singapour poursuit son avancée dans le Pacifique. Les diplomates ont complété l’accord de libre-échange conclu en janvier avec l’Alliance Pacifique (Chili, Colombie, Mexique et Pérou) par des négociations avec, cette fois-ci, l’ensemble des pays du MERCOSUR (Marché du Sud, autour de l’Argentine, du Brésil, du Paraguay, de l’Uruguay et d’autres États associés).
21Enfin, le prochain chef de file de Singapour devra pouvoir assumer une telle position teintée d’indépendance diplomatique. Il semblerait que ce soit le cas, à en juger par la première sortie diplomatique de taille pour le prétendant au poste de Premier ministre, Lawrence Wong, aux États-Unis en avril. Il y a rencontré le conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche, la secrétaire au Commerce et notamment le Fonds monétaire international. À son retour, la presse s’est accordée pour lui attribuer ses galons diplomatiques23.
22Si la notion de liberté, au moins diplomatique, s’affirme de plus en plus, qu’en est-il de l’idée d’égalité, cette fois-ci à l’échelon domestique ?
Une égalité renforcée sur le plan socio-économique
23Les efforts du gouvernement, essentiellement depuis les dernières élections de 2020, paraissent indéniables pour accorder moins de privilèges, statuts ou passe-droits particuliers. Sur le front des défis économiques, néanmoins, les mesures prises se sont finalement révélées plus ou moins concluantes.
Efforts en cours sur le front de l’économie
24La situation économique singapourienne a semblé se détériorer dans les chiffres comme dans les esprits. À croire tout d’abord les indicateurs macro-économiques, la situation demeure fragile. Le pays a évité la récession grâce à un inattendu rebond au troisième trimestre. Toutefois, les prédictions de croissance pour 2022 sont passées de 3-5 % à 3,5 %24 et même à 0,5-2,5 % pour 2023 (contre 7,6 % en 2021)25. Quant à l’inflation, elle a été suivie de près par les habitants : environ 7,5 %26 en 2022 – chiffre record depuis 2008 (5,5 %). Ceux-ci ont vu les prix des produits de première nécessité tant augmenter que des programmes d’aide ont été mis en place, notamment pour continuer à fréquenter les foodcourts et hawker centres27 grâce à l’octroi de bons. Les prix de l’immobilier – locations et achats de propriétés privées – ont eux aussi considérablement augmenté, au point que le nouvel ambassadeur envoyé par Paris en a fait l’une de ses préoccupations dans son message de rentrée auprès de la communauté française28. Pour les Singapouriens qui bénéficient des logements du HDB (Habitation Development Board) par le biais de baux emphytéotiques, la hausse des coûts a pu être amortie par des aides de l’État.
25En dépit de ces efforts gouvernementaux, une ambiance morose dans la population, voire amère face au sort plus enviable de certains étrangers des classes aisées, s’est ajoutée aux indicateurs guère rassurants. En effet, l’arrivée de « talents étrangers » à compter de 2023 via l’Overseas Networks and Expertise Pass, pour les salaires mensuels supérieurs à 21 500 euros, a été accueillie avec aigreur29. C’est là l’un des dilemmes récurrents de Singapour : la nécessaire immigration économique, auprès des travailleurs très peu ou grandement qualifiés, sans altérer le vivre-ensemble. Dans ces conditions, il a été demandé au gouvernement de maintenir le rôle central du pôle financier singapourien, sans passer outre les préoccupations locales, ce qui relève de la gageure. Enfin, l’économie singapourienne pourrait subir les contrecoups de la guerre en Ukraine, avec les baisses des exportations.
26Néanmoins, la situation à Hong Kong servirait-elle de soupape à l’économie singapourienne ? Mainmise croissante de la République populaire de Chine depuis la loi de sécurité nationale du 30 juin 2020, contrôle des médias et politique du zéro-covid ont permis à Singapour de devenir le troisième centre financier mondial, et le premier en Asie, selon le Global Financial Centres Index (GFCI). D’autre part, l’autoritarisme hongkongais à visage découvert a provoqué un exode de femmes et hommes d’affaires vers l’« autoritarisme doux » de Singapour30. La Société Générale, JP Morgan, Bank of America, et même l’établissement hongkongais Citibank ont par exemple déplacé certains de leurs directeurs à Singapour.
27Au-delà des Hongkongais, près de quatre millions de visiteurs sont revenus en 2022 sur les bords de la Singapore River ou aux pieds de Marina Bay Sands. La relance du tourisme, coupée dans son élan par le covid, a pu reprendre, grâce à nombreux événements comme le Shangri-La Dialogue, de nouveau en présentiel, le Milken Institute Asia Summit, la Forbes Global CEO Conference et, également de retour, le Grand Prix de Formule 131. Afin de consolider ce regain d’activité, le gouvernement a décidé une augmentation de la TVA de 7 à 9 % en 2023 puis 2024, au prix d’âpres débats au parlement. Lawrence Wong, ministre des Finances, en plus d’endosser les habits du dauphin, a passé ce nouveau test en campant ferme sur ses positions, qu’il a néanmoins accompagnées de versements en liquide d’un montant total de 700 $ S, soit 492 €, à 2,5 millions de Singapouriens dans le but de compenser l’impact des mesures.
28Finalement, si l’écart demeure entre pauvres et riches, l’indice Gini après imposition (0,386 en 2021) s’est amélioré par rapport à 2012 (0,432)32. Dans cette lignée, la tendance vers une société plus homogène s’est manifestée de façon plus nette et évidente.
Des avancées – contrôlées ou pas – dans le champ sociétal
29Toujours présent pour souligner les lignes de force qui traversent la société singapourienne, le dramaturge Alfian Sa’at a axé son dernier spectacle sur la montée des eaux et ses répercussions à Singapour. Face à ce fléau, point de distinction de communautés ou de classes sociales comme souvent ici : tous les habitants se retrouvent au même niveau – des eaux33.
30Mais au-delà de cette actualité artistique, deux événements ont interpellé l’opinion publique singapourienne : l’un attendu, l’autre non. En premier lieu, l’article 377 du Code pénal qui criminalisait la relation homosexuelle entre hommes a été abrogé au terme de longues réflexions, plus ou moins cachées et en lien avec les dirigeants religieux. Au lendemain de l’annonce lors du discours annuel du Premier ministre Lee Hsien Loong le 21 août, l’évêque catholique – devenu cette année le premier cardinal singapourien34 – s’est montré le moins enthousiaste : était-ce délibéré ou pour permettre au gouvernement de justifier le maintien d’un cadre précis, en phase avec les valeurs qu’il souhaite afficher et défendre ? En effet, point de mesures radicales malgré cette initiative : s’il n’est plus question de poursuites en cas d’acte homosexuel, l’heure n’est pas pour autant à l’affichage de couples du même sexe dans les publicités ou manuels scolaires. Tant que possible, le discours conservateur demeure afin de ne pas se couper de la base électorale du PAP.
31Un second tabou s’est invité dans les colonnes des journaux. En l’espèce, le gouvernement n’y était pas préparé. Il a cependant dû faire face à la consommation de cannabis35 de la part de son seul champion olympique – le nageur Joseph Schooling, sacré en 2016 – ainsi que de deux de ses partenaires de l’équipe de natation. L’icône, symbole de la montée en puissance de Singapour, avait déjà été ébranlée aux Jeux olympiques de Tokyo en 2021, disqualifié dès les séries ; le voici à présent au plus bas. Qu’allait faire le gouvernement, qui avait pendu plus d’un mois plus tôt, en juillet, un Malais de 49 ans pour trafic de cannabis ? Finalement, les athlètes ont écopé d’une amende, pour éviter toute idée de passe-droit et par souci d’égalité de traitement. À travers cette affaire, la marijuana s’est immiscée dans le champ médiatique et le voile s’est levé sur une question ignorée ou reléguée aux marges extrêmes de la société36.
32Liberté et égalité peuvent être décidées ou canalisées par le gouvernement37. Il n’en va pas de même pour la fraternité qui ne se décrète pas. A priori, l’économie et les faits de société semblent avoir préparé le terrain au vivre-ensemble ; mais qu’en a-t-il été au niveau communautaire38 ?
Fraternité (« raciale » pour les uns, « ethnique » pour les autres)
33À en juger par les illustrations dans les jeux de memory distribués aux élèves lors de la fête nationale ou par les dessins sur les murs des écoles à cette même occasion, s’entendre sur une image iconique de la nation singapourienne relève du défi. Il s’agit la plupart du temps soit du symbole (souvent gastronomique) d’un seul groupe ethnique, soit d’un bâtiment moderne (parfois dessiné par des étrangers, comme les Marina Bay Sands par un Américano-israélo-canadien ou Gardens by the bay, le nouveau parc botanique, par des Britanniques). Néanmoins, les efforts se multiplient, quitte à ébrécher le système méticuleusement mis en place par Lee Kuan Yew. Pour s’en assurer, distinguons les initiatives transversales, interethniques, de celles au sein même de chacun de ces groupes : Chinois (74,3 % de la population), Malais (13,6 %), Indiens (8,9 %) et autres (3,2 %).
Un rapprochement transethnique assumé
34Fête nationale, fête de l’harmonie raciale (Harmony Day), fêtes religieuses, voire la fête des enfants (Children Day) dans certains cas : à chaque reprise, c’est en réalité l’occasion de souligner davantage les différences entre chaque groupe ethnique : chacun s’habille, mange ou danse en fonction de ses propres traditions. Néanmoins, des passerelles tentent d’être lancées. Entre autres exemples, on a vu en 2022 des publicités officielles sur les écrans installés dans les ascenseurs, promouvant une application gouvernementale dédiée à la traduction : Translate together app. Ce sujet avait déjà été évoqué dans le passé pour la télévision où il est quasiment impossible pour ceux non-concernés d’apprécier les programmes des diverses chaînes ethniques. Par ailleurs, une heure du temps total alloué à l’apprentissage de la langue maternelle au primaire est parfois consacrée à l’introduction d’une autre langue, les Malais étant par exemple invités à s’initier au mandarin afin de faciliter la compréhension mutuelle. Il faudra aussi surveiller l’évolution dans les termes employés : l’hypothèse serait celle d’une progressive substitution du terme officiel mais indélicat « race » pour celui plus acceptable de « culture ». Cet usage fut aperçu sur les murs d’une école présentant les activités de chaque « culture », au côté d’un panneau indiquant fièrement « one race, many people » (« Une race, toutes sortes de gens »). Là encore, le gouvernement est poussé dans ses contradictions puisqu’il continue d’indiquer les « races » de chacun sur les cartes d’identité (dans la littérature officielle singapourienne, la « race » correspond au principal groupe ethnique d’origine39). Enfin, refusant visiblement de nier l’évidence, le gouvernement a mis en place une campagne de publicité contre le racisme au travail, en particulier contre les discriminations à l’endroit des Indiens et Malais.
35Effacer les différences, c’est bien ; créer du liant, c’est mieux. Il se trouve que le singlish, dénominateur commun linguistique du peuple singapourien, paraît peu à peu réhabilité après avoir été banni. Rappelons le cas d’une chanson interdite en 1974 pour cause d’« anglais incorrect »40. Aujourd’hui, il paraît admis qu’interdire le singlish, comme au lendemain de la crise de 1997 pour mieux commercer avec le monde, relève de l’ineptie, d’autant plus que les études tendent à montrer qu’une pratique quotidienne du singlish ne nuit pas à un bon niveau en anglais. Le succès des vidéos de singlish achève de confirmer le regain d’intérêt pour cette pratique41. Un travail plus en profondeur a également été mené, en particulier par le think tank de la S. Rajaratnam School of International Studies (RSIS), pour encadrer, canaliser et accompagner la construction nationale en cours42. Parmi les derniers enseignements, le retour de l’esprit de village (kampung spirit) est notable depuis la crise du covid (voir l’Arrêt sur image, plus bas). De même, des publicités officielles essayent depuis d’entretenir la flamme pour améliorer la cohabitation : contre les nuisances sonores et nocturnes, à l’attention des plus âgés ou pour la promotion plus générale de la gentillesse (A Kinder you, A stronger us).
36En guise de synthèse, Lawrence Wong en personne a profité en août d’un discours remarqué sur les réseaux sociaux à l’Harmony Works Conference pour rappeler que l’« identité si unique de la petite cité-État insulaire [transcendait] l’ethnicité »43.
Poursuite des efforts au sein des groupes ethniques
37À l’échelle de chaque communauté, prise séparément, des efforts ont également été engagés. Après avoir battu en brèche l’idée de Lee Kuan Yew, apôtre d’un anglais non pollué d’éléments tirés du mandarin, du cantonais ou encore du malais, dans l’espoir d’une efficacité maximale sur le terrain des affaires, les autorités osent s’attaquer au tabou également cher au père fondateur : celui des dialectes chinois. Alors que leur interdiction avait poussé dans l’isolement nombre de grands-parents incapables de parler le mandarin qu’apprenaient leurs (arrière-)petits-enfants à l’école, les dialectes des parents refont leur apparition sur les certificats de naissance numériques. En sus, comme chaque année depuis les provocations de Pékin ou de ses diplomates en 2016-201844, entre autres pour gagner le cœur des Chinois de Singapour, le gouvernement doit rappeler la spécificité de son identité chinoise. Le terme est revenu à plusieurs reprises dans les discours officiels, dont celui de politique générale en août. L’objectif est clair : se distinguer de la Chine populaire et refuser l’assimilation, pour ne pas se couper des autres groupes ethniques singapouriens.
38Parmi eux, les Malais ont longtemps semblé cantonnés dans des rôles sportifs ou artistiques, habituels vainqueurs des télécrochets et composante très majoritaire des équipes de football nationales. Malgré divers pis-aller (statut constitutionnel particulier, hymne et protocole militaire en malais), ces habitants ont en revanche brillé par leur absence parmi les officiers généraux ou au sein des conseils d’administration, sans parler du stéréotype tenace de paresseux qui les poursuit45. En 2022, certes, la dernière promotion des officiers réservistes reçus à l’équivalent de l’École de guerre ne comptait qu’un Malais sur plus de 40 élèves. Toutefois, les observateurs ont remarqué que, pour la première fois, le Onze national n’était pas composé quasi exclusivement de Malais. Enfin, pour prolonger ce timide élan, le très libéral et ouvert d’esprit Tommy Koh, ambassadeur multitâche, d’universités en conseils d’administration, n’a pas manqué une fois de plus d’aller droit au but en demandant que davantage de Malais intègrent le ministère des Affaires étrangères comme stagiaires.
Conclusion : Le temps des revanches ?
39Par petites touches, se dessine peu à peu le tableau d’un État-nation singapourien. À chaque année suffisent sa peine et ses tabous brisés. Fidèles aux exigences du consensus, les autorités singapouriennes avancent par petits pas. Leurs coups de pinceau recouvrent sur la toile les traces de Lee Kuan Yew. Diplomates longtemps frustrés, locataires longtemps en difficulté, homosexuels longtemps ignorés, vieillards longtemps oubliés, Malais longtemps relégués : tous paraissent rebondir. Mais s’agira-t-il de pointillisme, voire d’une pixellisation de haute définition, ou bien d’un impressionnisme nébuleux, dans un brouillard politique où démocratie et autoritarisme continueront à se confondre ? Car restent ceux errant dans les couloirs de la mort ainsi que les sans-domiciles fixes – pour qui des centres « de transition » sont ouverts46. Aussi, loin d’évoquer une transition, l’activiste Kokila Annamalai constate-t-elle au contraire un recul – « de loin » (by far) – en prenant l’exemple de l’article 377 sur les relations homosexuelles entre hommes. Il a certes été abrogé (sachant qu’il n’était pratiquement jamais utilisé) mais, en guise de compensation pour l’aile droite du pouvoir, les valeurs conservatrices vont, elles, être inscrites dans la Constitution, bien moins facilement modifiable à l’avenir47.
40En toile de fond et pour y répondre, s’égrène le compte à rebours avant le changement de Premier ministre. Après la désignation de Lawrence Wong comme dauphin est venue l’étape de l’adoubement partisan à l’occasion de la Convention du PAP en novembre. Le « camarade Lawrence Wong », selon la terminologie du parti, a livré dans son discours des considérations très générales, en prenant soin de se démarquer des questions de calendrier électoral et de succession48. Le processus ne finit pas de se prolonger : encore la peur de définir puis assumer un cap précis ?
Annexe
Fiche Singapour
Nom officiel : République de Singapour
Capitale : Singapour
Superficie terrestre : 733,2 km²
Population (Département des statistiques de Singapour, 2022) : 5,64 millions d’habitants, dont 3 553 700 citoyens, 519 500 résidents permanents et 1 563 800 non-résidents
Langues officielles : anglais, malais, mandarin, tamoul
Langue nationale : malais
Données politiques
Nature de l’État : république unitaire
Nature du régime : parlementaire autoritaire monocaméral
Suffrage : universel et obligatoire (à partir de 21 ans)
Cheffe de l’État : Halimah Yacob (depuis septembre 2017)
Premier ministre : Lee Hsien Loong (depuis août 2004)
Ministre des Affaires étrangères : Vivian Balakrishnan (depuis octobre 2015)
Ministre de la Défense : Ng Eng Hen (depuis mai 2011)
Président (speaker) du Parlement : Tan Chuan-Jin (depuis septembre 2017)
Échéances : élections présidentielles en 2023
Indicateurs démographiques et sociologiques
Principaux groupes ethniques (pour les citoyens et résidents permanents ; département des statistiques de Singapour, 2021) : Chinois (74,3 %), Malais (13,6 %), Indiens (8,9 %), autres (3,2 %) – parmi les résidents
Religions (citoyens et résidents permanents âgés de plus de 15 ans ; Département des statistiques de Singapour, 2021) : bouddhisme (31,1 %), athéisme (20 %), christianisme (18,9 %), islam (15,6 %), taoïsme et autres croyances traditionnelles chinoises (8,8 %), hindouisme (5 %), autres (0,6 %)
Chronologie
JANVIER 2022
10 • Sun Xueling, ministre d’État au Développement social et familial, propose la modification de la Charte des femmes de 1961. Les couples mariés peuvent dorénavant divorcer par consentement mutuel. Le nouvel article 50 énonce comme principe général que les femmes mariées auront dorénavant les mêmes droits, devoirs et responsabilités que les hommes mariés.
FÉVRIER 2022
09 • Le ministre d’État aux Transports, Chee Hong Tat, annonce l’entreprise de modernisation de 360 arrêts de bus d’ici mi-2025 afin de les rendre plus adaptés aux personnes âgées et aux personnes handicapées.
22 • L’ancienne cheffe adjointe de l’unité de gestion des données mise en place par le ministère de la Santé dans le cadre de la lutte contre la pandémie de la covid-19 est condamnée à 18 semaines de prison. Elle divulguait quotidiennement sur un fil de discussion privé le nombre de nouveaux cas – information qu’il lui était interdit de révéler.
27 • De fortes pluies se sont abattues sur plusieurs zones de Singapour, occasionnant des crues soudaines. En une journée sont tombées 135 % des précipitations moyennes du mois de février.
MARS 2022
04 • Gan Kim Yong, ministre du Commerce et de l’Industrie, déclare que Singapour lancera prochainement une nouvelle initiative pour attirer davantage de résidents locaux dans le secteur manufacturier. Cette mesure fait partie de l’objectif « Manufacturing 2030 », qui vise à augmenter la valeur ajoutée du secteur de 50 % au cours des dix prochaines années.
11 • Le Parlement adopte le projet de loi visant à légaliser le jeu d’argent « social » et à criminaliser le jeu d’argent chez les mineurs. Cette loi garantit un encadrement plus strict des conditions de jeu ainsi que des sanctions encourues en cas de non-respect de ces dernières. Dorénavant, pour qu’un jeu d’argent soit considéré comme social, il devra avoir lieu au domicile d’un participant et les autres devront faire partie de la même famille ou se connaître personnellement.
AVRIL 2022
04 • Le ministère des Transports (MOT) et le ministère de l’Autorité maritime et portuaire (MPA) singapouriens forment un Panel consultatif maritime (Maritime Advisory Panel) pour aider le secteur maritime à faire face aux impacts induits par la guerre en Ukraine. Par ailleurs, le ministre des Transports, S. Iswaran, annonce l’intégration de Singapour à la déclaration de Clydebank, lancée en novembre 2021 lors de la COP 26 de Glasgow, aux côtés de 22 autres pays signataires. L’objectif est de mettre en place des couloirs de navigation verts (Green Shipping Corridors) pour encourager la création de routes maritimes à zéro émission.
MAI 2022
09 • Le Parlement adopte, à l’unanimité, un amendement de la Constitution selon lequel les députés perdront leur siège s’ils sont condamnés à une amende de plus de 10 000 $ US pour infraction à la loi, contre 2 000 $ US auparavant.
JUIN 2022
06 • En marge d’un remaniement de son cabinet, le Premier ministre Lee Hsien Loong, annonce que l’actuel ministre des Finances, Lawrence Wong, obtient le poste de vice-Premier ministre pour une prise de fonction le 13 juin, ce qui renforce sa position comme futur successeur potentiel au poste de Premier ministre.
09 • Dans le cadre du dialogue inaugural des ministres de la Défense Singapour-Chine, les deux pays signent deux accords pour renforcer leurs coopérations en termes de formation militaire des officiers et les échanges académiques dans ce domaine.
10 • En marge du Shangri-La Dialogue, le ministre des Affaires étrangères annonce que Singapour fournira une aide humanitaire à l’Ukraine, comprenant entre autres des ambulances et véhicules de pompiers, des fournitures médicales ou encore des détecteurs de mines.
21 • Lors d’une conférence de presse, le vice-Premier ministre Lawrence Wong annonce le lancement d’un programme d’1,1 milliard $ US de soutien aux populations à faible revenu face à l’inflation.
21 • Le ministre de la Santé confirme un cas importé de variole du singe, le premier en Asie du Sud-Est.
23 • Dans un communiqué joint, l’agence singapourienne Energy Market Authority (EMA), le ministère laotien de l’Énergie et des mines, l’entreprise publique Électricité du Laos ainsi que le groupe Keppel Electric annoncent le début de l’importation par Singapour d’énergie hydroélectrique renouvelable du Laos à travers la Thaïlande et la Malaisie, dans le cadre du projet d’intégration électrique Laos-Thaïlande-Malaisie-Singapour (LTMS-PIP).
JUILLET 2022
12 • Lancement du Programme de recherche scientifique sur l’impact du climat, programme de 23,5 millions $ US dédié à l’étude des impacts à long terme du changement climatique à Singapour et à l’orientation des politiques environnementales.
AOÛT 2022
08 • Lors de son discours à la veille de la fête nationale, le Premier ministre Lee Hsien Loong demande aux Singapouriens de se préparer pour des temps difficiles. Selon lui, l’inflation ainsi que les tensions dans la région risquent de s’intensifier.
21 • Lors de son discours du rassemblement pour la Fête nationale, Lee Hsien Loong annonce l’intention du gouvernement d’abroger la section 377A du Code pénal, qui criminalise les relations sexuelles entre hommes. L’idée est de s’adapter à l’évolution des mentalités, tout en amendant la Constitution pour protéger la définition du mariage en tant qu’union juridique hétérosexuelle, afin de rassurer les groupes religieux.
30 • Lors de la 12e réunion ministérielle Singapour-Indonésie, le ministre singapourien du Commerce et de l’Industrie, Gan Kim Yong, et le ministre indonésien de la Coordination des Affaires économiques, Airlangga Hartarto, s’engagent à poursuivre leurs efforts pour améliorer la connectivité des infrastructures de données et de denrées entre les deux pays. Selon le ministère du Commerce et de l’Industrie de Singapour, les deux ministres réaffirment leur engagement à relancer le projet de « Triangle de croissance » conceptualisé par le gouvernement de Singapour en 1989, le « Sijori » (Singapour-Johor Bahru-Riau).
SEPTEMBRE 2022
12 • Le Parlement examine une nouvelle loi visant à élargir le recueil de données génétiques auprès des personnes accusées de crimes. La secrétaire d’État à l’Intérieur, Sun Xueling, déclare que les statistiques montrent que parmi les personnes reconnues coupables d’un crime entre 2017 et 2021 environ une sur trois avait déjà été condamnée pour un crime non enregistré. Selon elle, en cas de récidive, la nouvelle loi faciliterait l’identification des personnes condamnées antérieurement.
13 • Milieu Insight, une société de recherche sur la consommation en Asie du Sud-Est, et Intellect, une société spécialisée dans la santé mentale, révèlent dans une étude intitulée “Hustle Culture”, que les employés singapouriens présentent le niveau de satisfaction professionnelle le plus bas de la région. Sur 3 000 employés interrogés à Singapour, en Indonésie et aux Philippines, 57 % des Singapouriens considèrent leur santé mentale comme « bonne », « très bonne » ou « excellente », contre 68 % pour les Indonésiens et 78 % pour les Philippins.
OCTOBRE 2022
04 • Singapour examine le livre blanc sur la réforme du système de santé. Après débat au Parlement, le gouvernement souhaite investir un milliard $ S (710 millions €) pour mettre en place une stratégie de soins préventifs, dans un contexte de vieillissement de la population. Les vaccinations recommandées seront désormais gratuites, de même que les soins pour les maladies chroniques.
10 • Selon les statistiques officielles mises en avant par le quotidien local Straits Times, l’espérance de vie à Singapour baisse pour la première fois en plus de 60 ans. Elle est désormais de 83,5 ans contre 83,7 ans en 2020. En septembre, un rapport du ministère de la Santé classait la covid-19 au cinquième rang des dix principales causes de décès en 2021, représentant 3,5 % des décès parmi les Singapouriens et les résidents permanents.
12 • L’Université nationale de Singapour (NUS) gagne deux places au classement Times Higher Education entre 2021 et 2022, passant de 21e à la 19e place mondiale.
14 • Le ministère des Communications et de l’Information (MCI) déclare que le magazine Vogue Singapore a enfreint ses directives à quatre reprises au cours de 2021 et 2022. Le permis de distribution du magazine a été raccourci à six mois, pour avoir fait la promotion de familles « non-traditionnelles ».
NOVEMBRE 2022
14 • Lors de la COP 27, la ministre singapourienne du Développement durable et de l’Environnement, Grace Fu, annonce que Singapour rejoindra très prochainement un partenariat qui coordonnera les efforts internationaux pour favoriser l’échange des crédits carbone.
26 • À la suite du 37e Comité exécutif central du People’s Action Party (Parti d’action populaire) ou PAP, le vice-Premier ministre Lawrence Wong a consolidé son statut de dauphin en devenant vice-secrétaire-général du parti. Il est entouré dans sa tâche de trois autres Sino-singapouriens : Heng Swee Keat, l’ancien prétendant, comme chairman, le ministre du Développement national Desmond Lee, de plus en plus en vue, comme assistant du secrétaire-général – en l’espèce le Premier ministre Lee Hsien Loong – et Chan Chun Sing, le ministre de l’Éducation, ancien favori dans la course au poste de Premier ministre, lui aussi nommé assistant du secrétaire-général.
DÉCEMBRE 2022
19 • La présidente Halima Yacob a relancé le débat sur les châtiments par coups de bâton (caning), non pas pour les interdire mais pour les permettre contre les violeurs de plus de cinquante ans, ce que n’autorise pas la loi actuelle.
Portraits
Han Fook Kwang
Il n’est pas exactement jeune ; il n’occupe pas de très hautes responsabilités ; il ne dispose pas d’un charisme débordant ; il ne fait pas la une des journaux, ni même des réseaux sociaux. Et pourtant : cet ancien ingénieur, fonctionnaire puis rédacteur en chef du Straits Times (2002-2012) multiplie les apparitions éditoriales ou académiques dès qu’il s’agit de transition ou changement d’ère politiques à Singapour49. Cet intellectuel passé par Harvard et membre du Conseil d’administration de la très honorable Raffles Institution rejoint le camp des esprits libres et ouverts, avec un intérêt particulier pour ceux dans le besoin, en tant que membre du Charity Council. Il s’inscrit de fait dans la lignée de Tommy Koh, par exemple, notamment grâce à son poste de senior fellow à la RSIS ou d’editor-at-large du Straits Times. Il publie chaque dimanche des tribunes attendues dans lesquelles il soumet des pistes de réflexion sur les fondements de la société singapourienne. Flèche-t-il le chemin – inéluctable – à suivre, le borne-t-il ? Faut-il alors le voir comme un éclaireur ou comme une sonde dont le gouvernement suivrait avec intérêts les avancées et travaux ? Toujours est-il que son avis compte et alimente les discussions en cours50.
Kokila Annamalai51
Discrète dans les médias traditionnels mais active – et énergique – sur les plateformes alternatives, « Koki » trace son sillon et œuvre pour le compte de tous ceux cantonnés aux marges de la société – en priorité travailleurs migrants et condamnés à mort, en collaboration avec Transformative Justice Collective. En témoignent son blog titré Learning from the margins (Apprendre des marges) ou son post sur Facebook, à propos du sort des travailleurs en dortoirs, lors de la pandémie du covid-19. Cette alerte avait poussé le ministère de l’Emploi à s’expliquer en ligne. En 2021, elle avait aussi appelé les étudiants à s’élever contre la fermeture du Yale-NUS College. Plus récemment, fin octobre 2022, elle a ouvertement défié le ministre de l’Intérieur et de la Justice pour qu’il débatte face-à-face avec elle et ses collègues à propos de la peine de mort. Il est d’ailleurs à ses yeux le véritable héritier de Lee Kuan Yew, le gardien du temple PAP avec son acolyte Edwin Tong, ministre pour la Culture, la Communauté et la Jeunesse – bien plus que le peu charismatique tandem Lee Hsien Loong-Lawrence Wong.
Issue du monde de l’éducation et de la communication, elle s’inscrit dans la galaxie militante aux côtés de la plateforme New Naratif sur les questions de justice sociale, de genre, de droits pour la communauté LGBTQ+ et de vivre ensemble (community building). Ses ateliers, ses interventions ainsi que l’appel aux dons en ligne lui permettent, jusqu’à présent, d’œuvrer en toute indépendance.
Arrêt sur image
Jusque sur des écrans dans les ascenseurs, le gouvernement diffuse ses slogans, comme ceux du Singapore Kindness Movement (Mouvement de Singapour pour la gentillesse) : « Make room for kindness » (« Laissez de l’espace à la gentillesse »). Loin des vœux de « prospérité » qui accompagnent traditionnellement le Nouvel an chinois, le HDB (Habitation Development Board) s’évertue aussi à promouvoir l’idée de « compacité sociale » (Social compact) et à relancer le « kampung spirit » (esprit de village) au sein de ses constructions ni toujours propres, ni absolument sûres, et dupliquées à l’infini, de Pioneer à l’ouest, jusqu’à Pasir Ris à l’est. Mélange d’entre-aide et d’attention à l’autre, cet esprit se manifeste effectivement de plus en plus par le biais des enfants et des seniors, en passant par les adultes à travers divers groupes sur les réseaux sociaux pour chaque bloc d’immeubles52.
Notes de bas de page
1 Joshua Benjamin Jeyaretnam, 2003, The Hatchet Man of Singapore, Singapour, Select Books-Jeya Publishers, 254 p.
2 À la suite de la classification de Wolfgang Merkel, voir l’étude de cas d’Hussin Mutalib, avril 2000, « Illiberal Democracy and the Future of Opposition in Singapore », Third World Quarterly, vol. 21, n° 2, p. 313-342.
3 Thomas Carothers, « The End of the Transition Paradigm », Journal of Democracy, vol. 13, n° 1, janvier 2002, p. 5‑21.
4 Peu avant la crise de 1997, des dirigeants comme Mahathir en Malaisie ou Lee Kuan Yew à Singapour ont cherché à expliquer les succès économiques régionaux par les « valeurs asiatiques », en opposition à celles occidentales. Aujourd’hui, l’auteur et ancien diplomate singapourien Kishore Mahbubani s’évertue à faire vivre cette idée : Kishore Mahbubani, 2019, 20 Years of Can Asians Think?, Singapour, Marshall Cavendish International (Asia), 264 p.
5 Linda Low, Douglas Johnston, 2003, Singapore Inc.: Public Policy Options in the Third Millennium, St Davids, Eastern University Press, 442 p.
6 Heather Chen, « As Singapore mourns the Queen, there’s little discussion about its colonial past », CNN, 16 septembre 2022.
7 Jalelah Abu Baker, « People in 20s and 40s feel mental health declined due to pandemic, elderly report feeling better: IPS study », Channel News Asia, 14 juillet 2022.
8 David Chan (dir.), 2022, Dealing with Disagreements, Singapour : World Scientific, 200 p. Dans un pays peu tourné vers le débat (absence d’émissions de ce type sur les ondes) et pusillanime dès qu’il s’agit d’exprimer un désaccord, un tel titre dénote. David Chan, ancien policier, aujourd’hui chercheur en sciences comportementales, avait déjà publié une tribune intitulée « The art of disagreeing – it can yield some good », The Straits Times, 16 novembre 2013, p. A40. Han Fook Kwang (voir son portrait plus loin) et Tommy Koh étaient aussi parties prenantes du projet éditorial ; extrait de la conférence liée à l’ouvrage : https://www.youtube.com/watch?v=8No7Ycda8CE (consulté en décembre 2022).
9 En partie à cause du manque de traçabilité. Aussi le ministre indonésien de l’Agriculture s’est-il montré rapidement rassurant et des fermes dédiées aux seules exportations vers Singapour ont été créées dans les îles Riau.
10 Surnom de Singapour qui joue sur le mot « fine », dont le sens peut être « bien »… ainsi qu’« amende ».
11 Department of Statistics, Population Trends 2022, Singapour, Ministry of Trade & Industry, 2022, p. 9.
12 French Embassy-RSIS Seminar, PEGASE 2022: The Role of Air Diplomacy, Singapour, 15 septembre 2022.
13 Malminderjit Singh, « Forward Singapore’ Offers a Timely Opportunity for Difficult Conversations », The Diplomat, 6 juillet 2022.
14 « Le petit point rouge » (sur la carte), comme l’avait surnommé avec dédain l’ancien président indonésien Bacharuddin Jusuf Habibie.
15 « International order imperfect, but by far the best bet for small states: PM Lee », Channel News Asia, 23 septembre 2022.
16 Comme c’est le cas dans ce rapport : ASEAN Studies Centre, 2022, The State of Southeast Asia: 2022 Survey Report, Singapour, ISEAS-Yusof Ishak Institute, 60 p.
17 Laura Silver, Christine Huang, Laura Clancy, « Across 19 countries, more people see the U.S. than China favorably – but more see China’s influence growing », Pew Research Center, 29 juin 2022.
18 Il s’agit, selon ce concept, de limiter la chaîne d’approvisionnement aux seuls alliés ; Claude Barfield, « The Indo-Pacific Economic Framework is launched — sort of », Washington Examiner, 1er juillet 2022.
19 David Hutt, « Has the West found a geopolitical ally in Singapore? », DW, 28 avril 2022.
20 Chanyaporn Chanjaroen, « Sanctioned Myanmar tycoons find shelter in Singapore, but for how long? », The Japan Times, 18 octobre 2022.
21 William Choong, « Singapore – Finding the elusive sweet spot between the two superpowers », MLI, 3 février 2022 : https://macdonaldlaurier.ca/singapore-finding-elusive-sweet-spot-two-superpowers/ (consulté en janvier 2023).
22 Voir à ce propos : Michael Rubin, « Why China Might Draw Singapore Into a Taiwan Fight », National Interest, 3 novembre 2022.
23 « Singapore’s PM heir apparent Wong tecks global stage on US trip », Free Malaysia Today avec Nikkei, 26 avril 2022.
24 Affinées à 3,8 % début janvier (« Singapore’s economy topped forecasts in 2022 but new risks growing », Reuters, 2 janvier 2023).
25 Ovais Subhani, « S’pore’s GDP growth expected to slow to 0.5 %-2.5 % in 2023 », The Straits Times, 24 novembre 2022.
26 Revue à 6,1 % début fin janvier : Sharon See, « Singapore’s headline inflation averaged 6.1 % in 2022, core inflation at 4.1 % », The Business Times (Singapour), 25 janvier 2023.
27 Rassemblements de stands de restauration, typiques de Singapour et inscrits au patrimoine mondial immatériel de l’UNESCO en 2020.
28 Abigail Ng, « Hong Kong residents are flocking to Singapore, snapping up rental homes », CNBC, 27 avril 2022 ; « Message de l’Ambassadrice de France Minh-Di Tang aux Français de Singapour », Le Petit journal, 30 octobre 2022 : https://lepetitjournal.com/singapour/message-de-lambassadrice-de-france-minh-di-tang-aux-francais-de-singapour-349376 (consulté en janvier 2023).
29 Contre un revenu par foyer médian autour de 2 000 euros en 2021. Sim Dewey, « Singapore rolls out new visa for top global talent from tech to sport and arts sectors », South China Morning Post, 29 août 2022.
30 Voir par exemple : Gordon Paul Means, 1996, « Soft Authoritarianism in Malaysia and Singapore », Journal of Democracy, vol. 7, n° 4, p. 103-117.
31 Amelia Teng, « Some expatriates in Hong Kong moving to Singapore as Covid-19 situation in territory worsens », The Straits Times, 17 mars 2022.
32 Department of Statistics, 2022, Key Households Income Trends, 2021, Singapour, Ministry of Trade & Industry, p. 4.
33 Alfian Sa’at, 2022, Pulau Ujong – Island at the end, Singapour, Wild Rice : https://www.wildrice.com.sg/event/66630-pulau-ujong/ (consulté en décembre 2022).
34 Michel Chambon, « Is Singapore fit for a red hat? », UCA News, 1er juillet 2022.
35 À titre de comparaison, la consommation de cannabis a été dépénalisée en Thaïlande en 2022 : voir l’étude de Maurice Compagnon sur la Thaïlande, dans ce volume.
36 Les athlètes n’ont pas pu échapper à des excuses publiques : Justin Ong, « Joseph Schooling apologises for using cannabis, fellow national swimmer Amanda Lim “deeply sorry” after CNB warning », Today, 31 août 2022.
37 Dans le même esprit, il convient de souligner la publication d’un rapport sur les femmes à Singapour (dans la société, sur les lieux de travail et dans les foyers, notamment pour faciliter les divorces par consentement mutuel), fruit de deux ans de réflexions et discussions (conversations) : SG Together, 2022, White Paper on Singapore Women’s Development: Towards a fairer and more inclusive society, Singapour, Reach, 115 p.
38 Pour ne plus dire « racial », selon le terme officiel à Singapour, mais de plus en plus discuté – voir plus bas.
39 À noter qu’à l’habituel découpage entre « Chinois, Indiens, Malais et autres » (pour les langues officielles, les médias, les enseignements, les associations de soutien) s’ajoute une multitude d’autres options, sans critères très identifiables, pour les cartes d’identité ; les citoyens peuvent de dire « racialement » « caucasien », « français », « vietnamien », « malais », « javanais », etc. Les intitulés et les types d’associations en cas de mariages mixtes, varient eux aussi considérablement ; voir à ce sujet cet article : Zarine Rocha, 2011, « Multiplicity with Singularity: Racial Categorization and Recognizing “Mixed Race” in Singapore », Journal of Current Southeast Asian Affairs, vol. 30, n° 3, p. 95-131.
40 Fried Rice Paradise de Dick Lee ; ici interprétée avec le Singapore Wind Symphony en 2013 à l’Esplanade Concert Hall dans le cadre du spectacle Singapore! A Musical Celebration II : https://www.youtube.com/watch?v=1sPbIfuBg0o (consulté en décembre 2022). À noter que Dick Lee est aussi l’auteur d’une des plus célèbres National Day songs (chansons écrites et composées pour les fêtes nationales) : Home.
41 Christy Yip et al., « “You can’t tell people to not speak it”, says NUS don. But where does Singlish stand now? », CNA Insider, 9 août 2022.
42 RSIS, International Conference on Cohesive Societies 2022, Singapour, 6-8 septembre 2022, https://www.rsis.edu.sg/event/international-conference-on-cohesive-societies-2022/#.Y653TRXP3rc (consulté le 23 décembre 2022).
43 Lawrence Wong, Harmonyworks! Conference 2022, Singapour, ITE College Central, 24 juillet 2022, https://www.pmo.gov.sg/Newsroom/DPM-Lawrence-Wong-at-the-Harmonyworks-Conference-2022 (consulté le 18 novembre 2022).
44 Voir par exemple le matériel militaire singapourien confisqué de retour de Taïwan, lors d’une escale à Hong Kong : Bernard Loo, « The Terrex Incident: Is an Asian Melian Dialogue in the Offing? », Jeju Peace Institute, 14 décembre 2021, 4 p.
45 Lire les propos attribués à Lee Kuan Yew par Michael Barr (2000, Lee Kuan Yew: The Beliefs Behind the Man, Washington, Georgetown University Press, 288 p.) au prisme de l’étude de Syed Hussein Alatas, 2010, The Myth of the Lazy Native: A Study of the Image of the Malays, Filipinos and Javanese from the 16th to the 20th Century and Its Function in the Ideology of Colonial Capitalism, Londres, Routledge, 267 p.
46 Ng K. H., J. S. Sekhon Atac, 2022, Seeking shelter: Homeless during the COVID-19 pandemic in Singapore, Singapour, Lee Kuan Yew School of Public Policy, 78 p.
47 Entretien à Singapour le 28 novembre 2022.
48 Fin novembre, Lawrence Wong a été élu « vice-secrétaire-général » du PAP, mais pas « premier assistant du secrétaire-général » comme de coutume pour les futurs Premiers ministres. « Delivering on promises, taking Singapore forward », PAP, 6 novembre 2022, https://www.pap.org.sg/news/delivering-on-promises-taking-singapore-forward/ (consulté en novembre 2022). Martino Tan, Mandy How, « Lawrence Wong promoted to PAP Deputy Sec-Gen, Heng Swee Keat is new PAP Chairman », Mothership, 26 novembre 2022, https://mothership.sg/2022/11/pap-37-cec/ (consulté en janvier 2023).
49 Voir par exemple son ouvrage, 2016, Singapore in transition: Hope, Anxiety and Question Marks, Singapour, Straits Times Press, 200 p.
50 Il a d’ailleurs déjà lancé les prochaines élections : “Battle lines drawn for next Singapore GE”, The Sunday Times, 18 décembre 2022, p. A23. Voir aussi, entre autres : “Break New Ground, Think Out of the Charity Box to Help the Needy”, The Sunday Times, 22 mai 2022.
51 Entretien à Singapour le 28 novembre 2022.
52 Sur la nostalgie de cet esprit et la difficile transition des villages (plutôt solidaires) aux barres d’immeubles (anonymes), voir le film de Jack Neo : Long long time ago 2 (2016).
Auteur
Éric Frécon est docteur en science politique, basé à Singapour depuis 2017. Il est actuellement chercheur associé à l’IRASEC, à l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire ainsi qu’à l’École navale (Brest), où il a enseigné durant six ans. Il donne aussi des cours à l’Universiti Brunei Darussalam. Précédemment, il avait coordonné l’Observatoire Asie du Sud-Est à Asia Centre (2012-2019) et fut chercheur à la Rajaratnam School of International Studies à Singapour (2008-2011). Récemment, il a entre autres publié « L’ASEAN face à la redéfinition de sa centralité – diplomatique, opérationnelle et géographique », Hérodote, n° 176 (2020) et « L’influence sécuritaire chinoise à Singapour », Études de l’IRSEM, n° 85 (août 2021). Il a également codirigé avec Benoît de Tréglodé « Diplomatie des garde-côtes en Asie du Sud-Est », Étude de l’IRSEM, n° 73 (mars 2020).
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L’Asie du Sud-Est 2017 : bilan, enjeux et perspectives
Abigaël Pesses et Claire Thi-Liên Tran (dir.)
2017
L’Asie du Sud-Est 2010 : les évènements majeurs de l’année
Arnaud Leveau et Benoît de Tréglodé (dir.)
2010
L’Asie du Sud-Est 2012 : les évènements majeurs de l’année
Jérémy Jammes et Benoît de Tréglodé (dir.)
2012
L’Asie du Sud-Est 2014 : bilan, enjeux et perspectives
Jérémy Jammes et François Robinne (dir.)
2014
L’Asie du Sud-Est 2015 : bilan, enjeux et perspectives
Abigaël Pesses et François Robinne (dir.)
2015
L’Asie du Sud-Est 2018 : bilan, enjeux et perspectives
Abigaël Pesses et Claire Thi Liên Tran (dir.)
2018