Impact social de l’intégration économique internationale et de l’adhésion à l’OMC du Viêt Nam
p. 49-83
Texte intégral
1 - Avant-propos
1L'ouverture et l'intégration économique internationale du Viêt Nam, qui font partie intégrante du « Doi Moi », ont accompagné le processus de libération des forces productives locales et ont permis des réalisations économiques et sociales considérables durant ces deux dernières décennies. L'adhésion du Viêt Nam à l'OMC en janvier 2007 était une étape importante de ce processus.
2L'adhésion à l'OMC a porté le Viêt Nam à un nouveau stade de développement avec de nouvelles opportunités et de nouveaux défis. La perspective d'un développement national rapide et durable est prometteuse, mais les défis sont aussi redoutables. Les opportunités sont, par exemple, l'accès au marché mondial sans être victime de la discrimination, l'amélioration de l'environnement judiciaire pour les investissements grâce au perfectionnement du cadre légal et à l'application de mécanismes de gestion clairs et transparents. Les défis sont, par exemple, la concurrence plus âpre au niveau des produits, des entreprises ou des Etats, la stratification sociale plus forte, le chômage plus important et les entreprises en faillite plus nombreuses. Notamment sur le plan social, ces défis pourraient entraver une croissance économique rapide ou engendrer une instabilité sociale.
3Bien qu’un grand nombre d'études récentes porte sur l'élaboration des politiques sociales et la résolution des problèmes sociaux, aucune étude n’a traité jusqu’à présent de l’évaluation globale et systématique de l'incidence sociale au Viêt Nam de l'ouverture, à l'économie internationale et de l'adhésion à l'OMC.
4Les analyses et observations faites dans cette étude se basent principalement sur les statistiques, données, analyses et commentaires portant sur l'intégration économique internationale durant ces deux dernières décennies et notamment ces dix dernières années. L'adhésion à l'OMC était un évènement très important dans le processus d'intégration économique internationale du Viêt Nam. L'incidence de l'adhésion à l'OMC ne peut pas encore être pleinement mesurée, car le Viêt Nam n'est membre de l'OMC que depuis à peine un an. Les observations de cette étude sur les opportunités, les défis et l'incidence sociale de l'intégration économique internationale et de l'adhésion à l'OMC ne présentent que des hypothèses qui sont appelées à être approfondies. Ce sont les premiers efforts visant à formuler des observations générales sur l'incidence sociale de l'intégration économique internationale au Viêt Nam dans la période actuelle.
5L'intégration économique internationale a permis une croissance économique soutenue, mais engendre également des impacts sociaux directs et indirects, positifs et négatifs, complexes et multiformes. Ces impacts peuvent être en interaction avec les impacts économiques et politiques, ce qui aboutit à une incidence intégrante. L'incidence sociale de l'intégration économique internationale peut se traduire indirectement par les impacts de ce processus sur la croissance économique, qui impulse le développement humain, qui améliore le niveau de vie, qui réduit la pauvreté, qui stimule la stratification sociale, qui modifie la structure économique et donc la structure sociale, qui influence la gestion économique et sociale, qui fait évoluer les instituions et les technologies, qui fait changer la pensée, les comportements économiques et sociaux, la méthode de travail des hommes et des groupes sociaux, qui influence directement la coopération et la concurrence entre organisations économiques et sociales, les inégalités sociales, la réduction de la pauvreté, les rapports de travail (par exemple, la coopération et la confrontation accrues entre employés vietnamiens et employeurs étrangers), qui élargit les possibilités d'accéder aux prestations sanitaires et éducatives de haute qualité, qui augmente la migration et la mobilité de la main-d'œuvre, qui influence directement et indirectement le maintien et la conservation des valeurs traditionnelles et du patrimoine culturel.
6L'intégration économique internationale améliore le niveau de vie et réduit la pauvreté, mais aggrave la stratification sociale entre les couches populaires, les groupes sociaux et les régions. L'intégration apporte aussi beaucoup d'opportunités et lance des défis aux groupes socio-professionnels selon leur branche, leurs produits, et leur secteur économique, car elle permet la croissance et la création d'emplois dans certains secteurs et régions, mais est à l'origine d’un chômage croissant et de faillites plus nombreuses dans certains autres secteurs et régions. La concentration des flux d'IDE dans les pôles économiques et les grandes villes accroît les écarts de développement entre régions, amplifie l'exode rural, contribue à renforcer les forces productives, mais aggrave la saturation et les problèmes sociaux des zones urbaines. Les rapports de travail entre employeurs et employés seront plus complexes en raison de l'augmentation rapide des investissements étrangers. Les grèves seront plus fréquentes et pourraient entraîner une instabilité sociale et économique. L'intégration économique internationale contribue au développement humain, mais constitue également des défis dans ce domaine. La croissance rapide liée à l'intégration économique internationale apporte à la fois des opportunités et des défis à chaque groupe social, ce qui nécessite la mise en place d'un système de sécurité sociale adapté à une économie de marché très mouvementée.
7Les impacts sur l'environnement sont chaque jour plus forts en raison de l'augmentation des investissements étrangers et de l'élargissement de l'urbanisation. Plusieurs pays ont tiré de leur processus d'industrialisation et de mondialisation une leçon selon laquelle la dégradation de leur environnement naturel leur coûte plus cher que les bénéfices résultant de leur croissance économique.
8L'intégration économique internationale et la mondialisation économique peuvent aussi produire des effets indésirables sur la conservation de l'identité culturelle nationale.
9L'étude de l'incidence sociale de l'intégration économique internationale, notamment après l'adhésion du Viêt Nam à l'OMC, devient donc impérative en vue de fournir des arguments scientifiques et pratiques pour l'élaboration des politiques sur cette question importante par le Parti et l'Etat.
10Dans le cadre de cette étude, certains impacts sociaux suivants de l'intégration économique internationale, notamment après l'adhésion à l'OMC, sont analysés : la contribution de l’'intégration économique internationale à la rénovation des institutions et à l’amélioration de l'efficacité de l'appareil d'Etat, son rôle en tant que force motrice pour le développement national ; l’amélioration du niveau de vie de la population liée à l'intégration économique internationale et la réduction de la pauvreté ; la contribution de l’intégration économique internationale à l’aggravation de la stratification sociale et des inégalités sociales ; l'emploi, les rapports de travail et la migration dans le processus de l'intégration économique internationale ; le développement humain dans le contexte de l'intégration économique internationale.
2 - Incidence sociale au Viêt Nam de l'intégration économique internationale et de l'adhésion à l'OMC
11Les impacts sociaux de l'intégration économique internationale sont successivement analysés dans cette partie et des questions sont posées en vue de suggérer une étude plus approfondie sur ces impacts.
2.1 - L'intégration économique internationale a contribué et est en train de contribuer à rénover les institutions et à améliorer l'efficacité de l'appareil d'Etat et devient une force motrice pour le développement national
12Pour pallier l'incidence sociale de l'intégration économique internationale, les décideurs politiques ont élaboré plusieurs stratégies importantes telles que la Stratégie globale sur la croissance et la réduction de la pauvreté, le Plan de développement économique et social pour la période 2006-2010, l’Agenda 21 sur le développement durable, le Plan d'action du Gouvernement suite à l'adhésion à l'OMC, etc.
13La rénovation des institutions avec le soutien des partenaires bilatéraux et multilatéraux ainsi que des organisations internationales a permis au Viêt Nam de progresser rapidement vers ses objectifs de développement. Par exemple, le Viêt Nam a atteint 5 des 10 Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) prévus pour 2015 et est sur le point d'atteindre 4 autres objectifs avant leur échéance. Plusieurs politiques relatives aux affaires sociales telles que la santé, l'éducation, les terres, l'eau, les infrastructures, le développement du secteur privé ont obtenu des progrès notables durant la période 2001-2005 (selon les documents du programme PRCS 5). Le rapport de la Banque mondiale sur les institutions et les politiques nationales (CPIA) affirme également que le Viêt Nam a obtenu une note meilleure que la moyenne régionale pour la plupart des indicateurs relatifs à la gestion macroéconomique et à l'insertion sociale. Les notes qui sont inférieures à la moyenne régionale concernent les finances, le travail et la sécurité sociale, la transparence et la lutte contre la corruption (janvier 2006).
14Beaucoup de politiques et de lois ne sont pas adaptées à la réalité de la plupart des secteurs, ce qui engendre des conséquences profondes pour un grand nombre de groupes sociaux, notamment les groupes défavorisés. Cela entraîne des instabilités sociales, se traduisant par des plaintes massives, une apparition rapide et concentrée dans les zones industrielles de grèves, la concentration de la pauvreté dans certaines régions et chez les groupes exposés aux calamités naturelles et aux épidémies, des inégalités accrues, etc..
15Ainsi, les politiques agraires visent davantage à encourager les investissements dans les zones industrielles et les zones urbaines qu'à protéger les intérêts durables des paysans qui sont privés de terre. La rente liée à la transformation du droit d'usage des terres n'est pas convenablement traitée pour accompagner le recyclage des paysans qui sont privés de leurs terres. Il faut que le droit d'usage des terres devienne un bien facilement échangeable sur le marché. Cela constitue la solution aux problèmes sociaux résultant de l'expropriation des terres agricoles.
16La modification et l'application du Code du Travail semblent privilégier les investisseurs et la croissance plutôt que la défense des intérêts légaux et légitimes des employés. Le mécanisme de négociation collective ne s'avère pas efficace et adapté à l'économie de marché. Cela rend difficile la neutralisation des sources principales des conflits liés aux rapports de travail, notamment des grèves.
17Les politiques relatives à la sécurité sociale et aux assurances sur les activités productives ne sont pas suffisamment prises en considération en vue de protéger les groupes sociaux défavorisés face aux risques accrus dans les secteurs productif et commercial (avec un marché élargi), dans la vie quotidienne (avec des calamités naturelles et des épidémies plus fréquentes).
18La politique de mise en actionnariat des entreprises publiques ne semble pas apporter des intérêts adéquats aux employés et aux petits investisseurs au profit des grands investisseurs et des administrateurs. L'opacité de ce processus est en train de porter préjudice aux intérêts de l'Etat, des employés des entreprises concernées et des petits investisseurs.
19Les politiques relatives à la migration et à la gestion des séjours portent principalement sur la gestion sociale et l'ordre social plutôt que sur la facilitation des travailleurs délocalisés, qui sont en fait une force productive contribuant grandement à la croissance de leur zone de résidence et qui constituent des groupes sociaux défavorisés dans la société.
20L'application des politiques et des dispositions légales par les autorités locales compétentes n'a pas beaucoup évolué. L'appareil d'Etat n'est pas vraiment un Etat providence et ne sait pas encore résoudre les problèmes sociaux des groupes défavorisés tels que les employés, les paysans privés de leurs terres agricoles, les personnes pauvres, les personnes délocalisées, etc
Questions de débat :
Quelles sont les mesures à prendre en vue d'accélérer la rénovation institutionnelle et l'amélioration de l'efficacité de l'appareil d'Etat dans le contexte d'une intégration plus forte du Viêt Nam dans la mondialisation ?
L'intégration économique internationale contribue-t-elle à améliorer la démocratisation de la vie sociale ?
2.2 - L'intégration économique internationale améliore le niveau de vie de la population et favorise la réduction de la pauvreté
21L'intégration économique internationale constitue une force motrice importante pour la croissance économique. La croissance économique soutenue grâce au Doi Moi et à l'intégration économique internationale contribue solidement à l'amélioration du niveau de vie de la population. A son tour, l'amélioration du niveau de vie amplifie l'épargne et la consommation de la population, ce qui dynamise ensuite la croissance économique.
22La consommation par habitant a augmenté de 5,5 % par an en moyenne durant la période 2001-2005. Le taux d'épargne par rapport au PIB était de 30,2 % en 2005, le taux des ménages et des entreprises étant de 24,2 % (avril 2006).
23Le niveau de vie de la population s'est rapidement amélioré tant à la campagne que dans les villes durant la période du Doi Moi et de l'intégration économique internationale. Le tableau 2, qui décrit la consommation par habitant durant la période 1993-2004 en dôngs constants de 1993, montre que cet indicateur a été multiplié par 1,75 à la campagne et par 2,05 dans les villes. Durant la période 2002-2004, qui était marquée par une intégration économique plus forte suite à l'entrée en vigueur de l'Accord commercial bilatéral avec les Etats-Unis (BTA), la consommation par habitant a été multipliée par 1,18 à la campagne et par 1,12 dans les villes. L'amélioration du niveau de vie de la population a donc été plus rapide à la campagne que dans les villes.
Tableau 1 : Consommation par habitant à la campagne et dans les villes durant la période 1993-2004 (en milliers de dôngs constants de janvier 1993)
1993 | 1998 | 2002 | 2004 | |
Campagne | 1 114 | 1 472 | 1 649 | 1 945 |
Villes | 2 124 | 3 280 | 3 884 | 4 359 |
24L'enquête menée en 2003 et 2004 par l’Institut de Sociologie du Viêt Nam auprès de 14 143 ménages de 63 communes de 63 provinces, qui comporte un indice sur « l'auto-évaluation du niveau de vie » par les ménages interrogés, fait aussi état d'une amélioration encourageante du niveau de vie de la population.
25Par rapport aux 3 années antérieures à l'enquête, plus de 50 % des ménages estiment que leur niveau de vie est « meilleur », près de 40 % le voient "peu variable" et près de 10 % le jugent "pire". Autrement dit, la plupart des ménages affirment que le niveau de vie est stabilisé ou amélioré et une petite partie des ménages le juge dégradé durant cette période de 3 ans. Le pourcentage des ménages dont le niveau de vie est moins bon est de 18,4 % dans le delta du Fleuve Rouge, de 11 % au Sud-Est, de 10,4 % dans le delta du Mékong et de 9,4 % dans la partie septentrionale du Centre. Peut-être, dans les régions économiquement plus développées, les effets néfastes du marché sont plus visibles et le taux de d’insatisfaction de la population est plus élevé.
26En revanche, le pourcentage des ménages connaissant une dégradation de leur niveau de vie est très faible : 3,1 % au Nord-Est, 1,5 % au Nord-Ouest et 4,3 % dans les hauts plateaux de Tay Nguyen. Dans ces régions, le pourcentage des ménages ayant un niveau de vie amélioré est assez élevé : 35 % au Nord-Est, 48,5 % au Nord-Ouest et 46,7 % dans les hauts plateaux de Tay Nguyen. Il est clair que le niveau de vie général de la population dans les régions montagneuses a été considérablement amélioré en raison de leur point de départ faible et de leur sensibilité plus forte aux interventions telles que la politique de réduction de la pauvreté.
Encadré 1
06/05/2007 Dantri. com. vn
Un sondage mené par Navigos Group montre que l'augmentation du salaire (le revenu réel) sur le marché du travail du Viêt Nam est vertigineuse. Cette augmentation, qui n'était que de 8 % en 2004 ou 9,5 % en 2005, a monté en flèche pour atteindre 12,3 % en 2006. Par ailleurs, l'augmentation du salaire, qui était très proche de l'inflation et de la croissance en PIB en 2004 et 2005, est presque le double de l'inflation et 50 % supérieure à la croissance de 2006. D'après M. Mikkel Schônherr Thogersen, chef du Bureau de Projets de sondage sur les salaires 2007, « c'est la vague des investissements étrangers au Viêt Nam et la création massive des entreprises qui ont récemment bouleversé l'équilibre entre l'offre et la demande sur le marché du travail, ce qui contribue à la course à l'augmentation des salaires ». M. Thogersen estime également que le salaire moyen payé par les entreprises privées locales, qui est loin d'être égal à celui des entreprises à capitaux étrangers (le salaire des premières étant 14 % inférieur à celui des secondes), connaît cependant une augmentation très rapide. Si ce rythme était maintenu, le niveau des salaires des entreprises privées locales sera égal à celui des entreprises à capitaux étrangers dans 5-7 ans.
27Le salaire des employés d'entreprises connaît aussi une majoration rapide grâce à la croissance économique et à l'intégration internationale (qui se traduit par des entrées des capitaux étrangers et la création de nombreuses entreprises depuis quelques années). Le rythme d'augmentation du salaire sur le marché du travail du Viêt Nam est croissant, passant de 8 % en 2004 à 9,5 % en 2005, puis 12,3 % en 2006 (cf. encadré 1).
28La réduction de la pauvreté est une des réalisations les plus remarquables du Doi Moi du Viêt Nam. L'intégration internationale est un facteur important pour soutenir une croissance économique rapide et devient une force motrice majeure de la réduction de la pauvreté au Viêt Nam.
29Durant 11 ans (1993-2004), environ 24 millions d'habitants sont sortis de la pauvreté, dont une moitié pendant la période 1993-1998 et le reste pendant la période 1998-2004. Le taux de pauvreté en 2004 (19,5 %) n'était qu'un tiers de celui de 1993 (58,1 %). La réduction de la pauvreté durant la période 1993-2004 était très visible et ne dépend pas de la norme de la pauvreté. Sur cette période, le déficit des dépenses par les personnes pauvres par rapport au seuil de pauvreté a considérablement baissé. Les indicateurs de bien-être non monétaire, qui reflètent la vie sociale des ménages ont été nettement améliorés durant cette période. Cette réalisation en matière de réduction de la pauvreté est grandement liée à la forte croissance économique : « un pour cent de la croissance en PIB par habitant a permis de réduire le taux des ménages pauvres de 0,55 % pour la période 1993-1998 et de 0,49 % pour la période 1999-2004 » (Académie des Sciences Sociales du Viêt Nam, 2006).
30Par ailleurs, les entreprises à capitaux étrangers ont, grâce à leur efficience économique élevée, augmenté leur contribution au budget de l'Etat (en passant de 0,2 million de dollars en 1995 à près de 1,5 milliard de dollars actuellement). C'est une base importante pour que l'Etat accroisse ses crédits budgétaires alloués aux secteurs sociaux (30 % du budget de l'Etat), dont les prestations sociales essentielles telles que la santé, l'éducation, la réduction de la pauvreté et le soutien aux communes en situation particulièrement difficile. Ainsi, le programme 135, qui soutient 2 374 communes en situation particulièrement difficile, a bénéficié de 7 227,7 milliards de dôngs alloués par le pouvoir central en vue de construire 22 000 ouvrages d'infrastructures, 528 centres intercommunaux, ce qui a contribué à ramener le taux de pauvreté de 60 % en 1999 à 23,4 % en 2004 dans ces communes.
31L’APD drainée au Viêt Nam grâce à son intégration internationale a aussi contribué à la réduction de la pauvreté. Avec 24,7 milliards de dollars engagés, dont 15,8 milliards de dollars déjà déboursés, l’APD finance principalement le développement des infrastructures, le perfectionnement des institutions et la réduction de la pauvreté. Ce financement a bénéficié à une partie des personnes pauvres et des groupes sociaux défavorisés, renforce la prise de conscience et la capacité de gestion, améliore et protège l'environnement. L’APD a grandement contribué à promouvoir le développement de l'agriculture et de la campagne dans le cadre des efforts visant à réduire la pauvreté. Les projets financés par l’APD ont aidé les paysans à accéder aux crédits leur permettant de créer des métiers supplémentaires, ont soutenu la promotion agricole, sylvicole et aquacole, ont développé la circulation rurale, l'irrigation, l'alimentation en eau propre, le réseau électrique, les dispensaires, les écoles, etc.. L’APD a soutenu le développement des provinces, notamment en ce qui concerne la réduction de la pauvreté, le développement de petites infrastructures dans les régions rurales et montagneuses. La plupart des villes et provinces ont monté des projets relatifs à l'alimentation en eau, aux écoles, aux hôpitaux, à l'irrigation, à l'évacuation des eaux usées et au développement de petites infrastructures.
32Certes, la réduction de la pauvreté au Viêt Nam est le fruit d'un ensemble d’efforts dans plusieurs domaines. Cependant, l'intégration économique internationale est un facteur permanent qui a directement et indirectement contribué aux résultats principaux de la croissance, de la réduction de la pauvreté et du développement social général du Viêt Nam durant ces deux dernières décennies.
2.3 - L'intégration économique internationale aggrave la stratification sociale et les inégalités sociales
33La stratification sociale reflète les inégalités de la société au cours de son évolution et de son développement. Pour le Viêt Nam, en pleine transition économique et dans son processus d’intégration internationale de plus en plus forte et qui enregistre une croissance économique soutenue, la stratification sociale s'aggrave très nettement et retient l'attention de tous les citoyens que ce soit les dirigeants nationaux ou les personnes les plus démunies. Cette question revêt une signification d'autant plus importante que le Viêt Nam est en train de bâtir une économie de marché à orientation socialiste, dont le premier objectif est la justice sociale.
34Dans le cadre du Doi Moi et de l'intégration internationale accrue, la stratification s'aggrave au Viêt Nam. Mais le pays connaît néanmoins un développement assez équitable par rapport aux autres pays de même niveau de développement économique. La croissance économique, qui doit beaucoup aux IDE et à l’APD, bénéficie largement aux différentes couches populaires et aux différentes régions du pays, y compris aux personnes pauvres et aux groupes sociaux défavorisés. Cette répartition des fruits de la croissance est certes plus ou moins inégale et inéquitable, une partie de la population étant même très exposée à différents risques. Le coefficient de Gini n'a augmenté que légèrement sur longue période (en passant de 0,34 en 1993 à 0,35 en 1998, puis 0,37 en 2004). Il semble que les inégalités monétaires au Viêt Nam ne soient pas très différentes de celle des autres pays ayant le même revenu par habitant en parité de pouvoir d'achat.
35Cependant, l'inégalité relative va en augmentant, comme le montre l’évolution de l’indice de Gini (ci-dessus) et du ratio inter quintile (entre le quintile le plus riche et le plus pauvre de la population). En 1993, les dépenses des ménages les plus riches étaient 5 fois supérieures à celles des plus pauvres. Ce taux est passé à 6,3 en 2004. La part du groupe le plus riche de la population rapportée aux dépenses totales de la société est passée de 41,8 % en 1993 à 44,7 % en 2004. Durant cette même période, la part du plus pauvre est passée de 8,4 % à 7,1 %(Académie des Sciences Sociales du Viêt Nam, 2007).
36Les inégalités entre les régions se sont également accrues durant le processus de croissance économique. Le pourcentage des ménages pauvres au Nord-Ouest et dans les hauts plateaux de Tay Nguyen (qui sont les deux régions où les ethnies minoritaires sont concentrées) ainsi que dans la partie septentrionale du Centre et dans le delta du Mékong est 4,5 fois supérieur à la moyenne nationale.
37Si l'inégalité patrimoniale était mesurée, il est très probable que les écarts entre le groupe le plus riche et le plus pauvre de la population s'aggraveraient encore beaucoup par rapport aux indicateurs basés sur les dépenses ou les revenus dans les études existantes.
38Durant la période 1993-2004, l'accroissement de l'inégalité générale a été principalement lié à l'accroissement de l'inégalité entre zones urbaines et rurales, bien que le poids de cette inégalité dans l'inégalité générale aille en diminuant au bénéfice des inégalités au sein de chaque zone. L'analyse de l'indice d'inégalité de Theil montre que pour la période 1993-1998, l'inégalité au Viêt Nam était due à 96 % à l'inégalité entre zones urbaines et la rurales et à seulement 4 % aux inégalités au sein de chaque zone et que ces taux étaient respectivement de 39 % et 61 % pour la période 1998-2004.
39Cependant, la stratification sociale crée aussi des opportunités et des incitations pour les personnes compétentes, qui savent saisir les occasions du marché pour progresser et grimper l'échelle sociale. Beaucoup d'entrepreneurs, de travailleurs, d’intellectuels, etc. s'enrichissent et ont un meilleur statut social grâce à l'intégration économique internationale et au développement de l'économie de marché. Dans les villes, une classe de personnes riches émerge, ce qui se traduit par une habitation séparée et l'accumulation de patrimoine. Sur le critère de la possession des valeurs mobilières, VN Express a révélé, le 23 janvier 2007 d’après les calculs basés sur les rapports financiers de près de 150 sociétés, que « le montant total du patrimoine de 650 actionnaires, qui sont fondateurs, administrateurs, membres de commissions de contrôle, membres de la direction et leurs proches, s'élève, selon les cours boursiers à la fin de la journée du 29 décembre 2006, à plus de 37 200 milliards de dôngs, soit plus de 4 % du PIB du Viêt Nam ».
40Les habitations séparées, principalement liées au facteur économique, apparaissent dans les grandes villes et leurs alentours depuis une dizaine d'années dans le contexte de l'intégration internationale accrue. Les investissements étrangers ont développé ce modèle à travers les quartiers de Phu My Hung, de Villa Riviera et de Ciputra, ce qui incite les personnes aisées à acheter des habitations haut de gamme. Cependant, la concentration des investissements étrangers et locaux dans l'immobilier pour les « riches » pourrait limiter relativement l’adhésion au logement pour les personnes ayant un revenu modeste, en raison de la pénurie des ressources financières et foncières. Ce phénomène tend à aggraver l'inégalité sociale dans les grandes villes dans le contexte de l'urbanisation rapide, de l'accélération de l'industrialisation et de la modernisation nationales et de l'intégration internationale, ce qui pourrait entraîner l'instabilité sociale. Ce phénomène d'inégalité est directement lié à l'intégration internationale et aux investissements directs étrangers.
41Les IDE sont concentrés dans le pôle économique du Sud, qui représente 57,2 % des capitaux inscrits et 49,6 % des capitaux réalisés de tout le pays. Le pôle économique du Nord représente environ 26 % des IDE inscrits et 28,7 % des capitaux réalisés. Durant la période récente du Doi Moi, les IDE concernent principalement le secteur industriel et la construction (62,4 % des IDE inscrits) ainsi que les services (31,4 % des IDE inscrits) et sont très concentrés dans les villes. Cela contribue grandement à la croissance économique, à la création des emplois ayant un revenu élevé dans le secteur des entreprises à capitaux étrangers et à améliorer le niveau de vie dans les zones urbaines. C'est l'origine de l'accroissement des inégalités entre les pôles économiques et les autres zones, entre les villes et la campagne, mais aussi entre les groupes socio-professionnels ou les régions économiques.
42L'inégalité entre les régions peut être mesurée par l'augmentation de leurs dépenses réelles. Alors que le Sud-Est et le delta du Fleuve Rouge (qui sont deux pôles économiques) ont enregistré une croissance respectivement de 133 % et 111 % des dépenses durant la période 1993-2004, ce taux n'était que de 52 % pour le Nord-Ouest, de 63 % pour le delta du Mékong et de 67 % pour la partie méridionale du Centre. Le ratio des dépenses urbaines rapportées aux dépenses rurales est passé de 1,91 en 1993 à 2,24 en 2004.
43L'incidence sociale des IDE se traduit également dans le domaine de l'usage des terres (qui sont principalement agricoles). En réalité, une partie notable des paysans est expropriée de ses terres cultivables et une partie des citadins ne peut plus exercer son métier traditionnel. Ces populations sont obligées de changer de métier ou de déménager.
44Actuellement, les terres utilisées par les étrangers (dont les entreprises bénéficiant des IDE) totalisent environ 35 105 ha. Cependant, ce chiffre est loin de refléter les impacts de l'intégration internationale sur l'usage des terres. L'intégration internationale crée la croissance économique, stimule l'urbanisation, développe rapidement les infrastructures, par exemple dans le domaine des transports, et augmente le nombre des zones industrielles.
Encadré 2
Selon les statistiques du Département des Coopératives et du Développement rural (Ministère de l'Agriculture et du Développement rural), chaque ménage rural dispose de 1,5 agriculteur et chaque hectare de terres agricoles expropriée fait perdre leur emploi à plus de 10 agriculteurs. L'expropriation des terres agricoles durant ces 5 dernières années affecte ainsi la vie de 627 495 ménages avec 2,5 millions de personnes, dont environ 950 000 agriculteurs. Ce phénomène touche notamment le delta du Fleuve Rouge avec quelque 300 000 ménages et le Sud-Est avec quelque 108 000 ménages. (Molisanet, juillet-août 2007)
La forte intégration internationale aggrave-t-elle l'inégalité sociale ?
45Après l'adhésion à l'OMC, l'intégration économique internationale est de plus en plus forte. Ainsi, les IDE drainés en 2007 ont atteint un total de 20 milliards de dollars, soit plus du double du montant de 2006, et il est prévu que le chiffre de 2008 soit encore très supérieur. Cela a permis une croissance économique plus rapide. En 2007, la croissance économique a été de 8,6 %, soit la plus forte croissance de ces 10 dernières années. La croissance économique accrue entraîne naturellement des changements sociaux, dont éventuellement l'accroissement de l'inégalité sociale en raison de la répartition inégale des IDE entre les régions, des chances d'emploi différentes et des revenus différents entre les groupes sociaux et de leurs différences relatives au pouvoir détenu, aux ressources sociales, matérielles, naturelles, financières et humaines. Les paysans qui n'ont pas assez de terres cultivables ou qui voient leurs terres expropriées, les personnes qui sont très exposées aux catastrophes naturelles, aux épidémies ou aux risques personnels, les habitants des minorités ethniques dans les régions montagneuses et reculées, les travailleurs délocalisés dans les villes, les personnes pauvres et proches du seuil de la pauvreté, les personnes handicapées, etc. sont maintenues au bas de l'échelle sociale et tendent même à s'appauvrir.
46L'inégalité sociale croissante au Viêt Nam durant le processus d'intégration internationale s'explique par la concentration des ressources, qu'elles soient des IDE, des APD (pour le développement des infrastructures), des crédits étatiques (le budget de l'Etat et les capitaux des entreprises publiques) et même des capitaux privés, dans les pôles économiques dans le cadre des efforts visant à accélérer la croissance économique en vue de rattraper le retard de développement et de devenir un pays industrialisé en 2020. L'Etat, qui a mis en place plusieurs politiques sociales (la création d'emplois, la fourniture des services sociaux essentiels, la sécurité sociale, la réduction de la pauvreté, etc.) afin de remédier à ce phénomène, n'a pas assez de moyens pour empêcher l'accroissement de l'inégalité sociale.
47Les politiques économiques et sociales peuvent réduire l'inégalité sociale, augmenter les chances et le niveau de vie des groupes défavorisés, limiter les dégâts liés aux risques auxquels les groupes vulnérables sont exposés et prélever sur les revenus des personnes aisées en faveur du financement de la réalisation des politiques sociales.
Questions de débat :
La tendance à la décentralisation augmente-elle les écarts de développement entre les régions riches et les régions pauvres ?
La socialisation de la fourniture des services sociaux essentiels aggrave-t-elle l'inégalité sociale ?
Quelles sont les mesures à prendre pour réduire l'inégalité sociale, notamment entre les régions riches et les régions pauvres, entre les zones urbaines développées et les zones principalement peuplées par les minorités ethniques ainsi qu'au sein de la zone urbaine ou de la zone rurale ?
2.4 - L'emploi, les rapports de travail et la migration durant le processus d'intégration économique internationale
L'emploi durant le processus d'intégration économique internationale
48La création des emplois est non seulement une demande impérative de la société, mais également un élément décisif pour la mise en valeur du facteur humain, de la stabilité et du développement de l'économie, de l'assainissement de la société et de la satisfaction de l'aspiration légitime et des besoins urgents de la population.
49Aujourd'hui, environ 588 000 personnes sont en chômage dans les villes et plus de 33 millions de personnes à la campagne ne sont occupées que durant les quatre cinquièmes de leur temps de travail. Le Viêt Nam doit créer chaque année 1,5 million d'emplois, dont un million pour les personnes qui entrent pour la première fois sur le marché du travail.
Un effet social très positif des IDE est la création d'emplois et l'amélioration de la qualité des ressources humaines
50Les investissements directs étrangers contribuent grandement à la création d'emplois et à l'amélioration de la qualité de la main-d'œuvre au Viêt Nam. Jusqu'à présent, les investissements directs étrangers ont directement créé plus d'un million d'emplois et indirectement de 3 à 4 millions d'emplois. Ce secteur attire environ 5 % des personnes qui entrent chaque année sur le marché du travail, ce taux étant d'environ 20 % en comptabilisant également les emplois indirectement créés. Le niveau du Viêt Nam est légèrement supérieur à la moyenne régionale qui est d'environ 10 % (juillet 2006). Des dizaines de milliers de cadres et techniciens vietnamiens ont reçu une formation professionnelle ou sont capables de remplacer des spécialistes étrangers dans la gestion des affaires et la maîtrise des technologies modernes.
51Cependant, les chances d'emplois ne sont pas également réparties, car les IDE sont concentrés dans les secteurs pour lesquels le Viêt Nam dispose des avantages en termes de main-d'œuvre et de débouchés tels que le textile et l'habillement, les chaussures et le cuir, le tourisme, les motocycles, ou dans les secteurs pour lesquels les entreprises locales ne sont pas compétitives en termes de capitaux et de technologies tels que le pétrole, les télécommunications, la construction automobile, l'électronique. Il existe une pénurie de main-d'œuvre pour les zones industrielles et les grandes villes en raison de la répartition inégale des IDE, de la restructuration économique des provinces et du niveau de la main-d'œuvre locale disponible.
52L’absence de qualité des ressources humaines constitue un grand obstacle au développement économique, à l'attraction des investissements étrangers et à la création d'emplois. L'avantage de la main-d'œuvre bon marché peut servir dans l'immédiat la stratégie de développement économique sur la base des exportations et de l'attraction des investissements étrangers, mais ne sera plus efficace à moyen et long terme et pourra même constituer une entrave au développement.
Question de débat :
53● Quelles sont les mesures à prendre pour dynamiser la création d'emplois à court, moyen et long terme ?
Rapports de travail sous l'effet de l'intégration internationale
54Durant les années du Doi Moi et d'intégration internationale, a été observé un nouveau phénomène social : des milliers de grèves ont eu lieu, principalement en raison du non-respect par les employeurs des droits des employés, prévus par le Code du Travail. Ainsi, 90 % des 1 500 grèves enregistrées depuis 1995 sont liées aux infractions au droit du travail par les employeurs (plus les infractions sont graves, plus les employeurs en tirent profit).
55Les motifs d'une grève peuvent être les suivants :
Manque de connaissances juridiques, notamment en ce qui concerne le droit du travail et les relations de travail ;
Incompatibilité entre employeurs et employés en termes de culture et de méthode de travail ;
Conflits d'intérêts entre employeurs et employés.
56Les dispositions actuelles du Code du Travail ne sont pas applicables en raison de leur complexité et de leur irréalisme. L'élaboration et l'application du Code du Travail semblent engendrer un antagonisme entre, d'une part, l'encouragement des investissements étrangers (notamment les IDE) en raison de l'atout que représente la main-d'œuvre bon marché, et d'autre part, la protection des intérêts des employés, la priorité d'attirer les investissements au profit de la croissance étant privilégiée.
57D'une manière plus générale, les politiques de développement des ressources humaines ne résultent pas encore d'une vision stratégique. En vue de répondre aux exigences de l'intégration économique internationale, le Viêt Nam est appelé à mettre en place une stratégie rationnelle de développement des ressources humaines. Cependant, une telle stratégie nécessaire au développement durable des ressources humaines n'est pas encore disponible. Il semble que le Viêt Nam ne mobilise pas suffisamment de moyens pour disposer des ressources humaines de haute qualité requises pour répondre aux exigences du processus d'industrialisation et de modernisation nationales et d'intégration internationale.
58Ce n'est pas seulement un modèle de développement et de croissance économique, mais également une politique qui touche l’Homme. Si les pressions relatives à l'emploi et aux autres demandes des employés ne baissaient pas, les conséquences sociales telles que l'inégalité sociale, les conflits sociaux, la délinquance ou les maux sociaux pourraient s'aggraver. Et alors, la croissance économique, aussi rapide soit-elle, ne pourrait pas compenser les dégâts liés à ces conséquences sociales.
Questions de débat :
59● Que faire pour développer un marché du travail stable, dans lequel les employeurs et les employés sont tous satisfaits de leurs rapports ? Compte tenu des conditions du Viêt Nam, quels sont les dispositifs juridiques et civils qui pourraient éventuellement mis en place pour défendre les intérêts des employés dans leurs rapports avec les employeurs ?
Migration sous l'effet de l'intégration économique internationale
60Le processus d'intégration internationale, qui accroît les IDE, les APD, les devises transférées de l'étranger et l'exportation de la main-d'œuvre, favorise la croissance économique et incite l'exode rural vers les zones urbaines et les pôles économiques. La migration devient aujourd'hui une stratégie d'existence d'un nombre considérable de paysans. Quelques 2,2 millions de travailleurs migrants remplissent les conditions nécessaires à la demande de séjour permanent dans les grandes villes (notamment Hanoï et Ho Chi Minh-Ville), à savoir disposer de plus d'un an de séjour ininterrompu dans leur ville de résidence et justifier d’un logement dans cette ville.
61L'enquête sur la migration au Viêt Nam menée en 2004 montre que 89,1 % des migrants ont un emploi et que 98-99 % des personnes dont la migration est liée à la recherche d'un emploi ou à l'amélioration du niveau de vie ont trouvé un emploi. Près de la moitié des migrants se livrent à un travail simple, 27 % au commerce et aux métiers artisanaux, 10,7 % à la manipulation des machines, 4,7 % à des postes de spécialistes ou d'administrateurs. Les hommes migrants travaillent principalement dans le secteur privé, le secteur collectif, le secteur étatique et le secteur à capitaux étrangers, alors que les femmes migrantes travaillent principalement dans les entreprises individuelles et en partie dans le secteur à capitaux étrangers.
62La majorité des travailleurs migrants ont atteint leur objectif économique. Les deux tiers d’entre eux ont un revenu plus élevé qu'auparavant, 12 % un revenu beaucoup plus élevé et 13 % un revenu invariable, le taux des personnes ayant un revenu moins élevé étant très marginal. Dans le secteur à capitaux étrangers, 88,1 % des travailleurs migrants ont un revenu plus élevé ou beaucoup plus élevé qu'auparavant. Les sommes envoyées par les migrants à leur famille à la campagne contribuent considérablement à la réduction de la pauvreté et au développement économique des milieux ruraux.
63Le droit de travail et les autres intérêts des travailleurs sont juridiquement protégés par leur contrat de travail. Seulement plus de deux cinquièmes (42 %) des travailleurs migrants avait un contrat de travail depuis plus de six mois au moment de l'enquête de 2004. Le taux de migrants ayant signé leur contrat de travail est de 86,9 % dans le secteur à capitaux étrangers, de 59,8 % dans le secteur privé local et de 93,6 % dans le secteur étatique. Cependant, seuls 3,5 % des migrants dans les entreprises individuelles ont signé leur contrat de travail. Dans le secteur à capitaux étrangers, 91,8 % des migrants bénéficient des intérêts offerts par leur employeur tels que les primes, les indemnités pour les heures supplémentaires, l'allocation de repas, etc.
64La plupart des migrants qui travaillent dans les villes et les zones industrielles n'ont pas envie de changer d'emploi. Seuls 13-21 % d'entre eux (en fonction des secteurs) sont désireux de changer d'emploi, en souhaitant notamment un revenu plus élevé. Dans le secteur à capitaux étrangers, 66,9 % des migrants sont contents de leur emploi et un tiers d'entre eux jugent bon leur revenu.
65Cependant, 45 % des migrants rencontrent des difficultés dans leur ville d'arrivée. La plus grande difficulté qu'est la recherche d'un logement convenable concerne environ trois cinquièmes de ces travailleurs. Les autres difficultés sont liées à l'accès à l'électricité, à l'eau et à la recherche d'un emploi (chaque difficulté concerne un cinquième de la population migrante). Environ 42 % des travailleurs migrants ne peuvent pas être immatriculés dans leur ville de résidence, ce qui est à l'origine des difficultés relatives à l'accès aux crédits, à la recherche d'un emploi, à l'enregistrement de motos, à la location d'une maison et aux études des enfants pour une grande partie d'entre eux.
66Si la pauvreté est caractérisée par sa dimension monétaire, elle se traduit également par l’accès insuffisant aux services sociaux essentiels, par les chances incomplètes et inégales, par le rôle réduit des personnes concernées…, une grande partie de la population délocalisée constitue donc un groupe émergent et croissant de pauvreté dans les villes. La pauvreté urbaine est un problème social de plus en plus criant durant le processus de croissance économique, l'intégration internationale de même que l’augmentation de l’exode rural.
Question de débat :
67● Que faire pour que la migration devienne une régulation de la main-d'œuvre au profit de la croissance économique, de la réduction de la pauvreté à la campagne et de la création des chances et d'une vie stable pour les travailleurs migrants dans les villes et les zones industrielles ?
2.5 - Développement humain
68Le Viêt Nam est en train de se développer sur la base de l'intégration internationale et du passage à une économie de marché à orientation socialiste. L'objectif central de ce processus est pour l'homme. Le développement humain au Viêt Nam a connu certaines réalisations, mais doit encore faire face à de nombreux problèmes.
69Au niveau national, les indicateurs du développement humain tels que le HDI (Indice de Développement Humain) et le HPI (Indice de Pauvreté Humaine) se sont considérablement améliorés durant la période 1999-2004, caractérisée par une intégration internationale intensive. Le HDI du Viêt Nam est passé de 0,611 en 1992 à 0,689 en 1999, puis à 0,731 en 2004. Le PIB par habitant a très rapidement augmenté (19 %) et a contribué aux deux tiers de la croissance de cet indicateur.
70Les IDE ont grandement contribué à la croissance économique et exercent donc une influence positive sur l'amélioration du HDI. Par ailleurs, les IDE ont considérablement contribué aux recettes budgétaires de l'Etat (en passant de 0,2 million de dollars en 1995 à plus de 1 000 millions de dollars en 2005), ce qui a permis d'augmenter de 30 % le montant total des dépenses budgétaires de l'Etat en faveur des secteurs sociaux tels que la santé, les assurances, la réduction de la pauvreté et la sécurité sociale..
71L'augmentation des investissements sociaux contribue à l'amélioration des autres indicateurs composant le HDI que sont l'espérance de vie et l'éducation. De plus, les investissements liés à l’APD et l'intensification de la coopération avec les organisations internationales et les pays étrangers dans les domaines de la santé (vaccination, équipements médicaux, formation du personnel, etc.), de la prévention et de la lutte contre le VIH/Sida, de la population et de la planification familiale, de l'éducation, de l'eau propre et de l'hygiène environnementale ont contribué à embellir l'image de l'éducation et de la santé publique, ce qui améliore les indicateurs relatifs à l'éducation et à l'espérance de vie.
72Tous les trois indicateurs composant le HPI se sont améliorés durant la période 1999-2004. Le taux de misère matérielle (P3) a baissé le plus en passant à 21,3 %. Cela était dû à la fois à la baisse du taux des enfants de moins de 5 ans sujets à la malnutrition et à la baisse du taux des personnes n'ayant pas accès à l'eau propre. Le HPI, qui reflète le niveau de pauvreté du Viêt Nam, est passé de 21,1 % en 1999 à 15,1 % en 2004, la réduction de la pauvreté étant donc le plus grand succès du Viêt Nam durant ces deux dernières décennies. Les deux autres indicateurs que sont le taux de personnes ayant une espérance de vie inférieure à 40 ans et le taux des adultes analphabètes ont baissé moins vite.
73La forte réduction du taux de misère matérielle est due aux aides des organisations internationales par le biais des programmes d’eau potable et d'hygiène rurale ainsi que des programmes de soins sanitaires aux enfants. Le taux des personnes ayant accès à l'eau potable a doublé depuis 10 ans (1993-2002) pour passer de 26,2 % à 48,5 %. Le taux des personnes ayant accès à l’eau potable dans les milieux ruraux est passé de 39,6 % en 1993 à 54 % en 2003. Cette amélioration a aussi été observée dans les régions les plus pauvres : le taux d'accès à l'eau propre est passé de 29 % à 48 % dans la région montagneuse du Nord et de 31 % à 46 % dans les hauts plateaux de Tay Nguyen durant la période de 1999 à 2003. Les programmes d’eau potable et d'hygiène rurale représentent 16 % des aides étrangères (787 milliards de dôngs). Par ailleurs, beaucoup de programmes d'aide bilatérale visent aussi à alimenter en eau potable les zones rurales et urbaines. Il s'agit par exemple des projets d’adduction d’eau en partenariat avec la Finlande, le Luxembourg, les Pays-Bas, etc.. La part des crédits budgétaires de l'Etat dans le Programme d’eau potable et dhygiène rurale s'élève à 18 % du montant total. Cette contribution notable est liée à la forte augmentation des versements au budget de l'Etat par les projets d'IDE (décembre 2006).
74Cependant, l'amélioration des indicateurs d'éducation et d'espérance de vie est beaucoup plus limitée par rapport à la croissance économique, ce qui nécessite des efforts supplémentaires pour améliorer davantage l'indice de développement humain. Dans le contexte où l'intégration économique internationale est de plus en plus forte et où l'adhésion à l'OMC suppose la transformation de la santé et de l'éducation en secteurs de services, la socialisation croissante de ces deux secteurs exerce-t-elle des influences négatives sur l'indice de développement humain, en ce qui concerne l'éducation et l'espérance de vie ?
75Le Viêt Nam a aussi obtenu certains progrès en d’égalité entre les sexes. En 2004, l'indice d’égalité entre les sexes était assez élevé : 0,73. Les indicateurs d’égalité en matière de revenu, d'éducation et d'espérance de vie sont aux alentours de 0,72. Cependant, l'indice d’égalité entre les sexes ne tient pas compte de certains aspects tels que les pourcentages très inégaux des adultes analphabètes chez les femmes et les hommes (10,2 % contre 5,4 % en 2004). Par ailleurs, l'attribution du pouvoir aux femmes est très limitée.
76L'amélioration de l'indice de développement humain est enregistrée dans toutes les provinces et les écarts entre les provinces sont aussi réduits. L'indice de développement humain d'une province est étroitement lié à sa croissance économique, qui dépend beaucoup de l'amélioration de l'environnement pour les affaires dans la province. Les 10 premières provinces en termes d'indice de développement humain sont les provinces qui réussissent à drainer beaucoup d'IDE, à savoir Ba Ria - Vung (notamment pour le tourisme et le pétrole), Ho Chi MinhVille, Hanoi, Hai Phong, Quang Ninh, Da Nang, Binh Duong, Khanh Hoa, Dong Nai et Hai Duong. Cependant, la croissance économique peut aggraver les inégalités, ce qui explique pourquoi les rangs de certaines provinces en termes de HDI ne correspondent pas ceux obtenus à partir de la croissance de leur PIB. Pour améliorer le développement humain, il faut améliorer l'environnement des affaires et la compétitivité au niveau du pays, des régions et des provinces, tout en prenant de différentes mesures en vue de limiter les inégalités et de réduire la pauvreté en faveur des groupes sociaux défavorisés.
Questions de débat :
77● L'intégration internationale fait-elle perdre au Viêt Nam une partie de ses avantages lui permettant de maintenir et d'améliorer son HDI dans les domaines de l'éducation et de la santé ? La croissance du PIB par habitant du Viêt Nam est rapide, mais l'augmentation de cet indicateur en valeur absolue est faible par rapport à d'autres pays de la région. Alors, de quels avantages et de quelles opportunités dispose le Viêt Nam pour maintenir et améliorer son HDI dans les prochaines années ?
3 - Certaines suggestions de politiques
3.1 - Sélection des objectifs prioritaires de développement
78L'adhésion à l'OMC marque une nouvelle étape de développement du Viêt Nam, qui compte devenir un pays à revenu intermédiaire en 2010. Le Viêt Nam sera tout à fait en mesure de mener à bien cette tâche très difficile, s'il réussit à résoudre les problèmes de développement. La voie du développement est ouverte au Viêt Nam qui est appelé à prendre la décision difficile de privilégier certains objectifs de développement aux dépens de certains autres. Par exemple, il faut résoudre le conflit entre d’une part l'intégration totale dans l'économie mondiale en vue de tirer un meilleur profit des occasions de marché et d’autre part l'exposition à des risques accrus liés aux fluctuations du marché et à la récession économique soudaine, ce qui était le cas des pays asiatiques dans la crise financière de 1997. C'est le choix entre, d'une part, l'augmentation rapide du revenu des pôles économiques, l'accroissement relatif de la pauvreté des autres régions, les écarts accrus de revenu entre les habitants des pôles économiques et les autres groupes sociaux, notamment les minorités ethniques, et d'autre part, les politiques de régulation visant à réduire la stratification sociale. Une question à ce propos : le Viêt Nam doit-il limiter sa croissance économique rapide (si oui, à quel niveau) pour renforcer ses objectifs sociaux et humains en vue de garantir la qualité de la croissance et la durabilité du développement qu'il fixe comme principe depuis plusieurs décennies ?
79Il peut y avoir plusieurs approches pour sélectionner les objectifs prioritaires de développement. L'approche pour le développement, qui s'intéresse plus à la qualité de la croissance qu'à sa vitesse et qui est attentive au maintien des réalisations existantes, mérite d'être prise en compte. L'amélioration de la qualité de l'allocation des ressources, qui sont assez limitées, constitue la première priorité.
80La "stabilité de la vie de la population" et la "justice sociale" doivent être au moins au même niveau de priorité que "l’augmentation de la croissance économique", ce qui doit se traduire par les politiques concrètes. C'est l'assurance de l'orientation socialiste du développement de l'économie de marché au Viêt Nam. Il faut donc une grande unanimité à ce propos pour guider l'élaboration des politiques et des textes juridiques et pour les faire appliquer à tout le système politique. La préférence d’une croissance économique dynamique dans l'élaboration ou l'exécution des choix politiques pourrait considérablement accroître la part de la population qui ne bénéficie pas équitablement des résultats de cette croissance et augmenter exagérément les inégalités sociales, ce qui serait à l'origine d'une psychologie sociale défavorable et une instabilité sociale indésirable. Cette situation entraverait la croissance.
81Par ailleurs, il faut renforcer la transparence, la démocratie et la responsabilité des organismes de l'Etat de manière à justifier leurs choix politiques. Les politiques relatives à la gestion durable de l'environnement et des ressources naturelles doivent être prises en considération pour assurer un développement durable sur tous les aspects économique, social et environnemental.
82L'analyse des impacts positifs et négatifs, directs et indirects, diversifiés et complexes de l'intégration économique internationale et de l'adhésion à l'OMC montre la nécessité de choisir certaines priorités pour la prochaine étape de développement en vue d'améliorer la qualité de la croissance et d'assurer le développement durable. Ces priorités pourraient êtres les suivantes :
Continuer à rénover les institutions et à améliorer la capacité et l'efficacité de la gestion de l'Etat en tenant compte de la croissance économique, de l'évolution sociale et des conditions d'une économie de marché ;
Etablir un système de sécurité sociale populaire conformément au passage à une économie de marché à orientation socialiste et à l'intégration économique internationale ;
Socialiser les services sociaux essentiels, en assurant l'accès facile des groupes sociaux défavorisés à ces services.
3.2 - Il faut continuer à rénover les institutions et à améliorer la capacité et l'efficacité de la gestion de l'Etat en tenant compte de la croissance économique, de l'évolution sociale et des conditions d'une économie de marché
83Les institutions que le Viêt Nam doit rénover en priorité concernent les secteurs pour lesquels le Viêt Nam est moins développé que les autres pays de la région et n'est pas à la hauteur des exigences de l'économie de marché et de l'intégration économique internationale, à savoir les finances, le travail et la sécurité sociale, la transparence et la lutte contre la corruption. Les politiques évoquées dans la partie 2.1 telles que la politique agraire, l'indemnisation des expropriations, les dispositions relatives à la grève dans le code du travail, la négociation collective, le droit de séjour, etc. doivent être réajustées en vue de concilier les intérêts de toutes les parties concernées sans trop altérer l'encouragement des investissements et la croissance. L'application de ces politiques doit aussi être rigoureusement surveillée en vue d'assurer la justice sociale. Par ailleurs, l'élaboration du cadre juridique doit refléter non seulement la transition économique, mais également le changement des relations entre l'Etat et la société, en prévoyant des dispositions relatives à la société civile pour qu'elle puisse participer à la fourniture des services et à l'assurance de la démocratie de la base. Le renforcement du réalisme et de la cohérence des textes juridiques doit aussi être pris en considération. L'accès facile des groupes défavorisés et vulnérables aux services d'assistance juridique est un axe de la réforme judiciaire.
84L'amélioration de l'efficacité de l'appareil d'Etat est étroitement liée aux réformes de l'administration publique, qui privilégient la restructuration des organismes étatiques en vue de simplifier et de clarifier leurs fonctions, la simplification des formalités administratives, la mise en place d'une administration électronique, la rénovation de la gestion et de la formation des cadres et fonctionnaires, l'amélioration de la responsabilité et la déontologie des fonctionnaires, la réforme des salaires, l'allocation des crédits budgétaires en fonction de la performance, etc. L'amélioration de la responsabilité d'explication des organismes de l'Etat, la mise en valeur du rôle de contre-argument social et de surveillance sociale de la société civile et le renforcement de la surveillance communautaire sont très importants. Il convient d'institutionnaliser les référendums.
3.3 - Etablir un système de sécurité sociale populaire conformément au passage à une économie de marché à orientation socialiste et à l'intégration économique internationale
85La réduction de la pauvreté est un réel succès du Viêt Nam durant la période récente. Cependant, la pauvreté est de plus en plus concentrée au sein des minorités ethniques. Par ailleurs, l'intégration économique internationale, le développement de l'économie de marché, la forte croissance économique, l'urbanisation accrue et l'industrialisation font émerger de nouveaux groupes de personnes pauvres pour des raisons structurelles, ce qui crée des risques portant préjudice à une large population, tels que les faillites, le chômage, les accidents de travail, l'expropriation des terres agricoles et les fluctuations du marché, ou les atteintes à la santé, qui pourraient mettre un ménage dans une situation catastrophique si ces atteintes devaient affecter son travailleur principal. La dégradation de l'environnement dans le monde et au Viêt Nam accroît les calamités naturelles et les épidémies qui ont des impacts profonds sur l'économie, la société et l'environnement. Il est donc très nécessaire d'établir un système de sécurité sociale qui limite les risques en faveur du peuple en général et des populations défavorisées, ou vulnérables en particulier. Il doit être conforme au passage à une économie de marché à orientation socialiste et à l'intégration économique internationale.
86Pour les minorités ethniques, il convient de perfectionner davantage les programmes à dimension nationale, malgré leurs premiers résultats positifs, en tenant compte des particularités des différentes minorités ethniques dans les différentes régions. Les politiques d'attribution de forêts ou de terres agricoles, de promotion agricole ou sylvicole, d'information commerciale…, qui sont adaptées aux particularités des minorités ethniques et des localités bénéficiaires en vue d'assurer les moyens d'existence durables pour les populations concernées sont essentielles
87Les catastrophes naturelles, les épidémies et les fluctuations du marché sont des drames qui sont de plus en plus graves et qui touchent une population de plus en plus importante. Chaque année, un million d'habitants ont besoin d'aide urgente en raison des catastrophes naturelles. La fluctuation des prix, notamment ceux des produits de base depuis l'intégration économique internationale et le développement de l'économie de marché, a ruiné des paysans dans les secteurs du sucre, du café, de l'anacardier, des produits de la mer, etc.. Les épizooties telles que la grippe aviaire, la fièvre aphteuse, la fièvre porcine… ont bouleversé la vie des dizaines de milliers de familles paysannes. La création et le développement du système des assurances productives sont impératifs, mais très difficiles à mettre en oeuvre.
88L'établissement d'un système de sécurité sociale populaire, qui favoriserait plusieurs formes d'assurance et qui serait ouvert au secteur d’économie informelle, est nécessaire. L'élargissement de la sécurité sociale au secteur informel est d'autant plus nécessaire que l'industrialisation et la modernisation du pays s'accélèrent et que l'urbanisation accroît l'exode rural et développe le modèle de famille nucléaire. Il faut restructurer le système des pensions de retraite pour encourager les travailleurs à cotiser pendant une longue période et déclarer exactement leur revenu. Il convient d'aider les personnes pauvres et les personnes dont le niveau de vie est légèrement supérieur au seuil de pauvreté à cotiser au régime facultatif de la sécurité sociale. En raison de la jeunesse de la population jeune et de l’augmentation du nombre de salariés durant le développement économique, les recettes du fonds de sécurité sociale vont augmenter, ce qui nécessitera donc une gestion rigoureuse et efficace. La mise en place d'un code de sécurité sociale pour les particuliers pourrait accélérer la création d'un système de sécurité sociale populaire et résoudre plusieurs autres problèmes liés à l'assurance-maladie, au changement du lieu de travail et du lieu de résidence, etc..
89A propos du marché du travail, il faut créer prochainement l'allocation de chômage pour permettre aux travailleurs de se prémunir contre les risques économiques. Il faut mettre en place également un fonds de sécurité sociale et un régime adapté d'allocation en faveur des employés maintenant en surnombre du fait de la réorganisation des entreprises publiques, notamment les plantations agricoles et sylvicoles. L'expérience relative au traitement de 120 000 travailleurs excédentaires des entreprises publiques grâce à un budget de 300 millions de dollars est bonne et doit être répétée. Il faut aussi veiller à favoriser le maintien de l’économie informelle à la campagne et dans les villes comme un instrument nécessaire à la création des emplois et à la prévention contre les risques. Il faut encourager les personnes handicapées (environ 5 millions de personnes dans tout le pays) à travailler et à s'insérer dans la société. Il convient d'établir un mécanisme de négociation collective adapté à l'économie de marché moderne.
3.4 - Socialiser les services sociaux essentiels, en assurant l'accès facile des groupes sociaux défavorisés à ces services
90Une exigence de l'adhésion à l'OMC est que l'éducation et la santé soient considérées comme des services. Par ailleurs, l'évolution sociale et le développement économique supposent l'amélioration de la qualité de ces secteurs importants, notamment lorsque le Viêt Nam s'efforce de devenir un pays à revenu intermédiaire. La « socialisation » (qui consiste à faire payer les usagers) est la solution au développement et à l'amélioration de la qualité des services sociaux principaux. Cependant, la « socialisation » des services sociaux principaux rendra insupportable les frais de ces services pour les groupes sociaux défavorisés. C'est un conflit à traiter conformément aux particularités de chaque secteur de services et de chaque catégorie de personnes défavorisées.
Sur la socialisation de l'éducation
91Il faut assurer la scolarité gratuite dans les écoles publiques pour les cycles d’enseignement généralisé, tout en encourageant le développement des écoles privées.
92Pour améliorer la qualité de l'éducation, il convient de mettre en place les normes d'évaluation de l'efficacité de ce secteur, tout en élargissant le régime de l'enseignement à deux séances par jour dans les écoles primaires, puis dans les collèges. L'application obligatoire du régime de l'enseignement à deux séances par jour remédiera à une lacune de l'éducation vietnamienne qu'est le faible nombre des heures de cours, limitera la contribution des parents aux études de leurs enfants (le régime d'enseignement à une séance par jour oblige les parents qui souhaitent faire étudier leurs enfants à l'école toute la journée à payer une somme supplémentaire qui est élevée pour les familles pauvres) et réduira les inégalités en matière d'accès à l'éducation. Cependant, l'application du régime d'enseignement à deux séances par jour nécessitera la restructuration des crédits budgétaires pour l'éducation en vue d'augmenter les dépenses pour la construction des structures scolaires. La période actuelle est favorable à l'application de ce régime, car le nombre d’enfants en âge de scolarisation dans le primaire est en forte décroissance. Par ailleurs, il faut concentrer les aides sur les enfants ne pouvant pas aller à l'école, notamment les enfants issus des minorités ethniques, les enfants démunis, les enfants non immatriculés dans les villes et les enfants handicapés. La construction des écoles doit tenir compte des normes en faveur des élèves handicapés. La fourniture des équipements adaptés et la formation des enseignants pour les élèves handicapés ne doivent pas être négligées.
93Pour l'enseignement supérieur et la formation professionnelle, il convient de solliciter le secteur non public et augmenter l'autonomie des universités publiques en vue d'améliorer la qualité de la formation et d'adapter la formation aux besoins du marché. A propos du renforcement de l'autonomie, il faut rénover les mécanismes incitatifs et gestionnaires des universités publiques presque de la même manière que dans les entreprises publiques. Il est souhaitable de lier les entreprises aux universités sous différentes formes en vue d'accroître les recettes financières des universités. Par ailleurs, l'Etat doit maintenir ses subventions pour les laboratoires de recherche, les bibliothèques et les sciences fondamentales. Il convient d'établir des mécanismes pour encourager les chercheurs étrangers et les chercheurs vietnamiens résidant à l'étranger à contribuer au développement national, ainsi que les universités étrangères et les établissements étrangers de formation professionnelle à investir au Viêt Nam.
94L'augmentation des frais de scolarité constituera une ressource importante pour l'enseignement supérieur et la formation professionnelle. Il faut supprimer tous les frais autres que les frais de scolarité. Il est souhaitable que l'Etat ait des bourses et des crédits à taux préférentiels pour les élèves démunis. En fait, le Premier ministre a émis des décisions dans ce sens. L'organisation des examens et des évaluations en vue de réajuster les dispositifs en vigueur est nécessaire pour assurer que les aides soient effectivement destinées aux élèves démunis ayant de bons résultats de leurs études.
Sur la socialisation de la santé
95En dépit des réalisations significatives relatives à la mise en œuvre des Objectifs du Millénaire et à l'amélioration de l'indice de développement humain, les inégalités sociales dans le domaine des soins sanitaires augmentent. Les exemptions et les réductions des frais de soins sanitaires ne profitent pas vraiment aux personnes pauvres. Bien que l'Etat augmente la part des crédits budgétaires pour la santé (de 5 % du budget de l'Etat en 2005 à 8 % en 2008), le secteur de la santé est appelé à mobiliser plusieurs ressources financières pour faire face aux dépenses sanitaires croissantes en raison des besoins nouveaux, de la nouvelle structure des maladies et de la population vieillissante. La socialisation du secteur de la santé est inévitable pour apporter les ressources supplémentaires à ce secteur important dans le domaine des services sociaux.
96Il faut une stratégie qui permette au système d'assurance-maladie de couvrir progressivement toute la population et qui prenne en charge le malade plutôt que de subventionner les hôpitaux.
97La difficulté actuelle réside dans la fixation de la prime d'assurance-maladie. Si cette prime augmentait trop pour équilibrer les recettes et les dépenses en transférant la charge financière aux employés et à leurs employeurs, la sécurité sociale pourrait perdre sa légitimité et entraîner une chute de la participation à cette assurance. Il convient d'enquêter sur les besoins de soins sanitaires des différents groupes de la population, sur les dépenses réelles pour ces services et sur la tendance des dépenses en matière sanitaire en vue de concevoir un programme approprié d'assurance-maladie. Il faut établir un mécanisme de règlement des services, qui encourage la réduction des dépenses en assurant les thérapies convenables en fonction des indicateurs pathologiques. Il convient d'avoir un mécanisme de réception des réclamations des usagers de services en vue d'accompagner le suivi professionnel. Il est souhaitable que la Sécurité sociale devienne le grossiste de l'assurance-maladie en vue d'inciter la concurrence en matière de fourniture des services sanitaires.
98Par ailleurs, l'élargissement du régime facultatif doit impliquer largement les organisations sociales telles que les associations de paysans, de femmes, etc. en vue d'assurer la viabilité financière du programme. L'Etat est appelé à maintenir ses subventions pour les soins sanitaires en faveur des personnes pauvres, des personnes quasiment pauvres et des habitants issus des minorités ethniques ainsi que pour le développement du réseau local de médecine préventive.
99Il faut enfin étudier la création de fonds sanitaires et des mécanismes permettant de faire face aux catastrophes qui constituent aujourd'hui un risque croissant.
Bibliographie
WB. Báo cáo phát triển Việt nam 2007. 12/2006
Vữ Tuấn Anh-Nguyển Xuân Mai. Những biến đổi kinh tế-xã hội cua hộ gia đình. NXBKHXH, 2007-10-09
Viện KHXH Việt Nam. Báo cáo cập nhập nghèo 2006. Nghèo và giẩm nghèo ổ Việt nam giai đoạn 1993-2004. NXB CTQG. Hà Nội. 2007.
Kế hoạch phát triển kinh tế -xã hội 5 năm 2006-2010. Hà Nội. 7/2006
Viện KHXH Việt Nam. Phát triển con người Việt nam 1999-2004. Những thay đổi và xu hường chủ yếu. NXBCTQG. Hà Nội. 2006
Viện Nghên cứu QLKT TW. Báo cáo đánh giá chính sách khuyến khích đầu tư trự̣c tiếp nước ngoài từ góc độ phát triển bền vững. Hà Nội. 2006
TCTK, UNFPA. Điếu tra di cư Việt nam năm 2004 : Chất lượ̣ng cuộc sống của người di cư.
Viện Nghiên cứu QLKT TW. Tác động của FDI tới tăng trưởng kinh tế ở Việt Nam. Hà Nội. 2006
NHTG. Nghèo. Hà Nội. 2003
BCĐTW Chương trình 135. Báo cáo kết quả thự̣c hiện Chương trình 135 giai đoạn 1999-2004. Hà Nội. 2005
Tình hình vận động và sử dụng ODA thời kỳ 2001-2005 và những bài học rút ra. HN, 2006. http://www.thanhtra.gov.vn
Viện Nghiên cứu QLKT TW. Đầu tư nước ngoài tại Việt nam hậu WTO. 2007. MPI.Gov.Vn
Auteurs
Institut de Sociologie, Académie des Sciences Sociales du Viêt Nam, Hanoi
Institut de Sociologie, Académie des Sciences Sociales du Viêt Nam, Hanoi
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Malaisie - Chine : une « précieuse » relation
David Delfolie, Nathalie Fau et Elsa Lafaye de Micheaux
2016
L'Or Blanc
Petits et grands planteurs face au « boom » de l’hévéaculture (Viêt Nam-Cambodge)
Frédéric Fortunel et Christophe Gironde (dir.)
2014
Le Soft power sud-coréen en Asie du Sud-Est
Une théologie de la prospérité en action
Hui-yeon Kim
2014
Investigating the Grey Areas of the Chinese Communities in Southeast Asia
Proceedings of the Symposium organised by IRASEC at the Hotel Sofitel Silom (Bangkok) on January 2005, 6th and 7th
Arnaud Leveau (dir.)
2007
State and Media in Thailand During Political Transition
Proceedings of the Symposium organized by the French Embassy, the German Embassy, the National Press Council of Thailand and Irasec at the Thai Journalist Association Building on May 2007, 23rd
Chavarong Limpattamapanee et Arnaud Leveau (dir.)
2007
Mekong-Ganga Cooperation Initiative
Analysis and Assessment of India’s Engagement with Greater Mekong Sub-region
Swaran Singh
2007