Coopérations et rivalités dans le bassin du Mékong
Cooperation and rivalries in the Mekong Basin
p. 93-109
Résumé
While tensions in the South China Sea and the Burmese crisis are present in Southeast Asian news, few media outlets talk about the rivalry between major powers gradually taking hold in the Mekong River basin region. This continental Southeast Asian region comprises six countries, five of which are part of ASEAN (Myanmar, Laos, Thailand, Cambodia and Vietnam), and link China, the sixth, to the warm seas. In recent years, the Mekong Basin has become a strategic region where China and the United States are engaged in a muted but very real struggle. This chapter presents this confrontation from two complementary and intertwined angles. The first part looks at the interplay of institutions established by China and the United States to manage the resources of the Mekong River, while the second part describes the rivalries between the two great powers in the area of development corridors and infrastructure.
Entrées d’index
Mots-clés : barrages, fleuve Mékong, hydropolitique, institution régionale, rivalité, corridors
Index géographique : Birmanie, Chine, Cambodge, Laos, Thaïlande, Vietnam
Keywords : dams, Mekong River, hydropolitics, regional institution, rivalry, corridors
Texte intégral
1Si en Asie du Sud-Est, les tensions en mer de Chine méridionale ou la crise birmane font l’actualité, peu de médias parlent de la rivalité entre grandes puissances qui s’installe progressivement dans le bassin du fleuve Mékong. Cette région du Sud-Est asiatique continental implique six pays, dont cinq font partie de l’ASEAN (Myanmar, Laos, Thaïlande, Cambodge et Vietnam), et qui relient la Chine, le sixième, aux mers chaudes. En quelques années le bassin du Mékong est devenu une région stratégiquement sensible où la Chine et les États-Unis se livrent une lutte en apparence feutrée, mais bien réelle.
2Ce chapitre présente ce terrain d’affrontement sous deux angles complémentaires et enchevêtrés. La première partie porte sur le jeu des institutions établies par la Chine et les États-Unis pour gérer les ressources du fleuve Mékong, tandis que la seconde partie s’attache à décrire les rivalités qui opposent les deux grandes puissances dans le domaine des corridors de développement et des infrastructures.
Tensions autour des institutions : le cas de la gouvernance du bassin-versant
3Dans le bassin du Mékong, plusieurs institutions remplissent deux types de missions. D’une part, une mission technique qui concerne respectivement la surveillance du fleuve, la gouvernance de la ressource, et sa valorisation économique. D’autre part, une mission qui place l’aide économique au développement et aux populations vivant dans le bassin du Mékong au service d’influences politiques. Des instances comme la Mekong River Commission relèvent du premier type. La Lancang-Mekong Commission ou la Greater Mekong Subregion représentent des institutions du second type. Ces instances coopèrent-elles ou sont-elles en concurrence ?
Des tensions importantes quant à la responsabilité des barrages chinois sur l’altération du débit du fleuve
4En 2016, 2019 et 2020, le débit du Mékong a connu des fluctuations significatives. En 2019, les débits de la saison sèche ont certes été supérieurs à la moyenne mais le débit de la saison humide était nettement inférieur. L’étiage de 2016 a provoqué de graves intrusions salines dans le delta du fleuve au Vietnam. L’année 2020 a connu un étiage très prononcé lors de la saison sèche. La dynamique récente du fleuve est paradoxale : on observe une recrudescence d’épisodes d’inondation, mais aussi d’eaux très basses, avec des impacts majeurs sur les productions agricoles et sur la pêche et donc sur la sécurité économique des populations riveraines. Le niveau du lac Tonle Sap a connu des baisses marquées en 2019, 2020 et 20211.
5De nombreuses publications pointent du doigt les barrages construits sur le haut Mékong, en Chine, comme responsables de ces dérèglements du régime hydrologique du fleuve, et on relève aussi des critiques, feutrées côté vietnamien2, directes côté thaïlandais3, ainsi que de l’opinion publique, thaïlandaise notamment4. On observe une grande politisation du dossier, tant à travers l’expression publique de désaccords – ce qui n’empêche pas la coopération, on le verra – qu’avec la formulation de critiques de la part du gouvernement des États-Unis5 et le rejet desdites critiques par les médias chinois selon une rhétorique très acerbe6.
6La littérature scientifique demeure ambivalente ; certaines recherches soulignent le rôle de la série de onze grands barrages que la Chine a construits depuis 1993 (barrage de Manwan) sur le Lancang (haut Mékong) dans la perturbation du régime hydraulique du fleuve ; d’autres soulignent plutôt le rôle majeur des changements climatiques et l’accroissement des prélèvements. De manière intéressante, une revue de littérature scientifique rapporte que les auteurs américains soulignent très majoritairement le rôle des barrages chinois, tandis que les auteurs chinois pointent très majoritairement le rôle du seul climat…7
7Certaines recherches, plus nuancées, soulignent la probabilité des impacts des barrages chinois sans affirmer qu’ils soient les seuls en cause dans la perturbation du régime. Les auteurs pointent la tendance à un aplatissement des écarts entre étiage et crue, le débit moyen ayant tendance à diminuer en hautes eaux et à augmenter en basses eaux avec les lâchers d’eau des réservoirs. Ainsi, une étude estime que, sur la période 1991-2009, 82 % de la variation du débit du fleuve peut être expliquée par la perturbation des précipitations ; mais que sur la période de 2010 à 2014, 62 % des changements de débit sont imputables aux barrages hydroélectriques, chinois ou en aval8. Les études scientifiques soulignent aussi que les impacts des barrages peuvent être multiformes et ne se cantonnent pas aux seuls volumes d’eau, rappelant que les ouvrages modifient également la qualité de l’eau et bloquent les sédiments, ce qui pourrait à terme avoir des impacts sur l’érosion dans le delta9. Enfin, la recherche souligne le caractère multifactoriel des perturbations du régime du fleuve : outre l’impact des grands barrages en amont, la perturbation du régime des pluies avec les changements climatiques, il faut prendre en considération les impacts des nombreux barrages dans le bassin d’aval et l’accroissement rapide des prélèvements, surtout pour l’agriculture irriguée au Vietnam et en Thaïlande10. Le bassin du Mékong est en effet déjà très équipé, dans la section chinoise mais aussi dans le bassin inférieur, avec 152 barrages opérationnels de plus de 15 MW, 13 en construction et 275 planifiés (voir Fig. 1).
Carte 1 - Les principaux barrages dans le bassin du Mékong

Source : auteurs, d’après la base de données du Stimson Institute, Mekong Dam Monitor, https://www.stimson.org/project/mekong-dam-monitor/
Quelle gouvernance du bassin et des eaux ? De multiples approches institutionnelles
8Des tensions croissantes sur la gouvernance des eaux du bassin du Mékong reflètent la difficulté de la concertation à l’échelle du bassin-versant quant aux aménagements (barrages, creusement des chenaux pour la navigabilité) et aux utilisations des eaux du fleuve. La question de la gouvernance des eaux du bassin fluvial se pose avec d’autant plus d’acuité qu’elle ne se cantonne plus aux projets hydroélectriques mais interroge aussi la disponibilité de la ressource et la pérennité des pêcheries.
Un binôme institutionnel de gouvernance du Mékong en réelle opposition ?
9Lancée en 1995, la Commission du Fleuve Mékong (Mekong River Commission, MRC) remplace la Commission du Mékong fondée en 1957. La MRC, en partie financée par la Banque asiatique de développement (BAD), le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), la Banque mondiale et plusieurs pays occidentaux, est entièrement consacrée à la gouvernance des eaux du bassin et supervise la mise en valeur des ressources hydrauliques du Mékong à travers des mécanismes de consultation obligatoires multilatéraux. Elle ne regroupe toutefois que les quatre pays d’aval (Laos, Thaïlande, Cambodge et Vietnam), le Myanmar et la Chine ayant refusé d’en devenir membres et y participant comme observateurs (dialogue partners)11. De plus, la MRC ne dispose que de très peu de pouvoir sur l’aménagement des affluents du Mékong.
10Proposée par la Thaïlande en 201212, la Commission Lancang-Mékong (Lancang Mekong Commission, LMC) a été formée sous l’égide de la Chine en 2015 et regroupe les six États du bassin-versant. La gouvernance de l’eau est l’un des cinq piliers de l’organisation, avec la connectivité, la capacité industrielle, la coopération économique, la réduction de la pauvreté, et l’agriculture. À la différence de la MRC, issue d’un traité multilatéral et imposant des règles contraignantes aux signataires, la LMC se veut une plate-forme de dialogue politique sans contenu juridique. La création de cette organisation témoigne d’un changement important de la posture chinoise, auparavant très réactive face aux requêtes des pays d’aval (partage des données hydrologiques ; concertation sur les chantiers des barrages chinois) et cherchant à préserver la mise en valeur unilatérale du potentiel hydroélectrique du Lancang, et désormais soucieuse de favoriser le dialogue, lequel a pu aboutir à un accord de coopération entre la LMC et la MRC13. La LMC serait comprise par les dirigeants chinois comme un forum multilatéral de discussion sans mécanisme obligatoire, dirigée par la Chine et visant à bonifier les institutions déjà mises en place comme la Greater Mekong Subregion (GMS)14 tout en favorisant l’atteinte d’objectifs liés à la Belt and Road Initiative, comme le développement de la connectivité, les infrastructures de transport, d’échange d’énergie etc…15
11La posture de la Chine vise désormais à rassurer les États d’aval, à leur offrir une plate-forme de dialogue tout en évitant de créer une institution reposant sur des mécanismes contraignants. La Chine a fait montre de bonne volonté, par exemple en relâchant des volumes d’eau supplémentaires lors de la sécheresse de 2016 à la demande du Vietnam, lequel a exprimé sa gratitude en retour16. La Chine a également accepté le partage des données hydrologiques en saison humide à partir de 2002, puis en saison sèche également en août 202017, mais sur une base politique et non pas juridique. Cette attitude de la Chine peut être très positive dans l’optique de trouver des compromis de partage des eaux, mais les États d’aval ne sont pas dupes de ses finalités : « Il est très clair que la Chine utilise les barrages à des fins politiques », estime Thitinan Pongsudhirak, professeur de sciences politiques à l’Université Chulalongkorn (Thaïlande), en procédant à des lâchers d’eau lorsqu’ils veulent améliorer les relations avec leurs voisins d’aval18, mais sans que ceux-ci puissent disposer d’une quelconque garantie. La coopération ad hoc, sur une base politique et non institutionnalisée, est souhaitée par tous les partenaires19, mais elle cantonne les pays d’aval dans l’incertitude quant à la pérennité des mesures acceptées par la Chine et renforce une approche par problématiques liées (issue linkage), Pékin imposant avec succès les questions de gouvernance des eaux à celles de développement économique20.
Quelle portée pour le dialogue entre Chine et pays d’aval ?
12Il est permis de se demander quelle sera la portée du dialogue ainsi proposé par la Chine. Pour les États du bassin, renoncer à la souveraineté en matière d’aménagement hydraulique représente un effort politique majeur. Seul le Vietnam a ratifié la Convention de 1997 sur les utilisations des cours d’eau à des fins autres que la navigation, en 2014. La Chine est l’État pour qui l’idée d’une ressource hydraulique partagée est la moins acceptée : elle a refusé toute contrainte face à ses projets de barrages sur le haut Mékong, qu’elle a construits unilatéralement21. Elle fait partie des seuls trois États qui ont voté contre la Convention en 1997 à l’Assemblée générale des Nations unies, et sa conception de la gestion des bassins transfrontaliers repose encore largement sur l’idée de la souveraineté pleine et entière sur les eaux sur son territoire, souveraineté non entravée par un accord contraignant et libre de mécanisme obligatoire de résolution de dispute22. Si clairement la Chine adhère au principe de l’utilisation équitable et raisonnable de la ressource en eau, fondamental dans la Convention de 1997, l’examen de ses pratiques dans les négociations de traités bilatéraux avec ses voisins démontre une adhésion limitée et variable à la mise en œuvre de mécanismes pour donner corps aux principes de l’usage équitable ainsi qu’au principe de ne pas causer de dommages significatifs23.
13Par ailleurs, le discours des États d’aval quant à la menace que constitueraient les barrages d’amont apparaît modulable. Ainsi, lorsque le Laos a entrepris le développement du barrage de Xayaburi, le Vietnam a exprimé une forte inquiétude dans le cadre des procédures de la MRC. Par la suite, Hanoi a changé d’attitude lorsqu’il est apparu que la demande en énergie du pays augmentait très rapidement et que des entreprises vietnamiennes pouvaient être associées au chantier24. Cela ne signifie pas que les récentes préoccupations des gouvernements soient fictives, mais que les politiques menées répondent à des raisonnements multifactoriels et parfois mouvants. En particulier, l’accent mis par la Chine sur le concept de développement des ressources hydrauliques du Mékong, plutôt que sur le concept de gestion intégrée des eaux comme objectif en soi, semble séduire les gouvernements des États d’aval, chez qui la notion de gestion intégrée est encore perçue comme un concept fort contraignant et largement occidental25. L’approche de la LMC, à la différence de la MRC, ne semble en effet pas tant de gérer la ressource pour induire des bénéfices pour le fleuve, que de rechercher les bénéfices économiques du fleuve et au-delà du fleuve, à travers une coopération renforcée26.
Une constellation d’institutions, témoins de la politisation des enjeux hydrauliques
14Enfin, on assiste ces dernières années à la multiplication des institutions et organismes voués de près ou de loin à la coopération économique et hydraulique. Ces institutions polyvalentes pourraient traduire le désir de donner préséance au concept de développement sur celui de stricte gouvernance environnementale des eaux. Déjà en 1992, à l’initiative de la BAD, le programme Greater Mekong Subregion (GMS) avait été lancé afin de renforcer la coordination, essentiellement économique, entre pays membres, incluant le Myanmar et la Chine27.
15La création de la LMC permet aussi à la Chine de contrer l’implication grandissante des États-Unis dans d’autres pays de la région. Le rapide essor de la LMC, a à son tour suscité, tant de la part d’acteurs extérieurs à la région que d’États d’Asie du Sud-Est, la création ou la réactivation d’instances de coopération centrées sur le bassin du Mékong. Cet activisme institutionnel témoigne d’une rivalité politique certes mais aussi, de la part des États de l’ASEAN, du souci de conserver des cartes dans leur jeu même s’ils acceptent le resserrement de liens avec la Chine28.
16Ainsi, en 2003, la Thaïlande a-t-elle cherché à relancer l’Ayeyawady-Chao Phraya-Mekong Economic Cooperation Strategy (ACMECS) afin d’affermir son leadership régional et tenter d’enrayer ce que Bangkok perçoit comme un effritement de son influence. De même, en 2018, cinq États du bassin inférieur et le Japon ont choisi de faire passer leur coopération au niveau de partenariat stratégique, dans le cadre du Mekong-Japan Cooperation Framework. La Corée du Sud et l’Inde ont elles aussi proposé de relancer leur propre mécanisme de coopération, le Korea-Mekong Cooperation Fund (2013) et la Mekong-Ganga Cooperation (2000)29.
17Les États-Unis se sont efforcés de s’impliquer dans la région à travers le dossier de la gouvernance du bassin du Mékong30, dans le cadre de la Lower Mekong Initiative (2009), transformée en 2020 en Mekong-US Partnership. Regroupant tous les États de l’Asie du Sud-Est continentale, ce partenariat semble reprendre la formule de la LMC, se penchant sur les questions hydrauliques certes, mais aussi de sécurité, de connectivité, de développement et d’énergie. L’intérêt de Washington pour cette question de gouvernance du bassin, puis le développement d’un partenariat aux finalités très proches de celles proposées par la Chine, attestent du fort risque de voir la région du Mékong de devenir un objet de vive rivalité entre les États-Unis et la Chine, nouvelle déclinaison de la rivalité qui se précise à travers les concepts de Nouvelles routes de la soie et d’espace Indo-Pacifique31.
Rivalités autour des corridors de développement et des infrastructures
18Dans la région du Mékong, les processus d’intégration transnationale sont visibles dans la péninsule indochinoise, laquelle est structurée par la Région du Grand Mékong (Greater Mekong Subregion ou GMS), incluant deux provinces du sud de la Chine (Yunnan et Guangxi). Programme de coopération économique de la BAD lancé en 1992 par les six pays qui partagent le bassin-versant du Mékong (Chine, Birmanie, Cambodge, Laos, Thaïlande et Vietnam), il vise l’interconnexion des six pays grâce à l’amélioration des infrastructures afin de favoriser le commerce et l’investissement tout en stimulant la croissance économique. Plus encore, cette initiative régionale a pour objectifs de réduire les difficultés logistiques, les formalités administratives, les taxes d’importation et autres barrières aux échanges commerciaux et financiers, une circulation plus soutenue des marchandises devant stimuler les économies des pays membres.
19Si, à ce jour, ces axes routiers ont malgré tout favorisé l’afflux d’investissements étrangers (zones économiques spéciales, tourisme, ressources naturelles), il faut toutefois relativiser l’impact des corridors de développement du GMS sur le développement de l’Asie du Sud-Est péninsulaire. D’une part, ces corridors remplissent uniquement la fonction de transit entre les régions, mais pas de desserte locale via des fonctions multimodales des transports. D’autre part, les grands projets d’infrastructures de transport se font concurrence au sein de la péninsule indochinoise, affaiblissant du même coup le programme imaginé par la BAD32.
Les Nouvelles routes de la soie chinoises
20Faisant directement référence à un réseau ancien de routes commerciales, les Nouvelles routes de la soie (NRS) prévoient la construction d’imposantes infrastructures reliant la Chine au reste du monde, notamment l’Asie du Sud-Est. À ce titre, l’objectif est de renforcer les échanges commerciaux et d’améliorer les communications entre la Chine et le Sud-Est asiatique. Pour mener à bien son projet, le gouvernement chinois a décidé d’investir dans la construction du futur Réseau ferroviaire panasiatique (PARN). Les Chinois ont intégré l’axe Yunnan Bangkok Singapour dans le cadre des NRS, à travers deux routes principales traversant l’Asie du Sud-Est péninsulaire, dont l’une concerne directement le bassin du Mékong, à savoir le corridor de développement Nord-Sud qui passe par le Laos et la Thaïlande.
21Mise en service le 3 décembre 2021, la ligne ferroviaire « à grande vitesse »33 (LGV) Chine-Laos est le premier projet d’envergure des NRS à voir le jour en Asie du Sud-Est continentale. Cette ligne de chemin de fer démontre par la même occasion un changement de statut du Laos, le pays étant à présent incontournable pour concrétiser les ambitions ferroviaires de la Chine dans la sous-région.
22Le développement du corridor économique entre la Chine et l’Asie du Sud-Est, fait que le Laos n’est désormais plus un pays enclavé (land-locked), mais un pays connecté (land-linked), positionné au cœur des réseaux d’échanges et de transports transnationaux. Par exemple, les 5e et 6e ponts de l’Amitié lao-thaïlandaise34, construits au-dessus du fleuve Mékong, devraient permettre d’améliorer la connectivité du Laos avec les provinces thaïlandaises voisines. Cette ligne ferroviaire n’est donc pas limitée à l’espace des NRS, mais s’affirme bien plus largement, démontrant une connectivité possible de la Chine avec l’Asie du Sud-Est via le Laos.
Carte 2 - Le corridor panasiatique Chine-Asie du Sud-Est continentale

Sources : Éric Mottet et Frédéric Lasserre, 2020, « Les enjeux géopolitiques de la Belt and Road Initiative : l’exemple laotien du corridor économique Chine-Indochine », L’Information géographique, vol. 84, n° 4, p. 68-86 ; Marimi Kishimoto, 2022, “Laos’ logistics vision for ASEAN: All rails lead to Vientiane”, Nikkei Asia, 2 avril, https://asia.nikkei.com/Business/Transportation/Laos-logistics-vision-for-ASEAN-All-rails-lead-to-Vientiane ; The Nation (2018), Completion of high-speed Southeast Asian rail link is still far down the track, https://www.nationthailand.com/international/30336801.
23L’arrivée du train sino-laotien permet surtout à Vientiane de devenir progressivement un centre logistique sous-régional grâce au raccourcissement important des délais de transport de marchandises, notamment avec la Chine. En effet, alors que le transport de marchandises par camion entre Vientiane et Kunming (595 km) prend deux à trois jours, le rail permet désormais de faire le trajet en 20 à 24 heures, réduisant les coûts de transport de 20 à 40 %35.
24Arrivée à point nommé, la ligne de chemin de fer sino-laotienne positionne stratégiquement le Laos, un pays enclavé, comme une plaque tournante reliée aux pays voisins, comme la Thaïlande, le Vietnam, le Cambodge, et les autres pays du bassin du Mékong. Le pays offre ainsi une alternative attrayante et très rentable lorsque les coûts logistiques atteignent des sommets, comme c’est le cas depuis le déclenchement de la pandémie de covid-19 et la guerre en Ukraine.
25La Thaïlande s’est également lancée dans un ambitieux plan de lignes ferroviaires à grande vitesse reliant Bangkok au nord-est du pays et vers les régions centrales du pays. Cinq lignes ont été approuvées en 2010 par le gouvernement thaïlandais. À cela s’ajoute la transformation de Bangkok en centre ferroviaire régional, volonté rendue possible depuis l’inauguration en 2021 de la nouvelle grande gare de Bang Sue, qui une fois pleinement opérationnelle devrait accueillir près de 400 000 passagers par jour et servira de plaque tournante pour toutes les liaisons ferroviaires de la Thaïlande, les trains à grande vitesse, les liaisons vers les aéroports (Don Mueang, Suvarnabhumi et U-Tapao), les trains de banlieue, mais aussi les lignes à grande vitesse en provenance de Chine et d’autres pays du bassin du Mékong36. Dans ce cadre, une ligne entre Bangkok et Vientiane est en train de se mettre en place, les négociations sur le tracé final étant toujours en cours.
26Dans le bassin du Mékong, on assiste bel et bien à l’instauration de partenariats renforcés entre les pays de la région et la Chine à travers les NRS, dont les LGV sont les éléments structurants. Toutefois, les gouvernements de la région semblent parfaitement conscients du « danger chinois » à travers le renforcement de la connectivité avec Pékin. À cet égard, la quête permanente du contrepoids, une constante des politiques étrangères des États de l’Asie du Sud-Est dans leurs relations avec les grandes puissances, fait que les pays de la région regardent avec un grand intérêt les initiatives auxquelles participent les États-Unis.
Intensification et limites de la présence américaine
27De par sa proximité géographique, la faible gouvernance des voisins méridionaux (Birmanie, Laos, Cambodge), et sa puissance économique, Pékin a pris progressivement l’avantage dans la gestion du bassin du Mékong.
28Après avoir mis en place l’Initiative du Mékong inférieur (LMI37) en 2009 (en lien avec le « pivot asiatique » de l’administration Obama), Washington a fait son retour en 2020 (administration Trump), en rebaptisant la LMI sous le nom de Partenariat Mékong-États-Unis. De plus, grâce au mécanisme du Cercle des Amis du Bas-Mékong (Friends of The Lower Mekong, FLM, sous l’administration Biden) de 2021, Washington permet aux pays extérieurs à l’Asie du Sud-Est de prendre part au développement de la région et donc de renforcer sa position. En effet, Washington se fait accompagner chez les Amis du Bas-Mékong par l’Australie, la Corée du Sud, le Japon, la Nouvelle-Zélande, l’Union européenne, la Banque mondiale et la Banque Asiatique de Développement. Quant au secrétariat de l’ASEAN, au Royaume-Uni, et à l’Inde, ils participent aux FLM en qualité d’observateurs.
29Alors que les États-Unis sont actifs comme initiateurs de la LMI et de ses dérivés, ils sont absents dans les structures où la Chine est présente, même lorsque celle-ci n’est que simple pays observateur. Bien entendu, le jeu d’influence en cours dans le bassin du Mékong ne concerne pas uniquement la gestion des ressources hydriques, mais également le développement des infrastructures. À ce titre, la Chine semble avoir une bonne longueur d’avance avec son projet des NRS, lequel est déjà bien implanté dans les pays de la région. Toutefois, les États-Unis sont désormais un partenaire de développement dans le cadre de la stratégie de coopération économique Ayeyawady-Chao Phraya-Mekong (ACMECS) et à la tête du Japan-U.S. Mekong Power Partnership (JUMMP), qui a pour but de développer les réseaux électriques régionaux.
30Plus généralement, les pays du bassin du Mékong sont intégrés à la vision indo-pacifique libre et ouverte (Free and Open Indo-Pacific, FOIP) portée par Washington, dont la centralité de l’ASEAN est devenue un pilier majeur de la politique, notamment du fait que l’ASEAN est une plaque tournante géostratégique ainsi qu’un nœud clé entre les océans Pacifique et Indien.
31L’ASEAN comme nœud stratégique a d’ailleurs été confirmée en mai 2022 par Washington lors du sommet spécial entre les États-Unis et neuf membres de l’ASEAN38 (12-13 mai 2022). Premier sommet dans la capitale, cet événement est historique par le fait que l’administration Biden a résisté à la tentation d’organiser, en marge du sommet, des réunions bilatérales avec certains pays, renforçant l’idée que les États-Unis voient désormais l’ASEAN comme un bloc géographique et stratégique, un être collectif avec lequel Washington veut construire une relation multidimensionnelle, notamment à travers les nombreuses initiatives de l’Association (promotion de la connectivité et de la coopération économique, développement durable, coopération maritime)39.
32Les États-Unis à la recherche d’alliés régionaux dans le cadre de leur stratégie indo-pacifique souhaitent apporter aux pays participants des garanties de sécurité, et désormais économiques, avec l’Indo-Pacific Economic Framework (IPEF40). Ce nouveau partenariat, lancé par les États-Unis le 23 mai 2022 (annoncé en octobre 2021) pour faire oublier le retrait du Partenariat transpacifique (TPP) en 2017, place d’une certaine façon l’ASEAN au centre de cette initiative. En effet, bien que ce ne soit pas un accord de libre-échange, mais un modèle qui a pour vocation de renforcer l’intégration économique entre les pays participants, le fait que sept des 12 membres de l’IPEF soient issus de l’ASEAN montre que la majorité des pays membres souhaitent un plus grand engagement économique des États-Unis dans la région.
33Cependant, du fait de l’absence du Myanmar, du Cambodge et du Laos dans l’IPEF, on constate d’une part un certain scepticisme des pays du bassin du Mékong à l’égard de l’IPEF41, et d’autre part on note que cette absence sape la coopération supranationale et le développement de l’ASEAN. Par ailleurs, de toute évidence, Washington ne considère pas encore le bassin du Mékong comme un pivot de l’ASEAN. Les interactions entre Washington, Naypyidaw, Vientiane et Phnom Penh manquent cruellement de profondeur sur les plans sécuritaire, économique et infrastructurel.
34Force est de constater que l’accélération du développement des corridors de la Région du bassin du Mékong déplace petit à petit le centre de gravité du fonctionnement de l’ASEAN en direction de la zone continentale alors qu’historiquement ce centre gravité se confondait avec le triangle de croissance Indonésie-Malaisie-Singapour. En effet, à travers les programmes de développement de corridors et l’édification d’infrastructures, on s’aperçoit que le dynamisme régional ne vient plus de ce triangle de croissance insulaire, mais de plus en plus de la partie continentale en lien avec les initiatives institutionnelles de la Chine et de ses NRS.
Conclusion
35Considérées comme un nouveau modèle de coopération Sud-Sud, les initiatives institutionnelles de la Chine portent en elles un projet politique qui conteste les institutions existantes telles que la MRC tout en reflétant un agenda économique et géopolitique qui va au-delà du Lancang-Mékong. L’objectif de Pékin est de mettre en place un vaste réseau, entre autres, vers le bassin du Mékong par voie terrestre. En disposant de sommes d’argent considérables investies dans des projets d’infrastructures, Pékin se positionne comme le maître d’œuvre du développement de la région du Mékong dans cette logique d’expansion commerciale et géopolitique de la Chine. L’ambition de la Chine est d’asseoir fermement son influence sur son voisinage par ce que l’on pourrait qualifier de « diplomatie du pourtour »42. Les pays du Mékong font indubitablement partie de ce « pourtour ».
36L’élargissement de la zone d’influence chinoise en direction du bassin du Mékong ne se fait pas sans résistances. Au regard de la vision indo-pacifique pilotée par les États-Unis, assistés par l’Australie, le Japon, l’Inde, mais aussi la France et l’UE, on assiste à une multitude d’initiatives dans un espace vu parfois, à tort, comme un pré carré de Pékin. Il n’en demeure pas moins que les tensions et rivalités qui se déploient dans le bassin du Mékong, un espace progressivement organisé par la Chine à la périphérie de son territoire, permettent de tenir à distance toute velléité de stratégie d’endiguement pilotée par les États-Unis et ses alliés.
37Cependant, pour le bassin du Mékong, être l’objet d’un jeu d’influence entre puissances n’est pas particulièrement confortable. En cas de conflit entre la Chine et les États-Unis, la région se situerait à l’avant-poste, avec pour conséquence géopolitique notable la menace de la cohérence et de la centralité de l’ASEAN et par-delà, l’équilibre délicat en Indo-Pacifique.
Notes de bas de page
1 Mekong River Commission, 2020, Annual Hydrology, Flood and Drought Report 2019, Vientiane ; Mekong River Commission, 2022, Mekong Low Flow and Drought Conditions in 2019–2021, Vientiane.
2 Vuong Duc Anh, « Vietnam asks China to open dams to relieve drought in Mekong Delta », VNExpress, 17 mars 2016, https://e.vnexpress.net/news/news/vietnam-asks-china-to-open-dams-to-relieve-drought-in-mekong-delta-3370281.html, consulté le 20 oct. 2022.
3 BenarNews, « Thailand to file complaint over China’s dams in Mekong River communities », 15 janvier 2020, https://reliefweb.int/report/thailand/thailand-file-complaint-over-china-s-dams-mekong-river-communities, consulté le 20 oct. 2022.
4 Niwat Roykaew, « China must be sincere on Mekong », Bangkok Post, 17 juillet 2019, https://www.bangkokpost.com/opinion/opinion/1713756/china-must-be-sincere-on-mekong, consulté le 20 oct. 2022 ; Sovinda Po et Christopher Primiano, « The Inclusive Institutional Balancing of the Lancang-Mekong Cooperation », Australian Outlook, 28 juin 2021, https://tinyurl.com/Australian-Outlook-LMC, consulté le 24 oct. 2022.
5 Sebastian Strangio, « US Official Attacks China’s ‘Manipulation’ of the Mekong. Southeast Asia’s mighty river is quickly becoming a new front in US-China competition », The Diplomat, 4 septembre 2020, https://thediplomat.com/2020/09/us-official-attacks-chinas-manipulation-of-the-mekong/, consulté le 20 oct. 2022.
6 Yuwei Hu et Juecheng Zhao, « GT investigates: Who are the mouthpieces of US-led war of public opinion on “Chinese dams’ threats” along Mekong River, and what are their typical methods? », Global Times, 28 mars 2022, https://www.globaltimes.cn/page/202203/1257016.shtml, consulté le 20 oct. 2022.
7 Oulavanh Keovilignavong et al, 2021, « Reviewing the causes of Mekong drought before and during 2019-20 », International Journal of Water Resources Development, https://0-www-tandfonline-com.catalogue.libraries.london.ac.uk/doi/abs/10.1080/07900627.2021.1967112?tab=permissions&scroll=top.
8 Yadu Pokhrel et al, 2018, « A review of the Integrated Effects of Changing Climate, Land Use, and Dams on Mekong River Hydrology », Water, vol. 10, n° 3, p. 266-291.
9 Xing Wei, 2017, « Lancang-Mekong River Cooperation and Trans-Booundary Water Governance », China Quarterly of International Strategic Studies, vol. 3, n° 3, p. 377-393.
10 Pokhrel et al, op. cit. ; Thanapon Piman, Ton Lennaerts, et Pan Southalack, 2013, « Assessment of hydrological changes in the lower Mekong Basin from Basin‐Wide development scenarios », Hydrological Processes, vol. 27, n° 15, p. 2115-2125 ; Anoulak Kittikhoun et Denise Satubli, 2018, « Water diplomacy and conflict mismanagement in the Mekong : from rivalries to cooperation », Journal of Hydrology, vol. 567, p. 654-667.
11 Sebastian Biba, 2018, « China’s old and new Mekong River politics: the Lancang-Mekong Cooperation from a comparative benefit-sharing perspective », Water International, vol. 43, n° 5, p. 622-641.
12 Ridipt Singh, « The 7th Lancang-Mekong Cooperation Meeting in Myanmar », Cescube, 28 juillet 2022, https://www.cescube.com/vp-the-7th-lancang-mekong-cooperation-meeting-in-myanmar, consulté le 24 octobre 2022.
13 Carl Middleton et David Devlaeminck, 2021, « Reciprocity in practice: the hydropolitics of equitable and reasonable utilization in the Lancang-Mekong basin », International Environmental Agreements: Politics, Law and Economics, vol. 21, n° 2, p. 235-253 ; Li Zhang et Hongzhou Zhang, 2021, « Water Diplomacy and China’s Bid for Soft Power in the Mekong », The China Review, vol. 21, n° 4, p. 39-75.
14 Hongzhou Zhang et Mingjiang Li, 2020, « China’s water diplomacy in the Mekong: a paradigm shift and the rôle of the Yunnan provincial government », Water International, vol. 45, n° 4, p. 347-364.
15 Richard Grünwald, 2020, « Lancang-Mekong Cooperation: present and future of the Mekong River Basin », Politické Vedy/Studies, vol. 23, n° 2, p. 69-97.
16 Sebastian Strangio, « Will the Mekong River really become the next South China Sea? », The Diplomat, 4 octobre 2022, https://thediplomat.com/2022/10/will-the-mekong-river-really-become-the-next-south-china-sea/, consulté le 24 oct. 2022.
17 Carl Middleton et David Devlaeminck, 2021, op. cit. ; Jinyu Gao et al, 2022, « Soft-cooperation via data sharing eases transboundary conflicts in the Lancang-Mekong River Basin », Journal of Hydrology, vol. 606, article.n° 127464.
18 Cité dans Ralph Jennings, « China’s Diversion of Upsteam Mekong Flows seen drying up Southeast Asia », Voice of America, 28 janv. 2021, https://tinyurl.com/VOA-Mekong, consulté le 20 oct. 2022.
19 Sebastian Biba, 2018, op. cit.
20 Kenneth Stiller, « A Convention could lock in China’s Mekong Cooperation », VOD, 14 mars 2022, https://vodenglish.news/opinion-a-convention-could-lock-in-chinas-mekong-cooperation/, consulté le 24 octobre 2022.
21 Sebastian Biba, 2018, op. cit.
22 Lei Xie and Shaofeng Jia, 2018, China’s International Transboundary Rivers. Politics, Security and Diplomacy of Shared Water Resources, Londres : Routledge ; Patricia Wouters et Sergei Vinogradov, 2020, « Reframing the transboundary water discourse: Contextualized international law in practice », Review of European, Comparative & International Environmental Law, vol. 29, n° 3, p. 385-394 ; Hongzhou Zhang et Mingjiang Li, op.cit.
23 Patricia Wouters et Sergei Vinogradov, 2020, op. cit.
24 Hongzhou Zhang et Mingjiang Li, op. cit.
25 Hongzhou Zhang et Mingjiang Li, op. cit. ; Hongzhou Zhang, « China’s’Development Approach’ to the Mekong Water Disputes », The Diplomat, 20 mars 2020, https://thediplomat.com/2020/03/chinas-development-approach-to-the-mekong-water-disputes/, consulté le 20 oct. 2022 ; Bastien Affeltranger, 2008, Le contrôle de la vérité : (Géo)Politique de l’information hydrologique. Le cas du bassin du Mékong, Asie du Sud-Est, Thèse en Sciences géographiques, Université Laval (Québec).
26 Sebastian Biba, 2018, op. cit.
27 Ren Junlin, Peng Ziqian et Pan Xue, 2021, « New transboundary water resources cooperation for Greater Mekong Subregion: the Lancang-Mekong Cooperation », Water Policy, vol. 23, n° 3, p. 684-699.
28 Hongzhou Zhang et Mingjiang Li, op. cit. ; Truong-Minh Vu and Tram Nguyen, 2021, « “Adapting to Nature”: A Preliminary Assessment of Vietnam’s Mekong Water Diplomacy since 2017 », ISEAS Perspectives, vol. 2021, n° 166, 17 décembre, https://tinyurl.com/ISEAS-Perspective, consulté le 24 oct. 2022.
29 Hongzhou Zhang et Mingjiang Li, op. cit. ; Ren Junlin, Peng Ziqian et Pan Xue, 2021, op.cit. ; Sovinda Po et Christopher Primiano, 2021, « Explaining China’s Lancang-Mekong cooperation as an institutional balancing strategy: dragon guarding the water », Australian Journal of International Affairs, vol. 75, n° 3, p. 323-340 ; Jittipat Poonkham, 2022, « Power politics and the Institutional Architecture in the Mekong Subregion: beyond the Geopolitical trap? », International Studies Center Journal, vol. 2022, n° 1, https://isc.mfa.go.th/en/content/power-politics-mekong?cate=5f204a5928600c531517cb75, consulté le 24 oct. 2022.
30 La Lower Mekong Initiative devait servir d’instrument dans le cadre de la politique américaine dite du « Pivot asiatique » voulu par l’administration Obama (2009-2017), stratégie aujourd’hui remplacée par la vision indo-pacifique libre et ouverte de Joe Biden.
31 Sebastian Strangio, 2022, op. cit. ; Xing Wei, 2017, op. cit.
32 Éric Mottet, 2019, « Les corridors de développement », in Éric Sarraute et Cécile Pierdet (dir.), L’Asie du Sud-Est. Une géographie régionale, Paris, Ellipses, p. 398-406.
33 Présentée comme une ligne à grande vitesse, cette ligne nouvelle, si elle offre en effet un service nettement plus rapide que la plupart des liaisons ferroviaires en Asie du Sud-Est, ne rencontre cependant pas les critères de l’Union Internationale des Chemins de fer (UIC), selon lesquels la grande vitesse ferroviaire est supérieure à 250 km/h. De nombreuses lignes classiques en Europe fonctionnent à 160 km/h. De plus, à voie unique et faisant circuler des convois de fret à 120 km/h, la ligne ne pourra offrir un service cadencé à haute fréquence.
34 Le cinquième pont permettra de relier la province laotienne du centre de Bourikhamxay à Bueng Kan en Thaïlande (inauguration en 2023). Quant au sixième pont, dont les travaux devraient être achevés en 2025, il fera le lien entre la province thaïlandaise d’Ubon Ratchathani et la province méridionale de Salavan.
35 World Bank, 2020b, « From Landlocked to Land-Linked. Unlocking the Potential of Lao-China Rail », Washington D.C.
36 Éric Mottet, 2019b, « La BRI en Asie du Sud-Est continentale : projets, opportunités et tensions géopolitiques et géoéconomiques », dans Frédéric Lasserre, Éric Mottet et Barthélémy Courmont (dir.), Les nouvelles routes de la soie. Géopolitique d’un grand projet chinois, Québec : Presses de l’Université du Québec, p. 95-118.
37 La LMI a été créée entre les États-Unis et cinq pays situés le long du Mékong, à savoir le Cambodge, le Laos, la Birmanie, la Thaïlande et le Vietnam. Elle vise à améliorer l’infrastructure et la connectivité dans la région, en accordant une attention particulière à la sécurité alimentaire et hydrique, à l’éducation, à la santé, à l’énergie et à l’autonomisation des femmes.
38 La junte militaire birmane n’a pas participé au sommet, faute d’invitation.
39 Éric Mottet, 2022, « L’ASEAN face à l’AUKUS : dissensions, résilience et centralité », Revue Défense Nationale, n° 852, p. 126-130.
40 Le Cadre économique pour l’Indo-Pacifique comprend 13 pays : États-Unis, Japon, Inde, Australie – les quatre états composant le format diplomatique du QUAD – ainsi que Brunei, Corée du Sud, Indonésie, Malaisie, Nouvelle-Zélande, Philippines, Singapour, Thaïlande et Vietnam.
41 « Southeast Asian Nations Roll the Dice on Biden’s Indo-Pacific Framework », The Diplomat, 24 mai 2022.
42 Éric Mottet, Frédéric Lasserre, Barthélémy Courmont et Serge Granger, 2020, Marges et frontières de la Chine, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 298 p.
Auteurs
Frédéric Lasserre est Professeur au département de géographie de l’université Laval (Québec), il est aussi chercheur à l’Institut québécois des Hautes études internationales (HEI). Parmi ses publications les plus récentes sur l’Asie : Éric Mottet, Frédéric Lasserre et Barthélémy Courmont (dir.), La Chine et le monde. Quelles nouvelles relations, quels nouveaux paradigmes ? (Québec, Presses de l’Université du Québec, sous presse, janvier 2015) ; Huang Linyan, Frédéric Lasserre et Olga Alexeeva : « Is China’s interest for the Arctic driven by Arctic shipping potential ? » (Asian Geographer, 2014).
Éric Mottet, associé à l’IRASEC, est maître de conférences HDR à l’Université Catholique de Lille, chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS, Paris), et directeur adjoint du Conseil québécois d’études géopolitiques (CQEG, Québec). Ses travaux portent notamment sur la géopolitique, l’économie politique et la géoéconomie en lien avec la mondialisation, les processus d’intégration régionale et leurs modèles de gouvernance et de régulation. Il a publié récemment L’Asie du Sud-Est contemporaine (PUQ, 2020), La puissance décomplexée de la Chine (PUM, 2020) et Marges et frontières de la Chine (PUM, 2020).
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